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EN PRATIQUE SOMMAIRE N°56 - MAI 2012

Dossier

Reinventing Finance La crise, c’est également une opportunité – voire même l’obligation? – de se réinventer, d’initier un changement créateur de valeur. Analyse et pistes d’actions.


DOSSIER TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Changer de modèle pour sortir de la crise Subprimes, crise de la dette, euro fragilisé: la crise fait trembler nos économies. Elle aura eu le mérite d’inspirer toute une littérature sur ses origines, sur ses conséquences et sur des pistes de sortie. Nombreux sont les auteurs qui appellent à un changement de paradigme ou à une redéfinition du rôle de la finance dans nos sociétés. Economistes, sociologues ou financiers se voient à l’aube d’une nouvelle ère. Analyse.

D

eux livres ont plus particulièrement attiré notre

encore besoin de la finance, à condition qu’elle reste à sa juste

attention. Dans Repenser l’économie, Philippe

place, elle doit accompagner l’initiative économique et non se

Herlin s’éloigne des théories économiques clas-

servir elle-même, encourager l’innovation et non la spécula-

siques et redonne la parole à Mandelbrot, Pa-

tion, favoriser une croissance durable et non la prédation des

reto ou encore Nassim Taleb pour mieux comprendre les méca-

ressources naturelles.

nismes de cette crise et les pistes pour en sortir. Son livre reprend et prolonge Finance: le nouveau paradigme, publié en 2010 et

AUTRE ÉCLAIRAGE

paru juste après France, la faillite. Benoît Coeuré a, de son côté,

Pour Christian Saint Etienne, un des économistes ayant participé

dirigé Le monde a-t-il encore besoin de la finance, une publication

à la rédaction du cahier du Cercle des économistes, la finance

du Cercle des Economistes coécrite par trente économistes dans

reste vitale si elle est bien régulée. Parfois surestimée, elle n’est

le but de stimuler un vrai débat économique.

pas toujours bien comprise. « On considère souvent, notamment

La finance a perdu le sens des réalités, le constat est sans

en France, que la finance est un métier de manipulation d’argent

appel. Comment peut-on y remédier? Tout deux économistes

qui sert à enrichir les privilégiés, au détriment du plus grand

de formation, ces deux auteurs souhaitent réfléchir à la place

nombre, écrit-il dans la première partie du livre. Et lorsque la fi-

qui lui est aujourd’hui accordée afin de changer de perspec-

nance est opaque et non régulée, elle peut ressembler à sa carica-

tive et envisager l’économie autrement. Alors que la reprise se

ture. Lorsqu’à l’inverse, elle est transparente et régulée, la finance

fait attendre, le moment semble venu de construire l’après-

est une activité de traitement de l’information et de gestion des

crise, une économie mondiale plus durable et plus régulée.

risques dont l’argent n’est que la matière première. » Il en profite aussi pour rappeler que la finance occupe quatre

FINANCE TOUTE PUISSANTE

fonctions clés: l’émission de la monnaie et la gestion des

La crise financière a suscité et suscite encore de nombreuses

moyens de paiement dans une économie monétaire de mar-

questions. D’où vient-elle? Comment réussit-elle à se propa-

ché; l’intermédiation de l’épargne vers l’investissement pro-

ger? Comment la résoudre? Les réponses apportées sont mul-

ductif (usines, machines etc.) et l’investissement public; la

tiples et souvent contradictoires, rarement satisfaisantes. Les

gestion des risques; ainsi que la gestion d’actifs, la rendant in-

travaux du Cercle des économistes le soutiennent: le monde a

contournable et essentielle au développement des entreprises.

FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012


« La finance est une des rares activités dont l’efficacité dépend

cours du coton depuis le début du siècle, il se rend compte

intimement de la qualité de sa régulation », soutient-il encore.

que celles-ci ne sont pas « normales », elles ne correspondent

Dans son dernier livre, Philippe Herlin remet en question

pas à la courbe de Gauss, mais suivent plutôt une loi de puis-

les théories classiques qui peinent à apporter des réponses

sance où les valeurs extrêmes sont fréquentes, ce qui remet

convaincantes à cette crise. « Je n’ai jamais été convaincu par

en question la théorie classique de la finance fondée à Chica-

les théories économiques néoclassiques, par la loi de l’offre et de

go dans les années 60 (théorie du portefeuille de Sharpe &

la demande, par les marchés efficients, etc., explique l’auteur,

Markowitz, etc.).

également chargé de cours au Conservatoire national des arts

Une des pistes que Philippe Herlin soulève est de revenir au

et métiers. J’avais envie d’un autre éclairage pour analyser les

système oublié de monnaies complémentaires. « La concur-

bouleversements actuels. Les penseurs auxquels j’ai fait appel

rence des monnaies est quelque chose qui était très répandue

dans ma réflexion partent de la réalité observée pour en tirer

au Moyen Âge, plusieurs modes de paiements coexistaient. Les

des conclusions réalistes, c’est une démarche beaucoup plus

pièces en or, par exemple, étaient réservées au commerce de

scientifique à mes yeux, les théoriciens classiques ne le font

grande distance, celles en argent ou en cuivre étaient frappées

pas toujours. Je pense qu’en se méprenant sur la vraie nature

localement. Chaque monnaie avait sa fonction, ce qui est très

du risque et de l’incertitude, la science économique fait fausse

sain. Actuellement, nous n’avons plus que des euros à dispo-

route depuis le début. Réétudier les travaux de penseurs dont

sition, nous avons oublié les alternatives. Remettre ce sys-

on parle peu, comme Mandelbrot m’a permis de développer un autre cadre intellectuel. »

