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EN PRATIQUE SOMMAIRE

N°43 - DÉCEMBRE 2010

Dossier

Performance Management Si le CFO doit se positionner comme leader du Performance Management, les outils doivent aussi vivre dans les autres départements de l’entreprise. Conseils.


FISCALITÉ: OPTIMISATION DES COÛTS DOSSIER TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Comment améliorer les performances? 18

La finance peut contribuer à améliorer les performances de l’entreprise par un bon pilotage des programmes de performance management. Mais attention: si le CFO doit se positionner comme leader du cockpit, les outils servent autant à la finance qu’aux autres départements de l’entreprise. Conseils.

E

n examinant les différentes crises traversées

activités transactionnelles restera donc encore pendant un

par nos marchés depuis les années 80, on se

moment une solution intéressante. »

rend compte qu’une seule « méthode » nous

Dans certaines entreprises, les CFO peuvent challenger le

faisait sortir de cette situation à chaque fois:

business à propos de cette chasse aux coûts. Mais ce n’est

relancer la consommation. Or, celle-ci comporte ses limites, à

pas encore vrai partout. Jean-François Gigot nous rappelle

savoir l’endettement des consommateurs finaux. A ce titre, la

que, traditionnellement, la finance est une fonction à l’ap-

crise des subprimes aux Etats-Unis peut-être considérée, en

proche rétrospective. A priori, la majorité de la population

quelque sorte, comme la crise clé du surendettement. Aussi,

finance « constate ». Seule, une petite frange, celle qui

la crise économique et financière survenue en 2008 n’a pu

s’occupe du budget et des prévisions, s’avère plus prospec-

être gérée de manières individuelle ou micro-économique

tive. « J’observe néanmoins une tendance: on se dirige d’une

car, cette fois, les faillites massives ont exercé un impact sur

analyse financière pure vers un ‘risk reward model’. Le CFO

l’ensemble des marchés.

veut une vue sur la profitabilité, mais à la lumière des ris-

Pour sortir de l’ornière, les Etats ont alors décidé de mu-

ques encourus. »

tualiser la dette. Et actuellement, certains Etats européens comme l’Islande, la Grèce ou l’Irlande se sont surendettés

LONG TERME

encore plus que les autres. « Tant que ces dettes ne seront

Pour Jean-François Gigot, le performance management est

pas soldées, nous ne pourrons pas réellement dire que la crise

bien plus que de la simple finance. C’est de la performance

est derrière nous, souligne Jean-François Gigot, Senior Exe-

générale de l’entreprise, sur des aspects aussi divers que le

cutive responsable de la pratique Finance & Performance

branding, le recrutement et la rétention de potentiels, une

Management chez Accenture. Dans le milieu de l’entreprise,

culture d’entreprise adéquate par rapport aux objectifs stra-

ceci signifie une poursuite de la période d’austérité et de ré-

tégiques, un suivi financier rétrospectif et prospectif, un

duction des overheads. Le CFO et son équipe jouent un rôle

planning stratégique... Avec la crise, le focus sur les risques

d’initiateur pour identifier ceux-ci. L’outsourcing de certaines

s’est accentué. Aujourd’hui, les entreprises courent le risque

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010


de tomber en faillite parce qu’elles ont trop regardé au profit, sans pour autant avoir mesuré le risque encouru. « On pense uniquement au profit court terme sans égard pour un éventuel risque plus long terme. On s’engage dans une voie et, quand le piège se referme, il est trop tard pour s’échapper. Nous avons vécu des exemples très parlants dans le monde de la banque et des assurances mais malheureusement, ce n’est pas limitatif. » Jean-François Gigot conseille une prise en charge de la gestion de la performance au niveau du management d’une entreprise, avec un tableau complet d’indicateurs et, en fonction des circonstances, on se concentre sur l’un ou l’autre élément. « Pour la fonction finance, le point d’attention principal reste la partie revenus, d’une part, et les coûts, d’autre part, avec un éclairage par rapport au risque. Quand on regarde les indicateurs de performance des entreprises, on se rend compte que souvent, les CFO sont mitigés. » Ils ont, en effet, souvent un goût de trop peu sur les indicateurs que peuvent fournir la finance. « La stratégie de l’entreprise doit se décliner en un certain nombre d’indicateurs de performance. Et ces indicateurs devraient non seulement se refléter en termes d’objectifs à long terme mais aussi en indicateurs suivis plus régulièrement dans l’organisation, et donc qui percolent dans tous les niveaux de l’organisation. » C’est particulièrement vrai quand on sou-

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haite mesurer le degré de performance d’une innovation stratégique. Les indicateurs manquent parce qu’ils sont, par définition, nouveaux.

PROCESSUS ORGANISATIONNEL De son côté, Patrick Ceulemans, Managing Director de GITP Belgium, définit le performance management comme le processus qui, dans une entreprise, vise à faire en sorte que les résultats des actions collectives et individuelles contribuent à la stratégie de l’entreprise. En matière de performance management et d’exécution de la stratégie, GITP Belgium a développé une vision matérialisée par un modèle en « 8 ». Celui-ci inclut deux cycles/pocessus organisationnels généralement considérés séparément par les entreprises. GITP Belgium, au contraire, aborde la question dans sa globalité. La boucle supérieure de ce « 8 » concerne le processus au niveau de l’organisation. Il vise à communiquer et à cascader la stratégie dans toute l’entreprise. « C’est là que l’on voit parfois que le premier bât blesse dans le sens où, d’après nos recherches, dans certaines entreprises,

Jean-François Gigot: « La stratégie de l’entreprise doit se décliner en un certain nombre d’indicateurs de performance. Et ces indicateurs devraient non seulement se refléter en termes d’objectifs à long terme mais aussi en indicateurs suivis plus régulièrement dans l’organisation. »

jusqu’à deux tiers des middle managers ne comprennent pas suffisamment bien la stratégie de l’entreprise pour la traduire correctement en objectifs pour leur équipe et leurs collaborateurs, précise Patrick Ceulemans. Et jusqu’à 40% des résultats potentiels d’une stratégie se perdent parce que des personnes/ départements dans l’entreprise ne savent pas très bien quelles actions ils ou elles doivent entreprendre pour bien traduire la stratégie en résultats. Ce double constat a de quoi inquiéter. » Au sein de nos entreprises, GITP Belgium identifie donc clairement un manque d’alignement et d’objectifs… et automatiquement de résultats.

