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SOMMAIRE N°15 MARS 2008

Dossier

Finance & Développement durable La finance et le développement durable sontils compatibles? Oui, nous répondent trois directeurs financiers d’entreprises actives dans des métiers liés à l’environnement. Mieux: ils peuvent se renforcer l’un l’autre, même si les équilibres ne sont pas forcément toujours faciles à trouver. Pour Georges Hübner (HECULg), refuser de s’inscrire dans le cadre du développement durable risque même d’être pénalisant. Finance Management vous livre également des conseils en matière d’audit énergétique et de bilans « carbone », ainsi qu’une grille de lecture des investissements « responsables ».

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008

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DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Il faut pouvoir aller

au bout de ses idées La finance et le développement durable sont-ils compatibles? Oui, nous répondent trois directeurs financiers d’entreprises actives dans des métiers liés à l’environnement. Mieux: ils peuvent même se renforcer l’un l’autre, même si les équilibres ne sont pas forcément toujours faciles à trouver. Témoignages et partage d’expériences.

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P

our Deep Green, une PME bruxelloise âgée de huit

importants. « Pour les concrétiser, nous devons faire appel à des

ans et spécialisée dans le traitement des terres

financements externes. Nous considérons ces investissements

polluées par désorption thermique, le dévelop-

comme une nécessité en matière d’image et de rentabilité. Car,

pement durable constitue naturellement un vé-

si nous souhaitons positionner la société correctement sur le

ritable cheval de bataille. Par ses activités, elle se doit d’être un

marché, nous devons aller au bout de nos idées. »

exemple en matière de développement durable. Frédéric Zoller, son Chief Financial Officer, explique comment une politique res-

GARANTIE DE RÉSULTAT

pectueuse de l’environnement peut permettre, en même temps,

Pour rencontrer ces objectifs ambitieux, Deep Green a innové

de minimiser les coûts et de multiplier le nombre de clients.

technologiquement en brevetant un tout nouveau procédé d’as-

« Depuis le début, nous connaissons bien nos ‘faiblesses’ dans

sainissement: le thermopile. « Energétiquement 90% plus sobre

ce domaine: principalement la consommation d’énergie, expli-

que nos solutions actuelles, le thermopile associe, par ailleurs, éco-

que-t-il. C’est pourquoi, nous avons focalisé nos efforts sur la

nomie et développement durable. Ce système permet en effet d’as-

réduction du caractère énergivore de notre technologie pour

sainir un sol à 100% même si les terres sont difficiles d’accès com-

faire en sorte de diminuer au maximum l’impact sur l’environ-

me, par exemple, sous un bâtiment. » Plus besoin d’excaver: Deep

nement des opérations de traitement. » Au niveau financier,

Green intervient in situ avec, à la clé, une garantie de résultat et

Deep Green a également très vite mis en place une compta-

une sortie du bien immobilier des registres des sols pollués de la

bilité analytique pointue afin de suivre ses coûts. « Cela a per-

région. Une valeur ajoutée énorme pour les clients. Tout finan-

mis de confirmer que la principale facture servait à couvrir les

cier averti aura donc aisément saisi l’attrait de la formule. Avec

besoins en énergie. Veiller à notre empreinte environnemen-

un coût de décontamination largement inférieur à la plus-value

tale prenait, d’un seul coup, autant d’importance pour notre

que l’on peut réaliser sur la vente d’un bien immobilier désormais

image et pour nos finances! »

sain, portefeuille et environnement sont tous deux gagnants.

A l’horizon 2011, Deep Green espère faire baisser sa dépense

Chez Thenergo, le développement durable est également au

énergétique de 75%. Pour y arriver, la PME a développé un plan

cœur des activités. Société active depuis 2002 dans le déve-

d’économie sur cinq ans, composé d’objectifs successifs et de

loppement et l’exploitation de projets d’unités décentrali-

Key Performance Indicators pour suivre les progrès. Si la pre-

sées de production d’énergie basés sur la biomasse, le biogaz

mière phase de diminution des coûts a pu s’effectuer à frais

et la cogénération, son éventail de compétences lui permet

contenus – suppression de l’usage de combustibles nobles,

de créer des synergies uniques avec ses partenaires et ses

suppression des déperditions de chaleur grâce à de meilleures

clients. Les interlocuteurs belges, hollandais ou allemands

isolations des machines et des sites, réduction des volumes à

de Thenergo peuvent être très différents mais ils se révèlent

dépolluer via un prétraitement adéquat des terres, etc. –, la

principalement actifs dans l’industrie et l’agriculture. Les

suite des opérations passe, par contre, par des investissements

unités décentralisées conçues par Thenergo sont destinées

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gie durable constitue d’ailleurs un élément clé. Cette synergie résulte tout d’abord de la combinaison efficace de diverses activités durables et opérationnelles, du design du concept à la vente de l’électricité produite. Thenergo se focalisant sur les projets entre un mégawatt et 20 mégawatts, toute la réalisation peut être menée en étroite collaboration avec les partenaires. Actuellement, vingt projets, pour un total équivalent à 63 MW, sont en activité et 300 MW se trouvent soit en phase de développement, soit sont identifiés.

COMPATIBILITÉ PARFAITE Thenergo finance entièrement ou partiellement la conception des unités et propose à ses partenaires des possibilités de co-investissements. Pour définir les rendements et retours souhaités, chaque projet sera, bien entendu, scrupuleusement étudié. Avec un tel business model, Christophe Van Nevel, Chief Financial Officer de Thenergo, souligne la compatibilité parfaite entre développement durable et finances. « Notre activité professionnelle permet à nos partenaires de trouver une solution pour éliminer leurs déchets. Et cette matière récupérée va nous servir de base pour produire de l’énergie que nous allons ensuite revendre à nos clients. Les surplus alimenteront par ailleurs le réseau », dit-il. Quand on sait que les directives européennes exigent un quota de 20% d’énergie « verte » à l’horizon 2020, on se rend vite compte des lendemains chantants et de l’immense marché qui attendent Thenergo. Recourir à des sources d’énergie peu onéreuses – ou problématiques pour un partenaire obligé de s’en débarrasser – afin de les utiliser comme fuel pour générer de l’électricité semble donc constituer un exercice aisément rentable. Ce n’est pourtant pas le cas. Il faut avant tout veiller à décentraliser le

Frédéric Zoller: « La mise en place d’une comptabilité analytique pointue afin de suivre nos coûts a permis de confirmer que la principale facture servait à couvrir les besoins en énergie. Veiller à notre empreinte environnementale prenait, d’un seul coup, autant d’importance pour notre image et pour nos finances! »

modèle. Car, pour conserver toute leur efficacité, la biomasse et le biogaz ne peuvent être transportés trop loin. C’est pourquoi les unités de production devront, de préférence, se situer à proximité des sources de fuel… et, de ce fait, des locations très proches des déchets naturels (bois, déchets organiques, etc.) ou des locations auprès des partenaires et clients.

