EN PRATIQUE SOMMAIRE
N°40 - SEPTEMBRE 2010
Dossier
Finance & Entreprenariat Le directeur financier est-il d’abord et avant tout un « technicien » ou peut-il aussi apporter une collaboration active à l’entrepreneurship? Comment définir cet esprit et le stimuler dans le cadre d’une fonction de support? Réponses dans notre dossier.
FISCALITÉ: OPTIMISATION DES COÛTS DOSSIER TEXTE : LAURENT CORTVRINDT
Ces financiers qui ont lancé leur boîte Dans l’entreprise, le directeur financier est souvent vu comme le garde-fou de l’entrepreneur, une personne cartésienne, les pieds sur terre et qui ne quitte pas les chiffres des yeux. Fabrice Wuyts, Cédric Van Kan et Eddy Geerkens ne l’entendent pas de cette oreille. Abandonnant toute certitude, ils ont décidé de sauter le pas et de lancer leur propre affaire.
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A
la sortie du secondaire, Fabrice Wuyts sent
de travail. En outre, les petits magasins, les indépendants et
immédiatement naître l’envie de diriger son
les PME se voyaient, à cette époque, vraiment délaissés par les
propre business. A cette époque, il pense
grands joueurs. Mon envie de voler de mes propres ailes dé-
ouvrir un magasin de sports. Un moyen bien
coule donc, en grande partie, de la prise de conscience d’un réel
pratique pour continuer à assouvir ses passions tout en effec-
marché, combiné à mes compétences en matière de gestion…
tuant ses premiers pas dans la vie professionnelle. Il décide
et au souhait de créer mon entreprise. »
alors assez naturellement de suivre des études financières, afin de se doter du bagage technique nécessaire à la bonne
SAVOIR S’ENTOURER
gestion de ses affaires. Son graduat en comptabilité en poche,
Conscient de ses lacunes dans certains domaines, Fabrice
il monte finalement un petit bureau comptable et une boîte
Wuyts cherche un associé au profil commercial. « Pour de-
d’informatique spécialisée dans la vente et l’installation de
venir un patron polyvalent, les bases financières sont impor-
logiciels de comptabilité.
tantes. Je ne dirais pas qu’un financier aura aisément la fibre
Sa carrière prend ensuite de l’ampleur et Fabrice Wuyts occupe
commerciale s’il s’intéresse à cette matière. Mais un commer-
durant six ans le poste de responsable financier d’une entre-
cial appréciera très rarement les chiffres comme peut les aimer
prise active dans la sécurité des personnes. Lorsque celle-ci est
un financier. Et tout maitriser me semble très compliqué. »
rachetée par un puissant groupe américain, il se voit proposer
Aujourd’hui, le patron de Proximedia avoue toutefois avoir
la direction financière pour l’Europe. Un poste basé à… Lyon.
un profil plus généraliste que financier. Avec le temps, il s’est
« A cette époque, je ressentais déjà des fourmis dans les jambes,
notamment aguerri des compétences commerciales. « Mais
confesse-t-il. Je venais de vivre quelques années auprès d’une
je reste aux aguets des comptes et reportings. Ces activités me
direction commerciale construite sur un modèle parfaitement
tiennent à cœur. »
huilé et organisé. Je voulais retrouver mon indépendance et
Diplômé de Solvay, Cédric Van Kan débute sa carrière par un
revenir vers ce qu’on connaît dans les plus petites entreprises de
trajet tout à fait classique: auditeur financier chez KPMG, il
services, où tout le monde touche à tout. »
touche ensuite à la consultance financière avant de travailler
Nous sommes en 1998: Proximedia naît. Fabrice Wuyts
chez PricewaterhouseCoopers en activity based costing. En
identifie plusieurs facteurs déclencheurs expliquant ce désir
l’an 2000, en plein éclatement de la bulle internet, le premier
d’entreprendre. « J’ai toujours été fasciné par l’informatique et
« déclic » entrepreneurial survient. « J’étais en début de car-
je souhaitais en faire mon core-business. Nous étions en plein
rière et, donc, je n’avais pas grand-chose à perdre. Je jonglais
avènement d’internet et l’e-mail devenait un véritable outil
déjà à l’époque avec le web et, accompagné par un ami, je
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
crée une société active dans le marketing par e-mail où, assez naturellement, les aspects financiers font partie de mes compétences principales. » En 2002, l’entreprise a bien grandi et elle se fait racheter par Belgacom-Skynet. Cédric Van Kan devient directeur financier chez Skynet, un poste qu’il occupera pendant quatre ans. Le management de Skynet est alors remanié et Cédric Van Kan ne manque pas l’occasion: il crée à nouveau deux sociétés. La première, Xpertize est active dans le recrutement et la seconde, Radionomy, touche aux radios sur Internet. « Je pense que mes envies d’entreprendre – et réentreprendre – ne m’ont, en réalité, jamais quitté. Même si, avec une vie de famille et des enfants, la situation est sans doute plus difficile. Vos choix n’ont plus les mêmes implications. En plus, cette fois, nous avons été confrontés à la crise qui a suivi l’éclatement de la bulle internet. Ma première expérience d’entrepreneur fut sans doute plus simple, mais je le vis avec philosophie en me disant qu’on apprend tous les jours. »
LIBERTÉ De ses différentes créations, il retient un principe fondamental: il faut (bien) s’entourer. « Je vois l’équipe de base comme le fondement même de la société. Je sais que je ne pourrais pas
Fabrice Wuyts: « Pour devenir un patron polyvalent, les bases financières sont importantes. Je ne dirais pas qu’un financier aura aisément la fibre commerciale. Mais un commercial appréciera très rarement les chiffres comme peut les aimer un financier. »
tout faire tout seul. Par exemple, je ne serai sans doute jamais un bon commercial. Et c’est le cas de nombre de financiers. Or, le responsable commercial joue souvent le rôle de moteur
ensuite rachetée par une plus grande structure américaine
de votre entreprise. » Cédric Van Kan a d’ailleurs l’habitude
et, bien malgré lui, il vit de près certains jeux politiques.
de dire qu’il préfère une bonne équipe autour d’un mauvais
Pour s’épanouir, il accompagne un managing director au
projet qu’un bon projet soutenu par une mauvaise équipe.
sein d’une petite entreprise belgo-anglaise active dans le
Néanmoins, notre financier entrepreneur en est persuadé:
même créneau et y retrouve un poste de contrôleur et de
la finance aide vraiment dans la création d’une société. Il la
responsable de la comptabilité pour l’Angleterre, la Belgique
considère même comme (presque) indispensable.
et le Luxembourg. Une partie de la semaine, le travail s’ef-
Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, des bases financières
fectue depuis Londres.
