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DOSSIER

N°59 - JANVIER 2013

Quand le cash vient à manquer: que faire? Les entreprises – et les PME plus encore que les autres – souffrent des retards de paiement et d'un déficit de financement. La crise qui se prolonge ne fait rien pour arranger les choses, que du contraire. Notre dossier fait le point sur la situation et propose des pistes pour faire face à la problématique.

02 « Le manque de liquidités est la maladie du siècle »

En anticipant le manque de liquidités et le besoin en fonds de roulement, le comptable-fiscaliste peut les aider à faire face à ces difficultés.

05 « Il n’y a pas de recette miracle pour être toujours payé à temps »

S’il est impossible de se prémunir complètement contre les mauvais payeurs, les entreprises peuvent, cependant, disposer de plusieurs armes pour anticiper la situation de leur cash-flow.

09 « Se financer par des méthodes alternatives est une question de survie »

Ayant plus de difficultés à emprunter auprès des banques, les plus petites structures doivent se montrer créatives: prêts privés, « crowdfunding » ou mécanismes de financement publics, par exemple.

12 « Il faut renforcer l’exemplarité des pouvoirs publics »

Pour tenter de mettre un frein aux retards de paiement et instaurer une harmonie au sein de l’Union Européenne, la directive 2011/7/UE devra être transposée dans les 27 pays membres d’ici le 16 mars 2013.


DOSSIER TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Le manque de liquidités est la maladie du siècle 2

Les entreprises – et les PME plus que les autres – souffrent d’un déficit de financement. En anticipant le manque de liquidités et le besoin en fonds de roulement, le comptablefiscaliste peut les aider à faire face à ces difficultés.

S

i recourir à un comptable-fiscaliste est désormais

toire par la suite. Le plus délicat quand on se lance consiste à

une habitude acquise pour la majorité des entre-

bien s’entourer. »

prises, utiliser le volet « conseil » de sa palette de services l’est moins. Progressivement amené à trai-

TROUVER DU CASH

ter de plus en plus de tâches, le comptable se positionne à présent

Pour que le comptable réussisse à s’imposer comme un partenaire

comme un partenaire à part entière et est prêt à intervenir dans

durable, il lui faut parvenir à établir une relation de confiance avec

toutes les étapes de la vie de l’organisation. Gestion des créances et

son client sur le long terme et disposer des bonnes informations

du contentieux, encadrement des mauvais payeurs ou préparation

à temps. « Les entreprises ont besoin de davantage d’accompagne-

de dossiers de demande de financement, son panel de responsabi-

ment, notamment en matière de crédit. Il est vrai que beaucoup

lités s’est étoffé avec les années et intensifié depuis la crise.

d’acteurs de la finance sont devenus plus que frileux, ils demandent

Du côté de l’Institut professionnel des comptables et fiscalistes

parfois des garanties plus élevées que les sommes qu’ils prêtent. Les

agréés, on se réjouit de cette évolution qui comporte, néanmoins,

taux d’intérêts ne sont pas non plus des plus favorables. Les PME,

certaines difficultés. « Autrefois vu comme un aligneur de chiffres

encore plus que les autres, souffrent de ce manque de financement,

et un sorteur de bilans, le comptable-fiscaliste tend à davantage

poursuit Jean-Marie Conter. En anticipant le manque de liquidité

devenir un conseiller, ce qui est très positif pour les professionnels

et en prévoyant les besoins en matière de fond de roulement, le

du chiffre, comme pour les organisations, souligne Jean-Marie

comptable peut aider les entreprises à se préparer à ces difficultés.

Conter, Président de l’IPCF et comptable-fiscaliste agréé. Avoir un

Certains comptables-fiscalistes sont mêmes devenus des média-

bon comptable ne suffit pas: il faut avant tout construire un bon

teurs et gèrent des dossiers fiscaux de retards de paiements dans

projet professionnel. Il peut ouvrir des portes pour entreprendre et

les cotisations sociales ou l’ONSS. Ce sont des missions qu’on n’avait

rechercher des financements partout, mais ce n’est efficace que si

pas vraiment envie de voir venir, même si nous les acceptons comme

le produit et l’étude de marché sont valables. »

part intégrante de notre métier. »

L’association prône davantage d’accompagnement lors de la

Pour l’IPCF, le plus grand défi actuel à adresser est sans doute

création d’une entreprise, une période particulièrement fra-

le manque de cash flow, qui complique le travail de ses 6.200

gile. « Quand on démarre une nouvelle société, on procède à

membres comptables agréés. Les entreprises qui manquent de

un plan financier, un bilan prévisionnel et un business plan. On

liquidités prennent parfois le parti de faire traîner le paiement de

prévoit tous les mouvements de trésorerie pour le futur. Ce sont

leurs fournisseurs, reportant encore le problème. « On constate un

des bonnes habitudes à conserver, même si ce n’est plus obliga-

manque de fonds propres partout, dans les grandes entreprises,

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Jean-Marie Conter

« Certains patrons prennent leur entreprise pour une banque. Puiser dans les fonds propres ne devrait être qu’occasionnel, ce qui n’est pas toujours le cas. Cette habitude a des conséquences fiscales et fragilise encore davantage le cash flow. »

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qui surveille tout et met le chef de l’entreprise face à ses responsa-

« Le rôle du comptable est de tirer la sonnette d’alarme à temps. »

bilités. Ce qui n’est pas toujours une mission facile, mais je le vois plutôt comme le rôle positif de celui qui préserve la santé de l’entreprise. Pour être efficace, il doit intervenir le plus en amont possible. » Un des chevaux de bataille du Président de l’IPCF est l’interdiction des comptes courants débiteurs, ce qui est déjà le cas dans plusieurs pays. « Certains patrons prennent leur entreprise pour une banque. Puiser dans les fonds propres ne devrait être qu’oc-

comme dans les TPE, y compris lors de la création d’entreprises. Pour

casionnel, ce qui n’est pas toujours le cas. Cette habitude a des

pallier cela, de nombreuses organisations jouent avec la gestion de

conséquences fiscales et fragilise encore davantage le cash flow,

leurs comptes fournisseurs et payent bien au-delà des délais. »

ce qui pousse parfois les dirigeants à augmenter leurs honoraires.