à transformer de la biomasse, du biogaz ou du gaz naturel en

TOUJOURS ATTENTIFS

énergie durable (électricité et chaleur).

Dans chaque projet, Thenergo doit donc minimiser les ris-

Ces unités, généralement bâties sur le site des partenaires

ques. « La maison organise le financement, par projet, auprès

(premiers utilisateurs de l’énergie produite), sont principale-

des banques. Nous nous occupons ensuite de la réalisation,

ment alimentées par les déchets produits sur place. Au sein

seuls ou avec des partenaires propriétaires de déchets qui ne

du business model de Thenergo, la synergie en matière d’éner-

possèdent pas nécessairement les compétences ou le capital pour développer une centrale énergétique, explique Christophe Van Nevel. Pour y arriver, et il s’agit là d’un point capital,

« Nous avons focalisé nos efforts sur la réduction du caractère énergivore de notre technologie pour en diminuer au maximum l’impact sur l’environnement. »

nous ne faisons pas de recherche et développement. Nous préférons privilégier l’utilisation unique de technologies qui ont déjà prouvé leur efficacité. Bien entendu, notre savoir-faire permettra d’apporter une touche créative à chaque concept. » Thenergo accorde une attention particulière à la gestion des stocks et à l’approvisionnement en matières premières. L’entreprise rachète notamment certaines firmes – comme par exemple Leysen Group en septembre 2007 – productrices de grandes quantités de matières premières susceptibles de servir FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008

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DOSSIER FISCALITÉ

conséquents. Les constructions coûtent de l’argent, les investissements importants s’établissent – projet par projet – sur une durée considérable de dix à vingt ans… Il faut toujours s’assurer de la rentabilité des dossiers, exiger des retours minimums garantis… Nous devons nous montrer très sélectifs. » Grâce à son business model unique et à ses critères de sélection pointus, Thenergo récolte toutefois les fruits de son labeur: en 2007, l’entreprise a figuré à la 65e position d’un top 100 réalisé par CNBC et reprenant les sociétés les plus durables d’Europe.

FLEXIBILITÉ OPÉRATIONNELLE Selon Christophe Van Nevel, le CFO actif dans le secteur du développement durable doit accorder une large part de son temps à la levée de fonds et au financement. En 2007, Thenergo a, par exemple, réalisé la levée de fonds la plus importante de l’histoire d’Alternext-Paris où la société est cotée en bourse: 70 millions d’euros. Néanmoins, il ne faut pas pour autant négliger l’intégration des diverses composantes qui forment Thenergo: chaque entité possède son propre régime juridique et il faut veiller à consolider les différentes finances statutaires. Autre enjeu de taille: la future orientation politique européenne en matière de production d’énergie. Car la voie classique

Christophe Van Nevel: « Il peut exister une compatibilité parfaite entre développement durable et finances. Notre activité professionnelle permet à nos partenaires de trouver une solution pour éliminer leurs déchets. Et cette matière récupérée va nous servir de base pour produire de l’énergie que nous allons ensuite revendre à nos clients. »

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se stabilise, voire diminue face aux faibles investissements des grands fournisseurs traditionnels et, parallèlement, la consommation augmente. « Si rien ne change, l’Europe va dès lors très prochainement devoir importer de l’énergie. Et dans cette position de dépendance par rapport à l’étranger, posséder des centrales d’électricités locales peut se révéler fort avantageux. Car, à l’inverse des solutions solaires ou éoliennes, la

de fuel. « En réalité, nous nous occupons de tout, y compris la

technologie que nous utilisons n’est pas tributaire du climat. Si

gestion des centrales. Nous déléguons uniquement la construc-

l’on détient l’accès au fuel, on possède la certitude de pouvoir

tion. Les marges bénéficiaires y sont les plus basses pour nous. »

produire l’électricité à tout moment. »

Pour augmenter ses bénéfices, Thenergo focalise d’ailleurs

Grâce à cette flexibilité opérationnelle, les projets de The-

une part de ses ressources sur les ventes et le commerce de

nergo n’en sont que plus rentables. Cela n’empêche cepen-

l’énergie. En Allemagne par exemple, où le marché de l’électri-

dant pas Christophe Van Nevel d’estimer qu’à long terme, le

cité n’est pas libéralisé, les contrats de fourniture d’électricité

marché de l’énergie va se consolider. « Aujourd’hui, Thenergo

peuvent porter sur des durées de vingt années. En Belgique

bénéficie d’une croissance très forte au niveau organique et

ou aux Pays-Bas, les marchés libéralisés ne permettent pas ce

non-organique. Nous avons notamment été assez actifs sur les

type de conventions à long terme particulièrement rémuné-

acquisitions, par exemple Leysen ou ENRO, fin d’année passée.

ratrices. Il faut, dans ce cas, travailler à moyen terme avec des

Dans les années à venir, on peut s’attendre à une consolidation

contrats plus fragiles.

plus étendue ou les sociétés traditionnelles d’énergie pourront

En tant que CFO, Christophe Van Nevel considère le dévelop-

reprendre de plus petites firmes actives dans le développement

pement durable comme une donnée essentielle du monde fi-

durable. Cela s’est déjà matérialisé en France avec EDF qui re-

nancier actuel. « Les capitaux investis se révèlent en effet assez

prend des participations dans le secteur éolien. »

RÉALISER LA BALANCE

« Entre point de vue écologique et besoins indispensables au succès de l’investissement, il faut toujours faire la balance entre plusieurs paramètres. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008

