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EN PRATIQUE SOMMAIRE

N°21 OCTOBRE 2008

Dossier

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Credit Manager: un équilibriste dans la tempête La conjoncture actuelle n’est pas de tout repos pour le Credit Management. Entre volatilité des marchés, impact de l’augmentation des prix des matières premières, frilosité des banques à accorder un accès au crédit, risque de taux et de changes, etc., nos entreprises sont confrontées à des problèmes majeurs. Notre dossier livre des pistes pour y faire face.

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°21 - OCTOBRE 2008


FISCALITÉ DOSSIER : CREDIT MANAGEMENT TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Conjoncture:

à quand l’accalmie? La conjoncture actuelle n’est pas de tout repos pour le Credit Management. Entre volatilité des marchés, explosion des prix des matières premières, frilosité des banques à accorder l’accès au crédit, risque de taux et de changes, etc., nos entreprises sont confrontées à des difficultés majeures. Etat des lieux et perspectives.

D

e par ses activités académiques et entrepreneuriales, Hugues Pirotte côtoie fréquemment les milieux financiers. Professeur en finance à la Solvay Business School (ULB) et patron de

FinMetrics, une entreprise membre de la constellation RiskArchitects, il porte un regard éclairé sur la conjoncture actuelle. « L’imbroglio de contrats complexes et de stratégies de refinancement utilisés de manière excessive pour créer du levier financier – avec un coût d’opportunité apparemment très faible – par les institutions qui sont elles-mêmes pourvoyeuses de liquidité au

« Les statistiques de la Banque nationale montrent que les entreprises disposent encore, en moyenne, de 40% de leur ligne de crédit. »

marché peut amener des situations ingérables, analyse-t-il. Ce qui est incroyable c’est que tout le monde s’accorde à dire qu’il y a

démesurés ou vendu des produits complexes, même quand leur

une crise de confiance et non pas une crise de liquidités. Mais il ne

contrepartie leur demandait incessamment de bien vouloir leur

faudrait pas que la contagion continue. »

vendre un produit de couverture simple, sans fioritures? »

Ses effets préoccupent au plus haut point les milieux financiers. Pourtant, les trésoriers des grands groupes semblent

LA FED BLOQUÉE

surtout inquiets par rapport à l’accès au crédit et au renou-

Il ne faut toutefois pas se voiler la face: certaines banques

vellement de prêts qu’ils vont avoir à assurer au cours des pro-

rencontrent bel et bien de grands problèmes de finance-

chains mois. « Car, en règle générale, les trésoriers possèdent ac-

ment, souligne Hugues Pirotte. Celles-ci se retrouvent dans

tuellement des liquidités. Et ce qui les angoisse, c’est donc la crise

une situation délicate, sans possibilité de les répercuter assez

de confiance qu’ils voient apparaître au niveau des banques et

rapidement ou de la même manière sur leurs actifs. « La pres-

qui complique sérieusement la donne. Beaucoup d’acteurs en

sion sur ces banques est énorme. Elles la transmettent à leurs

dehors du monde bancaire se demandent ce qu’ils doivent inter-

clients via une certaine frilosité à leur accorder des crédits… et

préter de la crise qu’on leur montre. La fragilité et la volatilité

c’est comme cela qu’une spirale négative pourrait s’amorcer

des marchés prennent des proportions qui fâchent. En quoi une

encore une fois! Heureusement, le secteur industriel a, en gé-

trésorerie d’entreprise pratiquant un ALM standard doit-elle être

néral, continué à réaliser ce qu’il sait bien faire sans trop écou-

impactée par des banques qui ont pris des risques de trading

ter les sirènes du levier financier et de l’optimisation fiscale. »

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La question est aussi: de quelles banques parle-t-on? « Enfin! En temps de crise, on se penche sur les business model des banques… Les ‘boring’ banks, celles qui proposent un modèle traditionnel de transformation d’échéances, sont aujourd’hui très choyées. Je ne serais pas surpris que les autorités décident à l’avenir de mieux séparer ces modèles pour s’assurer d’un tissu financier moins volatile, tout en laissant en parallèle le droit à la créativité du financial engineering, mais avec des responsabilités claires pour chacun. » Aux entreprises qui connaissent des problèmes de taux de change, Hugues Pirotte conseille de continuer à bien opérer leur stratégie de couverture comme elles l’ont toujours fait. Avec un principe majeur: celui d’essayer d’équilibrer les entrées et les sorties le plus possible dans les différentes devises, et de ramener le résidu dans celle de référence. « Sur le court terme, j’estime qu’il faut éviter à tout prix de spéculer sur les taux de change et de garder des positions ‘ouvertes’. De trop nombreux produits, spéculateurs, acteurs, utilisent les taux de change comme sous-jacents. »

PETITS CARACTÈRES Le taux d’intérêt présente une plus grande complexité, notamment pour le régulateur. « Il s’agit en effet d’une des composantes de l’optimisation du financement lui-même. On voit par exemple la Fed (NDLR: la Réserve fédérale, la banque centrale des États-Unis) qui ne diminue pas les taux. Et on peut se demander pourquoi? Il faut savoir qu’en réalité, tous les flux sont connectés au travers du ‘coût de la disponibilité de l’argent’. Et certaines actions peuvent parfois conduire à d’autres effets secondaires, comme l’encouragement excessif au levier

Hugues Pirotte: « En règle générale, les trésoriers possèdent actuellement des liquidités. Ce qui les angoisse, c’est la crise de confiance qu’ils voient apparaître au niveau des banques et qui complique sérieusement la donne. Beaucoup se demandent ce qu’ils doivent interpréter de la crise qu’on leur montre. »

financier et à ce que l’on appelle des ‘sticky low rates’. Car, dès que vous voulez laisser les taux remonter, vous risquez de précipiter dans la faillite ceux qui ont un levier anormal. Il faut

n’est pas sur ce point précis que la compétitivité de nos entre-

savoir que de nombreuses banques encourageaient les entre-

prises va être ébranlée. D’autres différences comme le coût

prises à s’endetter davantage encore en mai 2007. »

plancher de la main d’œuvre ailleurs sont bien plus graves. »

Une fois qu’on diminue les taux fortement, la population adapte son comportement au contexte économique, créant