PLUSIEURS MONNAIES Il rappelle aussi que la source de bien des problèmes actuels avait déjà été diagnostiquée par le mathématicien français Benoît Mandelbrot, surtout connu pour être l’inventeur des fractales, puis par Nassim Taleb, un de ses disciples et découvreur des « cygnes noirs ». En étudiant les variations dans les

« La finance est une des rares activités dont l’efficacité dépend intimement de la qualité de sa régulation. » FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012


DOSSIER

tème en place est pour moi une des voies pour sortir de la crise, il apporte de la résilience au système financier et améliore la confiance. Cela permet d’éviter que les banques centrales fassent tourner la planche à billets trop souvent et engendrent alors de l’inflation », soutient-il. Disparues avec le développement des Etats-nations, ces monnaies complémentaires pourraient rendre notre économie moins sensible aux chocs économiques. L’Etat de l’Utah aux Etats-Unis a été précurseur en autorisant les paiements en or en marge du dollar. En mai 2011, ses législateurs ont ainsi voté une loi rendant les pièces d’or et d’argent comme monnaie légale dans leur Etat. La seule condition est d’avoir l’accord du vendeur et de l’acheteur. Pour ce faire, ils ont aussi défiscalisé ces transactions commerciales métallisées. L’idée poursuit son chemin dans d’autres Etats, même si l’or ne remplacera sans doute jamais le billet vert. En Belgique et en France, on est encore obligés de déclarer les plus-values sur l’or, ce qui empêche un tel système de se mettre en place. « Il faut commencer par introduire un peu plus de liberté, explique encore Philippe Herlin. Par exemple, placer son épargne en or n’est aujourd’hui pas encouragé, on reste dans un modèle de monnaie unique. »

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CROISSANCE DURABLE Nos auteurs s’accordent donc sur le fait que le paradigme actuel doit être repensé. Il est clair que la crise actuelle a mis la finance au banc des accusés, comme le rappelle Philippe Trainar, économiste et auteur de L’utilité de la finance et de l’innovation financière dans le cahier du Cercle des écono-

Philippe Herlin: « En se méprenant sur la vraie nature du risque et de l'incertitude, la science économique fait fausse route depuis le début. »

mistes. « Sont dénoncés, tout à tour, les traders, les présidents de banque, les investisseurs, les agences de notation, les pro-

moire des institutions financières et des marchés, et à les dissua-

duits structurés, la titrisation, les dérivés de crédit, l’appât du

der de reproduire les mêmes erreurs. Mais surtout, les Etats ne

gain etc. Le procès de l’inefficience des marchés est un faux

peuvent plus se soustraire à leur responsabilité de gérer correcte-

procès: l’accusé n’y est pas coupable et le coupable n’y est pas

ment les crises quand elles dépassent les capacités d’absorption

l’accusé », écrit-il.

des marchés et atteignent une intensité systémique. La finance

Il met aussi en évidence le lien entre innovation et finance. Il

et l’innovation financière restent donc incontournables. Il s’agit

faut selon lui favoriser la finance, tout en maîtrisant les consé-

moins de les brider que de maîtriser l’environnement dans lequel

quences dommageables telles que les crises. Il n’y a pas de sys-

elles prospèrent », poursuit-il.

tème dynamique, ni d’innovation sans crise financière. « Dans

Au cœur du fonctionnement du capitalisme, la finance ne

les économies en croissance, il est vain, trompeur et contre-pro-

risque donc pas de disparaître, elle doit être vue différem-

ductif de chercher à éliminer tout risque de crise financière. La

ment. Avant toute chose, il faut aussi revoir la pensée éco-

tâche des Etats ne saurait être d’éradiquer les crises. Abandonner

nomique explique Philippe Herlin. « La crise, qui a éclaté le 15

cette chimère ne condamne pas pour autant les Etats à inciter

septembre 2008 avec la faillite de Lehman Brothers, discrédite

les agents à reproduire les erreurs du passé, bien au contraire. La

l’économie académique. Il faut faire appel à des modèles alter-

régulation financière vise ni plus ni moins qu’à rafraîchir la mé-

natifs avec d’autres concepts: se rendre compte des erreurs du modèle gaussien, intégrer le risque extrême et les lois de puissance, comprendre les notions de fractales et d’entropie, sortie du simplisme de la loi de l’offre et de la demande, admettre

« L’économie ne sera jamais une science exacte comme la physique, il faut se garder de toute prétention dans ce domaine. » FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012

la réflexivité dans notre rapport au monde, redécouvrir que l’économie fonctionne en réseau et changer le système monétaire pour rendre l’économie plus résiliente. L’économie ne sera jamais une science exacte comme la physique, il faut se garder de toute prétention dans ce domaine », recommande l’auteur de Repenser l’économie à la fin de son livre.


DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Il faudra réussir à innover malgré la crise Cabinet de conseil en transformation des entreprises, Kurt Salmon a accompagné ses clients à travers la crise. Bien implanté dans le secteur bancaire et financier, notamment, il offre une vue hélicoptère sur la façon dont ses institutions ont traversé la crise et dont elles peuvent ou doivent se réinventer à la suite de celle-ci. Eclairage.

