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EN PRATIQUE SOMMAIRE

N°26 - AVRIL 2009

Dossier

Risk

Management Plus que jamais, une saine gestion des risques – de tous les risques – auxquels est confrontée l’entreprise revêt une dimension stratégique. C’est l’affaire du CFO, mais pas uniquement. Ce mois-ci, Finance Management vous livre conseils, méthodes et outils pour développer une gestion des risques globale et performante.

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009

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FISCALITÉ DOSSIER : RISK MANAGEMENT TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

La crise actuelle est riche en enseignements 2

Malgré certains invariants, souvent financiers, la maîtrise de l’ensemble des risques varie fortement d’une entreprise à l’autre: risques opérationnels, risques de l’information, risques juridiques, risques environnementaux… A chacune ses particularités. Deux CFO nous livrent leur lecture du Risk Management.

L

e Risk Management constitue le cœur du mé-

nières années, les entreprises ont certainement eu tendance

tier du Groupe Coface et, principalement, le ris-

à trop « se reposer » sur ces modèles mathématiques et sta-

que crédit. Comme le précise Ludovic Gros, son

tistiques. Sans doute en partie pour se rassurer. « Dans l’assu-

CFO pour la Belgique et le Luxembourg, Coface

rance crédit, le rôle du gestionnaire crédit en interne (arbitre) a

fournit des solutions de couverture de risques aux entreprises,

toujours été mis en avant. Nombre de nos directeurs généraux

comme par exemple des scores qui prédisent les risques de dé-

sont d’ailleurs d’anciens risk managers. »

faillances des entreprises, ou à travers un service plus complet d’assurance crédit. Avec cette seconde option, Coface prend en

LES SALES DANS LE COUP

charge l’analyse du risque (rôle préventif) et assure (ou non)

Pour Ludovic Gros, la crise que nous traversons constitue

les transactions commerciales des entreprises en fonction

une période riche en enseignements pour le Risk Manage-

du résultat de ces analyses. « Les risques clients devraient, par

ment. Le Groupe Coface a notamment recommandé à ses

exemple, être gérés avec ces solutions qui surveillent leur santé

Risk Managers crédit d’intensifier le suivi de leurs dossiers

financière et à moyen terme, leur capacité à honorer leurs enga-

et d’accroître leur communication avec les clients pour justi-

gements financiers ou commerciaux », explique-t-il.

fier leurs décisions, surtout quand celles-ci concernent une

Pour nombre d’autres types de risques, il faut aussi privilégier

baisse des limites de crédit. « Nous avons également procédé

une action structurelle ou humaine. « La gestion des risques en

à une forte sensibilisation des équipes commerciales par une

entreprise fonctionne un peu comme la recherche. Beaucoup de

généralisation de l’utilisation des scores ou des notations

grandes découvertes découlent de petites erreurs. Les techniques

avant toutes démarches commerciales. Nous sommes passés

de prévision-scénarios sont importantes. Mais elles ne peuvent

à un stade où les commerciaux sont davantage impliqués

cependant pas tout prévoir et doivent être utilisées comme un

dans le Risk Management crédit. Désormais, ils perçoivent la

support à la réflexion et non la remplacer. Il faut investir dans

totalité de leur commission quand nous sommes payés. De la

le développement d’une culture interne de Risk Management

sorte, nous les incitons à développer un chiffre d’affaires ‘sain’,

». Selon lui, les outils techniques doivent donc se voir limités

assurant un résultat net et une position cash positive. »

à un rôle de support à la décision. En effet, au cours des der-

Autres initiatives du Groupe Coface: faire largement circuler

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l’information et la communication à travers tous les départements, à propos de toutes les natures de risques, mobiliser des moyens humains supplémentaires, comme par exemple la création d’un poste de Compliance Officer pour améliorer notre culture interne du risk management… « Pour prendre les mesures adéquates par rapport au risque identifié – et éviter la sur-couverture des risques qui ne constitue pas forcément un bon message –, la communication interne et la formation des employés à l’identification des risques sont deux fonctions désormais incontournables. » Tout dépend bien entendu de l’appétence de la structure par rapport au risque. Le secteur de l’assurance, par exemple, se montre peu enclin à la prise de risques non maîtrisés. Ce ne sera par contre pas forcément le cas d’une start-up qui, pour se faire une place au soleil, sera vraisemblablement amenée à prendre (au moins) quelques risques. Une entreprise ne peut donc s’arrêter au risque. Elle doit par contre pouvoir l’identifier et rapidement décider de le prendre ou non. Le Groupe Coface s’est par exemple doté d’un Comité de risques qui se réunit régulièrement pour évaluer les expositions classiques au risque crédit et les autres points sensibles en interne. En outre, grâce à sa structure d’audit interne, le Groupe s’assure

Ludovic Gros: « La gestion des risques en entreprise fonctionne un peu comme la recherche. Beaucoup de grandes découvertes découlent de petites erreurs. »

que les différentes politiques sont bien appliquées.

APPROCHE TRANS-DÉPARTEMENTALE

à des indemnités. Il n’est donc pas question que cela puisse se

En 2009, Ludovic Gros estime que la première étape du Risk

produire. Nous ne pouvons faire courir le risque à nos clients de

Management consiste à projeter une image la plus fidèle pos-

les exposer, pour plusieurs années, à la perte de leur marque ou à

sible de tous les risques que peut courir la structure. « Une

la suppression de leur brevet parce que nous nous sommes mon-

capitalisation de la connaissance des employés pour chaque

trés insuffisamment pointilleux ». Selon Vincent Vandrepol, le

thème du Risk Management prend, à ce titre, une importance

Risk Management comprend donc en premier lieu la couver-

majeure. Il faut identifier des collaborateurs reconnus comme

ture des risques inhérents à une activité et à un secteur.

experts dans leurs domaines ». Deuxième étape: mettre en

Parallèlement, d’autres risques à intégrer dans la définition

place des méthodes de valorisation acceptées de ces risques.

large de Risk Management sont liés à l’environnement écono-

« Et, dans un troisième temps, sur base de cette valorisation,

mique. Aujourd’hui la solidité financière des clients prend de

on pourra décider si, culturellement ou selon les règles de la

plus en plus d’importance. En réponse, le risque crédit et sur-

société, on prend ou on refuse le risque. Une entreprise doit,

tout le risque de liquidité sont devenus incontournables. Car,

en outre, s’adapter à son environnement. Aujourd’hui, il faut

d’une part, les clients ont tendance à allonger les délais de

réagir beaucoup plus vite. En cette période de crise, nous nous

paiements mais aussi parce que, d’autre part, les banquiers

sommes par exemple attachés à réduire le temps de réponse de

se révèlent moins présents pour couvrir les besoins en fonds

nos intervenants en Risk Management. »

de roulement. « Il faut gérer tout cela de très près. Le directeur

Pour Vincent Vandrepol, la définition du Risk Management

financier doit s’assurer que son cash rentre en suffisance. Par

est très large et intervient dans plusieurs registres. Le CFO de

rapport à 2008, il faut suivre les encours clients et les délais de

Gevers Group–VVD Finance & Management, ne le canalise en

paiement des fournisseurs de bien plus près. Car, actuellement,

effet pas uniquement à un problème d’assurances et de couverture des risques identifiés. Pour lui, le Risk Management est inhérent à l’activité de toute société. Et selon les domaines dans lesquels on travaille, certains axes prennent davantage d’importance. Pour ce qui concerne Gevers Group, actif dans la propriété industrielle et le dépôt de marques et brevets, Vincent Vandrepol cite sans hésitation le respect des délais comme élément principal de leur politique de Risk Management. « Une marque se dépose à heure et à temps, explique-t-il. Il faut payer les taxes d’enregistrement, etc. Un client pour lequel nous aurions raté un délai, quelle qu’en soit la raison, peut prétendre

« Les entreprises ont certainement eu tendance à trop ‘se reposer’ sur les modèles mathématiques et statistiques. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009

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FISCALITÉ DOSSIER : RISK MANAGEMENT

« L’entreprise doit pouvoir dire quasi en permanence où elle se situe et vers où elle se dirige. » Autre considération: en 2009, la dimension « sens de l’urgence » de l’ensemble des acteurs de la société devra être augmentée, notamment grâce au déclenchement plus rapide de signaux révélateurs. « Un client fiable qui commence à payer avec du retard exigera un suivi et une attention qu’il ne suscitait pas auparavant. Il faut réagir plus vite, et cela passe par une sensibilisation d’une plus grande partie des collaborateurs sur la nécessité de bien travailler, de délivrer ce qui est attendu et de garantir un suivi extrêmement rigoureux et précis de l’ensemble ». Gevers Group est passé à un niveau supérieur d’exigence. Et crise « oblige », ses clients font de même.