CONFIANCE EN CHUTE

un phénomène pervers. « On ne sort pas facilement de ces ré-

Récemment, la Fed est venue au secours de Fannie Mae et Fred-

gimes. Quand on supporte à peine un taux à 2%, on ne pourra

die Mac, deux maillons importants de l’économie américaine en

soutenir un taux à 5%. Le pire, c’est que certaines banques

proie à des difficultés. « Certaines personnes parmi les détenteurs

aux USA ont permis au marché d’emprunter davantage pour

de contrats d’assurance crédit (de type CDS) sur ces deux insti-

payer les intérêts de retard et que cela revient à mettre sous le

tutions se sont rendus compte que, légalement dans les ‘petits

tapis des problèmes qui ressurgissent plus tard et plus forte-

caractères’ de leur contrat, cette opération de la Fed pouvait être

ment. Avec des taux faibles, la composante coût-opportunité

considérée comme un cas de défaut de la part de Fannie Mae et

encourage de nouveaux comportements. On pensera aux pri-

Freddie Mac, et donc que des indemnités pouvaient être exigées.

vate equity funds, par exemple, qui ont bénéficié de taux et de

En imaginant qu’il y ait beaucoup de contrats de la sorte, un sau-

spreads de crédit très faibles pendant quelque temps. »

vetage de la Fed crée encore davantage de problèmes aux ban-

Au cours des années 80, les régimes de taux se révélaient bien

ques qui ont émis ces contrats. » Ces exemples montrent surtout

supérieurs à ceux que nous connaissons vingt ans plus tard.

que certaines variables peuvent exercer des effets secondaires

Cela ne signifie pourtant pas que nous avons vécu des années

dommageables. Le désir à court terme de sauver les banques

moroses. « Simplement, nos comportements étaient différents.

des flots doit être mis en balance avec le comportement à long

Et il est toujours plus simple de baisser les taux que de les re-

terme et la stabilité que l’on souhaite pour le marché.

monter… Cela dit, par rapport à des pays en voie de développe-

Pour Oscar Bernal, économiste chez ING Belgium, l’importan-

ment qui subissent des taux parfois bien plus importants, ce

ce prise par l’accès au crédit et aux liquidités ont fait de ces FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°21 - OCTOBRE 2008

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FISCALITÉ: CREDIT MANAGEMENT DOSSIER

thématiques deux incontournables dans le quotidien actuel des Credit Managers. Concernant la situation du marché du crédit, aux États-Unis comme en Europe, il est important de constater que, globalement, la situation d’octroi de crédit a tendance à se resserrer ces derniers mois, pour les entreprises comme pour les ménages. Une situation particulièrement mise en exergue depuis que la crise a commencé l’été passé. Un peu moins d’une banque sur deux affirme d’ailleurs avoir resserré les conditions d’octroi d’un crédit aux entreprises. Le pourcentage pour les ménages se révèle un peu plus faible mais, lui aussi, a connu une hausse. Cela ne signifie pas pour autant que les crédits ont été rationnés en Europe. Simplement, les banques sont devenues plus strictes dans leur procédure d’octroi de crédits et le coût du crédit a également augmenté. Il faut dire que sur le marché interbancaire aussi, les taux d’intérêts à court terme ont eu tendance à s’élever depuis le début de la crise. Ils incorporent en effet une prime de risque anormalement élevée. « Et les chiffres sont significatifs! Généralement, l’écart entre les taux à trois mois et les taux de référence de la banque centrale européenne ou américaine se situe entre 10 et 20 points de base. Actuellement, nous connaissons un écart de 60 à 70 points de base, initié par la prime de risque, liée à la réticence des orga-

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nismes financiers à se prêter de l’argent. »

LIQUIDITÉS EN STOCK Ces différents éléments, accompagnés du manque de confiance régnant actuellement sur les marchés financiers, expliquent le resserrement des conditions de crédit. Oscar Bernal le confirme, cette situation délicate est bien entendu

Oscar Bernal: « On observe un resserrement des conditions du crédit davantage initié par un renchérissement lié aux taux d’intérêt que réellement par une restriction sur l’offre, ce qui reflète une détérioration de la conjoncture. »

héritée de la crise du subprime et de la crise financière plus généralement. Le mécanisme est en effet simple. Dès que les organismes financiers ignorent la santé réelle des autres

contexte, les entreprises peuvent être amenées à demander

banques ou leur exposition au subprime, ils vont hésiter à se

moins de crédit car certains investissements sont reportés ou

financer mutuellement. « Et cette attitude se reflète au travers

simplement annulés. « Donc, globalement, nous constatons

d’une augmentation des taux d’intérêt. Tout est un problème

une diminution des crédits demandés par les entreprises. »

de confiance et d’incertitude sur les marchés. »

Les conséquences liées à une hausse du coût du crédit sont

L’économiste d’ING s’attend toutefois à une évolution positi-

importantes. Dans certains cas, comme on l’a dit, on ne pour-

ve, et pour deux raisons. Tout d’abord, le temps semble jouer

ra par exemple plus se permettre d’emprunter et certains

en notre faveur. Les mauvaises surprises liées à la crise nous

investissements ne seront tout simplement pas réalisés. Na-

prennent de moins en moins au dépourvu, même si nous

turellement, les répercussions ne sont pas immédiates. Car

ne sommes pas encore complètement à l’abri de mauvai-

l’accès au crédit concerne généralement des investissements

ses nouvelles. Grâce aux informations, on évalue désormais

dont les effets sur l’économie n’apparaissent qu’à moyen ou

beaucoup mieux son ampleur et le risque a donc tendance

long terme. Ainsi, peut-être observerons-nous un jour leur in-

à diminuer. Ensuite, à moyen terme, les banques centrales

fluence négative sur la croissance. « Actuellement, la conjonc-

américaines et européennes devraient être amenées à dimi-

ture demeure mauvaise mais nous espérons la reprise des

nuer leurs taux d’intérêt directeur dans le courant du premier

activités un peu partout dans le monde à partir du deuxième

trimestre 2009 afin de soutenir l’activité économique.

semestre 2009. »