R

emodelé suite à la fusion d’Ineum Consulting et de Kurt Salmon Associates, un bureau de conseil américain, en janvier 2011, le nouveau Kurt Salmon en a profité pour

élargir sa présence internationale. Employant 1.400 consultants répartis dans 21 bureaux dont une quarantaine en Belgique, le bureau de conseil, à présent mondial, possède

« Si les banques belges ne se renouvellent pas, elles vont passer à côté d’opportunités. »

trois grands domaines d’expertise: banque et finance, secteur public et IT. En février 2012, Kurt Salmon nommait

financier, cela le restera, indique-t-il. Nous souhaitons uti-

Frédéric Hertogs à la direction de sa filiale belge. Issu d’un

liser l’expérience du groupe Kurt Salmon dans le retail pour

parcours dans la finance, il est arrivé dans l’entreprise en

étendre notre gamme de services en Belgique. Nous allons

tant que Senior Partner Financial Services Industry.

également développer davantage nos services IT, qui sont

Ayant elle-même subi plusieurs changements à gérer ces

transversaux à tous les secteurs. »

dernières années, la filiale belge du bureau de conseil ambitionne de se positionner davantage sur le marché public

PRENDRE DU RECUL

et le secteur du retail. Dans les mois à venir, sa mission sera

Si de nombreuses entreprises ont réduit leurs budgets,

notamment de recruter 20 nouveaux collaborateurs pour

le secteur du conseil se porte pourtant plutôt bien. Les

renforcer ses équipes. « Notre cœur de métier est le secteur

consultants offrent souvent un regard extérieur associé FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012

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à une bonne connaissance des best practices par secteur. « On s’est rendu compte que de nombreux acteurs n’ont pas toujours la possibilité de prendre du recul. Les autorités publiques ou les organes parastataux, par exemple, n’ont pas toujours l’occasion d’étudier et de s’inspirer ce qu’il se passe dans les autres pays, souligne Frédéric Hertogs. Un bureau de conseil comme le nôtre leur offre ce luxe et rassemble des connaissances acquises sur plusieurs missions et dans plusieurs pays. Nous avons ainsi eu la chance de notamment travailler pour la RTBF, la SCNB, De Lijn, ainsi que pour des institutions européennes. » L’impact de la crise se fait davantage sentir au niveau des exigences, les processus d’achat et de procurement étant souvent devenus plus stricts. « Dans beaucoup de grands groupes bancaires, les procédures de sélection se sont durcies. L’idée est d’éviter toute décision non objective ou toute forme de favoritisme. Plusieurs acteurs de l’assurance travaillent également avec des ‘prefered suppliers’ qui remplissent des conditions très pointues et sont automatiquement contactés lors d’appels d’offre. Rien n’est laissé au hasard dans le choix d’un partenaire. Le secteur public a été le premier à pousser cette volonté d’objectivation aussi loin. Dans les grands comptes, comme dans les plus petits, il s’agit

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avant tout d’instaurer un rapport de confiance, la relation personnelle reste très importante dans notre métier. » La durée des missions n’a pas changé, elle varie selon les secteurs et les demandes. « Je trouve que c’est très sain d’avoir un marché plus exigeant. On est jugés à la fois sur sa méthodologie, les CV à proposer pour les missions, les coûts… Bien souvent, les dossiers écrits sont également complétés par des entretiens de défense orale », relève-t-il. Lors de marchés publics, la difficulté pour les cabinets qui sont uniquement spécialisés dans le conseil est de financer les réponses aux appels d’offres, souvent longues et sans garantie.

PROFILS CIBLÉS Frédéric Hertogs constate aussi que de nombreuses sociétés sont plus regardantes sur les profils proposés pour remplir une mission. « Les clients ne veulent plus de consultants qui n’ont pas de compétences métiers. Il faut sans cesse revoir ses compétences et être à jour dans les différents secteurs où nous sommes actifs », explique-t-il. Le bureau a ainsi construit une offre de services liée à l’alignement à Bâle III, Fatca et Solvency II et formé une partie de ses consultants aux dernières évolutions réglementaires. Exigeant sur l’expérience de ses collaborateurs, Kurt Salmon a souvent des difficultés à trouver des perles rares. « En période de crise, les gens s’accrochent à leur chaise, c’est un combat pour recruter des profils à haute valeur ajoutée », appuie Frédéric Hertogs. Pour faire la différence sur le marché, un bureau de conseil

Frédéric Hertogs: « On remarque de plus en plus d’intérêt pour la standardisation et l’automatisation des processus. On va également davantage vers des solutions IT sous forme de package, le but étant de libérer du temps pour des tâches à plus grande valeur ajoutée. » FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012

se doit aussi d’être réactif et répondre aux demandes très rapidement. « Il faut être toujours plus rapide, c’est d’autant plus vrai depuis la crise », dit-il. Bien implanté dans le


marché bancaire belge, le bureau travaille pour les quatre grands acteurs bruxellois et dispose donc d’une vue globale du marché. « Le secteur a été attaqué de toute part. Il a perdu des clients, fortement réduit ses coûts et ses effectifs, a dû se plier aux nouvelles réglementations. La masse de travail que les banques doivent affronter est plus importante que par le passé, mais il y a moins de collaborateurs pour y faire face, ajoute-t-il encore. Certaines institutions

