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DOSSIER

N°66 - NOVEMBRE 2013

Gestion de trésorerie Les difficultés de trésorerie restent au top de l'agenda des départements financiers. Suite à l’avalanche réglementaire et au durcissement de l’accès au crédit, le trésorier est en première ligne et voit sa fonction évoluer: il doit aller à la rencontre des différents partenaires de son entreprise, tout en représentant son image. L'assurance-crédit est, à ce titre, un outil encore sousutilisé. Focus dans notre dossier.

02 « Le marché de l’assurance-crédit se comporte comme une vieille dame »

« L’assurance-crédit permet pourtant une meilleure gestion et une information plus ciblée. Il y a tout un changement de mentalité à opérer.», plaide Rudy Aernoudt (Université de Gand).

04 « L’assurance-crédit est une formidable machine à recycler »

Les assureurs crédits ont tiré les leçons de la crise financière: ils ont adapté leur offre aux besoins des PME et inventé de nouveaux produits. Tour des principaux acteurs.

08 « Un trésorier doit toujours être au front »

Le trésorier doit sortir de sa bulle, encourage Olivier Brissaud (ATEB). Il nous livre sa vision du métier, que nous avons assortie de deux cas d'entreprises: Luxair et UCB.

12 « Un indépendant doit être bon en tout »

Pour détecter les signaux avant-coureurs à temps, le recours aux tableaux de bord est plus que conseillé. Le comptable peut aussi jouer un rôle central dans la vie de l’entreprise.


DOSSIER TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Le marché de l’assurance-crédit se comporte comme une vieille dame 2

Alors que la crise se prolonge et que les entreprises rament pour maintenir leur niveau de liquidités à flot, l’assurance-crédit a une carte à jouer pour doper l’économie. D’après Graydon, le nombre de faillites a augmenté de 10% en 2012 comparé à 2011. Les défauts de paiement seraient à l’origine de 25% d’entre elles. Paradoxalement, l’assurance-crédit peine encore à s’imposer dans les mœurs. Encore perçue comme chère ou trop compliquée, elle a du mal à convaincre les petites structures de son potentiel économique.

O

n estime que la gestion du poste clients repré-

résultat et ses besoins de fonds de roulement. D’après le CEPS,

sente en moyenne 30% à 40% de la valeur

Centre for European Policy Studies, l’assurance-crédit couvrirait

d’une entreprise. Pour compenser la perte d’une

environ 15% du PIB belge, ce qui est considéré comme un mar-

créance, il est nécessaire de réaliser un chiffre

ché mature. Membre du think tank Credit Management, co-au-

d’affaires supplémentaire de 10 à 100 fois plus important que

teur d’un code de conduite paru en juin 2011 et Professeur de

le montant de l’impayé. L’assurance-crédit se veut un outil de

corporate finance à l’Université de Gand, Rudy Aernoudt répond

gestion du risque commercial, elle garantit le suivi des créances

à nos questions.

des entreprises assurées à l’égard de leurs clients belges ou étrangers. De cette manière, elle contribue à assainir et à garan-

Dans quel contexte est né le code de conduite?

tir la situation d’une entreprise, son cash-flow, son compte de

Rudy Aernoudt: « L’idée du code de conduite était de réfléchir ensemble, avec des CFOs et des assureurs crédits, sur l’évolution du secteur. Nous voulions avoir une vue hélicoptère

« Le futur du secteur réside dans l’information et le conseil en amont. » FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013

du marché et des pratiques. C’était très riche comme expérience. La Belgique a été pionnière dans ce domaine puisqu’à ma connaissance, il n’y a pas encore d’équivalents ailleurs. La volonté n’était pas de produire de nouvelles régulations, mais bien d’écrire un gentlemen’s agreement en fédérant


les énergies. L’ouverture et la confiance qui régnaient m’ont positivement impressionné. A partir de l’année prochaine, le CEFIC, un acteur neutre, réalisera un rapport de suivi sur chacun des membres, ainsi que sur l’ensemble du secteur, ce qui permettra davantage de transparence. Le but est d’instaurer une surveillance mutuelle. A la base uniquement conçu à cette fin, le think tank a choisi de rester actif. Ses membres de rencontrent quatre fois par an autour de problématiques communes. » L’assurance-crédit est-elle une option bien connue des entreprises belges? Comment peut-on expliquer que peu de société y ont recours? Rudy Aernoudt: « On assure sa voiture et ses bureaux, mais pas ses crédits. C’est paradoxal, surtout en sachant que les créances représentent parfois la moitié du bilan d’une entreprise. Les impayés atteignent environ 2,9% en Belgique, ce qui représente des milliards chaque année. Pour les récupérer, il faut, sans cesse, augmenter son chiffre d’affaires. On sait aussi que beaucoup d’entreprises belges n’exportent pas par peur de ne pas être payées, c’est un énorme frein. Les PME, en particulier, ont peur d’entreprendre. L’assurance-crédit a un vrai rôle à jouer dans ce domaine. Malheureusement, le

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secteur souffre d’une mauvaise image. Ce type d’assurances est encore souvent perçu comme une obligation supplémentaire du banquier. Le terme même est mal choisi, ce n’est ni une assurance classique, ni un crédit, qui de plus sont deux mots à connotation négative. Le concept n’illustre que l’aspect répressif du métier. L’assurance-crédit permet pourtant une meilleure gestion et une information plus ciblée. Il y a

Rudy Aernoudt: « La crise financière n’a certainement pas aidé à redorer le blason de l’assurance crédit. Avoir un partenaire qui s’enfuit à la première difficulté est désastreux, c’est ce qui s’est parfois passé parmi les assureurs crédits. »

tout un changement de mentalité à opérer. Nous avons besoin d’une révolution copernicienne! Des initiatives comme le

encore comme une veille dame, il faut le dynamiser. Ce n’est

think tank ou le code de conduite veulent apporter leur pierre

pas parce qu’il y a peu de concurrents, qu’il ne faut pas se

à l’édifice et contribuer à diversifier le secteur. Le potentiel de

réinventer. »

croissance est énorme. » Quel a été l’impact de la crise sur le secteur? En quoi le secteur est-il un marché fermé?