Une initiative qui devrait entraîner dans leur sillage les taux

Toutefois, statistiques à l’appui, Oscar Bernal nous fait par-

à court terme du marché. « Par rapport à l’évolution du crédit,

tager une autre observation importante. Elle concerne les

je note un message important. On observe un resserrement des

liquidités des entreprises. Nous le savons, l’accès aux liquidi-

conditions du crédit davantage initié par un renchérissement lié

tés est essentielle pour que les entreprises puissent faire face

aux taux d’intérêt que réellement par une restriction sur l’offre,

à leurs dépenses au jour le jour. Cependant, des problèmes

ce qui reflète une détérioration de la conjoncture. » Dans ce

de trésorerie temporaires peuvent survenir. La crise actuelle

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a notamment mis en évidence la difficulté accrue vécue par les entreprises pour accéder à ces liquidités, c’est le cas notamment dans le secteur bancaire et financier. Conséquence: la plupart de banques centrales mondiales ont été amenées à injecter des liquidités sur le marché monétaire de façon à permettre ces différentes opérations de financement. A cet égard, l’économiste considère cependant que les gros problèmes de liquidité sont restés limités à certains secteurs. En Belgique, les statistiques de la Banque nationale se révèlent d’ailleurs particulièrement encourageantes. Elles montrent

« Le principal risque est d’assister à un dérapage de l’inflation lié à une augmentation soutenue des prix du pétrole. »

que les petites et les grandes entreprises disposent encore, en moyenne, de 40% de leur ligne de crédit. Un pourcentage

Dans certaines organisations, la rigidité des prix est même

resté stable malgré la crise et qui montre que les entreprises

parfois liée à des paramètres extérieurs. Par exemple, l’obli-

en Belgique n’ont pas eu davantage recours à leurs lignes de

gation de réimprimer les menus pour un restaurant. « Les

crédit. « Cela suppose deux hypothèses. Soit les entreprises bel-

sociétés peuvent parfois vivre de réels problèmes si elles ne

ges n’ont pas vécu de problème de liquidité. Et même si elles

parviennent pas à répercuter la hausse de leurs frais, souligne

doivent prochainement y faire face, elles possèdent un accès

Oscar Bernal. Néanmoins, je ne vois pas de solution miracle. On

facile à ces liquidités via leurs lignes de crédit. Soit la bonne

peut difficilement se prémunir sans devoir réorganiser tout le

tenue de nos entreprises – dont témoignent les bilans solides

processus de production, si ce n’est en diminuant certains coûts

– s’explique grâce aux différentes mesures fiscales, telles que

de production – limiter les surcapacités de production, rationa-

les intérêts notionnels, qui ont favorisé les augmentations de

liser certains coûts… »

capital. » Si on compare l’évolution de la croissance en Bel-

En ce qui concerne le taux de change, notre euro, récem-

gique par rapport au reste de l’Europe, on se rend d’ailleurs

ment très fort face au dollar, a permis d’amortir en partie

compte que les grandes économies de la zone euro ont connu

l’augmentation des prix du pétrole. Le marché s’est néan-

une croissance négative du PIB lors du deuxième trimestre.

moins détendu depuis quelques semaines et le prix du baril

« Cela ne signifie pas que nous sommes à l’abri si les choses

a diminué. Oscar Bernal retient un élément essentiel: nous

continuent à se détériorer. Mais a priori, on ne parle pas de ré-

ne connaîtrons sans doute plus jamais un pétrole bon mar-

cession en Belgique. »

ché. Mais un baril à 145 $ ne se justifiait pas non plus! Di-

BARIL EN ÉQUILIBRE

vers éléments, comme la spéculation ou l’incertitude, sont entrés en ligne de compte. « Un baril stabilisé vers 100 $ me

L’augmentation des prix des matières premières fait bien en-

semble compatible avec les fondamentaux et notamment

tendu principalement penser au pétrole. Fondamentalement,

la croissance de la demande des pays émergents, comme la

celui-ci entraîne une hausse des coûts de production pour les

Chine par exemple. » Un euro fort par rapport au dollar exer-

entreprises et, éventuellement, une réduction des marges bé-

ce néanmoins des effets négatifs pour les entreprises euro-

néficiaires si ces dépenses supplémentaires ne peuvent être

péennes et belges. Par rapport aux concurrents américains,

répercutées dans les prix de vente. « En poursuivant le raison-

nos exportations deviennent plus chères vues de l’étranger.

nement, on pourrait même considérer que cette augmentation

Ce qui, potentiellement, peut entraîner une perte de parts

des coûts peut entraîner une baisse de la compétitivité pour les

de marché.

entreprises qui la subissent. Il faut toutefois nuancer car l’aug-

Cependant, si l’on observe les statistiques depuis le dernier

mentation du prix du pétrole constitue un choc symétrique: il

trimestre 2007 et le début de l’envol de l’euro, on se rend

touche tout le monde, quasiment de la même manière. Le prin-

compte que l’effet n’a pas sensiblement marqué nos expor-

cipal risque est d’assister à un dérapage de l’inflation lié à une

tations. Cela signifie que la compétitivité de nos entreprises

augmentation soutenue des prix du pétrole. »

n’a pas tant été mise à mal. « L’explication est simple. Il faut en

Une inflation, qui outre sa tendance à déstabiliser les mar-

réalité distinguer deux types de compétitivité: celle des prix de

chés financiers, pèse à court terme sur le pouvoir d’achat,

vente des exportations, désavantagée par un euro fort, et celle

c’est-à-dire sur la consommation, des ménages. « Un risque,

en termes de coûts, favorisée par un euro fort puisqu’il a per-

à mon avis, bien plus important à long terme pour les entre-

mis d’amortir le coût supplémentaire du pétrole. » Une sorte

prises car elles verraient alors leur marché potentiellement se

de compensation entre ces deux effets qui, en définitive,

contracter. » Répercuter l’augmentation des prix des matières

permet d’éviter une baisse trop marquée de la compétitivité

premières dépend néanmoins des secteurs d’activité. Parmi

des entreprises européennes et de leurs exportations. Néan-

les cas d’école, les stations-service où le prix du carburant

moins, si la hausse des prix des matières premières avait dû

varie quasiment au jour le jour, selon les marchés interna-

perdurer, nous aurions sans doute observé des effets néga-

tionaux. Toutes les entreprises ne peuvent néanmoins pas se

tifs. La dépréciation actuelle de l’euro devrait donc soutenir

permettre cette flexibilité.

les activités des entreprises européennes. FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°21 - OCTOBRE 2008

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DOSSIER : CREDIT MANAGEMENT TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Vendre malgré le risque 6

Le quotidien du Credit Manager peut se résumer à quelques questions-clés: comment trouver le juste équilibre entre le soutien aux efforts de vente et la minimisation des risques financiers? Quelles positions adopter face à la nouvelle donne bancaire et aux assureurs de crédit? Les informations financières sontelles davantage disponibles et fiables? Peut-on réellement connaître un client sur base de ses comptes? Eclairage et tentative de réponses.