GAGNER EN FLUIDITÉ

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Avec une telle conjoncture, 2009 sera-t-elle l’année du Risk Management? Pas forcément. L’importance à y attacher devrait

Vincent Vandrepol: « Un environnement économique délicat devrait renforcer l’attention à porter au Risk Management. Dans la fonction financière, deux éléments sont clairement renforcés: le reporting et le forecasting. »

être la même chaque année. Néanmoins, en 2009, l’environnement économique devrait mettre en avant, au niveau financier comme ailleurs, la nécessité de gérer, contrôler, mesurer et maîtriser les risques auxquels une entreprise est confrontée. « En basse conjoncture, quand les ventes ou le chiffres d’affaires diminuent, il ne faut pas, en plus, ajouter de mauvaises surpri-

on pourra plus difficilement faire appel à des partenaires fi-

ses, comme une faillite, un travail mal exécuté ou un client mé-

nanciers pour combler le trou ou faire le pont. »

content qui vous quitte. Un environnement économique délicat

RISQUE HUMAIN

devrait donc renforcer l’attention à porter au Risk Management. Dans la fonction financière, deux éléments sont clairement ren-

Vincent Vandrepol souligne également les risques opération-

forcés: le reporting et le forecasting ».

nels, liés aux services prestés et à la qualité. Moins l’entre-

Vincent Vandrepol souligne en effet l’importance considéra-

prise rencontre de problèmes, mieux elle tourne. Un client

ble prise au cours des dernières années par les chiffres. « Tout

content ne nécessite en effet pas (ou peu) de suivi, de cor-

le monde veut les connaître avant même qu’ils ne sortent,

rections, d’amendements, de ristournes, de négociations…

afin de comprendre et mesurer l’évolution des choses. Quant

Mais une société comme Gevers Group, essentiellement ba-

à la projection, elle prend tout son sens dans la mesure où les

sée sur le capital humain, se doit de gérer un risque moins

banquiers et les actionnaires réclament une communication

visible, mais non moins capital et surtout permanent dans

transparente. L’entreprise doit pouvoir dire quasi en perma-

une société de service: le risque de départ d’un collaborateur.

nence où elle se situe et vers où elle se dirige. »

« Le chiffre d’affaires est directement lié aux prestations des

Vincent Vandrepol souligne toutefois qu’en Risk Manage-

collaborateurs. Vous devez donc vous assurer d’avoir recruté

ment, aussi précautionneuse qu’elle puisse se montrer, une

la bonne personne. Pour Gevers Group, le coût de formation

entreprise ne possède pas pour autant toutes les cartes en

s’étend environ sur deux ans. Quand un collaborateur évolue

main. En effet, certains clients, deviennent de plus en plus

en expérience et en âge, sa contribution au chiffre d’affaires

stricts. « Si vous voulez rester leurs fournisseurs, ils fixent un

augmente. Un départ ne peut donc pas causer un trou dans la

cadre de travail – facturation électronique, nouveaux équi-

chaîne de service. Le problème se pose différemment dans la

pements, etc. –, et peuvent même aller jusqu’à vous en impo-

production, qui fonctionne grâce à une combinaison homme-

ser les coûts. Si l’entreprise peut répondre aux standards, elle

machine. Chez nous, tout repose sur le maintien de la qualité

gagnera en fluidité. Mais cela nécessite parfois des développe-

et de la compétence. »

ments et des mises en œuvre considérables. »

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FISCALITÉ DOSSIER : RISK MANAGEMENT TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Les cinq rôlesclés du CFO Le Risk Management est l’affaire de tous dans l’entreprise. Chacun doit, à son niveau et dans son domaine, maîtriser ses risques et ainsi contribuer à la réalisation des objectifs de l’organisation. Le rôle du CFO est néanmoins majeur dans le dispositif. Quels outils et techniques peuvent l’y aider? Directeur Riskovery consult et directeur scientifique des formations en risk management et contrôle interne à ICHECEntreprises, Yves Dupont nous éclaire.

D

ans le dispositif de Risk Management en entreprise, Yves Dupont identifie cinq natures différentes pour le rôle du CFO. Premièrement, il doit gérer (identifier, évaluer, apprécier, maîtriser,

communiquer…) les risques liés aux processus et objectifs qui tombent sous sa responsabilité. Il s’agit des risques « financiers purs », le risque devise, liquidité, crédit clients… Si les techniques utilisées pour la gestion de ces risques sont bien connues, une nouvelle approche, plus intégrée, peut cependant aider à améliorer l’efficacité de la gestion de ces risques. En effet, un risque

« La capacité à gérer les risques est un élément important du succès à long terme et de la survie de l’entreprise. »

financier pur trouvera habituellement son origine ailleurs et engendrera des répercussions sur plusieurs types d’objectifs.

tions? De motivation des vendeurs? Un risque juridique? Ou de

Par exemple, une créance client peut s’avérer irrécupérable en

couverture d’assurance? Il ne pourra de toute façon pas être réso-

raison d’un enchaînement d’événements. Le client pourrait

lu sans bonne communication de risque entre les différentes par-

ainsi invoquer un problème de qualité, voire également intro-

ties impliquées. » Dans la bonne pratique de Risk Management,

duire une réclamation dont le fondement ne saurait être établi

on dira qu’il faut briser l’approche par « silo » de la gestion des

assez rapidement par le département technique ou juridique.

risques et se garder de vouloir trop segmenter les risques ou de

Le paiement se verrait alors retardé sans démarche de recou-

pousser trop loin la « taxonomie » des risques. Il faut privilégier

vrement immédiate. Mais comme d’autres livraisons ont lieu

une approche systémique!

pour le même client (les commandes n’étant pas bloquées), l’assureur crédit pourrait retirer la couverture de cette créance

FIXER LES OBJECTIFS

en évoquant un manquement dans le suivi par l’entreprise. L’en-

Deuxièmement, le CFO gère les risques liés à la qualité et à la

treprise finirait par perdre beaucoup d’argent.

fiabilité du reporting (financier). Ce reporting est-il correct et

« S’agit-il, dans cet exemple, d’un risque financier? N’est-ce pas

fiable? Certaines sociétés ont été contraintes de se conformer

plutôt un risque opérationnel? De qualité? De suivi des réclama-

à la loi américaine Sarbanes-Oxley. Les techniques utilisées sont FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009

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FISCALITÉ DOSSIER : RISK OPTIMISATION MANAGEMENT DES COÛTS

pas gérer l’ensemble des risques. Par définition, cette personne coordonne les activités de Risk Management et de contrôle interne dans l’entreprise. » Si le CFO est particulièrement bien placé, c’est compte tenu de son réseau de contacts bien établi dans l’entreprise (ou le groupe), de sa faculté à prendre de la distance par rapport au quotidien (éviter l’ « anecdoteisme » dans le RM), de sa position « neutre » par rapport à l’opérationnel, de sa connaissance des priorités pour l’entreprise et de sa capacité à travailler avec des estimations, d’objectiver les éléments subjectifs…

MODÉLISATION DES RISQUES Quatrièmement, le CFO doit vendre son entreprise envers le monde (financier) extérieur. Les banques (Bâle II aidant) et actionnaires tendent à adopter une vision plus long terme que par le passé. Du moins, ils s’intéressent d’avantage à la capacité de l’entreprise à faire face aux incertitudes/risques. « Ne dit-on pas qu’il vaut mieux investir dans une bonne société dans un mauvais secteur que dans une mauvaise société dans un bon secteur? La capacité à gérer les risques est un élément important du succès à long terme et de la survie de l’entreprise. » Enfin, cinquièmement, le CFO doit se préoccuper de la remontée des résultats des efforts de Risk Management vers

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les décisions stratégiques de l’entreprise. « Une comparaison peut être faite avec la notion de RAROC (Risk Adjusted Return on Capital), utilisée par les entreprises financières. Par exem-

Yves Dupont: « Mais dans un monde sans incertitudes, pas besoin de risk management… et pas besoin de management non plus! »

ple, le choix du lancement d’un nouveau produit ou de la pénétration d’un nouveau marché, peut se baser sur une estimation du revenu escompté (Return), par rapport à l’investissement nécessaire (ROI). Mais la décision finale sera fonction du degré de risque inhérent à cette nouvelle activité et de la capacité (de

excessivement bien pensées mais, dans la pratique, on les a

l’entreprise) à maîtriser ces risques (mieux que ses concurrents

vues se dégénérer en des lourdeurs administratives sans réelle

ne pourraient le faire). »

valeur ajoutée. D’autres entreprises ont, par contre, réussi à cor-

Le RAROC établit le rapport entre le gain escompté et le risque

rectement utiliser les techniques de SOX, avec comme consé-

inhérent au produit, marché ou projet. Une modélisation des

quence une sensible augmentation de la qualité du reporting et

risques s’impose pour cela. Cette tâche est du domaine du CFO.

de l’efficience de la gestion.

