5 minute read

Un quartier sans voitures, est-ce vraiment possible?

Next Article
En deux mots

En deux mots

dossier

Un changement de paradigme pour tenter d'améliorer la qualité de vie

Advertisement

Un quartier sans voitures, est-ce vraiment possible ?

La chasse à la voiture est lancée dans les nouveaux quartiers wallons. Une diminution de la pression automobile pour améliorer sécurité et qualité de vie. Si la voiture ne semble pouvoir être bannie, la voie d’aménagements la confinant dans des parkings souterrains semble la plus appropriée.

04

Un site de 10 hectares situé en bordure de la gare d’Ottignies-Louvainla-Neuve. Près de 900 logements prévus d’ici une demi-douzaine d’années par le promoteur BPI. Le tout au cœur d’une commune où le vélo occupe une place centrale. Autant d’éléments qui incitent certains fonctionnaires de la Région wallonne à faire de ce quartier un laboratoire de la mobilité de demain. Si le promoteur souhaiterait comptabiliser une voiture par logement, ce qui est déjà une proportion très faible en Brabant wallon où la multiplicationdes activités (culturelles, scolaires, commerciales, récréatives) dans un périmètre relativement large permet rarement de se déplacer uniquement par le biais d’une mobilité douce et où, surtout, la moyenne habituelle est de 2,5 véhicules par logement, certains cadres de la Région wallonne seraient de leur côté tentés de pousser le curseur un peu plus loin et d’en faire un laboratoire de la mobilité au sud du pays, en ne permettant aucune voiture sur le site. Un quartier piéton, sorte de Louvain-la-Neuve sans la dalle. L’idée fait en tout cas son chemin. Elle se heurte toutefois pour le moment au Guide communal d’urbanisme, qui exige au minimum une place de stationnement par logement. « Si ce souhait ne se concrétise pas à Ottignies, où toutes les conditions sont réunies, ce serait regrettable mais nous tenterons alors d'appliquer le principe ailleurs, confie

espace-vie l octobre 2018 l n° 285

ce fonctionnaire wallon, spécialisé dans les questions de mobilité. La densification aux abords des gares est capitale. Tout comme le fait de proposer une mobilité alternative aux habitants. » Les freins à cette démarche ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Des promoteurs sont relativement favorables à ce type d’initiative, imaginant développer des formules de mobilité alternative. Les (futurs) habitants restent par contre encore sceptiques sur le fait de franchir le pas. L’idée de concentrer les voitures

« Développer ce type de projet est plus aisé à Bruxelles qu’en Wallonie, vu l’offre en transports en commun et de mobilité alternative, essentiels pour la réussite. »

à l’extérieur du site serait une piste transitoire, mais qui ne fait que reporter quelque peu le problème.

Des exemples à l’étranger Cette démarche s’inscrit en tout cas dans un débat qui est dans l’air du temps. La diminution de la pression automobile dans les quartiers est envisagée par de multiples pistes. Comme celles d'augmenter les offres alternatives et d’offrir un autre cadre de vie, ce qui permettrait de changer les habitudes. Des exemples existent à l’étranger. Le plus connu étant celui du GWL-Terrein, situé à trois kilomètres d’Amsterdam. Un quartier sans voitures qui émane d’une demande des habitants. Il compte aujourd’hui près de 600 logements, pour des habitants soucieux

de vivre sans voiture, au calme, sans pollution et dans un habitat écologique. En Suisse, le quartier Burgunder, situé à Blümpliz près de Berne, est un lotissement sans voitures qui s’est mis en place en 2011 (80 appartements). à Bienne, toujours en Suisse, un autre quartier est en cours de construction.

Des projets où il a fallu négocier avec les autorités pour ne pas aménager de parkings souterrains, comme l’exige le plus souvent les règlements d’urbanisme. à Luxembourg, à Limpertsberg, un nouveau quartier (9 maisons et 42 appartements passifs sans garage) est en cours de construction. Il se veut verdoyant et écologique. Condition pour pouvoir acheter un appartement : ne pas posséder de voiture et ne pas circuler sur le site. Les habitants disposent toutefois d’un réseau de transports en commun assez dense sur le site, d’une station de carsharing et de pistes cyclables.