E

n 1986, les deux principales agences d’information commerciale, Dongelmans Business Services B.V. et Van der Graaf & Co, ont fusionné et pris le nom de Graydon. Aujourd’hui, Graydon

Belgium occupe une position prépondérante dans le secteur des informations commerciales et de marketing ainsi que dans la gestion du crédit et des débiteurs. « Si l’on souhaite développer une synergie entre la vente et les finances, il faut avant tout se rendre compte que les deux divisions poursuivent un objectif

« On ne connaît jamais assez la situation financière d’un client. Et ce qui est vrai aujourd’hui peut ne plus l’être demain. »

différent, voire contradictoire: respectivement le chiffre d’affaires et la rentabilité », commente Eric Van den Broele, Deputy Senior Manager Research chez Graydon Belgium.

inévitablement des clients prometteurs et d’autres porteurs

En pratique, si une société rencontre une difficulté de paie-

de risques. Gérer ce portefeuille en opérant une distinction

ment au niveau de sa clientèle, la cause réelle de ce problème

entre bons et mauvais clients au niveau des promesses de

réside souvent dans le développement de la prospection,

croissance et des risques de faillite, permettra en outre

estime-t-il. « Rarement, on osera s’interroger sur les sociétés

d’orienter les efforts commerciaux du vendeur dans le bon

démarchées. Appartiennent-elles au noyau sain de l’économie

sens.

belge? On sait en effet que 80% des sociétés en Belgique se portent bien. Dès lors, pourquoi courir le risque de prospecter

SUJETS À COSMÉTIQUE

au sein des 20%? » Un tel principe, exigé par le Credit Mana-

L’effet induit sera double: en se concentrant sur une clien-

ger, influence directement le comportement du vendeur. Car,

tèle peu à risque, et avant tout sur une clientèle dont la

au sein d’un portefeuille clients d’un vendeur, on retrouve

structure est prometteuse au niveau de la croissance, le

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vendeur engendrera automatiquement une meilleure rentabilité pour sa société, un « work flow » plus évident pout lui-même et une augmentation de son chiffre d’affaires. Pour l’analyse des clients, Eric Van den Broele suggère de recourir au scoring – qui juge les possibilités de croissance ou des risques de défaillances d’une entreprise – et de relier cet outil purement qualitatif avec d’autres composantes. « Notamment le chiffre d’affaires actuellement développé avec le client concerné. Grâce à cet instrument d’analyse, on constatera qu’en moyenne un vendeur consacre de 10% à 20% de son temps à des clients ‘inutiles’ car peu rentables, voire déficitaires. »

FACE AUX RESPONSABILITÉS En outre, Eric Van den Broele conseille de ne pas se limiter aux informations bilantaires. « Lorsqu’on a un bilan entre les mains, on sait qu’il est déjà âgé d’au moins neuf mois. De plus, certaines études l’ont prouvé, dans 25% des cas, les bilans sont sujets à la ‘cosmétique’. Se baser sur le seul bilan pour décerner un niveau de risque d’une société est plutôt hasardeux… C’est la somme des informations qui nous donne une idée assez précise du comportement et de la situation d’une société en Belgique. Par exemple, grâce à nos nombreux

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canaux d’information, depuis début 2007, je prévoyais la hausse des faillites que nous venons de connaître. Une faillite n’arrive pas du jour au lendemain! On peut l’anticiper, plusieurs mois ou années auparavant. » L’évolution bancaire des dernières années, et plus particulièrement l’application des systèmes Bâle II, ont fait évoluer le job du Credit Manager. Avec Bâle II, chaque banque se dote d’un organe de contrôle qui estime les risques courus pour un client particulier. Un client à « faible risque » obtiendra un taux d’intérêt faible… et inversement. « Les constats sont clairs: nombre de sociétés n’obtiennent plus de crédit auprès des banques et d’autres ont vu leurs taux augmenter sensiblement. Automatiquement, puisque le crédit auprès des banques est devenu plus cher, ceux qui en ont besoin se dirigent vers leurs fournisseurs. »

ALTERNATIVE RECHERCHÉE Conséquence générale: « Depuis fin 2006, nous assistons à une baisse de la moralité de paiement. Mais le monde des affaires n’est pas tout à fait noir ou tout à fait blanc. On peut toujours estimer un risque et, en fonction de son ampleur, augmenter les sécurités avec lesquelles on travaille. Le Credit Manager doit prendre ses responsabilités et, avec son équipe des ventes, proposer une politique de gestion de ce risque. Souvent on considère le Credit Manager comme la personne qui se doit de réduire le risque à zéro: une perception fausse du métier. Il doit bien davantage viser la maximalisation de la rentabilité. Son métier ne consiste pas à défendre la vente en cas de risque mais bien à faire vendre malgré le risque. C’est très différent! » De son côté, le groupe Atradius, présent dans 40 pays, pro-

Eric Van den Broele: « Souvent on considère le Credit Manager comme la personne qui se doit de réduire le risque à zéro: une perception fausse du métier. Il doit bien davantage viser la maximalisation de la rentabilité. »

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DOSSIER : CREDIT MANAGEMENT

« Lorsqu’on a un bilan entre les mains, on sait qu’il est déjà âgé d’au moins neuf mois. » pose aux entreprises des solutions d’assurance-crédit et de recouvrement. Ses produits et services permettent aux entreprises de les protéger des risques d’impayés de la part de leurs acheteurs liés à la vente de produits ou à la prestation de services. La part d’Atradius du marché mondial de l’assurance-crédit est de 31%. Au travers de ses 160 succursales, le groupe a accès aux informations commerciales concernant 52 millions de sociétés dans le monde et prend plus de