Celui-ci peut aisément l’intégrer dans son approche plus tra-

Yves Dupont prodigue quelques conseils pour y arriver: fixer

ditionnelle de suivi des performances, de contrôle de gestion…

clairement les objectifs (quelles sont les imperfections accep-

« Ces techniques sont déjà largement adoptées par certaine so-

tables?), évaluer les risques de dérapage (l’analyse de risque

ciétés spécialisées dans la gestion de grands projets (construction,

forme l’architecture du dispositif de maîtrise/contrôle), veiller à

ingénierie…). Toute décision n’est que la résultante d’une appré-

l’adhésion de chacun dans le processus de maîtrise (si les col-

ciation des incertitudes liées aux différentes options envisagées.

laborateurs le perçoivent comme un avantage il sera plus faci-

Mais dans un monde sans incertitudes, pas besoin de risk mana-

lement accepté), utiliser un système adéquat de gestion et de

gement… et pas besoin de management non plus! »

documentation des étapes du dispositif de maîtrise.

Toutes les organisations ne possèdent bien entendu pas la

Troisièmement, le CFO est bien placé pour assumer une res-

taille critique ou les moyens nécessaires pour s’assurer les ser-

ponsabilité de coordination et de communication des initia-

vices d’un Risk Manager en interne. C’est notamment le cas

tives de Risk Management dans l’organisation. « Je ne sou-

pour les PME. « Mais si on déconnecte le processus de gestion de

tiens pas la notion de ‘Risk Manager’ en tant que telle. Tout le

risques de la fonction que doit occuper un Risk Manager, les pos-

monde est Risk Manager mais il y a un besoin d’accompagne-

sibilités sont ouvertes à toutes entreprises, petites ou grandes.

ment et de coordination. Dans bien des cas, l’auditeur interne

D’où le rôle essentiel que les CFO, ou plus largement les respon-

interviendra également. Mais ce dernier doit garder une indé-

sables financiers des PME, ont à jouer en Risk Management. Si

pendance par rapport à la gestion effectuée par le manage-

nécessaire avec une aide extérieure, éventuellement à temps

ment. La personne identifiée en tant que Risk Manager ne va

partiel, qui sera plutôt méthodologique. »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009


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FISCALITÉ DOSSIER : RISK OPTIMISATION MANAGEMENT DES COÛTS TEXTE : LAURENT CORTVRINDT - PHOTO: BLITZ AGENCY

Le premier Risk Manager, c’est le CEO Leader en Risk Management Advisory Services chez PwC Luxembourg et professeur invité en Risk Management financier à HEC Ecole de gestion de l’ULg, Thierry López est à la fois un acteur et observateur avisé des pratiques de gestion des risques. Finance Management l’a interrogé sur le Risk Management dans les institutions financières et sur l’avenir qui lui est réservé.

8 Quel sens donnez-vous à la notion de « Risk Management »?

Trois types de risque seulement… le champ est finalement

Thierry López: « Au sein d’une institution financière, la fonc-

assez limité?

tion Risk Management (RM) suit une double vocation. Premiè-

Thierry López: « Pas vraiment. Ce sont les trois types de risques

rement, elle analyse. Le RM étudie tous les facteurs quanti-

qui permettent de calculer un ratio fondamental que l’on appel-

fiables ou non qui, dans le chef de toute personne, morale ou

le ‘adéquation des fonds propres’. Au numérateur, on compare

privée, menacent le rendement produit par l’exploitation ra-

les fonds propres de l’institution à la surface de risques qu’elle

tionnelle de son patrimoine, et donc ce patrimoine lui-même.

prend au dénominateur. Le tout doit excéder 8%. Autrement dit

Deuxièmement, afin de combattre ces facteurs, elle apporte

l’institution de crédit ne peut pas prendre plus de 12,5 fois de

des solutions d’ordres stratégique, tactique et opérationnel. »

risques que ce qu’elle n’a de fonds propres à disposition. C’est l’effet de levier maximal toléré. Nous parlons d’aspect ‘mécani-

Illustrez-nous cela d’un exemple…

que’ car le degré de liberté dans le calcul de ce premier ratio dit

Thierry López: « Pour le volet ‘analyses’, les facteurs sont rat-

‘réglementaire’ est limité à sa portion congrue. »

tachés à une typologie des risques auxquels l’institution est exposée. Prenons par exemple le risque de crédit pour une

Il y aurait donc un deuxième ratio d’adéquation des fonds propres?

banque, à savoir l’éventualité qu’un client bénéficiant d’un

Thierry López: « Absolument! Celui que le conseil d’adminis-

crédit qu’elle lui a accordé ne puisse plus faire face à ses en-

tration et la direction de l’institution calculent en interne.

gagements. La typologie classique comprend encore les ris-

D’une part, les fonds propres pris en considération peuvent

ques de marché et les risques opérationnels. Avec le risque de

être élargis à des fonds non éligibles pour le ratio réglemen-

crédit, ce sont les trois grands types de risques appréhendés

taire, mais l’autorité de contrôle – la CBFA en Belgique – s’at-

de manière relativement ‘mécanique’ dans l’état actuel de la

tend à ce que le dénominateur ne se limite pas aux trois ty-

surveillance prudentielle. Pour le volet ‘combat’, une solution

pes de risques classiques cités précédemment, mais intègre

stratégique consiste par exemple pour la fonction RM à propo-

d’autres types de risques non couverts par le premier ratio:

ser une politique générale de suivi et de contrôle des risques,

par exemple le risque de réputation, le risque de concentra-

le cas échéant à l’échelle d’un groupe international. Au niveau

tion, le risque lié à la gestion des actifs financiers, etc. »

en-dessous, la vérification de la saine répartition sectorielle des enveloppes de crédit relève probablement du domaine de

En quoi la fonction Finance est-elle concernée par tout ceci?

la tactique. Enfin, au niveau opérationnel, on se situe essen-

Thierry López: « Le ratio réglementaire se base sur la définition

tiellement au niveau des contrôles de premier degré. Il s’agit

IFRS des fonds propres au numérateur tandis que le dénomi-

par exemple de vérifier si une limite interne a été dépassée. »

nateur relève du calcul d’une surface de risques. On observe

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évoqué les actions aux niveaux opérationnel, tactique et stratégique. A la base, le métier de banquier consiste à gérer des risques. Et la stratégie bancaire alloue ses moyens dans des activités rentables parce que porteuses de risques. Il est troublant de constater que, trop longtemps, les Risk Managers ont pu être perçus comme des freins à l’initiative commerciale. Le Risk Manager moderne connaît le business. Le fondement de sa mission ne saurait être vouée à empêcher la prise de risque. Il doit contribuer à permettre la prise des bons risques et la couverture, voire le rejet des mauvais. Le premier Risk Manager de l’entreprise, c’est bien son CEO! Par ailleurs, la responsabilité des conseils d’administration, et donc de leurs membres pris individuellement, croît de jour en jour dans les institutions financières et le contexte actuel ne va pas inverser la tendance. Ne prenons qu’un exemple, celui de l’ICAAP, déjà cité: le conseil d’administration a la responsabilité de fixer, de documenter et de communiquer à la direction les stratégies régissant la prise et la gestion des risques ainsi que la planification, la gestion et l’adéquation des fonds propres internes. Il lui appartient de promouvoir une culture interne en matière de risque qui sensibilise le personnel à la gestion saine et prudente des risques. A un haut niveau de séniorité, et sous contrainte de comprendre (si possible d’avoir exercé) les fonctions commerciales de l’institution, est-il inepte de penser que le Risk Manager rencontre cette exigence? »

Thierry López: « Le Risk Manager moderne connaît le business. Le fondement de sa mission ne saurait être vouée à empêcher la prise de risque. Il doit contribuer à permettre la prise des bons risques et la couverture, voire le rejet des mauvais. »

La crise actuelle doit-elle influencer l’attention que porte le Risk Manager sur certains types de risques? Thierry López: « Absolument. J’en veux pour exemple le grand absent du dispositif prudentiel actuel: le risque de liquidité. Le ratio réglementaire l’a tout simplement oublié et le ratio interne peut difficilement le prendre en compte car

une tendance claire des CFO à accueillir la gestion des risques

chacun sait que ce n’est pas avec du capital que l’on peut

dans leur périmètre de responsabilité, partant de compétence

couvrir ce risque : bien des banques a priori solvables sont

– devenant de ce fait même Chief Finance and Risk Officers ou

tombées en cessation de paiement. La Commission euro-

CFRO. Cet alignement entre Finance et Risques est d’autant plus

péenne profite de la révision qu’elle a engagée quant aux

souhaitable que le ratio interne calculé dans le cadre de l’Inter-

exigences de fonds propres des banques pour également

nal Capital Adequacy Assessment Process se veut prospectif:

revoir le dispositif de gestion du risque de liquidité. La Com-

l’ICAAP doit pleinement refléter l’ensemble des risques auxquels

mission est épaulée par le Comité Européen des Contrôleurs

l’établissement est ou pourrait être exposé ainsi que l’environne-

Bancaires (CEBS), comité généralement chargé de conseiller

ment économique et réglementaire dans lequel l’établissement

la Commission dans la préparation de mesures concernant

évolue ou pourrait être amené à évoluer. Comme bien souvent,

les activités bancaires, singulièrement en matière de ges-

la Finance embrasse le Management Information System (MIS,

tion du risque de liquidité. Le CEBS a récemment remis son

basé sur des préceptes de comptabilité analytique) et le budget

analyse en matière de liquidité. Elle ne compte pas moins

(souvent tri-annuel) comptable et analytique ne peut plus se dé-

de 30 recommandations qui font autorité et sont, ou se-

partir de simulations (on parle de tests d’endurance) visant à dé-

ront, transposées dans les législations nationales sans tar-

terminer l’impact de la survenance de certains risques sur ledit

der. Vous savez, la crise financière et économique que nous

budget. Qui mieux que le CFRO peut en assurer la synthèse? »

traversons entraîne des difficultés pour beaucoup d’acteurs financiers. Elle nous pousse inévitablement à repenser les

