EN PRATIQUE SOMMAIRE N°53 - FÉVRIER 2012
Dossier
Compliance Le CFO n'échappe guère à l'inflation de standards internationaux et d’obligations nationales qui complexifient son travail. Eclairage et conseils pour y faire face.
DOSSIER TEXTE : FLORENCE THIBAUT
La gouvernance n’est pas une fin en soi, mais un moyen de parvenir à une fin 20
Depuis plusieurs années, la tendance dans les conseils d’administration des sociétés du BEL 20 est d'exiger une implication accrue des administrateurs. Plus au fait de l’actualité des sociétés qu’ils encadrent, ces professionnels doivent en outre s’immerger dans la gouvernance d’entreprise et la conformité aux normes tant nationales qu'internationales propres à leur secteur d’activité.
L
es codes de gouvernance d’entreprise ont réussi à
des conseils, surtout pour les sociétés cotées en bourse, qui
s’imposer ces dernières années, l’arrêté royal du 6
voient leurs obligations en matière de reporting exploser.
juin 2010 est ainsi venu donner un statut de code de référence au « Code belge de gouvernance
QUELLE DÉFINITION?
d’entreprise 2009 » pour les sociétés cotées. Le principe de com-
A quoi renvoie le terme de « gouvernance »? Sorte de code de
ply or explain a également été reconnu légalement, obligeant
bonnes pratiques, la gouvernance est une notion peu palpable.
les entreprises cotées à se justifier en cas de non respect de l’une ou l’autre règle. Ce principe ne fait cependant pas encore l’unanimité, certains jugeant la signification et l’application concrète du volet « explain » peu précis. Ce code prévoit notamment la méthodologie de travail et la composition du conseil d’administration, ainsi que les relations entre le management et les actionnaires, l’organisation de comités d’audit et de rémunération. Pour Lutgart Van den Berghe, Executive Director de Guberna et Professeur à la Vlerick Business School, ces obligations dictées par la gouvernance ont parfois tendance à monopoliser les débats lors FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
"Chaque entreprise doit mener sa réflexion afin de trouver le modèle de gouvernance qui conviendra à ses besoins."
Lutgart Van den Berghe: « Une des difficultés majeures est d’apprendre ce qu’est une bonne gouvernance, on oublie souvent que c’est un moyen d’améliorer sa gestion, et pas seulement un kit d’obligations. » Nommée Associate Partner chez NautaDutilh à Bruxelles en janvier 2012, Anne Tilleux a fait de la gouvernance d’entreprise une de ses spécialités. Avant son arrivée en 2003 dans ce cabinet d’avocats d’affaires indépendant, elle est associée chez Oppenheimer Wolff & Donnelly. « Les principales clés d’une gouvernance durable sont la transparence, l’information et la communication, explique-t-elle. Ces trois notions reviennent fréquemment dans les codes belges, mais aussi dans les codes
« Les principales clés d’une gouvernance durable sont la transparence, l’information et la communication. »
adoptés à l’étranger. La gouvernance n’est pas une fin en soi, mais plutôt être un moyen pour arriver à une fin qui est la création de valeur à long terme. C’est une démarche transversale. »
composition du conseil d’administration. Chaque secteur d’activité peut ainsi défendre sa propre version. De manière plus large,
PAS DE RECETTE MIRACLE
il évoque les relations entre les actionnaires, les administrateurs
Une vision partagée par Lutgart Van den Berghe. « La gouvernance
et le Management d’une entreprise. La terminologie tend à se
ne doit pas être un but à poursuivre, mais bien une vision d’ensemble
modifier pour adopter une ampleur plus holistique et moins
à adopter. Il faudrait, selon moi, pouvoir différencier les codes selon les
axée sur le capital. Dans la sphère socio-économique, sous l’in-
typologies d’entreprise et ne pas avoir les mêmes prescriptions pour
fluence de la responsabilité sociétale, la gouvernance s’étend à
toutes les sociétés cotées, appuie-t-elle. Les sociétés du BEL 20 ou du
toutes les parties prenantes de la société.
BEL Small, ne vivent pas forcément les mêmes réalités, leur actionna-
« La gouvernance permet une réflexion sur la stratégie du
riat et leur capitalisation sont souvent très différents. Les obligations
Management, le fonctionnement de la société, la répartition
ne sont souvent pas à la portée des sociétés du BEL Small ou du BEL 8,
des compétences, poursuit Anne Tilleux. Son objectif final
surtout si on ajoute les recommandations britanniques. »
reste, bien sûr, de parvenir à la croissance. Sa récente prise en
Pas toujours bien utilisé, le concept de gouvernance d’entreprise
compte dans le droit belge est, selon moi, un aspect très posi-
renvoie ainsi dans un premier temps au fonctionnement et à la
tif qui pousse de plus en plus de sociétés, cotées ou non, à FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
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DOSSIER
22 Anne Tilleux: « Les professionnels de la finance doivent concilier une connaissance précise des normes en vigueur et une connaissance du fonctionnement interne de leur entreprise et des décisions qui y sont prises. » s’y intéresser, même s’il n’existe pas de modèle qui convienne
de son actionnariat ou son type d’activité. Pour la présidente
à tout le monde. Chaque entreprise doit mener sa propre ré-
de Guberna, un clivage important existe encore entre les so-
flexion afin de trouver le modèle de gouvernance qui convien-
ciétés qui ont fait le pari d’aller en bourse et les structures
dra à ses besoins spécifiques. »
indépendantes ayant parfois un actionnariat plus familial. Etre coté implique toute une série d’obligations nouvelles.