SIGNAL D’ALARME

Cela n’aide pas l’entreprise. Il faut qu’une entreprise soit gérée en bon père de famille. On a tendance à l’oublier. L’entrepreneur doit

Pour sortir de ce cercle vicieux, le rôle du comptable-fiscaliste

être prêt à entendre les conseils du comptable, ce n’est pas qu’un

est de tirer la sonnette d’alarme à temps. C’est à lui de rappeler

empêcheur de tourner en rond, mais un allié en période de crise. »

à son client de ne pas négliger tout ce qui est fiscal, comme les

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échéances en matière de TVA. A lui de suivre ses conseils ou non.

PRIVILÉGIER L’ANALYSE

Et Jean-Marie Conter de soutenir: « Beaucoup trop d’entreprises

En moyenne, les entreprises se rendent une fois par trimestre chez

sont systématiquement en retard dans le paiement de leurs pré-

leur comptable, c’est le minimum pour qu’il en maîtrise les rouages

comptes, ce qui donne lieu à des amendes fiscales ou des majora-

et puisse bien la conseiller à long terme. Si certains se contentent

tions assez élevées et c’est la même chose pour l’ONSS. Il ne faut pas

de venir déposer leurs dossiers, c’est au détriment de la relation de

oublier que le S.P.F Finance a doublé les amendes en matière de TVA,

travail. « Depuis les débuts de la crise, nous constatons, à regret, que

c’est loin d’être négligeable. Ces retards sont des bons clignotants

beaucoup de PME familiales ne sont intéressées que par la vente de

pour détecter une entreprise en difficulté. Je conseille toujours à

leurs produits, c’est leur seule priorité. Elles ne prennent plus le temps

mes clients de les payer en priorité, les repousser peut être un jeu

de l’analyse, de bien collaborer avec leur comptable et n’exploitent

assez dangereux. D’autant plus qu’une banque qui voit des assi-

pas assez son potentiel. Il ne se limite pas à dénoncer les manque-

gnations et des dettes d’ONSS ou de TVA dans le chef d’une entre-

ments, mais peut contribuer à trouver des solutions concrètes en fai-

prise sera certainement très réticente à lui prêter des fonds. Avant la

sant la jonction entre le commercial et l’administratif. »

crise, on disait souvent qu’avec un bon comptable, on ne payait pas

Se voir une fois par an pour le bilan est un désastre et ne favorise

d’impôts; aujourd’hui, c’est l’inverse. Payer des impôts signifient que

pas la qualité de la comptabilité analytique. « Dans les grandes

l’entreprise fonctionne encore et a des rentrées financières. »

entreprises, c’est moins un problème puisqu’elles disposent d’un

La prudence devant toujours être de mise, un comptable avi-

directeur financier ou de comptables en interne, déplore Jean-

sé transfèrera des fonds en guide de réserves pour limiter les

Marie Conter. Dans les structures de plus grande taille, il faudrait

problèmes de cash, ce qui était l’objectif lors de la création

également instaurer davantage de collaboration entre le comp-

des intérêts notionnels. « Il est clair qu’on ne peut plus faire

table interne et l’externe, ce qui ne se fait pas encore assez. »

de dépenses inutiles. Certains dirigeants sortent trop de cash

Là où le bât blesse le plus souvent, c’est dans la communication

en dividendes ou financent des activités personnelles, ce qui

du client vers le comptable-fiscaliste et vice versa. « C’est un

fragilise la trésorerie. Cela m’étonne toujours quand les priori-

partenariat avec des obligations des deux côtés. Bien sûr, il arrive

tés des entreprises ne changent pas malgré les difficultés. Etre

aussi que des comptables fassent des erreurs, personne n’est par-

prévoyant est un critère de survie, nous allons encore avoir des

fait. Il est certain que le manque de temps dans la société actuelle

années difficiles devant nous. Avoir un cash flow et une tréso-

n’arrange rien. Tout doit toujours se faire vite, on manque de recul,

rerie solides sont les seules possibilités pour traverser la crise. ».

termine Jean-Marie Conter. Le comptable doit aider à voir à long

PRÉDIRE LES CHIFFRES

terme, même s’il est lui-même souvent sous pression. Son métier a beaucoup changé ces dernières années, notamment suite aux

Afin de connaître la situation de l’entreprise au jour le jour, le comp-

obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent

table-fiscaliste doit œuvrer à diffuser le recours systématique aux

et de facturation électronique. On lui en demande toujours plus.

tableaux de bord, la réalisation de bilans prévisionnels et de repor-

Le travail de comptabilité va doucement se perdre, sans doute

ting, deux outils pas encore si répandus au sein des PME. Dans

au profit de l’analyse et du rôle de conseil. C’est, en tout cas, une

cette optique, il joue un rôle pédagogique auprès des patrons, qui

profession où on ne s’ennuie pas. » Pour endosser toutes ces

se reposent parfois trop souvent sur les professionnels du chiffre.

casquettes et rester à la pointe, le comptable doit se former en

« Le manque de liquidités est la maladie du siècle. Or, les bilans pré-

continu pour mettre ses connaissances à jour, notamment au-

visionnels permettent de limiter les mauvaises surprises et de voir

près de l’IPCF qui, outre la détection des comptables non agréés

venir les périodes à risques, appuie encore Jean-Marie Conter. Le

et la surveillance du métier, a pour mission de contribuer à pro-

comptable doit, en quelque sorte, endosser le mauvais rôle de celui

fessionnaliser le secteur.

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DOSSIER TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Il n’y a pas de recette miracle pour être toujours payé à temps Souvent dépendantes du bon vouloir de leurs clients, de nombreuses PME ont des difficultés à gérer leur fonds de roulement. Paiements en retard, factures « égarées », voir même arnaques pures et simples: les cas sont légion et compliquent le travail du responsable financier. Au point de voir la pérennité de l’entreprise mise en danger. S’il est impossible de se prémunir complètement contre les mauvais payeurs, elles peuvent, cependant, disposer de plusieurs armes pour anticiper la situation de leur cash-flow.