permettent d’élaborer un business plan qui tienne la route,
A nouveau, Eddy Geerkens voit son entreprise se faire absorber
avec toute la rigueur professionnelle attendue par les diffé-
par une major, anglaise cette fois. « Ne souhaitant pas pour-
rents acteurs. « Un Excel tonitruant ne sert à rien si on ne peut
suivre l’aventure londonienne, avec Mark Moustie, nous décidons
le défendre devant les investisseurs ou les banques. Il faut faire
de lancer notre activité, en 2002. Nous travaillions ensemble
preuve de crédibilité et la finance aide à formaliser un business
depuis 1994 et l’idée nous trottait dans la tête depuis trois ou
plan. » Autre point fondamental de la vie d’une entreprise: le
quatre ans. Le moment était venu de passer à l’action et nous
cash management. En soi, rien de bien compliqué. Mais là
avons saisi l’opportunité. Une ère se terminait et nous allions
aussi, des connaissances sont les bienvenues pour gérer les
en commencer une autre avec Qernel Management Services. »
revenus et les coûts au plus serrés. « Surtout les coûts au dé-
Eddy Geerkens veut devenir maître de son destin en prenant
but car les revenus, en réalité, seront souvent absents. La stricte
lui-même ses décisions. Et pour y arriver, il lui faut s’affranchir
gestion du cash par rapport au business plan et au budget est
de la maison-mère anglaise. « En fait, mon profil était teinté
indispensable. De mes expériences, je retiens que l’on vit tou-
d’entrepreneurship. Même si le monde de la consultance se trou-
jours une période où on tire un peu sur la corde. Sans cash de
vait un peu dans le creux de la vague, je ressentais un besoin vital
côté, on peut rapidement se retrouver sous l’eau, surtout lors
de me lancer. »
des trois premières années d’une entreprise. On apprend vite à couper un euro en quatre avant toute dépense. C’est un réflexe fondamental de financier; une rigueur qui, si elle fait défaut, peut causer la perte d’une entreprise. » Eddy Geerkens a débuté sa vie professionnelle en tant que comptable, il y a plus de 25 ans. Gravissant peu à peu les échelons, il accède au poste de contrôleur. Son entreprise est
« Le passage à l’acte reste un risque, ne nous voilons pas la face. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
Or, quand on grandit, il faut naturellement des idées… mais également des moyens de financement pour les concrétiser. « J’ai connu beaucoup d’entreprises, avec d’excellentes idées, mettre la clé sous le paillasson avant d’avoir soufflé leurs deux bougies. Parce qu’elles ont trop investi et que le cash ne rentrait pas ou, en tout cas, pas assez vite. Combien de patrons s’achètent une belle voiture parce qu’ils pensent que l’argent de la caisse leur appartient? Nous avons traversé les crises grâce à une gestion de bons pères de famille. L’argent mis de côté servi pour traverser les mauvaises périodes. »
GRAIN DE FOLIE Passer de l’idée géniale à la concrétisation n’est pas très compliqué, à en croire Fabrice Wuyts. Il conseille néanmoins la plus extrême prudence concernant les quantités. « Pour être viable et rentable à court, moyen et long terme, il faut viser un objectif inférieur à ce qui peut sembler raisonnable ou à ce que l’on aura pu benchmarker si un produit similaire existe déjà sur le marché. Le passage à l’acte reste un risque, ne nous voilons pas la face. Il faut de l’envie, être convaincu par le produit et son marché, bien maitriser son sujet au niveau des finances, ne pas tirer de plans sur la comète et rester factuel dans le business plan. » Cédric Van Kan, de son côté, s’est notamment lancé pour
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exercer un impact direct sur le tissu économique. « Quelle satisfaction que de créer des emplois, de la valeur ajoutée
Cédric Van Kan: « On peut rapidement se retrouver sous l’eau, surtout lors des trois premières années. On apprend à couper un euro en quatre avant toute dépense. C’est un réflexe fondamental de financier qui, s’il fait défaut, peut causer la perte d’une entreprise. »
et de contribuer à la croissance d’une région. » Le patron d’Xpertize et de Radionomy, de nature autonome, apprécie également de travailler à son compte et pour ses passions, ainsi que ce côté « multitâches » que l’on retrouve essentiellement dans les PME. « Toutefois, je ne suis pas certain que beaucoup de directeurs financiers aimeront monter leur affaire. Je vois plus ce ‘shift’ s’effectuer chez des commerciaux
Heureusement, pour passer de l’idée au concret, Eddy Gee-
ou d’autres profils. Ce sont des caractères plus entreprenants
rkens et Mark Moustie peuvent tabler sur une base solide:
de nature. Le financier possède, presque par définition, un
ils maîtrisent le métier mieux que quiconque, ils ont les res-
ADN de gestion du risque. Mais un passé de financier aide
sources humaines à disposition, ils connaissent le marché et
réellement et j’encourage mes collègues car leurs compé-
son potentiel… Et dans leur business plan, les deux associés
tences apportent vraiment un réel plus. Il suffit simplement
ne manquent pas de mentionner ces avantages indéniables
de faire parfois preuve d’un peu de folie. »
et substantiels. « Mark était le visionnaire, j’étais le contrôleur.
Cédric Van Kan reste, lui aussi, très critique quant aux ana-
Une parfaite combinaison de profils. C’est impératif: une vision
lyses de marché. Un exercice difficile à réaliser de manière
stratégique ne suffit pas. » Selon lui, nombre d’entreprises
tout à fait objective quand on est animé d’une passion et
font preuve d’une bonne maîtrise du business. Malheureuse-
que l’on est convaincu d’avoir trouvé l’idée qui va « casser la
ment, elles négligent totalement le back-office.
baraque ». Sa recommandation: oser se confronter à d’autres personnes et se mettre à nu pour écouter les critiques, les assimiler et agir en conséquence, sans se laisser aveugler par son idée. « En outre, il conviendra de s’assurer que l’on
« Dans un business plan, il faut avoir l’honnêteté de diviser ses revenus par quatre et de multiplier ses coûts par deux. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
dispose d’une autonomie financière suffisante. Durant six à douze mois, l’entreprise ne va certainement pas gagner des ponts d’or. Enfin, avant de vous lancer en tant qu’entrepreneur, demandez-vous si vous êtes bien taillé pour relever le défi. Un entrepreneur encaisse des mauvais coups et traverse parfois des périodes difficiles. Dans ces moments, pouvoir compter sur un associé ou une équipe peut se révéler capital. On s’épaule et on se remotive les uns les autres. »
Travailler en équipe, c’est précisément ce qu’ont fait Eddy Geerkens et Mark Moustie. Pour lancer Qernel Management Services pendant la crise, les deux entrepreneurs ont, dans un premier temps, vécu sur leurs primes de départ. « Au début, nous avons diminué les salaires de base pour chaque consultant, avec comme garantie un beau bonus en fin d’année, selon les résultats. Et, peu à peu, les salaires ont augmenté au fur et à mesure que les contrats rentraient. » Pour garantir un train de vie confortable aux employés tout en faisant des économies, l’entreprise reprend les contrats de facility management de sa maison-mère (voitures de sociétés, gsm, ordinateurs portables, etc.). « Une situation de win-win. La maison-mère ne payait pas d’indemnités pour rupture de contrats et nous maîtrisions nos coûts. Nous avons profité de certaines possibilités mais, plus largement, chaque membre de l’entreprise a consenti à faire des efforts en pariant sur l’avenir. » Eddy Geerkens et Mark Moustie ont ainsi assuré le financement de leur entreprise sur fonds propres durant quelques mois, le temps que les nouveaux projets alimentent les comptes.
RESTER OUVERT Parmi les points d’attention, Fabrice Wuyts conseille tout particulièrement de rester ouvert à toutes les thématiques
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non-financières. « Je côtoie le métier commercial désormais depuis 18 ans. Ma perception, compréhension et acceptation ne sont plus du tout les mêmes. Au début, je considérais que les commerciaux devaient être cadrés. Je faisais sans doute preuve d’un certain manque d’ouverture. Le management commercial est, par définition, très désorganisé. Certaines règles peuvent se montrer contradictoires avec celles de la finance. J’ai appris
Eddy Geerkens: « Il ne faut jamais croire que l’on peut et sait tout faire. Quand nous nous lançons dans un nouveau projet, nous procédons par milestones. Et, si nécessaire, nous abandonnons, même si c’est parfois difficile à accepter. »
à respecter leur façon de fonctionner et à m’ouvrir aux challenges, par exemple en me montrant créatif quant aux méthodes de rémunération d’un commercial. »
ses coûts par deux. On voit toujours les choses de manière
Aussi, Fabrice Wuyts souligne l’importance des ressources
beaucoup trop optimiste. » En matière de financement, Cé-
humaines dans le quotidien d’une entreprise. « J’essaye aussi
dric Van Kan regarde souvent du côté de la France où des in-
de rester attentif aux questions d’entretien, d’évaluation, de
citants fiscaux poussent les privés à investir dans des Fonds.