Rudy Aernoudt: « La crise financière n’a certainement pas

Rudy Aernoudt: « L’assurance-crédit est un grand marché,

aidé à redorer le blason de l’assurance crédit. Les assureurs,

mais qui accueille peu d’acteurs. Il est fermé de par la na-

au sens large, ne peuvent pas seulement être là pour éteindre

ture de ses activités. 80% du marché sont détenus par trois

l’incendie quand tout va mal. En 2008, certains ont supprimé

grands acteurs: Coface, Atradius et Euler Hermes. Leur plus-

des lignes du jour au lendemain et mis leurs clients devant le

value réside dans leurs données historiques. Il s’agit bien

fait accompli. Avoir un partenaire qui s’enfuit à la première

d’un oligopole. Le danger serait de parvenir à une situation

difficulté est désastreux, c’est ce qui s’est parfois passé parmi

de monopole en cas d’entente sur les prix, ou à l’inverse, à du

les assureurs crédits. Certains clients ont été dégoutés du sec-

dumping sur les tarifs qui conduirait à une baisse de qualité.

teur. Les prix ne sont pas forcément perçus comme prohibitifs.

La seule piste envisageable était à mes yeux de se fédérer au-

De nombreuses sociétés seraient prêtes à payer davantage en

tour d’un code de conduite commun. Il faut impérativement

continu pour être sûres d’être soutenues lors des moments

diversifier le marché par les produits, non pas uniquement en

plus difficiles. Les assureurs crédit doivent à présent restau-

jouant sur les prix. En faisant croitre le marché, par exemple,

rer la confiance et réfléchir dans une optique de partenariat à

jusqu’à 30% du PIB comme aux Pays Bas, cela augmenterait

long terme. Ils ont un rôle de conseil à jouer. L’assurance cré-

la concurrence et permettrait la création d’emplois. C’est un

dit devrait, pour moi, devenir un service connexe à d’autres

scénario win-win qui bénéficierait aux entreprises, aux inter-

business models. Il y a énormément de valeur à tirer de toute

médiaires et courtiers, aux assureurs et à l’économie dans son

cette masse d’informations. Le futur du secteur réside dans

ensemble. C’est un marché traditionnel et qui se comporte

l’information et le conseil en amont. » FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013


DOSSIER TEXTE : FLORENCE THIBAUT

L’assurance-crédit est une formidable machine à recycler 4

Méconnu, le rôle de l’assurance-crédit est pourtant central dans notre économie. Peu nombreux sur un marché à haut potentiel, les assureurs crédits ont tiré les leçons de la crise financière. Pour dynamiser leur secteur et convaincre de nouveaux adeptes, ils ont adapté leur offre aux besoins des PME, autrefois oubliées des portfolios, et inventé de nouveaux produits. Tour d’horizon en compagnie des trois acteurs du secteur.

S

i la plupart des clients sont satisfaits des services

ser. « Il y a encore un trop grand pourcentage de sociétés qui

fournis par leur assureur crédit, le plus difficile est

font le choix de ne pas s’assurer, même si depuis trois ans, toute

d’attirer les néophytes. La confiance, mise à mal

une série de nouveaux produits existent, y compris destinés

pendant la crise, reste le plus grand défi à adres-

aux petits acteurs. Beaucoup d’entrepreneurs veulent tout faire

ser. Le code de déontologie de 2011 prévoit ainsi, parmi ses prin-

eux-mêmes. Ils considèrent qu’ils connaissent suffisamment

cipes fondateurs, une meilleure information aux clients, tant sur

leurs clients », constate Francis Jespers.

leur politique que sur la solvabilité de leurs clients, ainsi que des

Si le recours à l’assurance-crédit est encore peu répandu, pour

délais plus importants lors de la restriction ou suppression de

Christophe Cherry, la réponse est sans doute à chercher du

limites de crédit.

côté des assureurs. « Il faut pouvoir se regarder dans la glace.

Amenés à se rencontrer régulièrement lors de conférences

Ce sont les assureurs qui n’ont pas réussi à convaincre. Nos

ou au sein d’Assuralia, Francis Jespers, CEO d’Euler Hermes

premiers concurrents sont ceux qui ne s’assurent pas. Nous

Belgique, Christophe Cherry, Country Director chez Atradius

ne réussissons pas encore à trouver une ritournelle qui per-

Belgique et Luxembourg et Guillermo Rodriguez, Country

mette une acquisition spectaculaire de nouveaux clients. Nous

Manager chez Coface, croisent le fer. Ils se sont notamment

convainquons généralement ceux qui nous connaissent déjà.

mis d’accord sur un certificat de sinistralité reprenant tout

L’image du parapluie ouvert quand il fait beau et fermé quand

l’historique d’un client et que chaque assuré détiendrait. La philosophie sous-jacente est à la fois d’améliorer la transparence, mais aussi de s’assurer que les mauvais risques soient traités de la bonne façon.

TRANSFORMER L’ESSAI Au total 4.400 entreprises sont clientes d’assurances-crédits. Sur les 28.000 sociétés qui pourraient potentiellement être intéressées, le taux de pénétration pourrait encore progresFINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013

« Ce sont les assureurs qui n’ont pas réussi à convaincre: nos premiers concurrents sont ceux qui ne s’assurent pas ».


il pleut colle encore au monde de l’assurance au sens large. Je pense que c’est aussi lié au fait que l’assurance-crédit reste un produit relativement complexe », commente-t-il. Pour Guillermo Rodriguez, l’appellation « assurance-crédit » ne rend pas justice au secteur. « Le terme n’illustre pas vraiment nos services aux entreprises, estime-t-il. Une assurance intervient classiquement après une catastrophe. Or, une grande partie de notre travail se fait en amont. Notre rôle est d’aider les sociétés à vendre mieux et de manière plus sécurisée. »