« Attention aux conclusions hâtives »

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Société luxembourgeoise vieille d’une demi-douzaine d’années, GBN s’occupe de Business Development en offrant une gamme de services (commerciaux, financiers, juridiques…) destinés à aider ses clients à se développer sur un nouveau marché. Grâce aux conseils de GBN, les sociétés gagnent un temps considérable et évitent les risques inhérents au marché visé. De plus en plus de directives comptables se voient transcrites dans différents pays, indique Simon Henin, expert comptable et associé de GBN-Europe. En matière de publication des comptes, des directives sont également en cours de transcription. « Nous n’avons pas encore atteint le seuil de l’harmonisation mais la volonté est bien présente, et peu à peu, nous progressons », ajoute-t-il. Certains pays, comme le Luxembourg pour ce qui concerne la mise en place de certaines directives, accusent néanmoins un léger retard. « Mais, clairement, l’objectif poursuivi en matière d’accès à l’information financière est de se diriger vers davantage de clarté et d’harmonisation. » Sur base de ses seuls comptes, Simon Henin estime néanmoins qu’on ne peut connaître la santé financière d’un client. « En effet, on ne possèdera pas toute l’information pertinente. Notamment celle sur les délais de paiement, le nombre de litiges en cours, etc. Je conseillerais donc de ne pas tirer de conclusions hâtives sur cette seule base. Or,

Christophe Cherry: « Vous pouvez posséder les meilleurs prix et produits du marché. Si vous ne lui accordez aucune possibilité de crédit, votre client se tournera vers la concurrence. »

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dans les nouvelles normes comptables, on fait de plus en plus de références à la ‘fair value’, la valeur réelle d’une dette, d’une créance, d’un actif. Cette information fiable apporte encore un peu plus de lisibilité. »



DOSSIER : CREDIT MANAGEMENT

22.000 décisions de limites de crédit par jour. Pour Christophe Cherry, Head of Sales Belgium/Luxembourg chez Atradius Credit Insurance, l’assurance crédit est de plus en plus considérée comme un outil favorisant la vente. Car, aujourd’hui, vendre, c’est octroyer du crédit. « Vous pouvez posséder les meilleurs prix et produits du marché. Si vous ne lui accordez aucune possibilité de crédit, votre client se tournera vers la concurrence. » Une situation d’autant plus réelle dans un contexte où l’accès au crédit bancaire s’annonce plus restrictif. « Le crédit fournisseur se positionne en effet

« La vente et les finances poursuivent un objectif différent, voire contradictoire: respectivement le chiffre d’affaires et la rentabilité. »

comme une alternative très recherchée pour financer son cycle d’exploitation. » Qu’il s’agisse d’un client connu ou de prospection, l’organisme vendeur aura tout intérêt à se proassureur-crédit.

Factures impayées: leurs meilleures excuses

BILANS « TROMPEURS »

Pour certains acheteurs, tous les moyens sont bons pour

Chez ses clients, Atradius doit souvent trouver un équili-

retarder les paiements, voire parfois même les « oublier ».

bre entre les intérêts, souvent contradictoires, du directeur

Mentant le plus souvent « comme des arracheurs de

commercial et du directeur financier. « Et quand une seule

dents », ces très chers débiteurs possèdent bien entendu

personne, en bon équilibriste, exerce les deux fonctions, nous

les meilleures excuses du monde. A force de les entendre,

intervenons comme un expert tiers. Nous arbitrons ce ‘conflit’

Atradius a vu le bon côté des choses (surtout pour le

en assurant la solvabilité d’un client et, le cas échéant, en in-

lecteur non impliqué…) et a répertorié les plus classiques

demnisant la créance. De la sorte, la vente sera réalisée et le

et les plus courantes dans un « top 10 »:

chiffre d’affaires ne sera pas affecté ». Dans ses démarches,

Notre entreprise paye à 30 ou 60 jours

Atradius est fortement aidée par l’information commerciale,

Notre comptable se charge des paiements une fois

téger s’il accorde un crédit, par exemple en contactant un

10

par mois. Le votre sera effectué le mois prochain

largement disponible aujourd’hui. La centrale des bilans en Belgique permet, par exemple, un accès gratuit à tous les bi-

Le responsable pour la signature des chèques est absent

lans publiés en Belgique.

La facture n’a pas été reçue

« Néanmoins, les vrais ‘clignotants’, comme les incidents de

La facture a déjà été payée

paiement – chez les banquiers, par rapport à l’Etat, impayés

nir. Nous possédons notre propre base de données pour éva-

• •

La marchandise n’a pas encore été revendue et nous ne pouvons pas encore vous payer

pour accorder un crédit, il faudra toujours prendre une décision et l’assumer. « Ce qui constitue le rôle d’un Credit Mana-

La marchandise/les services étaient défectueux/ne correspondaient pas à leur description

luer structurellement la situation de solvabilité mais aussi et surtout la trésorerie d’une organisation. » Mais, en définitive,

La marchandise ne nous a pas été livrée/la commande a été annulée

fournisseurs –, se révèlent peut-être moins aisés à obte-

Notre solde est inexact et nous attendons une note de crédit

ger. Mais ce dernier agit seul. Un assureur-crédit peut apporter un ‘toit’ supplémentaire. »

Christophe Cherry conseille également de porter la plus

Parfois, les excuses utilisées se révèlent tout à fait saugre-

grande attention aux habitudes de paiement qui peuvent

nues, voire carrément déplacées (utilisation de l’argent

s’installer et aux perceptions positives que l’on peut en avoir.

pour payer la rançon réclamée par les ravisseurs d’un

Du jour au lendemain, dans ce métier à risques, tout peut

membre de la famille du débiteur!). Quel que soit le cas,

basculer. « On ne connaît jamais assez la situation financière

pour maximiser vos chances de recouvrement, privilégiez

d’un client. Et ce qui est vrai aujourd’hui peut ne plus l’être

le respect des termes du contrat: montrez-vous vigilants

demain. Pour accorder une limite de crédit, nous multiplions

en relançant immédiatement vos clients. Ne laissez

les recoupements: moralité de l’entreprise et de ses dirigeants,

jamais une situation sans suivi… sous peine de la voir

normes du secteur d’activité et de l’organisation, inspections

s’enliser complètement.

