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EN PRATIQUE SOMMAIRE
N°08 JUIN 2007
Dossier
Recrutement La guerre des talents financiers est déclarée Les exigences accrues en matière de « soft-skills » combinées à la guerre des talents qui s’amorce, notamment pour des raisons démographiques, font que le recrutement des profils financiers devient de plus en plus ardu. Trouver un comptable, un fiscaliste ou un auditeur interne compétent, expérimenté, polyglotte et doté d’un bon relationnel, relève de plus en plus de la gageure. Et la tension se marque également du côté des profils plus juniors. Finance Management a pris le pouls du marché du recrutement financier et livre des pistes pour dénicher les profils dont vos entreprises ont besoin.
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°08 - JUIN 2007
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DOSSIER TEXTE : NATHALIE JOSKIN ET CHRISTOPHE LO GIUDICE
La guerre
des talents financiers
est déclarée
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Les exigences accrues en matière de « soft-skills » combinées à la guerre des talents qui s’amorce, notamment pour des raisons démographiques, font que le recrutement des profils financiers devient de plus en plus ardu. Trouver un comptable, un fiscaliste ou un auditeur interne compétent, expérimenté, polyglotte et doté d’un bon relationnel relève de plus en plus de la gageure. Et la tension se marque également du côté des profils plus juniors. Finance Management a pris le pouls du marché du recrutement financier et livre des pistes pour dénicher les profils dont vos entreprises ont besoin.
L
es managers financiers sont particulièrement op-
éléments (formation et avantages pour le personnel, entre
timistes pour la seconde partie de l’année 2007,
autres). Après quelques années d’économie et de restrictions
révèle une enquête tout récemment publiée par
budgétaires, la pression du travail a tellement augmenté au
Robert Half Management Resources. Pas moins
sein des départements financiers que les entreprises sont
de 70% d’entre eux voient les deux prochains trimestres comme
désormais passées en mode action en vue de l’embauche de
fructueux à très fructueux sur le plan économique. Plus d’un sur
nouveaux profils.
deux déclare s’atteler à de nouveaux projets dont l’amélioration
Ainsi, d’après le dernier « Financial Hiring Index » de Robert
du contrôle interne et des rapports financiers (21%), l’optimisa-
Half – qui mesure les intentions de recruter des profils fi-
tion des processus d’entreprise (13%) et les fusions/acquisitions
nanciers sur les six prochains mois –, 17% affirment être sur
(11%).
le point d’élargir leur équipe et 10% remplacer certains de
Parmi les difficultés qui se posent pour la réussite de leurs
ses membres. La plus forte demande porte sur les fonctions
projets, les professionnels financiers sondés citent en bon-
de comptable (34%), de fiscaliste (14%), de contrôleur (12%)
ne place le manque d’effectifs au sein de leur département
et d’auditeur interne (9%). Et les raisons justifiant ces recru-
(16%), ainsi qu’un déficit en collaborateurs qualifiés (13%).
tements sont la réponse à une charge de travail importante
Pour 23%, des parts importantes du budget vont être af-
(43%), l’anticipation d’une croissance du business (15%) et
fectées au recrutement, mais aussi à la rétention des bons
des problèmes de staffing (14%).
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Mais voilà: le marché des talents financiers est très rapidement devenu extrêmement étroit. Trouver le know-how et l’expertise, surtout lorsqu’ils se révèlent très spécifiques, dans les domaines de la comptabilité, du contrôle, de la consultance – notamment fiscale –, de la banque, de l’audit interne et de la consolidation, par exemples, est devenu très ardu. Exemple: maintenant que les nouvelles réglementations telles que les IFRS, SOX, Bâle II et la Corporate Governance ont été digérées – ou sont en passe de l’être –, les
Si la chasse aux talents financiers est bel et bien lancée, certaines entreprises se montrent plus « en appétit » que d’autres.
entreprises ont maintenant besoin de profils capables de veiller à la conformité et au respect de ces normes année après année.
