lifestyle strasbourg
calmos
resto tranquillou
benoÎt jacquot au star casanova in love
les jardins de gaïa socié'thé alsacienne
m a g a z i n e
magazinemix.fr
#235 avril 2019
strasbourg
édito
© Claude Grétillat / Poste4
melancholia « Chacun a droit à son quart d’heure de vieux con », disait Andy Warhol, affaissé, sous le poids d’un lourd Polaroid pendant à son cou. À moins qu’il ne s’agisse d’une phrase de mon collègue Hervé pestant devant Le Rocher du sapin converti en KFC, je ne me souviens plus trop… Reste que c’est avec un gros pincement nostalgique au cœur que nous avons participé à la soirée de départ nommée Tschüssi-Boum du Maillon (samedi 23 mars), organisée pour dire au-revoir au bâtiment du Wacken, bientôt figure de proue du nouveau Quartier des affaires strasbourgeois. Le théâtre traversera la route pour s’installer en face, tandis que la bâtisse actuelle (de 1924) s’apprête à être détruite (mise à part la façade, ouf) et métamorphosée en clinquant hôtel de luxe et siège de Puma. En lieu et place du Stade Tivoli, s’élève une black box de 6 900 m2 où l’équipe du théâtre prendra place en septembre (date de remise des clefs). Deux salles (de 250 et 700 places), un vaste espace de restauration, un immense hall d’accueil à ciel ouvert, un lieu modulable « adaptable aux formes les plus atypiques », rassure Alain Fontanel, premier adjoint au maire de Strasbourg. Un équipement « répondant aux exigences artistiques contemporaines et
16 rue Teutsch - 67000 Strasbourg - magazinemix.fr &
européennes », selon Barbara Engelhardt, directrice. Lors de la fête d’adieu au Wacken, le DJ moustachu Vladimir Spoutnik tente le tout pour le tout afin que la chenille redémarre, mais le temps est plutôt aux souvenirs et confidences : le char d’assaut de Romeo Castellucci pointant son canon vers le public (le spectacle Tragedia Endogonidia), les intrigantes boîtes où le spectateur pénétrait, seul, et rencontrait Quelques gens de plus ou de moins (du collectif Art Point M), Pierre Maillet montrant ses jambes (si vous saviez !), de tardives projections nocturnes d’Art vidéo, d’interminables discussions avec des comédiens de Jan Fabre en aftershow sur les canapés vintage du bar ou même des couples se (dé)faisant derrière la billetterie… Des trémolos dans la voix, une “historique” de la structure se souvient de « la joie et de la chaleur émanant des centaines de personnes dansant, parfois sur les tables, après le marathonien festival Premières ». Chacun y va de son anecdote, tandis que les bulldozers approchent.
# Emmanuel Dosda
facebook.com/mgzmix
mix.strasbourg
Directeur de la publication julien.schick@bkn.fr | Service commercial +33 (0)3 90 22 93 36 | Contact France linda.m@bkn.fr | Contact Allemagne sarah.krein@bkn.fr Contact rédaction emmanuel.dosda@bkn.fr | Développement web Cécile Bourret | Graphisme anais.guillon@bkn.fr, alicia.roussel@bkn.fr, Anaïs Holtzer (stagiaire du studio graphique)| Éditeur BKN ÉDITEUR Sarl au capital de 100 000 € RCS : 402 074 678 | +33 (0)3 90 22 93 30 — bkn.fr | Photo de couverture Cookie Dingler photo de Benoît Linder | Imprimé chez Ott Imprimeurs à Wasselonne | Dépôt légal Mars 2019
235 l
—3
LE CAS KELLY Tous les deux ans, le TAPS collabore avec le Conservatoire à rayonnement régional de Strasbourg. Olivier Chapelet met en scène ADN (Acide Désoxyribo Nucléique) au Taps Laiterie (02-05/04, entrée libre sur réservation) la pièce coup de poing de l’anglais Dennis Kelly. Une mort accidentelle dans une bande de copains génère des déflagrations sur leur vie. Avec les étudiants du Cycle à Orientation Professionnelle associés à ceux de la Haute École des Arts du Rhin (pour la scénographie, les costumes, la lumière et la composition musicale) naît une production sans pareille. # J.J. taps.strasbourg.eu
© Jean-Louis Fernandez
brèves
VOLEURS DE CHANSONS
MOTS POUR MAUX
Boogrr ! (24-27/04, Espace K, dès 5 ans), c’est un duo (Boogrr et Bigrr) qui jouent des chansons « empruntées » pour les « libérer de leurs carcans » avec les enfants. Des titres pour les kids futés avec pour tube : « Si tu es triste parce que ton hamster meurt, écrasé par les fesses de ta grand-mère, Super doudou est là, avec sa cape et son bazooka. » On rit (beaucoup), on chante (autant qu’on veut) et on s’amuse (tout le temps). # J.J.
Stanislas Nordey se met en scène au TNS dans Qui a tué mon père (02-15/05), dernier livre engagé d’Édouard Louis réglant son compte aux politiques de tout bord ayant contribué à la domination des corps des travailleurs ces dernières années. Une parole très politisée, assez rare sur les plateaux français, qui revisite les réformes nous gouvernant tout en permettant de repenser leurs conséquences du point de vue de ceux qu’on relègue trop souvent dans la “France d’en bas” et qu’un président socialiste nommait “les sans dents”. # J.J.
espace-k.com
tns.fr
Le Diapason (Vendenheim) prend des sonorités italiennes en accueillant la Cie Lavaro Nero Teatro. N’Toni (24 & 25/04, en italien surtitré en français) est un migrant économique du XIXe siècle, fuyant la misère sociale née de la révolution industrielle. Ce pêcheur sicilien, qui n’arrive plus à joindre les deux bouts, est une victime du progrès, guidé par une modernité que personne ne 4—
l 235
contrôle et qui écrase tout sur son chemin : les modes de vie ancestraux, les savoirfaire… Une histoire en miroir à l’actualité, où les mêmes causes poussent des gens en détresse à traverser la mer pour s’échouer sur les côtes siciliennes que quitta, en son temps, notre héros. # J.J. vendenheim.fr
© Eve Guerrier
Cristiano Nocera © Michel Koebel
Made in Italy Nouvelles créations L’espace sportif et socioculturel de Duttlenheim accueille une quarantaine de plasticiens, peintres, sculpteurs et photographes pour art67. La 5e édition de cette biennale des artistes du Bas-Rhin (04 & 05/06, entrée libre) est placée sous le parrainage d’Hocine Ziani dont les peintures regorgent d’une lumière et d’un réalisme époustouflants ! Les couleurs chatoyantes d’Eve Guerrier, 1er prix de la dernière édition, donneront le ton d’un rendez-vous des plus attrayants. # J.J. duttlenheim.fr
brèves
ANTONIA NOUS FAIT UNE SCÈNE PLACESr
e à gagn
0 VOIR P.3
© Paola Guigou
Une prof de SVT, une jeune maman dépassée… Pour la galerie de portraits décrite dans Moi jeu !, Antonia de Rendinger a longuement observé autour d’elle. Et surtout écouté : « Je suis très sensible à la voix, aux accents et aux tics de langage. J’aime la truculence des métaphores et le vocabulaire des différentes “tribus” qui colorent leur manière de parler. » En dix sketches, elle incarne plus de trois dizaines de personnages de tous âges, petite fille ou vieille dame. « Sur scène, je me désolidarise totalement de moi-même, j’entre en transe, dans la peau d’une autre ! » Un je (dangereux ?) à découvrir en un nouveau lieu de 500 places (ouverture le 30/03), La Scène de Strasbourg, 1 rue Lafayette (à 3 minutes de l’arrêt Krimeri), plaine des Bouchers à la Meinau, le 03/05. # E.D. happycomedie.com/theatres/la-scene-de-strasbourg
VIVEMENT MAI !