Autre entreprise ayant l’environnement dans son « core business »: le parc Paradisio, par ailleurs société anonyme cotée sur Euronext Bruxelles. Situé près d’Ath, il offre une journée d’émerveillement au contact de plus de 4.000 animaux sauvages du monde entier. Sur le site de l’ancienne abbaye de Cambron, aux arbres séculaires et aux bâtiments historiques, Paradisio poursuit également une trentaine de programmes scientifiques pour la préservation d’espèces menacées. Les


chiffres du parc sont impressionnants: plus de 600.000 visiteurs par an (+ 30%), une hausse de 24% du chiffre d’affaires, une progression de 38% du bénéfice de l’exercice, une proposition de dividende de 0,65 €/action (+ 44%)… Yvan Moreau, son directeur financier, a donc toutes les raisons du monde d’être satisfait du bilan. Parmi les raisons expliquant ce succès, les enquêtes menées auprès du public mettent en avant l’attractivité du plus grand jardin chinois d’Europe, inauguré à l’été 2006. D’une superficie de trois hectares, ce jardin permet de découvrir un pan entier de la culture et des civilisations chinoises. Il marque également un tournant dans le développement de Paradisio. Le parc souhaite pouvoir proposer à ses visiteurs de réaliser, en une seule journée, un voyage aux quatre coins du monde à travers différents univers animaliers, botaniques, paysagers et culturels reconstitués le plus richement possible. Ainsi, un jardin indonésien devrait être inauguré au début de la saison 2008. La création du jardin chinois a pourtant essuyé de vives critiques de la part d’associations de protection de l’environnement. De nombreux matériaux ont en effet été importés de Chine, par containers… « Le souci d’authenticité a prévalu durant toute la construction du jardin, exclusivement réalisée par des artisans chinois, explique Yvan Moreau. Il faut certainement y trouver la principale clé du succès. Ces matériaux spécifiques ne pouvaient de toute façon être produits sous nos latitudes. D’un point de vue écologique, il ne s’agissait peutêtre pas de la meilleure décision. Mais cela répondait à d’autres besoins indispensables au succès de l’investissement. Il faut toujours faire la balance entre plusieurs paramètres. »

Yvan Moreau: « Mon pouvoir de financier consiste à proposer un investissement rentable. Justifier une innovation pour des seules raisons écologiques dépasse, par contre, ma sphère décisionnelle. Cela ne veut pas dire que l’investissement ne se fera pas. Mais d’autres considérations entreront alors en ligne de compte. »

VERS LA BIOMÉTHANISATION La quête pour un développement durable est un chemin qui

quelques heures. Ce type de solution permettait également d’aug-

reste largement à explorer. S’il « carbure » aujourd’hui es-

menter notre autonomie par rapport au réseau électrique. » Mal-

sentiellement au mazout, des systèmes plus « verts » sont

heureusement, l’expérience a dû être abandonnée…

à l’étude, comme dans nombre de grandes entreprises. Une

Néanmoins, Yvan Moreau a pu se rendre compte que possé-

réflexion initiée par la quantité importante de déchets de na-

der sa propre unité de fabrication d’électricité et de chaleur

ture organique récoltés au parc – excréments des animaux,

permet de répondre à plusieurs besoins en même temps. Pre-

déchets du restaurant et des visiteurs, etc. « Nous avons

mièrement, diminuer la facture de rejets des déchets doréna-

d’abord pensé au lombricompostage. Un procédé qui permet

vant recyclés et réutilisés au sein même du par cet, deuxiè-

de décomposer les matières organiques, le papier et même le

mement, réduire les dépenses énergétiques. « Si l’estimation

carton, grâce à des vers de terre qui transforment le tout en ter-

chiffrée de l’implantation d’une unité de biométhanisation que

reau réutilisable. Ensuite, de fil en aiguille, nous avons envisagé

nous menons actuellement se révèle positive, et si le retour sur

la biométhanisation ».

investissement peut s’envisager sur une durée d’environ dix

Le méthane, produit à partir des déchets organiques, pourra être

ans, alors nous sauterons le pas. »

brûlé dans un moteur de cogénération qui permettra, non seu-

Pour le directeur financier, un investissement, même consé-

lement de produire de l’électricité pour les besoins de Paradisio,

quent, dont la rentabilité est garantie ne bloque en aucun

mais aussi de récupérer de la chaleur pour alimenter les bâti-

cas d’autres financements. D’autres pistes, pour diminuer les

ments en hiver. Par le passé, le parc a déjà eu l’occasion d’expé-

consommations énergétiques sont d’ailleurs déjà envisagées.

rimenter la cogénération grâce à une unité placée par Electra-

« Mon pouvoir de financier consiste à proposer un investisse-

bel et l’intercommunale d’électricité locale. « Nous produisions

ment rentable. Justifier une innovation pour des seules raisons

de l’électricité pour eux et, en échange, nous pouvions récupérer

écologiques dépasse, par contre, ma sphère décisionnelle. Cela

la chaleur pour notre oasis. Cela nous permettait également de

ne veut pas dire que l’investissement ne se fera pas. Mais d’autres

bénéficier d’une unité de secours car un parc animalier comme

considérations entreront alors en ligne de compte: image de

le nôtre ne peut se permettre des pannes de courants de plus de

marque de Paradisio, problématique environnementale… » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008

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DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Refuser de s’inscrire dans le cadre du développement

durable devient pénalisant Pour que l’ensemble des objectifs environnementaux nécessaires à la survie de la planète soient rencontrés, l’adhésion de la communauté financière sera indispensable. Selon Georges Hübner, professeur Deloitte de gestion financière à HEC-ULg, les premiers signes vont vers une convergence d’intérêts entre finance et développement durable. Mais il reste du chemin à parcourir. Entretien.

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Est-ce que finance et développement durable semblent, aujourd’hui, compatibles?

revêtait un aspect négatif: les sociétés se refusaient à investir

Georges Hübner: « Nous comptons jusqu’ici très peu d’études

pratiques considérées comme immorales. Le second prônait

spécifiques sur lien entre le développement durable et la

une vision plus positive: les firmes décidaient d’améliorer les

gestion de portefeuille pour répondre avec certitude. La rai-

conditions de travail, de négociation… pour tendre vers un meil-

son est simple. Nous possédons surtout des informations

leur équilibre avec le reste du monde. L’évolution fut relative-

sur des fonds ou des véhicules d’investissements théma-

ment longue, et a principalement été initiée par le Royaume-

tiques plus généraux. Par le passé, ceux-ci mélangeaient

Uni. A présent, nous disposons d’un faisceau de preuve assez

des notions d’éthique, de ‘socialement responsable’ et de

net et assez clair pour dire, qu’effectivement, investir dans de

développement durable, deux notions pourtant différentes

l’éthique ne présente, statistiquement, pas de rendement infé-

mais généralement regroupées dans une même catégorie

rieur à un fonds d’investissement ‘traditionnel’ sans préoccu-

d’investissement. Il faut savoir que les préoccupations envi-

pations éthiques particulières. Le ‘socialement responsable’ est

ronnementales et de développement durable sont, dans les

alors venu se greffer sur cette conception et, récemment, nous

investissements financiers, assez récents. Les préoccupa-

avons finalement vu émerger des préoccupations d’investis-

tions éthiques, par contre, ont une histoire plus ancienne.