financières, informations bancaires… Dans le crédit bancaire, quand on hésite, on refuse. Dans l’assurance crédit, c’est l’inverse. Mais les objectifs de perte sont très opposés entre la banque et l’assurance crédit… »

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Le débiteur est insolvable


DOSSIER : CREDIT MANAGEMENT TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Le Credit Manager:

équilibriste dans la tempête En une vingtaine d’années, la fonction de Credit Manager a sensiblement évolué. Suite aux innovations technologiques, de par son contenu mais aussi par un repositionnement au sein de l’entreprise. Désormais plus proche du business et du haut management, le Credit Manager occupe une position stratégique, entre commerce et finances. Une position d’équilibriste qui l’expose d’autant plus dans la tempête actuelle…

L

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’Instituut voor Kredietmanagement est une association indépendante de Credit Managers détachée d’intérêts commerciaux et participant à la professionnalisation et à l’émancipation du métier. Son

président, Ludo Theunissen, précise immédiatement que la profession de Credit Manager reste encore peu présente, à ses yeux, au sein des entreprises. « Un nombre important de nos sociétés néglige, ou pire, ne prend pas au sérieux le Credit Management, estime-t-il. S’il n’est pas alarmant, ce signal est au moins critique et montre tout le chemin à parcourir. Par exemple, nous rencontrons peu de vrais professionnels dans les PME belges. Le Credit Management y est complètement inconnu! Dès lors, rien d’étonnant à y constater une couverture des risques négligée et un recouvrement très lent. »

PRÉVENTIF ET CURATIF Malgré ce constat un peu noir, Ludo Theunissen remarque une certaine évolution. Même si, à son goût, le métier manque encore cruellement de formation professionnelle, des initiatives spécialisées font leur apparition au niveau des entreprises. Généralement techniques, elles se focalisent sur un aspect bien précis du Credit Management. « Mais, au niveau académique, seul l’IVKM propose en Belgique une formation globale, sur dix jours, en collaboration avec l’Université d’Anvers », pointe-t-il. De ce manque de structure découle également un autre problème: les Credit Managers ne se

Ludo Theunissen: « Les entreprises attendent trop longtemps après l’échéance de la date de facturation pour réagir. Sans doute par crainte d’aggraver la situation. Or, une procédure de recouvrement n’est rien d’autre qu’une demande au client d’honorer sa partie du contrat. »

connaissent pas. Ou peu. Aussi, l’IVKM y trouve une autre raison d’être et participe, peu à peu, à la création d’un réseau profession-

pourquoi pas, aussi indépendant du département financier? « Il

nel. « C’est très important car, bien souvent, un Credit Manager peut

pourrait être lié à la direction générale et cette indépendance lui per-

résoudre un problème simplement en faisant appel à l’expérience

mettrait de prendre en âme et conscience ses décisions, entre intérêts

de collègues qui ont déjà vécu une expérience similaire. »

financiers et commerciaux ». Car, en effet, aujourd’hui, l’évolution

Pour Ludo Theunissen, la situation idéale en entreprise verrait un

informatique permet de se doter d’outils technologiques et de sup-

Credit Manager indépendant du département de ventes. Mais,

ports informatiques qui faciliteraient cette disposition stratégique. FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°21 - OCTOBRE 2008


FISCALITÉ DOSSIER : CREDIT MANAGEMENT

« J’ai déjà vu des exemples de Credit Managers qui, hiérarchiquement, dépendaient du directeur financier, commente-t-il. Mais leurs bureaux se situaient toutefois au sein du département des ventes, afin de faciliter les contacts avec les commerciaux. Le Credit Management, c’est en quelque sorte la gestion financière des ventes. » Néanmoins, en pratique, on constate que la majorité des Credit Managers font bel et bien partie intégrante du département financier. Dans le profil de fonction et dans les activités du Credit Manager, on retrouve deux pans principaux: le préventif et le curatif. La gestion préventive concerne tout ce qui touche à l’analyse de crédit. En d’autres mots: la santé financière des clients. « Si possible, à un moment précoce du processus de prospection, il serait intéressant de déjà posséder une première opinion du Credit Manager sur le potentiel financier et sur la santé financière d’un prospect. » Dans ce premier volet, on retrouve les décisions à prendre concernant les délais de paiement ou les limites de crédit à accorder, l’utilisation d’une assurance crédit ou d’un autre type de garantie qui dépendent du dossier et de la relation que l’on souhaite entamer avec le client, etc. Le volet curatif, quant à lui, intervient lorsque l’on constate qu’une facture n’a pas été payée en temps et en heure. Il faut alors lancer le

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processus de recouvrement.

NIVEAU DE POUVOIR

Frédéric Mailleux: « Il y a 20 ans, on assistait aux balbutiements des logiciels de récupération d’information. Aujourd’hui, ces données sont largement disponibles, le plus souvent en temps réel. L’IT a rendu certaines tâches moins rébarbatives et fastidieuses. »

« J’ai toujours considéré qu’à ce stade, les entreprises doivent enclencher des procédures assez strictes, indique Ludo Theu-

précisera qui du Credit Manager ou du commercial prendra les

nissen. Or, c’est rarement le cas. Soit elles font preuve de négli-

décisions dans tout le processus de recouvrement. Cet équilibre

gence, soit elles attendent trop longtemps après l’échéance de

entre le commerce et les finance passe, entre autres, par une effi-

la date de facturation pour réagir. Sans doute par crainte d’ag-

cacité dans le recouvrement et le Credit Management. »

graver la situation avec le client. Mais la pratique et notre expérience nous montrent que cette inquiétude est totalement

MARCHÉS VOLATILES

infondée. Une procédure de recouvrement n’est rien d’autre

Selon Ludo Theunissen, malgré le manque d’attention dont pâ-

qu’une demande au client d’honorer sa partie du contrat.

