Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
DEDICACE
Je dédie ce modeste travail, à ma source d’existence ; ma chère Maman, A mon tendre Papa, A toute ma famille. A mes chères amies et professeurs qui m’ont supporté durant ce modeste travail
A tous ceux que j’aime.
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
Remerciement
Tout d’abord, tous mes respects doivent aller aux personnes ayant contribuer de près ou de loin au bon déroulement et achèvement de ce travail de recherche.
Tous mes respects et gratitude vont à ma chère directrice de mémoire Mme Saloua Ferjani pour son support, ses efforts et sa patience, pour son encouragement continu.
Toute ma gratitude s’adresse à madame Imen Oueslati, au directeur de l’ENAU monsieur Fakher Kharrat, à l’ensemble des enseignants du master et au département d’urbanisme, durant toute la période du master de recherche.
J’adresse mes sincères remerciements à toute personne qui a allumé ma réflexion et guidé ma connaissance par conseils ou critique, ainsi qu’aux personnels auprès des administrations publiques qui m’ont fourni des informations enrichissant cette étude. Tous mes respects et connaissance, …
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Sommaire PARTIE INTRODUCTIVE ............................................................................................ 7 1.
Introduction ...................................................................................................... 8
2. Etat de la question ............................................................................................. 10 3.
Problématique et hypothèses ........................................................................ 17 Problématique .......................................................................................................17 Hypothèses............................................................................................................20
4.
Méthodologie : sources et outils d’investigation.......................................... 25
5. Cadre théorique et conceptuel.......................................................................... 27 PARTIE A : VULNERABILITE DE LA ZONE HUMIDE DE SIJOUMI ET SES ABORDS FACE A L’ANTHROPISATION (A PARTIR DU DEBUT DU XXE SIECLE) ....................................... 37 CHAPITRE 1. EVOLUTION DE TUNIS AU GRES DE SES TROIS PLANS D’EAU ......... 39 1.1. Un rapport de rejet de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1935 : .................41 1.2. Un rapport de juxtaposition de 1935 - 1956......................................................45 1.3. Changement de contexte et les politiques urbaines en rapport avec ls plans d’eau de 1956 – 1994 .............................................................................................49 1.4. Introduction d’une politique de développement durable de 1994- 2003 ...........58 1.5. Confirmation des nouveaux enjeux de développement de la métropole et de préservation de l’environnement de 2003 jusqu’aux nos jours (passant par le pont révolutionnaire de 2011) ........................................................................................61 Synthèse 1 .............................................................................................................64
CHAPITRE 2. LE PLAN D’EAU DE LA SEBKHA DE SIJOUMI ET SON CONTEXTE GENERAL................................................................................................................. 65 2.1. Cadre physique de la sebkha............................................................................66 2.2. Fonctionnement de la zone humide : ...............................................................75 2.3. Cadre administratif .........................................................................................77 Synthèse 2 .............................................................................................................89
CHAPITRE 3. LE CADRE URBAIN DES BERGES DE LA SEBKHA DE SIJOUMI ........... 90 3.1 les premiers noyaux urbains autour de la sebkha de Sijoumi .............................91 3.2. Processus d’urbanisation des berges et prolifération de l‘habitat informel........92 3.3. Aspects et indicateurs de la vulnérabilité des bergs de Sijoumi ....................... 101 Synthèse 3 ........................................................................................................... 122
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PARTIE B : LES ACTEURS ET LES ENJEUX EN RAPPORT AVEC LA VULNERABILITE DES BERGES DE SIJOUMI ................................................................................................. 124 CHAPITRE 4. LES DIFFERENTS INTERVENANTS AUX ABORDS DE SIJOUMI : MOYENS ET LOGIQUES ........................................................................................ 126 4.1. Les différents acteurs agissants directement ou indirectement sur la zone (Cadre socio-spatial) ....................................................................................................... 127 4.2. Etudes et projets aux abords du sebkhet Sijoumi............................................ 131 4.3. Projets réalisés, en cours de réalisation ou projetés........................................ 141 Synthèse 4 ........................................................................................................... 144
CHAPITRE 5. NOUVEAUX ENJEUX DANS UNE PROCEDURE DE DEVELOPPEMENT DURABLE .............................................................................................................. 145 5.1. Enjeux urbains : de la vulnérabilité à l’opportunité ........................................ 146 5.2. Enjeux environnementaux ............................................................................. 150 Synthèse 5 ........................................................................................................... 157
Conclusion générale ................................................................................................. 160 Principaux acquis ............................................................. Erreur ! Signet non défini. Difficulté et limites .............................................................................................. 162 Perspectives ......................................................................................................... 163 Annexes .................................................................................................................... 164 Bibliographie ............................................................................................................ 168 Table des matières ................................................................................................... 174 Table de figure.......................................................................................................... 177
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Liste des Abréviations
AAN : association amis de la nature AAO : association amis des oiseaux AFH : agence foncière de l’habitat AFI : agence foncière industrielle ANPE : agence nationale de protection de l’environnement AOM : association des oiseaux migrateurs APAL : agence de protection et d’aménagement du littoral ARRU : agence de réhabilitation et de rénovation urbaine CGDR : commissariat générale du développement régional CRDA : commissariat régionale du développement agricole DGF : Direction Générale des Forêts DRH : direction régionale de l’Habitat DGRE : direction générale des ressources en Eau DGSAM : direction générale des services aériens et maritime IRMC : l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain INS : l’institut national des statistiques MEHAT : ministère de l’équipement, de l’habitat et de l’aménagement du territoire OMVM : Office de mise en valeur de la Medjerda ONAS : office national de l’assainissement RFR : réseaux ferrés routiers ZICO : Importante pour la Conservation des Oiseaux et de la Nature
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PARTIE INTRODUCTIVE
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1. Introduction La relation de l’homme avec la nature a toujours été dialectique notamment celle en rapport avec le plan d’eau. Toutefois, l’installation des anciennes villes ait été dictée par la présence de l’eau ; si on se réfère aux grandes villes médiévales européennes par exemple, on arrive même à évoquer l’eau urbaine, c’est-à-dire, c’est le cycle de l’eau qui rentre dans le système urbain et influence son aménagement (esthétique, production d’énergie, approvisionnement en eau, etc.). C’est le cas des Pays-Bas, pays inondable par excellence, qui est arrivé à se spécialiser dans la gestion des risques des crues et la confrontation des catastrophes naturelles. Comme autre exemple, la ville de Venise, « la cité des eaux submergée », cette ville reste une référence et un repère de composition harmonieuse entre la ville et l’eau. La ville d’Amsterdam se tient elle aussi debout et surprenante par ses canaux qui lui confèrent un charme fou et un paysage urbain aquatique. Stockholm est aussi une ville aquatique construite à base de jonction des deux mers, affirmant un rapport très fort qui manie la ville à l’eau. Dans l’autre contexte d’absence de contact des villes avec l‘eau, c’est plutôt l’éloignement du plan d’eau qui constitue un garant de sécurité et de défense pour certaines villes. L’histoire antique de la Tunisie illustre un exemple pertinent du rapport de la ville au plan d’eau. En effet, les carthaginois et les romains ont choisi des emplacements stratégiques pour leurs villes, donnant directement sur la mer, pour des raisons militaire (débarquement), financière (ports commerciaux) et esthétique (palais et villes côtières). En revanche, la ville de Tunis n’a pas noué de bonnes relations avec ses trois plans d’eau ; protecteurs auparavant (tout autour du noyau historique : la Medina) mais difficile à maitriser aujourd’hui. En fait, cette ville a continué a gardé une relation de distance avec ses trois plans d’eau jusqu’au début du siècle dernier, ce positionnement a évolué pendant le protectorat et après l’indépendance. Il s’est accompagné de l’étalement de la Medina au-delà de ses remparts jusqu’atteindre les rives des plans d’eau, au détriment des berges marécageuses et contre la lagune (pollution).
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Comme conséquence, le territoire s’est étendu et les berges marécageuses des lacs sont devenues des récepteurs et absorbeurs d’une masse importante de population (nouvelle figure d’urbanisation). En fait, la morphologie urbaine de la ville de Tunis a été, elle aussi, dictée par la présence des lagunes et des sebkhas. Dès lors, on ne parle pas seulement de la ville historique mais aussi des villes juxtaposées, légalement ou illégalement, qui affleuraient en occupant les périphéries de la ville de Tunis quel que soit vers l’Est de la ville (Sebkha de l’Ariana, lagune de Tunis) ou l’Ouest (sebkhet Sijoumi) en rattrapant les espaces vides, les terres agricoles à majorité domaniales et les berges marécageuses. Le besoin de construction a franchi ces obstacles naturels pour aboutir à un tissu urbain dense groupant la ville formelle et celle informelle après une fusion des tissus. Deux problèmes majeurs submergent aujourd’hui : le social et l’écologique (qui sont fortement liés à la planification et à l’économie) ; du fait que la ville de Tunis expose en partie une vitrine d’architecture non identifiable à base de quartiers non règlementaires occupés par une population quasi précaire. Le deuxième problème c’est le cadre naturel (plans d’eau et leurs abords) qui connait plusieurs problèmes générés essentiellement par la pollution sous plusieurs formes. Il est à préciser que la mer accède à la ville à travers la lagune de Tunis et la sebkha de l’Ariana, un système hydraulique permettant la circulation de l’eau à l’intérieur du bassin. Le troisième plan d’eau relatif à la sebkha de Sijoumi demeure éloigné de la mer où la Medina. Cet emplacement en recul par rapport à la mer impact profondément la qualité et le cycle de l’eau qui est comptée stagnante. A part le taux de pollution absorbé par la cuvette d’eau, issu essentiellement de la production de l’urbain sur les berges de Sijoumi (depuis plus d’une cinquantaine d’année), cette urbanisation s’est basée essentiellement sur un besoin de construire rapidement et à bas prix. D’où, ce site a commencé à exposer divers problèmes : l’envahissement de l’auto-construction précaire, l’absence de débouchée naturelle vers la mer (eau stagnante) et l’absorption de tout type d’eau de ruissellement (ménagères, industrielles et pluviales). Donc, l’apparition d’une marge urbaine sur les rives de Sijoumi a favorisé l’absorption d’une masse démographique importante générée par l’exode rural. Ainsi, moins d’une centaine d’années a été largement suffisant pour la mutation du cadre naturel sous les 9
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agressions périurbaines souvent informelle et en relation conflictuelle avec le plan d’eau. L’ensemble de ces interventions ont induit la fragilisation de la zone et le déclenchement d’une alarme marquée par la mutation du système hydraulique (inondations) et du système écologique (biotique et abiotique). Néanmoins, la population occupant les berges de Sijoumi, sous forme de petits noyaux qui se sont transformés rapidement en grandes agglomérations urbaines, est considérée parmi les plus importante masse démographique à l’échelle du pays. Toutefois, cette population, ainsi que d’autres acteurs, sont impliquées dans ce processus d’urbanisation et de fragmentation de la zone d’étude, mais le degré d’intervention diffère en passant du public au privé, du formel à l’informel. Suite au déclenchement des problèmes majeurs d’ordre social et environnemental, la zone a été le terrain de plusieurs études et projets pour gérer la situation de pollution voire de vulnérabilisation de la zone humide, essentiellement avec son classement comme site Ramsar1 depuis 20072 (Ramsar, Critère Ramsar, 2007). Par ailleurs, le cadre de la zone humide et ses rives se sont dotés de nouveaux enjeux remarquables en termes de branchement, d’équipement et d’infrastructure, chose qui a attiré les intérêts des décideurs et des associations envers cette zone comme étant un cadre écologique atypique (essentiellement l’avifaune) et un bassin démographique imposant.
2. Etat de la question La ville au bord de l’eau est un fait millénaire qui se prolonge jusqu’à aujourd’hui. C’est un sujet qui évoque beaucoup de questionnements et fait appel à la nature d’occupation et d’urbanisation des berges de l’eau. Une fois cette urbanisation devient nocive pour ce cadre naturel, la fragilité se déclenche, essentiellement pour le cas des zones humides urbaines (enclavées dans un tissu urbain). En fait, les zones humides, côtières ou endoréiques, possèdent un écosystème particulier par rapport aux autres réseaux hydrauliques. La France par exemple, accorde un intérêt particulier pour l’étude et la préservation de ces zones vu leur
1 Ramsar
est « La Convention relative aux zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d'eau, ou plus simplement la Convention de Ramsar, est un traité international sur la conservation et la gestion durable des zones humides », adopté en 1971, dans la ville de Ramsar ( )رامسارen Iran, d’où la nomination de la convention, source : la magazine de notre planète « Futura-Planète » (www.futura-sciences.com) 2 « Fiche descriptive sur les zones humides Ramsar » Janvier 2007, page 2, 6
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importance pour la biodiversité, la nappe phréatique et l’écologie 3 . De ce fait, le code de l’environnement en France fixe bien la notion et le règlement des zones humides ainsi que leur protection. Outre ce code, la convention Ramsar (organisation internationale) dote les zones humides d’une importance majeure comme étant refuge des oiseaux d’eau (essentiellement les espèces vulnérables) et une importance vitale pour la survie de l’humanité. En fait, les zones humides possèdent plusieurs fonctions : la prévention des inondations, l’amélioration de la qualité des eaux, la gestion des eaux pluviales, l’apport de fraîcheur, la contenance de grands stocks naturels de la terre en carbone, le soutien à l’étiage4 , la protection des côtes par les zones humides côtières ainsi que la biodiversité des écosystèmes, etc. (Zones humides, 2010) (Ramsar R. , 2018)5 Pour le cadre d’aménagement ou d’occupation des abords des zones humides (cas de zones humides urbaines), leur intégration dans l’aménagement urbain parait récente. En fait, plusieurs études ont été menées sur les zones humides pour montrer leur importance dans le processus de développement durable. Prenons le cas des zones humides
des
régions
Nord-Pas-de-Calais
(France),
Helga Scarwell et
Magalie Franchomme 6 ont étudié, au sein de leur workshop7 , ces régions et montré leur
importance comme étant des milieux productifs (au niveau de la socio-économie locale) ainsi que leur contribution dans le paysage périurbain. En fait, la gestion intégrée et globale de l’eau urbaine (à travers les stations de pompage et d’amélioration de la qualité des eaux) dans le cadre d’un projet d’intérêt général est à la base de la création d’une trame verte métropolitaine (Scarwell & Franchomme, 2005)8 Pour le continent africain, selon les chercheurs Wetland International9 , les zones humides sont en train de subir des détériorations flagrantes, malgré leur importance pour le ralentissement du réchauffement climatique, de biodiversité et dans
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Source : le centre de ressource des milieux humides en France (www.zones-humides.org) Baisse périodique des eaux 5 Perspectives mondiales des zones humides, L’état mondial des zones humides et leurs services à l'humanité, Ramsar, 2018, P.5,6,7, auteurs principaux chargés de la coordination : Royal C. Gardner et C. Max Finlayson (www.ramsar.org) 6 Environnementalistes français 7 Résumé du workshop du « Géographie et Aménagement » Polytech-Lille, Université de Lille, Septembre 2014 8 « Autour des zones humides : espaces productifs d'hier et conflits d’aujourd’hui » Scarwell, Helga ; Franchomme, Magalie… 2005, P.4,5,16, (Vertigo, la revue électronique en sciences de l'environnement) 9 Un organisme mondial dédié à la conservation et à la restauration des zones humides 4
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l’élimination du CO². Toutefois, sur la vallée du Nil, vers le nord-ouest du continent ainsi que vers l’ouest de l’Afrique, les zones humides exposent plusieurs problèmes dont l’ultime menace est l’assèchement total de différents plans d’eau, ce qui provoque, non seulement un déséquilibre climatique mais menace aussi la sécurité alimentaire (eau d’irrigation des cultures)10 . (Wetlands Inernational, s.d.) Malgré leur nombre aussi important sur le continent africain, les zones humides restent exposées aux risques urbains. Nathanaël Ahouandjinou11 par exemple, a focalisé dans son étude de géographie urbaine sur le littoral béninois et a montré que ces milieux humides sont exposés à l’étalement urbain malgré la présence d’un programme d’aménagement des zones humides PAZH qui est consacré à leur étude et préservation, d’où la définition d’une stratégie de gestions des ressources naturelles face à l’envahissement urbain12 . (Ahouandjinou, 2004). Vers le nord de l’Afrique, la Tunisie, possédant le nombre le plus important des zones humides dans la région méditerranéenne en rapport avec sa superficie (plus de 250 zones humides qui présentent 8% de sa superficie), renfermant divers types de ces zones (endoréiques et côtières) assurant une richesse culturelle, paysagère et naturelle distingué, citons comme exemples : tourbière, garaet, lac, chott, oued, saline, sebkha, etc.13 (Khadraoui, 2021). Néanmoins, le rapport de la Tunisie avec ses différentes zones humides reste timide et fragile malgré leur importance. La capitale Tunis est dotée d’une lagune est de deux sebkhas ayant des caractéristiques particulières (paysagère, morphologique, urbaines, naturelle) mais qui sont entouré par des tissus urbain de forte densité. Cette urbanisation non planifiée a nécessité l’intervention pour la gestion des cas d’instabilité urbaine et écologique générée au niveau de ces zones. Le premier acteur chargé de la protection et de conservation de ces zones sensibles est l’Etat avec ses deux organismes (Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral APAL et l’Agence Nationale de Protection de l’Environnement l’ANPE). Ces deux institutions assistent la règlementation des opérations urbaines, l’assainissement,
10
Wetland international « Les zones humides pour atténuer les effets du climat » (www.wetlands.org) Géographe urbain (Université d'Abomey-Calavi UAC (Bénin) 12 « Pression urbaine sur les milieux humides : cas des vallons du Zounvi et Boué à Porto-Novo » Ahouandjinou, Nathanaël, 2004, P.85,86 13 « Zones humides : Il est temps pour la Tunisie de se doter d’un Observatoire national » article du journal LAPRESSE, Khadraoui Meriem, Février 2021, article court (https://lapresse.tn) 11
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l’aménagement des berges et la protection de la biodiversité. Mais, la question d’aménagement des rives des zones humides enclavées reste dialectique entre l’environnement et l’urbain. Ce sujet en fait est traité et évoqué avec abondance, suscitant l’intérêt et l’attention de plusieurs disciplines (sociologie, urbanisme, environnement, architecture, histoire, paysage, géographie, hydrologie, etc.) et a fait l’objet de plusieurs études, théories et projets14 (Chouari W. , 2006)15 (Ben Ghazi & Abdellaoui, 2020)16 (Bencheikh, 2000)17 (Chebbi, 1986)18 (Tunis M. d., 1997)19 L’ensemble de ces études ne se permettent guère d’évoquer l’urbain sans se pencher sur le volet écologique, vu que les zones humides présentent l’abri des oiseaux et le réceptacle des eaux de ruissellement. Mais en présence des actions anthropiques, ces zones deviennent considérées comme les écosystèmes les plus menacés. En fait, les interventions anthropiques sur les abords des trois plans d’eau de Tunis sont de différentes formes et avec divers impacts. Pour la lague de Tunis, la grande opération d’aménagement des berges du lac de Tunis par exemple, a constitué une révolution sur l’échelle urbaine et paysagère (comme l’a expliqué P.A. Barthel20 dans son étude). Précédée par des travaux d’assainissement et d’aménagement du lac, une nouvelle ville fut construite en front de l’eau (rapport d’inclusion entre la ville et l’eau)21 . Pour le deuxième plan d’eau, la sebkha de l’Ariana, longeant la côte du Golfe de Tunis, il se caractérise par sa situation stratégique qui lui confère un potentiel de développement pour des différents secteurs d’activités. De ce fait, l’Etat a délégué à l’APAL la mission d’assainissement et d’aménagement de la zone et ses rives après une étude approfondie, mais les contraintes face à l’avancement de ces études persistent depuis une dizaine d’années (Chouari w. , 2016)22 .