« Les managers de ligne doivent accorder davantage d’importance aux éléments non financiers de la gestion. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010


DOSSIER

« Notre philosophie part du principe que les organisations de-

générale, l’être humain a tendance à souvent rechercher la

vraient accorder davantage d’importance à l’alignement des

facilité. C’est pour cela que la comptabilité n’est, en réalité,

objectifs, tant horizontalement entre départements que verti-

que la traduction financière des éléments de l’entreprise.

calement dans un processus de cascade. » Patrick Ceulemans

D’où l’utilisation d’indicateurs financiers.

explique cette situation par un manque de rigueur, un manque d’outils, voire les deux en même temps. « Nous consta-

PERFORMANCE INDIVIDUELLE

tons que les objectifs sont trop souvent limités à des résultats

« Mais malheureusement, c’est insuffisant. Et il faut se creu-

financiers, à un chiffre d’affaires, à une marge... Alors qu’en

ser le cerveau pour déterminer quels éléments opérationnels,

réalité, le résultat final, qui est justement ce chiffre d’affaires

qui in fine ont une traduction financière, peuvent aider. En

ou cette marge, résulte de nombreux facteurs très divers, al-

d’autres mots, il faut trouver et utiliser des outils qui couvrent

lant du développement des compétences des collaborateurs à

un spectre plus large d’objectifs à différents niveaux, sur diffé-

une meilleure adéquation avec les besoins des clients, en pas-

rentes dimensions. » Un deuxième élément intervient dans le

sant par des processus efficaces. C’est pourquoi nous nous po-

cycle supérieur. Généralement, l’entreprise qui veut évoluer

sitionnons comme des avocats de l’utilisation, si ce n’est dans

va mettre en place des programmes de changement. Or, GITP

la méthodique au moins dans la philosophie, d’une approche

s’est rendu compte que ces projets ne sont pas suffisamment

de type balanced scorecard. »

bien gérés en tant que programmes: pas assez d’arbitrage, de priorités correctement définies, de gestion, manque de struc-

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BALANCED SCORECARD

ture, d’outils, de process et de compétences…

Un balanced scorecard poussera en effet l’entreprise à consi-

La boucle inférieure du « 8 » touche au cycle de gestion de

dérer des objectifs d’output mais également des objectifs

la performance individuelle. Supposons qu’un patron de dé-

de moyens au niveau de ses collaborateurs, des process, des

partement/équipe a correctement compris la stratégie de

outils et des clients. « Les managers de ligne doivent accor-

l’entreprise et la contribution que peut y apporter son dépar-

der davantage d’importance aux éléments non financiers de

tement/équipe. Ce responsable hiérarchique va ensuite de-

la gestion. Le CFO peut encourager la démarche, mais les ma-

voir traduire ses objectifs personnels en objectifs subsidiaires

nagers de ligne doivent surtout prendre leur responsabilité et

pour ses collaborateurs. Il rentre alors dans un autre proces-

incorporer ces éléments dans leur modus operandi. » En règle

sus de l’organisation: conférer des objectifs à ses collabo-

Source: GITP

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PEUT MIEUX FAIRE! Ces dernières années, les entreprises ont initié des programmes de Corporate Performance Management (CPM) pour améliorer la qualité de leur gestion. Toutefois, l’expérience montre que, peu importe le bien fondé des efforts, le succès n’est pas systématiquement au rendez-vous. C’est le point de départ d’une enquête menée à l’échelle européenne par PwC auprès de 400 entreprises dans 22 pays. « Bien que la plupart se disent satisfaites de leurs systèmes actuels de performance management, la qualité perçue se révèle souvent plus élevée que la valeur réelle délivrée par les systèmes, indique Robert van der Eijk, associé chez PwC. En outre, le performance management est essentiellement traité au niveau du conseil d’administration. Et celui-ci considère de plus en plus les capacités organisationnelles dans ce domaine comme un indicateur efficace de management. Cela étant dit, nous avons observé que de nombreuses occasions d’amélioration subsistent dans la plupart des organisations car peu exploitent le plein potentiel du performance management. » Comment le performance management peut-il contribuer à la réussite d’une entreprise? « Avec les outils récents, les

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entreprises peuvent récolter des données qui leur permettent de bénéficier d’une vue à la fois globale sur la santé de l’entreprise mais aussi plus locale, en se concentrant par exemple sur des business units, un produit, un client, etc, indique Koen

Robert van der Eijk: « Les trois points essentiels sont: savoir ce que l’on veut mesurer, comment procéder et quelle est la qualité des données. »

De Witte, senior manager au département Finance and Performance Management chez PwC. Un point très impor-

gement? « Les entreprises ont gagné en cohérence dans les

tant pour aider le business à prendre de bonnes actions. En

rapports de gestion, répond Koen De Witte. Auparavant, on

outre, un système efficace de performance management fera

discutait souvent sur la véracité des chiffres. La vente, par

gagner un temps précieux: plus les données arrivent rapide-

exemple, avançait des données différentes de celles du CFO.