mise en place de politiques salariales, etc. En règle générale,
Une pratique presque inexistante en Belgique. « L’argent ne
quand on a un profil financier et qu’on devient entrepreneur, il
fait pas dans le patriotisme. Si le projet est jugé porteur, les
faut faire preuve d’assertivité. » Comme dernière suggestion,
investisseurs n’hésitent pas. En plus, avec la France, il n’y a pas
Fabrice Wuyts souligne l’importance de l’ouverture capitalis-
de barrières linguistique ou culturelle. Bien souvent, un projet
tique. « Je possédais 68% des parts à l’ouverture et mon associé
belge accuse un manque de crédibilité aux Etats-Unis… tout
historique était minoritaire. Pour pouvoir aller plus loin dans
simplement parce que vos interlocuteurs sont incapables de
le financement, nous avons accepté la présence d’un banquier
situer la Belgique sur une carte. »
dans l’actionnariat, à hauteur de 10% et avec un présence au
Pour Eddy Geerkens, une entreprise doit aussi se concentrer
conseil d’administration. En définitive, ce fut une expérience
sur des domaines spécifiques à son savoir-faire. « Ne jamais
très enrichissante pour toutes les parties. Et plus de dix ans plus
croire que l’on peut et sait tout faire. Quand nous décidons
tard, ce même partenaire banquier continue à nous soutenir. »
de nous lancer dans un nouveau projet, nous procédons par
De son côté, Cédric Van Kan retient une erreur souvent com-
milestones, avec un objectif précis à atteindre après un cer-
mise par les financiers: la valorisation à tout va. « Or, parfois,
tain laps de temps. A chaque étape, nous analysons et rééva-
il faut voir à plus court terme sans faire la fine bouche. J’ai
luons si le projet en vaut toujours la peine, si l’investissement
vécu cette situation en refusant un deal. Quelques mois après,
est rentable, si le chiffre d’affaires est bien celui espéré. Et si
la crise éclatait… et une telle offre n’allait pas se représenter
nécessaire, nous abandonnons, même si c’est parfois difficile
de si tôt. C’est pourquoi dans un business plan, il faut avoir
à accepter. Un entrepreneur doit se montrer très strict sur la
l’honnêteté de diviser ses revenus par quatre et de multiplier
gestion des projets internes. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
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Le CFO sera entreprenant par sa capacité à anticiper 22
Le directeur financier est-il d’abord ou avant tout un « technicien » ou peut-il apporter une collaboration active à l’entrepreneurship? Comment définir cet esprit et le stimuler dans le cadre d’une fonction de support? Olivier Witmeur, professeur titulaire de la Chaire Bernheim d’entrepreneuriat à la Solvay Brussels School, Bernard Surlemont, directeur du Centre de recherche PME et d’entrepreneuriat d’HEC-Université de Liège, et Bernard Stas, directeur financier de Profirst, apportent quelques pistes de réflexion.
P
our Olivier Witmeur, l’esprit d’entreprendre se
en utilisant de longues chaînes hiérarchiques, on tue l’esprit
définit à travers une série de variables, de modes
d’entreprendre très rapidement.
de fonctionnement et de comportements qui
Pour Bernard Surlemont, il s’agit de la capacité à se montrer
façonnent un esprit « différent ». L’entrepreneur
proactif par rapport aux événements, à faire preuve d’audace
est centré sur les opportunités, tandis que le gestionnaire se
en osant faire des choses qui sortent de sa zone de confiance et
focalise sur ses ressources et la façon de les gérer. L’entrepreneur
non en prenant des risques pour le simple plaisir d’en prendre.
est animé par une logique d’essais et d’erreurs, de structure or-
L’esprit d’entreprendre, c’est aussi le leadership. Autrement dit,
ganique alors que le gestionnaire suit une logique de planifica-
parvenir à communiquer et tirer une équipe dans son sillage.
tion et de hiérarchie. Le premier essaie de construire son projet
Car aucune réussite entrepreneuriale ne s’obtient sans l’aide
avec une équipe, là où le second aura plus facilement tendance
d’une équipe. Enfin, c’est aussi démontrer une certaine créati-
à tirer la couverture vers lui. Les comportements entrepreneu-
vité, témoigner d’un regard particulier sur l’environnement ou
riaux doivent être soutenus par un environnement favorable: la
les événements. C’est-à-dire réussir à entrevoir des opportuni-
culture de l’entreprise et son mode de prise de décision des fac-
tés, là ou d’autres verront uniquement un ciel gri.
teurs essentiels. Par exemple, en pénalisant l’échec, en refusant
Par exemple, au lendemain des incidents du 11 septembre
systématiquement un budget pour développer la créativité ou
2001, quand certains constataient la chute de marchés,
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d’autres ont décelé des opportunités dans certains créneaux, notamment dans tout ce qui touche à la sécurité. Sans généraliser, Bernard Surlemont constate que les tandems qui fonctionnent se composent d’un entrepreneur, un peu cheval fou, associé à un financier qui recadre le duo. Mais pour que le tandem fonctionne efficacement, le financier doit bien prendre conscience du rôle qu’il joue. Il doit prendre du recul sur sa relation afin de ne pas se sentir frustré de ce travail de recadrage. L’esprit d’entreprendre, c’est la volonté, tous les jours, d’aller plus loin, estime pour sa part Bernard Stas. « Un client nous paie pour une prestation, mais nous essayons toujours de délivrer quelque chose en plus. C’est un bon moyen pour le fidéliser. » Entreprendre, c’est aussi investir dans l’humain, acheter du matériel, acquérir de nouvelles techniques afin de continuer à avancer. Cet esprit est-il inné? « Sans doute un peu. Si je me replonge dans ma jeunesse, j’étais déjà celui qui organisait toutes les activités extrascolaires. Et mon mémoire de fin d’études secondaires traitait du sponsoring et des événements. J’aurais peut-être dû suivre des études de communication mais, comme j’aimais les chiffres, j’ai choisi la comptabilité. Quand je me suis rendu compte que cet univers était trop restrictif pour moi, j’ai ajouté de nouvelles cordes à mon arc. Donc, l’esprit d’entreprendre peut aussi se travailler. »
STIMULI L’esprit d’entreprendre peut être stimulé dans les études, notamment celles qui mènent à la fonction financière. En dix ans, la Solvay Brussels School a fortement développé son offre en la matière. « Nous proposons dans tous nos programmes un cours d’introduction à l’entrepreneuriat, mais également des cours plus avancés centrés sur le business planning, l’intrapreneuriat (étude des comportements au sein des grandes entreprises) et le financement des PME en croissance, reprend Olivier Witmeur. Nous offrons également des stages dans des PME et de nombreuses activités hors curriculum telle que la Start Academy. Nous ne faisons pas passer un message particulier auprès des financiers. Notre discours s’adresse à tous les managers. » Les entrepreneurs et intrapreneurs doivent maîtriser les outils classiques du manager financier mais aussi des outils plus spécifiques pour gérer les situations instables. « Contrairement à une idée reçue, j’estime que l’esprit d’entreprendre n’est pas inné. Les bons entrepreneurs développent des modes de fonctionnement et de prise de décision différents. Plus ils le stimuleront, plus leurs réflexes deviendront naturels. Etre entrepreneur ne signifie pas avoir de l’appétit pour le risque, mais plutôt développer une capacité à gérer des situations incertaines. » En Belgique, l’esprit d’entreprendre n’est pas fort développé. Nous obtenons même l’un des plus mauvais résultats à l’échelle mondiale. La Belgique cultive une forme de culture de l’échec et elle entretient une relation ambiguë à la réussite qui est trop souvent suspecte. Nous aimons bien ce qui est gris. Alors que l’entrepreneuriat, c’est plutôt blanc ou noir. « C’est pourquoi nous essayons de sensibiliser un large
Bernard Stas: « Un CFO qui reste derrière son bureau ne connaîtra jamais la réalité du terrain. Il ne pourra dès lors apporter aucune valeur ajoutée à son entreprise. »
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FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS
public. Assez logiquement, outre les formations pour entrepre-
certaine mentalité de ‘fonctionnaire’, leurs préoccupations
neurs et dirigeants de PME que nous organisons depuis plus
principales vont souvent au salaire et aux avantages. Alors
de 20 ans, nous avons commencé à enseigner l’entrepreneu-
qu’ils n’ont pas encore fait leurs preuves… »
riat auprès des étudiants en business et avons développé des
Malheureusement, Bernard Stas a le sentiment que les gens
programmes plus spécifiques pour les managers en activité. »
travaillent pour gagner leur vie et non pas pour prendre du
Mais aujourd’hui, les écoles scientifiques et d’ingénieurs
plaisir et créer quelque chose. Pour lui, les jeunes doivent
se révèlent aussi être un excellent terrain pour susciter des
absolument retrouver ce plaisir d’entreprendre! « Si je devais
vocations d’entrepreneurs et des projets ambitieux. En fait,
résumer Profirst à un seul mot, je choisirais la passion. Chaque
pour Olivier Witmeur, il faut travailler à la sensibilisation à
matin, je suis heureux d’aller travailler. Et je considère chaque
l’esprit d’entreprises plus tôt, idéalement dès le secondaire.
