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"La ville verticale sera la vie du future"

Philippe Samyn prône une meilleure utilisation des espaces urbains

interview

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« La ville verticale sera la ville du futur »

L’avenir est aux villes. Partout dans le monde. Pour garder une certaine qualité de vie, certains prônent une accélération du développement de villes verticales, avec des immeubles qui interagissent et permettent une circulation en hauteur. Une vision futuriste qui sera aussi durable.

Philippe Samyn est ingénieur civil des constructions, architecte, urbaniste et docteur en sciences appliquées. Il anime également le bureau d’architectes et d’ingénieurs Samyn and Partners.

> La ville verticale sera-t-elle la ville du futur ? Indéniablement. L’accroissement de la population mondiale et sa concentration dans les villes conduit à une occupation excessive du sol par les constructions. Pour en libérer le sol, il est nécessaire de construire en hauteur. > Pourquoi y a-t-il une telle réticence à construire en hauteur ? L’architecture et l’urbanisme en hauteur de la seconde moitié du siècle passé étaient associés à un sentiment d’isolement social. La circulation verticale n’était pas favorisée. Il faut se souvenir des cabines d’ascenseur claustrophobiques qui n’étaient pas un modèle de convivialité. Les inquiétudes liées à la sécurité technique des bâtiments (ouragan, incendie), qui ont été vives pendant longtemps, se sont heureusement envolées.> Pourquoi changer de paradigme aujourd’hui ? Les réseaux horizontaux de la ville monocentrique, qui sont d’autant plus étendus que la densité de population est faible, ne sont plus payables par les pouvoirs publics, qu’il s’agisse des couts d’investissement, de fonctionnement ou d’entretien. Les réseaux tant verticaux qu’horizontaux sont donc à repenser de manière spatiale. Ils sont aujourd’hui beaucoup plus complexes que ceux imaginés par les architectes et les urbanistes de la première moitié du XX e siècle, et la question de leur conception et de leur gestion doit être au centre de notre réflexion. La reconcentration des villes permet la restauration du continuum de la nature à condition de prévoir suffisamment « d’écoducs » au-dessus des voies qui les relient. > Les techniques pour aller vers la ville verticale sont-elles au point ? Les progrès techniques et scientifiques de ces dernières années permettent en effet, dès à présent, d’envisager chez nous de très hautes constructions, au même cout global que nos constructions actuelles, pour autant qu’elles soient regroupées de manière ordonnée, reliées entre elles par des réseaux portés par des ponts à 40 ou 50 mètres au-dessus du sol, pour former des petites villes verticales.

« Les progrès techniques permettent d’envisager de très hautes constructions, au même cout global que nos constructions actuelles. »

> Cela semble très futuriste. Est-ce réaliste et est-ce que cela existe déjà quelque part ? Une nouvelle architecture de tours reste à concevoir avec des rues verticales éclairées et ventilées naturellement, offrant des perspectives et ponctuées par des placettes aériennes. Il est raisonnable et économiquement viable d’organiser toutes les activités d’une nouvelle petite ville dans des structures verticales, reliées par des ponts, pour affecter le sol ainsi libéré aux loisirs de plein air, à l’agriculture et à la biodiversité. Ces petites villes assemblées en grappes forment ensuite les grandes villes polycentriques. > Quels sont les manquements des quartiers verticaux qui se développent aujourd’hui ? Il y a avant tout un manque de vision prospective.Cela résulte de l’addition aléatoire d’initiatives isolées qui ne sont coordonnées que par un ensemble de règlements administratifs et techniques. > La ville verticale sera-t-elle durable ? Il le faut. Le XX e siècle était celui du pétrole, le XXI e siècle celui de la raréfaction des terres. Cette réflexion doit être globale. Vat-on continuer à utiliser du béton plutôt que du bois à bruler ? Il faut construire en hauteur mais avec des matériaux durables. Cela se fait dans de nombreux pays mais pas encore suffisamment en Belgique. Les immeubles qui se vendent actuellement ne sont pas nécessairement bons pour la planète. Construire en hauteur est par exemple une démarche encore trop timide à Bruxelles. Or, à l’avenir, nous devons aller en ce sens sur le plan environnemental, de manière à aménager des espaces verts sur les zones non construites. Il faudra de plus aller vers des immeubles autonomes en énergie.

> Propos recueillis par Xavier Attout

(1) La ville verticale, Académie royale de Belgique, 2014. (2) Un urbanisme vertical « utopéthique », Les Échos du Logement, mars 2017, n° 119.

espace-vie l octobre 2018 l n° 285

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