RETOUR DES BANQUES
des recrutements porte sur des profils plus expérimentés, sans nous limiter à la Belgique: nous embauchons notamment à Londres, Paris, Amsterdam et même en Asie. »
Si la chasse aux talents financiers est bel et bien lancée,
Mais voilà: l’activité d’Euroclear est quelque peu particulière
certaines entreprises se montrent plus « en appétit » que
et complexe, et encore relativement méconnue du public.
d’autres. C’est par exemple le cas d’Euroclear qui, l’an der-
Une activité qui, auprès de jeunes diplômés, reste tout de
nier, a effectué pas moins de 500 embauches – après des
même plus difficile à « vendre » que l’activité bancaire tra-
années déjà fastes en 2004 et 2005 – et en prévoit autant,
ditionnelle. Or, justement, les banques se sont récemment
sinon plus, cette année encore. La difficulté pour cette entre-
remises à recruter, contribuant encore à tendre un marché
prise qui est aujourd’hui le plus grand système mondial de
déjà sous pression.
règlement/livraison pour les transactions domestiques et
Un constat que pose également Caroline Pauwels, directrice
internationales sur obligations, actions et fonds d’investis-
des ressources humaines chez PricewaterhouseCoopers Bel-
sement: elle est active dans un métier auquel aucune école
gique: « Pendant des années, le secteur bancaire ne recrutait
ne forme directement et qui évolue extrêmement vite.
pas trop, dit-elle. A présent, il est revenu en force sur le mar-
« La grande majorité des profils que nous engageons – soit
ché de l’emploi et les profils financiers que nous recherchons
environ 80% – sont de jeunes universitaires que nous formons
sont également courtisés par les banques. » Ainsi, Dexia
à nos métiers, précise Valérie Urbain, sa responsable des
annonce quelque 200 postes vacants, dans tous les métiers
ressources humaines. Nous recherchons des personnes qui
de l’institution et, en particulier le TFM (Tresory & Finan-
ont une certaine connaissance des marchés financiers ou, du
cement Market), le Risk Management, le back office mais
moins, qui en comprennent les grandes tendances. Le solde
aussi l’IT. « Cinquante places sont également disponibles FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°08 - JUIN 2007
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au sein du réseau d’agences », indique Michel Van der Sande,
chons des gestionnaires de dossiers, en sinistres ou en assu-
responsable recrutement et mobilité chez Dexia Banque. Ici,
rances vie. Mais nous connaissons également un grand besoin
la proportion de profils recherchés est inversée comparée à
en comptables, contrôleurs financiers et contrôleurs de ges-
Euroclear: 80% de seniors et 20% de juniors qui seront for-
tion, tant de niveau bachelier que master. Or, tous les grands
més en interne.