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« Les pluies torrentielles des 17 et 24 septembre 2003 dans le Grand Tunis : analyse météorologique et impacts immédiats. In : Les risques liés au temps et au climat », Walid Chouari, 2006, P.166-171 15 Walid Chouari : Géographe et enseignant chercheur, spécialité : géographie urbaine, risques des inondations et zones humides 16 « L’anthropisation des milieux humides et dégradation de l’environnement en Tunisie », périodique : Cinq-Continent, Revue romaine de géographie, Ben Ghazi Abdelhamid et Abdellaoui Hajer, Géographes, 2020, P. 86-124 17 « Caractérisation environnementale de la sebkha de Séjoumi. Mémoire de DEA, Institut National d'Agronomie de Tunis » Nizar Ben cheikh, Agronome, 2000, P.19-22 18 « Une nouvelle forme d'urbanisation à Tunis, l'habitat spontané péri-urbain », Morched Chebbi, 1986, P.15-22 19 « Programme "Cités Durables" Tunis-Sijoumi, réunion du comité de suivi élargi » Municipalité de Tunis, 1997, P.1-3 20 Docteur en Géographie, Aménagement et Urbanisme, sa thèse « faire la ville au bord de l’eau » 21 « Faire la ville au bord de l’eau, les lacs de Tunis : des marges urbaines à des sites de très grands projets d'aménagement » Pierre Arnaud Barthel, 2003, P. 7-12 22 « Spatialisation et Analyse du Risque d’Inondation dans le Bassin versant de la Sebkha de l’Ariana (Tunisie Nord- orientale) » Walid Chouari, 2016.
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Vers l’ouest de la capitale, la sebkha de Sijoumi, l’un des plus vastes plans d’eau de la ville de Tunis, est dotée d’un écosystème particulier dans son fonctionnement. Cette zone humide est classé site Ramsar le 07 novembre 2007, vu l’ensemble des critères qu’a validé la sebkha, entre autres distinguée comme une zone humide à eau stagnante, rarement asséchée et renfermant un nombre d’avifaune très important à l’échelle de l’Afrique (Ramsar, Critère Ramsar, 2007)23 . Ce bassin fermé, quoiqu’il constitue une entité morphologique typique, mais ses écosystèmes sont en continuelle dégradation à cause de l’urbanisation informelle tout au long de ses berges, d’où découle la pollution comme menace écrasante (eaux usées et ordures versées directement dans le plan d’eau et ses abords). D’où, les berges de la sebkha sont devenues l’exemple type d’une urbanisation non maitrisée, une décadence socio-économique et une mutation paysagère, d’où un état de déséquilibre est marqué. Le premier facteur responsable de ce déséquilibre est la fermeture du bassin ; l’eau stagnante n’est pas regénéré, n’a pas attiré l’attention des études et des projets de la part de l’Etat et des investisseurs privés. D’où, s’installer sur les berges des zones humides endoréiques a été une opportunité pour une population diminue à base migratoire vu le faible cout du foncier. Par conséquent, l’urbanisation du grand Tunis fut mutée. Certes, ce sujet a fait l’objet de plusieurs études de projets. Des disciplines s’intéressaient à l’étude du rapport de la ville avec ses plans d’eau. Ici, plusieurs supports vont nous aider à comparer l’ensemble des opérations menées sur les trois plans d’eau, entre autres l’étude de Pierre Arneau Barthel, qui a focalisé sur les trois plans d’eau de la ville de Tunis. Tout d’abord, on va commencer par la masse démographique occupant les berges de Sijoumi, les différentes interventions de cette population ont durement infecté le cadre naturel, chose qui s’est retournée en mal sur le cadre de vie de cette population. Walid CHOUARI, par exemple, a énuméré l’ensemble des problèmes qu’affrontait
l’environnement suite à l’urbanisation des berges de Sijoumi en étudiant l’historique des premières installations jusqu’à la formation des grandes agglomérations urbaines
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« Critères Ramsar », 2007, P.1,2 (rsis.ramsar.org)
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provoquant des mutations du cycle hydrique, du sol, de la faune, la flore et du cadre de vie de la population. (Chouari W. , 2013)24 . L’aspect socio-urbain a été largement étudié par le sociologue urbaniste Morched CHEBBI qui s’intéresse à l’étude du processus d’urbanisation du grand Tunis durant le dernier cinquantenaire et l’ensemble des politiques urbaines mobilisées par l’Etat pour confronter la prolifération de l’habitat anarchique. Il a infirmé l’hypothèse basée sur l’alimentation du tissu périurbain spontané par l’exode rurale. Au contraire, il a affirmé que l’étalement urbain dans ce cas n’est qu’une résultante de la mobilité résidentielle à l’intérieur du périmètre du Grand Tunis 25 . (Chabbi M. , 2012). Remontant un peu dans l’historique de la Medina de Tunis, le développement de ses faubourgs a été en étalement continue jusqu’atteindre les berges de Sijoumi. Ainsi, cet étalement urbain, généré par une masse démographique importante a induit le gonflement de la taille du district de Tunis, qui a été détaillé par Jalel Abdelkefi, où il a expliqué le passage de Tunis vers la ville double puis la ville triple 26 . (Abdelkefi J. , 1987). En fait, les berges de Sijoumi ont absorbé les premières extensions de la Medina. Auparavant terres agricoles et zones naturelles autour du plan d’eau, ces abords sont passées rapidement vers un bassin urbain envahi par l’exode et la mobilité urbaine. L’étude de croissance des quartiers, de quelques taches nuageaires à de grandes agglomérations urbaines, va s’appuyer sur l’étude socio-historique de Paul Sebag 27 , qui a porté essentiellement sur le faubourg de Saïda Manoubia comme étant le premier faubourg de la Medina développé sur les berges de Sijoumi28 (Sebag P. , 1960). En revanche, depuis une dizaine d’années, de nouveaux enjeux ont conduit vers un nouveau regard et positionnement envers ces milieux humides (enjeux liés à l’environnement, l’urbain et l’économie). Il s’agit de créer de ces milieux un potentiel paysager, foncier et urbain pour décongestionner, embellir et promouvoir la ville,
24
« Problèmes d'environnement liés à l'urbanisation contemporaine dans le système endoréique d'Essijoumi (Tunisie nordorientale) » Walid Chouari, 2013, P. 111-138 25 « Urbanisation et politiques urbaines dans le grand Tunis », Morched Chebbi, 2012, P.33-46 26 « La Medina de Tunis, espace historique » Jalel Abdelkefi, 1987 27 Sociologue et historien franco-tunisien 28 « Un Faubourg de tunis, Saîda Manoubia, enquête sociale, 1960 » Paul Sebag, 1960
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essentiellement depuis la création de la direction générale du développement durable au sein du ministère de l’environnement 29 . Donc, la singularité de la présente étude est de traiter le plan d’eau dans sa totalité, y compris ses berges, dans une approche pluridisciplinaire. L’investigation va se baser sur l’analyse des différentes composantes (en rapport direct ou indirect avec la zone d’étude) et des divers concepts et phénomènes qui ont submergé et touché à son fonctionnement, en amant ou en aval de l’occupation de ses berges par l’habitat et l’industrie. Choix du sujet et objectif de la recherche : Le choix de ce sujet émane d’un intérêt personnel envers l’écologie, à part le fait que le sujet de vulnérabilité environnementale est un sujet d’actualité qui touche plusieurs domaines. Dans le monde entier, les changements climatiques et leurs éventuels risques ont été à l’origine d’accorder une priorité absolue à l’environnement. La Tunisie ne peut échapper à cette décision, d’ailleurs, depuis les années quatre-vingt, le pays s’est engagé dans une reforme environnementale en mettant en place un ministère de l’environnement ainsi que plusieurs outils législatifs et règlementaires au service de l’environnement. En fait le Grand Tunis, avec ses quatre réseaux hydrauliques (lac de Tunis, les deux sebkhas de l’Ariana et de Sijoumi et oued Miliane) outre la dentelle littorale, expose des relations contradictoires entre l’urbain et le naturel, le construit et le milieu, la ville et l’eau. Le comportement anthropique et les modes d’appropriation des espaces changent avec les enjeux en vigueur de l’Est à l’Ouest et du nord au sud de la capitale. Les abords de Sijoumi constituent actuellement le prolongement naturel et urbain du Grand Tunis vu leur situation géographique, leurs disponibilités foncières et le développement des moyens de transport qui le connectent aux différentes composantes de la ville. En feuilletant dans les premières explorations, il s’est avéré que cette zone a sollicité d’une part, l’attention de plusieurs intervenants vu les problèmes d’ordre environnemental qu’elle dispose. Toutefois, dans la mémoire collective, selon les études de Morched Chebbi, elle reflète d’autres problèmes d’ordre socio-urbain,
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Site officiel du ministère de l’environnement (http://www.environnement.gov.tn/)
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comme l’image de délinquance, de rejet, de pauvreté et de précarité. Par conséquent, il est temps de faire un état de lieu objectif et rationnel sur cette zone. D’autre part, cette zone a attiré l’intérêt de plusieurs organisations et associations vu les opportunités qu’elle offre, entre autres, une grande importance en termes écologique, foncier et économique pour la capitale et même pour tout le pays vu l’importance de de la zone en tant que site Ramsar classé. Néanmoins, quand la crise sociale et environnementale a commencé à se déclencher vers la fin des années quatrevingts dix (BELAID, 2021), cette zone s’est devenue aussi sollicitée à travers plusieurs études et projets pour la préservation de sa richesse naturelle (essentiellement l’avifaune). En plus, sa présence au niveau des programme électoraux de certains partis politiques lors des élections 2018/201930 . Ainsi, la présente étude cherche à dévoiler les contraintes, les acteurs et les enjeux socio-environnementaux et expliquer les phénomènes socio-environnementaux afin de comprendre les mécanismes qui ont contribué ou accéléré la mutation de ce territoire distingué.
3. Problématique et hypothèses Problématique L’étude de l’occupation des berges des zones humides évoque deux aspects aussi importants l’un que l’autre : un volet environnemental et un volet urbain. D’où notre questionnement de recherche porte sur la vulnérabilité des berges de la zone humide de Sijoumi face à une urbanisation galopante. En fait, au niveau de cette zone, l’environnemental parait en critique malgré l’état précaire de la population riveraine. En effet, Sur le plan environnemental, la richesse biologique de la zone humide et son pourtour est un atout en termes de biodiversité de ses écosystèmes, son réseau hydraulique, son couvert végétal et ses terres fertiles voire les plus fertiles en Tunisie. Toutefois, ce site est devenu, face à l’invasion du bâti, un support de chantier continu de construction et d’absorption des rejets d’une masse démographique imposante.
Sur le plan urbain, la sebkha de Sijoumi a été posée historiquement en troisième lieu en termes de développement, là où l’urbain continue à s’étaler au détriment des terres 30
« Au cœur de Tunis, la lagune, ses flamants roses... et ses poubelles » article dans une périodique, Belaid Fethi, 2021.
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
agricoles, du vide et des berges marécageuses. L’espace bâti produit est en évolution continue suivant plusieurs logiques entre autres la proximité du centre-ville, la hausse du rythme migratoire, la facilité de l’accès à la propriété, l’attractivité du marché d’emploi, etc. Ainsi, l’étalement urbain informel devient plus intensif entrainant la fragilisation des rives du marécage et la mutation du cadre environnemental (les berges dépotoir). En fait, l’étude de ce sujet va permettre de catégoriser les problèmes dont souffre ce cadre environnemental et social qui sont classées essentiellement en pollution, dégradation des écosystèmes, envahissement urbain informel et perturbation du système de fonctionnement de la zone humide (non asséchée depuis quelques années durant la saison estivale). La fragilisation du site constitue ici le premier constat observé à l’œil nue, voire première menace anthropique. Aussi bien, les terres agricoles fertiles et les zones non aedificante sont parfois disparues, d’autres fois ont perdu leur vocation initiale et se sont absorbées par l’auto-construction. Les nouveaux quartiers spontanés touchent à l’environnement, au paysage urbain et à la qualité de vie des riverains. Sur le plan législatif et réglementaire, le contexte actuel dote la sebkha d’une certaine importance ; la constitution (2014), le code des collectivités locales (2018) ainsi que la révision du CATU ont introduit de nouvelles mesures de préservation de l’environnement. La prise en considération du cadre naturel dans la planification urbaine a été annoncé comme priorité absolue et incontournable. Outres ces textes, la sebkha comme site Ramsar, devrait être mise en valeur sous prétexte qu’elle accueille un nombre très important des oiseaux d’eau, ainsi que son système hydrique servant et à l’alimentation de la nappe phréatique et à la collecte des eaux de ruissellement (Ramsar, Critère Ramsar, 2007). D’où, l’importance de confrontation des actions anthropiques (nouveau cadre urbain) intervenant dans la pollution de cette zone (cadre naturel), pour sauver le milieu, améliorer le cadre et penser aux générations futures pour un environnement sain (développement durable)31 .