6—
© Kristin Lee Moolman
antonia-le-site.fr
LABICHE PUISSANCE 2
ENFIN !
Pelpass (16-18/05) ? L’un des plus coolos festivals du coin, au Jardin des deux Rives (Strasbourg), dans une ambiance bon enfant, des produits locaux, une organisation canon et une prog’ aux petits oignons : Rubin Steiner, Cadillac, Drame ou encore Baloji, artiste puisant dans l’héritage africain pour composer une musique sans frontières, entre afro-beat, rumba congolaise et hip-hop marabouté. # E.D.
Le Cube noir (Kœnigshoffen) accueille la Compagnie Haliotides pour Labiche ou Labiche (06-14/04) regroupant deux pièces en un acte : Le Mystère de la rue Rousselet et Les Deux timides. Les portes claques, les mots aussi. C’est drôle, cinglant, émouvant. Du bon, du beau Labiche ! # H.L.
Géraldine Farage, ancienne directrice du Shadok, étant partie vers d’autres contrées – le Pôle Pixel à Lyon –, son poste est resté vaquant depuis octobre dernier… Ouf, son remplaçant vient d’être désigné et l’équipe en place parle déjà d’« une bonne nouvelle » : Nicolas D’Ascenzio, actuel Directeur général de l’Association TCRMBLIDA à Metz, prendra ses fonctions mimai. Welcome ! # E.D.
pelpass.net
trois14.org
shadok.strasbourg.eu
l 235
reportage
Arlette Rohmer en Afrique du Sud
THÉ D’ICI Entre business woman et hippie vêtue d’étoffes exotiques, Arlette Rohmer a créé Les Jardins de Gaïa il y a 25 ans ! Visite d’une entreprise, à Wittisheim, qui travaille des thés bio et équitables, « de la feuille à la tasse ». # Emmanuel Dosda Thés noirs du Darjeeling ou verts du Fujian, wu long taïwanais, matcha de Kyoto, maté brésilien, rooibos des hauteurs d’Afrique du Sud ou tisanes de plantes issues de coopératives : Les Jardins
de Gaïa proposent quelque 600 variétés de produits sélectionnés aux quatre coins du monde et conditionnés à quelques kilomètres de Strasbourg. Alors qu’on déguste des crus issus de Thaïlande, 235 l
—7
REPORTAGE
Sarah, formatrice à l'école de thé
infusés dans une petite théière en terre cuite – « pour sublimer le goût qui y est concentré » nous confie Sarah, maîtresse d’une cérémonie très codifiée –, l’élégante Arlette Rohmer, fondatrice de la maison, se rappelle son enfance. La période bénie où, petite, elle concoctait des mixtures dans le jardin de sa grand-mère : primevère, mélisse, menthe… Plus tard, elle videra son compte en banque, vendra sa 404 Break et se rendra en Grèce et au Maroc, au Bénin ou au Mexique. Éducatrice pour jeunes filles en difficulté à l’époque, elle parcourt la planète en taxi-brousse, en autostop ou à bord de sa 2CV customisée avec Peanuts et symboles Peace & Love. « Easy life », résume Arlette qui se met à vendre des huiles essentielles et autres produits bio lorsqu’elle rencontre un producteur 8—
l 235
de thé de Ceylan sur un salon. Il deviendra son mentor. Aujourd’hui encore, le thé permet à notre éternelle baroudeuse de voyager et d’aller à la rencontre de personnes et de terroirs, d’encourager la culture biologique. « Il y a vingt ans, on nous prenait pour des allumés », s’amuse celle qui est à la tête d’une société de 75 salariés située dans un recoin de Wittisheim sans âme, mais métamorphosé en havre zen, avec jardins à la japonaise, boutique parfumée et salon de dégustation. En coulisses, des personnes en blouse, charlotte sur la tête, gèrent le stock de feuilles venues d’Inde, du Sri Lanka, de Birmanie, du Laos ou de Corée du Sud. D’autres empaquettent les plantes, les analysent tels des laborantins ou réalisent des mélanges. Il s’agit de cocktails “maison” mêlant thés, arômes
photos : Les Jardins de Gaïa
reportage
naturels (mangue, pêche, vanille…), huiles essentielles (citron, orange, bergamote…), pétales de camomille ou de rose, morceaux de fruits ou légumes lyophilisés, écorces de mandarine ou copeaux de noix de coco. Commerce équitable, agriculture biologique, prédilection pour le transport (300 tonnes de thé chaque année !) par voie maritime, rapport de confiance envers les producteurs payés au juste prix, valorisation de la monoculture : ces termes, en 2019 on ne peut plus d’actualité, sont défendus par Les Jardins de Gaïa depuis ses débuts. « L’économie doit nécessairement être éthique de nos jours », insiste la cheffe d’entreprise militante dans des effluves épicés, parmi des produits aux mille vertus.
Les 25 ans des Jardins de Gaïa Concert de Tiken Jah Fakoly vendredi 24/05 (20h) et visite festive durant le journée du 25/05 (10h-19h) : portes ouvertes en présence des producteurs de thé & épices, dégustations de thés de printemps, conférences, bars à thé & cocktails, spectacles et foodtrucks jardinsdegaia.com
235 l
—9
brèves
Cookie dans son jardin, photo de Benoît Linder pour Mix
COOKIE, UN HOMME LIBRE Il a suffi d’un hit, Femme libérée, pour que le strasbourgeois Cookie Dingler marque au fer rouge (et noir) la variété française. Rencontre chez lui, avec un gars plus qu’« aimable », icône des eighties à qui Le PréO offre une carte blanche. # Emmanuel Dosda
10 —
l 235
rencontre
n’ai jamais été un grand fan d’Iggy Pop et trouve personnellement qu’Aïcha de Khaled et ses quatre accords ressemblent étrangement à Femme libérée ! [il chante] « Comme si je n’existais pas, elle est passée à côté de moi… » Son auteur, Goldman, en a fait trois comme ça ! Il le reconnait d’ailleurs. L’originalité de mon morceau est qu’il est en sol mineur alors que tout le monde glisse vers le la, ce qui donne un côté plus bizarre à cette chanson dans laquelle des rappeurs ou fans de reggae trouvent leur compte, grâce à ce petit balancement ! J’écoutais beaucoup Bob Marley ou Peter Tosh au milieu des années 1970, parmi les oliviers, dans le Sud de la France. Durant votre carte blanche, allez-vous reprendre Lou Reed, Bob Dylan ou les Stones, vos héros de jeunesse ? Comment, ado, passer à côté de l’écriture de Reed ou des textes de Dylan ? Lorsque j’ai commencé à faire de la musique, nous reprenions le Velvet ou Sleely Dan avec le groupe. Étrange, pour des petits strasbourgeois, de s’approprier des paroles de New-yorkais… Cette carte blanche est surtout l’occasion de se faire plaisir, avec mes copains musiciens*. Je ne sais pas encore ce que je vais jouer, mais je rendrai sans doute hommage à ceux qui m’ont donné envie de faire de la musique. Vous allez jouer des morceaux inconnus, qui trainent au fond d’un tiroir ? J’ai écrit pas mal de titres durant ma carrière, notamment lorsque je faisais partie de la revue de La Choucrouterie, mais ils répondaient à un thème particulier, dicté par le sujet du spectacle, à une commande… J’ai aussi composé bien d’autres choses, parfois barjots, bien rock’n’roll, que je jouerai sans doute.