SOUS PRESSION
« Passer d’une société fermée à une société publique implique
Certains principes prévus par le Code de gouvernance d’entre-
de travailler sur son ouverture en communiquant des informa-
prise ne sont pas contraignants, d’autres, comme l’obligation
tions pertinentes sur son entreprise. L’investissement n’est pas
pour les sociétés cotées d’organiser un comité d’audit au
seulement financier, explique-t-elle. C’est toute une nouvelle
sein de leur conseil d’administration et de choisir des admi-
culture à mettre en place, qui comporte, comme bien souvent,
nistrateurs non exécutifs, dont au moins un administrateur
des avantages et des contraintes. Dans la plupart des cas, le
indépendant pour le composer, sont obligatoires et inscrits
but est de financer sa croissance, mais aussi d’avoir une réfé-
dans le Code des sociétés. « Du soft law, on est parfois passé
rence externe en matière de valeur et une reconnaissance de
au hard law », ajoute-t-elle. « Plusieurs types d’adoption sont envisageables, continue Lutgart Van den Berghe, les sociétés peuvent jouer sur la flexibilité offerte par leur code en motivant toute déviation, s’il y en a. Les régulateurs, politiques ou encore législateurs devraient aussi arrêter de voir les sociétés qui n’appliquent pas à 100% tous les préceptes recommandés, comme des mauvais élèves. » La motivation à se conforter aux principes phares de la bonne gouvernance, varie donc selon la taille d’une société, la nature FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
« Sociétés cotées et non cotées ont des choses à apprendre en matière de gouvernance. »
ses activités. Avant de se lancer, le conseil d’administration doit veiller à avoir une gouvernance solide, ce passage implique à la fois plus de reporting et de contrôle extérieur. »Au sein de ces sociétés, des disparités demeurent entre les petites sociétés à actionnariat concentré, qui vont devoir en priorité s’assurer de la défense des actionnaires minoritaires, et les plus grandes structures qui disposent d’un actionnariat plus dis-
« Le profil type d’un directeur financier aujourd'hui n’est plus celui qu'il était il y a 10 ans. »
persé et vont mettre en place des mécanismes de reporting élaborés pour rendre des comptes à tous les actionnaires. « Il
« Un des pièges à éviter en matière de gouvernance d’entreprise,
ne faut surtout pas que les petites sociétés copient ce qui se fait
précise Anne Tilleux, est d’imposer trop de contraintes aux
dans les grandes entreprises, il faut adapter les mesures pré-
conseils d’administration. On exige souvent trop de quantité
vues au contexte de l’entreprise », complète-t-elle.
au détriment de la qualité. Une bonne gouvernance réclame
DIVERSITÉ DES REGARDS
pourtant une vision à long terme dans une perspective de croissance et des informations utiles sur l’entreprise et ses secteurs
La codification de la gouvernance d’entreprise et la multiplica-
d’activité. Trop de réglementation n’est pas constructif, résister à
tion des normes à respecter, a eu pour effet de modifier quelque
cette pression est devenu très difficile. On demande davantage
peu la répartition des compétences et les profils des adminis-
de compétences aux CFO qui doivent ensuite se faire aider en
trateurs au sein des conseils d’administration, rendant parfois
interne ou en externe pour assumer ces responsabilités supplé-
plus complexes leurs réunions de travail. « Sous l’influence euro-
mentaires. Il est certain que le profil type d’un directeur financier
péenne, explique encore Anne Tilleux, il y a eu un accroissement
aujourd’hui n’est plus celui qu’il était il y a 10 ans. Les entreprises
des devoirs et obligations des actionnaires (loi du 20 décembre
doivent s’en rendre compte pour attirer et garder leurs talents. Le
2010), en parallèle à un transfert de compétences dans l’objectif
même constat existe pour les conseils d’administration, on de-
d’impliquer davantage les actionnaires dans la vie quotidienne de
mande aux administrateurs plus d’engagement, s’ils cumulent
l’entreprise. La loi du 6 avril 2010 leur a conféré ainsi un droit de
plusieurs mandats, cela peut devenir compliqué à gérer. Leur but
regard en matière de rémunération des cadres supérieurs exécu-
premier doit rester d’améliorer la croissance de l’entreprise, c’est
tifs. L’idée est aussi d’encourager le dialogue et la complémentarité
la raison pour laquelle ils ont été engagés. »
entre le management, le conseil d’administration et les action-
« La complexité est telle que les conseils doivent pouvoir comp-
naires. » « Au sujet de l’implication demandée aux actionnaires,
ter sur des spécialistes pointus qui connaissent le secteur de
une fois encore, il y a beaucoup d’hétérogénéité selon les entre-
l’intérieur, le marché et ses mécanismes », continue Lutgart
prises, ajoute Lutgart Van den Berghe, il n’existe pas de modèle
Van den Berghe.
de référence. L’essentiel pour les actionnaires est de tenir compte
Face à la complexification des normes et des standards, un
de l’intérêt de la société, qui peut parfois être en porte-à-faux
autre danger à éviter est une compartimentation trop grande
avec celui du management à un certain moment. Le conseil n’a
des activités et un manque de responsabilité globale. « D’où
pas seulement pour mission de contrôler la conformité de l’entre-
l’importance de la transparence et du dialogue, toute les déci-
prise, mais bien de stimuler sa croissance et l’entrepreneuriat, d’où
sions opérationnelles ont des conséquences financières. Les
l’importance de rassembler une diversité d’expériences et de par-
professionnels de la finance doivent donc concilier une connais-
cours. Chaque administrateur doit avoir un minimum de connais-
sance précise des normes en vigueur et une connaissance du
sance en matière de réglementations, surtout dans celles suscep-
fonctionnement interne de leur entreprise et des décisions qui
tibles de toucher son secteur, que ce soit Solvency ou Bâle III pour
y sont prises. Ils doivent donc effectuer un double contrôle in-
le secteur bancaire ou MiFID pour le secteur du retail. Bien sûr,
terne », ajoute Anne Tilleux.
chaque membre ne peut pas les maîtriser toutes. Un bon conseil
« Une des difficultés majeures est d’apprendre ce qu’est une
est construit sur mesure et mélange compétences sectorielles,
bonne gouvernance, on oublie souvent que c’est un moyen
techniques et connaissances de l’entreprise. L’idée centrale est de
d’améliorer sa gestion, et pas seulement un kit d’obligations,
pouvoir représenter tous les intérêts. »Une des lois qui risque de
conclut Lutgart Van den Berghe. Trop de discussions tournent
modifier la composition des conseils d’administration à l’avenir
autour de la compliance dans les conseils, parfois au détriment
est sans doute celle sur les quotas (loi du 28 juillet 2011). Les
de la stratégie ou de la croissance. Dans les sociétés non cotées,
entreprises sont priées d’atteindre un tiers de femmes au sein
on constate souvent le problème inverse, car il n’y a pas cette
de leurs administrateurs d’ici 2017. Elles devront justifier les
demande d’ouverture des investisseurs. La démarche doit venir
actions entreprises à cette fin dans leurs rapports annuels.