sement dans le développement durable. Des préoccupations

Nous détenons donc peu de preuves pouvant attester claire-

aujourd’hui relayées au niveau des entreprises. »

dans un certain nombre de secteurs ou à recourir à certaines

ment de la performance financière d’investissements dans

Georges Hübner: « Jadis, les investissements éthiques en entre-

Un investissement dans des actifs pour une durée déterminée, tout en visant un rendement optimal, semble-t-il dès lors compatible avec la notion de durabilité?

prises constituaient des placements de deux types. Le premier

Georges Hübner: « Oui. A mon sens pour deux raisons et c’est

du développement durable… »

La situation a-t-elle néanmoins évolué?

ce que les éléments d’appréciation actuellement en notre possession semblent confirmer. Tout d’abord, il faut savoir que la

« Les préoccupations environnementales et de développement durable sont, dans les investissements financiers, assez récentes. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008

valeur d’une entreprise représente fondamentalement la valeur actuelle de ses revenus futurs. Quand on cherche à investir, directement ou indirectement, via un fonds de placement dans une entreprise, on se préoccupe donc de l’ensemble des revenus que cette ‘maison’ va générer. Et ce, même si l’on vise du court ou du moyen terme dans son horizon de placement, tout simplement parce que les décisions que vont prendre ces sociétés auront obligatoirement un impact sur leur valorisation… et


donc sur leur taux de rendement. A priori, il n’existe donc pas de

des actionnaires, soit de la part des pouvoirs publics. Ce fut

contradiction entre l’horizon d’investissement de l’investisseur

notamment le cas via le respect du protocole de Kyoto et tout

potentiel et l’horizon d’investissement de l’entreprise.

le mouvement associé. Les entreprises ont dû s’inscrire dans

Et dans le cas du développement durable, les coûts engagés

une logique de développement durable par la réduction de

plus ou moins immédiatement devraient, à l’avenir, précisé-

la pollution, par des mesures qui aboutissent à plus d’écono-

ment engendrer un impact positif relativement important.

mies de moyens… Et ces éléments de pression font en sorte

Ensuite, graduellement, nous avons observé un nombre

que les ‘boîtes’ qui refusent de se soumettre à ces influences

croissant de mesures d’activisme, soit directement de la part

extérieures font courir un risque majeur en termes de péna-

Accélérer la transition vers un développement durable Le Bureau fédéral du Plan publie tous les deux ans un rap-

de vie actuels et des progrès déjà accomplis dans la réa-

port fédéral sur le développement durable, rédigé par la Task

lisation de ces ODD concernant nos modes de consom-

force développement durable. Ce rapport s’adresse autant à

mation et de production ainsi que nos systèmes énergé-

la société civile qu’au monde politique et aux services pu-

tiques et alimentaires;

blics pour les aider à réfléchir à la façon dont se développe

- une évaluation de la politique fédérale menée jusqu’ici

leur pays et à son impact sur l’état du monde. Quatre rap-

en matière de développement durable, qui complète les

ports ont ainsi été publiés en dix ans. « Sur la voie d’un dé-

évaluations approfondies publiées antérieurement dans

veloppement durable? » en 1999, « Un pas vers un dévelop-

les trois premiers rapports fédéraux.

pement durable? » en 2003, « Comprendre et gouverner le

Pour réaliser les 21 ODD d’ici 2050, deux scénarios de déve-

développement » en 2005… et « Accélérer la transition vers

loppement durable ont été ébauchés avec l’aide d’un panel

un développement durable » en 2007. On remarque qu’au fil

d’experts. Appelés Pyramide et Mosaïque, ils suivent, dans un

du temps, le point d’interrogation a disparu…

premier temps au moins, des chemins différents. Pyramide

Ces documents fédéraux montrent comment le processus

met l’accent sur une coopération internationale renforcée et

de transition vers un développement durable a déjà engagé

des progrès techniques à grande échelle. Mosaïque se focalise

la Belgique dans un projet de société, mondialement et loca-

davantage sur les ambitions nationales et des changements

lement, à long comme à moyen terme. Le quatrième rapport,

importants dans les comportements individuels. Les 21 ODD

remis au gouvernement et présenté à la presse ce 18 février,

à concrétiser découlent des engagements internationaux de

est essentiellement tourné vers l’avenir. Il présente des ob-

la Belgique. Ils concernent la protection, le rétablissement et

jectifs de développement durable ambitieux et il trace deux

la promotion des trois capitaux de base du développement:

chemins pour les atteindre à l’horizon 2050. Le document

les capitaux humain, environnemental et économique.

analyse également les changements de modes de consom-

Le rapport propose une première formulation de tels objectifs:

mation et de production en général et des systèmes énergétique et alimentaire en particulier. Le rapport montre que des tendances actuelles les concernant sont insoutenables dans la durée parce qu’elles ont des impacts négatifs pour les êtres humains, l’environnement et l’économie. Et, si au cours des dernières années la société a réalisé des

- Capital humain: * tous les pays auront atteint un indice de développement humain d’au moins 0,8; * l’espérance de vie moyenne dans le monde augmentera progressivement pour atteindre 76 ans… - Capital environnemental:

progrès dans la voie d’un développement durable, des chan-

* chaque pays se développera dans les limites de la ca-

gements plus profonds s’avèrent toutefois nécessaires. Le rap-

pacité de charge des écosystèmes. La Belgique dimi-

port formule donc un certain nombre de recommandations aux autorités fédérales pour adapter leurs politiques: les dix à quinze prochaines années doivent marquer une accélération de la transition vers un développement durable et les politiques menées doivent y contribuer. « Accélérer la transition vers un développement durable » met donc l’accent sur la prospective et explore présent et avenir en proposant: - 21 objectifs de développement durable (ODD) sociaux,

nuera son empreinte écologique; * la température sera au minimum de 2°C plus élevée que durant la période préindustrielle… - Capital économique: * dans tous les pays du monde, la dette publique atteindra un niveau supportable par les budgets annuels; * tous les actifs financiers seront investis selon les principes de la responsabilité sociale des entreprises…

environnementaux et économiques qui doivent avoir été réalisés en 2050 pour concrétiser la transition vers une