Concernant le RM, on parle souvent de méthodes compliquées

pratiques adoptées ces dernières années. Mais n’oublions

(Value at Risk, etc.), de mathématiques et autres statistiques.

pas que cette période de remise en question des affaires

Votre description de la fonction ne colle pas vraiment…

est également synonyme d’opportunités. Ceci veut dire que

Thierry López: « Le secteur bancaire ne peut plus se permettre

maîtrise des coûts ne rime pas avec non-investissement. In-

de voir le RM par le petit bout de la lorgnette. Nous avons

vestir, oui, pour dès la reprise mieux rebondir! » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009

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FISCALITÉ DOSSIER : RISK OPTIMISATION MANAGEMENT DES COÛTS TEXTE : LAURENT CORTVRINDT & CHRISTOPHE LO GIUDICE

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Le Risk Manager doit être capable de procéder à des arbitrages Pour mieux cerner la fonction de Risk Manager, son contenu, son positionnement au sein de l’entreprise, les risques à gérer et les changements apportés par la crise, nous avons consulté Marc Mathijsen, président de la Belgian Risk Management Association (Belrim), Olivier Nagelmackers, Risk Manager chez Atos Worldline, et Christophe Cherry, Deputy Country Manager BeLux chez Atradius Credit Insurance. Tour de table.

Comment décririez-vous la mission du Risk Manager?

nement doit être relativement indépendant. Ce n’est pas

Marc Mathijsen: « Une entreprise compte, généralement,

parce que la fonction est intégrée ou attachée à un dépar-

quatre lignes de défenses. La première est constituée par le

tement qu’elle ne doit pas être indépendante, transparente

management direct, celui qui est le plus proche des opéra-

et transversale. A cet effet, le Risk Manager sera une per-

tions. Nul autre que lui ne connaît – normalement – mieux

sonnalité forte, capable de procéder à des arbitrages. Il ira,

le business et les risques liés à sa fonction ou à son dépar-

si nécessaire, contre la pression de la finance qui souhaite

tement. La deuxième ligne est composée des fonctions de

réduire les primes. Il s’opposera au commercial qui n’aura

support. Comme, par exemple, le Market Risk et le Credit

peut-être pas toujours la même perception des contrôles

Risk dans une banque ou l’Insurance Risk dans le secteur

de qualité. Il tiendra tête au business qui, voulant aller très

des assurances. Le Corporate Audit forme la troisième li-

vite, pourrait parfois percevoir le Risk Management comme

gne. Et si ce premier trio ne fonctionne pas, les assurances

un ralentisseur de processus, etc. »

interviennent en guise de quatrième ligne de défense. C’est

Olivier Nagelmackers: « Chez Atos Worldline, la fonction de

l’ultime recours en cas de défaillance des lignes de contrô-

Risk Manager ne prend en effet pas uniquement en charge la

le. Le Risk Manager doit être un facilitateur du processus.

gestion des assurances. Nous sommes fortement orientés vers

Méthodologiquement parlant, il se situe transversalement

l’opérationnel: identification, évaluation, mitigation et monito-

sur les quatre lignes de défense, même s’il ne place les as-

ring des risques. Pour y arriver, nous avons mis en place un pro-

surances qu’en quatrième ligne. Si possible, son position-

cessus identifiant, dans tous les départements, différentes per-

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009


Olivier Nagelmackers: « La crise nous a ouvert les yeux sur ce qui pouvait paraître impensable, comme par exemple la faillite d’une banque. La défaillance de Kaupthing Bank a montré que les systèmes n’étaient pas toujours tout à fait prêts à gérer ce genre de ‘surprise’. »

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sonnes responsables de la gestion quotidienne des risques. Ma

au niveau du Board. Mais plutôt à n-1 ou n-2, voire n-3. Cela

fonction de Risk Manager consiste principalement à coordonner

importe peu. L’essentiel reste de pouvoir contribuer aux prises

la mise en œuvre de ce processus et à apporter une assistance

de décision en siégeant dans des comités de sécurité, de ges-

dans la gestion des risques lorsque ceux-ci se révèlent trans-dé-

tion, de risques, etc. Le Risk Manager prend alors souvent à son

partementaux ou transdivisionnels. »

compte la coordination de ces comités car il faut une méthodologie commune – identification et mesure des risques, etc. –

Autrefois, le Risk Manager dépendait quasi exclusivement du dé-

et transversale à l’ensemble des départements de l’entreprise.

partement financier. Aujourd’hui, il a pris de l’envergure au sein

L’entreprise, au-delà d’une certaine taille, peut se permettre de

de la société, notamment en intégrant les processus beaucoup

posséder un département Risk Management séparé. Sinon, la

plus tôt. Comment se positionne exactement la fonction?

fonction peut s’intégrer à d’autres services ou départements,

Olivier Nagelmackers: « Pour ma part, j’entretien un rap-

selon les risques à couvrir. Aux RH lorsqu’il s’agit d’employee

port professionnel direct avec notre CEO et je suis admi-

benefits, aux finances quand cela concerne des assurances cré-

nistrativement rattaché au département d’audit. En réalité,

dit, à la sécurité si cela touche aux accidents de travail, au légal

chez Atos Worldline, le Risk Management a été instauré par

pour les responsabilités et les fraudes… »

l’audit. La structure n’a pas changé mais la fonction a gagné en indépendance. »

Ce qui nous amène à identifier les différents risques à gérer…

Marc Mathijsen: « Pour les entreprises financières, essentiel-

Marc Mathijsen: « Ils se révèlent parfois délicats à identifier

lement les banques, dont le positionnement s’inscrit dans le

et varient de toute façon selon les entreprises. La réputation

modèle AMA de Bâle II (Advanced Measurement Approach),

de l’entreprise constitue selon moi un risque considérable par

la fonction de Risk Manager est clairement orientée vers les

les temps qui courent. Pourtant, on ne le prend pas toujours

risques opérationnels. Dans ce cas, la gestion est transférée

vraiment en considération. L’image de votre entreprise, perçue

au département qui prend en charge ces risques opération-

par le public, déterminera votre réputation. Et, en fonction du

nels. Pour les autres entreprises, la fonction de Risk Manager

secteur d’activité, cette réputation sera plus sensible à l’une ou

dépend largement de la structure interne, et préférentielle-

l’autre thématique: sécurité des travailleurs, environnement, fia-

ment du CFO. Pour le reporting, la fonction se situe rarement

bilité des produits, etc. Paradoxalement, il s’agit peut-être du risFINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009


FISCALITÉ DOSSIER : RISK OPTIMISATION MANAGEMENT DES COÛTS

que contre lequel on peut le moins s’assurer. Mais la prévention peut jouer un rôle important. Le Risk Manager peut travailler à cette prévention. Bien entendu, parmi les autres grands risques, on retrouve les finances, les liquidités, le crédit… » Olivier Nagelmackers: « C’est effectivement une question délicate tant ils peuvent être nombreux et variables selon le contexte professionnel… Nous venons de réaliser un exercice focalisé sur l’identification des risques liés à la situation économique actuelle. Nous en avons identifié une vingtaine. Pour chacun, nous avons essayé de mettre en place des mitigations ou des actions qui puissent limiter les impacts au cas où ces risques se matérialiseraient. En réalité, identifier des risques n’est pas très compliqué. Généralement, on retrouve le savoir-faire nécessaire au sein de l’entreprise. Il faut par contre arriver à les formaliser et décider quelles mesures il y a lieu de prendre pour l’un ou l’autre risque. Par exemple, le risque de non-paiement des factures par un client peut se régler relativement aisément, à l’aide d’un bon monitoring de la situation financière du client en question. Pour le moment, nous ne constatons rien d’anormal, les banques paient rapidement. Conjoncture oblige, nous sommes néanmoins tenus de suivre l’évolution économique de très près. Dans nos futurs contrats, nous allons d’ailleurs vraisemblablement proposer quelques adaptations qui nous permet-