31
« Critères Ramsar », 2007, P.1,2 (rsis.ramsar.org)
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
Un autre facteur, comptabilisé comme perturbateur, c’est le fait que la sebkha est dotée d’une superficie étalée sur plusieurs communes et deux gouvernorats, faisant appel à plusieurs intervenants. Une telle situation est devenue un facteur de dispersion des actions et d’intérêts apportées sur la sebkha pour le profit de son développement et de l’aménagement de ses rives. Aussi bien, il s’est avéré que l’Etat n’a pas réagi de la même manière envers ses trois plans d’eau (en termes d’aménagement et d’assainissement). Peut-être que le positionnement de l’Etat à suit la catégorie du plan d’eau (marécage sans débouchée naturelle vers la mer : l’eau stagnante n’est pas attirante). D’autres hypothèses considèrent que la zone humide de Sijoumi a constitué un compromis de l’Etat pour l’absorption des masses migratoires et l’arrangement de sa situation. Par ailleurs, occuper les berges de Sijoumi s’est distingué comme solution meilleure pour ne pas muter le paysage urbain de la capitale. Donc, la proximité des quartiers non règlementaires de la ville de Tunis (refuges des vagues de l’exode) ainsi que l’étalement des terres agricoles (pour morceler et construire) ont doté la zone d’un caractère attractif qui persiste jusqu’aujourd’hui et est plus accentué avec les nouvelles dessertes sous forme de branchement et du transport. Donc, ces opportunités sont devenues des nouveaux enjeux marquant la persistance de la migration vers la zone malgré les problèmes qu’elle expose. D’où, la zone humide de Sijoumi suscite l’intérêt des opérateurs publics et des promoteurs privés pour intervenir et mettre fin à l’étalement urbain non réglementaire. Alors, rappelant la question principale (problématique de notre recherche) : la vulnérabilité des berges de la zone humides de Sijoumi face à une urbanisation foudroyante, pour décortiquer ce questionnement, on a fait appel à des questions sousjacentes dont chacune répond à un phénomène ou un concept. Q1 : Quelle est la relation que noue Tunis avec ses trois plans d’eau ? Est-elle une relation d’inclusion ou d’exclusion ? Q2 : Quelles sont les spécificités environnementales et urbaines de la sebkha de Sijoumi ? s’agit-il d’une opportunité ou d’une menace pour le Grand Tunis ? Q3 : Comment peut-on caractériser le développement de l’urbanisation des berges ? Quelles sont ses retombées sur le site ? 19
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Q4 : Qui sont les acteurs qui se sont intervenus sur les berges de Sijoumi ? quelles étaient leurs logiques et en réponse à quel enjeu ? Q5 : Quels sont les nouveaux enjeux de développement des rives de Sijoumi ? Quel rapport de ces enjeux avec l’avenir de la zone et le Grand Tunis ? Hypothèses 1ère hypothèse Nous postulons comme première hypothèse la relation que noue Tunis avec ses plans d’eau. S’agit-il d’une relation d’inclusion ou d’exclusion ? Quels étaient les critères et les enjeux qui ont déterminé cette relation ? En fait, depuis un siècle, la ville de Tunis a eu un rapport très contrasté avec ses plans d’eau. Au départ, un évitement, ensuite une juxtaposition et par la suite une réconciliation, sauf que ce rapport a été aussi distingué d’un plan d’eau à un autre. Au départ, la lagune de Tunis a subi une relation de rejet avec l’urbain ; le noyau historique (la Medina) a été construit en recul par rapport à ce plan d’eau qui a constitué une source de nuisance et un centre de convergences des égouts de la Medina (khandak). Par la suite, cette relation de l’urbain avec la lagune a été transformée en réconciliation et communication après l’aménagement des berges et la construction d’un front d’eau de haut standing depuis les années quatre-vingts. La sebkha de l’Ariana, deuxième plan d’eau, parait encore en standby. Encore pire pour la sebkha de Sijoumi ou le risque de vulnérabilité est plus accentué en rapport avec la dégradation de son milieu naturel et la prolifération de l’habitat informel sur ses berges. Nous supposons que les choix de l’Etat ont été établies selon des critères économiques, sociales et en rapport avec la mer. En fait, le fonctionnement de la sebkha de Sijoumi (dépression fermée), en dehors de toute intervention anthropique, dépend des régimes hydrauliques (eaux de ruissellement) puisqu’elle n’est pas liée à la mer. Donc, après la transformation de ses berges en un bassin d’habitat non réglementaire, ce plan d’eau est devenu une zone humide urbaine alimentée par des eaux ménagères, industrielles et pluviales (tout issu de ruissellement). Donc le rapport qui la relie avec le tissu urbain est un rapport d’absorption de la pollution urbaine, tamponnant la plupart des écoulements du grand Tunis « la sebkha dépotoir ». 20
Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
2ème hypothèse Cette hypothèse concerne l’étude du cadre physique de la zone humides de Sijoumi (spécificités environnementales et urbaines de la sebkha et ses berges). En fait, la sebkha disposait auparavant des rives humides aboutissant à des terres agricoles très fertiles alimentant le grand Tunis en termes de production alimentaire, d’espace naturel, d’air frais et d’alimentation de la nappe phréatique. Mais aujourd’hui, l’état de lieu des rives de Sijoumi est en mutation continue, ces berges sont devenues petit à petit des noyaux urbains et péri-urbains ravitaillés essentiellement par l’exode. D’où la sebkha enregistre une perte de ses berges accompagnée des mutations de son système hydrologique et écologique. Or, le sol des rives de la sebkha est de type argileux très compressible à vaseux (sol le plus déconseillé pour recevoir une construction sauf en cas d’intervention des techniques convenables)32 . Donc ce sol ne présente pas une bonne assise pour la construction des édifices voire une ville entière. Donc la vulnérabilité de la sebkha est déclenchée et est accentuée par les interventions et les actions anthropiques (ménagères et industrielles). 3ème hypothèse Cette hypothèse étudie l’évolution de l’urbanisation sur les berges de Sijoumi (l’urbanisation comme concept opératoire), d’où l’analyse du nouvel état des berges et la distinction du degré de vulnérabilité. Alors, quel est le processus d’urbanisation des berges de Sijoumi et comment ces derniers ont passé de quelques noyaux urbains dispersés à une masse urbaine abondante ? En fait, une population migratoire a commencé à occuper les berges de Sijoumi, informellement et en absence totale d’une politique rationnelle de maîtrise foncière et d’aménagement, depuis plus d’un cinquantenaire.
Chose qui a provoqué
l’imperméabilisation du sol (bétonisation et occupation des rives des cours d’eau) et la mutation du paysage et des écosystèmes. Toutefois, la population riveraine est devenue elle aussi affectée en second lieu par le disfonctionnement du cycle d’eau et des écosystèmes ; les inondations (exemple celles
32
« Les dépressions humides des environs de Tunis : géomorphologie, paléoenvironnement et impact des aménagements sur leur évolution. Mémoire de DEA, Université Paris » Walid Chouari, 2003, P. 33-60
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
de 2003), les remontées du niveau de la nappe phréatique de la sebkha, les différentes formes de pollution, etc. D’où, on peut considérer cette population comme étant vulnérable. De ce fait, les indicateurs de vulnérabilité concernent le cadre physique, le plan d’eau et la population riveraine, dans la mesure où l’urbanisation massive a eu des retombées sur ces dernières composantes du cadre d’étude. Aussi bien, la question de vulnérabilité est posée avec abondance comme sujet d’actualité, attirant l’attention de plusieurs associations, investisseurs et acteurs publics (Etat et municipalités). 4ème hypothèse Dans cette question, nous allons creuser l’idée des acteurs qui se sont intervenus dans la fragilisation de la sebkha de Sijoumi et ses berges pour voir quelle étaient leurs logiques et en réponse à quel enjeu. Pour cela, nous allons commencer par une première question : peut-on considérer les premiers noyaux installés sur les berges de Sijoumi comme étant les acteurs principaux intervenants dans sa fragilisation ? ou bien c’est à l’Etat que revient la responsabilité de mutation de ce milieu en termes d’action ou d’absence d’action ? Etant donnée que l’occupation des berges de Sijoumi a commencé depuis plus d’un cinquantenaire d’années. Cette occupation, par les habitants, est justifiée par la facilité d’accès au logement, l’absence d’une politique de logement social, la disponibilité des terres libres et le faible coût du foncier. Mais le processus de migration n’a pas eu fin, au contraire, le taux s’est élevé d’une manière excessive et les quartiers anarchiques continuent leur invasion des rives, jusqu’aux unions des tissus urbains, sans être soumis à des cadres administratifs ou un control au préalable. Pour les propriétaires clandestins qui suivent leur l’intérêt, la logique de morcellement et de vente des terres agricoles (non viabilisées et non immatriculées à prix faible) a constitué une solution meilleure pour posséder son propre logement à l’égard d’une population moyennement précaire. Cette population, après son occupation des berges, a impacté directement le cadre de la sebkha à travers la bétonisation du sol et les rejets ménagères comme catalyseurs de pollution. D’où, un tissu urbain spontané et hétérogène posent des problèmes essentiellement d’ordre sanitaire et environnemental. Ainsi, si les décideurs et les 22
Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
planificateurs n’ont pas pu freiner, prévoir, ni contrôler la prolifération des constructions, le cas devient embarrassant pour des sites peu propices à la construction ou même sur des terrains classés inondables. D’où, l’Etat est considéré aussi comme acteur imposant. En fait, la prolifération de l’habitat spontané n’a pas eu d’obstacles durant la période coloniale (la direction coloniale gouvernante), vu que tous les intérêts sont dirigés vers l’exploitation des richesses du pays. Toutefois, durant la première partie de l’indépendance, la priorité a été accordé à la mise en place d’un Etat moderne indépendant. Vers les années 70-80 des politiques urbaines ont été mobilisées. La fin des années 80 a été marquée par le libéralisme et l’encouragement de l’initiative privée. Toutefois, vers les années 1990, les régimes et les priorités ont été changé. C’est avec le nouveau code d’aménagement du territoire et de l’urbanisme que l’Etat a commencé à maitriser relativement son foncier. En fait, le ministère de l’agriculture est aussi considéré comme étant acteur dans la prolifération de l’habitat anarchique vu le manque de valorisation de ces zones et de concessionnaires. (Chebbi, 1986)33 (Abdessalem, 2010)34 (Bencheikh, 2000)35 . De ce fait, s’agit-il d’une vraie politique quand l’Etat a laissé pousser les quartiers informels pour pouvoir absorber les immigrants ? Pour la deuxième partie de l’hypothèse, et toujours en rapport avec les acteurs, on va aborder l’ensembles des études et projets mobilisés pour l’analyse et l’aménagement de la zone. Pour les projets portant sur notre cas d’étude, il s’est avéré qu’ils sont encore en phase d’étude quel que soit par les décideurs publics, par des organisations et des associations de protection de l’environnement ou bien par des investisseurs étrangers.
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« Une nouvelle forme d'urbanisation à Tunis, l'habitat spontané péri -urbain », Morched Chebbi, 1986, P.25-62 « Tunis : Architecture et urbanisme d'hier à demain », Abdesslem Mahmoud, 2010, P. 127-157 35 « Caractérisation environnementale de la sebkha de Séjoumi. Mémoire de DEA, Institut National d'Agronomie de Tunis » Nizar Ben cheikh, Agronome, 2000, P.34-50 34
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
En fait, une dizaine d’études a porté sur des diagnostics et des scénarios d’aménagement de la zone humide de Sijoumi et ses berges, mais aucune d’entre elles n’a vu le jour (District deTunis, 1979)36 (Tunis D. d., 1980)37 (Tunis M. d., 1997)38 . Pour les projets déjà réalisés, ils ont été tous sous forme d’intervention à une échelle ponctuelle ; des projets d’aménagement urbain dans le bassin de Sijoumi, des projets de développement urbain intégré, des projets nationaux de réhabilitation des quartiers populaires (par l’ARRU et la municipalité de Tunis), d’autres projets réalisés pour le désenclavement et le branchement de la zone de sidi Hssine ( routes, lignes et sorties routières par le ministère des équipement et la société RFR), des projets de protection contre les inondations de Tunis ouest (en cours d’exécution par le DGH), des projets d’assainissement du bassin de Tunis ouest par l’ONAS. L’ensemble de ces projets réalisés, en cours d’exécution ou en cours d’études sont généralement d’ordre technique permettant d’assainir, brancher ou desservir. Mais, tout porte à croire à l’utilité et l’urgence de la mise en œuvre d’un plan d’action méthodique mettant en exergue la totalité du périmètre longeant et contournant le bassin de Sijoumi : la qualité environnementale (essentiellement oiseaux et plan d’eau) et l’amélioration du cadre de vie de la population lacustre (Sebag P., 1960)39 (District deTunis, 1979)40 . (Bounouh A. , 2004)41 . 5ème hypothèse La dernière hypothèse est réservée à l’étude du nouveau contexte révélant de nouveau enjeux. Pour cela, nous allons commencer par répondre à la première sous-question : Quels sont ces nouveaux enjeux de développement des rives de Sijoumi pour requalifier le site et améliorer le cadre de vie ? Le Grand Tunis est doté aujourd’hui d’une ceinture périurbaine dense. Pour les dernières décennies, plusieurs actions d’aménagement et de branchement ont été apportées à une échelle territoriale, non seulement dans le berceau de mondialisation, mais aussi vers la ville métropolitaine.
36
« Etude d'aménagent des berges du lac Sedjoumi, synthèse de l'analyse du milieu », District de Tunis, 1979 « Etude d'aménagement des berges de Sijoumi (Variante d'aménagement, 3ème phase) », District de Tunis, 1980 38 « Programme "Cités Durables" Tunis-Sijoumi, réunion du comité de suivi élargi » Municipalité de Tunis, 1997, 39 « Un Faubourg de tunis, Saîda Manoubia, enquête sociale, 1960 » Paul Sebag, 1960 40 40 « Etude d'aménagent des berges du lac Sedjoumi, synthèse de l'analyse du milieu », District de Tunis, 1979 41 « Planification spatiale et logiques des acteurs dans le grand Tunis, cas de la zone résidentielle d'El Mourouj », Abdelala Bounouh, 2004. 37
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
Pour la sebkha de Sijoumi et ses berges, le contexte a changé (en termes d’infrastructure et d’assainissement) ; les berges sont bien accessibles et branchées. Le site offre aussi des disponibilités foncières qui pourraient intervenir pour alléger le congestionnement et la densité urbaine de la capitale. D’où, l’Etat et les organisations publiques cherchent à requalifier le site, surtout après la valorisation de la zone humide comme étant objet d’intérêt des organismes internationaux (Ramsar, association amie de la nature, associations des oiseaux migratoires, etc.). Une deuxième question sou jacente porte sur le passage d’un site contraignant à une opportunité. D’où, peut-on parler d’une nouvelle opportunité pour la ville de Tunis, si c’est le cas, comment ? La recomposition de nouvelles stratégies et modes de régulation pourrait-elle réconcilier la population lacustre avec ce site ? En fait, les actions apportées à la sebkha doivent être intégrées dans une démarche durable. D’où, l’intégration des objectifs du développement durable ODD au niveau des planifications peut-elle offrir l’occasion de réaffirmer l’importance des zones humides et leurs berges, s’assurer des projets offrant une croissance économique inclusive et garantir une bonne adaptation aux changements climatiques menaçant les quartiers riverains et le cadre naturel ? Alors cette zone humide pourrait-elle passer d’une zone sensible à une zone cible de la part des investisseurs : un nouvel horizon pour la zone d’étude s’adaptant à un plan méthodique, répondant aux objectifs du développement durable et à la nécessité de sauvegarder une splendide image des milliers d’oiseaux migrateurs requalifiant le site à l’échelle de l’Afrique. D’où, quelles sont les nouvelles orientations de l’Etat, des projets en cours et des futures planifications pour la réintégration, la valorisation et la réconciliation de la population avec le site ?