« De nombreuses petites structures ont des difficultés à profes-

risque à temps. Les problèmes sont constatés de manière trop

sionnaliser leur gestion quotidienne, relève Didier Bouckaert,

tardive. A ce moment-là, il est vrai qu’il est plus difficile pour

associé chez Deloitte Fiduciaire. Elles ne disposent pas tou-

l’entreprise de se tourner vers un tiers, une banque ou autre,

jours d’outils de gestion perfectionnés, ni de données fiables.

pour reconstituer son fonds de roulement. Des outils projectifs,

Beaucoup d’entrepreneurs ne reçoivent pas les signaux de

des indicateurs pertinents et des tableaux de bord sont indispensables pour anticiper. C’est le maître mot pour être crédible et avoir accès au financement. »

« Les commerciaux ont aussi un rôle important à jouer dans la bonne gestion des paiements des clients. »

ATTENTION CONSTANTE Une bonne gestion de ses rentrées financières permet aussi de détecter à temps les mauvais payeurs. « En matière de retard de paiement, il n’y malheureusement pas de solution toute faite, même si un suivi détaillé des clients et une politique de relance efficace peuvent aider. Je constate que ces FINANCE MANAGEMENT - N°59 - JANVIER 2013

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François Bryssinck et Marianne Kalgout: « En moyenne, nous avons entre 800.000 et 1 million d’euros, ce qui représente environ un mois et demi de chiffre d’affaires. Une frange de ces dettes demande plus d’énergie: si on ne fait rien, on ne la récupère jamais. Il faut être derrière. » tâches sont souvent mal gérées: des créances ouvertes sont

souvent réclamer son dû. Si 85% des clients payent en temps

autant d’investissements bloqués. Un manque de liquidités

et en heure, ce sont les 15% restant qui nécessitent le plus de

peut mener à une faillite. Toute procédure doit, bien évidem-

travail. « De manière générale, nous voyons la différence entre

ment, être adaptée à la nature de l’entreprise, sa culture et

les grandes entreprises et les petites structures, remarque

son secteur. ».

Marianne Kalgout, administrateur de Megabyte plus spécia-

Chez Megabyte, PME spécialisée dans les services IT depuis

lement en charge des finances. Les premières ont des règles

25 ans, toute une politique de rappels a été mise en place

bien établies et payent souvent dans les 30 ou les 60 jours. Les

pour réduire les retards de paiement, l’entreprise devant

plus petites entités payent souvent leurs factures en fonction de leur trésorerie du moment. Bien sûr, certaines PME paient à temps, mais c’est une tendance qu’on constate. » Depuis peu, la base de données commune à tous les collabo-

« Si j’ai un conseil à donner, ce serait de ne pas laisser traîner les choses. » FINANCE MANAGEMENT - N°59 - JANVIER 2013

rateurs permet des signaux éditables pour que chacun sache où se trouvent les clients à relancer. Un compte peut être bloqué en comptabilité et le client devra s’acquitter de ses dettes avant toute nouvelle intervention de Megabyte. Si les relances factures n’occupent pas quelqu’un à plein temps,


elles réclament néanmoins beaucoup d’attention. « Nous avons la grande chance de ne pas être trop serré au niveau trésorerie, ajoute François Bryssinck, administrateur délégué chez Megabyte. Nous avons une marge de manœuvre, mais il nous faut garder certains clients à l’œil. Plus un paiement a du retard, plus le risque de ne jamais être payé est grand, surtout que notre domaine d’activité s’y prête bien. Si une application ne tourne pas ou n’est pas complètement terminée, il est facile pour certains de trouver un argument pour ne pas payer. En moyenne, nous avons entre 800.000 et 1 million d’euros en attente, ce qui représente environ un mois et demi de chiffre d’affaires. Une frange de cette somme demande plus d’énergie, si on ne fait rien, on ne la récupère jamais. Il n’y a pas de recette miracle, il faut être derrière… » Au moment de l’interview, ce ne sont pas moins de 180.000 euros de factures ouvertes qui s’établissent à plus de 90 jours.

PLAN DE BATAILLE Depuis quelques années, l’entreprise a mis au point un plan d’action avec des échéances de recouvrement. « Nous avons dessiné une procédure standard avec des rappels tous les 15 jours. Le troisième rappel comprend des intérêts, ensuite nous passons au recommandé d’un huissier et, dans certains cas, cela aboutit à une citation au tribunal, appuie Marianne Kalgout. C’est une tâche qui nécessite beaucoup de finesse: notre but n’est pas de perdre un client. Aller en justice n’équivaut pas toujours à la fin de la relation. Cela dit, si une entreprise a systématiquement du retard, nous n’avons pas beaucoup d’intérêt à poursuivre la collaboration. Nous avons le droit de réclamer cet argent. Nous ne sommes pas une société philanthropique. Le défi est parfois d’arriver à temps avant une faillite. Lors d’une procédure judiciaire, j’essaye toujours de récupérer la somme la plus importante au début, pour ensuite avoir les plus petites mensualités après, mais ce n’est pas toujours possible. » C’est le tribunal de commerce qui est responsable de trancher ce genre de litiges. Si la décision va, en général, assez vite, l’exécution du jugement peut prendre un certain temps. L’ensemble de la procédure doit en moyenne prendre de deux à trois mois. « On a, par exemple, déjà obtenu gain de cause auprès d’un petit client qui ne nous avait pas payé ses serveurs, partage François Bryssinck. Le temps que l’huissier vienne saisir ce qu’il nous devait, l’entreprise avait déménagé et disparu du radar. Nous n’avons rien pu récupérer. Heureusement, il ne s’agissait que d’un petit contrat. Un autre client a été jusqu’à disparaître de l’état civil! C’est très difficile à prévoir, on ne peut pas toujours avoir accès à tous les comptes d’un nouveau client. Certaines données sont accessibles sur le site de la Banque Nationale. Le marché est petit, on arrive la plupart du temps à les repérer. Les commerciaux ont aussi un rôle important à jouer dans cette optique. » Il n’y a pas de mauvais payeurs types, on peut en retrouver dans tous les secteurs et tailles d’entreprise. Dans certains cas, les clients prennent l’initiative de proposer