12

traient de récupérer plus facilement des impayés. » La crise a-t-elle, ou va-t-elle modifier la considération des risques ? Olivier Nagelmackers: « Elle nous a déjà ouvert les yeux sur ce qui pouvait paraître impensable, comme par exemple la faillite d’une banque. Ou alors cela devait être une petite banque et l’impact se serait révélé marginal. Pas du tout: il s’agit bien d’une probabilité dont nous devons tenir compte. La défaillance de Kaupthing Bank a montré que les systèmes n’étaient pas toujours tout à fait prêts à gérer ce genre de ‘surprise’. Nous avons immédiatement opéré un scan complet de nos systèmes pour vérifier notre éventuelle soumission à des obligations et l’impact que pourrait avoir sur nous la faillite d’un gros client bancaire. Mais, en réalité, ce constat est valable pour tout type de client. Si vous êtes confronté depuis des années à la faillite de petits commerçants, il vous faudra également mettre des processus en place. C’est pourquoi, dans l’analyse de risque, nous travaillons toujours sur deux grands facteurs: la probabilité/fréquence du risque et l’ampleur/impact d’un problème ou d’un défaut. En temps de crise, nous avons naturellement dû réévaluer ces paramètres. Il faut désormais être conscient que, dans certains cas, des événements pouvaient se produire plus souvent que d’habitude ou avec de plus grands impacts. Cela vous pousse à revoir la pondération des risques dans l’ensemble de l’entreprise. Même si, parfois, une solution temporaire peut constituer une bonne solution. Comme par exemple dans le cas d’un client annoncé en faillite pour lequel un repreneur se manifeste immédiatement. Vous devrez bien entendu vous protéger, pendant quelques jours, mais ensuite reprendre rapidement les activités. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009

Marc Mathijsen: « La réputation de l’entreprise constitue selon moi un risque considérable par les temps qui courent. Pourtant, on ne le prend pas toujours vraiment en considération. »


Marc Mathijsen: « Je conclurai en insistant sur le fait que la

constater que désormais, suite à la crise financière subie par

fonction a beaucoup évolué ces derniers temps, suite à la

les compagnies d’assurances, le transfert vers l’assurance est

crise. Et je crois que c’est valable pour l’ensemble des sec-

lui-même soumis à la question du risque crédit. L’assureur,

teurs. Mais sans doute plus particulièrement pour les ins-

sera-t-il encore capable de faire face à ses obligations en cas

titutions financières. Au sein de ces dernières, nous retrou-

de sinistre? La prise de décision pour le transfert externe

vions déjà fréquemment des fonctions liées au Market Risk,

d’un risque vers un assureur intégrera désormais ce facteur

au Credit Risk ou à l’Operationnal Risk… Il est intéressant de

jusqu’alors un peu mis de côté… »

LE TOP 10 DES RISQUES EN 2009 Le risque n’est pas statique. Il est, au contraire, en évolution

1 : le Les sources de financement étant plus difficilesPhase d’accès,

permanente. C’est dans cet esprit qu’Ernst & Young réalise,

rythme des fusions et acquisitions s’est ralenti. Toutefois,

chaque année, en partenariat avec Oxford Analytica, son « ra-

les alliances stratégiques restent cruciales et les défis asso-

dar » des risques auxquels les entreprises doivent se montrer

ciés à ces opérations restent considérables.

attentives. Cette étude est réalisée sur base d’entretiens qua-

Autre nouveau risque en neuvième place: l’obsolescence

litatifs auprès d’une centaine d’analystes sectoriels externes

des modèles économiques. Pour certaines entreprises, les

et d’experts d’Ernst & Young. Ils permettent de constituer

Phase 2 : évolutions technologiques et les transitions industrielles

une première liste de 20 à 40 risques pour chacun des onze

rendent leur modèle économique obsolète, les obligeant à

secteurs représentés, revue par un panel composé de diri-

réinventer leur stratégie et à moderniser leurs structures.

geants d’entreprise, de responsables de planification straté-

Enfin, le risque de réputation vient clore ce top 10. « L’image

gique, de journalistes, d’économistes et de consultants.

de certains pans entiers de l’économie est de plus en plus me-

Ce qu’il en ressort cette année? Un classement inédit, avec

nacée à mesure que la confiance du public s’affaiblit. Cette

un risque n°1 sans surprise: la crise du crédit (classée n°2 en

tendance s’illustre ici avec un risque de réputation qui pro-

2008), suivie des risques liés à la conformité réglementaire.

gresse de douze places par rapport à 2008. Les inquiétudes

« Bien qu’en recul d’une place, ces derniers tiennent toujours

liées à l’écologie continuent de peser directement sur l’image

la haut du classement, en particulier dans les secteurs phar-

de marque des groupes. »

maceutique, des télécommunications et de l’énergie, notent financière font également peser l’incertitude sur les secteurs

Radar Ernst des risques & Young d’entreprise des risques d’entreprise

bancaires et de l’assurance. »

associé à la menace de la baisse de consommation dans

Con for m ité

er ci

re ntai me gle ré

le spectre d’une récession durable et de grande ampleur,

Fin an

En troisième place s’installe un risque nouveau en 2009:

les pays développés et du ralentissement des investisseCrise du crédit

ments dans les marchés émergents. Autre risque qui prend de l’importance: le durcissement des considérations écologiques (notamment dans les secteurs à forte émission

Conformité réglementaire

Intensification de la récession

Réduction des coûts

de CO2 tels que l’automobile, l’immobilier et l’énergie) qui progresse de la neuvième à la quatrième place. En progression de onze places par rapport à 2008, la nouvelle rance, télécoms/média, etc.) ou de marchés lointains (pays émergents) est perçue comme menace grandissante pour

Durcissement des considérations écologiques

t ra St

concurrence issue de secteurs connexes (banque/assu-

Nouveaux entrants

ég iqu e

Consolidation et alliances sectorielles

Obsolescence du modèle économique Gestion des talents

Risque de réputation

tio nn el

les auteurs de l’étude. Les réponses réglementaires à la crise

a ér Op

les acquis des acteurs traditionnels. Sixièmes, la maîtrise des dépenses et la recherche d’économies sont directement suivies par la gestion des talents, en

Légende

hausse de quatre places. « Si attirer les meilleurs profils reste

En progression par rapport à 2008

stratégique pour les entreprises, les retenir est un enjeu qui a

En retrait par rapport à 2008

pris de l’importance, en particulier dans les secteurs touchés

Nouveau dans le Top 10

de plein fouet par la crise financière », indiquent les auteurs.

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009

Phase 1 :

Phase 2 :

13


FISCALITÉ DOSSIER : RISK OPTIMISATION MANAGEMENT DES COÛTS

PRUDENCE, PRUDENCE ET ENCORE PRUDENCE…

Christophe Cherry: « Le Risk Management doit se traduire à tous les niveaux. Il y a bien entendu le suivi des débiteurs mais aussi les décisions stratégiques par rapport au cœur même de l’activité. »

14

Les statistiques récoltées par Atradius sont implacables: les

traduire à tous les niveaux. Il y a bien entendu le suivi des

défauts de paiement connaissent une hausse structurelle,

débiteurs mais aussi les décisions stratégiques par rapport au

dans tous les pays, pour tous les secteurs d’activités. La Rus-

cœur même de l’activité. A chacun son métier! Un risque se

sie, ses voisins et plus généralement l’Europe centrale font

gère dans un contexte global environnemental. »

d’ailleurs partie des grandes victimes à l’heure actuelle:

Depuis quelques mois, l’attractivité de l’assurance crédit

les défaillances d’entreprises de grandes tailles y sont en

est assez élevée. Les Risk Managers ont pris conscience

pleine explosion. Du côté de nos marchés domestiques,

qu’un (très) bon risque, aujourd’hui, peut, demain, se

la fréquence de sinistralité est aussi à la hausse. De plus,

transformer en (très) mauvais risque. Bien entendu, par

on remarque depuis quelques mois, que les entreprises de

rapport au début de 2008, les primes ont augmenté. Sans

taille appréciable, jusqu’ici épargnées par la vague de fond,

doute de 20% à 30%, pour s’aligner sur la dégradation des

essuient à présent un sérieux coup de tabac.

risques. « Les assureurs-crédit continuent malgré tout à ac-

Parmi les entreprises en grandes difficultés, ont retrouve

corder de nouvelles couvertures. Notre exposition globale

celles qui ont investi il y a 12 ou 24 mois. Elles se sont ba-

ne diminue pas. Simplement, nous nous montrons plus sé-

sées sur des scénarios tablant sur une importante crois-

lectifs en augmentant l’exposition sur les bons risques et la

sance, préparée essentiellement par de l’endettement fi-

diminuons sur les mauvais. Il n’y a pas de désengagement

nancier à court terme. Une croissance désormais absente...

massif des assureurs-crédit dont le rôle essentiel reste l’in-

« Ces organisations se retrouvent avec leurs coûts fixes sur les

demnisation d’un débiteur qui, de façon inattendue, se ré-

bras mais aussi et surtout leurs charges financières, souligne

vèle défaillant. »