ment, plus vite l’entreprise peut réagir. A terme, l’impact sur

Aujourd’hui, on peut discuter du fond. C’est-à-dire comment

le résultat de l’entreprise sera donc bien réel. »

l’entreprise est-elle arrivée à un tel résultat. En outre, si l’on

Au sein des 400 sociétés étudiées, les outils apparaissent

parvient à implémenter le système de performance manage-

souvent identiques. « Le dashboard qui arrive sur le bureau du

ment comme il le faut, c’est-à-dire avec une cascade de KPI’s

CFO traite les mêmes points d’attention: return on equity, cash-

dans toute la structure et non pas uniquement au niveau du

flow, coûts, investissements, processus…, relève Robert van der

conseil d’administration, alors les différents niveaux de l’en-

Eijk. A ce moment, il peut déterminer si un investissement va se

treprise seront parfaitement liés. Et on contrôle plus facile-

révéler profitable ou non et identifier les points sensibles dans

ment de quoi on parle si tout le monde utilise les mêmes chif-

la chaine de valeur. Avec un monitoring adéquat, le CFO pour-

fres. Par exemple, si le CFO décide de travailler sur un KPI en

ra améliorer les points faibles ou arriver à la conclusion que

particulier, tout le monde saisit les tenants et aboutissants de

si certaines actions ne se révèlent pas profitable, mieux vaut

la directive. Il y a une connexion entre ce que le conseil d’ad-

les abandonner. Pour résumer, des données de qualité et des

ministration veut réaliser stratégiquement et ce qui est, en

technologies de pointe en matière de performance manage-

réalité, exécuté dans l’organisation. On voit clairement que

ment, tels que les tableaux de bord, BI et outils d’exploration de

les liens entre la stratégie de l’entreprise et l’implémentation

données, sont des facteurs essentiels d’un programme efficace

sur le terrain s’améliorent. En outre, le management repor-

de performance management. Les trois points essentiels sont:

ting est simplifié. Il y a moins de rapports de gestion et ceux-ci

savoir ce que l’on veut mesurer, comment va-t-on procéder et

visent davantage les choses qui ne fonctionnent pas correc-

quelle est la qualité des données. »

tement. Enfin, pour que le performance management porte

Quels sont les gains réalisés par ces 400 entreprises grâce

parfaitement ses fruits, il faut un lien entre les KPI’s définis et

à l’implémentation d’un système de performance mana-

les objectifs attribués individuellement au personnel. »

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rateurs, les aider à atteindre ces buts, assurer un entretien de suivi en cours d’année et une évaluation en fin d’année. A nouveau, GIPT a remarqué que, parfois, une déconnexion pouvait s’établir entre les objectifs qu’un manager reçoit de ses supérieurs et la traduction qu’il en fait pour ses collaborateurs. « Ces derniers vont alors être invités à accomplir des tâches qui ne rencontrent pas nécessairement de la meilleure façon la stratégie de l’entreprise. Ceci est souvent dû à un manque de compétences de la part du manager. Par rapport à la gestion de la performance, notre discours est qu’il faut travailler sur les deux boucles de notre modèle. L’entreprise doit, à la fois, moderniser son cycle organisationnel au niveau de la définition stratégique et sa déclinaison en objectifs grâce à des outils comme les balanced scorecard. »

20% EN COMMUN Elle doit, en outre, perfectionner la traduction de cette stratégie et des objectifs en éléments opérationnels grâce à des outils comme la gestion de programme et de process. Enfin, elle doit s’attacher à améliorer les compétences individuelles de ses managers pour que ceux-ci interprètent justement leurs objectifs, les traduisent vers leurs équipes et assurent la communication et le suivi de l’atteinte de ces objectifs. « Heureusement, toutes les organisations ne restent pas les bras croisés. Mais nous observons souvent des efforts indépendants. De son côté, le CFO prend une initiative pour améliorer son set d’indicateurs, sa gestion de projets… Et, de son côté, le DRH lance un programme d’amélioration de compétences des managers. Le CFO peut très bien aller discuter avec le DRH pour voir comment mieux intégrer les deux cycles. Et le CFO pourrait peut-être s’attacher à mettre en place des indicateurs plus pertinents pour mieux aborder les problèmes de leurs départements, outre l’output financier. » Le modèle du « 8 » de GIPT peut naturellement être reproduit verticalement dans les plus grandes structures, afin de retrouver une séquence de 8 en cascade. « Pour un processus de gestion de la performance où on démarrerait d’un niveau intermédiaire, nous considérons qu’il faut de deux à trois ans – soit autant de cycles complets – pour atteindre un niveau de maturité convenable », conclut Patrick Ceulemans. Chief Executive Officer de Cockpit Group, Grégoire Talbot souligne pour sa part qu’on peut, en moyenne, compter sept manipulations humaines entre le moment où une donnée est produite et le moment où elle arrive entre les mains du Comité de direction. A la lueur de cette information, on peut plus aisément comprendre pourquoi, aujourd’hui, les managers souffrent d’une information qui leur arrive souvent partiellement, voire trop tard ou même de manière complètement erronée. « Notre mission consiste à aider les entreprises à être informées parfaitement. Pour y parvenir, nous produisons pour elles des tableaux de bord qui permettront de déterminer les résultats

Patrick Ceulemans: « Notre philosophie part du principe que les organisations devraient accorder davantage d’importance à l’alignement des objectifs, tant horizontalement entre départements que verticalement dans un processus de cascade. »

d’un produit, d’un vendeur… et de faire remonter plus rapidement une information pertinente afin de tirer la quintessence


des ressources de l’entreprise. » Cockpit Group fournit une solution complète, à la fois en matière de technologies mais aussi en termes de services et de conseil. « Dans notre catalogue, nous possédons plus de 140 tableaux de bord, réalisés pour autant d’entreprises européennes. Aussi, aujourd’hui, nous construisons sur base de ce know-how car nous savons que plus de 60% des indicateurs sont communs à toutes les entreprises. 20% sont propres à la stratégie et 20% touchent au secteur en tant que tel. Nos adaptations se font donc en fonction du contexte et de la stratégie. »

« Plus de 60% des indicateurs sont communs à toutes les entreprises. 20% sont propres à la stratégie et 20% au secteur en tant que tel. »

Dans son approche, Cockpit Group utilise des techniques basées sur le fonctionnement du cerveau. Grégoire Talbot

ces six indicateurs. Dans 90% des cas, ils en trouvent à peine

nous explique qu’en réalité, à l’origine, le concept a été créé

deux ou trois. Voilà le début de notre mission: aligner tout le

par un neurochirurgien qui menait des études sur le lobe

monde sur ces six objectifs, à savoir trois financiers et trois

frontal, soit la partie du cerveau avec laquelle l’être humain

non-financiers, en construisant un tableau de bord qui com-

prend ses décisions. A la demande de plusieurs banques

prend des indicateurs en cascade au niveau des divisions ou

suisses, il a ensuite mis sur pied le concept « management

des sujets plus opérationnels. »

de cockpit » qui permet de mettre une information en avant de façon optimale.