jour comme un nouveau challenge, y compris quand la crise frappe. Sans aucune prétention, quand je ne serai plus pas-
PLAISIR D’ENTREPRENDRE
sionné, je chercherai un nouveau challenge. »
Pour Bernard Stas, l’esprit d’entreprendre peut se développer
En matière de leadership ou de créativité, Bernard Surle-
lorsque l’on éveille les passions, en inculquant le perfection-
mont souligne que l’on peut enseigner des techniques. Pour
nisme et la volonté d’avancer. « Je crois que les études sont,
l’esprit d’entreprendre, c’est impossible. Il n’existe aucun
en général, souvent beaucoup trop théoriques. Je pousserais
cours « d’esprit d’entreprendre ». Par contre, dans la manière
davantage la pratique, par exemple à travers les stages d’entre-
d’enseigner, on peut y arriver. Il faut développer des attitudes
prises. Chez Profirst, nous accueillons beaucoup de stagiaires.
mentales au travers d’un cursus complet. Car l’esprit d’en-
Ils nous apportent leur fraîcheur et, en retour, nous les for-
treprendre n’est pas inné. Mais son déploiement nécessite
mons. Je pense qu’il faut multiplier ces expériences. En 20 ans,
une approche en profondeur. « Nous veillons à transformer
au risque de paraître vieux jeu, la situation a bien changé. Si
nos élèves en acteurs de leur apprentissage en les mettant en
les jeunes fraîchement diplômés ne font pas déjà preuve d’une
situation, en stimulant leur audace, à travers des sorties, des
24 LES CLÉS DU BUSINESS PLAN SELON… Olivier Witmeur: « Nous avons mené des recherches sur la
business plan se décompose en dépenses et en recettes,
façon dont les partenaires financiers étudient un business
face à une estimation délicate des rentrées, votre focus ira
plan. On remarque des différences sensibles entre les ana-
sur les dépenses, à gérer au plus près. »
lystes de crédit, comme les banquiers ou les administra-
Bernard Surlemont: « Pour une entreprise en devenir, j’envi-
tions publiques, et les investisseurs en capital, comme les
sage le business plan réalisé sur mesure. Je me suis toujours
business angels et les venture capitalists. Les premiers com-
montré assez réticent vis-à-vis des business plan formatés.
mencent par le plan financier. Et si celui-ci est rassurant,
Bien souvent, ils se révèlent contraignant ou trop restrictif.
ils consacreront finalement assez peu de temps à la com-
Pour souligner un aspect plus qu’un autre, tout dépend de
préhension du projet. Les seconds, par contre, s’intéressent
l’interlocuteur. Un banquier, par exemple, va surtout s’in-
en premier lieu à l’entrepreneur à ses compétences et à
téresser aux aspects financiers. Alors que contrairement
l’opportunité qu’il souhaite saisir. En ce qui les concerne, les
à ce que l’on pourrait imaginer, un investisseur va plutôt
chiffres deviennent même presque secondaires. D’ailleurs,
se pencher sur les marchés, les équipes, la stratégie, etc.,
en règle générale, plus les investisseurs sont expérimentés,
parce qu’il sait que les prévisions financières sont toujours
plus ils se focalisent sur le projet et l’entrepreneur avant
très largement optimistes par rapport aux perspectives. Je
tout. Tandis que les investisseurs plus jeunes essayent de se
retiendrais une chose essentielle dans la construction d’un
rassurer avec des chiffres. »
business plan: l’entrée sur le marché doit être bien articulée,
Bernard Stas: « Je défie toute personne fraîchement sortie
présentée et approfondie, avec une stratégie. Quand une
des études de devenir le responsable financier d’une société
entreprise déjà existante cherche des fonds pour un projet,
active dans la communication événementielle. Dans des
les prévisions sont sans doute déjà mieux cadrées que dans
circonstances économiques normales, le plan financier se
le cas d’une start-up. On dit souvent, et je pense à raison,
base sur la connaissance du métier, du marché et sur l’expé-
qu’un business plan mis régulièrement à jour est un véri-
rience. Sans une parfaite maîtrise de ces paramètres, c’est
table outil de gestion. C’est particulièrement vrai pour les
impossible car nous ne vendons pas de matériel ou du tan-
entreprises de taille modeste qui, rarement, peuvent béné-
gible mais bien un contenu et de la création. En outre, un
ficier de systèmes de gestion sophistiqués. Le business plan
business plan ne vous met pas à l’abri d’une crise car il ne
peut être un moyen de sortir le nez du guidon et prendre du
peut, tout simplement, pas l’anticiper. Etant donné qu’un
recul en cours d’année afin de voir où on se dirige. »
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rencontres, des exposés. Nous sommes bien davantage dans une démarche pédagogique globale que dans un contenu. »
LE CFO ENTRE DEUX CHAISES Et le CFO dans tout ça? Olivier Witmeur rappelle sa position parfois ambiguë. D’un côté, le CFO doit veiller à la bonne gestion des ressources au sein de l’entreprise. « C’est un peu contradictoire avec l’entrepreneuriat que l’on peut définir comme la saisie d’opportunités indépendamment des ressources dont on dispose. A priori, un CFO n’a donc pas de vocation d’entrepreneuriat. Et s’il devait s’aventurer sur des chemins très innovants dans sa gestion des finances, on serait un peu inquiet… » Mais si on revient à cette définition de l’entrepreneuriat, à un moment donné, il faudra collecter les ressources. A cet effet, on va attendre des CFO qu’ils soient capables de proposer des montages financiers, qu’ils sachent où aller chercher de l’argent. Ce sera d’autant plus vrai pour des entreprises actives dans des domaines où les opportunités à saisir sont nombreuses, où le changement est rapide. De façon plus générale, en quoi un manager – qu’il soit financier ou non – peut-il se montrer entrepreneurial dans sa fonction? Nous vivons dans un environnement de plus en plus incertain. Dans un environnement stable, les prévisions permettent d’anticiper
25
relativement efficacement ce qui va se passer et guider les décisions. Mais face à un environnement incertain, les prévisions sont impossibles. Le CFO d’une entreprise innovante doit alors définir un scénario de base mais aussi analyser les risques et anticiper différents scénarios pour guider l’entreprise dans toutes les situations. Le CFO classique sera plus réactif et adoptera une logique de mesures correctives, essentiellement basée sur le contrôle de gestion, s’il s’éloigne de son scénario de base. L’entrepreneuriat fait appel à certaines qualités chez un individu: la proactivité, l’audace, la créativité, voir la bouteille à moitié pleine plutôt qu’à moitié vide… « Chez les entrepre-
Olivier Witmeur: « Etre entrepreneur ne signifie pas avoir de l’appétit pour le risque, mais plutôt développer une capacité à gérer des situations incertaines. »
neurs, leur capacité à persévérer tout en s’adaptant aux difficultés m’a toujours frappé, souligne Bernard Surlemont. Je n’ai jamais vu une entreprise qui correspondait au business plan
Profirst est une entreprise de communication événementielle
imaginé cinq ans plus tôt. C’est bien la preuve que les choses
que Bernard Stas a rejoint il y a 12 ans. Avec son bagage en
évoluent. La souplesse est indispensable. Le CFO pourra se mon-
comptabilité, il a d’abord travaillé sans véritable objectif de
trer entreprenant dans sa fonction spécifique à travers sa capa-
carrière. Toutefois, assez rapidement, il ouvre son esprit à
cité à anticiper. »
d’autres horizons grâce à différents enseignements complémentaires: relations publiques, gestion et représentation
PERMETTRE D’AVANCER
commerciale, langues... En 1988, il rejoint l’équipe de City7,
Par rapport aux grands groupes où chaque mouvement est an-
à l’époque acteur belge incontournable de l’événementiel,
ticipé des mois à l’avance, dans les petites structures, la gestion
pour occuper un poste d’assistant financier/responsable de
s’effectue au quotidien. Le directeur financier devra, dès lors,
la comptabilité. C’est le premier tournant de sa carrière: il
faire preuve de la plus grande souplesse en termes de gestion
découvre le terrain. Puis, très vite, la gestion administrative
financière et de suivi. Pour anticiper au mieux ces évolutions,
et financière d’une société événementielle et d’une des plus
la clé du succès reste la gestion de la trésorerie. « Soulignons
grandes salles de spectacles du pays. Le second tournant se
qu’en matière de levées de fonds, les entrepreneurs et les CFO ont
produit en 1998, année où il intègre les rangs de Profirst pour
généralement tendance à sous-estimer le temps écoulé entre la
prendre la direction financière.