La tournée Stars 80 – avec Jean-Luc Lahaye, Images ou Début de Soirée – c’est par passion ou pour le pognon ? Un peu des deux. C’est une énorme production, avec d’excellents musiciens : un gros show remember très huilé… durant lequel je chante Femme libérée pour la millionième fois ! Reste que l’ambiance est sympa entre nous, c’est la colonie de vacances, on se fend la gueule devant 5 000 personnes minimum. À quelle génération appartient le public ? Des gens qui n’étaient pas nés à l’époque ! Ils disent que ça leur a été transmis par leurs parents, dans la bagnole. Je pense que cette décennie était particulière… Je viens de réécouter les deux titres pour m’en assurer : la ressemblance entre Femme Libérée et The Passenger d’Iggy Pop saute aux oreilles. Hommage ou plagiat ? À vous de dire… Le directeur artistique d’Island m’avait fait cette remarque, mais il n’y a jamais eu de suite à ça, ni de scandale… Je
Par quoi avez-vous remplacé l’héroïne ? Quelle est votre nouvelle came ? Par rien, j’ai arrêté du jour au lendemain. Je ne fais plus de sport alors que j’étais tennisman, mais un bon vin me fait bien plaisir ! La drogue est la pire des maîtresses : c’est la dépendance absolue, tellement violente. J’ai une qualité : celle de savoir m’adapter à des situations et tourner la page si nécessaire. Vous êtes plutôt playboy ou PDG ? PDG ? Je suis incapable de gérer cinq euros ! Par contre, je suis charmeur, c’est vrai. Je séduis, ça fait partie de mon métier où il faut plaire. Êtes-vous jaloux de la carrière de votre fils, Tom, qui cartonne aux côtés de son copain de lycée, Alex Lutz ? Mais comment peut-on poser une question pareille ?!? * Il sera accompagné de Paul Boulak, Pascal Beck, Christian Clua, Serge Haessler, Matskat, Michel Ott, Franck Wolf, Pilou Wurtz, Matthieu Zirn...
18/04 Le PréO (Oberhausbergen) le-preo.fr 235 l
— 11
© Diaphana Distribution
Cinéma
CASANOVA IN LOVE Dans Dernier amour, Benoît Jacquot met délicatement en scène un Casanova follement épris d’une cocotte. Rencontre avec le réalisateur lors de sa venue aux Cinémas Star. # Hervé Lévy
12 —
« Au départ, je voulais traiter un autre épisode de la vie de Casanova, celui où il dépouille, en s’amusant beaucoup, la marquise d’Urfé. On pense à la relation entre François-Marie Banier et Liliane Bettencourt », s’amuse Benoît Jacquot avant de préciser que c’est son complice Vincent Lindon, séducteur quadra (dans le film) plus vrai que nature, qui l’a poussé à s’intéresser à celle qui fut l’unique amour de Casanova. Courtisane, cocotte et demi-mondaine, la Charpillon, incarnée par Stacy Martin (découverte, décomplexée dans Nymphomaniac de Lars von Trier, elle l’est toujours) « est plus putain que sa mère » écrivit l’immense Giacomo. Reste que c’est bien de cette femme qui « appartient à qui la veut » qu’il tombe éperdument amoureux, entrant dans un jeu de séduction qui l’entraîne de déceptions en dérobades. « Elle ne cède pas. Jamais. Elle s’excepte pour lui qui a beaucoup de mal à le comprendre. Elle l’aime profondément, à sa manière » explique le réalisateur des Adieux à la Reine.
à l’opposé de Don Juan, ce grand seigneur méchant homme. À mon avis, Fellini ne l’aimait pas, le voyant uniquement comme une machine fornicatrice alors qu’il est un être charmant et séduisant. » Sur des musiques aux tonalités baroques composées par Bruno Coulais, dans une lumière intime – « celle d’un monde d’avant l’électricité » – se déploie l’histoire du plus grand amour de Casanova. Sa seule passion, peut-être… Exilé à Londres, il oublie toutes les autres femmes pour la Charpillon qui le fait tourner en bourrique, sans se livrer : « Elle veut qu’il le considère différemment de ce qu’elle est, le transformant en “fiancé idéal”. Cela ne l’amuse guère, mais il se soumet. Le film retrace d’une certaine manière la défaite du masculin, explorant cette vulnérabilité, cette fragilité qui amène à penser sa propre finitude. Avec elle, Casanova découvre tout d’un coup qu’il est mortel », résume le cinéaste.
