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Léon Chevalier, rencontre avec la relève d'Ironman

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L’HOMME DE FAIRE

RENCONTRE AVEC LA RELÈVE D’IRONMAN

Reportage Baptiste Chassagne

Léon Chevalier, 26 ans, est un homme de faire. De ceux qui préfèrent les actes aux grands discours. De ceux qui préfèrent agir plutôt que dire. Il avance. Sans cesse. En ne laissant que très peu de place à l’oisiveté, dans un quotidien jusqu’alors rythmé par ses études d’ingénieur et sa trentaine d’heures d’entraînement hebdomadaire. D’ailleurs, l’intensité de ce double projet n’a pas empêché celui qui s’est exilé à Bath, dans la verdoyante campagne du Sud-Ouest de l’Angleterre, d’opérer une éclosion tardive parmi les champions. Ces derniers mois, Léon a fait une entrée fracassante dans l’univers du triathlon longue distance, conclue à la 6ème place de ses premiers Championnats du Monde. La saison passée était celle de la révélation. Celle qui arrive sera celle de la confirmation et de la professionnalisation.

RRencontre avec un homme qui s’apprête à faire de ses rêves d’homme de fer un métier. Pour devenir l’un des meilleurs Ironman de la planète. LONG ISLAND, ÉCOLE D’INGÉ & ÉTINCELLE

Peux-tu nous raconter ton parcours de vie et ta rencontre avec le triathlon ?

Je suis né à Paris, mais dès l’âge de 2 ans, j’ai déménagé à Long Island, une île proche de New-York, où j’ai vécu une enfance heureuse, à jouer dehors, proche de l’élément naturel. À mon retour en région francilienne, j’ai rapidement délaissé le foot pour l’athlétisme après être tombé amoureux de l’effort qu’implique la course à pied, lors d’un cross UNSS – que j’avais terminé à la 2ème place – au collège. À l’âge de 13 ans, une vilaine blessure m’empêchant de courir m’a orienté vers le triathlon, que je pratiquerais pour le plaisir uniquement, à raison de 4 ou 5 heures par semaine. Jusqu’alors, la démarche de performance, je l’appliquais à mes études, afin d’intégrer l’INSA, une école d’ingénieurs assez réputée basée à Lyon, avec l’idée de travailler par la suite dans la conception de planches de windsurf ou de skis !

JUSQU’ALORS, LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE, JE L’APPLIQUAIS À MES ÉTUDES D’INGÉNIEUR

© Brian Glynn © Activ'Images

Une fois l’objectif d’intégrer cette grande école atteint, quand et comment commences-tu ta démarche de performance en triathlon ?

Il faut savoir que l’INSA est une école d’ingénieurs connue pour accueillir de nombreux sportifs de haut-niveau grâce au cursus adapté qu’elle leur propose. Pour ma part, je débute au sein d’une filière classique qui me permet quand même d’augmenter mon volume d’entraînement jusqu’à 15h par semaine. Pour la première fois, j’arrive à courir le midi et à rouler à vélo le soir. Assez rapidement, les résultats s’en ressentent. 2018 se révèle alors une année charnière puisque je termine au pied du podium de ma première compétition internationale. Les gars avec qui je combats pendant la course me questionnent à son issue afin de savoir si je compte aller aux Championnats du Monde à venir. Je leur réponds que ce n’est pas prévu et qu’il y a peu de chances : la fédération française n’a jamais entendu parler de moi ! Néanmoins, cette performance agit comme un déclic. Elle allume un petit feu en moi : je prends conscience que j’ai peut-être un véritable potentiel à exploiter.

Tu opères alors un vrai choix de vie, puisque tu décides de t’installer, en Angleterre, à Bath, alors que la plupart des triathlètes professionnels migrent généralement vers des conditions d’entrainement clémentes, plus au Sud. Pourquoi ?

Ma copine, Florrie, fait ses études dans cette ville bucolique du Sud-Ouest de l’Angleterre. En la visitant, j’ai eu un

SI JE SUIS TRÈS HONNÊTE, MES LACUNES INITIALES EN NATATION AURAIENT ÉTÉ RÉDHIBITOIRES SUR UN FORMAT AUSSI DYNAMIQUE QUE LE TRIATHLON OLYMPIQUE

© Brian Glynn

coup de cœur pour cette terre et les gens qui l’habitent. La décision s’impose naturellement : je veux obtenir mon diplôme d’ingénieur et me donner toutes les chances de réussir en triathlon dans cette université. Mon choix s’est très vite révélé payant. Les infrastructures et les nombreux athlètes de haut-niveau présents sur le campus créent une émulation ultra-stimulante ! Ça a boosté ma confiance et ma motivation ? Je me suis dit : ‘Pourquoi pas moi ?’ !