DES PME BELGES SOUS PRESSION Publié en octobre dernier, le dernier « Baromètre des PME » réalisé par Deloitte Fiduciaire révèle notamment une rentabilité (opérationnelle et financière) sous pression en 2011, malgré une évolution positive à la fin de l’année 2010. Le baromètre a sondé 2.300 PME familiales pour cette huitième édition et comparé leurs performances en 2011 avec leur situation d’avant la crise en 2007. « Fin 2010, la moitié des entreprises avait retrouvé le niveau de rentabilité opérationnelle d’avant la crise, soit 8,7% ou plus. Fin 2011, on arrive seulement à 8,2%. La rentabilité financière nette est aussi impactée, elle atteignait 8% en 2010, et passe à 7,8 fin 2011 », remarque Nikolaas Tahon, Partner chez Deloitte Fiduciaire. Malgré cette baisse de rentabilité, l’enquête révèle aussi des tendances plutôt positives, comme la croissance du chiffre d’affaires en termes réels pour la moitié des PME interrogées, en particulier dans le secteur de l’agroalimentaire, et ce, pour la première fois depuis quatre ans. « En 2011, nous avons connu une inflation moyenne de 3,23% et la moitié des PME affichait une croissance d’au moins 4,1%. 10% d’entre elles enregistraient une croissance du chiffre d’affaires inférieure à l’inflation moyenne, on peut alors parler d’une croissance nominale, et 38% ont été confrontées à une baisse de leurs ventes l’année passée », précise Didier Bouckaert. Ensuite, on constate une hausse de la productivité par travailleur: le chiffre d’affaires, mais aussi la valeur ajoutée et la rentabilité par ETP augmentent. En 2011, le chiffre d’affaires moyen par travailleur s’élevait à 262.984 EUR, ce qui représente une progression de 3,4% par rapport à 2010. Le baromètre révèle aussi un recours accru au compte courant comme source de financement des start-ups. En matière d’investissements, la prudence semble encore de mise, plus de PME font le choix d’investir, mais les montants consacrés sont plus réduits. « Une chose est certaine, le management est de plus en plus important dans les entreprises, quelle que soit leur taille, souligne Nikolaas Tahon. Les entreprises qui innovent sont celles qui tirent leur épingle du jeu, on le constate dans les chiffres. Celles qui vivent sur des gloires passées connaissent peu de croissance. Le montant moyen investi par la PME moyenne a reculé pour la cinquième année consécutive, passant de 38.634 euros fin 2007 à 33.301 euros fin 2011. » « Cette nécessaire innovation ne s’illustre pas forcément dans des révolutions ou l’acquisition de nouveaux marchés, mais peut démarrer par des petites choses quotidiennes comme l’utilisation d’indicateurs pertinents, renforce Didier Bouckaert. Les PME ont de nombreux défis à relever, allant du recrutement de collaborateurs qualifiés à l’accès au crédit, ce qui peut en partie expliquer cette baisse de rentabilité actuelle. »

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« Le suivi détaillé des clients et la politique de relance sont souvent des tâches mal gérées. » eux-mêmes un plan de remboursement. « Si un client s’y tient, nous acceptons un certain délai dans les paiements. Dans d’autres cas, c’est plus difficile. Certains mentent ou essayent de gagner du temps par tous les moyens. Il faut réussir à lire entre les lignes. Certains dossiers sont très difficiles et nous récupérons parfois des sommes dérisoires. Bien sûr, tout le monde n’a pas de mauvaises intentions, constate Marianne Kalgout. De nombreux problèmes trouvent leur origine dans une comptabilité mal tenue où les factures sont mal suivies. Nous devons rester vigilants. Cela nous arrive, par exemple, de recevoir des doubles paiements ou des acomptes non déduits. »

VIGILANCE PERMANENTE

8

« Notre politique vise des relations à long terme, si des clients de longue date ont des difficultés ponctuelles, nous pouvons le comprendre », complète François Bryssinck. Sous l’égide de Marianne Kalgout, une réunion hebdomadaire rassemble tous les responsables de services, notamment pour suivre l’évolution des paiements. « Cela permet d’évaluer la santé de l’entreprise de semaine en semaine. C’est très important, insiste cette dernière. Si des montants manquent, on en discute et on fixe qui suit le dossier. » Pour anticiper certains retards, une autre piste peut aussi être de dissocier les factures. Il ne faut pas non plus hésiter à prendre les devants et appeler ses clients pour savoir ce qu’il se passe. « Dans notre secteur, c’est souvent important de séparer les factures. Ce n’est pas parce qu’un client connaît un problème avec un serveur, qu’il ne doit pas payer son imprimante, poursuit Marianne Kalgout. Si j’ai un conseil à donner, ce serait de ne pas laisser traîner les choses. Je consulte mon échéancier clients tous les jours. Si un paiement traîne, je consulte directement les commerciaux et les opérationnels pour savoir ce qui a été convenu avec le client en question. J’essaie d’être au courant de tout. » Si Megabyte n’a jamais été mise en danger, certaines périodes se sont révélées plus difficiles. « Nous avons toujours eu certaines réserves, confirme François Bryssinck, même si nous avons perdu beaucoup d’argent avec plusieurs clients. Une faillite fait toujours mal. Par

Didier Bouckaert: « Beaucoup d’entrepreneurs ne reçoivent pas les signaux de risque à temps. Les problèmes sont constatés de manière trop tardive. Ils gagneraient à disposer d’outils de gestion perfectionnés, et de données fiables. »

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exemple, si on perd 25.000 euros de créances, il nous faudra vendre pour 250.000 € de matériel avec une marge de 10%, cela ne se fait pas en une semaine! Nous n’avons pas forcément plus de problèmes depuis la crise, mais nous sommes sans doute plus attentifs. »


DOSSIER TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Se financer par des méthodes alternatives est une question de survie Parmi les enjeux que doivent adresser les PME, l’accès au financement fait partie des plus délicats. Ayant plus de difficultés à emprunter auprès des banques, les plus petites structures doivent se montrer créatives. Elles optent de plus en plus pour des méthodes alternatives: prêts privés, « crowdfunding » ou mécanismes de financement publics.