manifestation d’un intérêt de la part d’un investisseur et l’arrivée
A ses yeux, dans une PME et surtout dans une entreprise créa-
concrète des fonds sur un compte en banque. »
tive, le financier est considéré comme quelqu’un qui doit FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
sons. Car un CFO qui reste derrière son bureau ne connaîtra jamais la réalité du terrain. Il ne pourra dès lors apporter aucune valeur ajoutée à son entreprise. Sur les événements, je parle avec nos collaborateurs, j’écoute leurs critiques, je vois comment les équipes travaillent, je réalise où les budgets ont été dépassés et où nos marges sont intéressantes, etc. En outre, j’y rencontre nos clients. » Et quand un problème de paiement se pose, un simple appel téléphonique au management porte bien davantage ses fruits que devoir remonter toute la filière comptable. « Aujourd’hui, je suis toujours un financier, mais je me considère avant tout comme un entrepreneur. »
LE PLAN FINANCIER SELON… Olivier Witmeur: « En réalité, le plan financier est la traduction d’un plan d’action, qui lui-même est la traduction d’un plan stratégique, lui-même reflet d’une réflexion au niveau de l’environnement et des ressources dont on dispose… Aussi, aujourd’hui, plus personne, ou presque, ne croit dans un plan financier. D’ailleurs, sur le papier, tous les plans financiers sont couronnés de succès. Dans un projet entrepreneurial classique, on accuse des pertes la première année, on atteint le break even lors de la deuxième année, on engrange des gains durant la troisième et, dès la quatrième, on décroche le jackpot. C’est presque toujours la
Bernard Surlemont: « Chez les entrepreneurs, leur capacité à persévérer tout en s’adaptant aux difficultés m’a toujours frappé. Je n’ai jamais vu une entreprise qui correspondait au business plan imaginé cinq ans plus tôt. C’est la preuve que les choses évoluent. La souplesse est indispensable. »
même histoire et la méfiance est donc largement de mise. C’est pourquoi je suis partisan de plans financiers ancrés sur l’opérationnel et davantage fondés sur des opérations réelles, résumées à quelques indicateurs clé que l’on maitrise bien. Soit grâce à des benchmarks si des données disponibles permettent une prévision. Soit en ajoutant une analyse de sensibilité afin de se pencher sur les variables
freiner, ou en tout cas structurer, l’administrateur délégué
que l’on maitrise mal et déterminer quels impacts elles
ou l’entrepreneur créatif. « Lors de mes premières années chez
auront si on s’écarte du scénario de base. »
Profirst, ce fut certainement un de mes plus gros défis. Cette
Bernard Stas: « Pour une entreprise comme Profirst, le plan
société n’aurait sans doute jamais pu se développer comme
financier est avant tout important par rapport à l’extérieur.
elle l’a fait si le patron avait engagé un financier ‘normal’, très
Il sert à aller voir les banques, à rentrer un dossier pour
rigide. Grâce à ce que j’ai appris chez City7, mon précédent em-
obtenir des subsides ou pour déterminer les grandes lignes
ployeur, je pense pouvoir gérer l’humain et mes collaborateurs.
annuelles. Mais en interne, pour voir où le bateau navigue,
Et surtout, je connais le terrain. »
nous utilisons davantage des tableaux de bords. »
Le financier ne doit pas être uniquement ce responsable qui
Bernard Surlemont: « Pour une entreprise sur le point de
compte, gère et structure. Il doit aussi permettre à la société
naître, le plan financier fait partie intégrante du business
d’avancer. « Quand je suis arrivé chez Profirst, en 1998, la répu-
plan. C’est un peu la traduction chiffrée de toute la straté-
tation de l’entreprise n’était pas excellente. Comme c’était gé-
gie d’analyse du marché. Il ne doit pas être trop sophistiqué
néralement le cas, à l’époque, pour les sociétés d’événements.
dans la mesure où, parfois, on voit des analyses de ratio qui
Aussi, ma première décision fut de faire auditer les comptes
ont peu de sens. J’observe que la partie trésorerie dans les
de la société par un grand cabinet. » Une action toute simple
projections de résultat est parfois, voire souvent, négligée.
mais qui a apporté une crédibilité incroyable auprès des
Or, c’est bien le nerf de la guerre. J’attache une grande
banques et des clients.
importance aux prévisions fines mensuelles, ou à tout le
« Depuis lors, tous les jours, je cherche un moyen pour amélio-
moins trimestrielles, dans les premières années du projet.
rer l’attractivité de Profirst. J’ai notamment pour discipline de
C’est également vrai pour les entreprises déjà actives. »
me rendre sur – presque – chaque événement que nous organiFINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
FISCALITÉ: OPTIMISATION DES COÛTS DOSSIER TEXTE : CHRISTOPHE LO GIUDICE
L’interim manager est aussi un entrepreneur Le métier: interim manager. La mission: accompagner l’entreprise à faire face à une situation inhabituelle. La durée: de l’ordre de six à douze mois. Parfois plus. Parfois moins. Par nature, l’interim manager développe une orientation entreprenariale plus marquée. Tout bénéfice pour une fonction finance qui compte pour près de la moitié des missions… Eclairage.
E
27 n 2008, à la demande de Federgon, le bureau
qu’un manager classique. Dès lors qu’on introduit un interim
AsK a réalisé une étude de marché de l’interim
manager au sein d’une équipe de direction, que ce soit au top
management en Belgique. On y lit notamment
ou dans une business unit, celui-ci va de facto avoir une atti-
que ce sont surtout les départements financiers
tude de généraliste et de coach dépassant le périmètre d’un
qui recourent à l’interim management (45% des missions), de-
directeur évoluant dans cette même fonction. »
vant les RH et l’ICT. Les motifs sont de quatre ordres: garantir
Danny Nijns: « Pour un cadre, faire le choix de l’interim mana-
la continuité en l’absence d’un ou plusieurs managers, exécuter
gement, c’est faire le choix de constituer son propre business,
un projet spécifique ou un programme (Project Management),
souvent seul, avec des enjeux de gestion mais également de
faire appel à une connaissance ou à une expertise spécifique et,
marketing et de vente au plan personnel. Les missions, il faut
enfin, mener des missions de changement ou d’amélioration
parfois aller les chercher! Par ce seul constat, on se rend bien
dans l’organisation (Change and Improvement Management).
compte que l’aspect entreprenarial sera plus marqué compa-
La formule permet-elle également de développer l’orientation
ré à un profil qui évolue sous CDI. Les bons interim managers
entreprenariale de la fonction finance, que ce soit à un niveau
sont ceux qui ont décidé de faire carrière dans ce métier, ou
stratégique ou plus opérationnel? Pour le savoir, Finance
de s’y consacrer pour une période assez longue. »
Management a sollicité quatre experts: Olivier van Outryve, responsable de la division Interim Management chez Robert
Qu’en est-il spécifiquement de la fonction « finance »? Com-
Walters, Charles Darcis, hub manager chez TriFinance, Danny
ment se matérialise cette dimension entreprenariale de l’in-
Nijns, manager de la division Interim Management chez Ro-
terim management?
bert Half, et Elis Barbieri, managing partner chez DL&M, un
Charles Darcis: « Se lancer en tant qu’interim manager, c’est
cabinet spécialisé en interim management. Regards croisés.