de l’intérieur. Sociétés cotées en bourse et non cotées ont des
OBSTACLES À ÉVITER
choses à apprendre en matière de gouvernance! »
Le reporting imposé aux départements financiers est également de plus en plus exigeant, ce qui représente une charge de travail plus que conséquente pour le CFO et son équipe. FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
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DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : FLORENCE THIBAUT
Une réforme fiscale opportuniste! 24
Attendu depuis de longs mois, l’accord gouvernemental – dit « papillon » car conclu sous la houlette d’Elio Di Rupo –, comporte de nombreuses mesures qui vont impacter les entreprises et leurs travailleurs. Epais de 180 pages, le document prévoit notamment des changements dans l’impôt des sociétés, des personnes physiques et morales. Un vaste chantier de mise en conformité s’est donc ouvert pour les directeurs administratifs et financiers.
Avocat associé chez Claeys & Engels, Olivier Debray insiste
recettes fiscales prévues dans l’accord gouvernemental sont
d’emblée: cet accord reste, dans bien des cas, à l’état de
actuellement en préparation et seront vraisemblablement
déclaration de principe. Il faut encore déterminer quand et
complétées par de nouvelles mesures qui devront être prises
comment certaines mesures vont être appliquées. Parmi la
lorsque le Bureau du Plan aura communiqué vers la mi-fé-
vingtaine de pages destinée à modifier le marché du travail
vrier ses nouvelles perspectives économiques pour la Bel-
afin d’améliorer le taux d’emploi, on peut classer les mesures
gique en 2012.
en trois grands pôles: un volet socio-juridique, des mesures fiscales et un volet dédié aux pensions. « L’accord s’apparente à un saupoudrage de mesures qui rendent certains avantages
PREMIÈRE SALVE
moins intéressants, observe-t-il. Il s’agit plus de rééquilibrer et
L’idée centrale est bien de combler une partie du déficit
de corriger que de transformer fondamentalement notre fisca-
budgétaire par de nouvelles mesures fiscales, à la fois par
lité. On sent qu’il est issu d’un compromis entre plusieurs partis
la hausse de certains impôts et la création de taxes supplé-
opposés, surtout qu’il prévoit toute une série d’exceptions. »
mentaires. Ainsi, en matière d’impôts sur les personnes phy-
« Cette réforme fiscale, attendue de longue date, a clairement
siques, le précompte mobilier, la cotisation supplémentaire
une vocation purement budgétaire, elle ne transforme pas
sur certains revenus mobiliers, les avantages en nature sur
fondamentalement le système fiscal belge, mais donne lieu à des impositions complémentaires ciblées, appuie Xavier Gérard, avocat fiscaliste pour le cabinet Nibelle & Avocats. C’est une réforme fiscale opportuniste. Une partie de l’accord devait absolument sortir en décembre pour être effectif au 1er janvier, notamment pour ce qui concerne le précompte mobilier. La loi du 28 décembre 2011 a donc été précipitée et manque cruellement de rigueur légistique. Contrairement à la réforme de 2001 lancée par Didier Reynders, il n’y a pas de vraie progression, ni de réflexion en profondeur visant à réformer intelligemment le régime fiscal belge. » Les autres FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
« Il n’y a pas de vraie progression, ni de réflexion visant à réformer intelligemment le régime fiscal belge. »
« Chaque dixième de pourcent de déficit supplémentaire représente pas moins de 200 millions d’euros… » les voitures de société, les options sur actions, divers crédits d’impôt et déductions fiscales (notamment sur les titres-services) verront leur régime de taxation modifié à la hausse ou leur avantage diminué. Au niveau de l’impôt des sociétés, les deux grands changements se situent sur les intérêts notionnels et les plus-values sur actions, moins intéressants qu’avant. Sur les 11,3 milliards d’économies prévues, 42% de l’effort viendra d’économies sur les dépenses, 34% de nouvelles recettes et 24% de mesures dites « autres », dont une taxe sur les opérations boursières et sur la conversion des titres au porteur. Certains points de l’accord sont d’ores et déjà sujets à révision
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et des chapitres sur la lutte contre la fraude fiscale doivent être complétés.
AVANTAGE MIS EN CAUSE « Ce programme est réparti autour de nouvelles recettes et d’économies budgétaires. Il prévoit un effort record depuis la deuxième guerre mondiale, souligne Rony Baert, conseiller général chez Partena HR. Cela dit, on sait déjà que cet accord ne sera pas suffisant pour sortir de l’impasse. Il comprend de nombreuses déclarations d’intentions qui devront sans doute être adaptées, étant donné le climat social actuel. De plus, les paramètres suivant lesquels le budget a été dessiné misaient sur une croissance de 0,8% en 2012. Or, la FEB a annoncé qu’elle estimait ce pourcentage à 0,2%. Chaque dixième de pourcent de déficit supplémentaire représente pas moins de 200 millions d’euros… » Une évaluation de l’accord devrait intervenir peu après le bouclage de cette édition, avec de nouvelles mesures à la clé.. Des arrêtés royaux d’exécution devront également
Olivier Debray: « L’accord s’apparente à un saupoudrage de mesures qui rendent certains avantages moins intéressants. Il s’agit plus de rééquilibrer et de corriger que de transformer fondamentalement notre fiscalité. »
être publiés dans les semaines à venir afin de préciser certains points du premier accord, aucun délai n’a encore été
tant pour les véhicules neufs, que d’occasion et en leasing.
annoncé à ce sujet.