4. Méthodologie : sources et outils d’investigation Notre sujet de recherche porte sur l’étude de la vulnérabilité des berges de la zone humide de Sijoumi face à une urbanisation véloce. L’ensemble des démarches, des méthodes et des techniques qui vont orienter l’élaboration de notre recherche vont s’appuyer sur : 1- l’approche historique qui se base sur la fouille dans les documents et les archives pour étudier l’évolution chronologique des activités anthropiques au niveau des berges 25
Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
de la zone humide. On vise par cette approche la reconstruction du passé à base des documents, des études précédentes et des archives. 2- L’approche systémique qui permet d’étudier le sujet dans sa totalité (interaction entre faunes et flores, systèmes hydrauliques, population) est utilisée un peu partout dans cette recherche. L’ensemble des données collectées sont de type qualitatif, archivistique, statistique et cartographique renfermant : •
Les scénarios d’études auprès de la municipalité de sidi Hssine
•
Les archives des différents projets étudiés concernant les rives de la zone humide Sijoumi (auprès de l’AUCT, l’IRMC, la bibliothèque nationale, etc.)
•
Les opérations et les futures opérations d’assainissement et de réaménagement (ONAS, DHU, MEHAT, RFR, …)
•
La consultation des différentes études réalisées par Urbaconsult sous la direction de Morched Chebbi
•
Les photos aériennes de notre zone d’étude faite par l’office de cartographie et de topographie
•
L’analyse du SDA du grand Tunis
Donc, ces ressources vont alimenter les différentes réflexions méthodologiques et théoriques sur les concepts et les thèmes en étroite relation avec la zone d’étude et les concepts à développer. J’ai consulté aussi bien des fonds de recherche universitaires (mémoires et thèses) réalisés en Tunisie et en France (en ligne) portant sur le même champ de travail. 3- la méthode d’analyse urbaine : pour la phase analyse des données, on va établir une superposition des ressources d’information tirées des revues historiques, sociales et urbanistiques cherchés auprès de la bibliothèque nationale, l’archive national, le centre de documentation de l’ENAU, l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain IRMC et les administrations publiques (MEHAT, ANPE, APAL, AUGT, …). L’analyse des données fournis par la municipalité de sidi Hssine et des cartes topographiques vont me permettre d’établir une analyse de l’acte urbain aux
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
détriments des zones sensibles et des terres agricoles. Le couvert forestier, les écosystèmes et les apports hydrauliques seront traités comme aspects écologiques en mutation sous les effets des interventions humaines sur les berges de Sijoumi. 4- Analyse des données statistiques et des enquêtes (aspect socio-économique) : est également incontournable dans l’analyse de ce sujet dans la mesure où elle nous donnera une idée sur les causes et les retombées socioéconomiques de la vulnérabilité des abords de la sebkha de Sijoumi. D’où l’analyse des enquêtes effectuées sur différentes zones des berges de Sijoumi et à différentes période permet de comprendre la mutation socio-spatiale de la zone d’étude, en sa totalité (celle de Paul Sebag, Mahmoud Abdesslem).
Ici, l’habitat spontanée et le processus d’installation d’une population migratoire de masse importante seront établis sur la base de comparaison chronologique des statistiques de l’INS. *On va s’appuyer aussi sur la technique de d’entretien (l’entretien semi directif) auprès des administrations publiques, en relation avec les études et les projets relatifs à la zone d’étude durant les entrevus de recherche. *Comme d’autres instruments de collecte de donnée, on s’est basé aussi sur des articles et des données audiovisuels qui ont traité le même sujet (émission de radio : express Fm, radio web, chams FM). Ainsi, il faut noter que cette approche méthodique n’est pas exhaustive vu la présence d’autres modes d’investigation qui pourraient être développés au cours de la recherche d’une façon implicite ou explicite.
5. Cadre théorique et conceptuel a. La notion de vulnérabilité et ses indicateurs Quoique que la vulnérabilité soit fortement liée aux risques, son apparition est un peu tardive ; on peut qualifier un site comme étant vulnérable en cas de manifestation d’endommagement. En fait, le concept de vulnérabilité est systémique (issu d’une démarche déductive à partir des théories) et opératoire (obtenu à travers une démarche inductive qui repose sur l’observation). Donc, pour définir ce concept, on a essayé de revenir aux théories 27
Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
existantes et aux documents écrits concernant la définition de ce concept, et aux observations enregistrées au niveau de la zone d’étude : zone humide Sijoumi. (Ercole et Thouret 1996, Veyret 2004, Veryet et Laganier 2013). •
Vulnérabilité et étymologie
La vulnérabilité est un concept évoqué dans plusieurs domaines et par plusieurs chercheurs et praticiens. Ce terme n’est pas utilisé uniquement dans les langages scientifiques des risques naturels et des changements climatiques (risques anthropogénique) mais on remarque aussi son utilisation dans le langage courant dans plusieurs d’autres secteurs. Commençant par la définition de LAROUSSE, d’un point de vue étymologique, ce terme descend du bas latin ‘vulnerabilis’, dans le langage courant, la vulnérabilité découle de ce qui est vulnérable ; s’avère « une fragilité matérielle ou morale, potentielle d’une population, d’un objet ou d’un lieu ». En fait, une personne est considérée vulnérable après la rencontre d’un problème spécifique, en présence d’un facteur ou agent, endogène ou exogène, perturbateur ou pathogène. Une situation de fragilité peut constituer les pandémies (la peste, le choléra, le Covid 19, ...), la pauvreté, la famine, les catastrophes naturelles (inondations, explosion volcanique, tempête, ...), etc. Donc la vulnérabilité est généralement mesurable et dépend de la susceptibilité au risque. En histoire, la vulnérabilité parait comme une notion très ancienne ; elle est révélée depuis l’existence de l’homme et des risques, mais l’étude de ce concept est récente vue qu’elle a circulé depuis le XIXème siècle entre la langue de l’anatomie, de la psychologie et des sciences humaines et sociales. Pour mieux comprendre le concept, on va se référer au sociologue Serge Paugam 42 qui voit que, depuis les années 1950, la politique sociale a imposé la vulnérabilité dans les lexiques des sciences humaines, sociales et aussi dans les sciences de la médecine. Vers les années 1990, la vulnérabilité a tissé un lien très fort avec la crise économique et devient un mode de lecture sociale permettant l’analyse du fonctionnement de la
42
Serge Paugam : Sociologue et directeur de recherche et d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), Auteur de plusieurs ouvrages sur la vulnérabilité de la population (la pauvreté, la précarité sociale et la solidarité), spécialiste dans l’étude des inégalités et des ruptures sociales. Son thème de recherche : Sociologie des inégalités et des ruptures sociales.
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
société. A une date plus récente, vers 1994, et dans le processus de la mondialisation, Serge Paugam a évoqué la vulnérable de masse de l’ensemble de la population menaçant la cohésion sociale et l’a lié à la présence d’un risque d’ordre majeur. Vers le début de notre siècle, et dans le contexte de la globalisation et du changement climatique, c’est le sociologue Robert Castel43 qui a vu que la vulnérabilité (en rapport avec l’inclusion sociale) devient un concept incontournable et un sujet d’actualité pour expliquer les conséquences néfastes de la détérioration de la nature, la vie de l’homme et les inégalités socio-économiques en évoquant le paradigme de vulnérabilité sociale en présence de pauvreté et de chômage. Selon Hélène Thomas44 , la vulnérabilité convoque à la fois la fêlure et la blessure (pour les zones sensibles et fragiles), indiquant aussi la précarité et la fragilité dans les zones sociales. En France par exemple, la loi reconnait officiellement la vulnérabilité sociale comme critère de discrimination. •
Les types de vulnérabilité
Pour décortiquer encore plus ce concept, on doit passer aux types et facteurs qui le déterminent. Selon l’encyclopédie en ligne l’Agora, on peut distinguer la vulnérabilité des personnes qui sont « menacées dans leurs autonomies, leurs dignités ou leur intégrité physique ou psychique ». A une échelle plus élargie, la vulnérabilité peut toucher à la société, évoquant sa susceptibilité de recevoir un endommagement par un changement brutal ou non de son environnement. D’où la vulnérabilité met en cause la relation de la société et son milieu (environnement). (Agora, s.d.)45 Pour la vulnérabilité d’un milieu, elle peut être liée à la géomorphologie naturelle de l’assise d’une ville (zone volcanique, zone tropicale, désert, etc.) qui pourrait être étudiée au préalable et avant l’occupation d’un tel site fragile. Par contre, les activités anthropiques peuvent intervenir dans la création, l’atténuation ou l’aggravation de la
43
Robert Castel : sociologue français spécialiste de sociologie du travail et des questions relatives à l'exclusion sociale Hélène Thomas : Professeur en Science politique. Spécialités : Citoyenneté, Démocratie, Ethique, Inégalités, Philosophie du droit, Vulnérabilité, … parmi ses ouvrages : Les vulnérables : la démocratie contre les pauvres, janvier 2008 44
45
Agora.com (site web)
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
situation de vulnérabilité. D’où on distingue plusieurs aspects de vulnérabilité (écologique, urbaine, sociale, environnementale, …). Comme indicateur de cette vulnérabilité, on peut citer les risques et aléas (indicateurs environnementaux), chômage et pauvreté des ménages (indicateurs financiers), explosion
démographique
engendrant
un
étalement
urbain
(indicateurs
fonciers/spatiaux-urbain). Toutefois, la ville s’étale, à l’horizontale ou à la verticale, au détriment des vides, des terres agricoles, et des zones naturelles. Alors, si l’expansion urbaine n’est pas planifiée, contrôlée ni freinée, comme le cas de plusieurs villes en voie de développement ou bien sous-développées, les zones péri-urbaines deviennent de plus en plus occupées et les banlieues seront saturés. Pour répondre à ces problèmes, le concept de durabilité a eu lieu, ayant comme finalité l’élaboration des stratégies durables de gestions de risques face aux divers types de vulnérabilité sur divers domaines. Prenons notre cas d’étude par exemple : la sebkha de Sijoumi comme zone humide urbaine (classée site Ramsar), l’installation d’une masse démographique très importante sur ses berges depuis environ un siècle a eu plusieurs résultantes entre autres des problèmes d’ordre socio-environnemental. En fait, Joern Birkmann, 2006,46 énumère une vingtaine de définitions de la vulnérabilité différemment et explique que le degré de vulnérabilité peut être mesuré. Selon la sphère de Birkmann, ce degré peut être hiérarchisé, c’est-à-dire, dans la même zone on peut passer de la vulnérabilité intrinsèque (issue d’un risque interne de la zone) vers la vulnérabilité
multidimensionnelle
(risques externes responsables de la vulnérabilité synthétique qui touche les caractères
physiques,
Figure 1 : les sphères-clés de vulnérabilité, Berkman 2005
sociaux,
46
Joern Birkmann : directeur de l'Institut de planification spatiale et régionale de l'Université de Stuttgart et auteur de plusieurs ouvrages et articles
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
environnementaux, et économiques tout en dépassant la sensibilité de la zone et la capacité de faire face. Les Facteurs de la vulnérabilité
1-Facteurs physiques : La ville naissait suite à l’interaction de l’homme avec son milieu selon certaine mesure de degré de résistance aux aléas et intempéries de la construction, ce qui permet de prévoir et étudier la vulnérabilité si elle s’expose. Pour la ville, la vulnérabilité peut être constaté à l’œil nu ; c’est l’endommagement à l’échelle physique. Selon Béatrice Quenault 47 , on peut qualifier chaque élément physique, intervenant dans la composition de la ville, par élément vulnérable à part entier, comme l’organisation spatiale, l’architecture, la culture, l’économie, le système et l’environnement. Donc, comment
Figure 2 : l’Analogie du Diamant (multiples facettes de la vulnérabilité de la ville, Parker et Al 2009
peut-on distinguer la vulnérabilité de chaque composante ? Pour l’architecture, on peut lier la vulnérabilité à la construction (forme et structure), aux matériaux (terre cuite, terre crue, pierre, béton, maçonnerie) et au site d’implantation. L’analyse de ces éléments permet de détecter la fragilité de chaque bâtiment, ce qui permet d’estimer ou de calculer les dommages potentiels pour l’ensemble de constructions avoisinantes et puis indiquer le degré de vulnérabilité d’une ville. La structure urbaine sera jugée comme fragile ou non par la suite, après l’analyse de toutes les composantes de la ville (voiries, constructions, zones vides et réseaux). Pour l’environnement, ce sont les facteurs naturels qui prédisposent la ville à subir des effets des aléas et les effets secondaires des risques naturels. Les premiers facteurs naturels à citer sont la situation de la ville : certains sites sont considérés comme assise pour ses installations (site balnéaires, rives des lacs, bords de rivages, etc.) alors il fallait faire attention, au préalable, aux types d’infrastructure dans ces terrains pour faire face à la vulnérabilité naturelle du site (tsunami, séisme,
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« La vulnérabilité, un concept central de l’analyse des risques urbains en lien avec le changement climatique’, domaine de la recherche urbaine », Béatrice Quenault, 2015
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inondations). L’expansion urbaine non étudiée ni réglementée peut intervenir dans l’aggravation du degré de vulnérabilité des villes, sous des effets secondaires comme les mouvements du terrain, la liquéfaction des sols sableux saturés, le tassement différentiel, l’effondrement des couches argileuses du sol, etc.) les pentes des versants et les bords des zones humides qui ont été réservés aux friches ou zone agricoles, une fois envahies par des constructions peuvent causer des risques majeurs. Ces derniers sont susceptibles d’être vulnérables sous les effets destructifs des ruissellements, de pollution et des mouvements du terrain. On peut aussi juger l’industrie, activité anthropique génératrice de pollution, comme intervenant dans la vulnérabilité de l’environnement et de la ville (pollution). 2-Facteurs socio-économiques Nul ne songe à nier que la ville est en progression continue en termes d ’expansion spatiale et démographique. Pour le secteur résidentiel, la population sera jugée vulnérable aux heures de pointe et en présence d’un risque comme le changement du climat ; exemple pour la mobilité urbaine, les mouvements de la population sont vulnérables occasionnellement si un risque naisse (exemple : lors de l’inondation du centre urbain nord en septembre 2019 ; vers 16 :30, la circulation a été en handicap total durant l’heure d’évacuation des résidents et des employés, résidents et passagers étaient coincés dans la rue ; expérience personnelle vécu en terme de vulnérabilité), donc le rapport spatio-temporel peut rendre une population vulnérable, voire très vulnérable en présence d’un aléa ou risque exogène. 3-Facteur culturel La mixité sociale s’est basée sur les diversités identitaires et culturelles qui marquent la ville comme lieu de rencontre mais parfois de confrontation. On remarque aussi que la société urbaine doit avoir une culture locale du risque qui relie tous les individus (comme pour les archipels, la population s’apprête toujours aux secousses et au tsunami). Cette culture locale doit exister dans la mémoire collective de la population. Si on évoque le cas des extensions illégales, où le trottoir sera franchi, les impasses et les vois étroites sont habités, ici, des problèmes d’ordre socio-spatial se posent, le paysage urbain est en mutation et les problèmes de drainage, d’évacuation et même d’ensoleillement présentent l’assise de la vulnérabilité de cette ville.