Malgré une histoire cinématographique dense (avec notamment les deux films signés Fellini et Comencini), Benoît Jacquot n’a pas hésité à se frotter à un personnage qui « est comme un ami. Il est
cinema-star.com – ugc.fr
l 235
À l’affiche aux cinémas Star et à l’UGC Ciné-cité (Strasbourg)
brèves
Photo de Benoît Linder pour Mix 235 l
— 13
design
© Beatrix Li-Chin Loos
POUR PÂQUES, C’EST EGGSTRA La designeuse strasbourgeoise Beatrix Li-Chin Loos s’est inspirée des œufs Fabergé pour en livrer une série de versions contemporaines, toute en rondeurs : les soliflores Coquettes. # Emmanuel Dosda
14 —
l 235
décalés, les œufs en hêtre poncé laissent apparaître un intérieur laqué et coloré. Ils reposent parfois sur un pied, leur donnant la fière allure de raffinés coquetiers. Les pièces de Beatrix Li-Chin Loos sont en vente chez Ligne Roset (de 80 à 160 €) ligne-roset.com slowdesigncreations.fr
Portrait de Beatrix Li-Chin Loos © Laurent Vila
Conçues en pierres et métaux précieux pour les tsars, les sculptures ovoïdes un rien kitschouilles de Pierre-Karl Fabergé à la fin du XIXe siècle prennent des allures minimalistes, gracieuses et actuelles grâce à une artiste aimant les formes géométriques simples, les couleurs primaires et les surfaces lisses. Si Beatrix Li-Chin Loos cite souvent le Bauhaus dans ses travaux, elle s’éloigne ici de Walter Gropius et s’approche du « symbole du renouveau et de l’origine de la vie » selon la créatrice qui évoque le galbe d’un objet « doux au toucher, comme une peau veloutée ». Les Coquettes, qu’on a envie de saisir et de caresser, ont cependant une fonction : il s’agit de petits vases épurés d’une dizaine de centimètres de haut, modelés avec délicatesse par des tourneurs alsaciens. Scindés en deux et légèrement
LE GRAND CHOC Le Lautrec, ce sont des chocolats 100% grand cru vendus dans un écrin contempochic au pied de la Cathédrale. Pour Pâques, des lapins pas crétins, mais bien zarbis sortent de leurs terriers. # Emmanuel Dosda L’élégant shop strasbourgeois géré par Pauline – qui a bifurqué du graphisme vers la l’art gastronomique – et Nathan – directeur artistique de la maison clermontoise Le Lautrec de Claude Déat, ayant plusieurs points de vente en France (Lyon, Vichy…) – a des allures de « caverne de la gourmandise », selon ce dernier, spécialisé dans la “communication culinaire” avec sa boîte Studio Ripaille. Des vagues boisées, comme le squelette d’un bateau renversé, enveloppent l’intérieur de la boutique et se reflètent dans un grand miroir, derrière le comptoir. On repère, salivant, un bar à macarons colorés et fruités ou un mur lumineux sur lequel sont exposées des tablettes de chocolat venant de Madagascar, Papouasie, Sao Tomé, du
Mexique ou du Pérou. Les recettes chocolatées des confiseries ont été créées par le père de Nathan, Pascal Brunstein, MOF issu d’une “dynastie” de chocolatiers mulhousiens. « Pas d’assemblages de produits ici », insiste Pauline : les palets fourrés, rochers pralinés, fingers du verger, dômes au caramel, briquettes craquantes ou grignotines sont « 100% grand cru, de la ganache à l’enrobage ». L’avis des inconditionnels : « Il est doux pour du noir. Très agréable en bouche », glisse une cliente. Pour les fêtes de Pâques, Nathan a designé de drôles de bestioles, des Lapins Fantastiques, mammifères hybrides résultant d’un accouplement avec licornes, chauves-souris ou poulpes, entre délices chocolatés et délires kawaï.
13 place de la Cathédrale lesorigineslelautrec.com 235 l
— 15
Les enfants profiteront des congés de Pâques (06-21/04) pour vaquer intelligemment ou oisivement. Du Vaisseau aux Ateliers de la Seigneurie en passant par Le Brassin, chacun trouvera son bonheur dans notre sélection. # S.M.K.
Une des légendes allemandes les plus célèbres est réadaptée : Le Roi des rats (30/04, 20h, Le Brassin, à partir de 8 ans) de la Compagnie LOBA se situe des siècles après la vengeance du joueur de flûte dans la ville de New Hamelin lorsque les habitants ont reconstruit leur vie. Joss et ses amis trainent dans les rues, tandis que l’instrument du crime attend dans les égouts son nouveau maître.
Passage309 ? Un projet écolo et transfrontalier, entre Gambsheim (France) et Rheinau (Allemagne), aux écluses du Rhin, qui porte le projet de la Passe à poissons et attire beaucoup de curieux, amateurs de poissons, de vélo, de faune et de flore rhénane. Les rivières peuvent être repeuplées grâce à la Passe qui permet la transition des poissons migrateurs, notamment les saumons et les truites. Une visite en famille s’impose en ce lieu idéalement situé !
© G.Weiss
FRÈRES GRIMM 2.0
© Delphine Perrin 2017
COMME UN POISSON DANS L’EAU
passage309.eu
RENOUVEAU © Elisabeth Carecchio
ville-schiltigheim.fr
Alice Laloy et la Compagnie S’appelle reviens rendent avec la pièce Ça Dada (15-30/04, Théâtre de Hautepierre, dès 6 ans), présentée par le TJP et Le Maillon un hommage au mouvement dadaïste, répondant à l’absurdité de ce monde et sa violence. Tel des « combattants de l’art » les acteurs détruisent ce qui les entoure pour en reconstruire une version infiniment plus poétique et optimiste. tjp-strasbourg.com
NOUNOUS À VOLONTÉ
CINÉ
SUCRÉ
Les Cinémas Star proposent une Willy Wonka Party autour de la projection de Charlie et la Chocolaterie – film désormais classique avec un incontournable Johnny Depp et la fameuse touche de Tim Burton (10/04, 15h30, Cinéma Star) – qui se clôturera avec des animations et un goûter chocolaté. cinema-star.com 16 —
l 235
Le petit bout est en vacances, mais vous travaillez ? Votre plan de la semaine s’écroule à cause d’un imprévu ? Pas de panique, une agence située à la Krutenau propose toutes les solutions autour de la garde d’enfants : du baby-sitting occasionnel au service sortie de crèche / école en passant par la surveillance de l’enfant à votre domicile, Babychou Services s’occupe de tout. La directrice Fanny Ely et son équipe tiennent à mettre en relations des nounous et des parents qui se correspondent, car la garde d’un enfant est toujours une histoire de confiance. babychou.com
JEUNE PUBLIC
NATURE
Le Jardin des Papillons à Hunawihr réouvre ses portes le 1 avril. Dans les diverses serres du site, on découvre plus de 200 espèces rares d’Afrique, d’Asie et d’Amérique ainsi que les plantes et fleurs magnifiques dont elles se nourrissent. D’autres animaux sont également présents, comme les abeilles et les fourmis qu’on peut observer dans une ruche et une colonie. La protection des espèces menacées est un des piliers de l’institution qui informe sur l’écologie durable, notamment à travers des projections de films. er
jardinsdespapillons.fr
CRÉATIVES
Les Ateliers de la Seigneurie sont la destination parfaite pour les petits artistes, en commençant par les Journées Européennes des Métiers d’Art (06 & 07/04), pendant lesquelles on découvre le savoir-faire du calligraphe, maroquinier, potier, tonnelier et forgeron. Le dimanche, il sera également possible d’explorer la bâtisse Renaissance le long d’un parcours sensoriel qui met l’accent sur les matériaux qui ont servi à édifier cette demeure. Pendant le week-end de Pâques (19-21/04), les familles sont invitées à participer à une grande chasse aux œufs avec un quizz et un prix chocolaté pour l’heureux gagnant. Pendant les vacances, quatre ateliers permettent aux jeunes créatifs de s’amuser et de peaufiner leurs techniques. Un atelier de peinture à l’aquarelle (10/04) et un autre autour de la carte postale (18/04), en dialogue avec l’exposition Charles Rouge (1840-1916) – la conservation par l’image (jusqu’au 30/06) inciteront les enfants à dessiner et à peindre ce qu’ils voient dans ce lieu historique. Les plus petits (à partir de 4 ans) pourront à leur tour palper la terre dans un atelier argile (17/04) et les parents sont invités à mettre la main à la pâte pour l’atelier Nichoirs (12/04) pendant lequel ils peuvent fabriquer un refuge pour oiseaux en tandem avec leur enfant. paysdebarr.fr/ateliers-de-la-seigneurie