« Ce nouveau régime cherche à pénaliser le bénéficiaire du
En matière de fiscalité des personnes physiques, un gros mor-
véhicule de société, alors qu’il s’agit initialement d’une mesure
ceau se situe dans les avantages en nature, notamment dans
permettant à l’employeur de réduire ses coûts salariaux. La
les voitures de société. Le nouveau gouvernement espère
nouvelle formule, qui repose sur la valeur catalogue, ressemble
bien récolter 200 millions de recettes supplémentaires, grâce
davantage à une forme d’imposition déguisée de signes exté-
à ces dernières. Pan important de l’économie belge, elles sont
rieurs de richesse », explique Xavier Gérard. Déjà prévu par la
estimées au nombre de 550.000 et seront à présent taxées
note Di Rupo de cet été, le coût de cette valorisation devrait
suivant leur taux d’émission CO2 et leur valeur catalogue. Le
être divisé entre l’employeur (1/7ème) et le bénéficiaire (6/7ème).
kilométrage forfaitaire sera ainsi remplacé par le kilométrage
Le montant de cet avantage en nature ne pourra jamais être
réellement parcouru. Le ratio se calcule comme suit: coeffi-
inférieur à 1.200 euros par an. Présente dans la plupart des
cient de CO2 x 6/7 x valeur catalogue. Cette définition vaut
packages salariaux, la voiture de société sera peut être FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
DOSSIER FISCALITÉ
ainsi délaissée au profit d’augmentations en cash, comme le craignent beaucoup d’entreprises.
POLLUEUR = PAYEUR ? « Les voitures qui souffriront le plus sont les modèles chers et polluants, pointe Nicolas de Limbourg, Partner chez PwC. Pour les modèles à faible valeur catalogue produisant peu d’émissions, les nouvelles mesures peuvent s’avérer positives. Dans un premier temps, il sera difficile pour les entreprises de compenser ces montants pour la première catégorie qui peuvent être très importants. Il y aura une période de transition, surtout suite à la tendance à l’allongement des contrats de leasing de ces dernières années, même si les entreprises qui ont toujours mené une politique de flotte responsable ne devraient pas trop souffrir. » Dans d’autres cas de figure, comme pour les véhicules d’occasion ou les véhicules en renting, la loi du 28 décembre 2011 laisse planer certaines incertitudes quant à la détermination du prix catalogue. L’avant-projet de loi-programme modifiera à nouveau ce régime. « Voici une démonstration de négligences dues à la précipitation. L’avant-projet de loi-programme prévoit que, pour les véhicules neufs, il sera tenu compte de la valeur facturée et, pour les autres véhicules (occasion, leasing ou renting), de la valeur
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catalogue. Dans les deux cas, ces valeurs seront diminuées de 6% par an avec un maximum de 30%, continue Xavier Gérard. Alors que le régime de la loi du 28 décembre 2011 créait une discrimination entre un véhicule identique acheté neuf ou d’occasion, le nouveau projet supprime une discrimination pour en créer une autre. Dans la pratique, nombre de distributeurs commercialisent des véhicules neufs à une valeur sensiblement inférieure à la valeur catalogue, sans que cette différence constitue une réduction qui doit être additionnée au prix facturé pour les besoins du calcul de l’avantage en nature. Encore une fois, un véhicule identique impliquera une imposition différente selon qu’il est acquis neuf ou autrement. De plus, ce régime a gommé le caractère écologique de l’ancien système ; les nouveaux véhicules électriques ont une valeur catalogue importante et l’avantage en nature dépend de cette valeur. »
GARDER AU TRAVAIL Si l’âge officiel du départ à la retraite est maintenu à 65 ans, l’accord prévoit aussi un recul progressif de l’âge d’accès à la prépension, un recul progressif de l’âge d’accès à la pension
Nicolas de Limbourg: « Il faudra trouver de nouveaux équilibres. Ce qu’on conseille à nos clients, c’est d’optimiser les enveloppes salariales en équilibrant salaire et avantages en nature, et ne pas introduire trop d’exceptions. »
anticipée et une limitation des possibilités de pauses-carrières, tout cela en vue de garder les travailleurs plus long-
« Le texte de l’avant-projet de loi-programme est techniquement critiquable et comprend déjà des discriminations. » FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
temps au travail. La taxation des capitaux de pension a également été revue en profondeur. Deuxième pilier des fonds de pensions au côté de la pension légale et des assurances vie personnelles, la déductibilité fiscale des assurances de groupe est à présent plafonnée aux sommes maximales autorisées dans le secteur public, soit environ 72.000 euros par an, ce qui n’était pas le cas avant. La volonté est bien d’uniformiser secteurs privé et public.
« Les contributions à un plan de pension, souvent réparties entre l’entreprise et son collaborateur, donnaient lieu à une réduction d’impôts située entre 30 et 40% pour l’employé, ce pourcentage est aujourd’hui plafonné à 30%, indique Nicolas de Limbourg. Il y a donc un plafond maximal pour les entreprises et moins de réductions pour les employés. Ce qui rendra d’autant plus intéressant, si on reste dans les rentes maximales, que seuls les employeurs cotisent. » Une autre mesure viendra appuyer la volonté de conserver les gens au travail plus longtemps en taxant le capital constitué de manière dégressive, de 20% à 60 ans jusqu’à 10% à 65 ans. « Il faudra travailler jusqu’à 62 ans pour avoir les mêmes conditions qu’aujourd’hui », évalue Olivier Debray. La règle des 80% stipule aussi que les montants cumulés perçus ne pourront pas dépasser 80% du dernier traitement. « Les coûts du travail étant très élevés en Belgique, les entreprises ont souvent fait bénéficier leurs travailleurs d’avantages comme les chèques repas, voitures de société ou plans de pension, note Nicolas de Limbourg. C’est aujourd’hui moins rentable pour les entreprises qui se retrouvent dans une position difficile. Elles ne veulent pas non plus ajouter de la pression sur leurs employés. Il faudra trouver un nouvel équilibre. Ce qu’on conseille à nos clients, c’est d’optimiser les enveloppes salariales en équilibrant salaire et avantages en nature, et ne pas introduire trop d’exceptions. » Le taux d’occupation des travailleurs âgés de 50 à 65 ans se situant seulement entre 30 et 35%, la Belgique est considérée par l’Union Européenne comme un mauvais élève et est donc priée d’atteindre les 50% dans les années à venir. Pour encourager ces travailleurs expérimentés à rester au travail, le gouvernement a décidé de maintenir le « bonus pension » déjà octroyé depuis quelques années aux employés qui ne s’arrêtent pas à 62 ans. Leur pension légale sera ainsi majorée d’une somme « bonus ». Cette décision, temporaire, devra