tissent actuellement les Credit Managers, les défis ne vont tou-

C’est pourquoi, dès le départ, il faut faire passer le message:

tefois pas manquer pour leur futur proche. Face aux crédits ban-

les contrats doivent être respectés. »

caires de plus en plus délicats à obtenir, ils auront certainement

Pour mener à bien le volet d’activités préventives, obtenir la

déjà un premier rôle très important à jouer. Les entreprises vont

bonne information constitue un défi majeur. En Belgique, on

en effet devoir faire appel à d’autres sources de financement. Et

peut aisément disposer d’excellentes informations financières.

parmi ceux-ci, leurs fournisseurs. « Un message à passer par les

Grâce au travail des Credit Managers mais également à travers

Credit Managers serait de souligner qu’on ne va pas tout simple-

les services fournis par des opérateurs spécialisés. Le président

ment accepter sans réagir qu’un client fasse traîner ses paiements

de l’IVKM ne saurait également que trop conseiller de nourrir

sous prétexte de marchés volatiles… En France, aux Pays-Bas, en Al-

une excellente relation avec la force commerciale. « Les vendeurs

lemagne, la situation semble plus au moins comparable à celle de

entretiennent en effet des contacts directs avec les clients. Ils se-

la Belgique. La situation espagnole semble par contre se détériorer.

ront capables de compléter la partie financière de l’analyse de la

Les Credit Managers vont donc au devant de grands défis et leur

situation-client en partageant des informations commerciales et

métier devrait gagner en importance en temps de crise. »

générales très instructives. »

De quoi assurément permettre de rajouter l’un ou l’autre chapitre

Un paramètre essentiel du travail de Credit Manager doit néan-

au mémoire de fin d’études que Frédéric Mailleux, aujourd’hui

moins encore être déterminé: son niveau de pouvoir. Définira-

CFO chez Ronveaux, avait consacré aux débuts de la profession…

t-il ou ne fera-t-il « que » recommander les conditions de paie-

en 1989. Le titre consacré parle de lui-même. « Détermination

ment du client? La nuance est fondamentale! Dans ses tâches

d’une limite de crédit interentreprises: rigueur mathématique

curatives, le Credit Manager fera preuve de discipline, d’organi-

ou négociation? » constitue un véritable relevé des différentes

sation et aura le sens de la collaboration. « En premier lieu, on

méthodes qui pouvaient mener un fournisseur à consentir un

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°21 - OCTOBRE 2008


plafond de crédit à son client, dans le cadre d’une relation com-

sition pour encourager sa notoriété et inviter à lui donner une

merciale. Frédéric Mailleux avait étudié les avantages et les fai-

assise plus forte au sein de la société.

blesses des différents modèles de l’époque pour, in fine, proposer

Autre élément très important: le positionnement du Credit

un modèle permettant de définir les limites de crédit.

Manager variait fortement selon l’entreprise. « Pourtant, j’es-

« Pour y arriver, je m’étais basé sur l’analyse de différentes formules,

timais déjà à l’époque fondamental que la direction générale

explique-t-il. Certaines déjà bien établies, comme celle de Coleshaw,

définisse précisément le positionnement de son Credit Manager:

d’autres inventées par des Credit Managers créatifs qui définissaient

balancement du côté financier ou commercial, voire directe-

eux-mêmes leurs modèles de détermination de plafond de crédit

ment dépendant de la direction générale comme c’était parfois

pour leurs clients. » Autre objectif de ce travail: l’analyse de credit

le cas dans certains organigrammes. » Par ailleurs, bien souvent,

scoring. Le credit scoring tient compte d’une liste de différents cri-

la fonction n’était pas totalement dédicacée au credit manage-

tères objectifs (fonds propres, cash flow...) ou non-qualitatifs (éva-

ment. Le Credit Manager devait en effet parfois se charger per-

luation de la direction de l’entreprise, positionnement au niveau

sonnellement de la trésorerie, voire de la gestion du budget.

du marché…) que l’on souhaite prendre en considération. Sur base

En l’espace de deux décennies, le métier a donc clairement évolué.

de ce scoring, le client « scanné » se voit attribuer une cotation…

L’outil informatique a certainement constitué la première étin-

qui décidera de la suite des opérations.

celle. « Il y a 20 ans, nous assistions aux balbutiements des logiciels de récupération d’information. Aujourd’hui, ces données sont large-

NIVEAU DE DÉTAIL

ment disponibles et le plus souvent en temps réel. L’informatique a

Selon Frédéric Mailleux, ce modèle possédait l’avantage de

rendu certaines tâches moins rébarbatives et fastidieuses, comme

mixer critères non-qualitatifs et financiers. Car, à l’époque, un

l’encodage pour le credit scoring. » Désormais, les Credit Managers

reproche majeur formulé à propos des modèles existant visait

peuvent également pousser leurs analyses à un niveau de détail

soit leur caractère purement financier, délaissant la relation

autrefois inaccessible, notamment via des éléments dans l’an-

au client, soit leur tendance trop subjective, à mille lieues de

nexe des comptes annuels qui recèle un grand nombre de don-

la mission d’un Credit Manager. En 1989, la fonction de Credit

nées complémentaires (investissement, emploi, participations…).

Manager était beaucoup plus spécifique aux multinationales

« Ces derniers sont souvent sous-estimés. Un bon Credit Manager

et aux grandes entreprises. Elle avait vraiment besoin d’expo-

les prendra néanmoins en considération. »

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DOSSIER : CREDIT MANAGEMENT TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Un bon Credit Manager doit assurer un service rapide et permanent 14

Finance Manager chez BCC Corporate, société active dans les cartes de crédit à destination des entreprises, Marc Lootens est évidemment bien placé pour mesurer toute la valeur ajoutée d’un bon Credit Management. Il nous explique comment cette activité se positionne dans son entreprise et sa contribution à la réalisation des objectifs de cette dernière.

B

CC Corporate a été créée en 2006, suite à la vente de BCC et de Banksys à Atos, afin de développer des cartes de crédit professionnelles pour les entreprises de plus de 50 travailleurs.