groupes financiers sont en train de rajeunir leur population. Et on pêche tous dans le même vivier. Notre défi, c’est de nous
EN EXPANSION
distinguer des autres, pas uniquement par ce qu’on offre mais
Le fait qu’une entreprise vive une fusion ou une réorganisa-
aussi par notre procédure de sélection. Nous avons également
tion ne signifie nullement qu’elle se montre moins deman-
lancé une importante campagne d’image. »
deuse en talents. La preuve dans les assurances avec AXA
L’enjeu: réussir à se montrer attractif. « Le secteur financier
qui a récemment racheté Winterthur. « En dépit de la fusion,
souffre d’un problème d’image, poursuit-il. De nombreux
nous dénombrons entre 200 et 250 postes à pourvoir, soit un
profils s’orientent vers d’autres secteurs comme le pharma ou
nombre plus élevé que l’an passé, souligne Jorgen Vranken,
l’industrie. Ce manque d’intérêt provient d’une image un peu
Manager People Staffing chez AXA. Ce qui s’explique princi-
grise: les candidats ne perçoivent pas notre métier comme pas-
palement par un business en expansion. »
sionnant. Ils l’imaginent ennuyeux. C’est une perception qui
Là aussi, les besoins sont variés: « Pour l’essentiel, nous cher-
est fausse. Tout comme le fait de croire que ce n’est pas un secteur d’innovation, contrairement à la pharmacie! Le nombre de nouveaux produits que nous développons est énorme. »
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« Pourquoi pas un archéologue avec un bon potentiel analytique et des qualités humaines que nous formerons alors ensuite d’un point de vue technique? »
DE BONNES ÉCOLES Chez ING, Mieke Horemans, Recruitment Manager, est, elle aussi, convaincue que la « guerre des talents » est déjà engagée. « Nous rencontrons un manque structurel de profils spécialisés et qualifiés, confie-t-elle. Et je pense que nous avons de la chance que ING ait un statut international, car cela ouvre des perspectives intéressantes pour la suite de la carrière. Ce qui fait que nous attirons un peu plus facilement que d’autres des candidats. Jusqu’à présent, nous nous en ti-
La notoriété est un bon vaccin contre la guerre des talents Sur l’année 2006, GSK Biologicals a recruté pas moins de
ness School belge classée parmi les 15 premières mondiales. Par
mille personnes, dont 430 cadres. « Nous nous situons sur
ailleurs, il faut passer une procédure de sélection pour y entrer,
un même rythme cette année », confie Sophie Gravy, Talent
les cours sont dispensés en anglais, les étudiants sont de toutes
Acquisition Manager. Bien sûr, les profils financiers ne sont
nationalités, ce qui ouvre l’esprit. » Un atout jugé important,
pas la cible première du leader mondial des vaccins, basé en
dans une multinationale qui ne connaît pas les frontières,
Brabant wallon. Cependant, l’entreprise en a recruté une qua-
tout comme les aptitudes à la communication.
rantaine cette année. « La croissance forte que nous connais-
Difficile, le recrutement de financiers? Pour l’heure, sur ce
sons nous amène à renforcer tous les départements, dont le
segment, le groupe dit ne pas souffrir de la guerre des talents.
département financier. Nous venons ainsi de recruter deux
Sa notoriété n’y est pas pour rien. « Nous recevons en effet
Finance Managers en support de nos activités en Belgique et
énormément de candidatures spontanées qui nous suffisent à
recherchons encore un profil d’analyste financier en support de
pourvoir les postes ouverts, dit-elle. Par ailleurs, vu l’envergure
l’activité R&D, par exemple. »
du groupe et son orientation internationale, notre marché du
Chez GSK Biologicals, on reconnaît que le secteur de l’audit
recrutement ne se limite pas à la Belgique. Nous trouvons plus
représente un bon vivier. « Le diplôme, en économie ou en fi-
facilement des profils pouvant se targuer d’une expérience in-
nance, est important et nous apprécions un diplôme complé-
ternationale en dehors de la Belgique, par exemple en France,
mentaire décroché à la Vlerick, par exemple. C’est la seule Busi-
en Angleterre, en Italie et en Suisse. »
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rons donc sans trop de difficulté, en passant par nos canaux habituels – site web, bourses d’emplois, activités sur campus, primes aux collaborateurs qui ramènent une recrue, etc. Mais nous cherchons en permanence. »
De la créativité dans l’attraction des talents
La guerre des talents, c’est le quotidien chez PricewaterhouseCoopers. Et, à en croire Caroline Pauwels, ce n’est que le début des difficultés: « L’an prochain nous aurons en plus à
Pour attirer les talents financiers, les entreprises mul-
encaisser l’impact de Bologne, c’est-à-dire le rallongement
tiplient les initiatives. Ainsi, Dexia vient d’organiser un
des cursus d’une année supplémentaire. Plus structurelle-
Job Day avec une triple orientation résultats. « Cette
ment, la démographie fait qu’il y a de plus en plus de départs
journée a été organisée un samedi, ce qui permet aux
à la retraite et de moins en moins de jeunes universitaires sur
gens qui ont déjà un emploi de se libérer plus facilement.
le marché. » Chaque année, PwC recrute environ 250 universitaires qui seront formés en interne. Mais le défi porte ici moins sur
Le processus est mené en une journée, ce qui est plus rapide. Enfin, il est mené par un tandem RH-business, ce
l’attraction que sur la rétention. Réputées être de bonnes
qui est plus efficace », explique Michel Van der Sande.