AUTO-ASSURANCE Le secteur reste pénalisé par la mauvaise image de l’assurance et une méconnaissance de son rôle dans l’économie. Et Christophe Cherry de poursuivre: « Une assurance est généralement vu comme un coût, non pas comme un investissement. On n’achète pas une assurance crédit comme une assurance incendie. Tout le volet information et le recouvrement font qu’on ne se limite pas à l’indemnisation. De plus, elle n’est pas obligatoire. » « L’assurance crédit apporte une vraie plus-value, pas toujours

Francis Jespers: « Il y a encore un trop grand pourcentage de sociétés qui font le choix de ne pas s’assurer, même si depuis trois ans, toute une série de nouveaux produits existent, y compris destinés aux petits acteurs. »

bien comprise, le rejoint Guillermo Rodriguez. En améliorant sa gestion du crédit, une entreprise va améliorer sa solvabilité

brutalité a mis tous nos business models en question, explique

et son rating, et donc son accès au financement. C’est un cercle

Christophe Cherry, également membre du comité de direction

vertueux qui rassure les banques. En général, les grandes entre-

chez Assuralia. Le principal souci depuis 2008 a été de retrouver

prises nous connaissent. Le plus gros du travail doit être fait du

une certaine stabilité. La durée de vie moyenne de nos clients est

côté des PME. De plus en plus de marchés porteurs sont loin,

de dix ans, ce qui est remarquable pour de l’assurance. Nous ne

il faut trouver la croissance ailleurs. Les sociétés ne peuvent

voulons surtout pas que cela diminue. » « Le plus difficile est la

pas y aller à l’aveugle, elles ont besoin d’être accompagnées

portée d’entrée. Une fois acquis, nos clients sont très loyaux. La

localement. Avec un réseau international, les assureurs crédit

crise a permis une saine réflexion sur les comportements des dif-

peuvent les y aider. »

férents acteurs », approuve Francis Jespers.

Plusieurs clichés demeurent, qu’il s’agisse de tarifs prohibitifs,

« Depuis 2008, le secteur a connu une certaine pression sur

de charge administrative ou de complexité technique. « Croire

les prix, révèle Guillermo Rodriguez. Certains clients ne par-

que les produits sont couteux et trop compliqués ne reflète plus

viennent pas à faire le pas ou font un pas en arrière car ils ne

la réalité. C’était peut être le cas il y a 15 ans. C’est une fausse

souhaitent plus payer les primes. Les périodes entre les crises

excuse. Dans le cas de couvertures à l’aveugle, les formalités

étant de plus en plus courtes, à nous assureurs d’être plus réac-

sont très réduites », souligne Francis Jespers. En général, les

tifs et de nous adapter aux changements. Des difficultés écono-

prix tournent entre 0,2 et 0,5% du chiffre d’affaires. Le niveau

miques, il y en aura toujours. »

de perte moyen évolue, quant à lui, autour de 2 et 3%. « Les prix sont pourtant à la baisse, insiste Christophe Cherry.

PLUS DE TRANSPARENCE

On veut tous croître. Or, on tourne en rond et on pêche tous dans

Depuis la faillite de Lehman Brothers, les assureurs crédit

le même étang. Le climat économique n’est pas extraordinaire.

ont balayé devant leur porte et se sont débarrés des risques

Nos tarifs sont anormalement bas en ce moment, c’est une op-

toxiques. « Tout un travail d’assainissement a été effectué. Le

portunité pour les entreprises. Ce qu’on reçoit comme impayés

premier volet a été de réduire les risques dangereux, poursuit

chaque année est beaucoup plus important que notre chiffre

Christophe Cherry. Le deuxième a été d’ajuster les primes de

d’affaires. Les impayés sont transformés en indemnisation, c’est

risques à la réalité. Il fallait aussi dépoussiérer notre image. Cette

l’élément vertueux de l’assurance-crédit. C’est une formidable

remise en question a créé quelques dégâts au niveau commer-

machine à recycler. Les créances représentent parfois la moitié

cial. Réduire des expositions et augmenter les primes est rare-

du bilan d’une entreprise! Je suis toujours étonné du manque de

ment une bonne nouvelle pour les clients. Nous nous sommes

connaissances des entrepreneurs en la matière. »

efforcés d’augmenter leur satisfaction, notamment en leur donnant davantage d’explications quant à nos décisions. Je peux

REMISE EN QUESTION

dire que nos efforts ont payé, même si nous pouvons encore nous

Assez plat pendant de longues années, le marché de l’assu-

améliorer, notamment dans la proactivité de nos contacts. »

rance-crédit a été bousculé pendant la crise. « Dans une indus-

Chaque décision s’accompagne à présent de davantage

trie qu’on croyait assez stable avec des cycles plutôt longs, elle

d’explications. Nos trois acteurs ont œuvré à améliorer leur

est venue secouer le cocotier et challenger nos certitudes. Cette

portrail web et l’information accessible en ligne. « Les FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013

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mis davantage de visibilité sur les pratiques. « Nous sommes concurrents, mais nous partageons des inquiétudes transversales, notamment législatives. Travailler ensemble permet de gagner du temps. Un code de conduite fixe noir sur blanc des principes éthiques, c’est toujours bénéfique, quel que soit le secteur », partage Guillermo Rodriguez. Un autre avantage du code est de placer la discussion de l’assurance crédit non pas dans le bureau du comptable, mais dans celui du directeur général. Le choix d’assurer ou non ses créances doit être stratégique. »

DÉMARCHE PROACTIVE Les assureurs crédit ont également œuvré à moderniser leur approche du risque, comme leur portefeuille de produits. Ils ont tous proposé une couverture complémentaire, à la carte, là où la couverture de base ne suffit pas. « Si on ne se réinvente pas, c’est la mort de l’assurance-crédit, affirme Guillermo Rodriguez. Nous sommes peut être trois joueurs historiques en Belgique, mais dans les autres pays, nous avons chaque fois un