« Les rapports de force et la concurrence sont en train de se modifier au niveau mondial. »

ont la tête sous l’eau. Je suis convaincu que des consultants peuvent leur offrir une bouffée d’air frais. De notre côté,

mière fois, dû se remettre en question et leur image auprès

nous travaillons pour un grand nombre de banques. On peut

de leurs clients a changé. « C’est la première fois que les

comparer leurs méthodes, tout en leur donnant des conseils

banques subissaient un tel traumatisme. Les attentes de

au niveau réglementaire. »

leurs clients ont évolué, elles doivent aussi se préparer à la

Outre la flexibilité de ses coûts et un regard extérieur, le

génération Y qui demande plus d’instantanéité et d’utili-

grand avantage de faire appel à un bureau de conseil est

sation des nouvelles technologies. Le lien et l’attachement

que, bien souvent, il travaille aussi pour des entreprises

avec son banquier ou son agence deviennent moins impor-

concurrentes et sait ce qui a fonctionné ou a été un échec

tants que par le passé, la banque est moins sacralisée et est

ailleurs. « On nous demande souvent des conseils en ma-

devenue pour beaucoup une commodité. Elle doit a présent

tière de ‘mobile payement’ ou ‘online banking’. Les clients

séduire ses clients, c’est quelque chose d’assez nouveau. Les

n’attendent pas, le marché non plus, les banques belges s’y

banques commencent à le comprendre, même si le secteur

intéressent mais ne passent pas encore à l’action. Des grands

financier est un des plus traditionnels qui existe. »

acteurs mondiaux comme PayPal, eBay, Google Wallet aux

« Certaines catégories de la population sont encore oubliées,

Etats-Unis ou Carrefour qui lance sa banque marchent

par exemple, aucune banque belge n’a d’offre spécifique

sur leur territoire. Elles doivent regarder au delà de leurs

pour les communautés immigrées, termine Frédéric Her-

contraintes quotidiennes et anticiper. Si elles ne se renou-

togs. En Allemagne, la Deutsche Bank a récemment mis en

vellent pas, elles vont passer à côté d’opportunités. »

place une offre spécifique pour la communauté turque: il y a des choses à faire! Les rapports de force et la concurrence

EXPERTISE PONCTUELLE

sont également en train de se modifier au niveau mondial,

Les banques subissent actuellement les retombées de la

tout évolue de plus en plus vite. Faire du ‘day to day’ et se

crise et ont moins la possibilité d’engager de nouveaux ta-

contenter de réduire ses coûts ne suffira plus: il faudra réus-

lents qu’il y a quatre ans. Il leur faut faire plus avec moins,

sir à innover malgré la crise. Bien sûr ce constat n’est pas

d’où l’utilité de faire appel à des compétences externes et

seulement valable pour le secteur bancaire, il n’y aura pas de

temporaires. « La crise les a obligées à faire de sérieuses éco-

la place pour tout le monde. » Souvent précurseur dans le

nomies, indique Frédéric Hertogs. A long terme, les consul-

passé, par exemple, lors de l’abandon des chèques, le sec-

tants leur permettent de répondre à un besoin ponctuel et

teur bancaire belge a bien des défis à relever pour redorer

donc de ne pas engager de nouveaux collaborateurs. Je suis

son blason…

convaincu que l’intérêt pour les sociétés de conseil ne va pas faiblir. Dans l’environnement économique actuel, elles ont un important rôle à jouer. Je crains que nous n’allons pas renouer avec la croissance d’ici peu, beaucoup d’entreprises n’auront pas les moyens de recruter massivement. Si on reprend l’exemple des banques, on leur demande de plus en plus de fonds propres. Elles devront rester vigilantes et limiter leurs coûts au maximum, tout en développant de nouveaux services. » Un autre effet que Kurt Salmon Belgique constate chez ses clients depuis la crise, c’est l’importance grandissante accordée à l’efficience opérationnelle. « On remarque de plus en plus d’intérêt pour la standardisation et l’automatisation des processus. On va également davantage vers des solutions IT sous forme de package, le but étant de libérer du temps pour des tâches à plus grande valeur ajoutée », résume-t-il. Pour survivre les banques vont devoir penser aux services bancaires et aux attentes de demain. Elles ont, pour la preFINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012

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DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : FLORENCE THIBAUT

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La crise a forcé les entreprises à être plus vertueuses Plus de quatre années de crise auront permis à certaines entreprises de se réorganiser et de revoir leurs modes de fonctionnement. Exercice violent, cette remise en question a modifié le travail des départements financiers et leur rôle dans l’entreprise. Gestion des risques et du cash flow ne seront plus envisagés de la même manière.

L

es entreprises qui auront survécu à cette tornade

activités. 2011 aura été une année particulièrement difficile,

seront certainement prêtes à envisager d’autres

le secteur bancaire dans son ensemble ayant fortement souf-

secousses financières. Avec un œil neuf et plus

fert de la crise.

aiguisé, les spécialistes de la finance sont aussi

devenus plus attentifs aux évolutions réglementaires. Deux pro-

NOUVELLE IDENTITÉ

fessionnels issus de secteurs très différents partagent leur res-

Depuis le 20 octobre 2011, Belfius ne fait plus partie du

sentis par rapport aux opportunités et défis à venir.

groupe Dexia. La banque est à présent entièrement détenue

François Masquelier est Head of Treasury and Corporate

par l’État belge via la Société Fédérale de Participations et

Finance depuis une quinzaine d’années dans le secteur des

d’Investissement (SFPI). « Une page de notre histoire est effec-

médias et président de l’Association des Trésoriers d’entre-

tivement définitivement tournée, précise Johan Vankelecom.

prise à Luxembourg. De son côté, après avoir occupé plu-

Le changement de nom était indispensable. En effet, la marque

sieurs fonctions chez Dexia, Johan Vankelecom a été nommé

Dexia ne nous appartenait pas et, en outre, elle suscitait la

CFO de Dexia Banque Belgique il y a un peu moins d’un an.

confusion avec un groupe dont nous ne faisions plus partie.