RENOUVEAU ANNUEL

« C’est sur base de ce concept que nous construisons nos ta-

Comme pour toute implémentation, le succès de l’opération

bleaux de bord ergonomiques, avec des visuels et une façon

dépend essentiellement de quelques facteurs clés impor-

particulière de présenter l’info. En pratiquant de la sorte,

tants. Le premier touche sans conteste au sponsorship du

nous considérons que l’on peut augmenter l’intelligence d’un

CEO. « Le tableau de bord, le cockpit est son outil. Il doit réelle-

groupe de travail de 42%. En effet, ses membres comprendront

ment le vouloir et être convaincu de son utilité. » Le deuxième

mieux l’information et de façon plus rapide. L’efficacité globale

facteur concerne la cheville ouvrière du projet. En interne (ou

de l’équipe en sera renforcée, elle s’appropriera davantage les

éventuellement en externe), une personne ressource devra

objectifs et donc, plus forte sera sa conscience par rapport à ce

être désignée par le Comité de direction pour collecter les

qu’il faut, ou ne faut pas, accomplir. »

informations et pour préanalyser des décisions. Ensuite, les technologies jouent également un rôle considérable.

CFO VS CA

« Aujourd’hui, on peut tout à fait débuter avec Excel pour tester

Pour déterminer si une organisation a besoin de se doter

l’approche. Ensuite, soit on évoluera vers des logiciels standard

de tableaux de bords ou non, une norme peut-être utilisée:

de type Microsoft ou SAP, soit, et c’est la solution que privilégient

celle qui consiste à dire répondre par l’affirmative dès que

de plus en plus les entreprises, on se dirigera vers des logiciels

le top management perd le contact direct avec le terrain

open source comme Cockpit View, par exemple. » Ces derniers

(clients ou employés). « Pour chiffrer, cela correspond sou-

offrent en effet l’avantage de permettre à son utilisateur de

vent aux entreprises qui tournent autour de la cinquantaine

bénéficier d’une totale autonomie sans devoir supporter de

de collaborateurs. Quel que soit le secteur d’activité et le type

coûts de licence. Aujourd’hui, selon Grégoire Talbot, peu d’en-

d’organisation: industrie, banque, PME, fédération sportive,

treprises possèdent des tableaux de bord productifs.

association… Bien entendu, il n’y a pas de règle absolue. Mais

« Dans 90% des cas, les tableaux de bord sont abandonnés après

prenons l’exemple d’une société de conseils. Avec une cinquan-

quelques mois parce qu’ils ont été mal conçus, parce que le res-

taine de collaborateurs, le patron ne peut pas connaître tous

ponsable des outils a changé de fonction/a quitté l’entreprise,

ses employés, et encore moins tous ses clients. Il ne peut plus

parce que les indicateurs ont été mal définis/ne parlent pas ou

contrôler de manière intuitive sa société. A ce stade, des outils

pas assez/n’intéressent pas les managers, parce que les données

doivent impérativement être mis en place pour déterminer si

ne sont pas automatisées et donc regorgent d’erreurs… Néan-

un tel client ne dérape pas, si la profitabilité est maintenue,

moins, nous observons une réelle envie des entreprises, dans cet-

si son vendeur se révèle toujours aussi performant, si le taux

te ambiance de fin de crise de se doter d’outils qui leur éviteront

d’utilisation de ses services reste toujours aussi important… »

de commettre autant d’erreurs que par le passé. Peut-être tout

En règle générale, le travail de Cockpit Group débute par

simplement car elles ne peuvent plus se le permettre. »

un audit de 5 à 10 jours, sur base de la stratégie de la so-

Les indicateurs les plus utilisés dans le cockpit au niveau du

ciété. Le premier exercice mené concerne le CFO. Il lui est

top management sont cascadés au niveau de chaque ma-

demandé de coucher sur papier six indicateurs de perfor-

nager. Et donc, chaque manager connait les KPI concernant

mance sur base desquels il accepterait d’être évalué et

sa division ou ses produits. « Dans les grandes structures,

rémunéré en fin d’année. « Ensuite nous demandons aux

nous proposons des cockpits à plusieurs étages: pour la direc-

autres membres du Comité de direction d’essayer de deviner

tion, pour la business unit, pour l’équipe de vente… Bien enFINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010

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DOSSIER

tendu, nous conservons une certaine flexibilité. En effet, 25% des indicateurs changent chaque année. Il faut conserver cette ouverture parce que le business model évolue, l’entreprise fabrique de nouveaux produits, elle démarche de nouveaux clients, elle veut comparer les budgets par rapport à l’année écoulée, parce que le marché a évolué, etc. »

CFO’S BEST FRIEND Mais ce type d’outil contribue-t-il concrètement à améliorer les performances d’une entreprise? « Quand nous parlons avec des CEO et CFO, deux ou trois ans après une implémentation, pour leur demander quels sont les plus grands bénéfices retirés, ils se révèlent relativement unanimes. Premièrement, ils soulignent qu’enfin, au sein de l’entreprise, tout le monde parle le même langage et s’aligne sur des objectifs clairement définis. Ensuite, ils nous disent qu’ils ont pu identifier les problèmes au moment où ils surviennent : les ventes d’un produit qui s’effondrent, un vendeur qui performe moins… Et non pas après qu’ils se soient posés. Dès lors, ils peuvent agir à la source du problème et non a posteriori. » Toujours selon Grégoire Talbot, les CEO et CFO estiment qu’ils gagnent beaucoup de temps au niveau des réunions. En effet, étudier mensuellement une vingtaine d’indicateurs,