Christophe Cherry: « Un des défis est de faire passer l’assurance-crédit comme un outil d’aide à la gestion et à la croissance. Les créances représentent parfois la moitié du bilan d’une entreprise! Je suis toujours étonné du manque de connaissances des entrepreneurs en la matière. »

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autre challenger local. Chacun a sa place. Le marché nous pousse à être innovant. Nous avons notamment proposé, Top liner, une sorte de complément d’assurance, qui va au-delà de la limite prévue initialement. Au lieu de couper la ligne car le risque ne nous paraît pas entièrement sain, on propose cette option à un taux différent. Il y avait une demande forte du marché en ce sens. Réussir à segmenter son offre pour réussir à adresser différents

« Le futur du secteur réside dans l’information et le conseil en amont. »

types de besoins est aussi un des points clés pour l’avenir. » Le rôle d’assureur crédit s’accompagne aussi de tout un volet pédagogique à assurer pour bien expliquer leurs activités. « Généralement, quand on l’explique bien, un refus est bien compris par nos clients, défend Christophe Cherry. Le problème est souvent la brutalité et la rapidité de l’information. Pour toute décision, nous avertissons désormais nos assurés un

nouvelles technologies nous permettent de gérer les polices

mois à l’avance. Ils bénéficient de quatre semaines de « grâce »

de manière plus dynamique, confie Guillermo Rodriguez. Des

qui lui permet de se retourner ou de contre argumenter. Cette

plateformes sophistiquées nous permettent d’être en contact

période de confort est très importante. Elle ouvre un espace de

permanent avec nos clients afin de leur faciliter la tâche. Ces

discussion qui contribue à améliorer notre image. »

derniers peuvent à présent voir évoluer leur portfolio et leurs scores en temps réel. On leur communique des informations

PARTENARIAT WIN-WIN

susceptibles de les intéresser. A l’avenir, je suis convaincu qu’il

Les courtiers, véritables ambassadeurs des assureurs, effec-

y aura encore davantage d’interconnections avec leurs outils

tuent une grande partie des ventes. Pas toujours satisfaits non

comptables. Nos propres systèmes viendront s’intégrer dans

plus de la manière dont ils ont été traités pendant la crise, ils

leur chaîne de valeur. Un système d’alertes pourrait changer

souhaitent souvent une relation de partenariat plus étroite.

nos rapports. »

« Les courtiers représentent 75% de notre chiffre d’affaires, par-

« Aujourd’hui, on ne peut plus de contenter de prendre une

tage Guillermo Rodriguez. Ce sont des vrais partenaires. Ce sont

décision crédit unilatéralement. Il faut l’expliquer et en justi-

nos yeux et nos oreilles sur le marché. Ils sont en contact direct

fier les raisons, confirme Christophe Cherry. Avant la crise, les

avec nos clients. Nous sommes donc fréquemment en contact.

clients étaient sans doute moins demandeurs de feedbacks.

On attend de leur part une bonne connaissance des produits,

Ils ont à présent accès à toute une série d’outils et d’analyses

ainsi qu’une certaine neutralité dans la présentation des offres.

détaillées en ligne, ce qui n’était pas le cas avant. Nous avons

Ils doivent bien connaître le secteur pour être à même d’en dé-

voulu ouvrir l’arrière boutique. Nos clients peuvent télécharger

mocratiser les enjeux. Leur rôle ne s’achève pas quand le contrat

les informations dont ils ont besoin n’importe quand, ce qui

est signé. Ils ont tout un travail de suivi à effectuer. »

change un peu notre métier. Nous sommes devenus un presta-

De son côté, Atradius a mis en place une cellule « close to bro-

taire de services 24/7. »

ker » composée d’analystes crédits et financiers, afin d’appor-

Un exercice comme le code de conduite a également per-

ter des réponses à valeur ajoutée aux courtiers. « Ils se sont

FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013


parfois plaints d’être considérés comme des clients, mentionne Christophe Cherry. Ils ont pourtant un rôle essentiel à jouer. On ressentait une envie de leur part d’avoir accès aux decision makers et une recherche de partenaires fiables. Nous ne les considérons pas seulement comme des intermédiaires, mais nous voulons les inclure dans la gestion des opérations. » Peu nombreux à être spécialisés dans l’assurance crédit, leur raison d’être est de défendre les intérêts des assurés, comme des assureurs. « Ils connaissent bien le marché, c’est un chaînon déterminant. Ils ont accès à nos bases de données et vérifient la véracité de nos informations. La croissance passera par la prospection. Ils ont un sérieux rôle à jouer dans ce domaine. Faire croitre le marché est un rôle collectif », ajoute encore Francis Jespers. « Certaines initiatives me poussent à l’optimisme. Certains de nos clients sont là depuis 50 ans, cela prouve que notre modèle est vertueux. Une fois acquis, on est convaincu, termine Christophe Cherry Dans notre secteur, on est toujours mono-assureur. Un des défis à venir est de faire passer l’assurance-crédit comme un outil d’aide à la gestion et à la croissance. Quand on aura réussi à faire basculer la vision défensive de nos activités, à l’image d’un vrai partenariat, nous aurons fait une bonne partie du chemin. »

Guillermo Rodriguez: « Les périodes entre les crises étant de plus en plus courtes, à nous assureurs d’être plus réactifs et de nous adapter aux changements. Des difficultés économiques, il y en aura toujours. »

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FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013


DOSSIER TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Un trésorier doit toujours être au front Suite à l’avalanche réglementaire et au durcissement de l’accès au crédit, le trésorier est en première ligne et voit sa fonction évoluer. Loin d’être un rat de bibliothèque, il doit aller à la rencontre des différents partenaires de son entreprise, tout en représentant son image. Pas toujours bien connu en interne, comme en externe, son rôle devient pourtant plus stratégique.