Il y a cinq ans, l’arrivée de Marc Lootens, Finance Manager, a coïncidé avec le souhait d’améliorer la couverture des risques, notamment pour l’accord de cartes de crédit, mais aussi pour ce qui concerne le risk management (sécurisation des données, accès aux bâtiments, etc.). Concrètement, chez BCC Corporate,

« Si l’instabilité des marchés exerce un impact sur nos activités, c’est avant tout parce que nos clients sont eux aussi frappés. »

lorsqu’un employé du service commercial entreprend des démarches auprès des clients, il rapporte ensuite à Marc Lootens.

prospect avant de signer un contrat, si la poursuite des opérations se déroule positivement. Ce contrat est alors suivi très

A L’UNANIMITÉ

attentivement par l’équipe du Finance Manager qui, durant

« Nous essayons alors d’évaluer la stabilité, les finances, les délais

un an, analysera minutieusement chaque « mouvement »:

de paiement de la société, etc. En résumé, nous tentons de dres-

changement d’actionnaire, présentations de résultats… « Le

ser un profil de fiabilité de ce client potentiel afin de déterminer

but de l’opération consiste à confronter chacune de ces infor-

si nous pouvons lui proposer une offre: par exemple, quel délai

mations au délai de paiement du client, indique Marc Lootens.

de paiement lui octroyer selon le type de carte, etc. », confie-t-il.

Attention: cela ne signifie pas qu’une information ‘négative’ se

Ce screening demandé par la partie « sales » de BCC Corporate

révélera forcément mauvaise pour notre collaboration. Mais

fluctuera naturellement selon les produits visés par l’offre. No-

si tel est le cas, nous avertirons bien entendu immédiatement

tons également que ce screening est double. Il concerne, dans

nos responsables commerciaux ».

un premier temps, une vision générale du client et cible, dans

Le positionnement de Marc Lootens au sein de l’entreprise

un second temps, l’objet précis du partenariat.

le lie directement au business. Il fait partie du Comité de

Une fois en possession de ces paramètres, le représentant

management de BCC Corporate et peut de la sorte prendre

commercial de BCC Corporate peut remettre une offre à son

connaissance « à la source » des éventuels dossiers critiques

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°21 - OCTOBRE 2008


est au plus près du top management. « Mon rôle de CFO comprend aussi le respect du budget. C’est tout naturel car celui-ci est lié au risque et aux provisions à mettre en place sur les risques que nous courons. » Le business de BCC Corporate est bien entendu basé sur le financement. « Puisque nous offrons un délai de paiement, nous devons être financés. Et pour y arriver, il faut aller chercher des crédits auprès des banques. Mon quotidien et celui de mes Credit Managers se compose donc de rapports étroits avec les banques, d’observation des taux d’intérêt et des marchés, etc. » Marc Lootens et son équipe financière jonglent en réalité constamment entre commercial et finance. « Couvrir le risque est une chose, souligne Marc Lootens. Mais il ne faut pas perdre de vue le rendement. Car si l’instabilité des marchés exerce un impact sur nos activités, c’est avant tout parce que nos clients sont eux aussi frappés. Nous sommes à la fois au départ et à la fin de la chaîne! » Pour minimiser le risque de contentieux, BCC Corporate a mis en place une série d’outils. Parmi les plus importants, on retrouve certainement les accords passés avec des fournisseurs d’information sur les sociétés. « Ils nous envoient des alertes quotidiennes mais aussi des flashes infos des banques concernant les marchés financiers, etc. Et pour combattre le risque de fraude, nous avons développé un outil de suivi du comportement transactionnel pour notre plate-forme d’utilisation. »

DÉBUT ET FIN DE CHAÎNE De son poste de Finance Manager, Marc Lootens a assisté à l’accélération du suivi de tous les paramètres qui constituent

Marc Lootens: « Puisque nous offrons un délai de paiement, nous devons être financés. Et pour y arriver, il faut aller chercher des crédits auprès des banques. Mon quotidien et celui de mes Credit Managers se compose donc de rapports étroits avec les banques, d’observation des taux d’intérêt et des marchés, etc. »

le métier de Credit Manager. Aujourd’hui, il estime qu’un bon Credit Manager doit assurer un service rapide et permanent. En situation de crise, perdre plusieurs petits montants suite à la faillite ou à l’insolvabilité d’un ou de plusieurs clients n’exerce qu’un faible impact sur les résultats par rapport à l’impossibilité de recouvrir l’un ou l’autre investissement de taille. Néanmoins, quel que soit le volume, il faut s’assurer

qui s’y présentent. « Et, si nécessaire, je reporte l’information

des prévisions avec des facteurs de risques. Les paramètres

au CEO et au Comité de direction. Cela me permet d’anticiper »,

seront définis selon le type de client, la nature du risque et le

dit-il. Ce Comité de management se compose de six per-

montant ouvert.

sonnes: le CEO, entouré des responsables ventes, marketing,

« Au sein de nos effectifs, nous avons séparé la responsabilité

opérations, service clientèle et finances. Chaque responsable

du porteur – qui reste sous ma tutelle – de tout ce qui touche

possède un niveau de responsabilité identique à celui de ses

à la responsabilité de la société – déléguée vers le service après-

collègues. Les accords se signent donc à « l’unanimité ».

vente. Cela leur enseigne la responsabilité d’une gestion de crédit. Au SAV, une personne de contact gère le portefeuille client

SÉRIE D’OUTILS

et traite le dossier avec un commercial. En cas de découvert, le

« Ces réunions nous permettent de parler des risques du bu-

commercial ira trouver son client afin de cerner les données du

siness et, s’il s’agit de dossiers sensibles, de les faire remonter

problème et dégager une solution. » Aujourd’hui, pour Marc

jusqu’au Conseil d’administration. » Un CA où Marc Lootens,

Lootens, le plus grand risque pour la stabilité des activités

en tant que CFO, présente un reporting des finances. « Une

d’un Credit Manager provient de « l’extérieur ». « Nous dépen-

fois par mois nous devons exposer les chiffres. » Ce Conseil

dons vraiment de la (bonne) santé des marchés financiers et

d’administration est, quant à lui, constitué par cinq person-

des taux d’intérêt. Pour le moment, ces derniers sont redevenus

nes: un représentant de chacune des quatre grandes banques

importants. Depuis deux ans, cela ‘bouge’ pas mal. Les taux ont

à l’origine de la cration de BCC Corporate, et le CEO. Comme

presque doublé et le fantôme de l’inflation continue à planer.

on le voit, en tant que (CFO) Finance Manager, notre homme

J’espère les voir repartir à la baisse prochainement... »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°21 - OCTOBRE 2008

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