Revue des
Marchés publics Transparence - Equité - Impartialité
Publication bimestrielle de l’Autorité de Régulation des Marchés publics du Sénégal - N°25 - janvier-février 2017 - ISSN 2279 4425
AUDIT 2015 Les principales leçons
DOSSIER
Les nouveaux enjeux des contrats PPP
CAHIER SPÉCIAL Forum OCDE sur la Méthodologie d’évaluation des systèmes de passation des marchés
IRMAP Remise des premiers diplômes du Master
MARCHÉS PUBLICS Accréditation de 145 managers spécialistes
janvier-février 2017
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Revue des MarchĂŠs publics
SOMMAIRE
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ÉDITORIAL
Le défi MAPS
ÉCHOS DES MARCHÉS
Les principales leçons de l’audit 2015
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DOSSIER
Partenariat public privé : quels enjeux pour la commande publique ?
Khoudia Mbaye, Ministre de la Promotion des Investissements : « Une grande partie du Plan Sénégal Émergent relève des PPP » .............. 22 Saër Niang, DG ARMP : 27 - 38
CAHIER SPÉCIAL
Forum sur la nouvelle MAPS
« Le PPP est un mode de contractualisation souvent complexe ».......... 23-24 Environnement juridique des PPP : De la nécessité d’un cadre approprié........................................................ 25 Contrôle des obligations du partenaire, maitrise des risques et anticipation des évolutions du contexte : Des préalables au succès du projet............................................................ 26
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AVIS D'EXPERT
Dr Baye Samba Diop
ARMP
janvier-février 2017
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Transparence - Equité - Impartialité
Revue des Marchés publics DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
N°25
Saër NIANG COORDONNATEUR DE LA RÉDACTION Serigne Adama BOYE COMITÉ DE RÉDACTION ARMP & DCMP IMAGES Ousmane BA RÉALISATION Mohamed Élimane LO ISSN 2279 - 4425 IMPRESSION
En couverture : Siège de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) Photo : Ousmane BA
La Rochette Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) Rue Alpha Hachamiyou Tall x Kléber BP : 11 303 Tél. : + 221 33 889 11 60 Fax : +221 33 821 08 13 E. mail : armp@armp.sn Site web : www.armp.sn 4
Revue des Marchés publics
ÉDITORIAL
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Le défi MAPS
e forum de haut niveau de l’OCDE consacré à la présentation de la nouvelle Méthodologie d’évaluation des systèmes de passation des marchés (MAPS), tenu les 8 et 9 novembre 2016 à Dakar, a connu un franc succès. Ce nouvel instrument a suscité l’engouement des participants, à la satisfaction de l’organisateur. Les défis relevés -forte mobilisation, participation active et adhésion massive des parties prenantes, augurent d’une belle promotion de l’Achat public durable (APD). Les marchés publics représentent en moyenne 12 à 20 % du PIB d’un pays. Un mot sur le choix du Sénégal pour abriter ce forum : l’explication relève de la qualité de son système de passation et l’efficacité de son intervention au sein du comité chargé de la révision de ladite MAPS enrichie de nouveaux indicateurs. L’ARMP y représentait le Sénégal. Le niveau de satisfaction atteint par le système sénégalais traduit une volonté politique, mais aussi un engagement des différents acteurs autour de la réforme du système. Mon prédécesseur, le Ministre Youssouf Sakho, l’a exposé avec brio dans ce numéro de la revue (voir page 33). En effet, ce système figure parmi les quatre retenus à travers le monde pour passer la phase-test de la nouvelle MAPS, avec l’appui de la Banque africaine de Développement (BAD). Par le passé, à deux reprises, ce système a subi avec succès cette évaluation. Elle mesure la qualité et l’efficacité du système de passation d’un pays et souligne les points de réformes nécessaires et les exigences de leur mise en œuvre. « La nouvelle MAPS est un outil universel qui vise à promouvoir et accélérer la mise en place de systèmes de passation des marchés publics modernes, efficaces, durables et plus inclusifs dans tous les pays. » Le système sénégalais, au-delà de la critique sur ses contraintes d’ordre réglementaire ou procédural, compte parmi les meilleurs au monde en raison de son efficacité, suivant le triptyque : transparence, équité et impartialité. A cet égard, l’Etat a procédé à la transposition de toutes les directives communautaires, veille au respect de la bonne application des dispositions du Code des Marchés publics. Les procédures sont l’objet de publicité et des documents standards sont de mieux en mieux élaborés et diffusés. Aussi, les recours sont traités à temps pour diligenter la passation et faciliter l’exécution des marchés. Les décisions sont rendues à cet effet. De même, les enquêtes et investigations
se déroulent normalement, les rapports sont dressés et transmis aux autorités compétentes. En outre, chaque année, l’ARMP fait réaliser des audits techniques et/ou financiers en vue de contrôler et suivre la mise en œuvre de la réglementation en matière de passation, d’exécution et de contrôle des marchés et conventions. Les rapports d’audit sont régulièrement publiés. Parallèlement, la formation délivrée s’apprécie davantage avec le constat de l’amélioration continue dans la maitrise des procédures. On a pu le vérifier, avec la presse, lors de l’atelier organisé à l’intention des autorités contractantes auditées pour le partage sur les résultats des audits 2015. Les dysfonctionnements sont pointés et les mesures de correction édictées, à la satisfaction des participants. Outil d’aide à la décision, l’audit permet d’éviter les erreurs du passé et d’améliorer les performances du système dans la conformité avec la réglementation. Ensuite, l’Institut de Régulation des Marchés publics (IRMAP) prend en charge la demande de formation des professionnels. Son enseignement est diversifié et évolutif selon les besoins des acteurs. Deux produitsphares illustrent cette vocation : le Master en management et régulation des Marchés publics organisé avec l’ENA et l’UCAD et l’accréditation de Managers Spécialistes en Passation des Marchés (MSPM) menée avec SETYM International et l’Ecole supérieure de Gestion de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Autre illustration de la professionnalisation : la charte de compétence. La recherche de performance en passation est à poursuivre, pour réussir une bonne exécution des marchés. L’évaluation-test avec la MAPS indiquera les clés de succès du système sénégalais. Les gains de célérité, de transparence et d’économie de temps et d’argent s’apprécieront, à terme, par l’efficacité optimale de la dépense publique, la qualité des acquisitions de l’Etat, la réussite des politiques publiques et la satisfaction des citoyens. En définitive, un système de passation conforme aux standards internationaux est celui qui est digne de mériter la confiance des différents acteurs de la commande publique, mais surtout qui est adapté aux stratégies de développement du pays et indiqué pour l’Achat public durable.
Saër Niang janvier-février 2017
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ÉCHOS DES MARCHÉS
Passation des marchés des autorités contractantes
LES PRINCIPALES LEÇONS DE L’AUDIT 2015
L’ARMP a organisé le 20 janvier 2017 à Dakar un atelier de partage des résultats de la mission de revue indépendante de la conformité de la passation des marchés des autorités contractantes durant la gestion 2015. Présidée par M. Mademba Gueye, président du Conseil de Régulation (CR) la rencontre s’est déroulée en présence massive des représentants des Autorités contractantes (AC) et de la presse. Les cabinets d’audit chargés de la mission étaient également présents pour la première fois à une séance de restitution de ce Rapport annuel.
"D
'année en année», dira le président Gueye dans son discours introductif, «on a constaté des évolutions significatives en termes de transparence dans les procédures. Certes le dispositif n’est pas parfait, mais il tend vers plus de transparence et une plus grande efficience dans l’attribution des marchés publics». En effet, selon les tendances lourdes du rapport présenté par M. Boubacar Mar, membre du Conseil de Régulation (CR), il est heureux de constater après huit (8) campagnes d’audit, une amélioration progressive des pratiques en matière de passation des marchés au niveau des AC. Le fait qui le démontre en premier lieu c’est la meilleure perception des missions d’audit par la plupart des AC de manière quasi générale. Ensuite, viennent le maintien de la tendance pour les AC qui avaient été bien notées conformes pour l’essentiel lors des missions précédentes et la régression progressive des violations relatives au dispositif institutionnel au sein des AC avec : - la systématisation de la prise d’actes de nomination des personnes impliquées dans la passation des marchés ; - la signature de la Charte de trans-
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Revue des Marchés publics
parence et d’éthique (CTE) ;
l’étranger et des bailleurs de fonds.
- la transmission à la Direction centrale des Marchés publics (DCMP) et à l’ARMP des Plans de passation des marchés (PPM) ;
Il y a également la systématisation de la publication des avis d’appels d’offres dans les conditions requises dans le CMP. Mieux, à la suite des missions d’audit précédentes, quelques AC ont mis en place des plans d’action pour le suivi des recommandations dont un bon nombre ont fait l’objet d’application.
- la publication des avis généraux de passation des marchés ; - la professionnalisation progressive des acteurs de la passation des marchés (notamment les membres des cellules de passation des marchés) avec le suivi de programmes de formation de l’ARMP (certification, master, accréditation, etc.) et d’autres offres de formation sur les procédures de passation des marchés du privé au Sénégal, à
Aussi les auditeurs ont-ils noté une baisse en nombre des recours à titre gracieux et des contentieux auprès des AC et du CRD. Cependant, souligne M. d’importantes violations
Mar, sont
encore observées. Entre autres constats, il y a l’amplification des dérives dans les DRP simples et des DRP à compétition restreinte, avec le rehaussement des seuils de revue et de passation des marchés; et l’impréparation des responsables de CPM pour la prise en charge efficace de leurs nouvelles responsabilités du fait du transfert des compétences du contrôle a priori sur les marchés sous seuil DCMP ; les longs délais de passation des marchés encore observés notamment dans les marchés de travaux, même ceux passés en procédure d’urgence, malgré les mesures de réduction des délais introduites dans le nouveau Code ; le recours accru à la procédure dérogatoire telle que l’entente directe avec dans certains cas, le nonrespect des exigences du CMP. Par ailleurs, les auditeurs relèvent que la passation des marchés par Appel d’offres international (AOI) reste la procédure qui enregistre le moins de violations. En outre, l’audit technique de certains marchés tel qu’exigé dans les dossiers de consultation dévoile encore beaucoup de nonconformités et violations malgré, généralement, une bonne définition des spécifications techniques mais qui ne sont pas effectivement respectées dans l’exécution des travaux. En effet, quelques non-conformités tirées de l’audit technique montrent une défaillance no-
toire dans les systèmes de suivi et le contrôle des travaux ; d’importants retards notés dans l’exécution des marchés (dans certains cas plus de 100% du délai initial d’exécution des travaux) ; des non-conformités aux spécifications techniques décelées dans la qualité des matériaux, la mise en œuvre et le mode d’exécution des travaux ; des PV de réception provisoire des travaux ne mentionnant pas les défauts et manquements manifestes sur les chantiers (règlements de décomptes qui ne sont pas en conformité avec les DAO) ; un défaut d’application des sanctions pour les retards ou malfaçons observés et la délivrance d’attestations de services faits fallacieuses ; une absence ou une inefficacité de la mission de contrôle responsable du suivi des travaux sur les chantiers. Comme par le passé, dira Mademba Gueye, « cet audit est basé sur un échantillon des marchés publics de quelques Autorités contractantes qui ont fait l’objet d’un contrôle pour l’année 2015 ». Le président du CRD a insisté sur l’aspect objectif que l’ARMP a voulu imprimer aux débats qui suivent la publication du rapport. L’ARMP aimerait que l’accent soit mis sur les dysfonctionnements, tout en restant dans l’esprit de l’audit, et également dans un esprit constructif, un esprit gagnant-gagnant, en évitant toute forme de personnalisation et de débats sous forme de ping-pongs.
Recommandations Sur le Dispositif institutionnel et la mise en œuvre des procédures de passation des marchés : •
Prendre toutes les dispositions idoines pour un archivage correct en insérant toutes les pièces, sans exception, relatives à chaque marché dans un dossier unique (Manuel Classement ARMP);
•
Veiller à inclure dans les listes restreintes que des candidats qualifiés et les spécifications techniques dans les dossiers de consultation ;
•
Respecter systématiquement les textes d’application relatifs aux procédures spécifiques de DRP ;
•
Veiller à procéder aux évaluations conformément aux dispositions des articles 59 et 70 du CMP ;
•
Veiller à regrouper les marchés de même nature et les passer conformément aux procédures de passation en vigueur ;
•
Veiller à l’application systématique des pénalités de retard conformément aux articles 134 et 135 du CMP ;
•
Faire approuver les procès-verbaux d’attribution provisoire par les autorités compétentes conformément aux dispositions des articles précités.
Sur le contrôle technique •
Etablir un attachement contradictoire des travaux effectivement réalisés avant l’établissement du décompte final ;
•
Matérialiser par ordre de service les changements constatés dans la nature et les quantités de travaux prévues ;
•
Etablir des ordres de service de suspension et de reprise de travaux pour tenir compte des conditions indépendantes de la volonté de l’entreprise ;
•
Appliquer les pénalités pour retards prévues par le contrat.
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ÉCHOS DES MARCHÉS
Rapport annuel 2015 de l’ARMP
LES MARCHÉS DE TRAVAUX RESTENT DOMINANTS
L
e 20 janvier 2017, l’ARMP a publié son Rapport annuel 2015. La présentation de ce rapport a été faite par son Directeur général, Monsieur Saër Niang. Il présente une continuité de la prédominance des marchés de travaux ; un grand taux de recours (82%) émanant des candidats aux marchés publics, contre 18% émanant des autorités contractantes. Les missions fondamentales de l’Autorité de Régulation des Marchés publics consistent à réguler le système de passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public à travers l’émission d’avis, de propositions ou de recommandations dans le cadre de la définition des politiques. Il lui revient donc d’assister le gouvernement dans l’élaboration de la règlementation en matière de marchés publics et délégations de service public et de régler des différends ou contentieux dans les marchés publics. Aussi procède-telle à un contrôle a posteriori, en menant des audits indépendants
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Revue des Marchés publics
des procédures de passation des marchés publics. Il lui arrive également de mener des enquêtes et investigations dans les marchés publics. La formation et l’information des acteurs relèvent également de ses compétences.
en contentieux. 82% de ces recours émanent des candidats aux marchés publics et 18% des autorités contractantes, relatifs à des demandes de dérogation, d’autorisation ou de contestation des décisions de la DCMP.
Indicateurs significatifs. Conformément à la réglementation, plusieurs Autorités contractantes ont communiqué à la DCMP leur Plan de passation de marchés (PPM) pour l’année 2015. La DCMP a reçu au total 715 PPM. On note que la moitié des PPM sont des marchés de travaux.
Ainsi, 38 parmi ces recours ont été déclarés irrecevables au regard des dispositions du Code des Marchés publics, du décret portant organisation et fonctionnement de l’ARMP ; 97 requérants ont obtenu gain de cause ; 99 requérants ont été déboutés. Pour 1 cas, le Comité de Règlement des Différends (CRD) s’est déclaré incompétent ; et 1 cas d’exclusion des marchés et des délégations de service public pour 6 mois a été enregistré.