8

F

ondé en 1991, l’ATEB, l’Association des trésoriers

son travail. Sa capacité d’autonomie, son sens de l’anticipation

d’entreprise en Belgique, se charge de défendre les

et sa proactivité sont des éléments déterminants. »

intérêts de la profession et de ses 200 membres,

Amené à rejoindre Volkswagen en 1989, Olivier Brissaud a

tout en assurant des formations ciblées, notam-

contribué à y développer le département trésorerie. Il a passé

ment dans le domaine des soft skills, de plus en plus important.

23 ans au sein du groupe avant de se consacrer à l’économie

Pour Olivier Brissaud, président et fondateur de l’association,

sociale. Si, au départ, ils étaient quatre au sein de ce départe-

un trésorier doit avoir une vue hélicoptère du marché et de son

ment; quand il a quitté l’entreprise, ils étaient 80.

entreprise, tout en amortissant les chocs réglementaires pour cette dernière. Son contexte de travail se complexifiant, il doit

VAGUE RÉGULATOIRE

acquérir de nouvelles compétences.

Suite à la faillite de Lehman Brothers, tout un amas de régle-

Devenu un interlocuteur central dans l’organisation, il la

mentation a vu le jour, complexifiant le travail quotidien des

représente aussi à l’extérieur et gère un réseau grandissant

spécialistes de la finance, notamment les trésoriers, chargés

d’interlocuteurs. « Le trésorier doit sortir de sa bulle, c’est la

d’en limiter l’impact pour leur organisation. « La crise finan-

vision que nous défendons au sein de l’ATEB, explique-t-il. Cer-

cière a donné lieu à toute une vague de nouvelles règles qui

tains restent encore trop enfermés dans leur bureau. Or, c’est

change la nature de notre métier, appuie Olivier Brissaud.

un métier de contacts. Il est plus qu’important à mes yeux

En tant que trésoriers, nous sommes en première ligne. C’est

qu’ils prennent leur bâton de pèlerin et défendent leur fonction

cette fonction qui perçoit toute cette complexité en premier

auprès des autres. Un trésorier solitaire ne peut pas bien faire

lieu et doit la retraduire dans les systèmes internes. Il n’y a que le trésorier qui s’y retrouve dans l’entreprise. Peu de ses collègues comprennent vraiment ce qu’il fait. Certains régulateurs veulent parfois légiférer à outrance. Le marché de change,

« Le trésorier doit s’inviter aux réunions importantes et s’imposer comme interlocuteur de référence. » FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013

par exemple, à l’inverse de celui des matières premières n’a jamais engendré de bulle spéculative, or on le régule de plus en plus... Dans certaines matières, on a l’impression de ne plus très bien savoir où on en est. » Dans le cadre de l’ATEB et de l’Association européenne des trésoriers d’entreprises, Olivier Brissaud se charge tous les mois


d’envoyer un tableau actualisé contenant l’ensemble des changements réglementaires attendus à tous les membres. « Pour y voir clair dans les changements réglementaires, il est important d’œuvrer à développer des réponses et de se fédérer au niveau européen, même s’il y a, bien sûr, des différences notables entre les pays. Trouver un financement en Grèce ou en Suède est loin d’être la même chose. » En schématisant, le rôle d’un trésorier est de s’assurer que son entreprise ait, à tout moment, suffisamment de moyens financiers pour alimenter ses activités, tout en couvrant les risques qui sont liés à son business. « Le monde de la finance s’est largement ouvert. Auparavant, chaque pays disposait de sa propre réglementation. C’est de moins en moins le cas, ce qui crée une certaine baisse de complexité pour les financiers. Si on prend le cas de l’euro, 15 monnaies ont disparu d’un coup. Cela induit une autre manière de travailler. En parallèle, de nombreux produits se sont standardisés. Dans le cas d’une émission obligataire, par exemple, la documentation liée et les procédures à respecter sont les mêmes presque partout dans le monde. Cela dit, les produits sont, en même temps, devenus plus sophistiqués. Les masses et les risques à gérer sont plus importants. La complexité change de nature. »

VISION A PRIORI

9

L’accélération de l’information et le développement à grande vitesse des moyens de communications poussent les trésoriers et leurs collègues du département financier à se montrer réactifs et plus flexibles que jamais. « Il a toujours du être au fait de l’actualité et s’informer en continu, en particulier dans le cas des multinationales. Avec l’accentuation des échanges, il est vrai qu’il doit être plus rapidement sur la balle. Je ne pense pas que son travail soit plus compliqué qu’avant, mais il est certainement différent. Ce qui est sans doute changé, c’est l’usage des langues. Aujourd’hui, un trésorier qui ne maîtriserait que sa langue nationale, serait perdu, ce qui est aussi vrai pour d’autres métiers. » A l’inverse des autres fonctions financières, qu’il s’agisse du comptable, du contrôleur de gestion ou l’analyste, la fonction

Olivier Brissaud: « Le trésorier doit sortir de sa bulle. Certains restent encore trop enfermés dans leur bureau. Or, c’est un métier de contacts. Il est plus qu’important à mes yeux qu’ils prennent leur bâton de pèlerin et défendent leur fonction auprès des autres. »

est trésorier est la seule à être prospective. Et Olivier Brissaud de résumer: « De par son rôle, il ne peut pas se contenter d’adopter une posture de réflexion à posteriori. Il doit regarder devant lui et anticiper les changements. Un trésorier doit toujours être au front et aller au devant des évènements. » Interlocuteur incontournable du CFO, il lui facilite la tâche. « Bien souvent, le directeur financier provient de la comptabilité ou du contrôle de gestion, il ne maîtrise pas toujours les enjeux liés à la trésorerie. Il se repose donc beaucoup sur lui. » Pas toujours bien connu dans l’entreprise, le trésorier peine encore à s’imposer comme un successeur et un leader poten-