CURIEUSES
Les parents qui ne trouvent plus de réponse à la fameuse question Et pourquoi ? peuvent emmener leurs enfants au Vaisseau qui propose de nombreuses animations pour satisfaire les petits explorateurs curieux. Ainsi, la conférence junior Voir la ville en vert (06/04, 17h) explique tout sur l’Écoquartier construit en face du Vaisseau, tandis que le spectacle Eurêka ! (09-14/04, à partir de 7 ans) invite les enfants à poser leurs questions à deux artistes improvisateurs en direct. Une participation active est également demandée pour Scriptorium (06-21/04, à partir de 3 ans) qui invite les jeunes chercheurs à voyager dans le temps pour trouver les secrets de l’écriture, son évolution et ses mystères. Et pour les jours de printemps pluvieux, pourquoi ne pas faire une séance de cinéma 3D avec Plouf la grenouille (28/04) plongée scientifique dans l’élément eau et avec Océans : notre planète bleue (02-05 & 23-28/04) au milieu de bancs de poissons et mammifères géants. levaisseau.com
235 l
— 17
brèves
STREET SPIRIT © Félix-Wysocki – APAIZ
Les Halles du Scilt, friche industrielle schilickoise reconvertie en lieu atypique, organise le cycle d’expos Regards de vi(ll)e. Jusqu’au 28 juillet, le peintre Patrick Bastardoz (48 ans) et le talentueux graffeur Felix Wysocki, alias APAIZ (26 ans) passé par les Arts déco strasbourgeois, investissent l’espace de l’ancienne Coopérative des Bouchers. Leur collab’ prend forme dans des fresques à quatre mains liées au passé industriel de la ville. # J.J. ville-schiltigheim.fr
STYLÉ
Ouvert il y a tout juste un mois Petite Rue de l’Église (Strasbourg), Impact Premium est le rejeton hype d’un shop mulhousien qui cartonne. Branché et stylé, ce vaste espace organisé en corners est tenu par une équipe de jeunes ayant la sape urbaine de qualité chevillée au corps. Hoodies Obey, vêtements techniques The North Face, large choix de sneakers en exclu (des YEEZY aux Nike Shox ou Air Jordan) en passant par du Carhartt coloré… vous saurez maintenant où dénicher des pièces pas comme les autres. /impactpremium
NEC PLUS ULTRA © Musée Lalique
Les 6 et 7 avril, à l’occasion des Journées européennes des métiers d’art, le musée Lalique (Wingen-sur-Moder) met en avant différentes personnes travaillant dans sa manufacture afin de partager leur savoir-faire unique. L’occasion de découvrir un intérieuriste affinant les détails de chaque intérieur de moule, la technique de la cire perdue, la taille et la sculpture sur cristal ou encore les différentes finitions au verre froid. Petits et grands pourront même s’essayer à certains tours de main.
18 —
musee-lalique.com
l 235
© Jurate Veceraite pour la Cavin Morris Gallery
expositions
ART OU PROTECTION ? Étonnants, effrayants ou mystérieux, la Galerie Ritsch Fisch invite à apprécier les objets vodous avec l’expo Protection Rapprochée issus de la collection de Jean-Jacques Mandel. # Julia Vesque Anthropologue de formation, Jean-Jacques Mandel, fut dans les années 1970 photographe et grand-reporter pour Marie-Claire tout en menant des études ethnographiques dans la boucle du Niger. Après un passage à Libération durant une dizaine d’années, puis dans les agences Magnum Photos et Contact Press Images ainsi que différents magazines, il devient rédacteur en chef-adjoint au magazine Géo. Sillonnant l’Afrique et plusieurs continents sur les traces des diasporas issues de la traite négrière, spécialiste du vodou, de l’ethnopsychiatrie, ce collectionneur acharné a amassé durant près de quarante ans des pièces exceptionnelles dont une très grande partie constitue désormais le fonds du Musée Vodou de Strasbourg et dont certaines ont été présentées au Musée du Quai Branly lors de l’exposition Les Maîtres du désordre en 2012 ou à la
Cavin-Morris Gallery de New York en 2015. L’exposition Protection Rapprochée réunit des pièces jamais montrées, dont bon nombre de botchios, poteaux sculptés que l’on disposait au Bénin à l’entrée des villages et des maisons pour éloigner les mauvais esprits et en protéger les habitants. Mauvais esprits, get out !
Jusqu’au 10/07 Galerie Ritsch Fisch ritschfisch.com
235 l
— 19
© Thomas Gibault
WE LOVE MONTRÉAL Un bout de Canada s’est invité dans la Vallée de la Bruche : visite à Wisches, où est présentée l’exposition Le Montrealer. # Gabrielle Rosner Prenez une charmante gare désaffectée en grés rose des Vosges. Transformez-la intelligemment en Médiathèque-Bibliothèque-Multimedia et espace d’exposition. Avec 700 inscrits pour une commune de 2 200 habitants, on peut dire que La Locomotive joue son rôle : transporter une population dans des espaces inconnus grâce à la littérature, à des expositions, à des films. Mission accomplie avec l’exposition Le Montrealer, un hommage au New Yorker, célèbre magazine américain dont la couverture est iconique depuis sa création en 1925. Inspirée de l’exposition The Parisianer qui se tint dans la capitale en 2013, elle explore les avatars de Montréal : 63 artistes, auteurs de bandes dessinées et autres illustrateurs, ont exprimé leur propre vision de la ville sur le modèle de la célèbre couv’. « Pour chaque artiste, canadien ou pas, le mot d’ordre a été : “Qu’est ce que Montréal 20 —
l 235
pour vous ?” », explique le commissaire de l’exposition Nicolas Trost. Qu’ils soient Montréalais d’origine ou de cœur, beaucoup vivent dans la belle province, et tous ont un lien particulier avec la ville. Plusieurs d’entre eux ont par ailleurs été formés aux Arts déco à Strasbourg, à l’instar de Thomas Gibault ou Julien Castanié. Les images sont ainsi très diverses, réalisées à l’aquarelle pour certaines, au crayon ou medium mixte pour d’autres, ou encore à l’ordinateur et sont le reflet de la perception que se fait l’artiste de la cité. Le froid et la neige sont sans surprises très présents, déclinés avec humour et chaleur, et toutes expriment un bonheur de vivre. Déjà exposé dans plusieurs lieux au Canada, puis à Turin et à Taipei, Le Montrealer débarque à… Wisches grâce à Nicolas Trost. Né à Duttlenheim et ayant grandi dans la Vallée de la Bruche, il garde des liens étroits avec
sa famille resté dans sa région d’origine. Après des études de communication à Strasbourg, il a réalisé son rêve : émigrer au Canada. Voilà plus de vingt ans qu’il y vit, et qu’il travaille dans l’administration de projets artistiques. Nicolas est devenu canadien, on l’entend immédiatement quand il parle. Heureux dans sa nouvelle patrie, il nous fait partager ces superbes images inspirées par sa ville de cœur ! Jusqu’au 28/04 Organisé par Central Vapeur dans le cadre des Rencontres de l’illustration (21-31/03) La Locomotive (Wisches) mediatheque-wisches.fr centralvapeur.org
Wang Tuo, The Interrogation, 2017
de l'autre côté du
1
PAYSAGES, ETC.