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aurait tendance à diminuer massivement les reportings qui doivent être produits par une armada de collaborateurs. Aux CFO, notre interlocuteur conseillerait de se positionner en tant que chief cockpit officer. « A lui de vérifier la pertinence des indicateurs, l’exactitude des données, l’alignement des objectifs... Un tel outil leur permettra d’avoir accès et de contrôler de l’information nonfinancière. Dans nombre d’entreprises, le CFO se limite à la finance et aux indicateurs financiers. Or, toute la puissance d’un tableau de bord vient du fait qu’on marie des indicateurs financiers avec des indicateurs plus intangibles liés à la performance des collaborateurs et de certains clients. Et lorsque le CFO mixe les données financières, les résultats et les comportements, c’est là qu’il gagne en puissance et en pouvoir d’analyse sur l’entreprise. Grâce à un tableau de bord, les CFO bénéficient d’une vision plus globale, ils peuvent enfin relier les données brutes qui sortent de SAP, qui proviennent du marketing ou du commercial, avec des données purement financières et déceler les problèmes de créances ou les risques que courus par l’entreprise. Et ceci tout en gagnant en professionnalisme dans la façon de communiquer les informations en leur possession. »

« Une certaine flexibilité est nécessaire. En effet, 25% des indicateurs changent chaque année. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010

Grégoire Talbot: « Dans 90% des cas, les tableaux de bord sont abandonnés après quelques mois, parce qu’ils ont été mal conçus, parce que le responsable des outils a changé, parce que les indicateurs n’intéressent pas les managers, parce que les données ne sont pas automatisées… »


FISCALITÉ: OPTIMISATION DES COÛTS DOSSIER TEXTE : LAURENT CORTVRINDT ET CHRISTOPHE LO GIUDICE

Stimuler l’initiative améliore la performance Dans son ouvrage intitulé Freedom Inc., Isaac Getz, professeur à l’Europe Business School, retrace la performance d’entreprises dont les salariés s’autodirigent. Cette forme d’organisation, peu répandue, permettrait d’afficher des résultats supérieurs par rapport à la concurrence.

Quel type d’organisation se cache derrière le concept de «

ignorent parfois. Troisièmement, créer un environnement

Freedom Inc. »?

dans lequel les collaborateurs peuvent s’autodiriger. L’en-

Isaac Getz: « Ce sont des entreprises sans hiérarchie pyra-

treprise classique, qui ne satisfait pas ces besoins, verra ses

midale. Les managers n’exercent aucun rôle de contrôle. Ce

salariés finir par se refermer et produire le minimum. Seuls

sont avant tout des ‘leaders’ qui se mettent au service des

27% des employés sont engagés dans leur entreprise alors

autres collaborateurs, sans les privilèges ‘traditionnels’ liés à

que 14% à 17% sont activement désengagés! »

la hiérarchie: bureau individuel pour les cadres et les membres du top management, emplacement de stationnement

Une entreprise peut-elle s’autoproclamer « Freedom Inc. »?

réservé, etc. En réalité, tous les salariés sont traités avec les

Isaac Getz: « C’est plus compliqué que cela. Une entreprise

mêmes égards. Ils sont libres de décider de leurs actions

devient réellement Freedom Inc. lorsque 70% des salariés

dans leur périmètre de responsabilité s’ils la jugent comme

commencent à prendre des initiatives spontanément. Cela

étant la meilleure pour l’entreprise. En effet, cette liberté

veut dire que ces collaborateurs ont acquis la conviction

s’accompagne de la responsabilité d’agir dans le sens de la

qu’ils ne sont pas, ou plus, uniquement un numéro parmi

vision de l’entreprise. Car la liberté sans responsabilité mène

d’autres; qu’ils ont pu se développer et que les équipes fonc-

immanquablement à l’anarchie du ‘chacun pour soi’. La mise

tionnement de façon autonome, sans avoir besoin d’attendre

en place de ce type d’organisation implique un profond bou-

les autorisations de leurs supérieurs. Les Freedom Inc. sont

leversement. L’entreprise ne peut se contenter de discours de

plus performantes et plus rentables parce que l’effectif est

vagues intentions ou de valeurs simplement affichées aux

mobilisé pour faire tourner l’entreprise et satisfaire les be-

murs. Les Freedom Inc. sont des entreprises construites ‘pour’

soins des clients et partenaires. Concrètement, cela se traduit

et non ‘contre’ l’homme car elles satisfont les trois besoins

par moins de rebuts, pas de perte d’efficacité ou de produc-

universels de l’être humain. Premièrement, l’environnement

tivité, plus de créativité et, donc, au final, des résultats plus

doit être construit pour que chaque salarié soit traité comme

performants. Soulignons quand même que les dirigeants des

intrinsèquement égal, peu importe le poste qu’il occupe.

Freedom Inc. ne sont pas des philanthropes. Ils adoptent ce

Deuxièmement, créer un environnement qui suscite le dé-

modèle d’organisation car il se révèle profitable pour la crois-

veloppement personnel. Les collaborateurs doivent pouvoir

sance de l’entreprise, modèle qui octroie automatiquement

grandir dans leurs compétences, réaliser leur potentiel qu’ils

les fameux intangible assets de l’entreprise et le goodwill FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010

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FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS

en cas d’acquisition. Naturellement, une telle forme d’organisation doit s’entretenir. En fait, le patron y joue un rôle prépondérant car il doit devenir le gardien de cette culture. Notamment en allant quotidiennement à la rencontre de ses troupes pour leur demander de qui ont-elles besoin pour poursuivre le travail. En outre, le patron doit avoir une vision très ambitieuse et la partager avec les collaborateurs. Car s’il partage simplement la volonté de ‘survivre’, les troupes ne se motiveront pas pour une telle entreprise. » Vous insistez tout particulièrement sur l’importance du patron dans la construction d’une « Freedom Inc. »… Isaac Getz: « En effet. Seul le numéro un de l’entreprise peut mener une telle évolution radicale car elle demande l’autorité suprême. Premièrement, le numéro un doit changer son propre comportement et s’interdire de décider et de proposer des so-