écoles, les sociétés d’audit voient filer les talents au bout
Ernst & Young va un pas plus loin avec le week-end de
de quelques années seulement. Même souci, donc, chez
sélection fondé sur une épreuve visant à mesurer des
Ernst & Young qui embauche autour de 200 personnes par
aptitudes comme le travail d’équipe, le leadership, la
an, dont 150 jeunes diplômés en économie et juristes fis-
connaissance en langues, etc. « Vu que nous deman-
caux pour ses activités d’audit, de révisorat et d’expertises
dons la performance, nous recherchons des individus
comptables, fiscales et juridiques. Le solde est composé de
qui aiment ce genre d’environnement », souligne Jean-
collaborateurs au profil pointu pour des activités de conseils dans les domaines du risque et de la finance. La perle la plus rare? Le fiscaliste expérimenté.
Claude Lecoyer qui pointe aussi l’importance de la capacité d’autonomie et d’indépendance. « Les jeunes
Cette attention portée à la rétention transparaît également
sont amenés très tôt dans leur carrière à travailler sur
chez Ernst & Young. « Nous tentons de déceler les motiva-
des projets en clientèle où ils devront se prendre eux-mê-
tions de l’individu dès le processus de recrutement, indique
mes en charge… »
Jean-Claude Lecoyer, Human Resources Partner. Envisage-
ING a mis en place deux « business games » se déroulant le week-end de manière à attirer de jeunes talents. « Nous avons également organisé un ‘concert tour’ afin de changer un peu l’image du secteur bancaire auprès les étudiants des ‘villes universitaires’, indique Mieke Horemans. Nous avons fait appel à une ‘band’ dont le chanteur travaille pendant la journée chez ING pour démontrer que nos collaborateurs peuvent avoir une vie à côté du travail et que, au sein d’ING, on trouve des collaborateurs jeunes, dynamiques et dotés de plein de talents. » De son côté, AXA mise sur la proximité avec le candidat: « Pas de test classique, de test psychotechnique, mais un maximum d’entretiens, illustre Jorgen Vranken. Nous veillons à proposer plusieurs postes à la fois, pour que le candidat puisse choisir celui où il se sentira le mieux. » Autre stratégie mise en place: le ‘jobhunt’, une journée de sélection consistant en des exercices pratiques comparables aux exercices de team-building comme la traversée en groupe d’une rivière fictive empoisonnée. « Les candidats s’amusent vraiment.
Valérie Urbain: « Nous engageons des diplômés en art, en finance, en biologie, etc. L’essentiel est que ces jeunes recrues aient envie d’apprendre, de bonnes capacités linguistiques et qu’elles soient motivées.»