FRANCO-ALLEMAND (2)
MEET THE ARTISTS
Peintre majeur du Rhin supérieur, Ralph Fleck fait l’objet d’une passionnante rétrospective dans deux institutions d’Offenbourg (Städtische Galerie & Kunstverein, jusqu’au 09/06). Dans ses compositions, il joue sans cesse sur les rapports colorés entre abstraction et figuration : représentations aériennes de différentes villes, écume bouillonnante de la mer ou encore personnages forment un bel ensemble. # H.L.
L’année 2019 est placée sous le signe des relations entre France et Allemagne dans le Bade-Wurtemberg où la nouvelle saison des Staatliche Schlösser und Gärten prend pour mot d’ordre D’assez bons amis. Châteaux classiques ou baroques, jardins, monastères et forteresses médiévales se mettent à l’heure binationale à travers expositions, visites et 1 001 autres rendez-vous.
Rassemblant une trentaine d’artistes, la 24 e édition de la Karlsruher Künstlermesse (Regierungspräsidium de Karlsruhe, 11-14/04) propose un état des lieux de la création des deux côtés du Rhin. Venus du Bade-Wurtemberg, de RhénaniePalatinat et d’Alsace, 33 artistes – sélectionnés parmi plus de cent candidatures – présentent leurs œuvres, arpentant un territoire stylistique varié et des techniques multiples et rencontrent leur public.
galerie-offenburg.de kunstverein-offenburg.de
CONSCIENT / INCONSCIENT (1) Exposition collective, La Psyché comme théâtre du politique de la Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden (jusqu’au 16/06) rassemble des pièces de dix artistes contemporains illustrant les complexes relations entre rationnel et irrationnel. On craque pour Dream objects de Jim Shaw : une paire de couilles pendouille langoureusement au plafond comme des trompes d’éléphant ou des jambes dont le bout du pied semble avoir été croqué par une mâchoire gigantesque.
schloesser-und-gaerten.de
BE BERLIN (3)
karlsruhe.de/kuenstlermesse
AU THÉÂTRE
Pour la septième fois, l’Orchestre philharmonique de Berlin investit le Festspielhaus de Baden-Baden pour un Festival de Pâques (13-22/04) en forme de feu d’artifice sonore regroupant une vingtaine de rendez-vous. Le moment le plus attendu ? Une nouvelle production d’Otello de Verdi dirigée par Zubin Mehta et mise en scène par Robert Wilson – dont l’esthétique sobre et élégante se reconnaît au premier regard – qui a demandé au duo Victor&Rolf de créer les costumes.
Institution originale, le Museum LA8 de Baden-Baden célèbre son dixième anniversaire avec une exposition centrée sur le théâtre, Être ou paraître (30/0308/09). Le visiteur y découvre la porosité entre la sphère privée de la bourgeoisie et l’univers des théâtres au XIXe siècle, certains se faisant photographier dans des poses, des décors et des costumes évoquant tel acteur ou telle cantatrice, transformant leur salle à manger en décor d’opéra !
festspielhaus.de
museum.la8.de
kunsthalle-baden-baden.de
22 —
l 235
Sonya Yoncheva © Kristian Schuller / Sony Classical
3
Château de Rastatt © Aero-Südwest, Rastatt - Monika Schlangen
2
patrimoine
© Sébastien Brillais
Jean-Louis de Valmigère entre Roland Ries et Antonio Tajani président du Parlement européen © S. Schwartz
UN HÉROS DE LA LIBERTÉ Une statue du Chevalier Liebenzeller sera érigée sur la place des Tripiers le 16 avril. Zoom sur le père de la République de Strasbourg. # Hervé Lévy C’est « un des grands oubliés de l’Histoire de Strasbourg », explique Jean-Louis de Valmigère qui a pris fait et cause pour le Chevalier Liebenzeller. Ancien propriétaire du restaurant Chez Yvonne (toujours chic et choc, aujourd’hui) géré par ses enfants Marjolaine et Julien, il préside désormais la Fondation pour Strasbourg, créée en 2015 sous l’égide de la Fondation de France. Son objectif ? « Soutenir des projets illustrant le statut de la cité, capitale européenne et épicentre de l’humanisme ». Dernière action en date avant le lancement d’un projet autour de Simone Veil, le financement d’une statue de bronze (2,50 mètres de haut pour 600 kilogrammes) représentant le Chevalier Reimbold Liebenzeller, héros de la Bataille de Hausbergen, en 1262 qui « métamorphosa Strasbourg en une ville libre, alors
qu’elle était auparavant sous la tutelle de l’évêque Walter de Geroldseck ». Épisode sanglant qui fit plus de 1 300 morts, cette victoire marque, symboliquement, le début de l’émergence d’un réel pouvoir urbain, « générant même, dans la gouvernance de Strasbourg, une forme de laïcité révolutionnaire pour l’époque », s’enthousiasme Jean-Louis de Valmigère qui a trouvé injuste que le héros ne soit pas honoré par sa cité. « Il n’avait pas même une plaque de rue », rappelle-t-il. Oubli réparé avec une altière représentation qui sera installée à l’ombre de la Cathédrale. Elle a été réalisée par le sculpteur Christian Fuchs qui a notamment restauré la statue représentant Strasbourg sur la place de la Concorde – imaginant le visage de la ville – et recréé deux statues disparues sur la façade du Palais Universi-
taire, Argentora et Germania. Le résultat ? Une « reconstitution expressive d’après les descriptions qu’on possède de lui, notamment à travers la chronique d’Ellenhard qui narra la bataille avec force détails. » Un air martial et une arbalète à la main (symbolisant le poids de l’artillerie strasbourgeoise dans la victoire), Liebenzeller trône désormais avec majesté pour longtemps sur cette terre qu’il aima tant. Jusqu’au 12 avril, la statue est visible à la Chambre de commerce et d’industrie (place Gutenberg) fondationpourstrasbourg.eu
235 l
— 23
SPORT
© John Salangsang