D

e nombreuses enquêtes belges et européennes

tiennent pas le crédit voulu, 20% des très petites entreprises

révèlent que les conditions d’accès au crédit ban-

se voient opposer un refus. Les statistiques belges vont dans

caire sont devenues plus exigeantes en matière

le même sens, même si l’indice d’accès des petites entreprises

de garanties et de fonds propres, en particulier

au financement bancaire est globalement plus faible en Wal-

pour les petits acteurs. Plusieurs outils publics viennent à la res-

lonie et à Bruxelles qu’en Flandre.

cousse et ont pour vocation de faciliter l’accès au financement à

ces entreprises fragilisées, notamment via la garantie de prêts ban-

RESSERREMENT DU CRÉDIT

caires ou encore la prise de participation dans le capital des PME.

« D’ici deux ou trois ans, nous allons faire face à un resserre-

Un bon exemple est le produit mixte de la Socamut lancé en

ment de l’accès au crédit, cadre Jonathan Lesceux, conseiller

2011, qui propose aux TPE une garantie sur un micro-crédit

au Service d’Etudes, de Représentation et de Positionnement

bancaire traditionnel et un micro-prêt complémentaire, de

de l’UCM. Suite à Bâle III, les banques vont encore devoir resser-

manière simple et rapide. Dans d’autres cas, des outils privés

rer la vis, puisque certains nouveaux ratios devront être effec-

comme le recours à des prêts privés prennent parfois le relais.

tifs d’ici 2015. Malheureusement, comme il reste plus dange-

Si les banques ne disparaissent pas totalement de l’équation et restent la principale source de financement toute taille d’entreprises confondue, elles n’ont néanmoins plus le monopole du crédit. Une étude de la banque centrale européenne met en lumière que si 68% des grandes entreprises obtiennent les prêts qu’elles sollicitent, ce pourcentage tombe à 51% pour les microentreprises. Quand 3% des grandes structures n’ob-

« L’idée que prêter aux PME est plus risqué demeure très répandue. » FINANCE MANAGEMENT - N°59 - JANVIER 2013


DOSSIER

« Des modèles comme le ‘winwinlening’ en Flandre et le ‘Prêt Tante Agathe’ aux Pays-Bas permettent d’encourager des prêts émanant de personnes physiques et accordés à une entreprise ou un indépendant via des incitants fiscaux. »

10 reux de financer les PME, ce seront les premières touchées, Bien

un indépendant via des incitants fiscaux. De plus, une société

sûr, on ne considère pas que ce soit aux banques de prendre

publique garantit généralement une partie de la somme prêtée

tous les risques. Trouver des mécanismes alternatifs et diversi-

pour protéger la famille ou les relations de l’entrepreneur. Nous

fier ses sources de financement devient urgent. »

aimerions développer la formule en Wallonie. »

Dans l’enquête L’impact de Bâle III sur le financement des PME

En région flamande, ce système incitatif est notamment pro-

parue en 2012, le CeFIP envisage une hausse probable des

posé par le fonds PMV, une société indépendante d’investis-

taux d’intérêt et des conditions d’accès au crédit bancaire

sement. Dans ce cas de figure, le montant envisagé ne peut

suite à ces nouvelles obligations. Ce que confirme le baro-

dépasser 100.000 euros et la période de remboursement

mètre d’Ernst & Young, paru en mars 2012, qui craint une

s’échelonne sur une durée de maximum huit ans. La déduc-

augmentation des coûts du crédit.

tion fiscale prévue va, quant à elle, jusqu’à 2,5% du montant prêté. « Le taux d’épargne atteint des records en Belgique, ce

CONTRIBUTIONS FAMILIALES

type de mécanisme pourrait permettre d’en réinjecter une

Pour multiplier leur chance de lancer un business ou de faire

partie dans l’économie et créer de l’emploi, tout en limitant la

survivre leur entreprise, de nombreux entrepreneurs n’hé-

dépendance vis-à-vis des banques. Etre créatif dans ce domaine

sitent plus à solliciter directement leurs familles ou leurs

produit beaucoup d’externalités positives. »

connaissances. Les emprunts privés, qui existaient déjà sous forme de reconnaissances de dettes, tendent à s’organiser

GÉOMÉTRIES VARIABLES

plus formellement. Moins utilisés par les moyennes entre-

L’Union des Classes Moyennes constate qu’au niveau belge et

prises, ils sont de plus en plus populaires auprès des TPE.

wallon, les petites structures se voient refuser un crédit dans

« De plus en plus de microentreprises se financent auprès

20% des cas, contre 10% pour la moyenne des entreprises et

d’amis et de membres de leurs familles, ce qui peut être consi-

3% pour les organisations de plus de 250 personnes. « En croi-

déré comme un apport personnel pour la banque, ou recourent

sant les études menées aux niveaux européen, belge et wallon,

à des plateformes de crowdfunding pour obtenir des finance-

on se rend compte que plus le chiffre d’affaires d’une TPE est

ment privés. Ces modes de financement directs gagnent en

modeste, plus il lui sera difficile d’emprunter auprès des acteurs

popularité auprès des petites structures, explique Jonathan

bancaires », soutient Jonathan Lesceux. Plusieurs raisons

Lesceux. Ainsi, il existe des modèles intéressants, notamment

motivent les refus de financement des banques: un tiers des

le ‘winwinlening’ en Flandre et le ‘Prêt Tante Agathe’ aux Pays-

refus seraient liés à la qualité du projet lui-même, sa viabi-

Bas. Ces mécanismes permettent d’encourager des prêts éma-

lité, le business plan et la capacité de remboursement, soit

nant de personnes physiques et accordés à une entreprise ou

des critères économiques. Les deux tiers restants s’expliquent

FINANCE MANAGEMENT - N°59 - JANVIER 2013


par un manque de garanties (gages sur fonds de commerce,

national. Ce chiffre tombe à 65% au niveau wallon, et est de

cautions personnelles) et la faiblesse des apports en fonds

72% en région flamande. Bien que le niveau d’entreprenariat

propres par l’entreprise ou l’entrepreneur.