Cela nous permet aussi de voir leur personnalité. S’ils se sentent à l’aise pendant la sélection, cela augmente la probabilité qu’ils viennent chez nous. »
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Michel Van der Sande: « Nous organisons des entretiens le samedi, permettant aux gens ayant un emploi de se libérer plus facilement. Le processus est mené en une journée, par un tandem RH-business, ce qui se révèle plus efficace. »
de profils contribuant directement à l’optimisation de leurs
« Les entreprises ne pourront plus se permettre de licencier cent employés aux compétences dépassées pour en recruter cent autres mieux adaptés le lendemain. »
ventes et de leur chiffre d’affaires... « Nous recherchons des gens qui disposent d’au minimum deux ans d’expérience dans le domaine de la finance, trilingues et qui soient plus que de simples exécutants, illustre ainsi Mieke Horemans. Nous voulons nous attacher des personnalités proactives, dotées d’un esprit d’analyse, capables de tirer des conclusions mais aussi de les communiquer au management qui peut alors prendre les décisions. Bref, de véritables ‘team players’. » Même son de cloche chez nos autres interlocuteurs: « Les profils financiers recrutés doivent être techniquement bons,
t-il ou non de faire chez nous, sinon l’entièreté de sa carrière,
mais ça ne suffit pas. Ils doivent également avoir du talent
du moins une expérience sur le long terme. Mais ce n’est pas
dans le relationnel, le souci du client, être enthousiaste »,
évident à déceler: difficile de dire, avant d’avoir commencé le
indique Jean-Claude Lecoyer. Chez AXA, Jorgen Vranken
job, si on s’y plaira ou non. »
met l’accent sur l’ambition: « Nous voulons des personnes qui veulent se développer. Chez nous, on ne reste pas quinze
PROACTIVITÉ ET CRÉATIVITÉ
ans dans la même fonction! Nous sommes environ 7.000 et,
Si les difficultés de recrutement sont liées à la guerre des ta-
chaque année, entre 400 et 500 collaborateurs changent de
lents naissante ainsi qu’aux pénuries plus profondément an-
fonction. Il faut pour cela une certaine ouverture d’esprit. »
crées – chez les comptables, par exemple –, une autre cause
Chez Dexia, Michel Van der Sande souligne la nécessité
est à pointer: le niveau d’exigence qui grimpe. Aujourd’hui,
de posséder un esprit créatif et innovant… en plus de véri-
il ne suffit plus au profil financier d’être techniquement à la
tables compétences linguistiques, très difficiles à trouver.
pointe. Tous les recruteurs et chasseurs de têtes consultés
Et Euroclear ajoute la flexibilité au panel de qualités recher-
le soulignent: plus le profil recherché est expérimenté, plus
chées: « Nous comptons en interne de nombreuses nationali-
les compétences comportementales exigées gagnent en
tés différentes, quelques dizaines rien en Belgique. Au niveau
importance. Les entreprises sont aujourd’hui à la recherche
du groupe, nous avons plus de 70 nationalités, d’où le besoin
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« Recruteurs et département financier doivent travailler main dans la main » « Avant le service de recrutement avait peu de relations avec la direction financière, raconte Jorgen Vranken. Celle-ci s’intéressait peu à nos événements de recrutement, par exemple. Désormais, nous constatons un important changement de mentalité. Le département financier est de plus en plus présent pour représenter son activité, pour répondre aux questions, souvent très techniques, qui se posent. C’est devenu un travail mené main dans la main: les recruteurs et leurs clients internes doivent tous les deux convaincre le candidat! » Même constat en matière de rétention: « Auparavant, lorsque quelqu’un remettait sa démission, c’était aux RH de chercher à le convaincre de rester. Désormais, il y a une bien meilleure collaboration. C’est également un domaine où on a tout à gagner à nous rapprocher. Le changement de mentalité est en cours mais, bien sûr, tout processus reste perfectible. L’initiative doit venir de part et d’autres, et les efforts également. »
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d’accepter et de comprendre les différences, que ce soit chez les collègues mais aussi chez les clients », indique Valérie Urbain.