THIS IS AMERICA Les Harlem Globetrotters sont de retour avec leur jeu aussi rapide qu’imprévu faisant tourner la tête à tous leurs adversaires. # J.J Les stars du basket américain made in Harlem sont nées dans les années 1920. À l’époque, leurs qualités athlétiques et leurs prouesses techniques forcent l’admiration, faisant évoluer ce sport encore majoritairement blanc. Rien que dans leur warm-up circle (échauffement en cercle), ils font preuve de tricks à faire pâlir les meilleurs manieurs de ballon actuels de playgrounds ! Ils remportent alors la quasi-totalité de leurs matchs face aux meilleures équipes de la NBA. D’ailleurs, l’immense Wilt Chamberlain, le seul joueur ayant jamais marqué 100 points à lui tout seul en NBA, fit partie de la prestigieuse équipe aux maillots rayés au début de sa carrière. Depuis les années 1980, ils ne font quasiment plus que des matchs d’exhibitions dans lesquels ils régalent le public de leur talent : dribbles dans toutes les positions, à genoux et en mouvement, passes dans le dos à l’aveugle, bras-roulés du milieu de terrain… Showtime ! 06/04 (20h) zenith-strasbourg.fr harlemglobetrotters.com 24 —
l 235
gastronomie & design
ON N’EST PAS BIEN, LÀ ? Une pause de midi tranquillou avec les collègues ou un dîner coolos entre amis : chez Calmos, l’ambiance bistrot des potes est de mise, paisible, à la fraîche… # Emmanuel Dosda Avec ses panneaux muraux typiques des bureaux des années 1970 où l’on glissait des fiches colorées, sortes de post-it 1.0, le dernier né du groupe Diabolo Poivre (Tzatzi, La Hache, Square Delicatessen…) a des allures de COGIP. Vous savez, l’entreprise servant de toile de fond à la fendarde série télévisée Message à caractère informatif. C’est cependant du côté de chez Bertrand Blier et son Calmos (1976) qu’il faut aller chercher la source d’inspiration des designers de V8 et de l’atelier graphique Poste 4 (déjà responsables de la super déco du bar Supertonic). Dans ce film décapant, Claude Piéplu donne sa définition de la 26 —
l 235
coolitude et la sérénité : « Chaque bruit compte dans le silence, un oiseau qui s’éveille, une branche qui craque, un chevreuil qui s’enfuit… » Calmos impose la quiétude bistronomique avec une déco soignée, certes un rien “concept”, mais surtout pas vintage toc : « Ça fait quelques années déjà que ce revival “bistrot” existe, mais nous souhaitions contourner l’ambiance vieux zinc qu’on voit partout », nous confie le tandem V8 / Poste 4, fan des « scènes d’orgie de charcuterie » de Calmos. Subtil clin d’œil au film politiquement inconvenant : une scène recomposée avec plus de 10 000 fiches multicolores où l’on recon-
naît les profils de Rochefort et Marielle. Dans l’assiette ? Des plats français épicuriens. Nous avons goûté la poire de bœuf d’une grande tendresse, servie avec des frites (calmos sur les frites congelées, s’il vous plait !). Nous reviendrons tester le boudin, la poitrine de cochon, le petit salé aux lentilles ou les traditionnels poireaux vinaigrette… Calmos, 69 Grand’rue calmos-restaurant.com
GASTRONOMIE
Stéphane Louis pour Mix
UNE QUESTION D’ÉQUILIBRE Tout juste récompensés d’une Étoile, Les Funambules tracent leur voie depuis 2016. Visite dans une jeune maison où l’audace fait bon ménage avec l’équilibre. # Hervé Lévy Ils se sont rencontrés au Lycée hôtelier Alexandre Dumas, ont pas mal bourlingué dans des adresses souvent étoilées, avant de revenir à Strasbourg ouvrir un restaurant, une « idée qui nous habitait depuis nos études », résume le sommelier Jean-Baptiste Becker, hôte parfait. Au piano, son pote Guillaume Besson fait des merveilles : s’il a officié cinq ans comme second au Clos des Délices d’Ottrott, il demeure surtout marqué par une expérience rochelaise chez Christopher Coutanceau (deux Étoiles au Guide Michelin). « J’y ai découvert la force des produits – notamment ceux de la pêche que nous allions chercher tous les matins, très tôt – d’une fraîcheur absolue », résume-t-il. Précis dans ses compositions comme dans ses cuissons, le chef trentenaire revendique une « part instinctive dans [s]on travail », mais « trouve présomptueux de parler de
“[s]on style”. Je ne pense pas que tout cela soit encore abouti », s’échappe-t-il. Reste que ses réalisations qui varient chaque soir avec un menu unique (en quatre ou six étapes, ce qui permet une créativité sans cesse renouvelée et une absence totale de gaspillage) sont enthousiasmantes. « J’ai envie de faire à manger à des copains », résume-t-il, décrivant l’atmosphère cosy d’une salle minuscule (25 couverts) à la déco épurée aux influences orientales où irradie une sublime table faite avec une immense racine de teck. Dans une cuisine au cordeau se découvre, par exemple, une barbue juste saisie accompagnée d’une déclinaison de poireaux – où le légume est notamment délicieusement grillé – et d’un beurre blanc à l’ail des ours. Autre alliance évoluant sur le fil, une canette à laquelle dattes et citrons confits confèrent un twist, jouant une partition tout en équilibres. Un mot qui va comme un gant à
une cuisine évoluant quotidiennement en fonction des envies et des trouvailles d’un chef qui arpente le marché avec jubilation : « Je change parfois mes plans pour le soir en fonction de mes découvertes du matin », s’amuse-t-il. Souvent hardies, ses créations épousent cette phrase du Rivage des Syrtes de Julien Gracq : « Le rassurant de l’équilibre, c’est que rien ne bouge. Le vrai de l’équilibre, c’est qu’il suffit d’un souffle pour faire tout bouger. » Menus de 22 € à 40 € au déjeuner et menu unique le soir en quatre ou six étapes (48 € & 58 €) Ouvert du mardi au samedi (fermé mercredi soir) 17 rue Geiler (Strasbourg) restaurantlesfunambules.com
235 l
— 27
brèves
CONTE DE PRINTEMPS
© Boris Barthes
Jolie manière de fêter l’arrivée des beaux jours, le festival Musique & Culture de Colmar (Église Saint-Matthieu et à la Salle des Catherinette, 0421/04) mixe les styles, faisant se croiser classique, jazz, gospel ou pop. Une quinzaine de rendez-vous est programmée cette année avec notamment l’Orchestre royal de chambre de Wallonie, la pop eighties mâtinée d’influences new wave de La Féline (en photo) ou l’univers hybride oscillant entre ethno-rock et world electro de la chanteuse Morgane Ji. # P.R. printemps-colmar.com
AU CIRQUE !