soit en ligne avec la moyenne belge, le taux de cessation est

« Il est, bien sûr, normal de refuser certains projets, financer

particulièrement élevé en Wallonie. Il faut donc renforcer les

un dossier à risque ou voué à l’échec n’est pas rendre service

dispositifs d’accompagnement et de soutient aux entrepre-

à l’entreprise. En matière d’exigences de fonds propres et de

neurs. Les statistiques le prouvent: en cas d’accompagnement,

garanties, les PME ont sans doute plus de difficultés que les

le nombre de faillites diminue, ce qui arrange tous les acteurs

autres. L’idée que prêter aux PME est plus risqué demeure très

économiques », note encore Jonathan Lesceux.

répandue. » Pour bien comprendre la problématique, il faut revenir à la classification des entreprises. Et Jonathan Lesceux

SOUTENIR L’ÉCONOMIE

de rappeler: « Quand on parle de PME, on se réfère souvent à

Le produit mixte automatique de la Socamut illustre bien

différentes définitions. Il est pourtant important de s’y retrou-

ce besoin grandissant de garanties complémentaires. La

ver et de ne pas confondre les réalités, la taille pouvant interve-

somme prêtée par la banque y est garantie à 75%. « Ce pro-

nir dans les types d’interventions publiques. »

duit combine deux mécanismes différents: une garantie sur

Au niveau européen, on considère qu’une microentreprise em-

un crédit bancaire principal de maximum 25.000 euros et la

ploie moins de dix personnes et a un chiffre d’affaires allant

possibilité d’un cofinancement complémentaire, soit un prêt

jusqu’à deux millions d’euros. Les petites entreprises mobi-

subordonné Socamut, de maximum 50% du crédit bancaire

lisent moins de 50 employés et possèdent un chiffre d’affaire

avec, toutefois, un plafond de 12.500 euros, souligne Julie Le-

limité à dix millions d’euros. Les moyennes entreprises, quant

beque, responsable opérationnelle de la Socamut. Au total,

à elles, engagent moins de 250 personnes et produisent un

l’entrepreneur peut avoir accès à un montant de 37.500 euros.

chiffre d’affaires de maximum 50 millions d’euros. Selon leur

L’outil vise avant tout les microentreprises, les commerçants,

appartenance à l’une ou l’autre catégorie, les sociétés vivent

les indépendants ou les artisans. Il s’agit, dans 60% des cas,

des situations différentes quant à leur financement. D’après

de starters, parmi lesquels beaucoup de jeunes qui souhaitent

le CeFiP, plus de 80% des TPE ont des besoins de financement

démarrer une entreprise, mais qui ont un effort propre limi-

inférieurs à 200.000 euros. Pour les petites entreprises, ce

té et peu, voire pas de garantie à offrir. Nous avons autant

chiffre avoisine les 240.000 euros. Dans les sociétés de plus

d’indépendants que de sociétés: le ratio est environ de 50/50.

de 250 travailleurs, on dépasse la barre des 700.000 euros.

Il peut s’agir également d’entreprises en développement qui doivent procéder à des investissements ou qui ont un besoin

MÉCANISMES COMPENSATOIRES

de trésorerie, ou encore d’une personne souhaitant reprendre

Acteur incontournable du tissu économique belge, la PME

un fonds de commerce.»

peut avoir besoin d’un coup de pouce public pour obtenir da-

Reposant sur une étroite collaboration avec les banques, le

vantage de fonds, rassembler des garanties compensatoires

produit mixte automatique mise sur la simplicité adminis-

ou simplement pour aider la banque à prendre le risque de la

trative. C’est la banque qui remplit une demande en ligne

financer. « Toute une série d’outils fonctionnent assez bien et

sur l’Intranet de la Socamut. Signataire d’une convention,

sont à la disposition des petites entreprises, notamment propo-

c’est elle qui sélectionne les projets pouvant bénéficier du

sés par le fond de participation, le fonds bruxellois de garantie

mécanisme et bénéficie de la garantie automatique de plein

ou la Sowalfin en Région wallonne, précise Jonathan Lesceux.

droit si les critères sont remplis. «Quand on a mis l’outil en

Il peut s’agir de co-financement avec des prêts subordonnés,

place, l’idée était de limiter les démarches administratives et

lorsqu’un fonds et une banque mettent la même somme sur

de garantir une certaine rapidité, explique Julie Lebeque. Un

la table. En cas de faillite, la banque est la première à être

dossier est traité en moins d’une semaine. L’avantage pour la

remboursée, ce qui contribue à la rassurer. Dans certains cas,

banque est de limiter son risque. Sur un montage de 37.500

comme celui de chômeurs, des prêts directs sont envisageables

euros, celui-ci est limité à 6.250 euros. De son côté, l’entrepre-

pour la création d’une entreprise. Des outils de garanties sont

neur est soulagé de ne pas devoir fournir de garanties sup-

également assez répandus au niveau des régions. Dans ce mo-

plémentaires: aucune sûreté ni apport personnel minimum

dèle, les pouvoirs publics se portent garants d’une partie de la

ne sont exigés pour l’octroi du prêt subordonné, à un taux,

somme prêtée par la banque. Dans ce scénario, les démarches

par ailleurs, sans risque. C’est un outil jeune, mais qui fonc-

se font très souvent uniquement à l’initiative de la banque.

tionne très bien. Nous avons, en moyenne, une cinquantaine

Cela fait partie des points sur lesquels nous voulons réfléchir,

de demandes par mois. » Depuis sa création, près de 480

même si, la plupart du temps, nous avons des retours positifs

entrepreneurs ont fait appel au système. Filiale du groupe

quant à l’efficacité du système. »

Sowalfin créée en 2003, la Socamut entend ainsi contribuer

Outre la diversification des sources de financement, l’UCM

à relancer la création et le développement d’entreprises en

défend également un meilleur accompagnement à la créa-

Wallonie en aidant des TPE ou des indépendants à accéder

tion d’une entreprise. « On estime qu’après cinq ans, l’entre-

au crédit et à des montants auxquels ils auraient du mal à

prise lancée est encore en vie dans 70% des cas au niveau

prétendre autrement. FINANCE MANAGEMENT - N°59 - JANVIER 2013

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DOSSIER FISCALITÉ TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Il faut renforcer l’exemplarité des pouvoirs publics 12

Cause de faillite notoire, les retards de paiement se sont accentués avec la crise et ce, un peu partout en Europe. Pour tenter d’y mettre de l’ordre et instaurer une harmonie au sein de l’Union Européenne en matière de B-to-B et B-to-G, la directive 2011/7/UE devra être transposée dans les 27 pays membres d’ici le 16 mars 2013.