EXIGENCES CROISSANTES Les financiers prennent progressivement conscience de l’importance des « soft skills », comme le montre l’enquête menée l’an passé à la demande de Robert Half International et portant sur plus de 2.500 profils financiers et comptables. Celle-ci fait apparaître que 50% des personnes sondées considèrent l’amélioration de leurs compétences en gestion comme le principal levier susceptible d’accroître leur valeur sur le marché. Mais elles sont suivies de près par les compétences en communication (42%) et les capacités à diriger (41%). A peine un répondant sur quatre citait les compétences techniques comme élément susceptible d’augmenter sa valeur sur le marché. « Ces résultats montrent que les profils comptables et financiers doivent disposer d’un arsenal toujours plus riche de qualités, explique Annick Rombouts, Senior Regional Director Belgium pour Robert Half International. Il faut dire que l’environnement de travail d’aujourd’hui diffère sensiblement de celui d’il y a cinq ans et cette évolution nécessite une grande flexibilité. Les employeurs doivent prévoir des formations adaptées qui répondent aux différents besoins des travailleurs. Cela va de l’acquisition des connaissances techniques pour les débutants jusqu’aux compétences sociales pour les collaborateurs plus expérimentés. » Ces tensions sur le marché et le niveau d’exigence sans cesse croissant ont-ils des répercussions sur les salaires? Sans
Jorgen Vranken: « Le secteur financier souffre d’un problème d’image: les candidats imaginent notre métier ennuyeux. C’est une fausse perception. Tout comme le fait de croire que ce n’est pas un secteur d’innovation, contrairement à la pharmacie! Le nombre de nouveaux produits que nous développons est énorme.»
aucun doute, même si l’évolution a été très progressive. FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°08 - JUIN 2007
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Dans un premier temps, les employeurs ont été un peu lents à réellement prendre conscience de la nécessité d’adapter les niveaux de rémunération aux réalités du marché mais, désormais, l’écart s’est résorbé. Ils ont bien saisi que pour un contrôleur financier, un auditeur interne ou un consolideur
Comment lutter
contre
de qualité, il faut y mettre le prix. « C’est la loi du marché et ING s’y adapte, confirme Mieke
Qui dit « fonctions critiques », dit litanie d’un clas-
Horemans. Il arrive que des candidats refusent une offre qui
sement immuable au sein duquel se retrouvent
leur est faite parce qu’ils trouvent mieux ailleurs. Ils font des
depuis des années la secrétaire, l’ingénieur, l’élec-
comparaisons et nous devons en tenir compte, tout en restant cohérent dans nos politiques salariales et en pensant à plus long terme. » Chez Dexia, on tient également à éviter la surenchère: « Pour retenir ceux qui veulent partir, beaucoup
tromécanicien ou encore l’infirmière mais aussi le comptable. Aujourd’hui, à en croire une récente étude de Manpower sur le sujet, les pénuries tou-
d’employeurs proposent des salaires mirobolants. Nous évitons
cheraient plus d’un tiers des employeurs en Belgi-
ce type de politique pour ne pas créer de tensions internes. Nos
que. Au rang des postes les plus difficiles à pour-
packages sont conformes, voire supérieurs au marché. »
voir, le personnel comptable et financier occupe la
Du côté des jeunes diplômés, Valérie Urbain constate que les
septième position, en hausse d’une place comparé
candidats se montrent de plus en plus exigeants. Mais la ré-
à 2006 où seuls les comptables étaient répertoriés
ponse n’est pas uniquement salariale. « La moitié de notre ef-
en huitième position.