Sans DRH, ni CFO… Atteindre le « statut » de Freedom Inc. réclamera du temps et de la patience à une organisation. « Au moins

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Isaac Getz: « Souvent, on entend les patrons de business units dire qu’ils ne possèdent pas le champ d’action nécessaire. C’est vrai dans la structure traditionnelle qu’ils ne remettent pas en cause, mais faux s’ils décident de la transformer. La liberté, ça se prend! »

trois ans pour une start-up et à peu près dix ans pour une entreprise de 3.000 salariés, précise Isaac Getz. Car il

lutions à la place des autres. Les collaborateurs ont été recrutés

s’agit de bâtir une structure allant à l’encontre de la tra-

sur base de leurs compétences. Dès lors, à eux de proposer des

dition bicentenaire d’organisation des entreprises. On va

solutions. De la sorte, le numéro un permet à ses collaborateurs

donc se heurter à la résistance de certains managers qui

de se sentir en confiance puis de se développer. Ensuite, ce com-

pensent leur fonction en tant que contrôleurs et se voient

portement va se diffuser à une partie des managers qu’il faudra

en gardien des procédures. » Qu’elles soient cotées,

bien sûr accompagner et former. Durant cette phase, le numéro

créées récemment, dirigées par leur fondateur ou non,

un marchera sur des œufs. Parce que s’il pénalise une personne

les Freedom Inc. ont un point commun: leurs employés

qui a pris une initiative n’ayant pas apporté les résultats es-

sont responsables et libres de prendre des décisions.

comptés, il compromettra tout son travail. »

Le modèle est applicable à tous les secteurs, y compris l’administration, un hôpital, une armée, une école… car

Comment expliquer que si peu d’entreprises deviennent

il ne se révèle pas nécessaire de poursuivre un objectif

« Freedom Inc. »?

lucratif pour être une Freedom Inc.

Isaac Getz: « Parce que, pour y arriver, il faut que le patron

Seule condition: atteindre et maintenir un niveau mi-

ait du courage et une conviction profonde que l’organisation

nimum de 60% à 70% des employés qui fonctionnent

classique conduit à la frustration des salariés et à leur sous-

bien dans un tel environnement. Ce seuil créant un effet

performance. D’autres éléments sont importants. Dans un

d’entraînement pour les « mauvais » employés. « On ne

grand groupe ou une de ses filiales, vous êtes souvent dans

parle plus de ressources humaines, d’ETP ou de personnel.

une logique de carrière. Or, pour transformer une structure

Car, dans cette logique, comment faire croire à vos colla-

en Freedom Inc., il faut bénéficier d’un horizon de trois à cinq

borateurs qu’ils ne sont pas traités comme des numéros,

ans. Ce n’est pas souvent le cas… Le PDG de Harley-Davidson

mais bien comme des êtres humains intrinsèquement

a mis dix ans à transformer son entreprise. Mais de 30.000

égaux? Dans la plupart des Freedom Inc., il n’y a pas d’or-

motos produites annuellement et de 17% de parts de marché

ganigramme RH mais des rôles vers lesquels toute per-

aux Etats-Unis, ils sont passés à 400.000 motos et 50% de

sonne peut évoluer, tel un rôle de leader si elle est cooptée.

parts de marché. Déjà avant la crise, la capitalisation bour-

Certaines Freedom Inc. n’ont pas de service financier non

sière de Harley-Davidson était supérieure à celle de General

plus. Les finances sont gérées par les patrons des unités et

Motors! Sol, numéro 2 en Finlande dans le nettoyage des bu-

la consolidation, les arbitrages et les projections se font

reaux, connaît une croissance organique de 15% par an de-

lors de réunions entre ces leaders. C’est une logique de

puis 20 ans, avec une rentabilité moyenne de 8% à 9% chaque

confiance, non de contrôle. »

année, y compris pendant la crise. Souvent, on entend les patrons de business units dire qu’ils ne possèdent pas le champ

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d’action nécessaire. C’est vrai dans la structure traditionnelle

ses classiques perdant de l’argent. Quand un leader est arrivé

qu’ils ne remettent pas en cause, mais faux s’ils décident de

pour implémenter l’organisation Freedom Inc., elles ont grim-

la transformer. La liberté, ça se prend! »

pé vers les sommets de leur industrie. Et quand ce leader est parti, peu importe la raison, en quelques années, elles sont

Concrètement, comment vérifier que devenir « Freedom

retombées à un niveau de performances médiocres. Ce fut

Inc. » garantisse un gain de performance?

notamment le cas d’un groupe industriel belge de la grande

Isaac Getz: « Les Freedom Inc. doivent leur réussite à une

consommation. De plus la valorisation des entreprises Free-

grande agilité et à beaucoup d’innovation. Notre échantillon

dom Inc. est sans aucune mesure avec les entreprises tra-

d’entreprises étant très diversifié, établir des moyennes est

ditionnelles. Les marchés savent reconnaître les intangibles

toutefois impossible. Mais j’ai étudié quelques cas d’entrepri-

assets construits chez Freedom Inc. »

« Le levier de la performance ne se trouve pas dans l’argent » Sociologue du travail à l’UCL, Isabelle Ferreras replace la question de la performance et de sa rémunération dans un cadre critique. « Le salaire à la pièce consistait à rémunérer l’ouvrier pour l’objet qu’il produit, dans un contexte où l’on quantifie facilement son output, explique-t-elle. La production des salariés devenant moins identifiable individuellement, on est sorti de ce système pour rémunérer le temps de travail. La question s’est posée de savoir comment motiver l’employé et le rendre plus performant. C’est à partir