déjà prendre un risque et faire état d’une attirance pour le
Les interim managers développent-ils une vision plus « entreprenariale » de la fonction qu’ils vont exercer? Elis Barbieri: « L’interim manager est, par nature, un profil surdimensionné par rapport à la fonction qu’il va couvrir. C’est le principe même du métier puisque ces managers doivent être très rapidement opérationnels, apporter une valeur ajoutée supérieure et faire le job en moins de temps
« Les bons interim managers sont ceux qui ont décidé de faire carrière dans ce métier. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
Dans quels types de missions voit-on se développer cette orientation plus entreprenariale? Danny Nijns: « Pour les missions de haut niveau, CFO ou Finance Director, la demande des entreprises se situe clairement là: on attend des interim managers qu’ils connaissent très bien la technicité financière, mais aussi qu’ils aient une forte orientation business et, idéalement, une expérience dans d’autres activités, comme la logistique, l’IT ou les RH par exemple. Ils doivent être à même de contribuer à l’approche stratégique de par la plus-value que la finance peut apporter au business. Leur vision sur l’entreprise doit être plus étendue, en intégrant par exemple les attentes qu’ont les actionnaires, le volet RH, l’approche de la clientèle, etc. » Charles Darcis: « Bien au-delà de l’interim management, le CFO moderne doit aujourd’hui se positionner comme un entrepreneur, non pas au sens de prise de risques mais bien de prise d’initiatives. Déjà en temps normal mais plus encore avec la crise, les départements financiers sont sujets à d’importants changements. En tant que directeur financier, on peut soit les subir ou les affronter avec réactivité, soit les anticiper et les percevoir comme des opportunités. Les attentes des entreprises se situent clairement sur le deuxième axe. Elles veulent des CFO créatifs, restant bien entendu dans la légalité, mais capables d’adopter d’autres orientations. Plus un CFO peut imaginer d’options, plus il sera à même de choisir la meilleure. »
Olivier van Outryve: « Les interim managers sont de plus en plus des profils qui quittent une position salariée pour prendre en main leur propre carrière et mettre leurs compétences au service de clients. Ils deviennent leur propre entreprise. »
Olivier van Outryve: « Les missions de pur intérim – visant à assurer une continuité le temps que le titulaire de la fonction revienne – revêtent rarement une dimension entreprenariale. A un niveau opérationnel, le focus technique reçoit également plus d’attention. Par contre, les missions orientées
changement. La personne s’inscrit ainsi dans une dynamique
‘projet’ – par exemple la réorganisation d’un département,
qui va l’amener à passer de projet en projet. Cela dit, bien
l’optimisation de procédures, l’implémentation d’un ERP, etc.
des directeurs financiers développent une approche entre-
– sont davantage propices et comportent, par ailleurs, des
prenariale et une orientation business qui n’ont rien à envier
risques plus grands, liés aux responsabilités qui y sont asso-
à celles des interim managers. Cela dépend fortement de la
ciées. Un interim manager ayant des traits entreprenariaux
personnalité et de l’expérience des gens. »
a tendance à s’épanouir dans ce type de mission et, aussi, à
Olivier van Outryve: « Tout dépend aussi de la raison pour
être plus performant dans leur réalisation. »
laquelle les intérim managers ont choisi l’interim management. On peut opérer une distinction entre les personnes qui
L’entrepreneurship fait-il partie des qualités intrinsèques
ont posé le choix délibéré de se lancer dans le métier et celles
recherchées chez l’interim manager?
qui y viennent par hasard, par exemple à la suite d’une res-
Danny Nijns: « Les interim management providers vont sélec-
tructuration ou d’une fermeture d’entreprise qui leur a fait
tionner les candidats sur base de leurs compétences et de
perdre leur job. Les premiers, de par leur décision d’évoluer
leur expérience, mais également en fonction de leur orienta-
sous statut indépendant comme choix de carrière, ont, un
tion business. Si la personne n’a pas développé ce côté entre-
peu par nature, une vision entreprenariale plus marquée. Les
prenarial et n’a pas de compétences prouvées en la matière,
seconds optent pour cette solution de façon temporaire, par
elle ne sera pas reprise chez les providers sérieux. Un can-
exemple pour deux ou trois missions, le temps de retrouver
didat qui vous dit rechercher un job de CFO et qui, s’il n’en
une fonction fixe. Chez eux, le côté entreprenarial peut éga-
trouve pas, acceptera des missions, ne sera pas privilégié.
lement être présent, mais il est souvent moins affirmé. De-
Pour lui, il existe d’autres canaux. Les interim managers n’ont
puis début 2009, crise oblige, le nombre de profils venant au
pas de passé, ni de futur dans l’organisation. Il faut un grand
management de transition ‘par nécessité’ ou ‘par obligation’
dynamisme, une capacité à la prise de risque, une véritable
a augmenté. En 2010, sur dix nouveaux candidats, on peut
orientation client: tous les x mois, il leur faut s’adapter à un
estimer que sept à huit relèvent de cette catégorie. »
nouvel environnement. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
Olivier van Outryve: « Voici un exemple pour illustrer cette distinction. Une entreprise peut faire appel à un interim manager pour opérer le design de la fonction de CFO et la positionner à un niveau stratégique dans l’entreprise. De la sorte, il débroussaille le terrain pour préparer l’arrivée d’un directeur financier permanent, sous CDI. » Danny Nijns: « On voit bien dans cet exemple la distinction entre l’approche entreprenariale de l’interim manager et l’approche managériale du nouveau CFO. Une fois que la locomotive est sur les rails, l’interim manager passe le relais. » Elis Barbieri: « Les interim managers ont bien souvent cette attitude de vouloir dépasser la technicité pour s’inscrire dans une optique entreprenariale, une orientation business. Sur base de mon expérience, je dirais que les entreprises limitent souvent elles-mêmes la possibilité d’en tirer profit, en définissant trop strictement la mission et ses objectifs, sans suffisamment voir le bénéfice qu’elle pourrait tirer de la ‘surdimension’ du manager dont elles disposent. Ce n’est que lorsque la mission revêt des aspects de stratégie, de due diligence, de fusions et acquisitions, de succession d’un dirigeant ou d’élargissement du périmètre que l’interim manager en finance peut intervenir de façon beaucoup plus large. Il m’est arrivé de voir un interim manager financier vouloir se positionner dans une approche généraliste et être rappelé à l’ordre par le client pour rester à sa place de financier. Quelle occasion manquée! » Olivier van Outryve: « Certaines entreprises se montrent ouvertes à ce type de solution, d’autres pas encore ou pas totalement. Tout dépend de la maturité de l’entreprise, de sa taille, de ses priorités. Certains considèrent encore que la formule pâtit d’un coût élevé, alors qu’il faut la considérer comme un
Danny Nijns: « Les interim managers n’ont pas de passé, ni de futur dans l’organisation. Il faut un grand dynamisme, une capacité à la prise de risque, une véritable orientation client: tous les x mois, il leur faut s’adapter à un nouvel environnement. »
investissement. Mais un bon interim manager est quelqu’un qui se montrera capable de lancer des initiatives, d’initier le
pacités d’adaptation, qui parviennent à gagner la confiance
changement dans un laps de temps limité. »
dans de nouveaux environnements et qui délivrent rapide-
Charles Darcis: « Dans une optique de gestion du change-
ment des résultats. Pour les interim managers, ces qualités
ment, il convient également de bien prendre en considération
leur apparaissent évidentes car faisant partie intégrantes de
la temporalité d’une mission. S’il s’agit de mener à bien un
leur activité, de leur métier. Mais elles n’y sont pas forcément
projet ou d’insuffler une nouvelle dynamique dans un dépar-
associées automatiquement par les entreprises qui tendent
tement financier, l’interim management est assurément une
encore à méconnaître cette activité. Nous leur conseillons
carte à jouer. Si l’on veut donner au département une autre
donc de mieux les mettre en valeur. »
orientation, plus axée business ou entreprenariale, d’autres
Danny Nijns: « Il ressort en effet de l’étude AsK que 84% des
aspects entrent en considération, dont le volet RH. Il faudra
entreprises se disent familières du concept d’Interim Mana-
faire évoluer l’équipe et recruter d’autres profils ayant les
gement, mais, cependant, seules 34% des entreprises privées