Christophe Cherry, Deputy Country Manager BeLux chez

Soyons-en conscients, le monde a changé. Il y a douze mois,

Atradius Credit Insurance. En quelques mois, voire parfois

en cas d’hésitation pour accorder une couverture, un assu-

quelques semaines, ce type de situation peut précipiter vers

reur-crédit avait plutôt tendance à répondre favorablement.

la faillite des entreprises qui ont affiché jusque-là des niveaux

Aujourd’hui, le phénomène s’est complètement inversé. Du

de croissance intéressants. »

moindre doute découle immédiatement une réponse néga-

Parallèlement, un second problème peut se poser: celui de

tive. « Couverts ou non, j’incite les Risk Managers à une ex-

secteurs qui, exposés à l’évolution des prix des matières pre-

trême prudence. Je les convie également à transmettre leurs

mières (acier, cuivre, etc.), ont constitué des stocks, parfois

informations financières 2008 le plus rapidement possible à

de façon un peu exagérée, lorsque les prix ont commencé à

leurs banquiers et assureurs. Car, sans ces chiffres, les dispen-

baisser. « Ces entreprises se sont endettées pour posséder de

sateurs de crédit travaillent dans l’incertitude... qui fait peur!

la matière première… dont certaines valeurs ont alors chuté,

Aujourd’hui, l’absence d’information positive s’interprète

jusqu’à 60%, laissant les sociétés face à leurs rembourse-

comme une information négative. Nous possédons de toute

ments et un stock dont la valeur a fondu. Un chef d’entre-

façon des rapports sur le comportement des entreprises en

prise ne s’improvise pas trader. Le Risk Management doit se

matière de paiements… »

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009


15

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N째26 - AVRIL 2009


FISCALITÉ DOSSIER : RISK MANAGEMENT TEXTE : FERKO SPITS (ACCENTURE)

Gérer le risque à un niveau stratégique La gestion du risque peut être menée simplement par souci du respect des règles, ou elle peut être visionnaire et intégrée à l’entreprise. En choisissant cette deuxième option, l’entreprise peut utiliser la gestion du risque pour créer de la valeur ajoutée dans ses activités. Le risk management, c’est clairement le bon investissement du moment.

16

L

a tourmente actuelle amène un nombre incalcu-

Un programme moderne de risk management fait ce que le risk

lable de causes d’insomnie. Dans chaque incer-

management a toujours fait – il identifie, mesure, quantifie et rap-

titude se trouve en fait un risque. Pouvons-nous

porte de manière systématique le risque. Mais le risk management

deviner notre futur dans une boule de cristal et

étendu à toute l’entreprise fait bien davantage. Il fournit un nou-

éliminer le risque? Aucune chance. Mais nous pouvons le gérer, et

veau type d’information sur la performance et la conformité, qui

limiter les surprises. Une gestion du risque rigoureuse et étendue

peut être utilisé pour prendre des décisions opérationnelles et stra-

à l’échelle de l’entreprise remplit cet objectif. Toute lacune dans

tégiques. Il donne à la direction l’information et la vue d’ensemble

cette gestion peut engendrer des conséquences désastreuses –

du risque, tous deux nécessaires pour diriger le capital là où il est le

tel que l’a montré la chute en cascade des institutions financières

plus efficace pour la société. Il améliore la gestion du portefeuille

et autres sociétés mondialement connues. Les problèmes liés au

de produits et d’actifs. Enfin, par le biais de ses règles et procédures

risque, qui ne sont pas gérés, peuvent affaiblir les fondements

rigoureuses, il est à la base de la confiance que les investisseurs pla-

d’une organisation, voire lui donner le coup final.

cent dans la stabilité et la résilience de la société.

Une gestion du risque, intégrée dans la stratégie de la société,

Or, la gestion du risque n’est pas un domaine que les cadres finan-

peut aboutir au résultat opposé. En fait, cela peut même aug-

ciers ont l’impression de bien gérer. Dans la dernière étude d’Ac-

menter la valeur de l’entreprise, en améliorant les cash flows et

centure – Le rôle changeant de la finance dans un monde multipo-

en diminuant la volatilité des revenus et du coût du capital. Le risk

laire – qui a identifié les caractéristiques d’une haute performance

management moderne offre cela en:

dans l’industrie financière, seule une personne sur dix déclare être

fournissant une vue claire sur le risque global de l’entrepri-

satisfaite avec la performance de son risk management. Une des

se. Cette vue intégrée de la performance ajustée au risque

conclusions de l’étude est que les sociétés que l’on qualifie de «Fi-

par business unit ou par région permet une meilleure allo-

nance Masters» (c’est-à-dire qu’elles maîtrisent les compétences

cation du capital;

adéquates et les bonnes pratiques) sont deux fois plus nombreu-

augmentant l’efficience opérationnelle. Au travers de l’ana-

ses à avoir implémenté des processus et des technologies de risk

lyse des investissements potentiels, le risk management

management intégré au cours des 20 dernières années.

offre une meilleure compréhension de l’équation risque/ •

bénéfice de chaque décision;

LE LIEN AVEC LA STRATÉGIE

améliorant les relations avec les agences de notation et les

Couplé à la stratégie, le risk management s’attaque à l’une des

autorités de régulation. Une gestion rigoureuse du risque four-

embûches de beaucoup d’entreprises en difficulté: l’incapacité

nit un cadre plus large pour les indicateurs qui sont analysés.

d’évaluer les actifs et les initiatives sur une base ajustée au risque.

La gestion du risque, on le voit, peut améliorer le résultat de l’en-

La récente implosion du marché des crédits hypothécaires ‘sub-

treprise ainsi que sa réputation.

prime’ montre les potentielles conséquences catastrophiques

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009


de cette mauvaise évaluation du risque. Le risk management et la stratégie se rejoignent dans trois aires principales, rendant possible un haut niveau de connaissance et de contrôle sur le risque: •

la définition de la stratégie, avec une composante humaine, qui trace les grandes lignes de la culture du risque de l’organisation, une composante de processus, qui définit les règles et régulations qui vont être utilisées pour gérer l’exposition de la société au risque, et une composante technologique, qui capture, mesure suit et rapporte le risque;

la gestion du risque stratégique. Parmi ces risques, on trouve notamment les changements technologiques, la concurrence

Ferko Spits: « Les sociétés qui adoptent une politique de risk management au sein de leur entreprise et qui lient celle-ci à la stratégie comprennent l’équation risque-bénéfice de chaque décision. »

ou encore les prix du marché à long terme. Si certains risques sur les prix peuvent être couverts à court terme dans des marchés liquides, le risque à long terme doit être couvert par une catégorie supérieure de risk management; •

l’évolution de la stratégie de l’entreprise. Les différentes possibilités sont examinées en fonction de leur exposition au ris-

prise est immunisée contre pratiquement tous les risques

que, en utilisant un modèle risque/bénéfice.

imprévus. L’entreprise gagne un avantage concurrentiel car elle peut prendre davantage de risques contrôlés.

Le risk management stratégique fournit une structure pour répondre aux questions liées au risque, peu importe le niveau de l’organisation où elles surgissent – du directeur à l’employé qui s’occupe

ETABLIR UNE STRATÉGIE DE RISQUE

des opérations quotidiennes, en passant par l’équipe ‘Risque’. Des

De quel type de programme de gestion du risque une entreprise

questions telles que : Quel est le niveau de risque? Quel niveau de

a-t-elle besoin? Répondre à cette question requiert de passer par

risque suis-je prêt a prendre? Les sociétés qui adoptent une poli-

différentes étapes logiques:

tique de risk management au sein de leur entreprise et qui lient

1.

Etablir les directives stratégiques: qu’attend l’entreprise de ce

celle-ci à la stratégie comprennent l’équation risque-bénéfice de

programme de gestion du risque? Répondre à cette question

chaque décision. C’est aussi simple – et critique – que ça.

requiert d’interviewer les intervenants majeurs, tels que le conseil de direction, les sponsors du projet ainsi que certains

QUEL NIVEAU DE MATURITÉ?

cadres. Le rôle de l’équipe responsable de la gestion du risque va également être déterminé à ce moment.

On distingue trois niveaux de choix et il n’y a évidemment pas de meilleur choix pour toutes les sociétés. En choisissant où l’entre-

2.

Donner le cap: cette étape concerne la définition du risque

prise veut se placer sur le spectre de la gestion du risque, elle décide

que l’entreprise accepte de supporter. Cela demande à l’entre-

de la culture de gestion du risque qu’elle veut implanter.

prise d’évaluer l’ensemble des risques – marché, crédit, opé-

rationnels et stratégiques – et de décider comment chaque

Risk management et législation: dans ce modèle, les priorités de

risque va être mesuré.

la politique de gestion de risque sont définies par les contraintes réglementaires. Il n’y a pas ni processus, ni rôles, ni respon-

Choisir le modèle: des objectifs sont fixés pour chaque para-

sables pour gérer les risques. La technologie est limitée. Au

mètre de gestion du risque. Pour contrôler ces objectifs, des

final, l’entreprise est en règle mais est vulnérable aux risques

indicateurs de mesure (KPIs) sont utilisés pour identifier le

non prévus et manque de contrôle sur les risques attendus.

type de risque qui est pris et si celui-ci se trouve dans la plage définie par l’entreprise.