Xavier Gérard: « Cette réforme fiscale, attendue de longue date, a clairement une vocation purement budgétaire, elle ne transforme pas fondamentalement le système fiscal belge, mais donne lieu à des impositions complémentaires ciblées. »
encore être confirmée pour l’avenir. plusieurs années. L’équilibre devra se faire au bénéfice des
CHANTIERS EN ATTENTE
ouvriers et donc au détriment des employés. Nous défendons
Certains sujets sensibles n’ont pas encore été couverts par
l’optique d’un préavis d’un mois par année travaillée, quel que
l’accord. Un grand chantier devrait être consacré à l’harmo-
soit le statut, avec un plafond de 12 mois. »
nisation des statuts entre employés et ouvriers, notamment
Dans le cadre de l’accord budgétaire, on ne prévoit pas encore
dans le but d’équilibrer la durée des périodes de préavis. Une
d’indications de modalités, ni de timing effectif. Les règles
première tentative avait déjà eu lieu avec un accord inter-
régissant les vacances annuelles devront aussi encore être
professionnel avorté qui entendait modifier les conditions
redéfinies et la remise en question de l’indexation automa-
des préavis. Le gouvernement a toutefois exécuté l’accord de
tique des salaires n’a pas été négociée. Une fois encore, la
principe conclu entre les partenaires sociaux, mais désavoué
Belgique demeure le seul pays au monde à encore pratiquer
par les bases syndicales socialistes et libérales. Une première
cette dernière. « C’est un accord défensif, une série de pro-
étape du rapprochement entre les délais de préavis applicables aux ouvriers et aux employés est donc d’application depuis le 1er janvier 2012. « Nous sommes le seul pays européen à maintenir une telle différence, rappelle Olivier Debray. Un arrêt de la Cour Constitutionnelle nous donne deux ans pour harmoniser ces statuts: nous n’avons plus le choix. Quand les ouvriers disposent de quelques semaines d’indemnités lors d’un licenciement, un employé a droit à plusieurs mois, voire
« C’est un accord défensif, une série de problèmes n’ont pas été traités. » FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
DOSSIER FISCALITÉ
« Cette réforme fiscale, attendue de longue date, a clairement une vocation purement budgétaire. » grande fraude fiscale pour annoncer ensuite un renforcement des contrôles auprès des employés qui optent pour les frais réels. Le texte de l’avant-projet de loi-programme est techniquement critiquable et comprend déjà des discriminations. Une réforme fiscale de grande ampleur nécessite un travail consciencieux ; une lutte efficace contre la grande fraude fiscale et le rétablissement d’une certaine justice fiscale semblerait supposer une bonne dose de courage politique qui fait défaut. Cette politique fiscale a pour seule conséquence l’adoption de mesures décousues qui permettront probablement de combler le déficit budgétaire à court terme, à défaut de soutenir l’esprit d’entreprendre et de renforcer la compétitivité des entreprises belges créatrices d’emploi. »
Rony Baert: « On sait déjà que cet accord ne sera pas suffisant pour sortir de l’impasse. Il comprend de nombreuses déclarations d’intentions qui devront sans doute être adaptées, étant donné le climat social actuel. »
blèmes comme l’emploi des jeunes, la gouvernance publique, la lutte contre la discrimination ou les différences de statuts entre ouvriers et employés n’ont pas été traités. Il y a peu de mesures visant à encourager l’emploi », soutient Rony Baert. Malgré ces zones d’ombres, les entreprises n’auront pas d’autres choix que de s’atteler aux adaptations et ce, dès maintenant. « Dans les jours à venir, les questions sur les avantages en nature liés à l’acquisition en société de la maison d’habitation, les plus-values sur actions à l’impôt des sociétés et les provisions internes pour les sociétés de management, devront être clarifiées, tout comme les modalités concrètes de lutte contre la fraude fiscale, conclut Xavier Gérard. Il ne s’agit pas ici d’une modification sensée et durable de notre fiscalité. Le gouvernement a clamé un renforcement de la lutte contre la FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : FLORENCE THIBAUT
Le CFO doit jouer un rôle de bétonneur de l’entreprise Chargé de s’assurer du respect des normes et de la gestion des activités financières de son entreprise, le CFO à affaire à une inflation de standards internationaux et d’obligations nationales qui complexifient son travail. Equilibriste, il doit s’entourer d’experts pour pouvoir faire face à ces défis, tout en continuant à soutenir le business. Deux CFO témoignent du changement de leur métier et de l’évolution du travail des conseils d’administration.
P
lus impliqué dans la stratégie et la découverte de
ces deux CFO partagent certains points de vue sur leur mé-
nouvelles opportunités de croissance, le directeur
tier et ses défis.
financier cumule les lourdes tâches d’assurer la gestion des risques, de planifier les budgets, de
DE SOCIÉTÉ PRIVÉE À PUBLIQUE
produire un reporting précis, de prévoir les résultats financiers
Avec un profil d’économiste et plusieurs expériences en
futurs, de mettre en place une gouvernance durable… Com-
banque, Pierre Lambert est engagé chez Zetes en 2000 suite
pliance, reporting et gouvernance se partagent désormais une
à une volonté d’expansion européenne et de renforcement
bonne partie de son agenda. Si sa société est cotée, elle doit aus-
des équipes financières de l’entreprise. De 300 employés du-
si organiser un comité d’audit en soutien au conseil d’adminis-
rant cette période, les équipes de Zetes sont passées à 1.100
tration et choisir des administrateurs indépendants pour siéger
collaborateurs aujourd’hui. « En 12 ans, le visage de la société
dans ce dernier, multipliant encore les obligations légales.
a bien changé, explique-t-il. Mes tâches ont également beau-
En 2000, Pierre Lambert rejoint Zetes en tant que CFO. No-
coup évolué. La réglementation a sans doute eu une influence,
tamment spécialisée dans la création de cartes d’identité
mais ce n’est pas le seul élément. La taille de l’entreprise et sa
électroniques, la société a choisi d’aller en bourse en 2005.
dynamique d’expansion y sont aussi pour beaucoup. Présents
De son côté, Jean-Marc Kesteman, est arrivé chez Nuon en
auparavant dans 4 ou 5 pays en Europe, nous travaillons désor-
2005 en tant que Credit & Collection Manager. Après avoir
mais avec une quinzaine de pays dans le monde ».