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
4-Facteurs économiques La vulnérabilité économique évoque le manque de production d’emploi et de ressources, d’où la société devient vulnérable. On peut aussi citer la vulnérabilité découlant des perturbations des fonctions urbaines (éclairage publique non établi, canaux d’évacuation bouchés, congestion des voies, …). A l’échelle du quartier, ce facteur dépend essentiellement de son standing, de l’ensemble des interventions et aménagements. La société civile a un rôle important dans l’amélioration du cadre de vie socio-économique, en cas d’éviter les extensions non réglementaires et le manque du respect de l’environnement. Pour les résidents, le fait d’avoir une prise de conscience des conséquences de fragilisation de l’environnement (une conscience collective) permet d’éviter l’invasion des zones non aptes à recevoir des constructions (zones inondables par exemple). La question qui se pose c’est comment gérer les risques pour prévenir les dégâts et la vulnérabilité excessive ? Gestion des risques et processus de décision La gestion de risque commence tout d’abord par un repérage des dangers susceptibles de menacer la ville. Une étude au préalable permet de prévoir les moyens les plus convenables pour faire face aux aléas et crises (moyens organisationnels et matériels). Le processus de décision et d’action subit généralement une organisation hiérarchique ou il fallait une harmonie au niveau du passage et d’application des décisions pour éviter les dégâts de grande envergure. Pour les zones sensibles ou fragiles, elles possédante des caractéristiques naturelles spécifiques constituant un écosystème fragile qui nécessite, pour sa protection contre la dégradation, une mise en œuvre de normes et de procédures d’aménagement prenant en compte ses spécificités et préservant son contexte naturel. (L’Encyclopédie). b. Zone humide et sebkha Selon le premier article de la convention Ramsar, les zones humides sont définies comme étant des « étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à 33
Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
marée basse n’excède pas six mètres » 48 . Donc une zone humide est un espace transitoire entre l’eau et la terre. Ces zones humides naturelles évoquent généralement des profondeurs qui varient entre un mètre et quelques mètres, alors que pour les zones humides artificielles, les profondeurs sont plus importantes (barrages, bassins de traitement des eaux, retenues, etc.). ( Manuel Ramsar, 2016)49 A part la biodiversité écologique particulière, les zones humides côtières assure la protection des côtes envers les mouvements de marées et la hausse du niveau de la mer. Pour les autres types de zones humides, on distingue celle endoréiques montagneuses ou en pleines prairies,
ces zones assurent le stockage et
l’approvisionnement de l’eau d’irrigation d’où la fertilité des terres de leurs berges. On a aussi des zones humides urbaines, en pleine agglomération et c’est la population lacustre qui dicte la nature de rapport avec ces milieux hydriques pour dialoguer, nuire ou conserver ces zones. En fait, plusieurs études ont montré l’importance de ces zones dans la durabilité, la biodiversité et la conservation de l’environnement. Mais, ces bassins à eau douce, saumâtre ou salée, sont généralement liées aux changements du climat, d’où plusieurs zones enregistrent un assèchement ou bien une hausse du niveau de l’eau en rapport avec les saisons les plus sèches ou humides, d’autres zones arrivent même à disparaitre. Ainsi, des perspectives d’ordre mondial s’intéressent à la préservation de ces milieux en mobilisant des associations, des conventions et des organisations pour conserver essentiellement leur cadre écologique (Ramsar R. , 2018)50 . Le trio sensible, vulnérable, fragile Selon la direction régionale de l’environnement (Service de l’eau et des milieux aquatiques, France), le classement d’une zone comme étant sensible est issu de son exposition au risque d’eutrophisation et après l’analyse bactériologique déterminant la qualité de ses eaux. Une eau est comptabilisée malaïgue (mauvaise eau) quand elle présente un changement de couleur, d’odeur, de composition bactériologique et de la disparition de l’oxygène dissous dans l’eau. Donc les zones sensibles sont des milieux
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« Fiche descriptive sur les zones humides Ramsar » Janvier 2007, P 3,4 « Manuel Ramsar, 5ème édition », Ramsar, 2016 50 « Perspectives mondiales des zones humides, L’état mondial des zones humides et leurs services à l'humanité » Ramsar, 2018 49
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aquatiques où il y a une exigence de traitement des eaux résiduaires urbaines avant leur évacuation vers le plan d’eau. Pour une zone humide classée vulnérable, comme c’est expliqué ci-dessus, la vulnérabilité est fortement liée à la présence d’un endommagement (qualité d’eau, quantité d’oxygène dissous, état des écosystèmes). Classée vulnérable, cette zone devient menacée de perdre sa qualité environnementale. Pour une zone fragile, elle est à la fois exposée aux risques et comptabilisée vulnérable, donc la vulnérabilité n’est qu’une résultante d’exposition d’un milieu fragile à un endommagement. En fait, ces zones humides jouent un rôle prépondérant dans l’équilibre de notre environnement malgré leur classement en tant que sensible ou fragile. Pour les sebkhas ; selon la Fiche descriptive des zones humides Ramsar (FDR) concernant le classement de la sebkha de Sijoumi en site Ramsar, la nomination « sebkha » ou « sebkhet » est une appellation arabe utilisé au niveau des zones humides de l’Afrique du nord désignant les marias, les marécages ou les bassins d’eau stagnante endoréique (fermé sans issu ni débouché vers la mer). L’eau est stagnante et l’alimentation du bassin se fait à travers les ruissellements issus des oueds et des précipitations ; l’ensemble définit le bassin versant (réseau de ruissellement, plan d’eau et nappes phréatiques). Le cycle de l’eau varie selon la saison (évaporation l’été et élévation du niveau de l’eau l’hiver) d’où les eaux sont généralement douces à saumâtres et le sol stocke du sel. Pour les rives de la sebkha, elles révèlent un couvert végétal qui varie entre herbes, steppes et couvert forestier (arbres ripisylves). Pour la faune, plusieurs espèces animales sont accueillies au niveau des sebkhas essentiellement les oiseaux de l’eau 51 . c. La périurbanisation Ce terme est utilisé pour qualifier l’urbanisation qui se produit et se développe sur les pourtours des agglomérations urbaines, au détriment des terres agricoles et des zones naturelles, là où l’étalement est généré par des habitations individuelles. Etant une
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« Fiche descriptive sur les zones humides Ramsar » Janvier 2007
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
nouvelle forme d’implantation du bâti dans les périphéries, la périurbanisation contribue au gonflement des masses des villes (Laurence Thomsin, 2001) 52 . Quant à la rurbanisation : urbanisation de la campagne ou urbanisation rurale, elle consiste à l’imbrication de la pratique urbaine dans l’espace rural ou également la transformation d’un paysage rural en paysage urbain. Ce phénomène d’extension des villes dans des milieux ruraux révèle un grignotage systémique des espaces verts et des terrains agricoles, il est connu aussi par d’autres nomination outre la rurbanisation : exurbanisation et périurbanisation. (Bounouh A. , 2004)53 Les géographes ont remplacé le concept de rurbanisation par celui de périurbanisation comme étant une forme d’urbanisation sans planification qui s’étale sur des terres agricoles (Thomsin, 2001)54 . Pour notre cas d’étude, l’urbanisation se développe sur les périphéries les plus proches du centre-ville. La forme d’urbanisation qui nous concerne dans cette étude c’est ‘l’urbanisation par essaimage55 ’ connue comme grand consommateur des terres agricoles essentiellement les pleines de Sijoumi et de Naassan, avec des noyaux se développant le long des voies de communication et des pistes agricoles. Le développement de cette urbanisation est fortement lié à l’installation des petits pôles périphériques (Mornag, khelidia, Jedaîda, Mohamedia, etc.) (Davodeau, s.d.)56 .
52
« Un concept pour le décrire : l’espace rural rurbanisé » Laurence Thomsin, 2001 « Planification spatiale et logiques des acteurs dans le grand Tunis, cas de la zone résidentielle d'El Mourouj », Abdelala Bounouh, 2004 54 « Ruralia, revue de l'association des ruralistes français » Laurence Thomsin, 2001 (géoconfluence.fr) 55 « Phagocytage des espaces agricoles progressivement enclavés dans l'urbanisation », source : atlas des paysages français 56 « Atlas des paysages français » Hervé Davodeau, (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00788156/document) 53
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
PARTIE A : VULNERABILITE DE LA ZONE HUMIDE DE SIJOUMI ET SES ABORDS FACE A L’ANTHROPISATION DES LE DEBUT DU XXE SIECLE
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
Introduction La première partie est analytique. Elle se base sur l’analyse des trois volets : historique, naturel et urbain de la zone d’étude. Le volet historique explicite l’évolution urbaine de la ville de Tunis en relation avec ses plans d’eau (évènement marquant basé sur le changement des autorités gouvernantes qui ont impacté l’organisation de l’urbain à l’époque). Dans ce chapitre, on va se référer à l’approche historique pour dégager si la relation qu’a noué la ville de Tunis avec ses lacs est une relation d’inclusion ou d’exclusion. Le deuxième volet est consacré à l’étude du cadre naturel de la zone humide de Sijoumi et son fonctionnement, entre autres l’étude des spécificités environnementales et urbaines de la sebkha afin de dégager si ce cadre naturel est une opportunité ou une menace pour le Grand Tunis. On finit par le troisième volet qui concerne l’étude du cadre socio urbain de l’ensemble des berges qui longent la sebkha après l’anthropisation. Cette urbanisation a suivi plusieurs critères socio-spatiaux ainsi que les différentes politiques urbaines mobilisées depuis les années quatre-vingt. On arrive vers la fin de ce chapitre à caractériser le développement du processus d’urbanisation des berges de Sijoumi et dégager les retombées de cette urbanisation imposante sur le plan d’eau, ses berges, son cadre agraire, sa population riveraine et à l’échelle de la capitale.
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Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
CHAPITRE 1. EVOLUTION DE TUNIS AU GRES DE SES TROIS PLANS D’EAU Dans ce chapitre, On va aborder le contexte historique et diagnostiquer les retombées du facteur temps sur la relation que noue Tunis avec ses trois plans d’eau, c’est-à-dire comment l’urbain se développe, au dépit ou au détriment des trois plans d’eau, ainsi qu’en fonction du temps, des changements climatiques et des besoins. Cette urbanisation avait-elle des répercussions sur le fonctionnement des réseaux hydrauliques, des écosystèmes et du cadre de vie de la population en question. En fait, Tunis, comme l’avait décrit Gay de Maupassant ‘‘un burnous étalé entre ses plans d’eau’’ est dotée de trois lacs : Lac de Tunis (Bahira ou lagune) au nord-est, Lac Sijoumi (Sebkha) à l’ouest et le lac de l’Ariana(sebkha) au nord. Ces aires d’eau, outre les parcs naturels, les forêts et les espaces verts, formaient en premier lieu des obstacles naturels étranglant l’expansion et la croissance urbaine de la ville, mais par la suite, tout est inversé, ces obstacles ont été franchis sous l’envahissement des constructions (exemple : le parc de belvédère, la sebkha de Sijoumi, la sebkha de l’Ariana, etc.).
Figure 3 : Noyau historique de Tunis et ses trois plans d’eau, source : ‘la Région de Tunis, CH. Monchecourt, 1913
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Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
Donc, la relation qui relie Tunis avec ses plans d’eau diffère-t-elle selon la nature de la zone humide (sebkha, lac, marais, …) ou bien c’est la population lacustre occupant les berges qui dicte cette relation ? En fait, Tunis, en passant historiquement de la ville précoloniale, puis à la ville coloniale, jusqu’une ville postcoloniale, a connu de grand s changements à l’échelle sociale, spatiale, environnementale, politique et même culturelle. Ces différents changements sont-ils inter-liés tout en affectant le cadre de vie, sans oublier évidement que la Tunisie est le pays le plus anciennement urbanisé des pays du Maghreb. Remontant au noyau historique de Tunis, Jalel Abdelkefi a décrit, dans son ouvrage, la Medina (une ville établie dans la plaine tunisoise) comme étant un paysage agrourbain affichant la planéité de ses toitures : c’est la ville campagne dont la structure sociale est dictée par un féodalisme de commandement. La Medina ainsi a constitué un pôle d’organisation du monde rural : un centre de convergence pour Tunis. Sur ses prairies et champs qui la contournent, furent émergés les premiers noyaux de refuge des juifs exclus de la Medina, et qui disait que ces quelques noyaux vont devenir aujourd’hui parmi les masses démographiques les plus importantes du Grand Tunis. Pour sa position, la Medina est en recul par rapport au lac de Tunis et à un niveau élevé par rapport à la zone humide de Sijoumi, donc cette position a-t-elle été choisi à base de refus de s’approcher de l’eau ou de se protéger par les collines. (Abdelkefi J. , 1987)57 . Quoique l’urbain a été souvent résultante des décisions politiques ou des directions d’aménagement, mais pour le cas de l’informel, l’auto-produit n’obéit qu’à la loi de s’abriter ou de gagner en termes de foncier. Donc, dans ce chapitre, on va étudier la relation et l’évolution du noyau historique de Tunis (la Medina) au gré de ses trois plans d’eau et ses pourtours, les étapes de l’urbanisation quasi informelle, le dédoublement et le triplement, voire plus, de sa masse démographique. Donc, Le produit urbain est-il en relation avec les changements des orientations et d es décideurs politiques ? la morphologie de la ville de Tunis est-elle dictée seulement par ses plans d’eau ?
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« La Medina de Tunis, espace historique » Jalel Abdelkefi, 1987
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Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
1.1. Un rapport de rejet de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1935 : Cette période est marquée par la fin du règne des ottomans contre l’installation du colons français. La Medina, passe d’un noyau, à part entier, fortifié par ses remparts, à une masse urbaine entourée par des quartiers formels et d’autres informels (les premiers bidonvilles). Pour les quartiers formels, l’intérêt de l’administration coloniale a consisté à édifier la nouvelle ville européenne côte à côte avec la Medina tout en se rapprochant de la lagune de Tunis. Sur le plan économique, cette période a introduit la Tunisie préindustrielle et précapitaliste, par la suite le capitalisme colonial s’est répandu58 . (Chabbi M. , 2012). 1.1.1. Cliché historique sur l’ancienne ville de Tunis et changement d’état (d’une régence ottomane à une colonie française)
La Medina, noyau historique de Tunis, a été à l’origine un village berbère. Sous le règne de Hassan Ibn Noomen et les princes sanhajites. Ce village a été transformé en Médina à partir du XIIIe siècles où plusieurs ethnies cohabitaient en se protégeant par ses remparts. Seuls les jardins, les champs et les cimetières se trouvaient dans les zones périphériques de la Medina59 (Abdelkefi J. , 1987). Selon Henri Lefebvre, l’espace urbain doit être perçu, conçu et produit des pratiques quotidiennes, d’où la cité peut être considérée comme projection de la société dans l’espace. Pour le cas de la Medina de Tunis, elle n’a pas noué une bonne relation avec la lagune ; la porte de la mer (Beb Bahr) fut la limite physique comme l’indique son nom. En revanche, les rives ont absorbé les résidus des égaux à ciel ouvert. Mais, des gravures montraient la promenade de la marine avant l’installation du colon. Par ailleurs, les khandaqs60 déversaient l’eau usées dans le lac de Tunis : ainsi la relation avec la lagune a été en rupture. Une source de pollution a été créée malgré que ce plan d’eau accueille un nombre très important de flamant rose, de canards et de cormorans vu la richesse nutritive du lac.
58 59 60
« Urbanisation et politiques urbaines dans le grand Tunis », Morched Chebbi, 2012, P.50-59 « La Medina de Tunis, espace historique » Jalel Abdelkefi, 1987 Égouts pour le drainage des eaux usées
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Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
Jalel Abdelkefi, en 1989, a étudié le développement de ce noyau historique en dehors de ses remparts avec la vague destructive progressive des 18 portes et des murailles de fortification de la Medina vers le XIXe siècle. Avant, durant et après le protectorat, quelques portes se maintiennent debout jusqu’aux nos jours.