Les marchés de travaux dominent, en valeur, sur toutes les années de 2008 à 2015 à l’exception de l’année 2013 dominée par les marchés de fournitures qui représentaient 54% des marchés passés en valeur par les autorités contractantes et est très proche de la moyenne du poids des marchés des travaux sur toute la période (53,94%). La répartition des marchés par mode de passation en 2015 indique que 71% des marchés étaient prévus en DRP (Demande de renseignements et de prix). En nombre, 89% des marchés prévus concernaient l’Administration centrale. On peut relever sur l’évolution des marchés immatriculés (en milliards de FCFA) par catégorie d’autorités contractantes de 2008 à 2015 que les Agences et l’Administration centrale sont les plus grands acheteurs publics. Les contentieux dans les marchés publics de 2015. Au total, l’ARMP a reçu 236 recours
L’écrasante majorité des recours (83%) concerne les Appels d’offres ouverts (AOO), et les types de marchés faisant le plus objet de recours (56%) sont les marchés de fournitures. Audit de la gestion 2015. Au titre de ses missions d’audits, l’ARMP a audité 91 autorités contractantes. Le nombre total de marchés audités s’élève à 2 005, soit 58% en nombre des marchés immatriculés. Quant au montant total de marchés audités, il s’établit à 1 168 842 051 588 F CFA (soit 73% en valeur des marchés immatriculés en 2015). En termes de formations, 99 ateliers ont été organisés par l’ARMP sur fonds propres et financement de bailleurs à l’intention des acteurs en marchés publics.
Délégations de service public RESTITUTION DE L’ÉTUDE DU CABINET BIRD AND BIRD
L’ARMP a organisé, au mois de juillet 2016, un atelier de restitution d’une étude sur les Délégations de service public au Sénégal. C’était en collaboration avec le programme de Coopération luxembourgeoise. Ont participé aux échanges les autorités délégantes, les délégataires de service public ainsi que les experts intervenant dans le domaine des délégations de service public.
L
ors de la cérémonie d’ouverture, le 28 juillet 2016, le Directeur général de l’ARMP, M. Saër Niang, a rappelé que le Code des Marchés publics ne se limite pas seulement aux marchés publics, indiquant que c’est un Code des Marchés publics et des délégations de service public. « Depuis la réforme, a-t-il dit, nous avons mis l’accent sur les marchés publics, parce qu’il y avait des changements profonds qui avaient été introduits dans l’ancien code des marchés publics. Il y avait également un environnement institutionnel nouveau qui avait été mis en place. Il fallait consolider tout cela, prendre le temps de mettre l’accent sur le volet marchés publics. Ce qui a fait que depuis lors, nous n’avons pas beaucoup évolué. Nous n’avons pas beaucoup encadré l’environnement des délégations de service public. Aujourd’hui, nous voulons commencer à mettre l’accent sur les délégations de service public et ensuite sur les contrats de partenariat public privé ». M. Niang a poursuivi en soulignant que les délégations de service public constituent un pan important de l’économie nationale. Bien des structures évoluent dans cet environnement, mais
l’ARMP a peu d’informations sur l’exercice de la concurrence dans cet environnement et même l’organisation des structures qui y évoluent. Pour pallier ces difficultés, elle a lancé une étude approfondie, de manière à revisiter le cadre institutionnel et juridique des procédures des structures qui évoluent sous ce registre. Au cours de cet atelier, les participants ont aidé le consultant, en l’occurrence le cabinet Bird and Bird, à dresser un répertoire complet des structures délégataires de service public au Sénégal ; à analyser les pratiques de délégation de service public au Sénégal et à identifier les contraintes et lacunes. Ils ont contribué à faire l’état des lieux sur la législation et la réglementation ; à délimiter le cadre institutionnel régissant les délégations de service public, tout en cherchant à déceler les incohérences et les insuffisances. Aussi ont-ils identifié les missions dévolues à l’ARMP dans la passation, l’exécution et le contrôle des conventions de délégation de service public et celles de la DCMP en les déclinant en activités concrètes.
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ÉCHOS DES MARCHÉS L’occasion a été saisie également pour formuler des recommandations en vue d’améliorer la législation et la réglementation, pour doter les délégations de conventions de service public dans un cadre homogène et cohérent. La tenue de cet atelier devrait permettre de confectionner ultérieurement un manuel de gestion efficace des délégations de service public, intégrant notamment des procédures complémentaires et des mécanismes de mise en œuvre.
Le Sénégal et le Luxembourg ont opté pour une modalité d’exécution nationale qui a pour objectif de valoriser les différents dispositifs et procédures nationaux. Yann Nachtman, Lux Dev 10
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De même, il devrait permettre d’élaborer un dossier type et des modèles de contrats de délégation de service public en améliorant les dossiers types standard de délégation de service public adoptés par l’UEMOA. L’atelier contribuerait également à décliner les modalités de recouvrement de la redevance de régulation sur les délégations de service public. Autant de perspectives qui ont sans doute motivé la Coopération luxembourgeoise à accompagner l’Etat du Sénégal dans cette tâche. En effet, selon le représentant de Lux Dev, dans le cadre de leur nouveau programme de coopération, Lux Dev et le Sénégal ont décidé d’aller plus loin dans les DSP en alignant leur appui au dispositif et aux procédures nationales. « Depuis deux
ans, a dit Monsieur Yann Nachtman, le Sénégal et le Luxembourg, dans le cadre de leur programme indicatif de développement, ont opté pour une modalité d’exécution nationale qui a pour objectif de valoriser les différents dispositifs et procédures nationaux. Pour démarrer ce nouveau programme, il a été produit un diagnostic organisationnel qui a touché différentes fonctions en lien avec l’exécution des activités de développement. Parmi ces différentes fonctions, il y a la passation des marchés publics. Il est ressorti un besoin d’amélioration du cadre juridique et opérationnel en lien avec les délégations de service public, sachant que la Coopération luxembourgeoise intervient au Sénégal dans plusieurs secteurs dont l’hydraulique et l’assainissement. A travers des échanges avec les acteurs des marchés publics, il a été décidé de financer cette étude avec comme objectif d’avoir un diagnostic approfondi des points forts et des points faibles dans ce domaine, et d’améliorer le cadre réglementaire ». L’étude a été confiée au cabinet Bird and Bird qui s’est fait accompagner dans sa mission par le Professeur Abdoulaye Sakho et Me Habibatou Touré.
Marchés publics OUVERTURE À DAKAR D’UN CENTRE DE DOCUMENTATION
L’ARMP renforce son dispositif avec la mise sur pied d’un centre de documentation et des archives. Celui-ci a été inauguré le 26 juillet 2016. Le duplex abritant ce centre se trouve à Mermoz Pyrotechnie, immeuble Holding Baobab, 5ème étage, appartement 23.
A
vec l’adoption du Code des Marchés issu du décret du 22 septembre 2014, il est apparu nécessaire à l’institution de se doter d’un centre de documentation et des archives pour assurer la préservation des documents. Ainsi se justifie sa création selon le Directeur général de l’ARMP. Selon M. Niang : «La documentation est un instrument fondamental. Elle permet aux gens d’avoir de la source d’inspiration. Des informations précises
renouvelées pour avoir les ressources nécessaires. Il faut absolument assurer la préservation des documents. » D’une part, le centre de documentation et des archives de l’ARMP a pour mission de concevoir et de mettre en pratique les politiques archivistique et documentaire et d’autre part, d’assurer un contrôle scientifique et technique dans ces domaines au regard de la sensibilité de documents détenus par l’institution tels
que les rapports de mission d’audit réalisés par les différents cabinets d’expertise, mais aussi les décisions du Comité de Règlement des Différends (CRD). « Je crois que pour les décisions du CRD, il est fondamental qu’on puisse les avoir à disposition, mais également qu’on puisse favoriser leur consultation par une diversité de personnes notamment les étudiants en faculté de droit », dira M. Niang, avant d’ajouter que « pour le moment, nous janvier-février 2017
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ÉCHOS DES MARCHÉS VISITES DE DÉLÉGATIONS n’avons pas encore ouvert la thèse de doctorat dans nos enseignements, mais dans le Master, nous pouvons prétendre jusqu’à 25 ou 30 personnes qui rédigent leurs mémoires dans des domaines extrêmement diversifiés. Des sujets qui font appel à la documentation approfondie ». Il a exhorté les responsables du centre à être conscients de l’ampleur de leurs tâches et de leurs responsabilités. Selon lui, il leur incombe de créer des cadres d’échanges avec leurs pairs tant au plan national qu’international, pour s’inspirer des meilleures pratiques dans le domaine de l’archivage et l’exploitation des données générées par cette documentation afin d’être en règle avec les exigences communautaires en matière de transparence, de célérité de la procédure des marchés publics. Très satisfait de l’inauguration de cet outil, Monsieur Boubacar Mar, membre du Conseil de Régulation (CR) a adressé ses félicitations à Monsieur Saër Niang pour sa bonne vision des choses et ses qualités de bon manageur. « L’inauguration de cette salle est une preuve éloquente de la vision de l’homme par rapport au développement de l’institution. Je crois que le cas de l’IRMAP, l’archivage du site ou d’autres investissements ou réalisations de l’institution sont suffisamment éloquents pour apporter la preuve de cette vision », a dit M. Mar. Pour lui, « c’est une bonne chose d’avoir pris un duplex de ce genre pour y installer l’archivage, la documentation.
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Revue des Marchés publics
Tout le monde sait que l’archivage est la mémoire collective. Si vous voulez avoir des informations sur l’institution c’est le lieu privilégié pour avoir des éléments de réponse à vos questionnements ». Il a rappelé qu’à travers les audits faits au nom de l’ARMP, les auditeurs ont toujours exprimé des problèmes qu’ils rencontrent liés à l’absence d’un système d’archivage, de classement. De son côté, M. Amacodou Diouf, membre du CR, s’est réjoui de l’ouverture de ce centre avant de plaider pour le renforcement de ses moyens. M. Diouf dira que « c’est un centre qui est essentiel et qui devait être doté suffisamment de moyens. A cet effet, il faut peut-être insister auprès du conseil d’orientation pour qu’au cas où il y aurait une revue du budget, qu’une ligne budgétaire assez conséquente soit créée pour régler la question de la documentation. Il faut renforcer le dispositif non seulement en documents, mais en documents physiques, ainsi qu'en matériel informatique ». Le DG de l’ARMP a pris bonne note de ces suggestions, tout en assurant que l’institution qu’il a l’honneur de diriger ne ménagera aucun effort dans sa volonté de faire de ce centre une référence dans le domaine de la commande publique. En termes de projets, il a informé qu’il est envisagé l’accès à la documentation en ligne à partir du site www.armp. sn et l’abonnement à des revues juridiques.
Seynabou Ndiaye Diakhaté
PRÉSIDENTE DE L’OFNAC La nouvelle présidente de l’OFNAC, Mme Seynabou Ndiaye Diakhaté, est venue à l’ARMP en visite de travail et d’échanges, le jeudi 27 octobre 2016. Elle était accompagnée de plusieurs membres de son institution. Lors de la visite de la présidente de l’OFNAC, le Directeur général de l’ARMP a invité son hôte à la mutualisation des ressources des deux institutions, pour plus d’efficacité dans leurs missions respectives. De l’avis de M. Niang, l’OFNAC est « une institution très délicate » et « très sensible », avec des objectifs « très nobles ». Aussi a-t-il mis en exergue l’expertise des membres de l’ARMP, qui peut être mise à la disposition de l’OFNAC et de ses missions. Au cours de sa visite, la présidente de l’OFNAC a eu droit à une présentation de l’Autorité de Régulation des Marchés publics et de ses activités. Des responsables de l’ARMP sont tour à tour revenus sur le cadre institutionnel de l’organe de régulation des Marchés publics, les grands principes du Code des Marchés publics ainsi que ses orientations actuelles. Ils ont également abordé la politique de formation de l’ARMP, de même que le travail du Comité de Règlement des Différends (CRD), de la Cellule d’enquête et d’inspection de l’ARMP et la question des audits. Des membres du Conseil de Régulation de l’ARMP, à savoir Messieurs Amacodou Diouf et Cheikhou Issa Sylla, ont plaidé pour la signature d’une convention de partenariat entre les deux institutions pour un renforcement de leur coopération. De son côté, la présidente de l’Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC), Mme Seynabou Ndiaye Diakhaté a indiqué être adepte d’une « démarche participative » qui inclut toutes les structures œuvrant pour la bonne gouvernance. « Ma démarche est participative », a-t-elle dit, avant d’ajouter que « l’ARMP et l’OFNAC militent pour la même cause, avec le même objectif de recherche de la bonne gouvernance, une gouvernance vertueuse ». (avec APS)
Soumission des offres
BIENTÔT LA DÉMATÉRIALISATION DES PROCÉDURES Le système national des marchés publics devrait s’enrichir cette année d’une plateforme de dématérialisation des procédures de soumission des offres. L’assurance en a été donnée par le Directeur général de l’ARMP le 9 août 2016 à Dakar, lors d’une réunion sur l’état d’avancement du projet de création de ladite plateforme. Une fois qu’il sera mis en œuvre, ce projet permettra de régler un certain nombre de problèmes qui ont souvent été soulevés par les autorités contractantes. Elles se plaignent parfois de lenteurs dans la mise en œuvre de projet du gouvernement pour l’acquisition de produits et services. Face à cette problématique, l’ARMP a proposé comme réponse la dématérialisation des procédures de soumission des offres. Une telle option permettra de gagner en temps, d’être efficace et de gérer les coûts de gestion des marchés publics, notamment toute la paperasserie y afférente. L’ARMP a fait de ce projet une priorité, en lançant en 2015 un appel à candidature public en vue de recruter un consultant pour l’étude et la mise en place de la dématérialisation complète de la procédure de passation des marchés publics. C’est ainsi que le cabinet 2SI a été sélectionné. L’expertise de ce cabinet dans ce domaine est avérée pour avoir déjà été testée dans le cadre du projet intitulé Système intégré de Gestion des Mar-
chés publics (SYGMAP). Opérationnel depuis près de dix ans, le SYGMAP permet de générer des statistiques sur les marchés publics pour que les intéressés puissent disposer de toutes les informations sur le système de passation des marchés publics. La dématérialisation des procédures de passation des marchés publics est une Directive de l’UEMOA. Celle-ci définit la dématérialisation comme étant « la création, l’échange, l’envoi et la réception ou la conservation d’informations ou de documents par des moyens électroniques ou optiques ». Aujourd’hui, après échanges avec la Direction des services techniques de l’ARMP et le cabinet 2SI, le DG de l’ARMP croit ferme que la phase pilote peut être lancée. Il estime que la dématérialisation complète va accroître la transparence et la célérité. Mieux, ça va renforcer la vigilance. A cet effet, M. Saër Niang a invité tous les acteurs présents à la réunion de présentation du projet de dématérialisation à une forte collaboration pour un succès assuré du projet. Parmi eux, il dit compter énormément sur la Direction du Traitement Automatique de l'Information (DTAI) et la DCMP, dont les directeurs étaient présents, Mme Koura Kane Wane et M. Ibrahima Gueye. La DTAI a été d’un grand apport dans la mise en place de Gaïndé, le système informatique des Douanes sénégalaises ; et la DCMP dispose d'une expérience à travers le SYGMAP.