été Compliance manager, il occupe à présent la fonction de
Un deuxième changement pour Zetes a été son passage d’une
CFO depuis un peu plus d’un an. Créé en 2002, le fournis-
société privée à une société publique en 2005. L’entreprise a
seur d’énergie vient d’être racheté par ENI, un grand groupe
ainsi choisi d’être cotée à Euronext pour grandir et financer
international. Si leurs secteurs d’activité sont très différents,
de nouveaux projets. « Nous étions victime d’un paradoxe, FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
29
FISCALITÉ DOSSIER
nous avions des ambitions fortes, mais une structure de bilan
Leur rôle va bien au-delà de la simple observation des règles.
assez faible qui limitait notre développement, rappelle Pierre
« Comme ils ont souvent d’autres mandats, on sait aussi qu’ils
Lambert. Ça s’est avéré une bonne décision car, depuis lors,
ont les compétences en matière de régulation. Nous avons éga-
sans plus faire appel au marché, nous conservons une dyna-
lement l’obligation légale de solliciter la présence d’actionnaires
mique de croissance. Cela a bien sûr eu des conséquences en
indépendants, qui ne détiennent pas une participation signifi-
matière de gouvernance d’entreprise et d’obligations légales.
cative, mais sont garants des intérêts de tous les actionnaires.
L’effort est assez conséquent, mais il apporte des effets collaté-
Je ne pense pas pour autant que les membres non exécutifs du
raux positifs, notamment au niveau du recrutement et de notre
conseil doivent être plus impliqués qu’avant, mais on vise une
renommée. Dans notre métier de People ID, c’est également un
plus grande complémentarité des profils et des expériences. » Le Conseil de Zetes se compose ainsi de dix administrateurs, dont trois exécutifs qui sont impliqués dans la gestion quotidienne de la société, le CEO, le CFO et le Président du conseil qui maîtrise les affaires légales; trois administrateurs indépendants choisis pour leur expérience sur proposition du conseil lors de l’Assemblée Générale et quatre représentants des actionnaires.
PAS UN SUPER HÉROS « Le CFO est le gardien de l’orthodoxie, mais se doit aussi de soutenir les opportunités pour son entreprise. Etre uniquement un dinosaure qui contrôle parfaitement les règles ne peut plus fonctionner, continue Pierre Lambert. Il doit bien s’organiser et bétonner les risques, tout en soutenant le business. Bien sûr, le CFO ne peut pas pour autant jour le rôle de superman et tout
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faire. Il s’agit de trouver un équilibre en s’entourant de bons collaborateurs. De mon côté, je n’assure pas le travail d’investigation en matière de compliance. Je m’appuie notamment sur le Contrôleur Groupe, qui réalise le suivi des normes, IFRS ou autres, et les traduit dans l’organisation. Nous présentons ensemble un résumé au Comité d’Audit qui vérifie ensuite si les règles sélectionnées sont bien pertinentes pour nos activités. »
Pierre Lambert: « Le plus fructueux pour un CFO est de créer la bonne équipe et le bon contexte de travail en veillant à la clarté du message interne. Tout contrôler est une cause perdue d’avance. »
Pour éviter d’être submergé, le CFO doit ainsi connaître ses limites et définir ses priorités, tout en s’entourant de profils spécialisés. « Je pense que le plus fructueux pour un CFO, ajoute-t-il encore, est de créer la bonne équipe et le bon contexte de travail en veillant à la clarté du message interne. Tout contrôler est une cause perdue d’avance. La responsabilité
atout et un aspect qui rassure nos clients sur la pérennité de
du CFO est surtout une question d’équipes. Collaborer dans la
notre entreprise. Cependant, je ne suis pas sûr qu’une société
vigilance est, selon moi, le modèle à suivre. »
de notre taille ferait encore ce choix aujourd’hui, car les régle-
Les auditeurs externes vérifient également si les obligations
mentations et les contraintes ont beaucoup augmenté et que
légales sont bien respectées, permettant ainsi à l’entreprise
le saut du privé au public est encore plus grand qu’en 2005. »
un mécanisme de double contrôle. « Nos auditeurs savent que nous sommes IFRS-compliant, ils en tiennent compte lors de
COMPLÉMENTARITÉ DES PROFILS
leur travail », complète le CFO de Zetes.
Ces évolutions en matière de régulation, ainsi que dans la structure de Zetes se sont aussi reflétées dans la composi-
AGILITÉ ET ADAPTABILITÉ
tion de son conseil d’administration. « Il y a dix ans, un conseil
Cette multiplication des réglementations nationales et in-
était généralement composé de représentants d’actionnaires
ternationales est souvent perçue comme un poids pour les
qui étaient surtout là pour veiller sur leur investissement, pour-
petites et moyennes structures. « J’ai pu remarquer un chan-
suit-il. Aujourd’hui, on recherche davantage des administrateurs
gement depuis ces sept dernières années. Le volet compliance
ayant des compétences pointues et diversifiées, par exemple, en
requière beaucoup de ressources, ce qui est parfois difficile pour
matière de fusions et acquisitions, qu’ils soient représentants
une société de notre taille, appuie Pierre Lambert. Nous fai-
d’actionnaires ou pas. On attend d’eux qu’ils nous aident à
sons en gros un chiffre d’affaire de 200 millions et pour nous,
prendre les bonnes décisions stratégiques et qu’ils soutiennent
les obligations de gouvernance d’entreprise représentent des
les initiatives du business en ayant un regard critique. »
investissements proportionnellement plus lourds que pour
FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
une grosse entreprise. Cela dit, la conformité aux normes
financières. Il y a dix ans, les entreprises étaient plutôt dans
répand des valeurs d’équité et de bon fonctionnement dans
une application dogmatique et une implémentation stricte, ce
l’entreprise. Subir les normes comme des contraintes est peu
qui représentait un coût énorme, ajoute Jean-Marc Kesteman.
constructif, renverser la vision en essayant que le business soit
On va aujourd’hui vers une approche plus pragmatique et une
fait dans les règles, peut s’avérer positif, même si cela nécessite
plus grande adaptation à son métier. Gérée par le département
des efforts constants. » Pour y faire face, adaptabilité, vigilance
financier, la compliance impacte néanmoins toute l’entreprise.
