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Bois-Seigneur-Isaac, la biodiversité en résistance

Les Maillons de Bois-Seigneur-Isaac viennent d’être récompensés pour son travail de préservation du patrimoine rural de ce village de Braine-l’Alleud. Grands propriétaires, agriculteurs et chasseurs se sont rassemblés pour préserver et développer ce poumon vert local et maintenir sa biodiversité. La dimension sociale n’est pas oubliée.

Un écrin de verdure enclavé entre le Ring O et l’E19. Au nord de Nivelles et au sud de Braine-l’Alleud. Dans un paysage brabançon pour le moins urbanisé, Bois-Seigneur-Isaac tente de faire de la résistance. La préservation de la biodiversité de 35 hectares de forêt et de 255 hectares de terres agricoles est devenue un leitmotiv pour une poignée d’habitants. Une volonté de valoriser le potentiel écologique, social et économique qui s’est structurée via la mise sur pied des Maillons de Bois-Seigneur-Isaac. Une association qui a vu, en avril dernier, son travail récompensé en recevant le prestigieux Prix Baillet Latour de l’Environnement 2022 doté de 25 000 euros. Le jury a été « unanimement convaincu par le fait que cette réalisation collective qui concerne plus de 250 hectares, combine à la fois le développement de la conservation des habitats naturels et l’implication simultanée de plusieurs acteurs locaux de la ruralité, tout en ayant un impact social évident. »

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Rassembler les intérêts divergents

Il faut dire que le profil de cette association est plutôt original. Elle rassemble des exploitants agricoles locaux, des propriétaires fonciers et forestiers, des habitants amoureux de la nature et de leur patrimoine de même que des chasseurs. Des profils qui ont des intérêts le plus souvent divergents. Et qu’il faut donc tenter de rassembler.

« L’idée n’est pas d’être d’accord sur tout mais bien de pouvoir entamer un dialogue et d’écouter les besoins des uns et des autres, lance l’agriculteur Eddy Puissemier, dont la famille a constitué l’un deux premiers maillons du projet avec les Snoy. Chacun doit faire des efforts pour la biodiversité. Et tenter de dégager des pistes de solution cohérentes. » Des discussions qui permettent de faire évoluer les regards et de maintenir la biodiversité. Que ce soit pour les chevreuils, lapins, lièvres ou faisans qui peuvent continuer à gambader dans les prairies et les bois. Ou grâce aux 3 km de haies et 6 751 mètres de bandes enherbées prévues autour des terres de cultures. Des aménagements qui ne font que s’étendre. « Les agriculteurs ne voient pas la nature de la même manière qu’un chasseur ou qu’un environnementaliste, pointe la guide nature Claire Lekeu, qui a fait son mémoire sur Bois-Seigneur-Isaac. Il faut donc rappeler à chacun que la préservation de la faune à un intérêt majeur. »

Les chasseurs et la biodiversité

La dimension sociale du projet est également bien présente puisque Les Maillons s’articulent autour d’activités agricoles (élevage et cultures), d’agroforesterie, d’apiculture, de maraîchage, de chasse et de gestion du patrimoine foncier et historique du village. « Le but est de préserver au quotidien le caractère rural du village, de protéger et restaurer sa biodiversité, en y joignant une dimension pédagogique », poursuit Claire Lekeu.

« Les Maillons, c’est un maillage écologique mais aussi un maillage humain qui vise à ce que la gestion du patrimoine rural reste aux mains d’acteurs locaux grâce à une mutualisation des moyens afin qu’il puisse être transmis aux générations futures », ajoute Thérèse Snoy, dont la famille est l’un des grands propriétaires fonciers du village. « Chaque maillon reste libre de ses faits et gestes, note Eddy Puissemier. Mais il est intéressant de dialoguer. En termes d’agriculture, rien n’est imposé. On échange sur nos pratiques, vers davantage de bon sens. On adapte nos manières de travailler si besoin. »

Si les besoins des uns et des autres sont différents, il faut donc les apprivoiser. Comme ceux des chasseurs. Les alentours du château de BoisSeigneur-Isaac ont par exemple toujours été un territoire de chasse. Et l’occupant actuel du château, Jean-Charles Snoy, n’y déroge pas. « Même si je ne suis pas une grande adepte de la chasse, je reconnais que les chasseurs peuvent œuvrer également pour la

BoisSeigneurIsaac est le principal poumon vert de la commune. Il faut que tout le monde puisse en profiter. Thérèse Snoy, une des fondatrices des Maillons biodiversité, précise Thérèse Snoy. Ils plantent de nombreuses haies. » Une manière de garder le gibier dans un périmètre restreint lors des activités de chasse, qui se déroulent quelques weekends par an. « Il faut toutefois faire attention à ne pas avoir trop de haies sinon cela entrave le travail des agriculteurs, précise Eddy Puissemier. Nous avons donc trouvé un accord : les chasseurs prélèvent du gibier mais, en retour, ils aménagent de nouveaux espaces boisés et un important réseau de haies. Des essences locales, protectrices et nourricières, où trouvent refuge une importante faune sauvage. » De quoi augmenter en quelques années la population de chevreuils, ramener les lièvres au berceau et permettre aux faisans de se reproduire sur place. « Et le montant que nous avons remporté avec ce Prix Baillet Latour permettra d’acheter une barre d’effarouchage afin de préserver le jeune gibier qui se cacherait dans les cultures lors des récoltes, détaille Claire Lekeu. Les 25 000 euros ne seront pas dépensés en une fois. L’idée est d’étaler les dépenses sur cinq ans. Avec notamment la volonté d’acheter des panneaux didactiques, d’entretenir les haies et de développer le volet pédagogique. » Des balades guidées ou des actions de sensibilisation de la protection de la nature seront notamment organisées à Bois-Seigneur-Isaac.

Un territoire ouvert à tous

Pour aller plus loin

Le Fonds Baillet Latour soutient des initiatives remarquables par leur rayonnement, leur incitation à l’excellence humaine ou encore par leur approche innovante pour répondre aux défis de la société de demain. Son prix de l’environnement récompense chaque année un propriétaire ou un gestionnaire privé pour le projet d’aménagement ou de gestion écologique d’un domaine en Wallonie et en Flandre.

Car l’idée n’est vraiment pas d’interdire au public de se balader sur ces terres. Mais plutôt de l’informer de la biodiversité locale et de l’importance de préserver les espaces. « Bois-Seigneur-Isaac est le principal poumon vert de la commune, explique Thérèse Snoy. Il faut que tout le monde puisse en profiter. Au lieu de mettre un panneau ‘propriété privée’, l’objectif est plutôt d’accueillir tout le monde mais de les informer. »

Une quinzaine de personnes font pour le moment partie des Maillons. On y retrouve les famille Snoy, Puissemier et de Hemptinne, de même que des particuliers sensibilisés à la préservation de leur environnement. « Le groupe reste ouvert, note Claire Lekeu. On voudrait que la jeune génération nous rejoigne pour que notre action s’inscrive dans le temps. » Cette ouverture s’est d’ailleurs concrétisée ces derniers temps par l’extension du périmètre d’action vers un fermier situé à Lillois et vers la ferme Bertinchamps.

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