Le rapport complet peut être consulté, téléchargé et com-

société en développement durable;

mandé via http://sustdev.plan.be

- une analyse des tendances insoutenables de nos modes FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008

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DOSSIER FISCALITÉ

lités et de coûts d’adaptation pour leurs actionnaires. Ils risquent en effet d’induire une déperdition de la valeur future qui pourrait affecter l’entreprise. En résumé, si les preuves actuelles restent encore limitées, elles tendent néanmoins à montrer que refuser de s’inscrire dans le cadre du développement durable devient particulièrement pénalisant. Ce nouveau phénomène est une conséquence bénéfique de la poussée progressive de l’opinion publique et des nombreux signaux d’alarme tirés aux quatre coins du monde par rapport à la dégradation des conditions climatiques et environnementales générales. »

Le public est-il prêt à investir dans ce type de fonds? Georges Hübner: « Je crois qu’en tout cas une clientèle existe. J’en veux pour preuve le nombre croissant de véhicules d’investissement qui annoncent leur focus sur le développement durable. Un peu comme ce fut le cas pour les investissements éthiques, une certaine méfiance a d’abord régné avant qu’on ne s’aperçoive que ces placements dans des sociétés aux comportements socialement ou environnementalement responsables fonctionnent aussi bien que les autres. Et, ensuite, une véritable clientèle s’est mise à émerger. Cette clientèle sera d’autant plus convaincue des produits que les premières entreprises à se

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conformer à un code de conduite en matière de développement durable vont générer des valeurs intéressantes. Elles seront en effet moins pénalisées quand il faudra obligatoirement basculer vers des techniques de production plus propres… On peut donc raisonnablement penser que ces firmes seront susceptibles de générer davantage de valeur… et dès lors prédire un avenir assez florissant pour les investissements durables. »

Encore faut-il savoir comment se lancer… Georges Hübner: « Absolument. L’investissement direct suppose des moyens importants. Cela peut notamment freiner

Georges Hübner: « Les sociétés qui refusent de se soumettre à la logique de durabilité font courir un risque majeur en termes de pénalités et de coûts d’adaptation pour leurs actionnaires. Il comporte une possible déperdition de la valeur future pouvant affecter l’entreprise. »

un certain nombre de candidats entrepreneurs intéressés par des projets de développement durable. Mais l’investissement

portant. Car il faut bien se rendre compte que l’investisseur

indirect, via des types de véhicules comme les SICAV ou les

financier, abstraction faite de son comportement citoyen et

fonds d’assurance dédiés à reconvertir les sommes levées

de ses propres préférences en matière de développement du-

dans des actions de développement durable, se révèlent très

rable, se préoccupe essentiellement du rendement. Si le coût

accessibles. Et comme cette ‘barrière’ à l’entrée devient beau-

de départ reste élevé, mais que le rendement sur base de la

coup plus ténue, simultanément, l’offre est en train d’éclore.

valorisation des projets et de la valorisation économique des

L’obstacle ‘pécuniaire’ ne devrait donc pas demeurer trop im-

entreprises suit l’investissement produit, il n’y a aucune raison particulière de craindre de s’engager. Il s’agit d’une simple logique de financement: on peut massive-

« Il est d’ores et déjà possible d’investir 100% de ses actifs dans des fonds qui possèdent comme critère de s’inscrire dans une logique de développement durable. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008

ment investir à partir du moment où les revenus espérés sont plus importants que le coût engendrés. De plus, nous disposons, à l’heure actuelle, d’une variété suffisante de véhicules d’investissement. Ils sont réellement à la disposition du tout public. Cela permet d’ailleurs d’opérer une diversification de portefeuille nécessaire et parfaitement saine au niveau de l’orthodoxie financière, sans négliger le développement durable. Je suis convaincu qu’il est d’ores et déjà possible d’investir 100% de ses actifs dans des fonds qui possèdent comme critère de s’inscrire dans une logique de développement durable. »


DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Comment devenir

« CO2 neutre » Sensibiliser, encourager à prendre conscience de son impact sur l’environnement et, surtout, permettre une action immédiate et prolongée: c’est la mission que s’est fixée CO2logic, la première entreprise belge active dans les bilans carbones et la compensation de CO2. Son gérant et cofondateur nous explique les dessous de la démarche.

E

n quelques années, le projet CO2logic a fortement évolué. Les calculs des émissions de CO2 des membres des familles et des amis des deux fondateurs, ainsi que les conseils prodigués pour ré-

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duire ces rejets, ont en effet rapidement fait place à une véritable entreprise. Car, en 2005, le vent tourne pour Tanguy du Monceau et Antoine Geerinckx: le protocole de Kyoto initie le développement d’un nouveau marché – celui de la chasse aux émissions de CO2 – et crédibilise automatiquement leur activité. Une démarche particulièrement légitime sur notre continent, initiateur du changement climatique depuis la révolution industrielle. Si on prend les émissions de CO2 par personne, Bel-

ges et Européens se placent en effet, contrairement à ce que l’on pourrait parfois penser, loin devant les pays émergeants. Face à ce constat et forts de leurs compétences en ingénierie, en finance et en marketing, les associés se jettent à l’eau et créent CO2logic, un produit global, qui sensibilise les gens, les

Tanguy du Monceau: « Dans le tertiaire, on peut prendre rapidement des décisions dont les impacts seront importants. J’estime d’ailleurs que finance et développement durable sont compatibles car ce type d’activité offre un retour sur investissement non négligeable. »

encourage à prendre conscience de leur impact et, par-dessus tout, permet une action immédiate et prolongée.