Les médias face aux marchés publics MIEUX INTÉGRER LA DIMENSION STRATÉGIQUE DANS LES INVESTIGATIONS Dans le cadre de ses activités de sensibilisation des acteurs évoluant autour des marchés publics, l’ARMP a convié, à Saly Portudal, du 21 au 22 octobre 2016, le Collectif des Journalistes en Economie du Sénégal (COJES). A cette occasion, le Directeur général de l’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP), Saër Niang, a invité la presse à mieux s’interroger sur les acquis de la grande réforme des marchés publics en se focalisant plus sur la dimension stratégique dans le traitement de l’information. « Au-delà de la dimension administrative, il faut que vous intégriez dans vos réflexions la dimension stratégique », a suggéré M. Niang qui présidait la clôture de la session de formation du COJES sur les marchés publics. Pour M. Niang, la finalité est de considérer les marchés publics comme un levier de développement économique et social et non seulement comme un instrument de contrôle de la dépense publique. « Il faut que les marchés publics aident à la création d’emplois, à la modernisation des processus de passation de marchés à travers la dématérialisation. Ce sont ces enjeux-là qui doivent nous préoccuper », a-t-il déclaré.
niveau international par la forte consistance de son environnement marchés publics. C’est pourquoi, il y a des réflexions stratégiques qui doivent être menées pour aider à éclairer davantage le chemin du pays vers plus de performance et d’efficacité des marchés publics pour arriver à un mieux-être des populations. Des suggestions fortement appuyées par l’ancien président du COJES et actuel Directeur général du quotidien Le Soleil, Cheikh Thiam. Au cours de cet atelier, il s’est réjoui de l’intérêt que la presse sénégalaise accorde aux questions liées aux marchés publics. C’est la raison pour laquelle il a invité les journalistes à s’imprégner davantage de la masse critique d’informations disponibles sur les sites de la DCMP et de l’ARMP pour enrichir leurs articles et diversifier leurs sources. Non sans prendre bonne note de ces conseils avisés, le président du COJES, Aliou Kane Ndiaye, n’a pas manqué de se réjouir des avancées significatives notées dans le traitement de l’information sur les marchés publics par la presse sénégalaise et la disponibilité de l’ARMP à fournir les informations nécessaires dans le traitement des sujets. (avec Le Soleil et l’APS)
Le Sénégal, selon lui, est l’un des pays les mieux respectés au janvier-février 2017
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ÉCHOS DES MARCHÉS
Mise en œuvre des PPP LES GOUVERNANTS INVITÉS À S’ENTOURER D’EXPERTS QUALIFÉS
Avoir des experts rompus à la tâche est essentiel dans la mise en œuvre des contrats de partenariat public privé (PPP). Cela permettra de mieux prendre en charge les intérêts des différentes parties prenantes. C’est l’avis des personnalités qui ont pris part au « Jeudi du Master de l’ARMP » tenu autour du thème : « Les Partenariats publics privés: une alliance innovante entre pouvoirs publics et entreprises privées ».
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Revue des Marchés publics
L
es gouvernants doivent s’entourer d’experts qualifiés dans la mise en œuvre des contrats de Partenariat public privé (PPP). C’est la principale recommandation formulée lors de la rencontre « Jeudi du Master de l’ARMP » du 24 novembre 2016 qui a eu pour thème : « Les Partenariats publics privés : une alliance innovante entre Pouvoirs publics et entreprises privées». « Il faut avoir des experts qualifiés. Cela permettra de mieux surveiller l’endettement du pays au profit des générations futures », a déclaré M. Saër Niang, le Directeur général de l’Autorité de
Régulation des Marchés publics (ARMP). C’était devant une centaine d’auditeurs du Master Management et Régulation des marchés publics, des responsables de cellules et de commissions des marchés, des universitaires et d’autres acteurs de la commande publique. Pour M. Saër Niang, les contrats de PPP demandent une technicité avérée. « Ça demande de la connaissance. Ça demande d’avoir des compétences qui puissent s’exprimer dans plusieurs domaines pour faire les études et s'assurer de la rentabilité du projet.
Sinon ça peut être un vecteur de réalisation d’infrastructures, mais à long terme, ça va entrainer un endettement à risques», a dit le Directeur général. « Il faut surveiller l’endettement pour les PPP pour ne pas risquer de surendettement. Il faut utiliser les PPP, mais il faut surveiller le processus », a ajouté M. Niang. Le recours aux experts est essentiel. « Ce sont les générations à venir qui vont faire face et elles ne pourront jamais rembourser ces dettes. Donc quelque part, les Etats vont perdre leur légitimé et leur crédibilité. En vérité, c’est le privé qui coûte cher maintenant. Il finance le développement, mais il coûte cher, parce que vous êtes redevables et vous n’avez pas les moyens de payer », a-t-il alerté. « Les PPP sont très importants, mais les Etats doivent veiller à leur mise en œuvre », a-t-il ajouté avant de préciser : « je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire. Il faut le faire ». Le Directeur général de l’AIBD, M. Abdoulaye Mbodji et Me Habibatou Touré, Avocate au barreau de Paris, ont fait des communications sur les sujets « Partenariats public privés contentieux et risques de financement : le cas de l’AIBD» et « Gouvernance et Partenariats public privé». Partant de l’expérience, ils ont aussi insisté sur la nécessité d’avoir des experts. « Il y a un ensemble de forces qui interviennent dans la
gouvernance économique. Il y a aussi les lois et les règlements au Sénégal qui sont assez complets et reflètent les pratiques de gouvernance économique. Il faut bien identifier des forces», a souligné Me Habibatou Touré. L’identification de ces forces permettra de veiller à l’équilibre dans la mise en œuvre des contrats. « Un contrat doit respecter l’équilibre. L’équilibre repose sur la capacité des Etats à négocier. Il permet de prendre en compte les intérêts des parties », a dit Me Habibatou Touré. « Il faut veiller à l’équilibre financier du contrat. Un contrat qui réussit à générer des revenus,
parties à négocier en égalité et à savoir identifier les objectifs et les risques. C’est pourquoi, elle suggère aux gouvernants de s’entourer d’une équipe pluridisciplinaire lors des négociations. Car, a-t-elle indiqué, il y a un enjeu important à prendre en compte. « Il y a l’usager qui est bénéficiaire du service, mais celui qui dépense c’est l’Etat et ses démembrements. L’enjeu est d’optimiser la dépense qui est une ressource publique et de permettre la satisfaction de besoins de l’usager », a dit Me Touré. L’expérience du Sénégal à travers la construction de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass illustre également la nécessité pour les Etats d’avoir des ressources humaines qualifiées dans les contrats. «Nous avons eu énormément de difficultés avec le PPP de l’AIBD. Nous avons fait face à plusieurs obstacles portant entre autres, sur la délocalisation des villages impactés par le projet », a témoigné Mor Ngom, ancien ministre des infrastructures. C’est pourquoi, le conseiller du Président de la République a plaidé pour le renforcement de la formation, pour aider les gouvernants. « Nous devons avoir la patience de regarder et d’avoir une approche systémique pour éviter les blocages », a recommandé l’ancien ministre des Transports aériens. Dans le même sillage, le
Il faut rassembler les meilleurs hommes qu’on a pour affronter les entreprises qui sont armées de toutes les expertises possibles. Abdoulaye Mbodji, Dg AIBD à supporter des charges. Cet équilibre est un engagement de part et d’autre supportable légalement qui respecte les principes de la gouvernance et la sécurité juridique du privé qui ne sera pas exproprié sans indemnisation, qui ne sera pas expulsé sans réparation. C’est également de la part de l’Etat un certain nombre de garanties et de sanctions si jamais le privé ne respecte pas la réglementation locale concernant la mise en œuvre du service public », a dit Me Touré. L’avocate ajoute que l’équilibre repose sur la capacité des deux
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ÉCHOS DES MARCHÉS
Les conférenciers Abdoulaye Mbodji et Maître Habibatou Touré face aux médias.
Directeur de l’Aéroport international Blaise Diagne, M. Abdoulaye Mbodji a recommandé une bonne maitrise des risques dans les contrats de partenariat public privé. « Il faut bien maitriser les risques. Il faut s’entourer d'experts venus de divers domaines. Il faut rassembler les meilleurs hommes qu’on a pour affronter les entreprises qui sont armées de toutes les expertises possibles», a dit le directeur. M. Abdoulaye Mbodji a rappelé que le projet AIBD a été une vision éclairée, mais son montage financier a créé beaucoup de difficultés notamment l’augmentation des coûts de construction qui passent de 229 milliards de FCFA à environ 303 milliards, mais aussi le retard dans la livraison du joyau qui va faire du Sénégal 16
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« un hub aérien ». Selon lui, l’infrastructure qui devait être réalisée dans un délai de trois ans va finalement s’étendre sur 10 ans. La non-maitrise des risques fait que l’Etat du Sénégal a payé plus de 50 milliards de FCFA supplémentaires, selon le Directeur de l'AIBD. Restant toujours sur les risques financiers, il a évoqué les conditions posées par les bailleurs pour le décaissement des fonds, malgré la taxe RDIA collectée par l’IATA pour le Sénégal et qui s’élève actuellement à environ 52 milliards de FCFA. Malgré les difficultés rencontrées et qui ont été surmontées grâce à l’intervention du Président de la République, M. Macky Sall, M. Abdoulaye Mbodji a affirmé que le projet AIBD suscite beaucoup
d’espoirs. « AIBD est accepté comme étant le meilleur de la région », a-t-il souligné. Quid du différend avec Saudi Bin Laden Group ? M. Mbodji a expliqué que tout est résolu. «SBG qui réclamait un avenant de 64 milliards a abandonné cet avenant et accepté de soustraiter le reste des travaux à Suma Limak », s’est réjoui Monsieur Mbodji. Et le Directeur d’AIBD de souligner: « cet aéroport est un poumon important dans le PSE, mais aussi de l’économie sénégalaise dans sa globalité. L’AIBD constitue le cœur du Sénégal de demain ».
Acteurs de la commande publique
RENFORT DE 169 EXPERTS
La fonction Achat public au Sénégal vient de s’enrichir d’une cohorte de 169 experts. Ils sont 24 diplômés du Master en management et régulation des marchés publics et 145 titulaires de l’Accréditation de manager spécialiste en passation des marchés. Ils ont reçu leur parchemin le 17 janvier dernier à Dakar, lors d’une cérémonie présidée par M. Mamadou Talla, Ministre de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Artisanat.
L
e Master en Management et Régulation des Marchés publics a été mis en place en 2012 par l’ARMP, en partenariat avec l’Ecole nationale d’Administration (ENA) et l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Il vise à répondre aux besoins des professionnels des secteurs public et privé d’être davantage performants dans leurs missions en passation, exécution et règlement des marchés publics et délégations de services publics. De son côté, le Secrétaire général de l'ENA M. Mbaye Diop représentant le DG de l’ENA, salue le partenariat entre ces trois entités qui «contribue amplement aux objectifs de transparence, d’équité, de performance, bref aux objectifs de bonne gouvernance indiqués dans les différentes politiques publiques, notamment dans le domaine des marchés publics. C’est donc le lieu de me réjouir de l’efficacité et des bons résultats du partenariat que l’ENA s’évertuera toujours à renforcer davantage, en vue d’une plus grande massification des effectifs formés parce que la demande est très forte».
Son collègue, M. Ibrahima Thioub, Recteur de l’UCAD, salue également cette collaboration, « mais surtout l’ouverture à l’international, que je voudrais ici magnifier, avec la présence de nos collègues, de nos amis du Canada qui participent également à cette formation et qui montrent aujourd’hui que dans le cadre de la globalisation, il y a de moins en moins de frontières à établir, encore moins de murs à édifier, mais que nous sommes dans un monde ouvert. Cette ouverture nous exige la même rigueur dans la formation, la même compétence dans les formations, puisque cette compétition est ouverte au niveau mondial, et cette ouverture vers le Canada nous donne une assurance que nous délivrons des diplômes reconnus au niveau international, mais pouvant servir dans le marché national avec efficacité et avec efficience. Et c’est cela qui est attendu de nos formations ». Concernant le programme Accréditation des managers spécialistes en passation des marchés, auquel participe l’Ecole
des Sciences de la Gestion de l’Université du Québec (ESG), il contribue, entre autres, à lutter contre la déperdition liée à la forte mobilité des spécialistes en passation de marchés ; à formaliser les connaissances et savoir-faire des acteurs à travers une accréditation professionnelle ; à doter les managers spécialistes en passation de marchés d’une connaissance professionnelle reconnue par les gouvernements, les bailleurs de fonds, les agences d’exécution ; à promouvoir également la stabilité et les bonnes pratiques au niveau des autorités contractantes ; et à professionnaliser les métiers de la commande publique. Il est né d’un partenariat entre l’ARMP, l’Ecole des Sciences de la Gestion de l’Université du Québec à Montréal (Canada) et l’Institut de formation SETYM international, à Montréal. De l’avis du Directeur général de l’ARMP, la professionnalisation de la fonction Achat public constitue un enjeu de premier ordre, un objectif
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ÉCHOS DES MARCHÉS majeur dans le cadre des réformes de seconde génération, à côté du processus de dématérialisation des procédures de passation des marchés publics initié par son institution dans le but de renforcer sa modernisation et son efficience. M. Saër Niang rappelle que les réformes poursuivies en matière de marchés publics dans les pays de l’UEMOA visent, à l’instar de la plupart des pays de l’OCDE, à moderniser la gestion publique, à assurer des moyens efficaces à l’Etat, tout en respectant des règles de transparence conformes aux standards internationaux. « Aujourd’hui, dit-il, l’environnement de la commande publique s’est profondément modifié au cours des dix dernières années dans notre pays. Tous les intervenants de la chaine de passation des marchés s’accordent à penser de manière générale que l’on est passé d’un processus purement bureaucratique à un outil stratégique susceptible de renforcer l’efficience des organismes publics, de réguler effacement les marchés et de promouvoir un développement durable ».
passage de cette phase jadis très fortement marquée par la rigueur d’une gestion administrative, voire juridico-comptable des marchés publics, à cette nouvelle ère caractérisée par une nette volonté d’assurer à travers la fonction Achat public un développement harmonieux, plus équilibré de nos économies, réussit durablement et positivement en s’appuyant sur des ressources humaines de qualité, bien formées. C’est la raison pour laquelle il pense que la fonction Achat public doit être l’affaire de professionnels avertis au regard de l’ampleur des risques qu’elle engendre.
« La vérité est sans doute différente d’une telle perception, déclare M. Niang, l’autorité contractante estimant que la rigueur des procédures prenait souvent en otage le pragmatisme et l’urgence dans la mise en œuvre de leurs projets ». Le DG de l’ARMP ajoute que le
Ainsi, la formation professionnelle
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Revue des Marchés publics
Dans cette charte présentée lors de la cérémonie de remise de diplômes et accréditations, il y est proposé la
Cette ouverture vers le Canada nous donne une assurance que nous délivrons des diplômes reconnus au niveau international. Ibrahima Thioub, Recteur UCAD
En effet, « lorsqu’on observe la courbe croissante de la commande publique au Sénégal, fait-il remarquer, on se rend compte que le budget qui y est consacré a été multiplié par quatre en moins de dix ans. On est passé d’un budget inférieur à 500 milliards en 2007 à un budget avoisinant quasiment 2000 milliards en 2016. Cette progression prévisible à travers les grands chantiers engagés dans les différents secteurs, doit être interprétée sans conteste comme relevant d’une vision et d’une option managériale, mais qui doivent être encadrées en permanence par des procédures qui ne peuvent et qui ne doivent souffrir d’aucune ambiguïté, des procédures très adaptées, à la mesure des nouveaux défis et enjeux du développement qu’ils engendrent ».