« Certains régulateurs veulent légiférer à outrance. Dans certaines matières, on a l’impression de ne plus bien savoir où on en est. »

tiel. « C’est une fonction encore perçue comme très technique. On ne pense que très rarement au trésorier pour reprendre le

coup à échanger, notamment sur les investissements prévus. Il

flambeau du CFO. Défendre sa cause et expliquer son métier,

doit, pour moi, s’inviter aux réunions importantes et s’imposer

doit faire partie de son travail. Il est, par exemple, rare qu’il

comme interlocuteur de référence. Il peut apporter un éclairage

collabore avec le directeur marketing. Ils ont, pourtant, beau-

différent sur les enjeux de son entreprise. » FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013


DOSSIER

« La fonction de trésorier permet de toucher à tout » Senior Director Group Treasury Operations chez UCB depuis sept ans, Gaëtan Dumont est tombé dans la trésorerie il y a plus de 14 ans. Après des études d’ingénieur commercial et une première expérience comme trader au Crédit Lyonnais, il devient Senior Treasury Consultant pour le Groupe Expert, avant de passer six ans au sein du département Treasury and corporate finance chez RTL. Membre du conseil d’administration de l’ATEL, l’équivalent luxembourgeois de l’ATEB, il répond à nos questions sur l’évolution de son rôle. Quelles sont vos missions quotidiennes? Gäetan Dumont: «Avec notre équipe, nous gérons l’ensemble de la trésorerie opérationnelle mondiale du groupe UCB. Nous ne sommes que cinq, dont une personne basée aux Etats Unis, ce qui est assez limité mais suffisant pour assurer une certaine compliance. Grâce à des outils performants et une architecture IT très développée, nous réussissons à absorber des volumes de travail importants. Outre le coaching de l’équipe, mon rôle est de piloter l’excellence opérationnelle

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et de stimuler l’innovation. Nous cherchons constamment à être à la pointe au niveau de nos systèmes. Notre cellule exécute une nombre de tâches très diversifiées allant des paiements fournisseurs pour le compte d’une grosse partie de nos filiales, à la gestions de l’ensemble des flux financiers/ de trésorerie au sein du groupe, du netting interco, aux activités classiques de cash collection, de la gestion des risques financiers à l’asset management et au support des closing comptables... La fonction de trésorier en tant que telle est très diversifiée et permet de toucher à tout. »

Gaëtan Dumont: « La fonction de trésorerie est de plus en plus connue dans l’entreprise. La problématique des expositions aux taux de change et aux devises nous offre une belle visibilité. »

Comment travaillez-vous avec le reste du département finance? Gäetan Dumont: « Mon rôle est de servir d’interface avec

gique a révolutionné la manière de travailler au quotidien.

toute une série d’interlocuteurs allant de l’audit interne à

Le reporting financier, les IAS/IFRS et la compliance au sens

l’audit externe, du corporate secrétariat au département

large du terme ont cependant été les facteurs de change-

taxes, du controlling à la département chargé de la conso-

ment les plus importants du métier. Cela impacte le travail

lidation du groupe, qui se trouvent à Bruxelles. Je collabore

quotidien des trésoriers. Le reporting légal à fournir prend

également fréquemment avec les Ressources Humaines et

de plus en plus de temps. Il y a une multitude de rapports,

toutes parties tierces à l’entreprise qui impactent le centre

nationaux ou internationaux, à publier. L’environnement

de trésorerie. En terme de gestion des risques, nous avons

réglementaire se complexifie, c’est un phénomène glo-

mis un place un comité qui se réunit plusieurs fois par an.

bal et qui a déjà démarré il y a plus de dix ans avec IAS39.

En tant qu’administrateur et manager de la société sous

Aujourd’hui, c’est IFRS 13 et Emir, demain on verra… Nous

laquelle se trouve le centre de trésorerie, je me charge éga-

n’avons pas le choix, il faut composer avec. Je pense que, de

lement de la gestion des conseils d’administration et de la

manière générale, la fonction de trésorerie est de plus en

présentation de ceux-ci au conseil d’administration. »

plus connue dans l’entreprise. Chez UCB, je suis convaincu que les personnes qui composent le département finance

Depuis vos débuts dans le métier en 1999, l’étendue de

nous connaissent. Dans toute société endettée pour sa

votre fonction a-t-elle changé?

croissance, les trésoriers ont un important rôle à jouer. La

Gäetan Dumont: « La fonction de trésorier a clairement évo-

problématique des expositions aux taux de change et du

lué lors de ces 15 dernières années. L’innovation technolo-

financement de nos filiales nous offre une belle visibilité. »

FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013


« Le métier de trésorier est composé d’une multitude de tâches » Assistant Vice-Président Finance chez Luxair depuis

Depuis vos débuts dans le métier, l’étendue de votre

sept ans, Louis Brosset seconde le Vice-Président Fi-

fonction a-t-elle changé?

nance et le CFO du groupe. Après dix ans chez Ernst and

Louis Brosset: « Mon arrivé a coïncidé avec la volonté

Young, il rejoint le département finance en décembre

de la direction générale de mettre en place des couver-

2006. Compagnie aérienne nationale Luxembourgeoise

tures de risques de marché systématiques pour le kéro-

fondée en 1948, Luxair emploie 2300 employés dans

sène et les devises. Des couvertures étaient faites au

des métiers aussi différents que le transport aérien,

cas par cas par le passé mais il a fallu mettre en place

l’organisation de voyages de tourisme, la logistique

de nouveaux outils. Progressivement nous avons cou-

de fret aérien, l’assistance aux passagers, la prépara-

vert de plus en plus de choses comme les achats en livre

tion de repas ou la gestion de magasins à l’aéroport

sterlings ou l’exposition aux devises nord-africaines. Le

de Luxembourg. Le département finance compte une

nombre de transactions et de produits financiers uti-

petite cinquantaine de personnes, dont l’équivalent de

lisés a augmenté en parallèle. Ce qui a aussi évolué,

trois personnes à temps plein pour la trésorerie.

c’est l’impact des réglementations. Nous sommes, par exemple, désormais dans le schéma de droits d’émis-

En quoi la gestion de la trésorerie chez Luxair est-elle

sion de CO2 européen. Il a fallu comprendre la législa-

assez particulière?

tion et s’y conformer au moindre coût. »