fectif est composée de femmes pour qui la politique de flexibilité – aménagement des horaires, congé parental, etc. – est très attractive, y compris pour des postes à responsabilités… »
Comment expliquer ces difficultés récurrentes dont notamment celles relatives aux profils financiers répertoriés? Mieke Horemans évoque une explication quantitative et une autre plus qualitati-
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ve. « D’une part, les plus âgés commencent à quitter le marché de l’emploi – rien qu’en 2007, nous avons 400 départs à la pension – et les jeunes ne sont pas en nombre suffisant pour les remplacer. D’autre part, les métiers financiers sont devenus de plus en plus complexes, plus exigeants, plus spécialisés. »
OSER INVESTIR Or, il y a de moins en moins de jeunes qui choisissent le secteur financier comme débouché au sortir des humanités. « Les jeunes n’ont pas le goût des chiffres. C’est dès le plus jeune âge qu’il faudrait le leur donner. Il faut peut-être revoir la façon dont sont donnés les cours de math. » Une autre solution? « Oser investir dans du personnel qui n’a pas spécialement un profil financier pour les former en interne. ING a déjà une longue expérience dans ce domaine. » « Euroclear n’est pas nécessairement dogmatique sur le type de formation, appuie Valérie Urbain. Il n’existe pas de formation, que ce soit à l’université ou en école supérieure qui permette d’être directement Caroline Pauwels: « L’an prochain, nous aurons en plus à encaisser l’impact de Bologne, c’est-à-dire le rallongement des cursus d’une année supplémentaire. Plus structurellement, la démographie fait qu’il y a de plus en plus de départs à la retraite et de moins en moins de jeunes universitaires sur le marché »
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opérationnel chez nous. Nous engageons des diplômés en art, en finance, en biologie, etc. L’essentiel est que ces jeunes recrues aient envie d’apprendre, qu’elles aient de bonnes capacités linguistiques et qu’elles soient motivées. »
les pénuries Cette piste est également envisagée chez Pricewa-
développement des compétences devenues obsolè-
terhouseCoopers: « Pourquoi pas un archéologue
tes ou redondantes afin de les faire correspondre à
avec un bon potentiel analytique et des qualités hu-
celles nécessaires aux postes nouvellement créés. »
maines que nous formerons alors ensuite d’un point
Autre piste: en limitant les tâches non essentielles
de vue technique?, suggère Caroline Pauwels. C’est
effectuées par des profils très qualifiés et fort re-
peut-être ce à quoi nous arriverons dans quelques
cherchés, il est possible d’améliorer la productivité
années. C’est en tout cas une réflexion que nous me-
et de réduire la demande totale pour ce type de
nons pour l’instant. » Et recruter à l’étranger? « Nous
postes. « On a demandé aux collaborateurs d’être
l’avons fait pas mal par le passé, mais la plupart de
polyvalents mais, en redéfinissant le contenu des
nos clients en Belgique attendent que nos collabora-
fonctions, chacun pourra faire ce pour quoi il est
teurs maîtrisent le français ou le néerlandais. »
compétent. » Le financier pourra ainsi faire de la finance, par exemple, et l’on créera par la même
RENFORCER LES LIENS
occasion des emplois administratifs pour des pro-
Ernst & Young, par contre, mise encore beaucoup
fils moins qualifiés…
sur ma mobilité internationale. « Nous avons des bureaux dans le monde entier et nous entretenons
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une collaboration de plus en plus étroite entre les différents DRH des différents pays, indique JeanClaude Lecoyer. J’ai d’ailleurs un rôle de formation au niveau européen où toutes nos formations sont coordonnées. Par exemple, cette année, nos jeunes nommés manager après cinq ans se retrouvent tous à Barcelone pour un séminaire… » Dans un Livre Blanc publié l’an dernier, Manpower évoque également plusieurs pistes pour lutter contre les pénuries. Exemples: renforcer les liens avec les écoles, puiser dans les ressources des personnes sous-employées ( jeunes chômeurs, mères célibataires, personnes handicapées, travailleurs à temps partiel recherchant un temps plein, seniors, etc.), promouvoir l’intégration, investir davantage dans la formation et le développement, améliorer les politiques d’attraction et de rétention, etc. Plus innovant: il invite à faciliter la réorientation des compétences. « Les entreprises ne pourront plus se permettre le luxe de licencier cent employés dont les compétences sont dépassées pour ensuite recruter cent travailleurs aux compétences mieux adaptées le lendemain, y lit-on. Il faut au contraire faire tout pour retenir les talents utiles et flexibles, peu importe leur rôle actuel dans l’organisation, et examiner les opportunités de réorientation et de
Jean-Claude Lecoyer: « Les profils financiers recrutés doivent être techniquement bons, mais ça ne suffit pas. Ils doivent également avoir du talent dans le relationnel, le souci du client, être enthousiaste. »
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