et agilité sont les maîtres mots. L’équilibre doit donc se faire
L’IT, par exemple, possède un important rôle à jouer, la techno-
entre respect des règles financières et soutien du business.
logie devant traduire les obligations réglementaires dans les processus, ce qui nécessite un contrôle technique et financier
UN MARCHÉ EN CONSTRUCTION Nuon Belgium, fournisseur belge de gaz et d’électricité, a récemment fait l’actualité en étant racheté par le groupe italien Eni, un géant pétrolier et gazier présent dans près de 80 pays et employant 80.000 personnes, et déjà présent dans le secteur à travers Distrigas en Belgique. La transaction a abouti en janvier dernier, Nuon sera progressivement intégré dans l’entreprise Eni, lui ouvrant, ainsi qu’à ses clients, de nouvelles perspectives. La société rassemble 150 employés sur le payroll et 300 emplois indirects. « Le secteur de l’énergie est en perpétuel mouvement et particulièrement normé, explique Jean-Marc Kesteman, CFO de Nuon Belgique. La difficulté, en Belgique, est d’avoir quatre régulateurs : l’Etat fédéral et les trois régions, ce qui demande une
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certaine flexibilité et une souplesse pour parvenir à coordonner toutes les directives. Nous devons également suivre la politique européenne en matière d’énergie, ce qui en fait un domaine passionnant, mais où on ne peut jamais se reposer sur ses acquis. Il ne faut pas oublier que la libéralisation de l’énergie a à peu près dix ans, le marché est encore en train de se construire. Chaque pays doit s’adapter à ce que fait ses voisins. » Jean-Marc Kesteman rejoint Pierre Lambert en soulignant le besoin d’organisation du CFO. « Nos obligations en matière de compliance nous demandent beaucoup de ressources. Rien que pour les questions de régulation, deux juristes, sont employés à
Jean-Marc Kesteman: « Les réglementations internationales comme IFRS ou SOX sont des exercices plutôt contraignants pour les petites structures. Ils introduisent des changements dans la manière de conduire son business. »
temps plein, ce qui est beaucoup pour une entreprise de 150 personnes. J’ai toujours travaillé dans un milieu de multinationales. Je constate que les réglementations internationales comme IFRS
très précis. Ce reporting est devenu tellement important qu’il
ou SOX sont des exercices plutôt contraignants pour les petites
représente en moyenne 10% des nos investissements. Avec mon
structures. Ils introduisent des changements dans la manière de
équipe, je me charge de la conformité financière, mais aussi de
conduire son business », précise le CFO de Nuon.
consolider les aspects compliance des départements juridiques et techniques. Outre la coordination, mon rôle est également
MOINS DOGMATIQUE
d’être un point de contact pour nos actionnaires. »
Si ces réglementations sont de plus en plus nombreuses, la
Pour résumer, le CFO doit donc constamment jouer l’équi-
façon d’y répondre a également évolué. « Je remarque surtout
libriste en assurant les tâches financières historiques de
une évolution dans la manière de traiter ces régulations
comptabilité et de fiscalité, tout en étant un stratège et en prévoyant à long terme les résultats de son entreprise, la direction à suivre et les investissements nécessaires pour répondre aux besoins croissants en terme de compliance. « Il
« La compliance impacte toute la société. L’IT, par exemple, possède un important rôle à jouer. »
doit occuper un rôle de gardien et de bétonneur de la société. Il ne peut jamais être en pilote automatique, mais doit être attentif en permanence. Il lui faut aussi conscientiser chaque personne de la société à son niveau, en fait, il doit constamment alterner plusieurs niveaux de vision: plongée et recul », termine Pierre Lambert. FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : FLORENCE THIBAUT
Vers un système de cotations boursières plus réel 32
Lassés de la volatilité des marchés et des variations extrêmes des cours des actions, certains acteurs de la finance défendent un système de cotation des valeurs boursières plus réel. C’est le cas de Christian Pire, gérant de portefeuilles, créateur de l’indice ISR – un indicateur des variations boursières relevant de l’information socialement responsable – et du site SOCIOECOPOFI.
E
t si les marchés financiers allaient droit dans le
des marchés et la création de bulles financières qui déstabi-
mur? Admettre qu’ils ont tort, c’est reconnaître
lisent l’économie réelle.
leur manque d’efficacité à long terme. La crise de la dette a ainsi permis de mettre en lumière
TENIR COMPTE DES VOLUMES
les failles du système financier international. Certains évoquent
Lors de ses conférences « Comprendre & Investir », Christian
même une « définanciarisation » de nos économies nécessaire
Pire insiste sur le fait que la crise actuelle a davantage de ra-
pour retrouver des économies moins volatiles et plus respon-
cines comptables que financières. « Le marché fonctionne en
sables. Dans son livre L’empire de la valeur, André Orléan, direc-
circuit fermé. Il y a trois ans, c’était trop tôt pour dénoncer son
teur de recherche au CNRS en France, insiste sur cette impor-
fonctionnement, c’est à présent le bon moment, explique-t-il.
tance disproportionnée accordée à la finance dans nos sociétés.
Nous sommes aujourd’hui plus face à une crise comptable, qu’à
Selon lui, les prix sur lesquels reposent les marchés sont des
une réelle crise boursière qui verrait déferler les ordres de vente.
valeurs tronquées qui ne reflètent pas la demande réelle.