Récemment renommée Belfius Banque et Assurances, l’ex-

Après des mois particulièrement difficiles, tant pour la banque

Dexia Banque entend profiter de ce changement d’identité

que pour ses clients et ses collaborateurs de par les incertitudes

pour restaurer la confiance de ses clients et repositionner ses

liées au groupe, notre institution a retrouvé une nouvelle sta-

FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012


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Johan Vankelecom: « Les objectifs que nous nous sommes assignés cadrent parfaitement dans l’évolution du contexte réglementaire, qui représentera sans aucun doute l’un des défis principaux des départements financiers et de gestion des risques des établissements financiers dans les années à venir.»

bilité en tant que groupe bancaire et d’assurances autonome. »

sation, la chasse est faite au moindre risque. Réfléchir à ses

Nouveau nom, nouvelle marque, nouveau logo, nouvelle

manières de travailler et traquer le moindre gaspillage est

énergie et nouveaux engagements: Belfius veut prendre un

devenu la norme.

nouveau départ. Si le nouvel acteur entend se démarquer du

« La crise a aussi permis de tester en live la résistance de

groupe, il veut aussi apprendre des erreurs du passé. « Après

son entreprise, sa capacité de résilience et la force de ses sys-

la séparation du groupe Dexia, nous avons clairement com-

tèmes, appuie François Masquelier. Elle a pu être une op-

mencé à écrire notre propre histoire, explique-t-il. Belfius doit

portunité d’identifier ses faiblesses, revoir des procédures et

redevenir ce qu’une banque locale se doit d’être et exercer les

rédiger des polices, si celles-ci n’existaient pas avant, d’auto-

activités pour lesquelles elle a été créée: recruter des dépôts,

matiser davantage pour libérer du temps pour la stratégie.

de l’épargne et des placements par le biais de ses réseaux

On n’imagine pas toujours le pire, je pense queles organisa-

d’agences et son réseau de distribution ‘wholesale’ et, ensuite,

tions qui ont survécu à la crise se sont réorganisées et de-

réinjecter ces fonds dans la société, via une fonction de trans-

vraient être prêtes à affronter la suivante. Les entreprises

formation normale de la banque, et ce sous la forme de crédits aux particuliers, indépendants, PME et titulaires de professions libérales, aux entreprises et, en particulier aussi, aux institutions publiques et sociales. »

TESTER SA RÉSISTANCE Pour retrouver son rôle de banque de proximité et regagner une autonomie opérationnelle, les équipes de Belfius se sont notamment engagées à améliorer son ancrage local et la transparence de sa communication. Amélioration continue des processus, réorganisation des procédures et automati-

« La crise a aussi permis de tester en live la résistance de son entreprise, sa capacité de résilience et la force de ses systèmes. » FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012


DOSSIER FISCALITÉ

ment, dans un environnement économique qui reste difficile et instable, sur fond de crise de la dette souveraine en Europe et dans un contexte de taux d’intérêt historiquement bas. »

PLUS DE RÉGULATIONS Depuis trois ans et demi, la crise des liquidités et des contreparties aura permis à certaines fonctions de réaffirmer leur importance au sein de l’entreprise. Les rôles du trésorier et de son collègue gestionnaire de risques sont à présent mieux perçus. « Il est clair à mes yeux que la crise a permis de renforcer différentes choses, notamment la palette de responsabilités et des tâches des gestionnaires de risques au sens large, soutient François Masquelier. Leur position a été renforcée auprès du CEO et du comité de direction. Leur travail est mieux reconnu et l’intérêt intellectuel de leur fonction a été accentué. Certains rapportent directement au CFO, au Comité d’audit ou au Comité des risques, on perçoit mieux leur utilité. Ils ont également plus de facilité à défendre leurs projets et à trouver des financements en interne. » L’impact s’est aussi fait ressentir dans le domaine réglementaire. Les régulations sont devenues plus contraignantes pour cadrer les excès du passé. Cette tendance combinée aux difficultés de refinancement complexifie le travail du CFO et de son

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département, mais peut constituer un avantage compétitif. « Les objectifs que nous nous sommes assignés cadrent parfaitement dans l’évolution du contexte réglementaire, qui représentera sans aucun doute l’un des défis principaux des départements financiers et de gestion des risques des établissements financiers dans les années à venir, indique Johan Vankelecom.