Figure 4: Tunis en 1887, source : Tunis, le plan de Colin de 1860, Jean-Luc ARNAUD
L’enceinte de la Medina est marquée en rouge : ville originelle ou noyau historique autour duquel se sont développés les deux Rabats (faubourgs) de Bab Souïka et Bab Djazira, l’ensemble est protégé par la fortification indiqué en bleu, le quartier indiqué en vert sert à la fois comme remblayage et stabilisateur du sol. La nouvelle ville européenne a bénéficié de plusieurs terrains cédés par le Bey, d’où ils ont commencé vers les années 1881 à édifier et remblayer le lac de Tunis pour repousser les limites de l’eau et gagner plus d’espace (spéculation foncière). Ici la lagune de Tunis fut divisée et les premières actions anthropiques ont été menées directement sur le plan d’eau. Le projet du port de Tunis a considérablement dérangé le plan d’eau et le rapport ville-mer. 42
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
1.1.2. Crise économique mondiale et ses répercussions
L’année 1925 présente une date marquante dans l’histoire de l’évolution urbaine vu qu’elle revint à la crise économique qui a eu des retombés sur l’organisation sociospatiale. Cette crise mondiale a été générée aussi par un contexte colonial. Pour le cas de la Tunisie ; étant un pays rural, à économie essentiellement agricole accompagnée des activités artisanales (secteur autochtone), le colon a développé le secteur industriel, essentiellement minier qui restait étroitement lié au marché européen (en vue d’export). Vers l’année 1929, la crise a atteint les pays industrialisés (cas de la régence de la Tunisie) suite à l’effondrement des prix des produits agricoles et miniers. Walid Chouari, dans son ouvrage concernant la Tunisie nord-orientale, a expliqué que les années 1930 ont été plus dures pour la Tunisie suite à une sècheresse exceptionnelle accompagnée de deux cyclones ayant causé des dégâts considérables pour le nord et le sud du pays. Cette sécheresse a été suivi par les inondations de décembre 1930 et 193261 . Ce changement climatique qui a succédé la crise économique a aggravé beaucoup plus la situation pour la Tunisie ; l’ensemble des dégâts dus à la fois à la crise (minière, agricole, commerciale), aux aléas et aux catastrophes naturelles ont induit un fléchissement général de l’évolution démographique entre 1931 et 1936. Donc cette crise structurelle a engendré la paupérisation des campagnes et annonce l'afflux migratoire urbain ; les banlieues commencent à apparaitre (le premier débordement de Tunis, en dehors de son site initial, était vers les années 1925)62 . (EL Annabi, 2012). Les périphéries se sont occupées et les banlieues commence à se pousser. Une extension urbaine, alimentée par cette vague d’exode, a été enregistrée dès les années 1930 suite à la mécanisation de l’agriculture. Cette mécanisation a intervenu dans l’élévation du taux de chômage qui a généré la migration intensive vers la capitale pour la recherche d’emploi. De ce fait, la structure socio-spatiale a commencé à se défigurer vu l’installation d’une nouvelle population migrante sur les périphéries de la Médina, de la ville européenne et sur les espaces résiduels non aptes à recevoir une urbanisation (tel que les rives des plans d’eau). D’où, non seulement l'exode est
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« Problèmes d'environnement liés à l'urbanisation contemporaine dans le système endoréique d'Essijoumi (Tunisie nordorientale) » Walid Chouari, 2013, P. 42-59 62 « Une crise économique mondiale dans un contexte colonial La Tunisie (1931-1936) » Hassen EL Annabi, 2012
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Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
inhérent à la crise économique mais c’est aussi le tissu et le paysage urbain qui évoque une hétérogénéité morphologique et fonctionnelle63 . (Chouari w. , 2016) Sur les berges de la sebkha de Sijoumi, l’invasion migratoire a généré la création des deux faubourgs de Mellassine et de Saïda Manoubia sur ses rives orientales et septentrionales. Les autres agglomérations n'étaient le plus souvent que des bourgs agglomérés autour d'une zaouia, à l'image de Mghira, Birine, Jayara, etc. Le quartier de Saïda Manoubia offre un exemple type de l'évolution du phénomène de la périurbanisation. 1.1.3. Etat de l’urbain entre Gourbification, explosion de l’exode et étalement urbain
Le quartier de Saïda Manoubia fut le premier gourbi construit en pieds de la Medina et sur les rives de la sebkha de Sijoumi avec des habitations à tentes de nomades, en pierre, amélioré par la suite en briques sans évidement aucun soucis de planification urbaine, mais reste basé essentiellement sur des besoins individuels (s’abriter ou se loger) en absence d’infrastructure et de branchement. En fait, c’est le bassin d’emploi offert par les activités industrielles qui dicte l’installation de la population, d’où s’explique le phénomène de l’exode rurale. Un autre aspect explique de sa part la crise sociale en Tunisie, si on se permette de la compter crise basée sur le flux dominant de migration, c’est l’accaparement des hectares de terres agricoles des agriculteurs tunisiens par les français, chose qui a poussé ces paysans à quitter leurs régions natales pour se diriger vers la capitale évoquant une bonne réputation en termes d’employabilité. L’installation de cette population a généré la construction des habitations à majorité précaires et clandestines64 (Sebag P. ,1960). Le quartier Saïda Manoubia, ainsi que plein d’autres bourgs, ont été dépourvus des premières nécessités tel que l’eau potable, l’électricité, l’assainissement, et même des cours d’eaux usées circulaient à ciel ouvert dans les quartiers pour aboutir à la sebkha. D’ailleurs, durant les saisons pluviales, ces quartiers pataugent dans la boue avec des conduites débordantes. Mais, malgré les conditions sanitaires, les problèmes
63
« Les pluies torrentielles des 17 et 24 septembre 2003 dans le Grand Tunis : analyse météorologique et impacts immédiats. In : Les risques liés au temps et au climat », Walid Chouari, 2006, P.13-19 64 « Un Faubourg de tunis, Saîda Manoubia, enquête sociale, 1960 » Paul Sebag, 1960
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Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
d’organisation spatiale et le cadre de vie, ce faubourg reste en évolution continue vu sa proximité des bassins d’emploi65 . (Chebbi, M 1986) Juxtaposée à la Medina, la ville européenne s’étalait en front de la lagune de Tunis, la logique de la politique habitante est constituée d’un tissu à forte dominance des immeubles et des quartiers à caractère pavillonnaire à base de lotissement de société d’habitat à bon marché (HBM) à fonctions privées pour des communités françaises, israélites et italiennes, exemple les quartiers : Mutuelle ville, France ville66 , etc. (Ammar, 2021). Le colon s’est installé en fait sur les abords de la lagune de Tunis en remblayant des parties du lac pour gagner des terrains. Donc, cet aspect, bien qu’il soit formel en termes d’organisation, s’est intervenu dans le dédoublement de la ville de Tunis à l’échelle socio-morphologique67 (Abdelkefi J. , 1987). Pour le cout du foncier, il n’était pas aussi accessible pour les tunisiens, encore moins pour les migrants qui ont choisi d’occuper les rives marécageuses (de la sebkha de l’Ariana et de Sijoumi) et squatter les terres agricoles. Des prémices de problèmes de contact avec les plans d’eau ont commencer à se déclencher, essentiellement la pollution issue des rejets. Alors, il s’est avéré que pour le cas de Tunis, en relation avec ses trois plans d’eau et selon l’aspect formel ou informel, c’est l’autorité gouvernante qui dicte cette relation (avec la lagune ou la sebkha). 1.2. Un rapport de juxtaposition de 1935 à 1956 Cette période confirme d’avantage le rapport de juxtaposition et d’ouverture sur le plan d’eau. La ville européenne est adressée aux investisseurs français et le foncier était très cher. 1.2.1. Evolution socio-économique
Cette division chronologique choisie est marquée par la période de l’entre-deux guerres mondiales et l’après deuxième guerre mondiale, ou le régime de l’Etat
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« Une nouvelle forme d'urbanisation à Tunis, l'habitat spontané péri-urbain », Morched Chebbi, 1986, P.31-45 « Les cités d'habitation à bon marché le début de l'habitat social à Tunis sous le protectorat » Samia Ammar, 2021 67 « La Medina de Tunis, espace historique » Jalel Abdelkefi, 1987 66
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Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
providence régnait (c’est uniquement l’Etat qui intervient au niveau des activités économiques et sociales). Dans le cas de la Tunisie, et à cette période, le décideur politique fut le colon mais en affrontant un blocage agro-minier post crise, la colonie a enregistré la formation d’un sous- développement (résultante de la crise économique), (Abdelkefi J. , 2013)68 Essayons de décortiquer encore plus ces répercussions sur plusieurs domaines et secteurs. Sur le plan économique, le déclin de l’activité agricole en rapport avec la mécanisation et les années de sécheresse a favorisé le passage de l’industrie comme moteur économique, d’où l’accentuation du phénomène de l’exode rural. Sur le plan démographique, la croissance démographique, alimentée durant la période de l’entre guerres et avec l’indépendance, est élevée vu l’attractivité du district de Tunis en vue d’offre d’emploi ; la capitale, par rapport au reste du pays se distingue par sa macrocéphalie qui coïncide avec son sous-développement. Si on emprunte à l’analyse démographique de Tunis de Jalel Abdelkefi, on remarque que la population tunisoise, alimenté par les vagues de migration extensive a atteint 15% de la population du pays et 45% de la population urbaine. Aussi bien, la manifestation de la capitale comme premier pôle d’emploi avec un approvisionnement de plus de 50% d’emploi industriel lui a confié le caractère attractif en termes de migration à cette époque. 1.2.2. Evolution urbaine
L’administration coloniale a créé, rapidement, les ports de Sousse, de Bizerte et de Sfax dans sa démarche d’encadrement urbain et d’urbanisation du territoire. Sur le plan urbain, une masse importante de la population migratoire a été de classe moyenne voire non aisée, d’où la prolifération de l’habitat anarchique dictée par le besoin d’habiter à faible coût. Le développement de la ville de Tunis ne cesse de s’accentuer de plus en plus toujours avec une alternance entre le formel et l’informel : Pour la forme d’extension réglementaire à l’égard du décideur, la ville européenne a formé un trait d’union entre l’urbain et la lagune à travers la promenade de Jules Ferry. Ce nouveau tissu avait-il développé la ville au détriment du lac ou bien les colons ont été attirés par la lagune d’où la relation de cohésion entre ville et plan d’eau fut remarquée ? 68
«La réponse de l’État au processus d’urbanisation » Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans, Jalel Abdelkefi, 2013,
46
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Selon l’étude de P.A Barthel, la relation qu’a noué le colon avec le lac reste fonctionnelle et dictée par leur besoin (des zones industrielles installées à proximité des berges du lac sud). En contrepartie, l’amorcement de la ville de Tunis par les autorités gouvernantes, ayant comme finalité l’extension de la ville européenne, a été condamné comme grande erreur par les architectes des Services d'Architecture et d'Urbanisme de la Tunisie sous la direction de B.H Zehrfuss entre 1943 et 194869 . Ce point de vue a confronté le refus malgré qu’il ait été fondé sur des explications purement techniques en termes de fragilité de la zone marécageuse et l’impact des constructions sur le plan d’eau70 (Jerrold, 1948). Pour la forme non réglementaire ; Morched Chebbi a analysé le processus d’extension hâtive des quartiers spontanés et des gourbi-villes, alimentés au minimum par 75.000 migrants (1936-1946) et 60.000 migrants entre 1946-1956). Vers les années 1950, le gourbiville de Borgel s’est développé sur les berges nord -ouest du lac nord contre le développement du gourbi de Saïda Manouba vers l’ouest de Tunis et sur les berges Est de la sebkha de Sijoumi71 . (Sebag P. , 1958). Sur les terres basses du lac sud se sont développés des gourbi villes au niveau de Mégrine. La majorité des gourbis ont été installés sur des terres habous, des terres non immatriculées (ou nom) et des terres appartenant au domaine public maritime DPM et domaine publique hydraulique DPH. Si on focalise sur le premier gourbi fut établi (Saïda Manoubia), son évolution sociospatiale est caractérisée par un rythme croissant, initialement pour abriter des juifs : ghetto72 . (Sebag P. ,1960 & ATTAL R. , 1959).
69
"Tunis", L'Architecture d'Aujourd'hui, Aucune directive n'oriente plus la construction. Dans ce quadrillage des rues prolongées au hasard, les vides laissés pour compte aux lotisseurs de marais se bâtissent petit à petit à la faveur de l'indifférence de l'autorité. (.) Il a paru important de changer les hommes. Les idées ont suivi. Leur impopularité a eu raison des courtes vues ‘’. L’avis de Jerrold F, 1948 70 « Vision exposée dans la revue l’Architecture d’Aujourd’hui », Jerrold François, 1948 71 « Le gourbiville de Borgel » Paul Sebag, 1958 72 « Croissance des villes nord-africaines: Tunis, vue par un sociologue: Paul Sebag; l'évolution d'un Ghetto nord-africain (la Hara de Tunis) », Paul Sebag et Attal R 1959
47
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
Ce faubourg quoiqu’il ait séparé, au départ, une minorité ethnique du reste de la population, mais par la suite il ne cesse d’absorber d’autres catégories et couches sociales d’origine migratoire précaire.
Figure 5: évolution du quartier de Saida Manoubia,
source : carte créée par Walid Chouari d’après des photographie aériennes (1948,1953 et 2000)
En fait, ce faubourg s’est développé essentiellement sur des terres immatriculées et a connu des extensions spatiales en rapport direct avec sa croissance démographique dans la direction du sud et en se rapprochant de plus en plus de la sebkha de Sijoumi, la tache en gris montre l’évolution du bâti longeant la rive Est de la sebkha de Sijoumi. Mais ce dernier reste un faubourg urbain insalubre sous la dénomination bidonville ou gourbiville. On peut en fait classer l’ensembles des tissus nouveaux, tout autour de la Medina, en trois catégories selon les anciennes études de la géographie urbaines (différentes extensions en dehors des remparts de la Medina) : les ghettos (juifs), les quartiers étrangers (alimentés par l’exode rurale) et la ville européenne (français, italiens et israélites). 1.2.3. Etude de l’assiette foncière autour de la Medina :
L’occupation du sol extrêmement morcelée contraste avec la propriété foncière. Les occupants des terres des gourbi, à l’instar de Saïda Manoubia, passent des locataires du sol à des propriétaires de construction (600 Franc pour la location annuelle de 120m² signé par M. Chedly Guerrich en 1952), on cite quelques titres fonciers parmi les plus importants énumérés par Paul Sebag : •
Kalaât Damous : titre foncier 42.226 de 16Ha 80ares, immatriculé à la date du 13 Juillet 1932, fractionné par la suite en 24 parts après le décès de son propriétaire, et s’est développé par la suite en vaste quartiers appelé Houmet Guerrich ou Hofret Guerrich (Habous).
48
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau •
Bir Anneba : Titre 33.373, de 5 Ha 60ares, Habous, immatriculé le 27 Mai 1927 aux bénéfices des Héritiers Xerri d’origine maltaise, la parcelle a été souvent dénommé la terre de ElMalti. Après décès du proprio et cession d’immatriculation, Bir Anneba a été alloti : création de nouveaux titres à partir de 1952 : 42 titres. Sur la partie aliénée s’est développé un quartier de maisons e de villas et de nombreux gourbis (occupants locataires à établissement précaire).
•
Hentati et Korbosli : titre 26.937, de 4 ha 4ares, immatriculé en 1923, deux parcelles faisant l’objet d’un titre unique, sont devenus vers les années 50 des quartiers, après des conflits, d’un e simple location à une occupation du fait.
•
Aradhi Sidi Fathallah : titre 4160 de 1ha, immatriculé en 1936, édifié par les locataires convertis en propriétaires de fait.
•
Ardh Abderrazak : fait l’objet d’une réquisition le 16 avril 1935.
Donc, ce qu’on peut déduire c’est que les principaux quartiers ont pris le nom du premier propriétaire du terrain. Des agglomérations groupées en îlots compacts formants des groupuscules perdus au milieu des terrains vastes. Après l’acte de morcellement, la majorité des constructions passent en location, mais cette location devient une occupation de fait. 1.3. Changement de contexte et les politiques urbaines en rapport avec les plans d’eau de 1956 à 1994 « La ville essaye de rattraper les plans d’eau » Cette période commence de la 1ère période de l’indépendance et la mise en place de l’Etat moderne, passant par une forte période de crise soixante-dix ; quatre-vingt et fini par la mise en place d’un nouveau régime politique (changement de 1987). Elle comprend également la vraie politique de préservation de l’environnement, caractérisée aussi par la création d’un ensemble d’institutions chargées du passage de la dégourbification à la réhabilitation ; du rejet au recasement. Dès lors, on se demande si ces institutions ont réussi à résoudre les problèmes urbains et la fragilité des bergs des plans d’eau. 1.3.1. Changement de pouvoir et état de développement critique
Après l’indépendance (passage de la colonie à la république), il y a eu un passage du modèle de développement socialiste au modèle libéral (sur le plan économique), chose qui a amené l’État tunisien à réviser ses priorités en matière d’urbanisme. En fait, Morched Chebbi a expliqué dans son ouvrage l’état de d’urbanisation en Tunisie ; l’urbain a suivi deux formes d’organisation : ou bien passant par un processus 49
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
d’urbanisation ou bien par une politique urbaine. Pour l’habitat, l’aube de l’indépendance a marqué le passage du gourbiville à l’habitat clandestin 73 (Chabbi M. , 2012). Vers les années 1960, de nouvelle politique d’aménagement ont été instaurées pour résoudre plusieurs problèmes de sous-développement (trace du régime colonial) comme l’a nommé Jalel Abdelkefi « l’explosion urbaine : avatar du sousdéveloppement ». Ainsi, de la colonisation à la tunisification, le souci d’urbaniser été toujours présent. Vers le nord de la médina, le Commissariat à la Reconstruction au Logement (CRL) a pris l’initiative de créer le quartier d’El Menzah dans une politique de conquête des terres des collines. Sur l’échelle spatiale, P.A. Barthel explique un autre style de construction naissant en arrière de la Medina, de nouveaux quartiers non règlementaires se sont poussés. Les géographes urbains, en parlent du phénomène de conurbation, simulent ainsi les masses urbaines aux champignons qui caractérisent l’émergence des constructions spontanées là ou l’espace urbain physique devient insaisissable74 (Barthel P. A., 2003). A la fin de cette période, il y a eu un changement suite à une forte crise. A partir des années quatre-vingt, la nouvelle politique tend vers l’ouverture économique et l’intégration
mondiale. L’investissement
étranger et le développement des
équipements a annoncé de nouvelles réflexions sur l’aménagement du territoire vers les années quatre-vingt-dix. Les prémices de décentralisation du pouvoir de l’Etat et de déconcentration ont connu plusieurs difficultés (pour les communes, l’informel et l’intercommunal) dans la recherche de développement régional équilibré privilégiant de nouveaux moteurs économiques : l'appareil productif touristique et industriel.