Risk management et protection de valeur: dans ce cas, il existe davantage de contrôles et de procédures. Ce niveau de maturi-

4.

Identifier les écarts entre la nouvelle stratégie de risque et

té est caractérisé par différentes fonctions de risque, chacune

la stratégie existante. Les différences peuvent concerner la

utilisant ses propres mesures et règles. Néanmoins, chacune

gouvernance, la structure, la méthodologie, le personnel ou

d’entre elles se concentre uniquement sur une entité ou une

encore les outils.

région. Il n’y a pas de vue agrégée du profil général de risque

3.

5.

Définir la stratégie: cette étape initialise la transition du

de la société. Ce modèle minimise les risques attendus et pro-

programme vers son implémentation. En résulte une liste

tège dans jusqu’à un certain point de risques non prévus.

d’initiatives liées à chaque zone fonctionnelle de l’entreprise,

Risk management et création de valeur ajoutée. Un comité indé-

nécessaires à l’implémentation de la nouvelle stratégie.

pendant du risque est formé pour surveiller les risques courus par l’entreprise. Une politique officielle du risque et des niveaux de tolérance sont basés sur de l’information en temps réel, et non uniquement sur de l’information passée. Des normes sont

Cette rubrique a pu être

mises en place à travers l’entreprise, couvrant toutes les dimen-

réalisée grâce à

sions des activités. Sur base de cette analyse générale, l’entre-

la collaboration de FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009

17


FISCALITÉ DOSSIER : RISK MANAGEMENT TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

La gestion des risques est une culture 18

Si Euroclear est sortie indemne de la faillite de Lehman Brothers, ce n’est pas par hasard. Les processus mis en place pour optimiser la gestion du risque, la culture d’entreprise et les exercices pratiques réguliers de résolution de telles crises ont pu démontrer toute leur efficacité. Partage d’expérience avec Andrée Sonck, directrice Strategic and Programme Risk Management.

L

a faillite de la banque d’investissement multina-

par les marchés et agréés avec les clients. Et cette contrepartie

tionale Lehman Brothers, le 15 septembre 2008,

qui tombait ne devait pas empêcher l’exécution des autres tran-

suite à la crise financière mondiale née de la crise

sactions. Nous avons dû rapidement décider quelles transactions

des subprimes, a déclenché une onde de choc

de Lehman laisser passer. Une tâche dont nous nous sommes ac-

planétaire. Euroclear, comme les autres banques, a été exposée.

quittés avec succès, grâce à une excellente coordination au sein

Mais contrairement à la concurrence, parfois bien plus mal lotie,

de la société, avec nos clients et en collaboration avec les admi-

Euroclear n’a pas connu de conséquences de cette défaillance.

nistrateurs. Tout le monde a suivi les mêmes injonctions. » Cette

Pourquoi? Les raisons sont nombreuses… Tout d’abord, Euroclear

résilience, si importante pour Euroclear, est garantie par des po-

ne fait pas de commerce. Là où nombre de banques ont subi des

litiques et des procédures qui expliquent quelles sont les limites

pertes importantes à cause des subprimes, Euroclear, qui n’inves-

de risques acceptées, quels contrôles sont mis en place pour

tit pas de façon spéculative, n’a pas souffert. Ensuite, en référant à

assurer que les risques soient correctement identifiés et élimi-

ses contrats avec Lehmann et à la loi belge, Euroclear a pu vendre

nés ou réduits et, en cas d’incident, quels responsables prévenir

les titres gagés en sa faveur pour récupérer les fonds cash prêtés.

pour décider des actions à prendre.

Jusqu’au dernier euro et en l’espace de quelques semaines seulement. Deux points importants car ce ne fut pas le cas pour tous.

EXERCICE INCENDIE

Selon Andrée Sonck, cette crise subite fut particulièrement déli-

Deux autres facteurs ont également fait leurs preuves dans

cate à gérer car Lehman se positionnait comme une contrepar-

la gestion de la faillite de Lehman: le système d’évaluation du

tie au milieu d’un jeu de dominos. « La résilience constitue notre

collatéral et la gestion des liquidités. « Euroclear Bank est une

priorité numéro un, explique-t-elle. Le groupe Euroclear, quoi qu’il

‘single purpose bank’, avec des activités très ciblées de prêt intra-

advienne, doit assurer ses services à tous ses clients locaux et in-

day – 24 heures maximum – pour faciliter le règlement-livraison.

ternationaux, en optimisant le taux d’exécution des transactions

Nos expositions sur clients sont collatéralisées à hauteur de 99%,

d’achat et de vente de titres, dans les délais quotidiens imposés

par des actifs de très haute qualité. Lorsque Lehman fut mis en

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009


teurs financiers veulent payer de moins en moins pour leur back office et ne plus prendre le moindre risque. « La plus grande frustration des marchés financiers provient du fait que plus personne ne sait où se situe le risque, suite à sa propagation déclenchée par la mondialisation. Nous avons la capacité et le devoir d’aider le marché dans ce domaine en renforçant le suivi des risques systémiques. Il faut réapprendre à anticiper le risque et ses impacts. Une façon d’y arriver réside dans un principe de base d’Euroclear: ‘Connaissez vos clients, leur business et leurs contreparties’. »

PROGRAMMES STRATÉGIQUES Pour atteindre ses objectifs, Euroclear développe aussi, depuis plusieurs années, une plateforme européenne de règlement-livraison et de services custody1 multidevises pour harmoniser les pratiques nationales, renforcer l’automatisation des traitements et la standardisation des interfaces de communication avec sa clientèle. Ses développements sont compatibles avec l’initiative TARGET2-Securities, lancée par la Banque Centrale Européenne en 2006, et visant à construire une plateforme au niveau de l’Europe pour l’exécution

Andrée Sonck: « Il faut réapprendre à anticiper le risque et ses impacts. Une façon d’y arriver réside dans un principe de base d’Euroclear: ‘Connaissez vos clients, leur business et leurs contreparties’. »

des transactions sur titres (extension de la plateforme TARGET2 actuelle qui permet d’exécuter les transactions en euro). Depuis deux ans, Euroclear a d’ailleurs créé deux nouvelles fonctions au sein de la gestion des risques: « strategic risk » et « strategic programme risk », particulièrement utiles dans le contexte

faillite, nous avons liquidé le collatéral – des titres du portefeuille de

actuel. « Lors de nos analyses des risques stratégiques, nous devons

Lehman que nous avions évalués – et il se trouve que nous avons

nous assurer de la validité de notre stratégie actuelle, en fonction du

pu revendre ces titres à la valeur estimée. La crise des liquidités qui

contexte qui évolue. Nous devons également veiller à ce que nos ob-

s’en suivit sur les marchés financiers n’a jamais impacté Euroclear,

jectifs correspondent aux besoins du client et peuvent être réalisées

même pour ses activités bancaires. A tout moment, Euroclear Bank

grâce à nos ressources humaines et financières. Enfin, cette stratégie

a trouvé les fonds nécessaires pour exécuter les paiements de ses

doit être parfaitement communiquée au sein de l’organisation: si ce

clients: ceci démontre et explique que les grandes banques ont tou-

n’était pas le cas, les décisions risqueraient de ne pas converger dans

jours conservé leur confiance en Euroclear. Notre approche réputée

la même direction. D’autre part, la Plateforme Unique sur laquelle

très conservatrice a permis à Euroclear de jouer un rôle stabilisateur

nous travaillons représente un investissement considérable. Quand

depuis le début de la crise financière. »

on analyse les risques de tels programmes stratégiques, l’objectif est

Pour Euroclear, la gestion des risques représente bien plus qu’une

de s’assurer que, par rapport à ce que nous avons promis – à savoir

politique. Il s’agit d’une véritable culture quotidienne. Les politi-

délivrer cette plateforme pour un prix donné avec une qualité don-

ques en place sont appliquées au jour le jour. Et régulièrement,

née et à un moment donné – nous devons éviter que puisse survenir

l’entreprise procède à des exercices de mise en pratique, afin de

un retard, un dépassement de budget ou que l’on développe un pro-

s’assurer que ses employés et consultants les connaissent sur le

duit qui ne serait plus en ligne avec ce que le client attend. »

bout des doigts. Quelques mois avant la crise Lehman, Euroclear

Néanmoins, à ce jour, le plus grand risque pour Euroclear

avait mis en place une simulation de défaillance d’un grand

reste le risque opérationnel. « Nous avons des clients dans plus

client. Cette répétition générale a impliqué tous les niveaux de

de 90 pays, des titres dans plus de 50 devises différentes et des

l’organisation, jusqu’à la direction, et a eu pour objectif de sus-

transactions exécutées en 2008 pour un montant de 560.000

citer les bonnes réactions des collaborateurs, la transmission

milliards d’euros, conclut-elle. Dans un tel contexte, une erreur

parfaite de la communication et la diffusion au moment oppor-

humaine ou un incident technique peut toujours se produire.

tun de l’information, notamment vers le client. « La coordination

Ici aussi, la gestion des risques, l’expérience des employés et le

avec les prospects est devenue primordiale. Dans de telles crises fi-

niveau de contrôle dans toute l’organisation sont les mesures de

nancières, nous sommes assaillis de questions. Or, une fois qu’une

prévention critiques pour préserver la disponibilité et la qualité

faillite est officiellement déclarée, on peut prendre une série de

des services Euroclear en toute circonstance. »

mesures sans pour autant alarmer le marché. » En à peine six mois, le contexte bancaire a complètement évolué.