Louis Brosset: « Le volet trésorerie chez Luxair est sans doute assez atypique. Notre politique de couverture des

Avez-vous l’occasion de rencontrer vos confrères?

matières premières (kérosène et CO2) et des devises est

Louis Brosset: « De nombreuses rencontres se font au

très développée de par notre métier. En effet, les prix du

sein de l’ATEL. Echanger avec ses pairs est très appré-

kérosène, des avions et des pièces de maintenance sont

ciable. La plupart des trésoriers ont les mêmes problé-

en USD et représentent une part importante du prix de

matiques. Les outils comptables et les partenaires ban-

revient. Mais nous n’avons pas les volumes suffisants

caires sont généralement les mêmes et nous travaillons

pour justifier d’investir dans des systèmes intégrés de

tous sur les impacts de SEPA ou d’EMIR. Nous ne

gestion de trésorerie et avoir des équipes dédiées à

sommes pas vraiment concurrents, donc les échanges

plein temps en front et en back office. Nous traitons

sont très ouverts. Tout le monde est dans le même ba-

également de petites quantités de devises ‘exotiques’

teau. Voir comment chacun réagit aux avancées législa-

comme le TND et le MAD pour payer des hôtels ce qui

tives est très riche. »

n’est pas un service habituellement demandé à nos banques luxembourgeoises. » Quelles sont vos missions quotidiennes? Louis Brosset: « J’ai notamment été engagé pour traiter l’ensemble des aspects liés aux couvertures de change et aux placements, mais j’ai plusieurs casquettes et je m’occupe aussi beaucoup de recouvrement de créances. De manière générale, le métier de trésorier est composé d’une multitude de sous-tâches et de gestion de projet. Le reporting prend aussi pas mal de temps. Heu-

« Nous sommes dans le schéma de droit d’émission de carbone. Il a fallu comprendre la législation et la traduire. »

reusement, malgré le grand nombre de filiales, toute la trésorerie se fait au sein de la maison mère et tout se passe dans la même time zone. » Comment travaillez-vous avec le reste du département finance? Louis Brosset: « Le CFO est le chef d’orchestre et en fonction des besoins il répartit les tâches et définit les interventions de chacun. Nous ne travaillons bien évidemment pas en silos imperméables et nous nous tenons informés de ce que les autres font. »

FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013

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DOSSIER TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Un indépendant doit être bon en tout 12

D’après le dernier baromètre PME de l’UCM, près de deux responsables de PME sur cinq font face à une augmentation de leurs factures impayées. Ce décalage dans les paiements intervient pour 15% des faillites. En y associant des difficultés de trésorerie et d’accès au financement, trouver du cash devient la priorité numéro un pour de nombreux entrepreneurs. Pour détecter les signaux avant-coureurs à temps, le recours aux tableaux de bord est plus que conseillé. Le comptable peut aussi jouer un rôle central dans la vie de l’entreprise.

P

armi les facteurs qui ont le plus entravé l’activité

transmission d’entreprises, l’UCM intervient également auprès

des petites structures lors du troisième trimestre

des entreprises en difficultés via le Ced-W et leur offre dans ce

de 2013, les problèmes de trésorerie interviennent

cadre, si cela leur est nécessaire, une assistance comptable ou

pour 25%. « Environ huit chefs d’entreprises sur dix

juridique ou les renvoie vers le Médiateur Concileo.

qui nous consultent dans le cadre du Centre pour Entreprise en difficulté ont des problèmes de trésorerie, explique Christelle Closon,

DÉTECTER LES SIGNAUX

économiste à l’UCM. Malheureusement, ils viennent souvent trop

Bien souvent, les porteurs de projets se focalisent sur les charges et

tard lorsque tous leurs partenaires financiers leur ont fermé les

leur chiffre d’affaires, et la gestion de leur trésorerie est reléguée au

portes. On est alors plus dans le soin palliatif. Parfois, nous les redi-

second plan. « Certains entrepreneurs ne se rendent comptent qu’ils

rigeons vers d’autres structures comme Credal ou MicroStart. Dans

n’ont pas été payés qu’au bout de trois mois. Peu ont une vraie stratégie

certains cas, l'arrêt de l'activité est malheureusement parfois la seule

de recouvrement, avec une procédure de rappels et de mise en demeure,

issue afin d'éviter l'effet boule de neige. Nous essayons de les sensibili-

et rares sont ceux qui suivent leurs conditions générales, constate Vi-

ser à détecter les signaux avant-coureurs. »

vian Janssens. Le problème étant que, pour des gros montants, la TVA

« Beaucoup de personnes viennent avec des dettes et veulent un seul

est due dès l’émission de la facture, ce qui crée une double difficulté »

crédit pour tout éponger, ce qui est contraire à toute bonne gestion,

Dans certains cas, c’est une croissance mal planifiée qui pose

appuie Vivian Janssens, économiste à l’UCM. Nous devons nous

problème. Par exemple, un entrepreneur accepte un gros contrat,

assurer qu’un nouveau financement soit une source d’oxygène,

sans toutefois avoir les moyens d’engager de collaborateur pour

pas un fardeau supplémentaire. Cela peut être un coup de pouce

y répondre. « Une croissance non anticipée peut avoir des réper-

temporaire lorsqu'il s'agit simplement d'un retard de paiements. »

cussions importantes, tant au niveau financier que social (fonds

En 2012, le département Développement Economique de l’UCM

de roulement nécessaire, ONSS, treizième mois, prime de fin

Liège a suivi 531 porteurs de projets, dont 52% de créateurs, 21%

d’année etc. Contracter un emprunt pour ces charges à court

de repreneurs et près de 26% déjà en activité. En plus de ses ser-

terme n’a aucun sens », poursuit Vivian Janssens.