27

de là que s’est développée la théorie économique des incitants visant à rendre la rémunération la plus incitative possible. » Selon la chercheuse, cette théorie postule sinon que le travailleur serait paresseux, du moins qu’il veut en faire le moins possible. Autrement dit: il faut une carotte pour le faire avancer. Une série de recherches – certaines menées par des économistes on ne peut plus classiques – remettent en cause le raisonnement. Dans Drive: The Surprising Truth About What Motivates Us, Daniel Pink illustre les écarts entre les traditions du management et ce que montrent les recherches scientifiques. « Le salaire ne reste un aspect important de la motivation que tant que le travailleur ne peut en vivre décemment, résume Isabelle Ferreras. Aussi, octroyer une rémuné-

ration

Isabelle Ferreras: « Octroyer une rémunération afin d’accroître la performance ne donne pas nécessairement le résultat escompté. Pire: la performance peut même chuter avec l’augmentation des bonus! »

afin

d’accroître la performance ne donne pas nécessairement le ré-

montant qu’elle recevrait au chômage. Ne pas travailler peut être

sultat escompté. Pire: la performance peut même chuter avec

tentant. Ce qui explique leur motivation, c’est ce que leur travail

l’augmentation des bonus! Le système n’est probant que dans le

leur apporte: il est un support de sens majeur, à la fois largement

cas de tâches purement physiques, par exemple pour un ouvrier

indépendant du contenu de l’activité – être inclus dans un tissu

dont on veut accroître le nombre de brouettes qu’il va transpor-

social, utile à la société, autonome dans sa capacité à mener sa vie

ter. Il ne fonctionne plus dès lors que le travail implique un mini-

–, et pour partie endogène – faire un travail intéressant. »

mum d’activités cognitives et d’implication. »

« Par une approche erronée de ce qui fait la motivation, on peut

Quels sont alors les réels leviers de performance? « Les recher-

en arriver à faire pis que bien, conclut-elle. Plutôt que d’inven-

ches les plus récentes en isolent trois. D’abord, l’autonomie. Un tra-

ter des systèmes complexes de rémunération, il est préférable

vailleur qui a son mot à dire sur l’organisation de sa vie au travail

de réfléchir à créer une organisation du travail démocratique

sera plus performant. Ensuite, la maîtrise: l’être humain a le désir

favorisant l’autonomie, récompensant la maîtrise et capitalisant

de s’améliorer, de développer son expertise. Enfin, le sens: parti-

sur le sens donné au travail. » Dans son ouvrage, Isaac Getz pré-

ciper à la réalisation d’un but qui dépasse sa propre personne. »

sente une étude de trente cas d’entreprises qui ont misé sur

Isabelle Ferreras a réalisé sa thèse de doctorat sur le travail des

ces schémas d’implication, autres que monétaires, et qui sont

caissières de supermarchés (publiée sous le titre Critique politi-

ultra-performantes! « Mais l’enjeu est de taille, car il exige d’al-

que du travail, Presses de Sciences Po, 2007). Elle avait abouti au

ler au-delà des beaux discours. Il s’agit de réellement partager le

même constat: « Le salaire d’une caissière n’est pas très éloigné du

pouvoir avec les travailleurs. »

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FISCALITÉ DOSSIER : OPTIMISATION DES COÛTS TEXTE : LAURENT CORTVRINDT

Les vertus du lean management En 2007, Euroclear Bank connait un challenge particulier pour ses opérations de back-office. En effet, la croissance annuelle, pouvant atteindre les 20% jusqu’en 2007, s’accompagne d’une rotation du personnel parfois du même ordre. Euroclear décide alors de repenser son organisation structurelle en implémentant pas à pas le lean management. Trois ans plus tard, les chiffres lui donnent raison.

28

A

l’époque, Euroclear recrutait plusieurs centai-

cessus, explique Yves Poullet, CEO d’Euroclear Bank. Nous avons

nes de collaborateurs par an, pour une division

alors procédé à l’évaluation de notre efficacité opérationnelle et,

qui comptait environ 1.000 travailleurs. Avec

suite à cela, opté pour le lean management. Le lean manage-

bien entendu tous les problèmes que cela po-

ment, c’est à la fois améliorer les processus mais également re-

sait en termes de formation et de rétention d’expertise, sans

mettre en place beaucoup de bons sens et de bonnes pratiques

oublier les impacts sur le niveau de service offert aux clients.

de management. C’est un retour au management proactif et de

Quand le secteur bancaire se voit confronté à ce type de pro-

proximité, par rapport aux collaborateurs et aux problèmes. »

blème, pour y répondre, il pense prioritairement – et souvent

Dans un premier temps, en septembre 2007, seule la division

naturellement – à informatiser les processus.

« Opérations » démarre la mise en application de lean. Mais au

« Or, nous étions engagés dans une phase de grands projets

regard de résultats aussi rapides qu’impressionnants, en parti-

informatiques stratégiques et nous savions que nos ressources

culier dès mai 2008, le programme est étendu à l’entièreté du

informatiques seraient peu disponibles pour améliorer les pro-

groupe. Et, depuis trois ans, la transformation de l’organisation est en cours. Elle devrait d’ailleurs s’achever pour la fin 2011.

Pour tous, ou presque…

« La première phase concernait la transformation des équipes. Nous n’avons donc pas touché aux possibilités d’amélioration transversales, entre les équipes de différents départements ou

Le lean management peut être implémenté dans chaque division de l’entreprise car, dans n’importe quel

divisions. Nous allons à présent nous y atteler. »

métier, il y a toujours une base documentée, des pro-

4 OBJECTIFS

cessus ou des bonnes pratiques sur lesquels s’ancrer

En passant au lean management, Euroclear a amélioré sa

afin d’aider les travailleurs à fonctionner de façon plus

productivité avec moins de ressources. « Nous évaluons les

efficace. « L’appel d’offre est un exemple typique, précise

gains à 500 équivalents temps plein (ETP) évités. Mais notre

Yves Poullet. Les demandes sont souvent traitées par dif-

décision d’appliquer la méthode lean ne se limite certainement

férents collaborateurs. Par ailleurs, de nombreuses infor-

pas à un pur objectif de réduction des coûts. Avec le lean ma-

mations peuvent être réutilisées. Désormais, le processus

nagement, nous poursuivons trois autres objectifs tout aussi

est standardisé en Euroclear. Direction commerciale, res-

importants. » Premièrement, satisfaire davantage la clientèle.