compétences requises. Cela prend du temps car le change-
y ont déjà eu recours. »
ment ne se décrète pas. Dans ce cas, il vaut peut-être mieux opter pour un CFO fixe, éventuellement appuyé épisodiquement par de la consultance. » Est-ce que les interim managers mettent suffisamment en avant ce volet entreprenarial de leur métier? Olivier van Outryve: « Je trouve, pour ma part, que les interim managers restent parfois trop implicites dans la mise en avant de leurs compétences entreprenariales lors de la phase de présentation au client, alors que celles-ci représentent une vraie valeur ajoutée. Ce sont des profils qui ont d’énormes ca-
« Les interim managers restent parfois trop implicites dans la mise en avant de leurs compétences entreprenariales. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
DOSSIER FISCALITÉ
« Plus un CFO peut imaginer d’options, plus il sera à même de choisir la meilleure. » cela correspond toujours aux besoins de l’entreprise et de ses dirigeants? Je n’en suis pas forcément convaincu. Tout dépend de la situation: à certains moments de la vie d’une entreprise, on aura besoin d’un CFO entrepreneur; et à d’autres pas et ce serait même contre-indiqué d’en avoir un. » Quels sont les besoins les plus couverts en matière de missions en finance? Olivier van Outryve: « L’année passée, on parlait beaucoup de réduction de coûts, de gestion de crédit et de recouvrement. Paradoxalement, on n’a pas vraiment vu exploser les missions dans ces domaines-là. Le contrôle de gestion, le contrôle financier, l’analyse des coûts et la gestion de projets financiers au sens large arrivent en tête des préoccupations. On se situe moins dans des besoins comptables que dans les
30
fonctions à plus forte valeur ajoutée, comme le controlling, le reporting et l’optimisation de processus. » Charles Darcis: « La demande porte également sur des niveaux de management, avec cette optique de gérer le changement, d’accompagner les équipes, de doper l’orientation business, de mieux outiller le business sur un plan financier pour améliorer la prise de décision, etc. » Olivier van Outryve: « Cela dit, l’interim management n’est pas un marché d’offre et de demande. Dans plus de 90% des cas, cela reste une formule d’urgence. Un des enjeux réside dans la capacité du provider à répondre à la demande avec un profil qualifié dans le bon timing grâce à la qualité de sa base de données. » Danny Nijns: « Précisons toutefois que, sur le marché, il existe deux types de providers. D’une part, il y a les brokers qui se limitent à faire s’aligner la mission et le CV. De l’autre, il y
Charles Darcis: « En tant que directeur financier, on peut soit les subir ou les affronter avec réactivité, soit les anticiper et les percevoir comme des opportunités. Les attentes des entreprises se situent clairement sur le deuxième axe. »
a les bureaux qualitatifs qui proposent une véritable méthodologie d’accompagnement, depuis l’analyse en profondeur du besoin jusqu’au suivi. C’est aussi dans ce type d’approche que la mission peut recouvrir une dimension entreprenariale et une orientation business plus affirmée. »
Elis Barbieri: « C’est aussi au rôle du provider de veiller à pro-
Pour un responsable financier, quelle peut être la valeur
mouvoir la valeur ajoutée d’un interim manager comme pou-
ajoutée de se lancer dans une carrière d’interim manager ou
vant insuffler une dynamique entreprenariale. Mais sans en
d’y faire un passage de quelques années?
faire une obsession. Si l’entreprise cherche à combler un besoin
Olivier van Outryve: « Un des premiers constats que font les
purement technique, il convient de rester ciblé et de choisir un
interim managers quand ils évoquent leur métier, c’est qu’ils
interim manager en adéquation avec ce besoin. Lorsqu’on en-
apprennent toujours de nouvelles choses, aussi bien au plan
tend certains directeurs financiers – mais c’est vrai également
technique qu’au plan humain. Chaque mission est différente.
pour certains DRH ou directeurs des opérations –, on a parfois
Chaque entreprise est différente. Pratiquer l’interim mana-
l’impression qu’ils gèrent l’entreprise à eux seuls. Est-ce que
gement, c’est se donner l’opportunité d’évoluer dans divers
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
L’interim management a-t-il souffert de la crise? Moins que d’autres secteurs, assurément. Danny Nijns évolue dans le métier depuis une dizaine d’années: « Ce n’a jamais vraiment été un ‘booming business’, dit-il. Depuis 2000, sa croissance annuelle s’établit entre 5 et 7% en nombres de missions. A l’exception d’une année 2008 très demandeuse, la progression reste constante d’un an à l’autre. On ne parvient à l’assurer qu’en réussissant à convaincre les actionnaires et les dirigeants d’entreprise de la valeur ajoutée de la formule et en les amenant à y recourir. On doit créer une croissance organique. » Si certains segments de l’interim management ont connu une baisse de régime en raison de la crise, le domaine financier apparaît épargné. La nature même de la crise tend en effet à placer le financier au centre. « Les entreprises ont toutefois été plus critiques et plus sévères avec, par exemple, des exigences plus marquées en maîtrise des langues », observe Charles Darcis. Mais, d’autre part, la fonction finance évolue, se transforme, appuie Danny Nijns. « Les entreprises ont besoin de connaissances et d’approches nouvelles, par exemple en gestion de trésorerie et working capital, ce qui exige une grande maîtrise du business et la capacité à entretenir des relations étroites avec la production, la logistique, etc. Ces évolutions tendent à accroître l’attractivité d’un interim manager pour apporter de l’expertise. » « Un lieu commun subsiste, à savoir que l’interim management s’inscrit nécessairement dans un contexte de crise, commente Olivier van Outryve. Par le passé, c’est vrai, les missions de crise et de top niveau tenaient le haut du pavé. Mais, en dix ans, le marché s’est fortement démocratisé et touche divers niveaux de l’entreprise.
Elis Barbieri: « Les interim managers ont bien souvent l’attitude de vouloir dépasser la technicité pour s’inscrire dans une optique entreprenariale, une orientation business. Les entreprises limitent souvent elles-mêmes la possibilité d’en tirer vraiment profit. »
Aujourd’hui, par exemple, la majorité de nos missions concernent le middle management. Il existe encore des missions de crise, mais elles ne représentent plus que 5 à 10% du portefeuille total. Même s’il existe des aspects de gestion de crise dans chaque mission... » Bien que notre marché accuse toujours un certain re-
secteurs, différents environnements, en peu de temps. C’est
tard par rapport à celui de nos voisins, notamment le
se confronter à d’autres réalités. On peut donc le voir comme
Royaume-Uni et les Pays-Bas, la solution est de plus en
une école de vie qui va accompagner et renforcer, voire même
plus acceptée dans les entreprises pour sa souplesse
accélérer, la transformation du financier en manager. »
et sa flexibilité. « On assiste également à un rajeunisse-
Charles Darcis: « Pour ma part, j’estime que l’interim mana-
ment des interim managers, conclut-il. Voici une petite
gement est un métier à part et, dès lors, un choix à poser.
dizaine d’années, la moyenne d’âge se situait au-delà des
Pour envisager sainement de l’exercer, il faut s’assurer de
50-55 ans. Aujourd’hui, elle tourne plutôt autour des 50
deux prérequis: aimer le changement – à savoir que chan-
ans et tend à diminuer encore. Ce rajeunissement a aussi
ger vous procure de l’énergie, plus que cela n’en consume
un impact sur l’orientation entreprenariale. Les interim
– et avoir un relationnel fort – notamment pour s’intégrer
managers sont de plus en plus des profils qui quittent une
rapidement et capter les sensibilités des uns et des autres. A
position salariée pour prendre en main leur propre car-
l’inverse, si vous avez un profil essentiellement technique ou
rière et mettre leurs compétences au service de clients. Ils
extrêmement spécialisé, ou si vous êtes attiré par l’interim
deviennent leur propre entreprise, parfois dès 40 ans, et
management pour des raisons purement financières, mieux
ont donc un avenir à assurer. »
vaut reconsidérer la chose… » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
31
DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : LAURENT CORTVRINDT
Créer son entreprise: où trouver les fonds? 32
Lancer une entreprise s’accompagne généralement de besoins financiers à court et à long terme. On distingue deux grandes sources de financement de la création d’entreprise: les fonds propres et les fonds externes (prêts bancaires, aides à la création,…). Ces derniers prennent différentes formes et ne sont pas toujours des plus aisés à trouver. Petit inventaire.