François Masquelier: « La crise a permis de renforcer différentes choses, notamment la palette de responsabilités et des tâches des gestionnaires de risques au sens large. Ils ont plus de facilité à défendre leurs projets et à trouver des financements en interne. »

La mise en œuvre progressive des nouvelles directives du comité de Bâle, plus communément appelées ‘normes Bâle III’, et celles pour le monde des assurances, Solvency II, requerront toute l’attention des banques et des compagnies d’assurance dans les prochaines années. Ces directives imposent notamment un renforcement des fonds propres et du profil de liquidité des institutions financières, ce qui a déjà et aura encore sans doute un

ont été forcées de devenir plus vertueuses pour se préparer

impact sur l’activité d’octroi de crédit des banques, ou encore sur

aux turbulences économiques. L’exercice a pu être formateur

la composition du portefeuille d’investissement des assureurs. »

même s’il a été très violent. » Résultat des courses, on s’est mieux organisé. « Le trésorier,

SOIGNER SON BANQUIER

par exemple, a dû revoir les méthodes de contrôles internes, son

Coûteuses en temps et en moyens financiers, les nou-

business planning, etc. Son organisation interne s’est dévelop-

velles régulations offrent un nouveau cadre de travail. « Ces

pée davantage pour pouvoir faire face à des circonstances diffi-

contraintes légales et économiques peuvent être un moyen de

ciles et amortir les chocs. Bien sûr, chacun espère ne plus revivre

repenser ses activités et questionner ce qu’on a toujours fait,

ce type de crise dans sa vie professionnelle. Il faut avant tout

note François Masquelier. On s’est rendu compte que certains

apprendre de ses erreurs et s’améliorer », continue-t-il.

risques n’étaient pas envisagés, le risque de contrepartie ou les

Dans ce contexte difficile, Belfius s’est fixé plusieurs objectifs.

risques climatiques, par exemple, étaient peu examinés. On

« En termes de gestion financière nous poursuivrons la réali-

n’imaginait pas qu’une banque puisse faire faillite ou l’impact

sation de nos objectifs clés, à savoir le renforcement de notre

d’une catastrophe naturelle! L’occasion est donc donnée de

profil de liquidité, le maintien d’une solvabilité adéquate et le

repenser son métier. Même les exigences régulatoires peuvent

développement d’une activité commerciale ancrée en Belgique

constituer un avantage, si on arrive à en maîtriser la technicité

avec un profil de risque acceptable et un rendement adéquat,

et à limiter les surcoûts. Des dizaines de textes sont en cours

soutient Johan Vankelecom. Ces objectifs mériteront toute

de rédaction. Transparence, vertu et rigueur finiront par payer,

notre attention en 2012 et durant les années à venir égale-

notamment dans le domaine de l’accès au crédit. » La trans-

FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012


cription de la 8ème directive européenne sur le contrôle légal des comptes, par exemple, pousse les entreprises à multiplier les contrôles internes. La gestion du cash étant plus compliquée que par le passé, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à vouloir s’écarter des sources de financement traditionnelles et diversifier leur stratégie. C’est l’occasion de tester ses partenaires et leur solidité. « Il y a eu une grande crise de confiance vis-à-

« La crise a représenté un défi intellectuel sans précédent et a, en quelque sorte, replacé l’église au milieu du village. »

vis des banques, ce qui a forcé les sociétés à envisager d’autres alternatives et d’autres produits financiers pour améliorer leur

l’église au milieu du village. Il est trop tôt pour juger tous les

rendement et limiter leurs risques », ajoute-t-il encore. Si les

changements qu’elle a apporté. Une chose est sûre, il y a tou-

banques ont dû regagner petit à petit la confiance de leurs

jours des choses à améliorer, c’est une des leçons qu’elle nous a

clients, la relation bancaire doit être encore plus entretenue

enseignée », conclut François Masquelier.

que par le passé. Pour François Masquelier, il est aujourd’hui

Du côté du secteur bancaire, on misera sur encore plus de

particulièrement important d’alimenter cette relation dans

stabilité. « Les banques et compagnies d’assurance seront

une optique de long terme. « Il est essentiel d’avoir un par-

vraisemblablement amenées à réduire encore davantage leur

tenaire bancaire stable, souligne-t-il. Il s’agit de créer un cli-

profil de risque, ajoute Johan Vankelecom. Pour la banque,

mat de confiance et investir dans une gestion de proximité.

ceci passe souvent par un recentrage sur sa mission de base:

Les banques et les sociétés ont dû se rapprocher. Gérer les rela-

la transformation des dépôts d’épargne en crédits. Dans un

tions bancaires est devenu une tâche importante du CFO. » Le

contexte général d’aversion au risque, ce recentrage devra

manque de liquidité a parfois poussé les entreprises à ras-

sans doute s’accompagner d’une adaptation de la gamme de

sembler plusieurs partenaires autour de la table, ce qui était

produits et services vers des produits d’épargne et de place-

moins le cas avant.

ment encore plus simples. »

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On a également vu des lignes de crédit filet se développer pour se protéger et assurer des back up. On demande ainsi aux gestionnaires de risque de se montrer plus préventifs et proactifs. « Aux Etats Unis, il y a un meilleur équilibre ente le marché des capitaux et des emprunts, l’Europe pourrait s’en inspirer. Dans le futur, je suis convaincu que de plus en plus d’acteurs se tourneront vers le marché des capitaux. Il faudra alors mettre en place un système de rating adéquat. La fonction de trésorier y aura certainement un rôle à jouer. »

LE RÉSEAU COMME REFUGE Des associations spécialisées comme l’ATEL ont vu leur succès croître avec les tensions économiques. Leurs rôles de plateformes d’informations et de lieux de rencontres ont été accrus. Le besoin de partager ses difficultés et ses contraintes se fait sentir. « Une association comme la nôtre n’a pas souffert de la crise, confirme François Masquelier. Beaucoup de gens soignent leur réseau et ont besoin d’informations. Il joue aussi le rôle de filet de sécurité. On a revu l’intérêt du networking, on sent un vrai intérêt pour l’échange d’expériences. C’est humainement et intellectuellement très intéressant. » Pour résumer les apports de la crise, on peut souligner le besoin de se recentrer, de revoir ses modes de travail, de retourner à son core business, de renforcer ses équipes, mais aussi une plus grande professionnalisation des contrôles internes suite aux impacts réglementaires, plus de transparence, des relations plus solides entre clients et banquier ou encore une rationalisation du marché suite à une concentration des grands acteurs. « Il y a des choses qu’on fait aujourd’hui qu’on aurait jamais envisagé de faire avant la crise. Elle a représenté un défi intellectuel sans précédent et en quelque sorte replacé FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012


DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Il faut restaurer la confiance dans la gestion de crédit 30

La crise a secoué les certitudes en matière de gestion de crédit. Ses professionnels ont aussi à apprendre de ces turbulences à répétition. Le secteur va devoir innover et dessiner de nouveaux produits pour restaurer la confiance de nombreux assurés ont aujourd’hui perdue. La gestion de crédit doit se réinventer et, surtout, mieux se faire connaître.

S

ouvent méconnu, le travail des assureurs-crédits

la sécurité financière, il faut réfléchir à des mécanismes plus forts

n’est pas toujours bien compris, ni bien perçu. Son

et réussir à placer les risques sous un meilleur contrôle. » « La crise

importance a souvent été sous-estimée. Face à ce

financière a également montré un manque de régulation, com-

défi de taille, le think tank Credit Management a

plète Karel Lannoo, CEO du Centre for European Policy Studies.

rassemblé pour la première fois le 15 mars dernier les acteurs

Nous travaillons parfois dans le noir. Nous avons à présent besoin

européens du secteur pour envisager le futur de la gestion de

de plus de sécurité et plus de réglementations. »

crédit. Livre vert, livre blanc, conférences ou Code de conduite: le groupe d’intérêt défend une professionnalisation du métier.

RENOUVELER LE SECTEUR

Pour resituer l’assurance-crédit, il s’agit avant tout d’un outil

« La crise financière de 2008 a engendré des difficultés de crédit

de gestion destiné à aider les entreprises à réduire les risques

massives et un grand manque de transparence: elle a mis en

liés aux opérations de crédit commercial, soit à travers la

lumière les failles de notre métier, explique Jean-Louis Cop-

fourniture d’une couverture des risques assurables, soit par

pers, CEO de Crion et membre fondateur du groupe d’inté-

une politique de prévention des risques ou des services de

rêt. Le secteur doit à présent se repositionner. C’est à la fois un

recouvrement de créances. Les assureurs de crédit s’engagent

énorme défi et une opportunité d’améliorer la profession. C’est

à indemniser les pertes subies par ces entreprises et opti-

pour cela que nous avons souhaité créer ce think tank en 2010.

misent les fonds de roulement.

Le dialogue entre les fournisseurs d’assurance et leurs clients

« Nous pensons que la crise a montré un besoin de changement

est de plus en plus important, bien que sous-estimé. Même si le

radical dans nos pratiques, souligne Geert Janssens, Chief Econo-

secteur est assez conservateur, il faudra évoluer et dépasser la

mist chez VKW Metena et membre du think tank. Pour renforcer

frustration de ces derniers mois. »

FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012


Parmi les apports de cette journée, la plupart des acteurs ont défendu le rôle de protection de l’assurance-crédit pour faire face à l’incertitude engendrée par la crise. Conscients de la mauvaise communication dont ils ont fait preuve lors de la crise de 2008, les assureurs entendent aussi faire des efforts dans ce domaine. Pour faire face à la crise actuelle, courtiers, assureurs et entreprises qui ont contracté une assurance-crédit ont également fait part de leur désir de collaborer dans une plus grande transparence. Le vieux modèle selon lequel les fournisseurs de services imposent unilatéralement leur offre sur le marché manque de souplesse et n’est plus d’actualité. On se dirige ainsi davantage vers un dialogue entre l’assureur et l’utilisateur, encourageant la co-création de produits. « C’est lors d’une situation de crise qu’il faut se montrer le plus innovant. En tant que chercheur c’est passionnant, c’est le moment de tester et comparer différentes formules. La résilience est la clé », souligne Jan Adriaanse, professeur à l’Université de Leiden aux Pays-Bas.

RENOUER LE DIALOGUE La crise a provoqué bien des sources d’incompréhension dans le chef des entreprises assurées et des fédérations, notamment en raison de suppressions massives de limites de crédit

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et de réductions drastiques dans les risques unilatéralement décidées par les assureurs-crédit. Ceux-ci, pour leur part, critiquent le manque de renseignements que leur donnent leurs clients, ne leur permettant pas toujours d’apprécier correctement les risques. « Le contexte global est favorable à un renouveau du secteur, appuie Ulf Linder, Deputy Head of Unit Insurance and Pensions pour la DG Internal Market and Services à la Commission européenne. Nous connaissons actuellement un affaiblis-

Jean-Louis Coppers: « Nous allons mettre en place une sorte d’évaluation annuelle des compagnies d’assurancecrédit par un tiers. Le code ne peut pas faire changer le secteur à 180°, il faut qu’il y ait un suivi officiel. »

sement de la demande globale, une grande volatilité pour les compagnies d’assurance, des marchés financiers stabilisés mais

la stabilité et la sécurité de l’économie réelle, la gestion de

encore vulnérables. Malgré ces difficultés, l’Europe doit veiller à

crédit a un potentiel de développement important.

financer une ‘vraie économie’ et soutenir des projets concrets. » Il convient d’apprendre de nos erreurs et remotiver les entre-