Les triathlètes professionnels se dirigent souvent vers l’Ironman et les longues distances après avoir fait leurs armes sur format olympique. Comme s’ils ouvraient un 2ème chapitre de leur carrière. D’ailleurs, les plus grands champions d’Ironman sont souvent des triathlètes expérimentés ayant réussi à se renouveler. Toi, tu as fait le choix de te dédier pleinement à l’Ironman dès tes premières années. Pourquoi ?

ÇA A BOOSTÉ MA CONFIANCE ET MA MOTIVATION ? JE ME SUIS DIT : ‘POURQUOI PAS MOI ?’ !

Cette décision découle de la confluence de plusieurs facteurs. En premier lieu, si je suis très honnête, mes lacunes initiales en natation auraient été rédhibitoires sur un format aussi dynamique que celui olympique. Ensuite, mes qualités naturelles et mes envies me portaient sur ces efforts d’endurance : j’y suis plus performant et j’y prends plus de plaisir. Enfin, le confinement m’a invité à allonger les distances à l’entrainement, à rouler et courir pendant des heures, seul, dans la campagne britannique. Il s’est alors transformé en opportunité puisque s’il fut synonyme de saison blanche en termes de compétition, il m’a permis de passer un cap énorme à l’entraînement.

EMBRUNMAN, ‘LÉON LAMBDA’ & TOP 5

Sur le chemin, tu fais également une magnifique rencontre aux allures de tremplin...

En effet, en pénétrant petit à petit le microcosme du triathlon à Bath, je fais la rencontre de Susie Cheetham, déjà vainqueur de multiples Ironman, ainsi que celle de Rob, son mari et coach. Un jour, alors que j’interroge Rob sur la qualité d’un vélo taillé pour la longue distance que je souhaite acheter à un particulier, il me rétorque de temporiser. Quelques jours plus tard, il revient avec un projet très concret : ma qualification aux Championnats du Monde d’Ironman, dans 2 ans. Il me propose alors d’intégrer sa structure et de bénéficier de tous

© Brian Glynn

les avantages qu’elle implique : le financement, le coaching, les sponsors, le matériel… Bref, lui et Susie me tendent la main. À partir de cet instant, je n’ai plus qu’à fermer les yeux, faire confiance et les suivre : ils me mèneront vers la pleine expression de mon potentiel.

Sauf que tu prends de l’avance et que tu atteins ton objectif d’intégrer l’élite mondiale après seulement quelques mois, amorçant une année 2021 absolument exceptionnelle... Peux-tu rapidement nous en raconter les temps forts ?

Effectivement, 2021 fut grandiose. Dès juillet, pour mon premier triathlon longue distance, je finis 3ème de l’Ironman UK, décrochant à cette occasion, la qualification aux Championnats du Monde que j’avais planifiée sur 2 années. Le point de départ d’une saison qui va monter crescendo… Durant, l’été, je finis 2ème au triathlon de l’Alpe d’Huez, un évènement-référence, alors que j’avais appréhendé l’épreuve comme une séance d’entraînement. Puis, quelques semaines plus tard, je vis un moment extrêmement fort en remportant l’Embrunman, une course absolument mythique, en établissant un nouveau record chronométrique. Enfin, je ponctue cette saison magique en décrochant - à ma plus grande surprise mais aussi, certainement, celle de mes adversaires - la victoire sur l’Ironman Mallorca, le plus relevé de l’année, devant tous les ténors de la discipline voire certaines légendes de ce sport… (Un temps de réflexion) C’était fou… Cette victoire m’a mis une claque !

Qu’est-ce que l’on ressent lorsque l’on est parachuté ainsi sur le devant de la scène ?

C’est difficile à décrire. J’ai du mal à réaliser que cela me tombe dessus. Cela me fait une sensation bizarre de me dire que moi, Léon lambda, je me retrouve dans le même panier que ces champions que j’ai toujours admirés. J’ai du mal à concevoir que j’ai en moi ce petit truc spécial qui fait les champions.

C’ÉTAIT FOU, CETTE VICTOIRE M’A MIS UNE CLAQUE !

J’AI DU MAL À CONCEVOIR QUE J’AI EN MOI CE PETIT TRUC SPÉCIAL QUI FAIT LES CHAMPIONS

© Activimages

Quels sont tes objectifs à court terme et tes rêves à long terme ?