73
« Urbanisation et politiques urbaines dans le grand Tunis », Morched Chebbi, 2012 « Faire la ville au bord de l’eau, les lacs de Tunis : des marges urbaines à des sites de très grands projets d'aménagement » Pierre Arnaud Barthel, 2003, P. 25-29 74
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Mais, la prolifération de l’habitat informel aux alentours des grandes villes, au dépit des terres agricoles et des zones non aedificante, a fait appel à la politique d’aménagement et de décentralisation. D’où, l’Etat s’est détaché petit à petit de ses taches de création d’emploi et de production de l’habitat, avec une absence quasi-totale des politiques d’habitat social, à la faveur du secteur privé (entreprises et promoteurs). Ainsi, s’est remarqué l’étalement de l’auto-construit informel comme conséquence des politiques publiques qui excluent les couches sociales précaires durant le règne de Bourguiba et de ben Ali75 (Chabbi M. , 2012).
Figure 6: le paysage urbain auto-construit, source « La sebkha Sijoumi : Un renouveau ? » par Aïcha Fourati
Le laisser faire n’a pas eu seulement d’impact sur le paysage urbain des quartiers spontanées, mais aussi sur la qualité de vie et la relation de la ville avec ses périphéries et ses plans d’eau qui se caractérise par la rupture et la disparité socio-spatiale. 1.3.2. Politique urbaine en rapport avec le développement
L’analyse du fait urbain à Tunis fait ressortir trois phases (périodes) concernant les politiques urbaines. Cette périodisation a suivi plusieurs critères. La première période s’étale de l’indépendance vers 1969 et se caractérise par la construction de l’Etat (période de transition), une deuxième de 1970 à 1989, marquée par un vrai redéploiement des politiques urbaines et la dernière phase dès les années 1990 qui marque l’engagement de l’Etat dans une vraie politique d’habitat en termes de réhabilitation
des quartiers
et
de construction
des logements
(Chebbi M. , 1986).
75 76
« Urbanisation et politiques urbaines dans le grand Tunis », Morched Chebbi, 2012 « Une nouvelle forme d'urbanisation à Tunis, l'habitat spontané péri -urbain », Morched Chebbi, 1986,
51
sociaux76 .
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
Pour la première période, elle s’est marquée par l’absence de vraies politiques urbaines. La politique d’organisation du territoire, comme l’avait définie Najem Dhaher77 comme étant « une manière de mettre en œuvre, dans une situation donnée, la stratégie de transformation sociale conceptualisée dans un modèle de développement », reste toujours liée et issue de la situation économique. On commence à en parler réellement durant les années soixante sans avoir encore établi concrètement un document ou programme planifié. Durant cette période post coloniale, les premières trente ans ont été consacrés à la résolution de la discordance entre l’Etat et son territoire et la disparité socio-spatiale (emprunte des colons)78 (Dhaher N. , 2010). Le premier document de l’Etat qui sert à l’organisation sociale et la planification économique ‘Perspectives décennales de développement’, a été élaboré en 1961. La nouvelle politique a visé le réglage de déséquilibre et de dysfonctionnement du territoire pour une meilleure planification socio-économique. D’autres outils ont été mobilisés, entre autres le découpage administratif en vue de multiplication des collectivités locales et d’amélioration du services administratifs de planification et d’équipement. Cette première période est marquée aussi par des actions de d égourbification et de réhabilitation (divers politiques d’éradication des gourbis). Vers les années soixante, des décisions de l’Etat ont été prise en vue de démolir certains quartiers en totalité ou en partie (BouRjel, Borj Ali Raies, partie de Mellassine) dans le cadre de réhabilitation à base de dégourbification. L’Etat tunisien se présente ainsi comme le premier et l’unique intervenant dans la politique de logement. (Belhedi, A.1979). De ce fait, pour encourager et pousser les habitants des gourbi-villes à améliorer leurs abris, les pouvoirs publics font passer la propriété du terrain par achat ou par octroi pour faciliter l’opération du logement en dur puisqu’il s’est avéré difficile de résorber la totalité des gourbis. Dans d’autre cas, l’Etat a opté pour le recasement de la population précaire après une destruction violente des gourbis à terre, comme c’était le cas de gourbi de Borgel (sur les berges de la lagune de Tunis). Cette action s’inclue dans la politique d’éradication des gourbis de 1957.
77 78
Urbaniste enseignant à l’ENAU « L’aménagement du territoire tunisien : 50 ans de politiques à l’épreuve de la mondialisation » Najem Dhaher, 2010,
52
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
Pour la Saïda Manoubia, sa dégourbification et sa réhabilitation ont été impulsées par la Banque Mondiale vers les années 1970.
Figure 7 : Evolution du quartier de Saïda Manoubia
source : Groupe Huit, projet de réhabilitation du Quartier de Saida Manoubia, District de Tunis
Suite à l’évolution très rapide de production de l’habitat, le faubourg arrive à s’accoler avec la sebkha de Sijoumi sur des terres inondables. La croissance de ce faubourg est justifiée par la proximité de la capitale et le fait d’abriter les travailleurs séduits par l’invasion des activités industrielles (entreprises
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Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
industrielles, briqueterie, carrière, …) là où les familles louaient des terres non immatriculées, squattées par la suite79 . (Sebag, Ben Salem, Claudian, & Taïeb, 1960). Pour la sebkha de l’Ariana, dans une situation très éloignée du Tunis, elle a gardé sa vocation agricole intacte jusqu’aux années 1970, mais ses berges ont commencé à absorber des vagues d’urbanisation spontanée (voire des cités entières à caractère informel). Ce qui caractérise cette forme d’urbanisation informelle, c’est qu’elle n’a pas été produite seulement par des couches populaires, mais aussi par des couches aisées avec des constructions de standing (des installations hôtelières sur la frange littorales tournant vers la mer). L’étude de Ali Zribi80 portait sur le phénomène de dégourbification des alentours de la Medina, il voyait que Bourguiba, après l’indépendance, a considéré les bidons villes comme des stigmates de l’urbanisme d’où il a procédé à la dégourbification : les quartiers auto-construits furent les noyaux les plus salubres autours de la Medina et ont constitué des bassins de drogues, de prostitution, de délinquance et de violence. Une lutte armée a eu lieu et même des morts furent tombés durant ce combat. Il s’est avéré par la suite que la violence n’apporte aucun résultat, ainsi l’Etat, d’une manière plus douce et pacifique, a cessé d’agir pour plusieurs raisons en passant les yeux fermés devant l’étalement urbain incontrôlé (Zribi. A,.1991). Donc, malgré le processus d’éradication, l’incapacité de l’Etat à satisfaire les demandes des différentes catégories sociales, en termes de logement, a été remarquée. Pour la 2ème période, depuis les années 1970, des actions et des politiques urbaines ont été mobilisées, elle a été marquée par l’instauration de plusieurs institutions publiques impliquées dans la politique urbaine81 . Cette période, selon Morched Chebbi, concernant les politiques urbaines, s’étale de 1970 à 1989, marquée par un vrai redéploiement des politiques urbaines simultanément avec un aménagement institutionnel82 (Miossec & Signoles, 1984). De ce fait, après 1975, il y a eu une instauration de nouvelle politique d’équipement qui s’est basée sur la rénovation de la zone centrale de la capitale et la gestion du
79
« Un faubourg de Tunis : Saïda Manoubia, Publications de la Faculté des Lettres de Tunis, Pari », Sebag, Paul ; Ben Salem, M ; Claudian, J ; Taïeb, H, 1960 80 Architecte sociologue à L’ENAU 81 « ‘Dynamique de l'habitat spontané face aux politiques urbaines’ thèse de doctorat » Ali Zribi, 1991 82 « Les politiques urbaines en Tunisie » Miossec, J. M ; Signoles, Pierre, 1984
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Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
disfonctionnement au niveau de plusieurs zones périurbaines ; vicissitude de la politique d’aménagement. Quant aux administrations publiques chargées de l’application de ces différentes politiques, cette période a été marquée par la création de la première institution : la SNIT : société Nationale Immobilière de Tunisie, chargée de financier et réaliser des projets d'habitat destinés aux différentes couches sociales (essentiellement les couches diminuées). Vers une date plus récente, la création de l’agence foncière de l’habitat AFH en 1973 a été suivi par l’insaturation d’une nouvelle politique de l’Habitat en 1975, aussi bien la création de l’agence foncière de l’industrie AFI et l’agence foncière touristique AFT en même année 1973. La création de nouvelles institutions est toujours dictée par le gonflement de la population et l’expansion illégale des quartiers. Le changement de la régime politique, de décideurs et de stratégies concernant le territoire, a mené à bien la classification des terres et des biens fonciers entre habous et fermes coloniales pour freiner le phénomène de l’exode et de l’accaparement. A l’échelle urbaine, l’Etat a opté pour la décentralisation de son pouvoir vers les années 1978 à travers la création des administrations publiques pour la planification, la réhabilitation et le recasement. La création de l’agence de réhabilitation et de rénovation urbaine l’ARRU en 1981 a été résultante de la sur-densification urbaine dont la tâche consiste à identifier et résoudre les besoins nationaux dans le domaine de la réhabilitation et de la rénovation urbaine. Dans cette perspective de loger et améliorer l’abri, la politique de réhabilitation a été soutenue par l’ARRU. Quelques opérations ont été appliquées ayant comme finalité la réinsertion des quartiers dans le tissu urbain et les doter des équipements primaires (réhabilitation de Saïda Manoubia et de Djebel L’Ahmar, …)83 . (Chebbi, 1986). Habitat spontané et gourbi-villes représentent les aspects critiques de la crise de logement qui n’était pas résolu par les opérations des pouvoirs publics, mais génèrent un gaspillage d’étendue des terres agricoles sur le plan spatial. Sur le plan paysager, l’aspect agraire est presque perdu devant l’envahissement des quartiers à l’horizontale
83
« Une nouvelle forme d'urbanisation à Tunis, l'habitat spontané péri-urbain », Morched Chebbi, 1986
55
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
permettant d’arriver à des zones périurbaines évoquant un conflit entre urbanisation et agriculture. Le tableau ci-dessous, que nous empruntons de l’étude de Morched Chebbi, d e la part de J.M. Miossec et P. Signoles, nous montre sommairement les différents textes et institutions en relation avec les politiques urbaines :
Années 1970
Textes Plan
Instituions
national d’aménagement du
Comité interministériel de l’aménagement du
territoire
territoire
1972
Districts urbains
District de Tunis
1973
Agences foncières
Agence foncière de l’habitat AFH Agence foncière touristique AFT Agence foncière industrielle AFI Caisse nationale d’épargne logement CNEL
Epargne-logement 1974
Promotion immobilière
1976
*Autorisation de bâtir *Loi concernant l’expropriation
1977
Financement
et
promotion
du
logement social
*Fonds de promotions des logements s pour salariés *Société de promotion des logements sociaux
1979
Code de l’urbanisme
*Sociétés immobilières privées *Plan directeur d’urbanisme PDU *Plan d’aménagement urbain PAU *Plan d’aménagement de détail PAD
1981
Réhabilitation de l’habitat informel
Agence de réhabilitation et de rénovation urbaine ARRU
En fait, l’AFH a introduit une nouvelle politique habitante à travers la mobilisation du sol. De ce fait, un plan régional a été établi pour gérer l’habitat spontanée péri-urbain. Pour les berges de Sijoumi, à caractère agricole comme activité originelle, le chantier continu depuis des dizaines d’années, en fonction d’évolution de ménages et de leurs besoins, persiste sous forme d’un étalement spatial de masse, posant des problèmes de salubrité, d’hygiène, de sécurité et un disfonctionnement socio-urbain (transport, paysage, qualité de vie, …). La partie ouest des berges de Sijoumi fut l’espace périurbain de l’agglomération tunisoise rurale occupant l’arrière-pays agricole de la 56
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
ville (dont l’activité initiale consiste à développer les cultures de vignes et d’olives). Auparavant, Fouchana et Mohamadia fut les deux quartiers agricoles qui participaient à l’approvisionnement des produits agricoles de la Médina et du grand Tunis, ainsi que l’Ariana, Mornaguiya et les villages de la basse Medjerda, mais graduellement, ces zones sont devenues des bassins urbains. Toutefois, aucune opération publique n’a envisagé d’y intervenir encore moins les concasser. L’évolution de l’habitat précaire a été connu par un passage de gourbiville (construction en matériaux rudimentaires par des occupants d’originale rurale) à des constructions non règlementaires installées sur les périphéries de la ville. (Chebbi, 1986) (Barthel P. A., 2003). Une nouvelle forme de territorialité fut née, constituée d’un néo citadin qui intervient par abondance dans la fabrication du territoire, aussi bien l’impact de changement de politique économique et de pouvoir sur l’urbanisation nous a mené à déduire que l’urbanisation est déterminée par l’économie84 . Pour la 3ème période, l’Etat s’est engagé dans une vraie politique d’habitat par la réhabilitation des quartiers et la construction des logements sociaux (Zribi, 1991). Le CATU a diffusé les premiers mots pour la lutte contre cette forme d’urbanisation (quartiers non règlementaires) en 1994. Plusieurs programmes d’intégration et de rénovation urbaines ont été mobilisés. Le choix des quartiers a été fait par sélection et suivant plusieurs critères dont le plus important est le degré de précarité. Moyennement réussie, cette réhabilitation a garanti l’amélioration d’une qualité de vie d’une population solvable. Toutefois, l’Etat, à travers les programmes de l’ARRU, basés sur le fait de sélectionner quelques quartiers et laisser faire l’autoproduit pour d’autres, a intervenu dans le gonflement de masse des quartiers non réglementaires, à l’ombre, qui sont devenu de plus en plus difficiles à maitriser et gérer. Mais, face à l’ouverture du champ du clandestin, le rythme croissant de l’habitat auto-produit devient très accéléré. Le processus d’accaparement foncier par les ‘lotisseurs clandestins’ a permis les couches populaires de recourir massivement à une forme informelle pour avoir son habitat, face à la politique d’habitat de l’Etat qui a favorisé
84
« Faire la ville au bord de l’eau, les lacs de Tunis : des marges urbaines à des sites de très grands projets d'aménagement » Pierre Arnaud Barthel, 2003, P. 39-42
57
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
les classes moyennes en matière d’accès aux logement (hypothèse soutenue et analysée par M Chebbi). La crise de l’Etat providence et du modèle keynésien 85 ont été l’origine de naissance d’autres mouvements qui cherchent à la fois la structuration et la libéralisation de l’économie en se référant au désengagement de l’Etat. Mustapha ben Letaief86 ,dans son ouvrage, a traité la distribution des rôles entre le secteur public et le secteur privé durant le milieu des années 198087 (Ben Letaief, 2008). Alors, les politiques urbaines peuvent-elles assurer le développement du territoire national et régional dans un processus de mondialisation ? Quelle retombée du changement de la politique gouvernante sur les politiques urbaines ? L’établissement du premier schéma national d’aménagement du territoire et des schémas régionaux a été vers les années 1985. Mais le changement du décideur politique a impacté directement les politiques nationales d’aménagement. En fait, L’Etat tunisien s’est appuyé sur l’ajustement libéral dans une vision de globalisation qui va impacter le tissu urbain et la nature de la politique urbaine qui en découle. Donc les villes tunisiennes vont être mises à niveau selon la nouvelle politique basée sur le désengagement de l’Etat. Mais l’implication de l’économie tunisienne dans l’économie mondiale a dû être basée sur un territoire compétitif et un tissu urbain performant. D’où l’état est passé vers un autre modèle : la rationalité managériale qui favorise les valeurs de l’entreprise face aux actions publiques, encourageant la productivité et la compétitivité des villes et des régions, ou le mod èle de recherche d’équité sociale et régionale parait traditionnel et non rentable (Bounouh A. , 1998). 1.4. Introduction d’une politique de développement durable de 1994 à 2003 1.4.1. Evolution des politiques urbaines et mobilisation des projets
L’intervalle des grands projets et schémas directeurs, selon Morched Chebbi, s’étale sur la période 1990-2005. Cette période introduisait des textes législatifs et réglementaires, des organisations non gouvernementales ONG, des associations et des 85
Fondée par l'économiste britannique John Maynard Keynes, là où l’état joue un rôle important dans les domaines économiques pour pallier les défaillances de l’économie 86 Docteur en droit publique et professeur à la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis 87 « Les politiques urbaines en Tunisie, Quelques réflexions sur les mutations d’une action publique post-keynésienne » Métropoles, Aménagement urbain et transition post-keynésienne, Ben Letaief, Mustapha, 2008
58
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approches participatives. Commençant par la divulgation du CATU en 1994, puis venait la mise en circulation de l’étude du SDATN en 1994 (schéma directeur d’aménagement du territoire national). Par la suite le lancement de l’étude du schéma directeur d’aménagement du Grand Tunis. L’élaboration d’un nombre important de plans d’urbanisme auprès des communes a été entre 1993 et 2000 avec un nombre qui dépasse les 150 plans. En fait, 1991 et 1995 sont deux dates marquantes pour l’environnement qui correspondent respectivement à la création du ministère de l’environnement et l’agence de protection et d’aménagement du littoral APAL. Par ailleurs, l’Etat passe au désengagement progressif en termes de production, de financement de l’habitat et d’attribution aux communes la tâche d’élaboration des plans d’urbanisme. Ce désengagement a été à la faveur du secteur privé qui a été marqué par la réalisation de grands projets et opérations urbaines ; réaménagement de l’Avenue Habib Bourguiba 2001, le lotissement des berges du lac nord et l’aménagement du lac Sud (dragage et reconstitution). Toutefois, les opérations urbaines d’envergure, restent toujours réservées à l’Etat : l’aménagement routier ; extension du métro léger et nouvelles opérations en termes de branchement et mobilité urbaine. Revenant au cas des berges de Sijoumi, l’inondation spatiale (problèmes d’aménagement urbain) reste encore accompagnée d’un naufrage social ; une population fragile occupant une architecture de survie dans une zone considérée sensible (berges humides). 1.4.2. Urbanisme de masse et réaction de l’Etat
Les retombées de la mondialisation ont affecté les politiques urbaines sur Tunis, essentiellement l’intérêt accordé à la réhabilitation qui a été déclenché par l’Etat depuis les années quatre-vingt. D’où l’engagement de l’Etat dans un programme national de réhabilitation des quartier populaires (PNRQP) ; cet engagement a été une réponse aux différentes tensions sociales dans les périphéries urbaines majoritairement sous forme de quartiers informels ou manquaient les nécessités élémentaires de vie (électricité, eau, assainissement, branchement ONAS, etc.). D’où la création d’autres institutions publiques chargées dans la résolution de ces types de problèmes urbains.