PROMOUVOIR LE MÉTIER

prises, ajoute-t-il. « Il faudra penser hors de son bocal pour

Le défi est aussi de mieux faire connaître l’assurance-crédit

innover. On a grandement besoin de nouvelles idées. Une de

et le rôle important qu’elle peut jouer dans la santé finan-

nos priorités doit aussi être de mieux réguler le marché du cré-

cière des entreprises. « Seuls ceux qui y travaillent trouvent

dit, notamment par le biais de Solvency II et par un reporting

ce domaine sexy, tous les autres ne s’y intéressent pas, com-

plus exigeant. Cette nouvelle régulation a suscité beaucoup

mente Rudy Aernoudt, professeur d’Economie européenne

de réflexion chez les assureurs, notamment sur de nouvelles

au Collège d’Europe. La plupart des mes étudiants ne savent

perspectives de marché. Bien sûr, la réglementation ne doit pas

même pas ce que c’est! C’est notre rôle de changer ce constat,

diriger le business, mais le business doit impacter la réglemen-

d’autant plus que de nombreuses entreprises ne la perçoivent

tation. Je suis persuadé que Solvency II peut être une opportu-

pas comme une priorité. Elles assurent leurs bâtiments, leurs

nité de pousser le développement du marché. » Essentiel pour

actions et leurs comptes en banque, mais pas leur crédit, bien qu’il soit plus fragile. » On estime que 15% des entreprises ont assuré leur crédit,

« C’est lors d’une situation de crise qu’il faut se montrer le plus innovant. »

mais que bien plus en auraient besoin. « Près de 3% des factures ne sont jamais payées, c’est un manque à gagner considérable. 57% des compagnies considèrent que les paiements tardifs affectent leur cash flows, c’est une situation très paradoxale. Au lieu de nous concentrer sur les clients existants, FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012


DOSSIER FISCALITÉ

nous devons à présent œuvrer à en attirer de nouveaux. Il ne faut pas attendre une nouvelle crise pour changer nos méthodes. » Les trois priorités pour le secteur sont bien de se professionnaliser, via une forme de reconnaissance des compétences ou de certification, améliorer la sécurité financière et prospecter de nouveaux clients.

FÉDÉRER LES ACTEURS Composé de 150 membres issus d’un parcours académique, de fédérations professionnelles ou de directeurs financiers, le groupe de réflexion Credit Management à l’origine du séminaire du 15 mars avait déjà contribué à la rédaction d’un livre vert approfondissant six aspects du métier, chacun constituant un défi important et illustrant une thématique de la journée: la professionnalisation, la sécurité financière, la prospection et les ventes, l’automatisation, la stabilité et la durabilité, et enfin la mondialisation. Réalisé sur base de témoignages récoltés lors d’une enquête écrite menée auprès de membres du Belrim (Association belge de gestion de risques) ainsi que d’interviews plus ciblées, ce livre constitue un guide de survie pour qui s’intéresse à la gestion de crédit et à ses enjeux. « Nous souhaitons

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Ulf Linder: « Nous connaissons un affaiblissement de la demande globale, une grande volatilité pour les compagnies d’assurance, des marchés financiers stabilisés mais encore vulnérables. L’Europe doit veiller à financer une ‘vraie économie’ et soutenir des projets concrets. »

être un pont entre les besoins des entreprises et les solutions de crédit mises sur le marché, tout en étant un creuset d’innovation », précise Jean-Louis Coppers. Le think tank se bat aussi pour faire adopter un code de déontologie européen à destination des professionnels du secteur et de leurs clients. Rédigé par ses membres, il a été examiné par les fédérations et soumis aux fournisseurs de produits d’assurance-crédit durant l’été 2011. « Je suis convaincu que ce code de conduite constituera un tournant dans l’évolution des comportements. Il s’inscrit en continuité avec la mission d’autorégulation que le monde de l’assurance-crédit s’est fixée dans le but d’améliorer la perception du secteur », appuie ce dernier. « Ce code de conduite est une très bonne initiative, confirme Ulf Linder. Il va permettre davantage de transparence et redorer l’image du secteur. » Déclaration de principe non contraignante, il permet cependant aux clients de s’assurer que toute police conclue satisfait bien à ses exigences. Sorte de Gentlemen’s agreement, ce document veut accroître l’efficience de la profession et prône avant tout plus de transparence dans les engagements, la mise en place d’une meilleure communication, une professionnalisation du secteur et une intensification de sa durabilité. « Ce code est destiné à toutes les parties prenantes du secteur, conclut Jean-Louis Coppers. En 2008, la politique était ‘pas de nouvelle, bonne nouvelle’. Aujourd’hui, tous les acteurs ont besoin d’information. Nous allons continuer à nous battre pour améliorer la transparence au niveau européen, ainsi qu’œuvrer

Rudy Aernoudt: « De nombreuses entreprises ne perçoivent pas l’assurance-crédit comme une priorité. Elles assurent leurs bâtiments, leurs actions et leurs comptes en banque, mais pas leur crédit, bien qu’il soit plus fragile. »

FINANCE MANAGEMENT - N°56 - MAI 2012

pour encourager la communication et la proximité entre tous les acteurs. Nous aimerions également mettre en place une sorte d’évaluation annuelle des compagnies d’assurance-crédit par un tiers. Le code ne peut pas faire changer le secteur à 180°, il faut qu’il y ait un suivi officiel. »


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