sources humaines, opérations, service juridique, risk ma-

« L’indice de satisfaction a augmenté de près de 10% en quatre

nagement, informatique… tous gagnent à passer au lean

ans. Depuis le lancement du programme lean en 2007, chaque

management. Seuls, peut être – et encore – les métiers à

année, les enquêtes de satisfaction client d’Euroclear Bank af-

très haute créativité non-récurrente, comme la publicité,

fichent un meilleur résultat. »

sont moins adaptés à ce type d’approche. »

Deuxièmement, améliorer la gestion du risque opérationnel. « Un point particulièrement sensible dans l’environnement

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bancaire. Là aussi, depuis 2007, le nombre d’incidents opérationnels a diminué de 60% à 70%. » Enfin, renforcer l’implication du personnel dans la gestion des activités. « Un point plus délicat à mesurer. Mais nous surveillons les enquêtes annuelles sur le bien-être. Et il semble que les équipes étant passées au lean management reconnaissent l’importance mise en exergue par lean sur les aspects de formation et d’environnement de travail. » Par contre, ces équipes semblent se montrer plus exigeantes quant à leur management direct. « Ce que nous expliquons par la transparence apportée par le lean management, y compris pour ce que le management doit amener à ses équipes. » Lean augmenterait donc les attentes des équipes par rapport au management. Et dans une phase de transition, celui-ci doit naturellement évoluer en conséquence.

AMÉLIORATION CONTINUE Yves Poullet explique ces résultats positifs de façon assez intuitive. Dans une industrie de services, la production est souvent intangible. Un projet qui fonctionne mal ou qui dérape ne se matérialise pas toujours immédiatement par un signal négatif. En outre, dans les services, il y a une myriade d’oppor-

Yves Poullet: « Le coût de base n’est pas négligeable. Mais le travail mené rapporte énormément. De plus, on ne supprime rien de manière aveugle. On abandonne les activités inutiles, qui n’apportent aucune valeur ajoutée à l’entreprise. »

tunités pour que de petites inefficacités s’introduisent dans l’organisation du travail. « Le premier but de lean consiste à

Yves Poullet le souligne, le lean management est un long pro-

décrire de manière opérationnelle ce que les clients attendent

cessus de changement car il a pour but de former le person-

comme services. Toute la démarche part donc du client, sans

nel et le management à une nouvelle technique de gestion,

grands slogans. Ensuite, le lean management va se concentrer

centrée sur la valeur ajoutée qu’attend le client. Mais son ROI

sur la façon dont l’entreprise et les équipes en particulier s’or-

est impressionnant. « Certes, le coût de base n’est pas négligea-

ganisent pour délivrer ce que le client attend. »

ble. Mais le travail mené rapporte énormément. De plus, on ne

Les processus, l’organisation et la compétence des équipes

supprime rien de manière aveugle. On abandonne les activités

sont-ils adéquats? Le dialogue entre les couches managéria-

inutiles, qui n’apportent aucune valeur ajoutée à l’entreprise. »

les assure-t-il la bonne traduction des objectifs stratégiques

Aussi, le processus de changement est « attaqué » en premier

en objectifs opérationnels? Les problèmes de terrain remon-

lieu avec le middle management avant d’impliquer le person-

tent-ils correctement jusqu’au management pour que celui-

nel. Il est ensuite important de revoir les processus managé-

ci puisse prendre les bonnes décisions? Les équipes ont-elles

riaux classiques, afin de renforcer la mentalité que l’on sou-

les bonnes attitudes dans la détection des problèmes? « En

haite intégrer dans l’entreprise. Au cours des derniers mois, la

réalité, le lean management vise l’amélioration continue et

réputation du lean management a été quelque peu écorchée

structurelle, notamment en documentant les processus afin

par les mésaventures de Toyota et une enquête qui le classait

de les pérenniser. C’est pourquoi les collaborateurs doivent être

parmi les méthodes les moins appréciées des travailleurs.

encouragés à identifier les problèmes, à les communiquer mais

« Les résultats sur le terrain restent plus importants que n’im-

aussi à contribuer à les résoudre. »

porte quel événement. Tel qu’Euroclear l’a implémenté, le lean management a permis d’améliorer la productivité, mais éga-

SUPERVISION

lement l’esprit d’équipe ainsi que la communication au sein

Symbole par excellence de l’environnement lean: les réunions

des équipes et les synergies. Dans certains services, nous avons

journalières autour d’un tableau blanc. Chaque équipe y indique

même réduit les heures supplémentaires. Certes, Toyota a ren-

les présences et absences, les tâches et responsabilités respec-

contré des problèmes de fiabilité sur certains modèles de voitu-

tives durant la journée, les sessions de formation prévues par

res. Mais il y a probablement un concours de circonstances qui

le team leader, ainsi que les problèmes identifiés et en attente

explique certains des problèmes rencontrés, dont, peut-être,

de résolution. « Pendant quinze minutes, en début de journée, il

leur croissance rapide. Quant à la perception de pression que

s’agit ainsi de faire le point sur le travail de la veille et de préparer

le lean management engendrerait, elle est avant tout liée à

la journée qui vient sur base des volumes et des projets à délivrer.

la façon dont on l’utilise. Lean est un amplificateur de bonnes

L’apport en transparence et en communication directe est phé-

ou mauvaises pratiques. Le management doit veiller à ne pas

noménal. Ces réunions permettent de pointer ce qui va bien, de

transformer cette transparence en œil de Moscou, au risque de

mettre immédiatement le doigt sur les problèmes, d’identifier les

tuer rapidement l’initiative. Car pour que lean porte ses fruits,

forces en présences pour y répondre structurellement… »

la participation de tout collaborateur est nécessaire. » FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°43 - DÉCEMBRE 2010

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