En effet, pendant longtemps on s’est laissé submerger par la dimension administrative et procédurale des marchés publics, avec un formalisme parfois jugé excessif par certaines administrations, dont la réplique ne se faisait point attendre, qualifiant le Code des Marchés publics «d’instrument de blocage », voire «d’empêcheur de tourner en rond ».
durable sera la clé du succès de ce nouveau paradigme dans les marchés publics. Cette nouvelle philosophie d’achat, orientée vers des acquisitions de produits, de services et de travaux, basée autour de la problématique du développement, avait aussitôt poussé l’ARMP, grâce au soutien de Lux-Dev, à se rapprocher des services compétents du Ministère de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Artisanat, pour solliciter leur expertise pour l’élaboration d’une charte de compétence dans le domaine des marchés publics.
création de différents métiers dans la commande publique. Il ressort des explications fournies sur cette charte par Mme Habsatou Dia Wane, que son élaboration avait démarré en 2015 sous l’égide du Ministère de la Formation professionnelle. La tâche consistait à conduire l’écriture des programmes de l’ARMP. Pour ce faire, un groupe de six (06) méthodologues a été formé par ce ministère. Selon cette Inspectrice de la Formation professionnelle et technique et Méthodologue en approche par compétence : « c’est l’approche par compétence qui a été choisie. C’est-à-dire que ce sont les acteurs de la commande publique qui, eux-mêmes, produisent le programme. (…) Une cartographie des métiers a été effectuée, des
référentiels de compétences des métiers répertoriés ont été établis, des référentiels de certification des métiers de la commande publique ont également été validés, plus le référentiel de formation aux métiers de la commande publique et des formateurs ont été initiés à l’utilisation de tous ces documents. (…) A la validation, trois métiers ont été retenus : l’Inspecteur de la commande publique, le Contrôleur de la commande publique et l’Assistant en commande publique ». Monsieur Mamadou Talla, Ministre de la Formation professionnelle, de l’Apprentissage et de l’Artisanat, apprécie positivement la démarche de l’ARMP qui vise à favoriser l’émergence d’experts reconnus et certifiés, mais aussi à assurer un accompagnement de haut niveau aux différents intervenants de la passation de marchés. Il estime que cette option correspond parfaitement à la volonté du gouvernement du Sénégal. «Aussi, dit-il, les deux programmes phares de l’ARMP, le
master et l’accréditation, participent à donner plus de rigueur et d’efficacité dans le processus de passation de marchés, et particulièrement dans les diligences à apporter aux dossiers d’appel d’offres. Vous avez raison à ce titre, Monsieur le Directeur général, d’insister sur la professionnalisation des acteurs de la commande publique », soutient M. Talla. De quoi réjouir les 169 récipiendaires, en particulier ceux du Master en management et régulation des marchés publics, eux qui par la voie de leur porte-parole, Mme Nafissatou Gassama, plaident pour une reconnaissance et une valorisation du diplôme qu’ils ont reçu. « Valoriser ce diplôme, c’est à mon avis, nous faire confiance pour nous permettre d’exercer la pleine mesure de nos capacités », déclare Mme Gassama. De son côté, Mme Evelyne Mingou Balacoune, représentante des Managers spécialistes en passation
des marchés, affirme que ce titre de Manager spécialiste en passation des marchés les confortent dans leur travail. « Et nous sommes conscients que la maitrise des techniques de management en passation des marchés publics est indispensable pour la réalisation de nos projets dans les délais et par conséquent le développement de notre pays ». S’adressant aux récipiendaires de l’accréditation, M. Stéphane Pallage, Doyen de l’Ecole des Sciences de la Gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG), leur rappelle que cet agrément leur confère pouvoir et responsabilité. « Soyez à la hauteur de ce que vous avez gagné. Soyez chaque jour, chaque matin des héros pour votre pays. Soyez des héros pour vos enfants, pour votre famille. Vous êtes des gardiens importants, des gardiens fondamentaux de l’efficience et de l’intégrité de l’Etat». Sagesses de M. Pallage.
Larbi Bennouna, Directeur général de SETYM international « L’accréditation de Manager spécialiste en passation des marchés dure cinq ans » « Ce n’est pas tout le monde qui peut accéder à l’accréditation. Il y a d’abord un dossier qui doit être constitué et chaque candidature est étudiée avant d’être acceptée pour passer l’examen. Une fois que vous passez l’examen, il est automatiquement transmis à l’ESG, qui procède à la correction de l’examen. Donc là on a encore un tiers de confiance, c’est une institution qui garantit les résultats de l’examen. Personne ne peut dire que c’est un bon client de SETYM, SETYM lui a remis une attestation, … ce n’est pas possible. Les personnes qui ont réussi ont réussi à la sueur de leur front et selon leurs compétences. C’est très important de le souligner. Maintenant, le diplôme que vous allez avoir ce n’est pas comme un diplôme universitaire. Un diplôme universitaire dure toute la vie et on ne peut pas vous le retirer. Mais l’accréditation elle, elle a une durée de vie limitée. Elle est d’une validité de cinq (05) ans. Ça veut dire que pendant les cinq prochaines années, vous devez continuer à pratiquer le métier avec toute la rigueur, toute l’éthique professionnelle qu’il faut pour pouvoir renouveler l’accréditation. Nous à SETYM, on va vous contacter au bout de cinq ans pour vérifier si toutes les conditions de renouvellement de l’accréditation sont satisfaites pour pouvoir renouveler l’accréditation. Sinon, il va falloir recommencer l’examen. Tout ça c’est pour contribuer à la professionnalisation de la fonction d’acheteur public. Et le rêve c’est vraiment de créer un ordre professionnel qui va encadrer ce métier et lui donner ses lettres de nobless. Quand on a un ordre, ça veut dire qu'on a un code d’éthique, qu'on a des règles, qu’il y a aussi des échelles salariales, etc. ». janvier-février 2017
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ÉCHOS DES MARCHÉS
Devis programme n°3 de l'Union Européenne
FIN DU PROCESSUS
L’Autorité de Régulation des Marchés publics a terminé avec succès le Devis programme N°3 de de l’Union Européenne. Celui-ci visait la consolidation du système de passation des marchés publics, avec comme objectifs distinctifs la modernisation du dispositif institutionnel, le renforcement des capacités des acteurs et l’acquisition d’équipements spécifiques.
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n vue d’atteindre les objectifs du programme, plusieurs actions ont été menées pour promouvoir la célérité du traitement des dossiers, la bonne application du nouveau dispositif des marchés publics par les acteurs responsables du processus d’achat, le renforcement de l’intégrité et de la transparence du dispositif de passation des marchés et la préservation de la bonne gestion des deniers publics. Dans l’optique de partager et de capitaliser les résultats qu'elle a obtenus du Devis programme N°3, l’ARMP a convié ses partenaires à un atelier le mardi 2 août 2016, à l’hôtel Radisson Blu de Dakar. La cérémonie d’ouverture de l’atelier a été présidée par Monsieur Khadim Diop, Ministre de l'Intégration africaine, du NEPAD et de la Promotion de la bonne gouvernance, en présence de Monsieur Joaquín Gonzalez-Ducay, Ambassadeur, Chef de la Délégation de l’Union Européenne au Sénégal. L’occasion a été saisie pour procéder au lancement des ouvrages publiés dans le cadre de ce programme et portant notamment sur la traduction du Code des Marchés publics en wolof, l'élaboration du Guide du soumissionnaire et l’élaboration de la Check-List de contrôle des procédures de passation des marchés. Les participants ont passé en revue les différentes activités qui ont été menées durant ces trois dernières années, échangé sur les difficultés
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Revue des Marchés publics
M. Khadim Diop, Ministre en charge de la Bonne Gouvernance.
rencontrées et partagé des recommandations pertinentes en vue d’une plus grande efficacité du système de passation des marchés. Selon le ministre Khadim Diop : ce système a bénéficié d’un important financement de l’Union Européenne, d’un montant de plus d’un milliard de francs CFA au travers de trois (3) devis programmes, pour réaliser plusieurs activités de consolidation des acquis de la réforme de la passation des marchés publics et d’amélioration évolutive du cadre des marchés publics. Grâce à ce financement, l’ARMP a pu contribuer au renforcement de l’efficacité dans la gestion des ressources financières de l’Etat ; à la modernisation du dispositif de passation des marchés publics ; au renforcement des mesures de transparence et d’équité dans les marchés publics ; et à la moralisation de l’environnement des marchés publics. La mise à disposition
de documents pratiques réalisés sous forme de brochures participe à la modernisation du dispositif institutionnel, du renforcement des capacités des acteurs et de l’acquisition d’équipements spécifiques. Il s’agit du Guide du soumissionnaire ; de la Check-list pour le contrôle des procédures de passation des marchés publics ; du Sartu Jawi Nguur Gi – Code des marchés publics (en wolof) et du Bulletin des décisions et avis par le CRD sur la période de 2008 à 2013. A cet égard, le DG de l’ARMP n’a pas manqué de souligner l’importance de l’assistance de l’Union Européenne. M. Saër Niang a tenu à rappeler que depuis le début, le soutien de l’UE a toujours été décisif dans la conduite de la réforme des marchés publics au Sénégal. C’est ainsi qu’elle a recruté le premier consultant chargé d’élaborer le manuel de formation des acteurs du système de passation des marchés. En outre, sa contribution s’est fait sentir dans la mise à disposition de matériel et d’équipement du centre de formation de l’ARMP. Elle a également apporté une part importante dans le financement de la modernisation du Système intégré de gestion des marchés (SYGMAP). Pour toutes ces raisons, le DG de l’ARMP considère que l’Union Européenne figure parmi « les pièces maîtresses de la réforme des marchés publics ». Une réforme saluée parmi les mieux réussies au niveau de l’UEMOA.
DOSSIER
PARTENARIAT PUBLIC PRIVÉ
Quels enjeux pour la commande publique ? En 2012, quatre-vingt-treize (93) milliards de dollars par an d’investissements étaient nécessaires pour la réalisation d’infrastructures en Afrique, selon la Banque mondiale. L’Afrique représentait 10% de la valeur totale des PPP d’infrastructures à l’échelle mondiale en 2016 et 594 projets PPP d’un montant global de 235 milliards de dollars ont été conclus financièrement depuis 1990. C’est dire que le modèle a pris racine. En 2016, le Sénégal était le troisième pays africain francophone (derrière le Maroc et la Tunisie) sur la liste des pays ayant recouru aux PPP. Mais quels sont les écueils qui freinent leur optimisation ? Comment organiser leurs cadres institutionnel, financier et juridique ? Quel gain pour le secteur public ? Comment élaborer et suivre un PPP ? Ce dossier donne réponse à ces questions. Il a été réalisé à l’occasion d’un important séminaire du Réseau africain des Institutions de Contrôle et de Régulation des Marchés publics et des DSP organisé à Dakar sous les auspices de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP), en partenariat avec « Expertise France », du 19 au 23 septembre 2016.
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DOSSIER
KHOUDIA MBAYE, MINISTRE DE LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS
« Une grande partie du Plan Sénégal Emergent relève des PPP » Mme Khoudia Mbaye a fait cette déclaration en présidant la cérémonie d’ouverture du séminaire de formation sur les partenariats public privé (PPP) organisé à l’intention des membres du Réseau Africain des Institutions de Régulation et de Contrôle des Marchés publics. L'objectif des travaux était de mieux outiller les participants pour promouvoir, dans chaque Pays membre du réseau, un cadre favorable à l’émergence des PPP, pour une commande publique moteur de l’émergence.
C
réer un espace de dialogue et de concertation sur la modernisation du management de la commande publique dans les pays africains, telle est la vocation du Réseau africain des Institutions de Régulation et de Contrôle des Marchés publics. Présidant l’ouverture du séminaire, le 19 septembre 2016 au Radisson Blu de Dakar, Mme le ministre a déclaré que le gouvernement tient au bon usage des Partenariats public privé (PPP). « Tous, nous convenons de l’importance des Partenariats public privé, mais personne n’ignore la complexité de leur montage technique et financier», a-t-elle d’emblée déclaré. Ensuite, Mme Khoudia Mbaye, prenant l’exemple du modèle sénégalais en la matière, a souligné que le Plan Sénégal Emergent (PSE), « l’instrument de politique économique et sociale» du gouvernement du Président Macky Sall met l’accent sur la mobilisation des ressources mises à la disposition du pays, dont une
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Revue des Marchés publics
grande partie relève des PPP.
de contrat de partenariat ».
Elle a ensuite encouragé les acteurs de la commande publique à continuer les efforts en vue de relever ensemble le défi, en maintenant les acquis et à les renforcer. « Je veux parler, entre autres, de la qualité du cadre législatif et réglementaire ainsi que du dispositif institutionnel, deux binômes qui permettent de mettre en œuvre les projets du PSE à travers les Partenariats public privé», a ajouté la ministre.
En raison du « manque de moyens financiers du secteur public et face à des urgences liées à l’augmentation de la population, l’urbanisation et le vieillissement des infrastructures », le choix d’un PPP s’avère pertinent comme outil de réalisation des infrastructures majeures.
Montages technique et financier Toutefois, « leur efficacité dépend de la maitrise des textes et la rationalisation des organes intervenant dans la procédure de passation et d’exécution des PPP», a-t-elle fait remarquer. Selon la représentante du gouvernement, cette nouvelle dynamique est constatée à plusieurs niveaux. Elle a donné l’exemple de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) « qui a ouvert un vaste chantier devant mener à la mise en place prochainement d’une directive qui pourrait donner une nouvelle définition de la notion
Mme Khoudia Mbaye a insisté au cours de son allocution sur les avantages des PPP, « en termes de transfert vers le secteur privé, de développement de solutions techniques et technologiques innovantes pour réaliser, gérer et entretenir les grands projets dont l’Etat n’a pas la maitrise technique et financière pour assurer tout leur cycle de vie ». Elle a ensuite exprimé son optimisme à propos des retombées du séminaire qui doit permettre de «mieux appréhender le sujet dans ses différentes approches, d’identifier les principales contraintes et de saisir toutes les opportunités que présentent les PPP en vue d’une plus grande efficacité de la commande publique ».
SAËR NIANG, DG ARMP « Le PPP est un mode de contractualisation souvent complexe » Les PPP sont au cœur de l’actualité en Afrique notamment francophone. Les enjeux globaux sont axés autour des infrastructures et des services publics. Leur problématique entraîne des considérations juridiques et, surtout, l’essentielle question du financement.
D
e l’avis du Directeur général de l’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) du Sénégal, les PPP constituent un puissant levier d’optimisation de la commande publique. A ses yeux, leur pertinence et leur efficacité ne sont plus à démontrer. « Le PPP est un mode de contractualisation souvent complexe », a déclaré M. Saër Niang lors du séminaire de formation sur les Partenariats public privé (PPP) organisé à l’intention des membres du Réseau africain des Institutions de Régulation et de Contrôle des Marchés publics. Pour lui, la délicatesse de l’exercice pour la puissance publique consiste fondamentalement à assurer un partage optimal des risques avec les partenaires privés. Les PPP sont rendus nécessaires dans un Etat en économie de marché. Ils intéressent toutes questions se posant à l’entreprise privée dans ses relations volontaires ou nécessaires avec l’administration (impôts, réglementation, autorisations…). Pour résumer, le PPP est une déclinaison très particulière dans le monde de la commande publique.
Selon la définition qu’en donne la Banque mondiale, un PPP est un contrat de long-terme, entre une entité publique et une société privée, au travers duquel la société privée s’engage à fournir un service global pouvant combiner financement, conception, réalisation, exploitation et maintenance d’une infrastructure publique. « La société privée est rémunérée soit par les redevances payées directement par les usagers, soit par des paiements de l’entité publique, conditionnés à l’atteinte de certains niveaux de performance du service, soit par une combinaison des deux», précise l’institution de Bretton-Woods. Comment la pertinence des PPP s’est elle-révélée ? Devant le besoin en matière d’infrastructures publiques et de développement des services publics nécessaires au développement et l’insuffisance des fonds publics, la recherche de modes de financement alternatif par le secteur privé était la seule issue. Mais pour optimiser la qualité du binôme, une meilleure connaissance du secteur privé pour la réalisation d’infrastructures publiques et la mise en œuvre de services publics
fondamentaux est essentielle. En Afrique, les besoins sont préoccupants : des retards et déficits dans plusieurs domaines stratégiques (routes, -énergie entre 1 à 2% du PIB-, accès aux services de base) impactant la productivité des entreprises. Pour ne prendre que l’exemple des services urbains d’infrastructure, on voit la difficulté de la tâche avec une croissance urbaine non maîtrisée et ses phénomènes associés : densification, fragmentation, bidonvilisation, périurbanisation. Se pose alors l’équation du décalage entre offres techniques déjà insuffisantes et les rythmes d’urbanisation élevés ; couplée à des difficultés comme le financement public des services et la solvabilité des usagers. Les PPP se développent dans le secteur des infrastructures à un rythme soutenu. Ici, Etats et entreprises partagent la conception de leur financement selon les paramètres des trois « T » : tarifs, taxes et transferts. Pour améliorer l’existant et combler le gap de financement (besoins de 31 milliards de dollars Us par an dont 20 pour l’investisjanvier-février 2017
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DOSSIER
Les participants au séminaire du Réseau africain des Institutions de Régulation et de Contrôle des Marchés publics désormais mieux outillés pour promouvoir un cadre favorable aux PPP.
sement et 10 pour l’exploitation), du côté de la puissance publique, il faut réduire les goulots d’étranglement (cadre réglementaire), optimiser l’exécution des budgets et jouer sur les économies d’échelle.
Les PPP permettent de garder le contrôle et la maitrise de l’environnement ou du service public. Saër Niang, Dg ARMP
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Revue des Marchés publics
De son côté, le secteur privé doit mettre l’accent sur la maintenance plutôt que la réhabilitation de l’infrastructure, améliorer ses performances opérationnelles, favoriser des technologies adaptées et améliorer le recouvrement. Dans la production d’énergie, le transport, la construction de bâtiments, l’acquisition d’équipements militaires, les autoroutes et ponts à péage et les parkings services prouvent chaque jour la pertinence de l’approche. Alors que les schémas classiques de privatisation ont montré leurs limites, surtout en termes de coûts sociaux, les PPP permettent de garder le contrôle et la maitrise de l’environnement ou du service public (occupation du
domaine public, dessertes, niveaux de tarifs, sécurité des approvisionnements, et très souvent, politique nationale de sécurité). Le format permet d’éviter l’achat public direct de l’investissement nécessaire. Un exemple concret, l’achat d’un train. Au lieu d’acheter le matériel roulant, vous donnez la puissance à une entreprise de l’acheter à votre place et vous l’autorisez à vendre des billets aux usagers. Ainsi, dans le cadre d’un PPP, là où l’Etat se contentait d’assurer l’investissement, le partenariat assure l’investissement, la maintenance et l’exploitation ; dans le même élan, le contrat de longue durée remplacera celui à court terme ; et, il offre de nouvelles possibilités de répartition des tâches et des risques dans l’exploitation.
Environnement juridique des PPP
DE LA NÉCESSITÉ D’UN CADRE APPROPRIÉ Des enjeux juridiques de première importance encadrent le déploiement des PPP. Le premier est lié à la nécessité d’un cadre juridique pour garantir la transparence, le respect des principes généraux de la commande publique.
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aturellement, l’environnement institutionnel est déterminant pour sa réussite, que ce soit l’organisation des pouvoirs publics pour l’instruction, la passation, le contrôle, les recours et le suivi d’exécution. Dans cet esprit, le décideur sera à la recherche de l’équilibre pour « la sauvegarde de l’intérêt général, la protection des intérêts du partenaire privé pour attirer l’investisseur et la recherche des réponses aux problèmes liés à la longueur de la durée du contrat». Propos de M. Jean-Philippe Nadal, Directeur des Affaires juridiques à Expertise France. M. Nadal renseigne qu’on distingue deux grandes familles juridiques de PPP. D’abord, la famille concessive qui concerne la régie intéressée, l’affermage, la concession de service public, de services, d’aménagement et de travaux. Dans ce cas, le paiement est essentiellement assuré par l’usager, ou par l’exploitation, étant entendu que le délégataire supporte le risque d’exploitation. Ces formes concessives sont déjà présentes dans les directives de l’UEMOA à travers les DSP. Ensuite, il y a le PPP à paiement public (dénommé en France contrat de partenariat). Dans ce cas de figure, le paiement est effectué par la personne publique, mais des
recettes annexes sont possibles. A noter que le contrat de partenariat relève de la famille des marchés. Ces deux grandes familles de PPP ont toutefois des traits communs: ce sont des contrats globaux, de la conception à la maintenance, en passant par le financement, la construction et l’exploitation. Elles ont la particularité d’être des contrats de long terme ; la partie privée apporte tout ou partie du financement ; la maitrise d’ouvrage est privée, le tout sous le régime de droit public.
principe d'évaluation préalable) ; le choix du partenaire privé ; la question des offres spontanées ; le contenu et l’équilibre du contrat; le régime des investissements étrangers ; la vie du contrat et le règlement des différends.
Par ailleurs, elles évoluent selon des principes découlant de l'environnement de droit public. Par voie de conséquence, dira Monsieur Nadal, le droit de l’Administration de modifier unilatéralement le contrat (avec droit à l’indemnisation du partenaire privé), le droit de l’Administration de résilier unilatéralement ou de racheter le contrat en l’absence de toute faute et certains droits à indemnisation propres au droit public (comme la Théorie de l’imprévision ou celle du fait du Prince) entrent en compte. Etant entendu qu’un climat des affaires favorable et la stabilité sont des préalables à l’établissement d’un PPP durable. Ces problématiques soulèvent des débats importants liés à la sélection des projets (secteurs éligibles,
Jean-Philippe Nadal, Directeur des Affaires juriques à Expertise France janvier-février 2017
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DOSSIER
Controle des obligations du partenaire, maitrise des risques et anticipation des évolutions du contexte
DES PRÉALABLES AU SUCCÈS DU PROJET Des enjeux juridiques de première importance encadrent le déploiement des PPP. Le premier est lié à la nécessité d’un cadre juridique pour garantir la transparence, le respect des principes généraux de la commande publique.
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a bonne gestion du contrat PPP (Partenariat public privé) commence à la phase de démarrage, dans l’évaluation des besoins et la conception de solutions appropriées et en amont de tout cela, par la mise en place du cadre juridique et institutionnel adapté. Cela est d’autant plus nécessaire que les projets réalisés en PPP couvrent une période longue, voire très longue (souvent plus de vingt ans) quand ils impliquent la réalisation d’investissements par l’opérateur privé amortissables sur le long terme. En dépit d’un transfert de responsabilités et d’un certain nombre de risques à l’opérateur privé, il n’en demeure pas moins que le partenaire public doit s’assurer du suivi des obligations du titulaire, que les risques qui lui sont relatifs sont maitrisés et que l’allocation des risques et des responsabilités déterminées par le contrat est bien appliquée.
Abdou Salam Diaw, expert en PPP
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Revue des Marchés publics
Selon l'expert en PPP, M. Abdou Salam Diaw, il est impérieux d’anticiper les évolutions du contexte du projet qui peuvent «affecter la nature ou le degré de sévérité des différents risques et de vérifier l’apparition éventuelle de nouveaux risques non prévisibles ». Ce qui, à la longue, aura des effets négatifs. Pour ces nouveaux risques, on doit proposer des solutions adaptées en respectant les dispositions initiales d’allocation et de gestion spécifiées dans le contrat. Ainsi, l’équipe de projet doit s’adapter à ses nouvelles fonctions pendant les phases de mise en œuvre et de suivi.
Il lui faut assimiler et conserver sa connaissance des accords et procédures du projet pour s’assurer que l’autorité contractante s’acquitte de ses obligations, pour superviser les activités de la société de projet et imposer des sanctions s’il y a lieu. Pour M. Diaw, « elle aura sans doute besoin d’un conseiller technique supplémentaire pour remplir cette fonction de régulation, avec un soutien financier et juridique périodique pour faire appliquer le contrat ». Les spécificités des projets PPP font que les écueils qu’ils peuvent rencontrer pendant leur mise en œuvre découlent souvent de défauts liés à la conception et à la préparation du projet. En effet, le management des contrats PPP et le règlement des différends sont complexes et durent dans le temps. Il faut donc assurer le suivi du contrat pendant toute sa durée (souvent aussi longtemps que 30 ans). Autre point non moins important soulevé, l’importance de la mémoire institutionnelle des projets. Cette dernière permet de s’assurer que les personnes et dispositifs institutionnels impliqués dans la conception et la préparation des projets restent impliqués dans le suivi ; et surtout, veiller à ce que des ressources financières suffisantes soient dédiées au suivi des contrats PPP et que les personnes qualifiées et indépendantes soient impliquées.
CAHIER SPÉCIAL MAPS Reportage
Forum sur la nouvelle Méthodologie d’Évaluation des Systèmes de Passation des Marchés
LE SÉNÉGAL CHOISI POUR LA PHASE-TEST
La version révisée de la Méthodologie d’évaluation des systèmes de passation des marchés (MAPS) a été présentée pour la première fois en public à Dakar. C’était au cours d’une réunion de haut niveau organisée les 8 et 9 novembre 2016 par l’OCDE en collaboration avec l’ARMP. Dans ce cahier spécial, nous revenons sur les temps forts de l’événement, avant de vous présenter les axes clés de cette nouvelle MAPS, qui date de juillet 2016.
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CAHIER SPÉCIAL MAPS Ils ont dit...
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récédemment, le système sénégalais a été évalué à deux reprises au travers de cet instrument et à chaque fois, les tests furent concluants.
Les MAPS mettent en évidence les points où les réformes sont nécessaires et indiquent comment ces réformes peuvent être mises en œuvre de la meilleure façon. Janos Bertok, OCDE
Cette fois-ci encore, le Sénégal fait partie des quatre pays retenus à travers le monde pour veiller à l'application de la phase-test de la nouvelle MAPS. «La semaine prochaine, annonçait M. Eric Jean Yoboué de la Banque africaine de Développement (BAD), à l’ouverture du forum, nous allons commencer un test de cette méthodologie ici à Dakar, puisque le Sénégal a été le pays choisi encore une fois en Afrique pour tester cette méthodologie. Nous allons travailler pendant une semaine avec l’organe de régulation et les Administrations concernées. Et, de ce test, nous pourrons ramener au niveau du groupe de travail international tous les éléments d’information qui doivent contribuer à son amélioration». M. Saër Niang, Directeur général de l’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP), explique que ce choix «dénote simplement de la confiance que les pairs, les pays, les partenaires techniques et financiers à travers le monde accordent au Sénégal. C’est vrai que le débat sur les marchés publics est très intense au Sénégal, c’est notre particularité et c’est, certainement, ce qui fait que notre système avance chaque jour. Ce débat nous a permis d’affiner davantage nos procédures et de conforter la solidité de notre environnement des marchés publics». M. János Bertók de l'OCDE pense qu’« à travers ce système, il est nettement plus aisé de mettre en avant les avantages et les failles de passation de marchés. Les évaluations de la MAPS mettent en évidence les points où les réformes sont nécessaires et indiquent comment ces réformes peuvent être mises en œuvre de la meilleure façon», déclare-t-il. Ce dernier est le Chef de la Division de l’Intégrité dans le secteur public, à la Direction de la gouvernance publique et du développement territorial, à l’OCDE. Initialement développée en 2003-2004, la MAPS est un outil commun permettant d’analyser les forces et faiblesses des systèmes de passation des marchés publics. La révision effectuée vise à promouvoir et accélérer la mise en œuvre de systèmes de passation des marchés publics modernes, efficaces, durables et plus inclusifs dans tous les pays. Elle prend en compte l’objectif 12 des Objectifs de développement durable (ODD) qui appelle à promouvoir des pratiques durables en matière de passation des
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marchés, conformes aux priorités et politiques nationales, et à l’objectif 16, qui préconise des institutions efficaces et responsables. En outre, la MAPS est rattachée à la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur les marchés publics de 2015 et reflète les principaux cadres internationaux de passation des marchés tels que la Loi type de la CNUDCI sur la passation des marchés publics (2011), les Directives de l’UE sur la passation des marchés publics (2014), et les cadres de passation des marchés utilisés par les banques multilatérales de développement, les pays et les institutions de mise en œuvre. Elle fournit un cadre global d’évaluation en déterminant les critères d’un système de passation des marchés efficace et efficient que tous les pays doivent s’efforcer de mettre en place. La nouvelle méthodologie MAPS est envisagée comme un outil universel et comme un outil d'évaluation généralement reconnu pour tous les partenaires impliqués, ce qui signifie qu'ils feront confiance aux évaluations de chacun. Présidant la cérémonie d’ouverture du forum de Dakar, le ministre en charge du suivi du Plan Sénégal émergent (PSE), M. Abdou Aziz Tall a déclaré qu’« il est nécessaire de veiller à la simplification et à l'allégement des procédures de passation de marchés publics. Dans la quête de l'émergence autant que la transparence, l'efficacité demeure la clés de voûte à laquelle doivent s'assujettir les institutions aussi bien publiques que privées ». De son côté, le Directeur général de l'ARMP, M. Saër Niang, a souligné que les marchés publics sont appelés à devenir un instrument de développement économique et social. Donnant le Sénégal en guise d’exemple, il a fait remarquer aux participants que dans ce pays, les marchés publics représentent plus de 20% du Produit intérieur brut (PIB). En conséquence pour M. Niang, « quand on investit dans les marchés publics, le plus important, c’est d’être attentif sur le rapport qualité-prix qui va au-delà des procédures. Il y a des fondamentaux que nous sommes en train de remettre en cause. Le plus important, c’est d’aller vers les dialogues compétitifs », dit-il. C’est selon lui l’une des raisons qui président à la révision de la MAPS. Une façon de renforcer les systèmes de passation des marchés pour parvenir à des résultats concrets et durables, pour bâtir des institutions efficaces.
ALALE MOTAMEDI Spécialiste senior en passation de marchés à la Banque européenne d’Investissement (BEI)
«C’était une conférence très intéressante. On a pu voir, à travers la seconde version, que la méthodologie d’évaluation de la qualité des systèmes de passation de marchés publics évolue. La méthodologie connaît désormais un développement progressif mais son adoption s’est faite après plusieurs navettes. C’était une belle expérience. La nouvelle méthodologie d’évaluation de la qualité des systèmes de passation de marchés a été adoptée dans le but de faire face aux problèmes rencontrés lors des expériences précédentes. Il faut donc espérer qu’elle sera, dans sa nouvelle version, plus utile aux pays qui s’en serviront comme outil d’accompagnement de leurs réformes. Elle devrait en fin de compte permettre aux partenaires de ces pays d’être en mesure de savoir si ces Etats et leurs systèmes sont capables de s’en servir. »
ENZO DE LAURENTIIS Responsable du service des politiques de marchés publics à la Banque mondiale à Washington (DC) « La rencontre a été très bien organisée par le Gouvernement du Sénégal. Je voudrais donc vraiment remercier le Gouvernement du Sénégal, ainsi que le Directeur général qui ont accompli un travail fantastique dans un délai limité. Par ailleurs, des contributions très importantes et très bénéfiques ont été faites par les délégués des pays. Nous comptons nous servir des diverses contributions qui ont été émises à l’occasion pour mettre en place la méthodologie finale, la finaliser et la tester. Donc, je peux dire que cela a été un véritable succès. La nouvelle version de la MAPS a été rationalisée comparée à la règlementation précédente dont l’application nous a quand même permis de tirer des enseignements. Cela a conduit à alléger la règlementation en enlevant des dispositions qui n’étaient désormais plus pertinentes. Nous l’avons modernisée en y incluant des volets très importants. A titre d’exemple,
nous nous concentrons davantage sur les performances, nous tenons compte des modèles de sociétés, des différents aspects du système d’aptitude au rapport qualité-prix, etc. Donc, cela en fait une règlementation beaucoup plus moderne, plus simplifiée et qui peut être utilisée dans beaucoup plus de pays. Je pense que durant la phase test, le plus important est de s’assurer que nous avons un processus très régulier avec des références communes, qui sont partout appliquées uniformément par des équipes qui doivent avoir toutes les qualifications, la capacité et l’expérience requises. Nous avons un processus d’assurance de très bonne qualité qui doit permettre une lecture optimale des résultats de l’évaluation, le plus important étant de créer cette base commune qui a vocation à être utilisée de la même manière par tous, même si en pratique il faut envisager que des usages différents puissent en être faits. L’essentiel est toutefois d’arriver à un consensus sur les résultats des tests d’évaluation pour asseoir précisément ces bases communes à l’endroit de tous les participants. Je pense que ce sera vraiment utile. »
NICOLAS PENADOS, Directeur adjoint à Colombia Compra Eficiente, l’agence nationale d’approvisionnement de la Colombie « Je pense que les discussions ont été satisfaisantes parce que la nouvelle méthodologie d’évaluation de la qualité des systèmes de régulation de marchés publics constitue un pont. Il y a eu de nombreux participants venant des pays d’Afrique et nous avons eu à écouter leurs points de vue et je pense que ce
qu’ils nous ont dit nous permettra d’accomplir de réels progrès. Je pense que les pays devront s’engager à initier des réformes et cette évaluation sera spécialement destinée à fournir une méthode aux leaders en vue de les conduire à adopter des mesures convaincantes. Il faut donc une méthode adéquate destinée à évaluer l’état du pays et les raisons pour lesquelles il est nécessaire d’engager des réformes. De ce point de vue, le dispositif peut s’avérer complet et prêt à être appliqué partout dans le monde. »
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CAHIER SPÉCIAL MAPS Ils ont dit... YOUSSOUF SAKHO Premier Directeur général de l'Autorité de Régulation des Marchés publics du Sénégal (2007 - 2010)
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«Je vou- directeur est quasi inamovible. Il fond de nos pays parce que d’après drais dire ne peut pas être changé en cours une étude de l’UEMOA, ils se sont q u e l q u e s de mandat, sauf pour faute lourde. révélés longs. Il y a même des marmots sur Et ça c’est quand même un avan- chés qui ont mis 207 jours pour être l ’ e x p é - tage qui confère à la structure une approuvés. Il y a des procédures rience sé- certaine puissance, une certaine d’urgence qui ont été introduites n é g a l a i s e indépendance, une certaine flexi- dans le dispositif, et c’est là le bon en matière bilité, en fait une grande marge de point de la dernière réforme : c’est de ré- manœuvre dans l’exercice de ses l’introduction d’un certain mode formes du fonctions. Et ça a été mis en évi- de passation de marchés publics système national des marchés pu- dence dans le cadre de la première beaucoup plus flexibles. On se rend blics. Ce processus a été enclenché évaluation MAPS. compte que les problèmes qu’on a en 2007. Et le dispositif institutionvécus, si on avait par exemple le nel et le cadre réglementaire ont Lorsque le système a été mis en système des accords-cadres qui été parachevés en début 2008. Ce place, il y a eu beaucoup de len- sont en train d’être vulgarisés au processus résulte comme dans les teurs, et ça c’est un constat nor- Sénégal, on n’aurait pas connu des autres pays de l’UEMOA de la trans- mal. Dans tous les pays, l’autorité problèmes en 2007 et en 2008. Je position des Directives 4 et 5 pres- politique pointe toujours le Code pense que l’introduction de modes crites par cette institution régionale. des Marchés, pour dire que c’est de passation de marchés beaucoup Il s’agit en fait d’une révolution lent. Or, avant le Code des Mar- plus flexible dans le temps et dans parce qu’on sortait d’un système chés, c’était encore lent. On était l’espace a été une bonne chose qui était caractérisé par le décret en face d’un système assez nou- dans la réforme de 2014. numéro 82-690 qui n’était pas basé veau, il y avait une certaine inersur les principes fondamentaux des tie. C’était de nouvelles procédures. Aujourd’hui, nous sommes en marchés publics. Or, les nouveaux L’accent a été beaucoup mis sur la train de relever le défi de la pastextes ont intégré ces nouveaux formation, la notion de profession- sation. Mais il reste le défi de principes universels de passation nalisation du secteur qui a été poin- l’exécution, le renforcement des de marchés publics, notamment le tée du doigt lors de cette première capacités. Et les audits ont monlibre accès à la commande publique, évaluation MAPS. L’ARMP a mis en tré que c’est là que notre énerl’équité dans le traitement des can- place un programme assez constant gie doit être concentrée. C’est didats, l’efficacité, l’efficience et la pour le renforcement des capacités. pendant l’exécution qu’on perd du Le Code des Marchés, il est facile temps et de l’argent. C’est aussi transparence. lorsqu’on maitrise les procédures. dans l’exécution qu’il y a beaucoup La première évaluation MAPS du Il est difficile lorsqu’on ne maitrise plus de litiges et les litiges à l’exéSénégal a été assez précoce parce pas les procédures. cution coûtent excessivement cher. qu’elle est intervenue au début de la mise en place du système. Au ni- Il faut le reconnaitre aussi, il y a Pour terminer, je pense que l’univeau de cette évaluation, les points certaines dispositions du Code des formisation des indicateurs MAPS forts qui sont sortis portent sur- Marchés qui étaient perfectibles, et dans la zone UEMOA doit avoir tout sur le dispositif institutionnel, qui ont été revues au fur et à me- comme corollaire l’uniformisation l’ARMP, la DCMP, les cellules… Ce sure des réformes. Et je rappelle de nos systèmes de passation des dispositif institutionnel a l’avantage qu’au Sénégal la première série de marchés. Nous sommes partis d’un de fonctionner selon les normes, réformes de 2011 a été inspirée système basé sur des directives de avec le respect des principes d’in- par deux choses : les résultats des l’UEMOA, nous avons eu des codes dépendance. Je rappelle que bien évaluations, des audits et la volonté uniformes, mais les réformes ne suivent pas les mêmes chemins. que la DCMP soit une entité admi- politique. Donc on est en train d’assister à nistrative, elle était dotée, de par La deuxième série de réformes, in- la dispersion des réglementations ce qui a été constaté, d’une marge tervenue en 2014, portait sur la cé- nationales par rapport à la source de manœuvre qui était assez imlérité, surtout la réduction des délais d’inspiration communautaire de nos portante pour pouvoir prendre ses de passation. A cet effet, on a sup- textes. Je pense qu’il y a lieu de décisions en toute souveraineté. Le primé les doublons, on a institué un mettre les pendules à l’heure. » cas était encore plus fort au niveau délai d’approbation. Les délais d’apde l’ARMP où d’après les textes, le probation constituent le mal proRevue des Marchés publics
Que dit la nouvelle Méthodologie d’évaluation des systèmes de passation des marchés publics ?
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artir d’une meilleure compréhension du contexte du pays dans lequel les institutions de passation des marchés publics et autres parties prenantes opèrent. Pour aboutir à des résultats probants, l’évaluation d’un système de passation des marchés publics doit reposer sur une analyse contextuelle du pays concerné pour comprendre sa situation politique, économique et géostratégique, ses structures économiques et politiques, de même que la nature de son système de gouvernance politique et les obligations internationales auxquelles il a souscrit.
L’analyse contextuelle permet d’analyser le système de passation des marchés publics et ses liens avec les systèmes de gestion des finances publiques et de gouvernance publique. Cette étape s’intéresse à l’identification des principales institutions et à comprendre leurs rôles dans l’utilisation du système de passation des marchés. L’analyse prend aussi en compte les intérêts et potentiels de participation des principales parties prenantes externes liées officiellement ou non aux structures de passation des marchés publics. De même qu’elle prend en considération les objectifs
politiques nationaux et les objectifs de développement qui influent sur la passation des marchés publics. L’évaluateur peut avoir à sa disposition plusieurs sources d’information pour faire une bonne analyse. Il s’agit notamment : des statistiques nationales, des plans de développement nationaux, des taux de croissance du PIB, de l’indice de perception de la corruption, du Rapport sur la compétitivité mondiale (Forum économique mondial), de l’indice de développement humain (ONU), des études/évaluations antérieures, des entretiens avec les experts ou sources janvier-février 2017
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CAHIER SPÉCIAL MAPS Document pertinents, des critiques dans les médias, etc. La nécessité de vérifier la conformité du cadre juridique de la passation des marchés publics avec les principes convenus et les obligations en vigueur. La nouvelle Méthodologie d’évaluation des systèmes de passation des marchés (MAPS) accorde une importance spéciale à l’analyse des différents instruments législatifs et réglementaires du pays, élaborés à différents niveaux, de l’échelon le plus élevé (loi nationale, acte juridique, réglementation, décret, etc.) jusqu’aux réglementations détaillées, procédures et dossiers d’appel d’offres officiellement utilisés. Pour conduire une évaluation poussée du cadre législatif et réglementaire des systèmes de passation de marchés, la MAPS a prévu une série d’indicateurs listés ci-dessous. Champ d’application et portée du cadre législatif et réglementaire L’évaluateur doit vérifier le cadre juridique. Pour ce faire, il opère à une différenciation entre les lois, les réglementations et les procédures, et établit un ordre de préséance rigoureux afin de réduire au minimum les incohérences au niveau de l’application. Le cadre juridique devant s’appliquer à tous les marchés passés sur des fonds publics et à toutes les structures publiques et aux gouvernements et entités régionaux lorsque les fonds utilisés proviennent directement ou indirectement du budget national, il est nécessaire de voir si des organismes particuliers ou 32
Revue des Marchés publics
certaines parties des dépenses publiques sont exclus du champ d’application des dispositions des lois ou réglementations. Méthodes d’acquisition Le processus d’évaluation doit s’intéresser à l’existence d’une définition claire des méthodes d’acquisition autorisées dans la loi et les réglementations. En d’autres termes, est-ce qu’il existe une définition claire des situations dans lesquelles il est possible de recourir aux appels d’offres ouverts ou à d’autres méthodes d’acquisition, de même que des garanties qu’une justification et des niveaux d’approbation acceptables sont clairement prévus? L’utilisation des méthodes et processus d’acquisition est-elle proportionnée à la valeur et aux risques des activités liées au projet sous-jacent? Il est également important de comprendre comment les justifications pour éviter les procédures plus concurrentielles sont utilisées en règle générale. Par exemple, l’urgence pour justifier la sollicitation d’une source unique ne doit être autorisée que dans des circonstances exceptionnelles. Elle ne doit pas être utilisée en raison d’une mauvaise planification. Le fractionnement des marchés destiné à éviter une concurrence ouverte doit être interdit, lorsqu’il a pour but de contourner les règles sur la concurrence. Règles relatives à la publicité et délais En vue de veiller à l’intérêt général et de promouvoir la transparence, il importe de s’assurer que la loi et les réglementations
comprennent des dispositions exigeant la publication des possibilités de marchés. De même, conformément à la complexité du marché et au niveau de concurrence attendu, un délai minimum doit être fixé entre l’annonce et la soumission des offres. Celui-ci pouvant être raccourci en cas de transmission électronique des avis de marchés et des documents de soumission. Règles concernant la participation Les politiques régissant la participation et la sélection dans les marchés publics doivent exclure toute discrimination. Aucune entreprise, fut-elle étrangère ne doit être exclue de la participation à un processus d’appel d’offres pour des motifs autres que le manque de qualifications, et conformément à des règles clairement définies relatives à l’éligibilité et aux exclusions. Il est important pour l’évaluateur de garder à l’esprit que certaines restrictions qui imposent d’acheter auprès d’entreprises nationales ou de s’associer avec ces dernières, ou de rendre obligatoire le fait d’inclure dans l’offre une quantité minimale de produits de fabrication locale, peuvent favoriser le maintien de situations d’oligopole ou de monopole au lieu de promouvoir le développement de l’industrie locale et peuvent constituer une entrave à la concurrence. Cependant, il est tout à fait admis que la législation prévoit des exclusions pour les activités criminelles comme la corruption, la fraude,
les activités terroristes, le blanchiment d’argent, le travail des enfants et toutes formes de traite des êtres humains. En vue de garantir l’égalité des chances pour tous les concurrents, l’évaluateur doit aussi veiller à d’éventuels traitements de faveur accordés à des entreprises détenues par l’Etat (octroi de subventions ou d’exonérations fiscales, etc.). Dans les marchés très complexes, il peut être permis, de recourir à la présélection pour renforcer l’efficacité de l’opération en garantissant que seuls les participants éligibles et qualifiés sont retenus. Dossiers d’appel d’offres et spécifications techniques L’évaluateur doit vérifier que le contenu des dossiers d’appel d’offres est décrit avec précision dans la loi et les réglementations. Les dossiers d’appel d’offres doivent contenir suffisamment d’informations pour permettre la présentation d’offres, de soumissions et de propositions recevables et pour définir les bases d’un processus d’évaluation et d’adjudication transparent. Les détails des exigences figurant dans le dossier d’appel d’offres doivent être neutres et faire référence aux spécifications de la norme internationale, dans la mesure du possible, ou à d’autres normes officiellement reconnues qui sont essentiellement équivalentes à celles indiquées. Critères d’évaluation et d’adjudication L’évaluation doit vérifier si les dispositions du cadre juridique
sont de bonne qualité et suffisantes pour garantir l’objectivité, la transparence du processus d’évaluation et la confidentialité durant le processus afin de minimiser le risque d’influences ou d’abus illégitimes. Des critères révélés à l’avance et des objectifs clairs sont essentiels pour l’efficacité, l’équité et la transparence dans l’évaluation des offres et propositions. Le respect de la confidentialité et des échanges contrôlés de correspondances avec les soumissionnaires pendant la période précédant l’appel d’offres, celle de l’appel d’offres, et celle de l’évaluation sont nécessaires afin d’éviter les abus et les interférences illégitimes dans le processus. Soumission, réception, et ouverture des offres Il s’agit ici de vérifier la manière dont le processus de réception et d’ouverture des offres est réglementé et explicité par le cadre juridique. En effet, la définition claire du mode de soumission des offres (nombre d’exemplaires, fermeture et marquage des enveloppes et, en cas de soumission par voie électronique, les exigences de sécurité et de confidentialité) est essentielle pour réduire au minimum les rejets de propositions par ailleurs conformes. Pour accroître la transparence dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres ouvert, il faut s’assurer que la loi et les réglementations ont institué l’ouverture publique des offres, autorisant la présence des soumissionnaires ou leurs re-
présentants, ainsi que d’autres parties ayant un intérêt. L’ouverture immédiatement après l’écoulement du délai de remise des offres réduit la possibilité de perte ou d’altération des propositions ou des soumissions. Les registres doivent être conservés et disponibles aux fins d’examen et d’audit. Les soumissions doivent être conservées en lieu sûr et rester confidentielles préalablement à l’ouverture des offres et jusqu’après l’adjudication du contrat. Droit de contester et de former un recours Il est utile que le cadre juridique établisse le droit de contester les décisions et actions et de former un recours ; les questions qui peuvent faire l’objet d’une révision ; le délai pour ces révisions ; et les différentes phases du processus de révision. Il est en effet clair que l’instauration de la confiance au système de passation de marché réside dans l’établissement du droit de contester les décisions ou actions en entreprenant une révision des décisions de passation des marchés et de former un recours dans le cadre d’une procédure efficace et fonctionnellement indépendante. Gestion des contrats Il s’agit d’évaluer si la loi et les réglementations définissent les fonctions et responsabilités pour gérer les contrats ; établissent les méthodes pour examiner, émettre, et publier les avenants aux contrats en temps janvier-février 2017
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CAHIER SPÉCIAL MAPS Document utile ; garantissent le paiement dans les délais ; et prévoient des procédures de règlement des litiges incluent un processus efficace et équitable de résolution des différends durant l’exécution du contrat. Le cadre juridique doit déterminer les conditions des avenants et prolongations du contrat afin de garantir la maitrise des dépenses, et d'éviter la limitation arbitraire de la concurrence. Il doit également définir les droits des fournisseurs en cas de paiement tardif. Passation des marchés par voie électronique (acquisition électronique) Comment le cadre juridique envisage, autorise, et/ou impose l’utilisation de méthodes et instruments électroniques pour la passation des marchés publics ? Il faut avoir à l’esprit le fait que plus l’utilisation de technologies électroniques est sophistiquée, plus des normes précises sont nécessaires afin de garantir l’application uniforme de la technologie, permettre l’accès libre et complet au système, et assurer la confidentialité et la sécurité des données et l’authentification. Le cadre juridique doit indiquer aux soumissionnaires potentiels les phases des processus qui seront gérées électroniquement. Exemple : mise à disposition des dossiers d’appel d’offres, communications, soumission d’offre, adjudications de contrats, facturations et règlements, etc. Il doit également préciser si la passation des marchés classique sur support 34
Revue des Marchés publics
papier est toujours autorisée, que ce soit parallèlement ou comme alternative aux procédures électroniques. Normes concernant la tenue en lieu sûr des archives, documents et données électroniques Un dispositif doit être mis en place pour la conservation en lieu sûr des archives et documents (sous forme matérielle et/ou électronique) durant la totalité du processus de passation des marchés. Ce dispositif doit inclure la gestion des contrats. Il doit exister une politique de rétention des documents qui est compatible avec les règles de prescription en vigueur dans le pays en cas d’enquête et de poursuites pour fraude et corruption, ainsi qu’avec les cycles d’audit. Il doit également exister des protocoles de sécurité établis pour assurer la protection des archives, matérielles ou électroniques. Principes de passation des marchés publics dans la législation spécialisée Il est important de comprendre les politiques de concurrence applicables dans les différents secteurs de même que les conditions particulières pour mener des processus de passation des marchés publics dans ces secteurs. Des droits spéciaux ou exclusifs pouvant exister concernant l’approvisionnement ou le fonctionnement de ces entités, le marché dans lequel ces entités opèrent peut être restreint. L’éventail de méthodes de passation de marchés disponibles, les situations dans lesquelles elles peuvent être utilisées, les seuils, les règles
en matière de publicité et les délais prévus, les exigences de transparence, la répartition des risques, les mécanismes de contestation et de recours, etc. peuvent être réglementés de manière spécifique à chaque secteur. La loi doit être soutenue par des réglementations et outils d’application de qualité. Le processus d’évaluation doit s’intéresser à l’existence, la disponibilité et la qualité des réglementations d’application, des procédures opérationnelles, des manuels, des modèles de dossiers d’appel d’offres, et des conditions contractuelles types. C’est ainsi que la MAPS a prévu les indicateurs ci-dessous pour étudier cet aspect. Réglementations d’application prévoyant les processus et les procédures L’évaluateur doit s’assurer de l’existence de réglementations claires, accessibles et exhaustives destinées à accompagner la loi pour améliorer son application. Il y a lieu de s’accorder que de telles réglementations sont un aspect important d’un système de passation des marchés car elles fournissent les précisions qui expliquent et permettent l’application du cadre juridique dans une variété de cas concrets. Elles doivent être à la disposition du public dans un lieu unique et accessible. Modèles de dossiers d’appel d’offres pour l’acquisition de biens, travaux, et services Il est utile de rendre disponibles des modèles de dossiers d’appel d’offres de bonne qua-
lité pour promouvoir l’égalité des chances, améliorer l’uniformisation générale de la passation de marchés, favoriser la concurrence et renforcer la confiance dans le système. Les modèles de dossiers d’appel d’offres doivent renfermer les dispositions essentielles requises qui seront intégrées dans les contrats.
en faveur d’une durabilité accrue, du soutien en faveur de certaines catégories sociales, etc. – et les obligations résultant d’accords internationaux sont traduits de manière systématique et cohérente dans le cadre juridique. Pour y arriver il a à sa disposition les indicateurs qui sont détaillés ci-dessous.
Conditions contractuelles types Il importe de vérifier si des conditions contractuelles équitables et équilibrées ayant une incidence sur les contrats et leur exécution sont définies en conformité avec les lois. Les conditions contractuelles types doivent couvrir certains aspects pratiques de l’exécution des contrats tels que les conditions générales en matière d’inspection, de contrôle de qualité et de réception définitive des produits, et les procédures générales applicables à la facturation et au paiement et contenir des dispositions sur le règlement des litiges.
Achats publics durables (APD) L’objectif ici est de voir si le pays a adopté une politique et un plan d’exécution pour mettre en œuvre les Achats publics durables (APD) à l’appui des objectifs politiques nationaux ; si le cadre législatif et réglementaire comprend des dispositions relatives à l’insertion de critères de durabilité dans la passation des marchés publics ; et si ces dispositions sont équilibrées au regard des principaux objectifs de la passation de marchés publics, et garantissent le rapport qualité/prix.
Guide ou manuel de l’utilisateur à l’usage des entités adjudicatrices Vérifier l’existence d’un guide ou manuel de l’utilisateur destiné à fournir aux entités adjudicatrices des informations qui intègrent la loi, les politiques et les procédures, et qui aide à mettre en pratique les politiques. Le cadre juridique reflète les objectifs politiques secondaires et les obligations internationales du pays. L’évaluateur doit vérifier si les objectifs de politique secondaires – tels que les objectifs
La prise en compte de cet aspect s’inscrit dans le cadre de l’Agenda 2030 pour le développement durable qui s’attache à promouvoir des pratiques de passation des marchés publics qui sont durables, conformément aux politiques et priorités nationales. Pour être efficaces, les APD doivent être intégrés dans des programmes qui font partie de la stratégie de développement durable du pays et les objectifs doivent être cohérents avec les principaux objectifs de la passation des marchés publics tels que la maitrise des dépenses, l’efficacité, et la transparence.
Obligations résultant d’accords internationaux L’évaluateur doit s’assurer que les obligations contenues dans les dispositions liées à la passation des marchés dans les accords internationaux contraignants sont transcrites de manière cohérente dans les lois et réglementations nationales sur la passation des marchés. En effet, l’adhésion à des associations internationales et/ ou régionales ou à des accords internationaux/régionaux contraignants peut entraîner des obligations juridiques en matière de passation des marchés et peut avoir une incidence sur la mise en place du système de passation des marchés dans le pays. Est-ce que le pays dispose d’un cadre institutionnel et d’une capacité de gestion aptes à gérer le système de passation de marché ? Il s’agit d’évaluer l’aptitude du système de passation des marchés à s’acquitter des obligations inscrites dans la loi sans vide ou chevauchement. Dans ce sens, il faudra vérifier s’il existe dans le pays des liens adéquats entre le système de passation des marchés et celui de gestion des finances publiques ; des institutions chargées de remplir les fonctions nécessaires ; et suffisamment de capacités techniques et de gestion pour entreprendre des processus de passation des marchés publics efficaces et transparents. Les indicateurs ci-dessous permettent de procéder à l’évaluation du cadre institutionnel. janvier-février 2017
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CAHIER SPÉCIAL MAPS Document Le système de passation des marchés publics est incorporé et bien intégré dans le système de gestion des finances publiques. Il s’agit d’évaluer le degré d’intégration du système de passation des marchés au système de gestion des finances publiques. Planification des acquisitions et cycle budgétaire L’élaboration des budgets annuels ou pluriannuels est axée sur les résultats ou les réalisations que le gouvernement dans son ensemble et ses institutions espèrent atteindre au cours d’une période donnée. La budgétisation et le financement pluriannuels doivent être encouragés, dans la mesure où cette pratique permet d’optimiser le cycle de passation des marchés. Il se pose la question de savoir si les programmes de passation de marchés sont actualisés périodiquement, afin que les changements qui interviennent dans la programmation des marchés soient pris en compte lors des mises à jour et révisions du budget national. Un mécanisme de rétro-information doit être mis en place pour garantir que l’information sur les contrats relatifs aux principales dépenses budgétaires est fournie aux systèmes de gestion budgétaire et financière en temps utile afin de soutenir l’ensemble du système de gestion financière. Procédures financières et le cycle de passation des marchés L’évaluation doit vérifier si les lois budgétaires et les procé36
Revue des Marchés publics
dures financières soutiennent le processus de passation des marchés de manière adéquate, c’est-à-dire, la préparation ainsi que la demande de soumission et l’adjudication des marchés en temps utile, l’exécution des contrats et les paiements ponctuels. Les systèmes de passation des marchés, de gestion budgétaire et financière doivent interagir étroitement. Une fois que les décisions d’adjudication sont prises, les actions correspondantes aux plans budgétaire et financier doivent être déclenchées. D’autre part, il doit exister des garde-fous dans le système qui interdisent d’engager des activités d’acquisition sans que des fonds aient été affectés au marché en question. Le pays est doté d’une institution responsable de la fonction normative/de réglementation. La question qui est posée ici est celle de savoir s’il existe des fonctions normatives/de réglementation indépendantes et efficaces, et d’évaluer le degré de coordination entre les organisations responsables au sein du secteur public. La compréhension de cet aspect sera permise par les indicateurs ci-dessous. Statut et fondement juridique de la fonction normative/de réglementation Le cadre législatif et réglementaire doit établir la fonction normative/de réglementation et les responsabilités qui s’y attachent afin de garantir que l’institution à laquelle sont confiées des responsabilités fonctionnelles a un niveau d’au-
torité approprié qui lui permet de fonctionner de manière efficace. Responsabilités de la fonction normative / de réglementation L’institution normative/de réglementation ou les institutions auxquelles sont confiées les tâches normatives/de réglementation doivent : fournir des conseils aux entités adjudicatrices ; rédiger les politiques de passation des marchés ; proposer des changements/rédiger les amendements au cadre législatif et réglementaire ; assurer le suivi des marchés publics ; fournir des informations sur la passation des marchés ; gérer les bases de données statistiques ; rendre compte des passations de marchés aux autres parties du gouvernement ; élaborer et soutenir la mise en œuvre des initiatives destinées à améliorer le système de passation des marchés publics; mettre à disposition des outils d’exécution et des documents pour soutenir la formation et le développement des capacités de l’équipe chargée de l’exécution, y compris des programmes de formation à l’intégrité ; aider à professionnaliser la fonction d’acquisition ; concevoir et gérer des plateformes électroniques centralisées et autres systèmes d’acquisition électroniques, selon le cas. Organisation, financement, effectifs, et degré d’indépendance et d’autorité La fonction normative/de réglementation doit se situer à un rang hiérarchique élevé et correspondre à une position
d’autorité au sein du gouvernement pour être efficace, et jouir notamment d’un certain degré d’indépendance pour lui permettre d’assumer ses responsabilités sans interférence. Il se pose la question de savoir si l’organe dispose d’un financement adéquat lui permettant de se doter d’un personnel et de ressources appropriés afin de maintenir les prestations fournies au niveau de qualité exigé. Le responsable de la fonction normative/de réglementation est-il à un niveau de responsabilité suffisamment élevé au sein de la structure de gouvernance pour lui permettre d’exercer son autorité et ses responsabilités. Éviter les conflits d’intérêts La fonction normative/de réglementation ne doit pas se trouver en situation de conflit d’intérêts. Même l’apparence d’un conflit d’intérêts peut altérer la confiance dans le système et il convient d’y remédier. Les entités adjudicatrices et leurs mandats sont clairement définis Il s’agit de vérifier si le cadre législatif et réglementaire définit clairement les institutions qui ont des responsabilités et pouvoirs en matière de passation des marchés ; prévoit des dispositions permettant de déléguer les pouvoirs au personnel chargé des acquisitions et à d’autres responsables gouvernementaux pour leur permettre d’exercer des responsabilités dans le processus de passation des marchés ; et a mis en place une entité adjudicatrice centralisée.
Définition, responsabilités et pouvoirs formels des entités adjudicatrices Le cadre législatif et réglementaire doit préciser quelles institutions (ou ensemble d’institutions) sont juridiquement qualifiées d’entités adjudicatrices. Il doit définir clairement les responsabilités des entités adjudicatrices. Les responsabilités vont généralement de la planification des acquisitions à la gestion de toutes les phases du processus de passation des marchés conformément à la législation. Organe de passation de marché centralisé La création d’un organe de passation des marchés centralisé peut améliorer l’efficience et l’efficacité d’un système de passation des marchés décentralisé. Dans l’hypothèse où un pays crée un organe de passation des marchés centralisé, le cadre législatif et réglementaire doit définir clairement les compétences de l’organe, ses pouvoirs formels, et ses responsabilités. Les processus doivent être décrits avec clarté afin de garantir un déroulement des opérations efficaces et une communication adaptée avec l’institution « cliente » (l’organisme) responsable de la prestation des services. La passation des marchés est intégrée dans un système d’information efficace Il s’agit d’évaluer la disponibilité, l’accessibilité, l’intégration et la fiabilité des systèmes d’information relatifs à la passation des marchés publics. Les technologies numériques, telles que les portails électroniques et des
systèmes d’acquisition électronique plus complets, sont susceptibles d’accroître sensiblement l’efficience, l’efficacité et la transparence de la passation des marchés publics. Elles aident à la création d’un système de passation des marchés publics de pointe, renforcent le cadre de reddition des comptes, et établissent la base technique nécessaire à la mesure du rendement. Publication d’informations sur la passation des marchés publics soutenue par les technologies de l’information L’accès du public aux informations relatives à la passation des marchés est primordial pour assurer la transparence et apporte un cadre pour un audit social par les parties prenantes intéressées. L’information publique doit être facile à trouver, complète et facile à utiliser, et doit fournir des renseignements pertinents. L’évaluateur doit pouvoir vérifier la facilité d’accès et le contenu de l’information mise à disposition du public. L’information doit être regroupée en un lieu unique. Un portail électronique centralisé doit être créé à cette fin lorsque la technologie est disponible dans le pays. Utilisation de l’acquisition électronique Il s’agit d’évaluer le niveau d’utilisation de l’acquisition électronique dans le secteur public du pays ; les capacités des responsables gouvernementaux à gérer et utiliser les systèmes d’acquisition électronique ; et/ ou l’existence d’une stratégie du pays visant à instaurer l’acquisition électronique. janvier-février 2017
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CAHIER SPÉCIAL MAPS Document Stratégies de gestion des données relatives à la passation des marchés Les informations statistiques sur la passation des marchés sont essentielles pour évaluer les politiques et le fonctionnement du système. Les statistiques offrent également un moyen de suivre la performance du système et la conformité avec le cadre juridique et réglementaire. Les informations statistiques peuvent aussi offrir un outil pour la planification de la passation des marchés et l’analyse du marché. Afin de garantir l’exhaustivité et l’efficacité, le système doit être basé sur les données disponibles dans les systèmes d’acquisition électronique ou d’autres technologies de l’information. Le système de passation des marchés publics a un fort potentiel de développement et d’amélioration Il s’agit de mesurer le niveau de développement et d’amélioration des stratégies et de l’aptitude des systèmes de passation des marchés ; en répondant aux questions suivantes : Des stratégies et programmes ont-ils été mis en place afin de développer les compétences du personnel chargé des acquisitions et des autres acteurs principaux impliqués dans la passation des marchés publics ? La passation des marchés est-elle reconnue comme une profession dans la fonction publique du pays ? Des systèmes ontils été adoptés et sont-ils utilisés afin d’évaluer les résultats des opérations de passation de marchés et d’élaborer des plans stratégiques destinés à améliorer le système de passation 38
Revue des Marchés publics
des marchés publics en permanence ? Formation, conseils et assistance Le but est de vérifier l’existence de programmes de formation permanents et pertinents pour les nouveaux et anciens agents de passation des marchés du gouvernement. Ces programmes sont essentiels pour maintenir l’offre de personnel chargé des acquisitions qualifié aux institutions de passation des marchés publics. Un autre objectif consiste à évaluer l’existence et la qualité des services consultatifs sur les questions liées à la passation des marchés pour les organismes gouvernementaux, les fournisseurs potentiels et le grand public en général. Reconnaissance de la passation de marchés comme une profession L’objectif ici est de déterminer si la passation des marchés est reconnue comme une profession dans la fonction publique du pays. Cela comprend la désignation de fonctions spécifiques aux postes liés à la passation des marchés à différents échelons professionnels et d’encadrement. Les descriptions de postes doivent être établies pour ces emplois et les qualifications et compétences précisées. La rémunération et l’avancement professionnel doivent tenir compte du statut professionnel spécifique et les nominations et promotions doivent être concurrentielles et basées sur les qualifications et la certification professionnelle.
Pour soutenir le développement professionnel continu, des politiques et programmes de perfectionnement professionnel et des formations appropriées doivent être mis en place. Le rendement du personnel doit être évalué de manière régulière et constante. Suivi du rendement pour améliorer le système L’évaluation de l’efficacité du système de passation des marchés depuis les différentes passations de marché jusqu’au système dans son ensemble peut constituer un moteur essentiel de l’amélioration du rendement. Les résultats des processus de passation des marchés doivent être évalués périodiquement et continuellement afin de mesurer le rendement, l’efficacité et les économies pouvant résulter du système de passation des marchés. Tandis que les entités adjudicatrices elles-mêmes doivent être en première ligne pour la mesure du rendement et les programmes d’amélioration continue à l’échelle de l’organisme, l’institution normative/ réglementaire de passation des marchés doit également soutenir ces efforts. Cette institution peut harmoniser, suivre et évaluer le rendement du système de passation des marchés dans son ensemble.
AVIS D'EXPERT
La régulation par Dr Baye Samba DIOP, Chef Division Régulation/ARMP
RÉFLEXION SUR UN CONCEPT AU SUCCÈS FULGURANT
La régulation a fait l’objet de plusieurs tentatives de définition, à tel point qu’il est difficile de la ranger dans un domaine du droit. Le Professeur Bertrand du Marais traite de la régulation dans son ouvrage de « Droit public de la régulation économique ». Il définit la régulation comme : « l’ensemble des techniques qui permettent d’instaurer et de maintenir un équilibre économique optimum qui serait requis par un marché qui n’est pas capable, en lui-même, de produire cet équilibre. Cet équilibre se trouve, selon la théorie classique, dans l’état de concurrence »1(voir numéros de renvoi à la fin de cet article). Selon lui, l’analyse juridique de ce phénomène a donné naissance au droit public de la régulation économique. Pour ma part, réguler c'est C.B.T.
L
e Professeur Sophie Nicinski soutient que le droit public des affaires est le « droit des relations entre l’administration et les opérateurs économiques »2.
C’est dans un ouvrage de droit public des affaires qu’elle propose une définition de la régulation. Dans cet ouvrage, l’auteur considère que la régulation peut s’appliquer soit à une mission générale de l’Etat vis-àvis de l’économie, soit à la mission d’autorité indépendante agissant dans un secteur donné. Le Professeur Frison-Roche précise que la régulation ne se confond pas avec « la réglementation laquelle
demeure comme un instrument disponible »3. Elle est « le moyen dynamique de faire passer un secteur d’un état à un autre »4. Il s’agit donc d’une transformation qui peut être le passage d’une structure monopolistique du secteur vers une structure pluraliste, voire concurrentielle. Elle est alors une « intervention qui accompagne un mouvement » dans la recherche d’un équilibre5. ancien Jean Michel Hubert6, Président de l’Autorité de régulation des télécommunications de la France, distingue la régulation de la réglementation. Car selon lui, la langue anglaise confond la
réglementation avec la régulation. Cependant, la langue française opère une distinction entre les deux termes. Elle définit la régulation comme « …l’ajustement, conformément à une règle ou une norme, d’une pluralité d’actions et de leurs effets, l’arbitrage des différends entre les différents acteurs. Elle recouvre donc la réglementation,… le contrôle, ainsi que les nécessaires adaptations…. La régulation relève d’une combinatoire de marché associant les mécanismes de marché et l’intervention publique». Monsieur Hervé Bourges, ancien Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel de la France, n’est pas janvier-février 2017
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AVIS D'EXPERT
d’un avis contraire. Il précise que la réglementation « est le fait du pouvoir exécutif qui, selon les principes fixés par le pouvoir législatif, définit précisément les règlements qui doivent être observés dans tous les domaines d’activité »7. Tandis que la régulation est « une manière, plus moderne pour les Etats d’accompagnement économique, social et culturel en assurant une plus grande liberté aux acteurs auxquels elle s’applique ».
Il reste constant que la régulation consiste à assurer le fonctionnement de systèmes socioéconomiques complexes en harmonisant les points de vue.
Pour le Professeur Champaud, la régulation est un système d’organisation juridique de relation économique et de solution de conflit la qualifiant de technique de droit économique8. Le Professeur Cherot considère qu’elle a pour objet l’efficacité et la gestion de la concurrence de sorte qu’elle a besoin d’une certaine flexibilité et d’une adaptabilité en raison de l’instabilité de son objet9. Le Professeur Abdoulaye Sakho10 retient, quant à lui, que « la régulation est la tâche qui consiste à assurer, entre les droits et obligations de chacun le type d’équilibre voulu par la loi. »11 De ces définitions, il reste constant que la régulation consiste à assurer le fonctionnement de systèmes socioéconomiques complexes en harmonisant les points de vue, en arbitrant les divers intérêts présents, aussi bien en aval pour résoudre les litiges qu’en amont pour fixer les règles du jeu et définir les équilibres souhaitables. Pour ma part, réguler c'est Créer la concurrence, Booster la concurrence et Traiter le contentieux (C.B.T.). Néanmoins, si la régulation connaît un succès indéniable chez les juristes, le terme apparaît en grande partie
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Revue des Marchés publics
galvaudé. Son succès fulgurant a généré des effets pervers. Comme le souligne Laurence Calandri12, le discours actuel sur la régulation ne s’apparente plus à un concert de louanges ; c’est davantage une période de « crise » que la régulation semble désormais traverser ; la régulation tend à être critiquée13. L’emploi du terme tend même à être supplanté par d’autres, plus attractifs, car bénéficiant, à leur tour, des attraits de la nouveauté. On lui préfère celui de « Gouvernance ».14 C’est parce qu’aujourd’hui le terme est galvaudé par le discours et par la pratique de « certaines régulations». Les définitions proposées, ne sont pas toujours claires. La régulation est convoquée dans les domaines les plus divers, et fonde les théories les plus contradictoires. Au-delà de l’apparent consensus entourant ce thème, de profondes interrogations sur sa signification juridique perdurent. Le besoin d’une définition juridique de la régulation est constamment réaffirmé par la doctrine15. Une clarification du sujet s’impose en raison non seulement de la teneur juridique encore imprécise de la régulation, mais encore de la controverse entourant son statut épistémologique en droit administratif. Pour les uns, la régulation serait un «concept ». Pour les autres, elle serait une « notion juridique » établie ou encore en cours de construction16. Le législateur sénégalais précise le concept à travers l’exposé des motifs de la loi n°2002-23 du 4 septembre 200217 portant cadre de régulation pour les entreprises concessionnaires de services publics. Dans ce texte, il affirme que : « La régulation des services d’infrastructures repose sur deux éléments-clés : des règles et des institutions chargées de faire respecter ces règles. Un nombre croissant de pays mettent en place des institutions spécialisées afin de compléter l’action de la justice et de tenir dûment compte des spécificités
des services d’infrastructures. Les règles relatives à l’activité doivent porter sur la sécurité et la protection de l’environnement, la limitation des abus de monopole éventuel et une utilisation correcte des installations. » Dans le domaine des marchés publics au Sénégal, l’avènement de la régulation découle d’une volonté communautaire. En effet, en 2000, le Conseil des Ministres a adopté la Directive portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA. C’est cette Directive qui prescrit « la nécessité de réformer les systèmes de passation des marchés publics des Etats membres de l’UEMOA en vue, notamment, d’en accroître la transparence et l’efficacité». Le 09 décembre 2005, deux directives sont adoptées à savoir les Directives N°04/2005/CM/UEMOA et N°05/2005/CM/UEMOA, instaurant ainsi dans l’ordre juridique communautaire, un droit de la commande publique. C’est en transposant ces textes que le Sénégal, s’est aligné aux meilleurs standards de régulation en consacrant le premier régulateur indépendant de son histoire institutionnelle à travers le décret 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP).
Aux termes de l’article 2 du code des marchés publics, elle assure : •
la régulation du système de passation des marchés publics et des conventions de délégation de services publics ;
•
l’émission d’avis, propositions ou recommandations en vue de l’amélioration du cadre juridique et institutionnel ;
•
la formation et l’information des acteurs de la commande publique ;
•
l’enquête et les audits indépendants ;
•
la sanction des irrégularités constatées ;
•
le règlement non juridictionnel des litiges nés à l’occasion de la passation des marchés publics et des délégations de service public.
Après toutes ces années depuis sa création, une évaluation à mi-parcours s’impose pour mieux répondre aux exigences d’efficacité et de transparence.
Du Marais Bertrand, op.cit., p. 3. Sophie Nicinski, Droit public des affaires, Paris, édition Lextenso Montchretien 2009, p. 1. 3 M. A. Frison-Roche, Le Droit de la Régulation, Paris, Dalloz 2001 p. 610. 4 M. A. Frison-Roche, « Les différentes définitions de la Régulation » P. A. 10 juillet 1998 n°82. La loi française sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, retient que la régulation est l’ensemble des mécanismes qui rééquilibrent des intérêts contradictoires. Voir les commentaires de TH. Bonneau « Nouvelles régulations économiques », Paris Litec, 2002 ; « La loi NRE et le droit des sociétés », Paris Montchretien, 2003. 6 Jean Michel Hubert « Intervention Azia Telecom », 4 décembre 2000 ; (http://www.vie-publique/fr. Page consultée le 30 juin 2009). 7 Hervé Bourges, « Enjeux et contraintes de la régulation dans un contexte de développement », in Forum de la régulation, Dakar, Editions du forum de la Régulation, octobre 2007, p. 49. 8 Claude Champaud, Régulation et droit économique R.I.D.E 2002, pp. 23-66. 9 J. Chérot, « L’imprégnation du Droit de la régulation par le Droit communautaire, » P. A. 10 juillet 1998, pp. 17-25. 10 Sakho Abdoulaye, Directeur fondateur du Forum de la régulation, Eau - Electricité – Télécommunications : activités de régulation dans l’UEMOA, Dakar, Cours de Master en Droit de la régulation, promotion 2007-2008. 11 Cette conception du Professeur Sakho est proche de celle de Frison-Roche. Voir à ce propos « Droit du travail et droit des sociétés : l’unité de la régulation des pouvoirs dans l’entreprise », in regards croisés sur le droit social, Semaine Sociale Lamy, suppl. n° 1095, octobre 2002, pp. 45- 51. 12 Voir la thèse de Laurence Calandri, Maître de conférences en Droit public, au Centre universitaire J-F Champollion d’Albi, Recherches sur la notion de régulation en Droit administratif français, thèse en Droit public, Université Champollion d’Albi, 2009. 13 Voir P. Gérald, Les Autorités administratives indépendantes : évaluation d’un objet juridique non identifié, Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation, n°404, Sénat, Paris, 2006. 14 Nicolas Ponty, « Quelques enjeux de la régulation pour les politiques de développement », in Forum de la régulation, Dakar, éditions du Forum de la régulation, octobre 2007, p. 65. 15 Voir les notes de G. Marcou, « La notion juridique de régulation », AJDA, 20 février 2006, p. 347. 16 Ce même débat doctrinal oppose au niveau national les juristes de l’organe de régulation des télécommunications et certains magistrats de la Cour suprême et Hauts fonctionnaires de l’Etat du Sénégal pour donner à l’ARTP le statut d’Autorité administrative indépendante. Voir les comptes-rendus des travaux du Comité national de transposition de janvier 2011. 17 Journal Officiel de la République du Sénégal n°6079 du samedi 28 décembre 2002. 1 2
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REPORTAGE-PHOTO
Atelier de partage avec les autorités contractantes sur les résultats des audits 2015 Vendredi 20 janvier 2017
1. Présidium - Cérémonie d'ouverture avec le Conseil de Régulation (CR)
2. Intervention du Président du CR, M. Mademba GUEYE
3. M. Samba DIOP, membre du CR
4. M. Ibrahima GUEYE, membre du CR
5. Vue de la salle : échanges entre participants avant les travaux
6. M. Saër NIANG, DG de l'ARMP, présentant le Rapport 2015
7. M. Boubacar MAR, membre du CR, présentant les audits 2015
8. M. Ibra GUEYE, cabinet BSC, expliquant la mission d'audit
9. M. Cheikhou Issa SYLLA, membre du CR, s'adressant à la presse
10. Point de presse animé par les membres du CR et le DG de l'ARMP
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Revue des Marchés publics
Cérémonie de remise de diplômes du Master en marchés publics et de l’Accréditation de managers spécialistes en passation des marchés, Mardi 17 janvier 2017
1. M. Mamadou TALLA, MFPAA, présidant la cérémonie
2. M. Saër NIANG, DG de l'ARMP, à l'ouverture de la cérémonie
3. Vue de salle avec les invités à la cérémonie
4. Présence massive des représentants des autorités contractantes
5. Le Ministre Mamadou TALLA, procédant à la remise des diplômes
6. Un groupe de récipiendaires
7. Intervention du Pr Ibrahima THIOUB, Recteur de l'UCAD
8. Mme Nafissatou GASSAMA, prote-parole du groupe du Master
9. Mme Habsatou Dia WANE, présentant la Charte de compétence
10. Mme Evelyne Mingou BALACOUNE, porte-parole du groupe des MSPM
Publication Bimestrielle de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics | Octobre - Novembre 2015