Certaines normes financières sont complètement délirantes sur
Un marché physique réel se construit sur base de l’offre et de
le plan de la comptabilité. Je pense que la prise de conscience
la demande d’un bien pour en déterminer son prix. Plus ce
doit venir du consommateur lambda qui consomme des SICAV
bien est rare, plus son prix doit être élevé. La finance moderne
ou des fonds communs sans forcément maîtriser les rouages
a étendu ce constat lié aux biens physiques aux actifs finan-
financiers, ni la manière dont l’information financière se
ciers, qui ne suivent pourtant pas tout à fait la même logique,
construit. Il y a un vrai travail de sensibilisation à effectuer. »
étant donné que sur ces marchés, les prix évoluent en fonc-
Le gestionnaire défend l’idée d’une information socialement
tion de l’anticipation des revenus futurs, encourageant ainsi
responsable qui tiendrait compte des volumes échangés sur
la spéculation. Ceci expliquant pour André Orléan la volatilité
le marché, ce que ne fait pas le système de cotation actuel. Les
FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
marchés boursiers n’ont jamais eu pour objectif de détermi-
« Quand on analyse les variations des valeurs boursières, les
ner la valeur de tous les titres. Ce sont les marchés des valeurs
cours à la clôture imposent des réponses financières instan-
(lieu où l’on peut s’échanger un volume de titres contre un
tanées qui ne correspondent pas à ce qui s’est vendu, mais à
prix) et non de la valeur de tous les titres. Ce n’est pas parce
ce qui pourrait se vendre, résume Christian Pire. En d‘autres
que 50.000 Belges ont gagnés (ou perdu) au Lotto que l’on dit
termes les valeurs sont extrapolées et on crée des richesses ou
à tous les Belges qu’ils ont gagné (ou perdu) la même chose.
des pertes uniformément et de manière artificielle sans appui
Les prix fixés par les marchés ne sont ni faux, ni inefficients,
de volumes échangés, ce qui peut créer une forme d’hystérie ou
puisqu’ils sont la résultante d’un échange à prix donné pour
de panique. La logique ne voudrait-elle pas que l’on fasse res-
un volume donné. La « fausseté » et « l’inefficience » des mar-
sortir dans le cours le faible pourcentage du volume échangé?
chés viennent de l’extrapolation à tous les titres que la comp-
Toute l’économie se fonde pourtant sur ce marché virtuel. »
tabilité fait jouer à un cours de bourse réalisé à une heure
Le site www.agencedecotationisr.com, notamment alimenté
précise pour un volume précis.
par le gestionnaire, propose une lecture différente de la variation des cours boursiers afin d’offrir une vision alternative. Il
DISSYMÉTRIE DE L’INFORMATION
retraite ainsi systématiquement les cours du jour des actions
« Les cours de bourse ne peuvent pas être pris à eux seuls
sur le CAC 40 (indice Français), BEL 20, FTSE MIB (Indice Italien)
comme informations de référence de la valeur des titres et des
et le SMI (Indice Suisse) en fonction des volumes échangés. A
portefeuilles. Il suffit de quelques titres échangés à la clôture
cette occasion, il calcule l’impact du système comptable sur la
pour que l’on affecte mécaniquement la hausse ou la baisse
variation des cours via l’indice de destruction comptable (ou
à des millions voire des milliards de titres. Quoi de plus fou?
l’indice de création comptable en cas de hausse) qui calcule
La dissymétrie de l’information financière, soit sa perception
le pourcentage de la baisse (ou de la hausse) du cours du uni-
variable selon les connaissances du lecteur ou de l’auditeur,
quement à la méthode de valorisation comptable qui ne prend
peut devenir de la désinformation », complète Christian Pire.
pas en compte les volumes échangés (liquidité). Il repose sur le
Pour retourner à une communication financière plus saine,
constat que la finance se fonde sur une conception continue
il recommande ainsi, l’obligation pour la presse financière
des variations économiques et sur le fantasme qu’on peut tout
d’ajouter à la variation spéculative du jour (variation officielle
contrôler et tout prévoir, risques comme plus-values, amenant
actuelle fournie par Euronext), une variation socialement res-
à une spéculation dangereuse. Pour un indice, la variation ISR
ponsable tenant compte des volumes échangés.
se calcule en multipliant la variation officielle multipliée par
Il prône également que les gérants des SICAV et FCP stipu-
la somme des volumes échangés pour chaque constituant de
lent leur indice de liquidité 3L. Cet indice, en comparant les
l’indice et pour une valeur, c’est la variation officielle corrigée
volumes de titres détenus par le gérant de la SICAV ou du FCP
du volume échangé/nombre de titres en circulation.
au volume traité en bourse, donne une idée de la crédibilité des performances annoncées. Si le volume détenu par le gé-
SYSTÈME ARTIFICIEL
rant est dix fois plus élevé que ce qui est échangé en bourse,
« Il ne faut pas oublier que le cours de bourse n’a d’importance
qu’elle est la crédibilité des performances annoncées par
que pour les ‘petits’ porteurs qui ne suivent pas la masse pour pas-
le gérant? Trop souvent, il est vendu des performances fan-
ser leurs ordres boursiers, ainsi que pour les investisseurs qui ont
tasques. C’est bien la liquidité des lignes qui détermine la fia-
effectivement acheté ou vendu leurs titres. Avec mes collabora-
bilité des performances annoncées. Il revendique ainsi l’ins-
teurs, nous défendons un label de ‘performance’ réalisable, pour-
tauration d’un tableau de bord « information socialement
suit-il, qui viendrait classer et définir les cours boursiers en une
responsable » dans un but de transparence des opérations et
réalité financière réalisable ou réalisée. Le principe étant, non pas
sur l’utilisation des fonds dans l’économie réelle ou virtuelle.
de donner un cours applicable à tous les porteurs de parts, mais
Ce manque d’informations financières solides pourrait être
un potentiel de réalisation de l’information donnée sur les cours. »
imputé à la création des indices, comme le BEL 20 fondé en
Enfin, pour en finir avec un système financier artificiel, le sec-
1990, devenus de vrais outils commerciaux.
teur devra être régulé, sans être réprimé, pour lui redonner sa place au service de la croissance, du financement de l’activité et des investissements, en combattant ex-post la création de bulles financières. « Notre système actuel a clairement
« Certaines normes financières sont complètement délirantes sur le plan de la comptabilité. »
montré ses limites, nous avons été trop loin. Le moment est venu de nous doter de nouveaux outils. Je prône, par exemple, l’établissement d’un prélèvement sur les gains réalisés sur les marchés dérivé et virtuels, qui servirait à octroyer, par les organismes prélevés, des prêts à taux très faibles à des projets favorisant l’Environnement, le Social et la Gouvernance. Il n’est pas trop tard pour agir, le marché est demandeur de changements », conclut Christian Pire. FINANCE MANAGEMENT - N°53 - FÉVRIER 2012
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