INTÉRÊTS FINANCIERS

rapidement des décisions dont les impacts seront importants, explique Tanguy du Monceau. J’estime d’ailleurs que finance et développement durable sont compatibles car ce type d’activité

En Belgique, 363 entreprises doivent répondre aux obligations

offre un retour sur investissement non négligeable. »

de Kyoto en diminuant leurs rejets. Trois possibilités s’offrent

Par ailleurs, le gérant de CO2logic voit dans le développement

à elles. La première constitue bien entendu la démarche élé-

durable quatre axes essentiels susceptibles d’attirer l’atten-

mentaire: réduire les émissions de CO2 du pourcentage de-

tion des financiers. Les jeunes cadres sont aujourd’hui par-

mandé. Mais si ce n’est pas possible, deux cas restent envisa-

ticulièrement sensibilisés aux enjeux planétaires, au chan-

geables: proposer d’« acheter » le pourcentage manquant à

gement climatique et vont, de plus en plus, vouloir travailler

une autre entreprise « modèle » qui, elle, aurait diminué ses

pour une entreprise qui se montre responsable. Cela va in-

rejets d’un pourcentage supérieur à ce qui lui était demandé

fluencer leur façon de travailler et l’image de marque de l’en-

ou contribuer, pour une partie, à un projet de compensation

treprise. Se lancer dans une politique financière environne-

dans un pays en voie de développement.

mentale permet également d’anticiper une future législation,

CO2logic a justement repris cette dernière idée mais à un niveau

comme par exemple la « taxe carbone » dont on parle très

volontariste, pour toutes les autres entreprises sur notre terri-

ouvertement en France. Il n’est absolument pas utopique de

toire et, bien entendu, pour les particuliers. « Nous travaillons

croire qu’un jour ce type de fiscalité touchera tout le monde,

beaucoup avec le tertiaire. Dans ce secteur, on peut prendre

engendrant automatiquement un coût sur le bottom line. FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008


DOSSIER

Par ailleurs, la limite des énergies fossiles est bientôt atteinte.

remboursés à 50% par l’État. « Le bilan carbone, comme ceux

Les prix vont donc continuer à augmenter et il faudra, tôt ou

que nous proposons, est en réalité beaucoup plus global qu’un

tard, se tourner vers l’économie basse en carbone. Dès lors,

audit énergétique qui, lui, ne mesure que les consommations

pourquoi attendre au lieu d’ouvrir immédiatement de nou-

de bâtiments. Alors, pourquoi proposer en Belgique unique-

velles opportunités? Enfin, Sir Nicholas Stern (Stern Review),

ment une déductibilité fiscale pour les audits énergétiques? »

célèbre économiste de la Banque mondiale, s’est fendu d’un

Dans le même ordre d’idées, l’Allemagne essaye de diminuer

rapport accablant sur l’économie du changement climatique.

ses émissions de 36% pour 2020, le Royaume-Uni et la France,

« Il précise que si nous n’investissons pas 1% du PIB jusqu’en

respectivement, de 60% et de 75% d’ici 2050 et la Norvège a

2050, cela va ‘coûter’ 20% du PIB. Autant dire que tous les sec-

déclaré vouloir devenir le premier pays « CO2 neutre »… Il est

teurs seront frappés… »

grand temps que la Belgique emboîte sérieusement le pas

Voilà pourquoi, citoyens du monde et Européens en parti-

de nos pays voisin! Néanmoins Tanguy du Monceau, reste

culier, nous devons nous détacher de l’habitude d’accéder

optimiste, ravi que la Banque Européenne d’Investissement

sans restreinte à une énergie fossile financièrement aborda-

ait fait appel à son entreprise pour réaliser un bilan carbone

ble. « Je suis d’ailleurs convaincu que les pays développant en

des activités de l’institution. « Des entreprises CO2 neutres,

premier des solutions vont tirer de larges bénéfices en matière

des membres du gouvernement qui compensent leurs trajets

d’emploi, d’économie, de technologie, de recherche et dévelop-

en avion… tout cela devrait bientôt faire partie de notre quoti-

pement… Comme l’a prouvé le rapport Stern, les financiers doi-

dien, j’en suis persuadé. »

vent se projeter sur le long terme et la neutralité en CO2 fera bientôt partie des valeurs centrales de l’entreprise. »

RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE Aujourd’hui, CO2logic poursuit donc pleinement l’objectif de

Dix conseils pour s’inscrire dans le développement durable

sensibiliser le public au problème de l’effet de serre et encou-

10

rage l’entreprise à faire face à sa responsabilité sociale en ma-

1. Remplacez une ampoule standard par une ampoule

tière d’émissions de CO2 dans l’atmosphère. Quatre manières

fluorescente compacte et vous réduirez votre émis-

de contrôler et d’atténuer les niveaux de CO2 sont envisagea-

sion de CO2 de 67,5 kg par an.

bles et CO2logic soutient chacune d’entre elles: réduction

2. Marchez, faites du vélo ou prenez les transports en

des activités occasionnant les émissions (par exemple, usage

commun plus souvent. Vous réduirez votre émission

réduit du véhicule), réduction de la pollution à la source grâce

de CO2 de 300g par kilomètre non parcouru avec vo-

à une amélioration technologique (par exemple, utilisation de véhicules plus écologiques), recours à des matières premières énergétiques alternatives ou comportant moins de

tre véhicule, moteur froid. 3. Vous réduirez votre émission de CO2 de 1.080 kg par an en recyclant la moitié de vos déchets ménagers.

carbone (par exemple, électricité « verte »), compensation

4. Une pression adéquate des pneus peut augmenter

des émissions en participant aux projets relatifs au carbone

de 3% les kilomètres parcourus avec un seul plein. Et

(par exemple, ceux de biomasse soutenus par CO2logic en

chaque litre de carburant épargné réduit votre émis-

Inde, certifiés par les Nations Unies).

sion de CO2 de 2,4 kg.

Si chaque individu et chaque entreprise réduisait et compen-

5. Chauffer de l’eau consomme énormément d’énergie.

sait – même modestement – ses émissions, le problème du

Utilisez moins d’eau chaude en installant un pom-

réchauffement climatique en serait positivement touché. Et,

meau de douche à débit réduit (émission de CO2

pour que tout un chacun puisse se rendre compte de l’impact

réduite de 157 kg par an) et lavez vos vêtements à

environnemental des ses activités, un calculateur d’émissions

froid ou à l’eau tiède (émission de CO2 réduite de

est disponible sur le site de CO2logic. « Ce petit outil, très simple

225 kg par an).

d’utilisation et particulièrement instructif, permet trop souvent

6. Evitez les produits suremballés, vous pouvez dimi-

de nous rendre compte à quel point nos gestes quotidiens se

nuer votre émission de CO2 de 540 kg en réduisant

révèlent polluants. Pour les entreprises, la démarche est un peu

vos déchets de 10%.

différente. Elle se compose de quatre étapes. Nous commençons par définir les objectifs. Ensuite, nous réalisons un bilan carbone de leurs émissions de CO2 pour donner un état des lieux. Une fois cette prise de conscience effectuée, nous faisons des proposi-

7. Baissez votre thermostat de 2°C et vous réduirez votre émission de CO2 de 900 kg par an. 8. Planter un seul arbre lui permettra d’absorber 1 tonne de CO2 au cours de son existence.

tions de pistes d’action de réduction. Et finalement, nous offrons

9. En éteignant votre téléviseur, votre lecteur DVD, vo-

au client la possibilité de compenser le solde incompressible, ou

tre PC portable ou votre chaîne stéréo plutôt que de

difficilement réductible, de ses émissions. »

les mettre en veille, vous réduirez votre émission de

Pour l’avenir, les audits carbones semblent d’ailleurs constituer un créneau prometteur. En France, ils sont même déjà FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008

centaines de kg par an. 10. … et passez le mot!