vices classiques de conseils à la création, au développement et

L’équipe de l’UCM défend l’usage de tableaux de bord afin de

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suivre au mieux l’activité de l’entreprise et les paiements de ses clients, une pratique encore peu répandue. « Dès le départ, nous essayons de les conscientiser à avoir un plan financier élaboré, doté d’une trésorerie suffisante. Certains se lancent sans matelas de sécurité. Au premier imprévu, ils connaissent de grandes difficultés. Les trois premières années sont critiques. Nous faisons tout pour armer l’entrepreneur afin qu’il démarre sa société au mieux, précise Christelle Closon. Nous militons pour que chaque porteur de projet mette en place des tableaux de bord avec des indicateurs simples, des tableaux de trésorerie, des balances âgées, afin que les signaux d’alarme s’allument à temps. » Le comptable a aussi un important rôle de conseil à jouer pour épauler le chef d’entreprise. « Il peut, par exemple, expliquer l’impact de la TVA dans la trésorerie. Certaines sociétés ne le comprennent pas. Il doit contribuer à professionnaliser son client. Un indépendant doit être bon dans son domaine, commercialement parlant, mais également veiller à la bonne gestion de son entreprise, il doit pouvoir s’entourer de professionnels pour l’y aider », achève Vivian Janssens.

Christelle Closon: « Nous militons pour que chaque porteur de projet mette en place des tableaux de bord avec des indicateurs simples, des tableaux de trésorerie, une balance AG, afin que les signaux d’alarme s’allument à temps. »

« IL Y A MILLE RAISONS DE NE PAS PAYER SES DETTES »

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Grâce aux professionnels de la gestion de crédit, 184 millions d’euros auraient été réinjectés dans l’économie belge en 2012, soit l’équivalent de 3000 emplois sauvegardés, ce qui équivaut à une progression de 8% par rapport à 2011. Pas toujours bien connu, le métier de recouvreur a pourtant un vrai rôle à jouer pour soutenir les entreprises. « C’est un métier qui ne bénéficie pas d’une très bonne image, nous devons souvent défendre notre éthique, explique Etienne van der Vaeren, président de l’Association belge des sociétés de recouvrement. Nous ne sommes ni des mafieux, ni des escrocs. Beaucoup de citoyens ne comprennent pas les tenants et aboutissants de leurs dettes. Notre rôle est aussi d’expliquer et démocratiser les enjeux. Nous avons reçu une dizaine de plaintes en 2012, toutes liées à un problème de compréhension. » L’ABR se charge de professionnaliser le secteur en offrant des formations à la carte, tout en contrôlant les pratiques de ses dix membres à travers un comité de surveillance et un code de déontologie. Service à la carte, les sociétés de recouvrement interviennent généralement lorsqu’une médiation est encore possible. Le rôle de recouvreur requière psychologie et pédagogie. Il lui faut mettre en confiance ses interlocuteurs. « Nos clients sont les créanciers. Notre mission est d’être un intermédiaire proactif. Nous intervenons, la

sibilité. Nous essayons d’aider les gens à se réorganiser. Nous

plupart du temps, quand ce n’est pas nécessaire d’y aller avec

les rappelons à l’ordre de manière douce quand cela est né-

une massue. Il y a mille raisons de ne pas payer ses dettes: un

cessaire. C’est cela notre valeur ajoutée. Aucun de nos clients

divorce mal réglé, un problème de santé etc. Les débiteurs ne

n’a perdu un de ses clients car nous lui réclamions de l’argent.

sont pas souvent malhonnêtes ou de mauvaise volonté. 15%

Le tout est de se mettre d’accord ensemble, sans recourir à la

d’entre eux voudraient bien payer, mais n’en n’ont pas la pos-

force, ni à la menace. »

FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013


Finance Management vous livre, chaque mois, un état des lieux, des témoignages, des conseils, un partage de bonnes pratiques sur des dossiers clés pour votre gestion financière.

N° 51 - Novembre 2011 Finance & HR

N° 52 - Décembre 2011 « Glocal » CFO

N° 53 - Février 2012 Compliance

N° 54 - Mars 2012 Finance & IT

N° 55 - Avril 2012 Secteur public

N° 56 - Mai 2012 Reinventing Finance

N° 57 - Juin/Juillet 2012 Leadership in Finance

N° 58 - Septembre 2012 Banques & Assurances

N° 59 - Janvier 2013 Cash Management

N° 60 - Mars 2013 Sécurité de l'information

N° 61 - Mai 2013 Finance Durable

N° 62 - Juin 2013 Financer l'innovation

N° 63 - Août 2013 Cloud computing

N° 64 - Septembre 2013 Talent in Finance

N° 65 - Octobre 2013 Public Authorities

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Finance Management une publication périodique destinée aux responsables financiers et autres professionnels du secteur financier des entreprises de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg. Elle s’adresse également aux dirigeants d’entreprises soucieux d’optimiser la gestion financière de leur société ainsi qu’aux étudiants.

Comité de rédaction: Bruno Colmant (Roland Berger Strategy Consultants, Chargé de cours invité à l'UCL et à laVlerick Leuven Gent Management School), Charles Delloye (Alethea), Denis Dubru (Vice-President Finance, Belgium and Shared Services, GSK Biologicals), Frédéric Mailleux (Directeur Financier-GFA, Ets. Ronveaux), Chris Vroman (HR, Legal et Tax Director chez Ineos), Joël Poilvache (Regional Manager, Robert Half International)

Finance Management – Edité par MRH SPRL 7, Rue du Bosquet – 1400 Nivelles http:// www.financemanagement.be

Equipe rédactionnelle : Christophe Lo Giudice, Florence Thibaut

Rédacteur en chef : Christophe Lo Giudice (redaction@financemanagement.be)

Design & développement graphique : Alain Verstappen, Renato Baio (graphicteam@financemanagement.be)

FINANCE MANAGEMENT - N°66 - NOVEMBRE 2013

Direction générale, marketing et partenariats : Jean-Paul Erhard (jpe@financemanagement.be) Régie publicitaire: Jean-Paul Erhard (jpe@financemanagement.be) Editeur responsable : Jean-Paul Erhard 7, Rue du Bosquet – 1400 Nivelles


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