Le capital à risque représente des actifs à risques mis à la dis-
région wallonne disposent de leur réseau de business angels:
position des entreprises pour financer les activités liées aux
Be Angels (www.beangels.eu).
différents stades de l’évolution de l’entreprise. Ces fonds font partie des fonds propres de l’entreprise. On distingue le seed
Pour les prêts bancaires classiques, l’offre de crédits se révèle
capital (capital de départ), le start-up capital (capital d’établis-
vaste. Celui-ci variera selon la taille de la société, la nécessité de
sement), le growth capital (capital de croissance) et le trans-
l’emprunt et le caractère de l’investissement. Votre banquier de-
mission capital (capital de transmission). Plusieurs entreprises
vrait vous conseiller de trouver une concordance entre la durée
sont actives comme bailleurs de fonds sur le marché belge. En
de vie de l’actif dans lequel vous investirez et le crédit sélection-
majorité, ces bailleurs font partie de la Belgian Venture Capi-
né. Le financement alternatif (www.reseau-alterfinance.org)
tal & Private Equity Association (www.bva.be). La Région de
pour les projets spécifiques a fait une percée spectaculaire au
Bruxelles-Capitale compte également sur l’aide de la Société
cours des dernières années. Les acteurs privés sont désormais
régionale d’investissement de Bruxelles (www.srib.be). La SRIB
bien connus. Citons, par exemple, la banque Triodos qui finance
intervient pour soutenir financièrement la création, la réorga-
des entreprises offrant une plus-value sociale, écologique et
nisation ou l’expansion d’entreprises privées situées en Région
culturelle ou Crédal, la Coopérative de crédit alternatif (www.
de Bruxelles-Capitale, en leur apportant des fonds propres
credal.be), soutenant des projets sociaux qui n’ont pas accès au
ou des quasi-fonds propres. Elle induit également un effet de
crédit bancaire en Wallonie et à Bruxelles.
levier financier, dans la mesure où son intervention en haut angels sont d’autres acteurs du marché du capital-risque. Ces
LES AIDES DU FÉDÉRAL VIA LE FONDS DE PARTICIPATION (WWW.FONDS.ORG):
bailleurs de fonds privés sont des particuliers, pour la plupart
Initio: pour les petites entreprises qui veulent obtenir l’accord du
des (ex)entrepreneurs, qui souhaitent investir leurs fonds dans
Fonds de participation pour leur projet d’investissement avant
des projets prometteurs. La région de Bruxelles-Capitale et la
de s’adresser à une banque.
de bilan facilite l’accès au financement bancaire. Les business
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
Starteo: aide à financer le lancement de votre entreprise ou
fessions libérales (garantie complémentaire et supplétive dans
de votre activité d’indépendant. Vous êtes considéré comme
le cadre de l’octroi d’un crédit professionnel ou mixte auprès
starter si vous démarrez votre activité ou si vous l’exercez à
d’une banque partenaire, intervention dans les frais de réali-
titre principal depuis moins de 4 ans (date de l’inscription à
sation du plan d’affaires si celui-ci est réalisé par un organisme
l’INASTI à titre principal).
agréé). La Société de financement de l’exportation et de l’in-
Optimeo: s’adresse aux indépendants, aux petites entreprises,
ternationalisation des entreprises wallonne (SOFINEX - www.
aux titulaires de professions libérales qui cherchent à financer
sofinex.be) encourage (prise de participation, prêt convertible,
l’expansion de leur activité.
prêt subordonné, prêt classique, subventions) les exporta-
Prêt Solidaire: initié en 1997 par la Fondation Roi Baudouin,
tions et les investissements/implantations des entreprises
il s’adresse aux personnes qui souhaitent lancer leur propre acti-
wallonnes à l’étranger, pour autant que ceux-ci génèrent des
vité économique mais qui n’ont pas accès au crédit bancaire et
retombées positives sur l’activité économique et sur l’emploi
qui éprouvent des difficultés à rassembler le capital de départ
en Région wallonne. La Société régionale d’investissement de
en raison de leur situation financière. Il s’agit, par exemple, de
Wallonie (SRIW - www.sriw.be) et ses filiales ont pour mission
personnes qui bénéficient de l’aide sociale du CPAS, du revenu
d’intervenir financièrement à long terme (activités prioritaire-
d’intégration ou d’une allocation de chômage.
ment axées sur le haut du bilan) dans des entreprises tant en
Prêt Lancement: une formule attrayante et particulièrement
Belgique qu’à l’étranger, en participant à des projets de redé-
souple pour s’installer comme indépendant ou créer une entre-
ploiement, de modernisation et de croissance des entreprises
prise. Il s’adresse aux chômeurs complets indemnisables, aux
et en supportant des activités génératrices de valeur ajoutée.
demandeurs d’emploi inoccupés inscrits depuis au moins trois
WABAN (www.waban.be) est un réseau transfrontalier de bu-
mois auprès de l’office régional de l’emploi, aux bénéficiaires
siness angels entre la Wallonie et le Nord Pas-de-Calais, ainsi
d’allocations d’attente ou du revenu d’intégration.
qu’une plateforme franco-wallonne d’animation du business
Business Angel +: s’adresse à des entrepreneurs dont l’entre-
angeling auprès d’investisseurs privés, de porteurs de projets
prise est en phase de création, ou à un stade de développement
et de prescripteurs potentiels de ces deux régions. L’objectif
stratégique pour le futur de l’activité, sans toutefois avoir accès
est d’y favoriser le financement d’entreprises wallonnes et
au crédit bancaire classique en raison du caractère novateur ou
françaises, innovantes et à fort potentiel de croissance, par du
technologique du projet mais bénéficiant par contre de l’accom-
capital à risque privé franco-belge.
pagnement financier d’un ou plusieurs Business Angels. les institutions publiques ou parastatales (Etat fédéral, Régions,
LES ORGANISMES DE FINANCEMENT ACTIFS AU NIVEAU LOCAL
collectivités provinciales et locales) et les sociétés contrôlées
Start-It: fonds de capital à risque pour start-up en haute techn-
significativement par des capitaux publics et/ou de droit public
logie et spin off universitaires (www.start-it.be)
(Belgacom, La Poste, Infrabel, etc.).
Fondation Chimay-Wartoise: en région de Chimay-Momignies-
Plan Jeunes Indépendants: pour les demandeurs d’emploi inoc-
Couvin, pour le secteur non-marchand et l’économie sociale
cupés de moins 30 ans, qui s’installent pour la première fois
(www.wartoise.be).
comme indépendant.
La Société d’investissement du bassin liégeois (SIBL - cl@sibl.
Casheo: destiné à mobiliser les créances détenues par les PE sur
be): financement en capital à risque d’entreprises existantes
LA SOWALFIN ET SON RÉSEAU:
ayant du potentiel de développement.
Guichet financier unique de la Région wallonne, la Société wallonne de financement et de garantie des petites et moyennes
COUP DE POUCE
entreprises a pour objectif de favoriser la création, le déve-
L’Agence bruxelloise pour l’entreprise a développé une base de
loppement et la transmission des TPE et PME wallonnes en
données, Ecosubsibru (www.ecosubsibru.be), qui reprend toutes
octroyant des financements sous diverses formes, des garan-
les aides financières ainsi que les institutions et organismes
ties sur certains crédits à usage professionnel ainsi que par le
bruxellois susceptibles de vous aider.
capital à risque au travers des Invests wallons (www.sowalfin. be). Les neuf Invests wallons (Brabant Wallon, Hainaut occi-
GUIDE DU VENTURE CAPITAL
dental, région de Mons-Borinage-Centre, bassin de Charleroi
Préparé par les professeurs Sophie Manigart (Vlerick Leuven
et arrondissement de Thuin, bassin de Liège, communes de
Gent Management School), Olivier Witmeur (Solvay Brussels
la région de langue allemande et communes contiguës de la
School of Economics and Management) et la Belgian Venture
province de Liège, sud-est belge, province de Luxembourg et
Capital & Private Equity Association, le Guide du venture capi-
province de Namur) financent du capital à risque (prise de par-
tal en Belgique retrace le processus qui mène une entreprise à
ticipation, prêt convertible, prêt subordonné, prêt classique).
faire appel puis à collaborer avec une société de capital-risque.
La Société des cautions mutuelles de Wallonie (SOCAMUT -
Il présente également certaines des meilleures pratiques en la
www.socamut.be) s’adresse à des micro-entreprises (moins
matière. Le guide peut être téléchargé gratuitement sur www.
de 10 personnes), artisans, commerçants et titulaires de pro-
venture-capital.be. FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°40 - SEPTEMBRE 2010
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