Les Quartiers Nouveaux en première ligne

En Belgique, les exemples sont encore peu nombreux, à l’exception de Louvain-la-Neuve. L'idée principale semble avant tout de tendre vers une réduction du nombre de places de stationnement par logement. Dans certaines villes, comme à Wavre par exemple, il y a notamment l’obligation d’aménager deux parkings par logement. à contrario, à la résidence Albert Elisabeth, à Mons, on compte dix-sept places pour vingt logements. Même topo à la Résidence Magnolia, à Mons. « Proposer

moins de places de stationnement que de logements est déjà un grand pas en avant aujourd’hui mais il faut aller un cran plus loin, fait remarquer cet expert en mobilité. Les habitants sont le plus souvent réticents. Développer ce type de projet est bien évidemment plus aisé à Bruxelles qu’en Wallonie, vu l’offre en transports en commun et autres (Villo, Cambio, etc.) » Les quatorze « Quartiers Nouveaux » qui sont en cours de réflexion actuellement en Wallonie intègrent pour la plupart ces notions. L’idée développée le plus souvent étant de multiplier les parkings souterrains (tout en diminuant le nombre de places vu les offres alternatives de transport) sous les immeubles ,de manière à rendre l’espace public aux modes de transport doux. Une tendance que l’on voit sur le site les Hiércheuses à Charleroi, à Coronmeuse à Liège, à Esprit Courbevoie à Louvain-la-Neuve ou encore dans le futur projet à Gembloux. Un changement de paradigme qui prendra encore du temps mais qui permettra, à terme, de ne plus devoir supporter les effets négatifs de l’automobile, tels que la vitesse, le bruit, la pollution ou l'artificialisation des terres.

> Xavier Attout

U ©

Le projet Coronmeuse développé à Liège est un vaste réaménagement d'une friche en un nouveau quartier en partie piétonnier. La circulation est limitée,

des parkings souterrains étant aménagés en dessous des immeubles. © Artau, Altiplan, Syntaxe Architectes, Atelier du Sart Tilman.

interview

« Trouver des formules intermédiaires »

Joël Meersseman est l’un des trois fondateurs de Syntaxe (Ittre), un bureau d’architectes qui a dessiné trois « Quartiers Nouveaux ».

> Est-il réaliste aujourd’hui d’envisager en Wallonie l’aménagement de nouveaux quartiers sans voiture ? Il n’y a, en tout cas, pas un projet d’envergure auquel nous sommes associés où nous ne devons pas intégrer des demandes des autorités ou des riverains pour faire la chasse à l’habituel principe de 2,5 voitures par logement. Il s’agit d’une nouvelle tendance de fond. Les habitants de ces nouveaux quartiers souhaitent un cadre de vie plus agréable et plus convivial. > La voiture peut-elle être totalement bannie ? Cela dépend des cas. Pour notre projet de Coronmeuse (Liège), la présence de la voiture est fortement réduite en voirie. Les véhicules peuvent par exemple pénétrer sur le site uniquement pour déposer leurs courses. Et à une vitesse réduite. Des parkings en sous-sol sont alors aménagés. La prédominance est donnée aux espaces publics. > Quelles autres pistes pouvonsnous envisager ? Plusieurs stratégies existent. Je ne crois en tout cas pas en celle qui consiste à aménager un quartier piéton et à reporter les voitures à l’extérieur du site. Cela ne fait que déplacer le problème. Et je ne pense pas qu’un quartier en Wallonie sera aménagé sans aucune place de stationnement. Ce n’est pas cette voie qui sera empruntée. Pour un promoteur, même s’il est ouvert aux alternatives, il est compliqué de vendre un logement où la voiture est totalement bannie. Il faut donc trouver des voies intermédiaires, avec du parking souterrain et moins de places. Ce serait déjà une belle avancée. > Comment cela peut-il se mettre en place ? Tous ces projets ne peuvent pas s’implanter n’importe où. Il est nécessaire d’avoir de nombreuses dessertes de transports en commun, de même que des voitures partagées ou autres solutions de mobilité alternative. Mais, avant tout, il faut développer de nouvelles philosophies de vie.

> Propos recueillis par X. A.

espace-vie l octobre l juillet 2018 2010 l n° 203 285

505

This article is from: