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Maine : le bikepacking en mode hivernal

mots et photos :: Louise Philipovitch

Et si le fatbike était la meilleure manière d’apprendre à composer avec nos nouveaux hivers ? Notre chroniqueuse a vécu l’expérience d’un séjour en bikepacking dans le Maine, pédalant de refuge en refuge.

Dans la nuit, nous avancions à la lumière de nos frontales, nos pneus peinant à se frayer un chemin dans la neige épaisse. Le froid nous forçait à rester en mouvement pour ne pas finir transis. À travers le rideau d’épinettes, j’ai deviné de l’éclairage. Enfin, nous étions arrivés au refuge, et le poêle chauffait déjà. Quel luxe !

Notre groupe, composé de cyclistes d’aventure, s’était mis en tête de faire du bikepacking hivernal. Si le type de monture – des fatbikes – était évident, le choix de l’itinéraire l’était moins. Aucune option au Québec ne permet de séjourner de refuge en refuge tout en suivant des pistes damées, car celles-ci sont toujours réservées aux motoneigistes et aux skieurs. Nous avons donc porté notre regard vers le Maine. Le fatbike, en plein essor, bénéficie du réchauffement climatique puisque le faible enneigement et la neige souvent gelée créent des conditions idéales. Le Maine a su composer avec cette nouvelle réalité en adaptant ses infrastructures. Ainsi, skieurs, randonneurs et cyclistes hivernaux se croisent sur les nombreux sentiers multifonctions de cette région parfois qualifiée de mecque du fatbike

L’organisme Maine Huts & Trails propose un itinéraire qui a retenu notre attention. Avec sa formule incluant les repas et les nuitées en refuges chauffés (certains avec douches), il n’en fallait pas plus pour nous convaincre.

Le jour du départ, nous étions ravis à la vue de l’épais manteau blanc qui couvrirait notre terrain de jeu pour les prochains jours. Nous serpentions entre d’imposantes épinettes au port altier, nous incitant à ralentir la cadence pour nous imprégner des lieux. Les lacs figés par la glace offraient des vues dégagées sur les hauts reliefs, dont les cimes balayées par la poudrerie semblaient nous jauger de leur prestance millénaire.

Les pistes parcourues semblaient être tracées depuis toujours. Pourtant, ce réseau de sentiers n’a pas été si simple à bâtir.

Environ 94 % des terres du Maine sont privatisées, et un droit de passage a dû être négocié pour donner accès aux forêts. C’est justement le désir de rendre le territoire plus accessible qui est à l’origine de Maine Huts & Trails : dans les années 1970, Larry Warren, une figure locale, a souhaité développer un circuit connectant des refuges afin que le plus grand nombre ait accès à ces terres autrement hors de portée. Aujourd’hui, le réseau couvre plus de 125 km de sentiers et relie quatre écogîtes ouverts toute l’année.

En atteignant le premier refuge, nous sommes d’emblée séduits par son confort, avec sa pièce commune chaleureuse, son poêle ronronnant et ses canapés profonds. L’ambiance y est conviviale et les éclats de rire fusent, le lieu étant partagé avec d’autres randonneurs et skieurs. Une visite guidée effectuée par des bénévoles nous en apprend davantage sur le fonctionnement des refuges : ceux-ci sont carboneutres, utilisent l’énergie solaire et permettent de composter nos déchets organiques sur place.

Malgré l’itinéraire balisé, il est capital d’être autonome dans cette région sauvage sans réseau cellulaire. Dans un tel environnement, savoir gérer son habillement pour réguler sa température et éviter de transpirer est d’ailleurs une compétence primordiale. Lorsque nous n’avions pas accès à des commodités, comme dans la yourte que nous avons croisée le deuxième jour, où la chaleur d’un poêle nous a ravivés, il était impératif de bouger pour se maintenir au chaud. C’est ce que nous avons oublié de faire le troisième jour alors que, captivés par les bouillons tumultueux d’une majestueuse chute d’eau, nous sommes restés immobiles trop longtemps. Vite, nous avons dû allumer un feu de camp pour nous réchauffer. Pendant qu’une flasque de gin passait de main en main et que j’avalais avec délice quelques gorgées parfumées, je me suis demandé quel sera l’avenir de ces fragiles hivers. Le développement d’organismes comme Maine Huts & Trails, dont la mission principale est de promouvoir un tourisme respectueux et durable, sera essentiel pour continuer à profiter de la saison froide.

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