« Les investissements ‘verts’ ne sont pas des ‘bonnes œuvres’ » En tant que première banque privée indépendante en Belgique, la Banque Degroof gère le patrimoine de ses clients dans une perspective de long terme. « Dans ce contexte, les préoccupations environnementales occupent une place de choix: à quoi bon gérer au mieux un patrimoine si notre planète devient invivable? », souligne Etienne de Callataÿ, son Chief Economist. La Banque Degroof a donc décidé d’agir concrètement en faveur d’un meilleur environnement en s’engageant directement ou indirectement dans plusieurs projets. Elle a également décidé de procéder à un audit de son impact climatique, afin de posséder une vue d’ensemble sur ses émissions. « Nous avons dès lors pu prendre des décisions ciblées, et en connaissance de cause, afin de réduire nos rejets en CO2 », indique-t-il. La Banque Degroof a aussi participé à la compen-

Energy a permis à la banque de prélever ses commissions

sation de CO2 – mécanisme prévu dans le cadre du Protoco-

tout en permettant à ses clients d’accéder à un investisse-

le de Kyoto – en soutenant un projet écologique et durable

ment « vert » et heureux. En tout état de cause, Etienne de

situé en Inde. Celui-ci tend à valoriser les déchets agricoles

Callataÿ pense que la plupart des investisseurs intéressés

des fermiers locaux afin de produire de l’électricité propre et

par des produits éthiques sont disposés à subir une légère

renouvelable. Parallèlement à cette dynamique nouvelle, la

déperdition en termes de rendements si leurs investisse-

banque met sur pied un fond de private equity qui investit

ments garantissent une utilité sociale plus directe.

dans des projets de biomasse en Europe.

« Nous ne présentons d’ailleurs pas les investissements ‘verts’

« Il s’agit d’une première pour notre institution mais nous te-

ou notre fonds de private equity comme des ‘bonnes œuvres’,

nions à montrer que, par son métier, une institution financiè-

relève Etienne de Callataÿ. Nous les considérons comme des

re peut apporter sa contribution à l’édifice du développement

placements intéressants et qui participent à une tendance

durable », justifie-t-il tout en soulignant qu’investir pour

financièrement rentable. » Si l’investissement de base rela-

une durée déterminée tout en visant un certain rendement

tivement conséquent en private equity destine la formule

se révèle tout à fait compatible avec la notion de développe-

à une clientèle plus ciblée, l’introduction en bourse d’Air

ment durable. « On peut aisément concilier des objectifs éthi-

Energy était, quant à elle, accessible à tous les portefeuilles.

ques et financiers dans certaines circonstances. Dans d’autres

« Sur les marchés financiers, il reste donc certainement de la

cas, il faudra par contre procéder à un arbitrage. »

place pour ce type d’investissement. Néanmoins, il ne faut pas

La Banque Degroof a ainsi décidé d’internaliser son coût

perdre de vue une certaine rationalité. Le secteur durable ne

environnemental externe pour arriver à la neutralité en

pourra sans doute pas procurer durant plusieurs décennies

CO2. « La rentabilité ne sera donc peut-être pas acquise à un

des rendements supérieurs aux investissements classiques, à

horizon rapproché. Mais nous croyons profondément au bien

profils de risques correspondants. » La diversification finan-

de cette politique ». Par contre, l’introduction en bourse d’Air

cière reste donc, encore et toujours, un leitmotiv.

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008

11


DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Audit énergétique:

pourquoi et comment En matière d’énergie, les défis que devront relever nos entreprises au cours des années à venir sont énormes. Si la production d’énergie « verte » peut contribuer à réduire notre dépendance aux énergies fossiles, l’autonomie énergétique devra passer par une diminution des consommations. Dans cette optique, l’audit énergétique constitue une étape indispensable.

12

L

ors de la mise en place d’une politique de ges-

Toute entreprise peut en tirer profit: l’énergie coûte de plus en

tion de l’énergie, l’audit énergétique permet

plus cher, réduire ses coûts permettra d’améliorer ses prix et

d’identifier les postes consommateurs, d’asso-

sa position concurrentielle sur le marché ; diminuer ses émis-

cier des consommations énergétiques et des

coûts à chaque produit et de dégager des pistes d’amélioration. L’audit énergétique doit être vu comme une photo de l’utilisa-

L’audit en chiffres

tion de l’énergie dans une entreprise qui permet de répondre à de nombreuses questions: quelle est la quantité d’énergie

Les coûts financiers d’un audit peuvent être estimés à

consommée? A quoi sert-elle? Comment suivre l’évolution

25.000 euros pour une grande entreprise et varient de

de ces consommations dans le temps? Comment améliorer

4000 euros à 10.000 euros pour une PME (dépend de

la situation? L’audit constitue donc une étape indispensable

la taille du site, du nombre de vecteurs énergétiques

pour toute entreprise – industrielle ou tertiaire – souhaitant

consommés, de la complexité du process…), selon sa taille

entamer une démarche de diminution de ses consommations

et ses activités. Ces frais sont toutefois, en partie, finan-

énergétiques. Grâce à ce nouvel outil de gestion, elle pourra

cés par les pouvoirs publics en Wallonie et en Région de

produire davantage à moindre coût.