© Miguel Bartolome
Pour sa 24e édition, le festival Pisteurs d’étoiles (Obernai, 26/04-04/05) explore les arcanes de la création circassienne contemporaine. Neuf jours, vingt-sept représentations, quarante-cinq artistes : sur un ton de joyeuse impertinence, sont conviées des compagnies venues de l’Europe entière, dévoilant le travail de créateurs émergents comme La Chose, exploration improbable de notre rapport à la chevelure par la Compagnie Le Jardin des Délices ou Monstro (en photo), du Collectif Sous le Manteau. # C.L.A. pisteursdetoiles.com
DOCU-STORIES EN BD
Bigger Than Fiction produit pour Arte une adaptation moderne et funky de la Traviata, réalisée par l’excellent Léon Maret (passé par les Arts déco et édité par les éditions 2024 à Strasbourg). Instraviata est à découvrir sur le compte Instagram @ ArteConcert qui diffuse un épisode de cette BD animée accompagnant un documentaire sur Elsa Dreisig découpé en stories. Elle a incarné la Violetta de Verdi à l’Opéra de Berlin la saison dernière. On plonge en coulisses, de questions saugrenues en confidences pointues. C’est chouette, c’est classe, c’est drôle, l’opéra 3.0 sur Insta, on kiffe ! # I.S. /ArteConcert
28 —
l 235
A FOREST
Projet d’échange artistique entre Strasbourg et Stuttgart, Der Wald / La Forêt est exposé dans cinq différents lieux de la capitale alsacienne (Galerie Decorde, AEDAEN Gallery, Lieu d’Europe et Librairie Kléber, 15/04-05/05). Avec des œuvres d’Alain Eschenlauer, Fabienne Delude, Stephan Potengowski, Christian Voltz, etc. # R.Z. kunstbezirk-stuttgart.de
chroniques
GO WEST Auteur de BD espagnol un peu oublié Jesús Monterde Blasco (1919-1995) donna le jour, dans les pages de Spirou, à Paul Foran, mais également à Los Guerrilleros dont les strasbourgeoises éditions du Long Bec viennent de publier une intégrale. Série créée en 1968 pour remplacer le mythique Jerry Spring, il s’agit d’un bon vieux western (ici présenté en version colorisée avec des dialogues réécrits façon punchy par le maître Roger Seiter) qui nous fait plonger dans les années 1970 en compagnie de Ray Walker, justicier tendance Hollywood, et d’un jeune Apache nommé Yuma qui vont croiser la route du retors Don Pedro Alvarado de Guzman. # Hervé Lévy
TOKYO EYES La strasbourgeoise Claire Frossard, ex-Arts déco, a accompagné son personnage, la mignonne moinelle Emma, à Paris, NY ou Rome. L’illustratrice routarde est récemment rentrée du Japon, des clichés signés Naohiro Ninomiya dans ses valises. Les photos du Temple Gotoku-Ji, du Mont Fuji, de bambouseraies vertigineuses ou de rues illuminées par des lanternes de papier servent de toile de fond au trip d’Emma à Tokyo où elle rencontre les fantômes Yokaï et les Koinobori, cerfs-volants made in Japan que l’on apprendra à fabriquer à la fin de l’ouvrage. Aligato, Claire, pour ce périple photo-graphique, documentaire et onirique. # Emmanuel Dosda
Paru aux éditions du Long Bec (20 €) editions-du-long-bec.com
Édité par Belin jeunesse (14,90 €)
Juliette Pelletier
Librairie Quai des Brumes
belin-editeur.com
quaidesbrumes.com
muraillesmusic.com
Artiste mélomane
Mathieu Wernert
Rencontre à la Librairie Quai des Brumes, samedi 27/04 (19h), avec David Rault et Jean Alessandrini
On ne sort pas indifférent de Grande (passé au Maillon en mai 2017), spectacle de music-hall d’un nouveau genre conçu par Tsirihaka Harrivel & Vimala Pons. Beaucoup de cascades, de danses, d’énergie, un peu d’effeuillage, une musique et de chansons envoûtantes… Le duo a eu la riche idée de sortir un 33 tours, Victoire Chose (édité par Murailles Music) au design parfait, reprenant tous les thèmes du show circassien se rapprochant d’un Flavien Berger rencontrant To Rococo Rot. Cet objetdisque permet de s’approprier Grande et de ne jamais l’oublier. Magique.
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la typographie sans jamais avoir pensé à le demander ! L’ABCD de la Typographie de David Rault, édité chez Gallimard, est une histoire de la typographie en bande dessinée, mise en image par un florilège d’illustrateurs contemporains aussi talentueux que drôles. Préface de Jean Alessandrini !
gallimard.fr 235 l
— 29
méga
Un max de décibels, de croches, de blanches et de noires. Un mix d'images, de cases, de bulles et de pages : sélection mensuelle sous forme de grand mezze par Emmanuel Dosda
Ombres sonores cuivrées et rêves liquides dans une jungle de notes bleues. Rythmes cubains et jazz désaxé. Chapeau bas, Les Chapeaux Noirs, quatuor strasbourgeois auteur d’Alma, album hommage à la nouvelle génération à laquelle on lègue un monde plein de Déséquilibres, mais aussi d’immortelles beautés et un héritage musical d’une infinie richesse. Dans le panthéon de Léonard Kretz (saxos), Sébastien Valle (claviers), Lionel Ehrhart (contrebasse) et Victor Gachet (batterie), leader de la bande, citons Esbjörn Svensson, Erik Truffaz, Brad Mehldau ou Avishai Cohen (pas si vieux, mais faisant déjà partie des “classiques”) même s’ils se reconnaissent parfaitement dans l’avant-garde jazzesque incarnée par Kamaal Williams ou Kamasi Washington. Ce dernier collabore régulièrement avec des artistes issus d’autres chapelles : une ouverture d’esprit que Les Chapeaux partagent avec lui, notamment lorsqu’ils s’inspirent des musiques afro-latines de Chucho Valdès (le chaloupé Belle de Nuit) ou, en live, quand ils reprennent Massive Attack (Angel). Le secret de ces quatre fantastiques ? Une belle complicité scénique. La cohésion de groupe est une condition sine qua non : « On se connaît très bien, depuis longtemps, et la confiance mutuelle qui nous unit est la clef du travail. Toutes les idées de chacun sont toujours écoutées et testées. En résidence, nous avons davantage interagir sur scène, à transmettre des informations par nos regards », nous confie Victor, porte-parole archi-tatoué d’un combo ultra-complice. Édité par Jazzin’ Translation et La Coda (15 €) leschapeauxnoirs-jazz.com ➜ À La Boule Noire (Paris), le 20/04 ➜ À l’Espace Théodore Gouvy (Freyming), le 18/05 ➜ Au Grillen (Colmar) dans le cadre du Colmar Jazz festival (en mai, date en cours de confirmation)
jouez sur magazinemix.fr ou sur /mgzmix 10 x 2 places pour Le Clan des divorcées (du 30/03 au 14/04) à La Scène de Strasbourg happycomedie.com
30 —
l 235
PLANET CLAIRE
Elina, planète imaginaire découverte le 5 janvier 2015 en Bolivie, est une sculpture fugitive évoquant à la fois les igloos de Mario Merz et les interventions in situ de Robert Smithson. Créée en briques de sel dans un désert immaculé par le plasticien globetrotter strasbourgeois Guillaume Barth, elle prend la forme d’un dôme (comme les sépultures pré-incas environnantes), et, grâce à l’effet miroir de l’eau sur le sol, devient sphérique. Il a fallu attendre la pluie, après trois jours de danses indiennes, pour qu’apparaisse cette planète éphémère, née… et détruite par l’eau. Cette merveilleuse étoile fondante revit grâce à une édition (bilingue) qui retrace une aventure humaine, artistique, mystique et astronomique. Catalogue édité grâce au soutien du CEAAC, de L’Institut français de Stuttgart, de la Drac et du Frac Alsace (20 €) ceaac.org ➜ Elina sera visible sous la forme d’une installation dans le cadre de la prochaine exposition collective du Frac Alsace, du 07/06 au 05/09, sur le thème Earth frac.culture-alsace.org ➜ La vidéo Le Deuxième Monde, Elina est sélectionnée pour la finale du concours Talents contemporains à La Fondation François Schneider de Wattwiller (résultat le 05/04) fondationfrancoisschneider.org Miroir, 2015, Salar de Uyunil Bolivie, couverture de la publication Elina © François Klein
LA paix dans l'alma