L’objectif à court terme est d’arriver le plus performant possible à Kona, pour les Championnats du Monde d’Ironman, en octobre 2022. Délivrer une course pleine. Si cela se passe bien, je pense pouvoir viser le top 10. Et si cela se passe très bien, le top 5. Car, à moyen terme, évidemment, j’aimerais décrocher ce titre. J’ai confiance en moi. Avec du travail, de la patience et de l’intelligence, je me sens capable de le faire… Enfin, je ne me projette pas trop à long terme. Je rêve juste d’être heureux et épanoui dans ce que je fais. Que ce soit en triathlon ou en ingénierie.

Concrètement, quels sont les plus gros changements qui vont survenir maintenant que tu as obtenu ton diplôme d’ingénieur ? Devenir triathlète professionnel, cela va changer quoi ?

Jusque-là, mener de front ces deux projets se révélait particulièrement frénétique et intense. J’étais sans cesse tiraillé. Lorsque je révisais mes cours, je pensais à la sieste ou à la récupération que je ne faisais pas. Et lorsque je m’entrainais, mon esprit voguait à la manière dont j’allais pouvoir combler mon retard sur la rédaction de mon mémoire. Je ne me plains pas. C’était un choix assumé. Mais aujourd’hui, je suis satisfait de me défaire de cette charge mentale. Je vais pouvoir me dédier pleinement à ma carrière sportive et tous les à-côtés qu’elle implique, au-delà de l’entrainement : la récupération, la logistique, la communication, la relation avec les partenaires… Je me sens comme un rookie. J’aborde cela avec beaucoup d’enthousiasme. Il faut juste que je fasse un petit pas de côté en termes d’état d’esprit : je ne suis plus un étudiant ingénieur qui pratique le triathlon comme un loisir, maintenant, le triathlon longue distance, c’est mon métier !

BRITISH À SOUHAIT, ROBUSTESSE & PIC DE FORME

Au-delà de cette éclosion tardive, ta singularité réside aussi dans le fait que tu te sois installé à Bath, en Angleterre, alors que tous les triathlètes professionnels chassent le soleil… Es-tu content de ce choix ?

À fond ! Tous les jours, je me dis que j’ai fait le bon choix. Lorsque l’on me demande ‘C’est où, chez toi ?’, instantanément, je réponds ‘Bath’ ! J’ai adoré devenir ingénieur ici, la façon d’enseigner… J’aime aussi l’émulation collective autour de la pratique du sport à haut-niveau.

Qu’est-ce que tu aimes dans ce mode de vie britannique ? Il répond aux clichés que l’on peut en avoir ?

Clairement, ce serait mentir que d’affirmer que la pluie et la boue sont des choses rares ! Mais on s’en accommode. D’ailleurs le mauvais temps ne dure jamais longtemps, nous voyons le soleil tous les jours ! Bath est une ville de 80 000 habitants qui offre un cadre de vie très bucolique, verdoyant et apaisant

© Brian Glynn

ICI, CONTRAIREMENT À LA VILLE, ILS ONT LE TEMPS DE PRENDRE LE TEMPS

que je me plais à parcourir en courant ou à vélo ! Et puis j’adore l’atmosphère qui y règne. C’est très british, très accueillant. On sent les gens habitués à un mode de vie rural : ici, contrairement à la ville, ils ont le temps de prendre le temps !

S’entraîner quotidiennement dans ce contexte faitil de toi un meilleur triathlète ? Quelles qualités cela peut-il développer ?

Lorsqu’il pleut, qu’il fait nuit ou moins de 10 degrés, il est toujours plus difficile de trouver la motivation pour aller s’entraîner, mais je suis convaincu qu’à termes, cela développe de véritables qualités de robustesse et de résilience. Ici, on apprend à s’adapter, à faire fi des conditions. Et du coup, le jour de la course, lorsque tu retrouves un contexte plus clément, avec des températures agréables et des routes avec un bon revêtement, tu as le sourire, tu es encore plus performant !

L’automne, cela représente quoi pour un triathlète professionnel de longue distance ?

C’est le point d’orgue de la saison, avec la compétition que l’on prépare toute l’année : les Championnats du Monde d’Ironman à Kona, en octobre. Nous structurons toute notre préparation pour créer un pic de forme à ce moment-là. C’est l’aboutissement de nombreux mois de travail. Puis, la fin de l’automne, une fois l’échéance passée, marque aussi le début des vacances. On peut enfin se relâcher physiquement, lever le pied. C’est la saison pendant laquelle il faut respirer un grand coup afin de repartir encore plus fort et déterminé l’année suivante !

LÉON CHEVALIER

www.instagram.com/l.chevalier

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