Bruxelles-Capitale. La Région Wallonne intervient, par

Les Chambres de commerce et d’industrie de Wallonie, en

exemple, à hauteur de 60% des coûts externes (expert

collaboration avec le ministère de la Région wallonne, ont

et étude de faisabilité) pour toute entreprise souhaitant

lancé le projet Energy Pooling Wallonie. Son objectif: soutenir

réaliser un audit énergétique. Pour les entreprises dési-

les entreprises dans leurs démarches de maîtrise des coûts

reuses d’adhérer à un accord de branche, 75% des coûts

énergétiques en agissant directement sur leur consomma-

– externes et internes cette fois – pourront même être

tion, via quatre piliers: les tribunes fournisseurs informent

remboursés. Pour bénéficier de ces avantages, une seule

sur les technologies performantes et l’utilisation rationnelle

condition, mineure, à remplir: l’étude doit être réalisée

de l’énergie (URE), les formations gratuites aux audits éner-

par un expert agréé et indépendant de l’entreprise de-

gétiques permettent aux entreprises tertiaires ou indus-

mandeuse. Les pourcents restants sont, quant à eux, dé-

trielles de réaliser elles-mêmes l’audit énergétique de leurs

ductibles d’impôts. Depuis 2005, sur toutes les provinces

installations, les « Guichets énergie-entreprise » répondent

de la Région wallonne, les CCI ont formé 50 entreprises

aux questions que l’entreprise se pose en matière d’énergie

à l’audit industriel. Elles possèdent toutes d’importantes

et, enfin, Energy Pooling informe les entreprises sur la libéra-

consommations énergétiques et sont, en majorité, reliées

lisation des marchés de l’électricité et du gaz et propose des

à la haute tension. Selon les estimations, elles ont identi-

groupements d’achats aux entreprises qui le souhaitent.

fié un potentiel de 8% à 15% d’économie d’énergie. Pour

Pour être convenablement mené, l’audit énergétique mobilise

la formation à l’audit tertiaire, dix entreprises (Ethias,

une équipe interne travaillant en étroite collaboration avec un

Partena, RTBF…) suivent actuellement le premier cycle de

expert. Mais, contrairement à ce que nombre de managers

formation. Les résultats sont attendus…

pensent, il ne se destine pas uniquement aux multinationales. FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008


Exemples des performances obtenues Consommation du site

Amélioration

Energie primaire

Litres mazout ou Nm³ de gaz équivalents

Nbre de ménage équivalent (4 personnes + 1 voiture)

Nbre de pistes d'améliorations évaluées

Gain

Gain

GJp

Litres ou Nm³

Ménages

Nombre

%

Euros / an

Agroalimentaire sans process (stockage et conditionnement de légumes)

12.400

339.261

62

18

11 %

8.500

Chimiste (Production d'acides)

152.000

4.158.687

760

22

8%

81.500

Type entreprise

Industrie Agroalimentaire

245.000

6.703.146

1.225

35

18 %

385.000

Papeterie

1.640.000

44.870.041

8.200

29

11 %

660.000

Sidérurgie

6.110.000

167.168.263

30.550

25

24 %

5.360.000

Cimentier

9.340.000

255.540.356

46.700

26

6%

1.780.000

Un audit comprend l’étude de la répartition des énergies à travers les sites, ainsi que la recherche et l’évaluation des pistes d’amélioration des performances énergétiques. Les exemples donnés sont liés à une entreprise auditée et ne doivent donc pas être prises comme référence pour les performances de la fédération. La maintenance de l’audit est réalisée en interne par l’équipe énergétique qui a fait l’audit et permet le suivi des performances énergétiques. Ceci demande 1 à 2 jours de travail par an. 1 GJp = 1 giga joule primaire = 1 milliard de joules. L’équivalent en litre de gasoil et nombre de ménages est approximatif car il dépend évidemment du type d’énergie consommé : gaz, gasoil, électricité, propane...

13 sions de CO2, c’est aussi éviter les taxes européennes et natio-

énergétique sera axé principalement sur le bâtiment et la

nales qui se mettent en place, prendre de nouvelles habitudes

sensibilisation du personnel. Pour les entreprises aux activités

de consommation ou utiliser les énergies renouvelables per-

industrielles, l’audit sera principalement axé sur les processus

met de limiter sa dépendance énergétique.

– identification des vecteurs énergétiques, identification des

La réduction des consommations d’énergie se déroule en

‘usages’, attribution d’une consommation énergétique à cha-

quatre étapes: 1. connaître et comprendre ses consomma-

cun des usages) et ensuite sur le bâtiment. »

tions énergétiques (c’est l’audit énergétique), 2. s’informer,

Le but d’un audit énergétique consiste, évidemment, à débou-

se documenter, se faire conseiller, 3. améliorer l’utilisation de

cher sur des projets concrets d’amélioration continue, rentables

l’énergie et 4. penser sa consommation sur le long terme et

sur une période inférieure ou égale à quatre ans. Il ne faut toute-

songer aux énergies renouvelables. L’audit, quant à lui, peut

fois pas perdre de vue que s’il permet de qualifier et de quantifier

être découpé en trois phases essentielles. La première phase

la consommation énergétique par activité, l’audit reste basé sur

concerne l’analyse de la situation et des besoins actuels et

des hypothèses et des estimations quant aux mesures réelles

futurs de l’entreprise.

d’énergie. Ainsi, une fois achevé, la mise en place d’une compta-

RÉSULTATS ESCOMPTÉS

bilité analytique énergétique s’impose. Un audit ne permet, en effet, pas à lui seul de réduire la consommation. Son efficacité

« Il s’agira de procéder à la quantification et à la qualification

dépendra du suivi que l’on daignera lui accorder!

de l’énergie consommée pour chaque activité », explique Sa-

Enfin, la complexité de l’audit dépendra bien entendu de la

mantha Straet, conseillère Energy Pooling. La qualification

structure de l’établissement et de ses objectifs. Néanmoins, si

consiste à décrire les combustibles utilisés, les températures

le travail est correctement accompli, l’audit devrait au moins

et les fluides nécessaires à la combustion ainsi que les prix de

permettre : de dégager une vision claire de l’utilisation de

revient de chaque élément. Quant à la quantification, il s’agit

l’énergie dans une entreprise; de posséder une base essentielle

d’évaluer les débits d’énergie consommée par unités de temps.

pour pouvoir déterminer dans quel domaine agir, avec quels

« Par l’analyse des factures et en suivant l’évolution des consom-

moyens et avec quelle rentabilité; de créer un outil durable

mations en fonction des années, l’entreprise pourra déterminer

d’aide à la décision et de formuler un guide permettant de chif-

si ses consommations se révèlent raisonnables ou non. »

frer les améliorations ou d’identifier les disfonctionnements.

Selon le profil de l’entreprise, les deuxième et troisième phases permettront ensuite d’identifier les postes consom-

Toutes les PME et PMI de la Région wallonne peuvent faire ap-

mateurs et de déterminer des pistes d’amélioration ainsi

pel gratuitement à la cellule Energy Pooling la plus proche. Plus

que certaines priorités. « Pour une entreprise tertiaire, l’audit

d’infos: www.energypooling.be FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°15 - MARS 2008


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