S

igné le 16 février 2011 par les Etats membres après des négociations compliquées, le texte vient compléter une précédente directive datant de 2000 et transposée en Belgique dans la loi relative à la

lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales parue le 02 août 2002, ainsi que celle sur les marchés publics. « On constate une explosion des retards dans l’ensemble de l’Union Européenne, il était nécessaire de définir un meilleur

« 87% des pertes d’emplois dues aux faillites se font dans les entreprises de moins de cinq travailleurs. »

cadre légal à l’échelle européenne, pour encourager l’harmonie et éviter la concurrence entre les états », explique Charles Gheur,

continuité mise en danger par des retards de paiements. En 2012,

premier conseiller du département légal de la FEB. D’après une

on estime que seulement 64% des factures entre entreprises belges

étude conjointement menée par le bureau d’étude Graydon et la

sont payées dans les temps. Parmi ces impayés, 20% des créances ne

KUL, le curateur estime que 10% des faillites seraient dues à des

sont payées qu’après 90 jours. Du côté des autorités publiques, ce

retards de paiement en Belgique. La proportion monte à 21%

chiffre passe à 81% depuis le premier trimestre de 2012. »

quand on analyse la perception des chefs d’entreprise.

MONTRER L’EXEMPLE

On constate une évolution positive ces dernières années. « Les services publics fédéraux payent mieux et veulent montrer l’exemple, ce qui était beaucoup moins le cas il y a deux ans.

La nouvelle directive européenne entend améliorer les retards de

D’autant plus, qu’ils ont, sans doute, moins de problèmes de li-

paiements entre entreprises, mais aussi entre entreprises et pou-

quidités que les acteurs privés ». Jonathan Lesceux, conseiller au

voirs publics. « Ces deux champs d’application sont tout deux très

Service d’Etudes, de Représentation et de Positionnement de

importants, avance Charles Gheur. Trop d’entreprises voient leur

l’UCM, ajoute: « La situation est très variable selon les niveaux

FINANCE MANAGEMENT - N°59 - JANVIER 2013


de pouvoirs. En général, le niveau fédéral paye plus rapidement et certains acteurs régionau,x comme le SPW, essayent de faire des efforts. Le problème se situe surtout au niveau des pouvoirs locaux : les provinces et les communes. Dans tous les cas, il faut renforcer le rôle d’exemplarité des pouvoirs publics. »

SOUTENIR LES PETITS Une fois de plus, les PME sont les premières victimes de ces retards de paiements. « Ce problème se pose avec plus d’acuité dans les PME, qui voient leur fonds de roulement plus rapidement fragilisé si plusieurs clients ne payent pas à temps », appuie Charles Gheur. « En suivant la définition européenne, 97% des entreprises belges sont des PME! Il faut le garder à l’esprit », rappelle par ailleurs Jonathan Lesceux. Dans cette optique, la transposition imminente de la directive amènera plusieurs apports positifs, dont la fixation de délais maximums, autrefois subjectifs, à respecter dans tous les pays de l’Union. Si la législation belge prévoyait 50 jours dans le cas de marchés de fournitures et 60 jours pour les marchés de travaux, les pouvoirs publics devront à présent s’engager à payer endéans les 30 jours, dans les 60 s’il y a des circonstances exceptionnelles. « Si on se base sur les chiffres de Graydon, le délais contractuel moyen est de 20 jours pour les paiements entre entreprises et

13

particuliers, 35 entre les entreprises et 45 pour les entreprises et les pouvoirs publics. Les délais effectifs moyens constatés dans les faits sont respectivement de 36, 54 et 73 jours. Passer à 30 jours est donc une fameuse avancée », ajoute Jonathan Lesceux. « Le but est bien d’éviter un clivage entre grandes et petites entreprises. Les PME n’ont pas la force de frappe pour imposer leurs délais aux autorités. La directive 2000/35/CE imposait des intérêts en cas de retards, mais pas de délais stricts à respecter, c’est chose faite, continue ce dernier. Il y a un changement de perspective. Un autre élément qui me semble impor-

Charles Gheur: « Trop d’entreprises voient leur continuité mise en danger par des retards de paiements. En 2012, on estime que seulement 64% des factures entre entreprises belges sont payées dans les temps. »

tant est la distinction entre B-to-B et B-to-G, cette différence fait sens. Par définition, les acteurs privés sont plus vulnérables,

FEB défend ainsi l’idée d’une injonction de payer adjointe à la

ils ne peuvent s’appuyer sur un financement public. »

transposition du texte, ce que la directive ne prévoit pas.

Du côté des entreprises, le nouveau texte précise que le délai

« Il existe déjà une procédure d’injonction au niveau européen

maximum sera de 60 jours, à moins qu’elles n’en décident

pour les créances non contestées, mais elle vise plutôt les rela-

expressément et que ce ne soit pas totalement injuste pour

tions transfrontalières, nous aimerions mettre en place une

une des deux parties. Il stipule aussi que les États membres

procédure belge pour compléter la nouvelle directive, défend

peuvent continuer à maintenir ou à mettre en vigueur des

encore Charles Gheur. C’est un vieux combat des entreprises.

lois et règlements qui seraient plus favorables au créancier

Le sujet est assez sensible politiquement, certains partis ont

que les dispositions contenues dans la nouvelle directive.