1 Custody, ou conservation, est un service offert par certaines

Aussi, pour 2009, Euroclear a reçu le mandat de poursuivre ses

banques à d’autres investisseurs du marché. Il consiste à gé-

efforts en matière de réduction des coûts et des risques pour ses

rer pour le compte de ces investisseurs toutes les opérations «

clients et dans l’entreprise elle-même. Car, désormais, tous les ac-

post-marché » liées à leurs portefeuilles de titres. FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009

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FISCALITÉ DOSSIER : RISK MANAGEMENT TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Maître-mot: prévention! Suite à la dégradation de la situation économique mondiale, Euler Hermes a renforcé sa vigilance face au nombre de défaillances brutales. La crise du crédit se transforme en crise de confiance, s’étend à l’économie réelle… et la prévention du risque d’impayés n’a jamais été aussi pertinente qu’aujourd’hui: en Europe, les impayés sont à l’origine de 25% des défaillances des entreprises! Retour sur un métier d’équilibriste.

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D

ans le contexte actuel de crise du crédit, nous

d’épingle par rapport à l’ensemble de l’économie mondiale,

avons lu et entendu beaucoup de choses, parfois

le groupe Euler Hermes entretient des contacts permanents

contradictoires voire erronées, à propos du rôle

avec des organisations des quatre coins du monde, afin de

et de la valeur ajoutée de l’assurance-crédit. L’as-

collecter l’information la plus pertinente. Celle-ci permet de

surance-crédit permet à une entreprise de sous-traiter la gestion

qualifier une entreprise, notamment au travers d’un chiffre,

des « risques » clients afin de sécuriser son « portefeuille clients »

appelé grade, qui estime le risque couru pour soutenir une

et son encours, optimiser sa trésorerie, éliminer la coûteuse stra-

entreprise (1 caractérisant les meilleures organisations et 10

tégie des provisions internes et élargir ses exportations. En effet,

celles au bord de la faillite).

la gestion des risques débiteurs nécessite des ressources considé-

Ensuite, sur base de cette information, l’assureur-crédit devra

rables (information, analyse, informatique, personnel, etc.).

en permanence décider du devenir de la couverture des lignes

C’est pourquoi, à elle seule, une entreprise ne peut assumer

de crédit accordées aux assurés pour les besoins qu’ils rencon-

autant de risques que lorsqu’elle peut partager celui-ci avec

trent dans leurs relations avec leurs clients. Ces lignes vont aug-

un partenaire. Le recours à un assureur-crédit permet à une

menter, diminuer, être résiliées ou renouvelées… en fonction

entreprise de se concentrer sur sa véritable activité de service

de la qualité et la solvabilité de l’acheteur. « Quotidiennement,

et/ou de production et de vente, tout en étant protégée contre

des dizaines de milliers de lignes de crédit sont revues au sein du

le risque important que représentent ses créances commercia-

groupe Euler Hermes, afin de déterminer le montant et la qualité

les. Ne l’oublions pas, un client qui ne paie pas peut ébranler

du risque à prendre à propos d’une entreprise », souligne Jean-Luc

complètement la liquidité et la solvabilité d’une entreprise!

Louis, CEO d’Euler Hermes Credit Insurance Belgium. En troisième niveau, intervient la récupération de créance. « Dès

QUATRE NIVEAUX

qu’une entreprise assurée signale ne pas avoir été payée par le

L’assurance-crédit garantit donc la bonne fin des créances

client, elle peut, si elle le souhaite, faire appel à notre service de

commerciales des entreprises assurées à l’égard de leurs

recouvrement de créances. Ce n’est que dans un quatrième temps

clients belges ou étrangers. Car, pour récupérer la perte d’une

– et c’est pour cela qu’un assureur-crédit fait partie du monde des

créance, il est nécessaire de réaliser un chiffre d’affaires sup-

assurances – que nous indemnisons, si à un moment ou à un autre

plémentaire de 10 à 100 fois plus important que le montant de l’impayé. L’assurance-crédit constitue donc un outil de gestion du risque commercial, moyennant le paiement d’une prime, afin de couvrir le non-paiement de ses créances dues par ses débiteurs (entreprises ou indépendants) en état de manquement (par exemple une faillite). Pour accomplir son métier, un assureur-crédit met en œuvre l’ensemble des moyens d’information dont il peut disposer. Etant donné que l’économie belge représente une tête FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009

« L’adage No news is good news appartient au passé. Désormais, le No news, is bad news règne en maître. »


dans la chaîne, nous nous sommes trompés ». Un assureur-crédit n’est donc ni une machine à subsides, ni un fournisseur de crédit, ni un instrument de l’Etat pour aider les entreprises en difficulté. « Il faut, bien entendu, soutenir ces entreprises. Mais pas au prix de notre propre survie. Notre métier concerne la prévention du risque, c’est déjà bien assez. Certains secteurs sont plus exposés que d’autre, comme par exemple la construction en Espagne où 80% des sociétés sont amenées à disparaître dans un futur proche. Fixer une prime constitue bel et bien une tâche délicate. Il faut prendre en considération de nombreux facteurs, comme l’environnement sectoriel. » Dans un tel contexte, pour 2009, on devrait assister à une hausse généralisée des tarifs d’Euler Hermes, d’une dizaine de pourcents au minimum.

LES PIEDS SUR TERRE S’il « coûte » un minimum d’argent à l’entreprise, un assureurcrédit, quel qu’il soit, semble aujourd’hui indispensable. Nous évoluons désormais dans un monde de dangers, où les risques de faillites ont sensiblement augmenté et où les surprises – heureuses et malheureuses – frappent aux moments les plus inattendus. Un assureur-crédit est donc utile pour couvrir mais surtout pour couvrir un risque qui en vaut la peine. « Nous agissons dans un rôle de prévention. Néanmoins, avec la crise, certains souhai-

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teraient nous voir agir de manière curative. Cela n’a pas de sens. Personne ne demande à un médecin d’abandonner son travail de prévention pour uniquement soigner ses patients déjà malades. » Face à la crise, Euler Hermes a néanmoins adapté son mode opératoire en faisant d’une prudence encore plus soutenue. « Mais si nous nous montrons prudents, nous ne sommes toutefois pas devenus peureux. Il faut maintenir le métier de couverture de risque là où cela reste possible ». Le principal impact de cette attention fut exercé sur l’organisation de l’entreprise. Aujourd’hui, il faut aller plus vite dans la mise à jour de l’information. L’adage No news is good news appartient au passé. Désormais, le No news, is bad news règne en maître. « Pour une entreprise qui ne communique pas, nous partirons malheureusement du principe qu’elle a quelque chose à cacher. Il est de toute façon préférable qu’un entrepreneur nous parle des problèmes rencontrés, afin que nous puissions trouver ensemble une solution. Car de toute façon, tôt ou tard, nous allons découvrir ces problèmes ». Jean-Luc Louis avoue d’ailleurs qu’Euler Hermes a sérieusement fait marche arrière en matière d’outils de gestion et de contrôle. « Nous faisons beaucoup plus confiance à l’intelligence de l’être humain. Lui seul peut appréhender le monde dans une telle inconnue que celle d’aujourd’hui. Le passé n’a rien à voir avec ce que nous vivons. Or, tous nos modèles étaient basés sur le passé… » Il estime toutefois que l’esprit d’entreprendre doit rester vivant en Belgique. « Les entrepreneurs devront probablement mettre un peu d’argent de côté avant de se lancer dans l’aventure et les partenaires solides existent encore. Mais une des clés du succès reste l’innovation, comme par exemple dans le secteur des énergies. Les entrepreneurs doivent continuer à rêver et construire des projets. Mais ils doivent garder les pieds sur terre, et être parés à affronter deux années délicates. »

Jean-Luc Louis: « Avec la crise, certains souhaiteraient nous voir agir de manière curative. Cela n’a pas de sens. Personne ne demande à un médecin d’abandonner son travail de prévention pour uniquement soigner ses patients déjà malades. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°26 - AVRIL 2009


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