MAJORATIONS AUTOMATIQUES Un délai non respecté est à présent considéré comme une rupture de contrat, qui donne lieu de plein droit à des intérêts fixés à 8%. Le droit belge prévoyait, jusqu’à présent, une majoration de 7%. Ces intérêts courent dès 30 jours après la date de la facture, sauf si un autre délai a été convenu dans le contrat entre les deux parties. Ces intérêts ne sont pas payés automatiquement, mais doivent être réclamés par l’entreprise qui doit saisir la juridiction compétente, ce que de nombreux acteurs, comme l’Union des classes moyennes, déplorent. La

« Il existe une procédure d’injonction au niveau européen pour les créances non contestées qui pourrait être transposée au plan national. » FINANCE MANAGEMENT - N°59 - JANVIER 2013


peur d’un usage abusif de cette possibilité, même s’il s’agit uni-

souhaite. Bien sûr, ses partenaires peuvent dénoncer une clause

quement ici des créances non contestées, soit qui sont admises

injuste dans une juridiction commerciale, mais la procédure

par le débiteur et le créancier. La liberté contractuelle reste, bien

prend beaucoup de temps. Nous sommes partisans d’une pro-

sûr, un élément important. Le délai est un élément important

gressivité des intérêts après les 30 jours et d’un échelonnement

de la relation commerciale. » Même position du côté de l’UCM,

des obligations selon la taille de l’entreprise. Enfin, il sera utile

un paiement automatique des intérêts pourrait permettre un

d’en profiter pour travailler aussi sur le niveau B-to-C. »

accès facilité des petites structures aux marchés publics.

De son côté, si ce n’est l’adjonction de payer, la FEB n’envisage

« Certaines entreprises n’osent pas réclamer d’intérêts de retard

pas d’autres modifications à apporter à la directive à transpo-

aux pouvoirs publics, qui ne les payent pas automatiquement.

ser. « Le point de vue de la FEB est, dans la grande majorité des

Le rapport de force est inégal. Cela décourage certains acteurs

cas, d’être fidèle aux textes à transposer, pour ne pas multiplier

à participer aux marchés publics. D’après les chiffres fournis par

les dérogations, soutient Charles Gheur. Dans ce cas-ci, nous

l’ONEM, 87% des pertes d’emplois dues aux faillites se font dans

sommes contre des différences sectorielles, qui iraient à l’en-

les entreprises de moins de cinq travailleurs. Encourager l’accès de

contre de l’harmonie visée. Certaines entreprises, actives dans

ces sociétés aux marchés publics pourrait contribuer à réduire ces

plusieurs secteurs, ne seraient pas avantagées. Nous sommes

chiffres et stimuler l’entreprenariat », constate Jonathan Lesceux.

également contre un délai de vérification ajouté au délai initial dans certains cas, par exemple, pour vérifier la qualité de mar-

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ADAPTATIONS BELGES

chandises, en particulier dans la sphère publique. »

Pour l’UCM, la loi belge doit aller plus loin qu’une transposition

Pour transposer le texte dans le droit belge, des intercabinets

stricte du texte européen. Il faudrait notamment penser à cla-

travaillent actuellement sur un projet de loi. Au parlement,

rifier les délais prévus pour les transactions entre entreprises

deux partis, le CD&V et la NVA, ont déjà également proposé

et peut être fixer une période limite. « Ce que nous demandons

deux avant-projets. « Si le gouvernement vient avec un texte,

en priorité, c’est que la loi soit claire, transparente et rapidement

c’est celui qui sera approuvé, étant donné qu’il émane de la

transposée, insiste Jonathan Lesceux. Une grande entreprise

majorité. C’est le cabinet de la justice qui a le lead en ce mo-

pourrait imposer dans ses contrats un délai de 120 jours, si elle le

ment », conclut Charles Gheur.

Agenda des formations dès janvier 2013

ichec-entreprises.be

Management

Diplôme en Gestion d’Entreprises Diplôme en Gestion Durable Diplôme en Gestion des Achats Internationaux NEW Certificat d’Etudes en Outils de Gestion

Gouvernance

Diplôme en Contrôle Interne et Maîtrise des Organismes Publics NEW Certificat d’Etudes en Contrôle de Gestion Séminaire en Contrôle de Gestion et RSE NEW

Finance

Diplôme en Gestion Financière Diplôme en Gestion de Patrimoine Diplôme en Ingénierie Financière Certificat en Credit Management Certificat en Ingénierie Patrimoniale

Ressources Humaines

Certificat en Recruitment, Search & Selection NEW Certificat en Gestion des Formations Certificat RH 2.0 NEW

Marketing et Communication

Diplôme en Marketing Stratégique Diplôme en Advanced Marketing Management Certificat d’Etudes en Gestion Active du Web 2.0 Certificat en Community Management

Management de Soi et des Autres

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Cours du soir


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Finance Management une publication périodique destinée aux responsables financiers et autres professionnels du secteur financier des entreprises de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg. Elle s’adresse également aux dirigeants d’entreprises soucieux d’optimiser la gestion financière de leur société ainsi qu’aux étudiants. Finance Management – Edité par MRH SPRL 7, Rue du Bosquet – 1400 Nivelles http:// www.financemanagement.be

Rédacteur en chef : Christophe Lo Giudice (redaction@financemanagement.be)

Direction générale, marketing et partenariats : Jean-Paul Erhard (jpe@financemanagement.be)

Comité de rédaction: Bruno Colmant (Roland Berger Strategy Consultants, Chargé de cours invité à l'UCL et à la Vlerick Leuven Gent Management School), Charles Delloye (Alethea), Denis Dubru (Vice-President Finance, Belgium and Shared Services, GSK Biologicals), Frédéric Mailleux (Directeur Financier-GFA, Ets. Ronveaux), Chris Vroman (HR, Legal et Tax Director chez Ineos), Joël Poilvache (Regional Manager, Robert Half International)

Régie publicitaire: Jean-Paul Erhard (jpe@financemanagement.be)

Equipe rédactionnelle : Christophe Lo Giudice, Florence Thibaut

Abonnements: info@financemanagement.be Tél: 067/ 34.11.59 - fax: 067/ 34.11.60 Editeur responsable : Jean-Paul Erhard 7, Rue du Bosquet – 1400 Nivelles

Design & développement graphique : FINANCE MANAGEMENT - N°59 - JANVIER 2013 Alain Verstappen, Renato Baio (graphicteam@financemanagement.be)


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