59
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
En contrepartie, des problèmes d’ordre socio-urbain sont de plus en plus flagrants. L’intervention du secteur privé et le morcellement des habous ont induit l’augmentation du niveau d’accès à la propriété. Le district de Tunis est en pleine explosion démographique. On parle de la ville double voire triple avec un déclenchement des risques d’ordre environnemental et un taux ascendant de pollution88 (Abdelkefi J. , 2013). Ce genre de problèmes a été évoqué essentiellement sur les rives des deux sebkhas de Tunis (celles de l’Ariana et de Sijoumi). Quant à la lagune de Tunis, elle a connu une nouvelle forme d’urbanisation. En fait, l’urbanisme de masse a pris un rythme ascendant avec l’arrivée des investisseurs émirats vers les années 2000. Les berges du lac de Tunis ont joui d’une urbanisation de très haut standing (l’urbain à l’occidental) dans le cadre d’un très grand projet d’aménagement dirigé par la SPLT, sachant que cette opération a été précédé par le remblaiement de 1000 hectares du plan d’eau dans le cadre de réconciliation de la ville avec son plan d’eau et le gain foncier. En effet, la grande opération du lac de Tunis et le déclassement des terres agricoles de la sebkha de l’Ariana ont mené la ville vers la règlementation. Pour la sebkha de Sijoumi, contrairement aux deux autres sebkhas, l’habitat informel continue son expansion et extension au détriment des terres agricoles et du DPH 89 . Pour ses rives, délaissées sans aménagement ni planification, les propriétaires clandestins continuent à construire et vendre hâtivement en morcelant des terres agricoles. Les habitations se rapprochent de plus en plus du plan d’eau et la catastrophe a eu lieu ; les inondations de 2003 ont induit à la suralimentation de la sebkha, la hausse du niveau de la nappe phréatique et le débordement de l’eau, et c’est dû au bétonnage des surfaces (auparavant absorbantes des eaux pluviale) et l’arrachement des végétations riveraines. Donc on peut déduire, outre l’aspect anarchique des habitations, l’absence des équipements, de branchement, de raccordement aux réseaux et à l’eaux, accompagnés des catastrophes naturelles, ces aspects ont rendu la population riveraine de plus en
88 89
« La réponse de l’État au processus d’urbanisation » Jalel Abdelkefi, 2013 Domaine public hydraulique
60
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
plus précaire. La fabrication urbaine à ce stade a déclenché un état d’urgence où plusieurs actions d’assainissement local et d’intervention de la part des ad ministrations publiques ont eu lieu, le volet environnemental est en question. Pour d’autres politiques urbaines influencées par la mondialisation, Morched Chebbi a cité la planification urbaine communautaire et l’introduction de l’axe environnemental dans les actions de préservation et d’aménagement, finissant par la création du ministère de l’environnement en 1993. Toutefois, l’implantation de la zone industrielle d’El Mghira été problématique : d’un côté elle fut un obstacle physique devant la prolifération de l’habitat anarchique, et d’un autre côté, elle fut construite dans le domaine public hydraulique (problèmes d’ordre environnemental). Pour conclure, cette période marque deux différents positionnements envers les trois plans d’eau : une conciliation de la ville avec la lagune de Tunis contre le rejet et la rupture de communication règlementaire avec les deux sebkhas, seuls les quartiers informels faisaient l’affaire, ayant des retombées péjoratives sur le cadre naturel et la population. 1.5. Confirmation des nouveaux enjeux de développement de la métropole et de préservation de l’environnement de 2003 jusqu’aux nos jours « De la liberté d’expression à la liberté de construction » 1.5.1. Aléas naturels et politiques
Cette période est marquée par des aléas d’ordre naturel (inondations, sècheresses) et politique (révolution de 2011). Pour les aléas d’ordre naturels, les inondations de 2003 et de 2005 ont déclenché l’alarme de danger et poussé les autorités à bouger pour intervenir, assainir et planifier ; ces actions d’intervention ont été multiples quoique l’étalement urbain fut toujours accéléré. L’année 2011 marquée par la révolution, ou également la crise politique fondée sur des mouvements sociaux, a enregistré des mutations spatiales et urbaines très importantes. Sur le plan urbain, cette année est marquée par la liberté d’expression, d’esprit et plus loin : la liberté de construire partout.
61
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
La prolifération de l’anarchique a dépassé les limites de la ville, les zones de risques et la propriété publique. Ainsi, la rapidité de la poussée de l’informel est remarquée. De ce fait, cette période, la plus récente, est marquée par de nouveaux enjeux qui déterminent de nouveaux rapports du Grand Tunis avec ses plans d’eau dans un territoire postrévolutionnaire quasi fragile (instabilité politique). Parmi ces nouveaux enjeux, on peut citer la signature de la convention Ramsar, le souci environnemental s’est manifesté, des administrations publiques chargées de la protection de l’environnement comme L’ANPE, outre l’invasion des associations et des organisations nationales et internationales promettent d’un nouvel avenir pour le cadre de vie et son milieu naturel. D’autre enjeux apparaissent comme l’implication des associations et des ONG dans les politiques d’aménagement et d’influenciation (de nouveaux intérêts accordés aux zones humides). 1.5.2 Etat actuel entre développement (durable) et actions (assainissement et investissement)
Les activités anthropiques apportées sur les différents plans d’eau de Tunis ont été à différents degrés et échelles. Le bilan hydraulique ci-dessous montre comment ces actions puissent intervenir dans la protection ou la fragilisation du plan d’eau (affecter la qualité de ses eaux à travers la pollution, comme le cas de la zone humide Sijoumi)90 (Thabet & Souayed, 2003).
90
« Mise en place d'un système d'informations géographiques pour le réseau d'assainissement de la zone sidi Hssine Sijoumi (2003-2004) » Thabet Walid ; Souayed Naceur, 2003
62
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
Lac nord
Lac Sud
Sebkha Ariana
Sebkha Sijoumi
2800 km²
1300 km²
3500 km²
2800 km²
Ancien état (avant l’urbanisation)
Absorption des eaux des égouts de la Medina
Faisant partie de la lagune de Tunis
Sebkha à forte salinité, cadre naturel brut
Sebkha a faible salinité, cadre naturel brut
Nouvel état (après l’urbanisation)
Plan d’eau assaini, berges aménagées
Absorption de eaux usées industrielles par le canal de Radès
Eaux usées ménagères et eaux issues des stations d'épuration
Eaux usées d’industrielles et ménagères, eaux vannes et déchets solides
Superficie
Figure 8 : bilan hydraulique des trois plans d’eau en relation avec la ville de Tunis
Malgré que l’eau présente une source vitale pour l’être vivant, mais sur le plan urbain, et en cas de fragilité de rapport avec la zone humide, l’eau devient une menace voire une malédiction. Pour le développement durable, il est introduit comme clé de planification introduisant l’enjeu environnemental ; c’est à travers la création de la direction générale du Développement Durable en 200691 , au sein du ministère de l’environnement, chargée d’impliquer les volets économique et écologique dans la planification et les projets, ainsi que promouvoir le développement durable comme moyens de développement,
91
Source : site officiel du ministère de l’environnement
63
Chap1 : Evolution de Tunis au grès de ses trois plans d’eau
de protection de l’environnement et d’amélioration du cadre de vie (site officiel du ministère del’environnement, s.d.) Synthèse 1 En guise de conclusion, on peut confirmer que l’urbanisation du grand Tunis n’a pas cesser de se développer depuis l’aube de l’indépendance avec un rythme accéléré (macrocéphalie de la capitale). Alors, la morphologie de Tunis a été dictée par ses trois plans d’eau au départ, mais les orientations d’aménagement de ce tissu changeaient avec le changement du pouvoir et des décideurs. En fait, ces plans d’eaux sont liés directement à l’urbanisation formelle et/ou informelle. Chronologiquement parlant, au premier lieu, la lagune de Tunis a constitué un dépotoir des ordures ménagères et réceptacle des eaux usées de la Medina, le moment où les deux sebkhas ont été intactes dans leur cadre physique brut. Par la suite, la sebkha de Sijoumi et celle de Raoued ont commencé à absorber des masses démographiques occupant leurs berges (avec une date un peu tardive pour le cas de sebkhet Raoued) contre le début des travaux d’assainissement de la lagune de Tunis. Pour arriver finalement à évoquer trois relations distinctes qui relient la vile et ses trois plans d’eau : pour le lac de Tunis, l’urbanisation actuelle sur ses fronts est de haut standing d’où la réconciliation avec le plan aquatique est très bien établie (basée sur l’aménagement et l’assainissement). Pour la sebkha de l’Ariana, elle connecte les deux types d’urbanisation : l’anarchique et le haut standing à base des services touristiques avec une étude d’aménagement et d’assainissement en phase avancée mais attardé par les procédures administratives. Dernièrement, pour la sebkha de Sijoumi, la relation entre le tissu urbain et le plan d’eau est très conflictuelle voire basée sur la rupture, le bassin d’eau est devenu un dépotoir, une grande poubelle urbaine de la zone avec un écosystème de plus en plus fragilisé. Ces trois plans d’eau, bien qu’ils soient traités différemment, mais historiquement l’installation du colon et l’avènement de l’industrie ont bouleversé le contexte et changé le paradigme en termes d’emploi et de développement. Finalement, je voie que ce n’est pas une relation d’exclusion ou de rejet mais plutôt une relation d’exploitation vu que les trois plans d’eau ont passée certainement par le processus d’absorption des eaux usées, dans l’espoir que l’avenir des deux sebkhas soit le même que celui du lac de Tunis. 64
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
CHAPITRE 2. LE PLAN D’EAU DE LA SEBKHA DE SIJOUMI : CADRE PHYSIQUE, ENVIRONNEMENTAL ET INSTITUTIONNEL
« Lorsqu’un groupe est inséré dans une partie de l’espace, il la transforme en image, … Il s’enferme dans le cadre qu’il a construit » Maurice Halbwacks, 1950
Généralement, les zones humides et les dépressions fermées disposent des spécificités environnementales atypique ; des écosystèmes très spécifiques, parfois se caractérisant par une fragilité distinguée d’ordre naturel (due aux changements climatiques comme la sècheresse et la hausse du niveau de la nappe phréatique) ou liée à l’action anthropique ; c’est le cas des zones humides urbaines jouxtant des agglomérations urbaines. Par la suite, au niveau de cette partie, en supposant que ce site est déjà fragile, Ce chapitre va porter sur l’étude du cadre physique de la sebkha pour prouver si l’instabilité du milieu est due à sa nature spécifique comme étant sebkha endoréique à eau stagnante ou bien ce sont des facteurs exogènes qui ont eu des retombées sur la zone humide (avec l’avènement de l’urbanisation). Donc pour commencer, quel est l’état du plan d’eau et ses berges avant l’installation des premiers noyaux urbain ? L’installation d’une masse démographique sur les berges de la zone humide a-t-il un impact direct ou indirecte sur la vulnérabilité de la zone ?
65
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
2.1. Cadre physique de la sebkha 2.1.1. Données géographiques
2.1.1.1. Géographie et spécificités de la zone Le bassin versant de Sijoumi fait les 230 km². La sebkha est située à une altitude entre 7 et 10 NGT, mais durant les saisons pluviales, ses eaux peuvent déborder et dépasser les 10 NGT en temps des crues92 . (Guelmami, 2020) Cette dépression
sub-littorale
et périurbaine
jouxtant la capitale est un bassin endoréique
Figure 9 : la sebkha et son bassin versant source : (Guelmami, 2020)
alimenté par les eaux de ruissellement issues globalement de l’oued Gueriana et l’oued ElMelah. Autrefois, ses berges présentaient des terres agricoles autour d’un plan d’eau, mais aujourd’hui les abords sont à majorité urbanisés évacuant des eaux ménagères et industrielles dans le plan d’eau considéré comme réceptacle. Tamponnant la plupart des écoulements, les eaux de la sebkha sont des eaux douces à saumâtres. (Chouari W. , 2013). Géographiquement parlant, cette sebkha se situe au sud-ouest de la ville de Tunis et se rattache administrativement aux gouvernorats de Tunis (deux tiers des berges) et de Ben Arous (un tier des berges). La capacité de ce bassin peut comprendre les 20 Mm3, la sebkha présente des épisodes sèches (évaporation et cristallisation des sels durant la saison estivale) et des épisodes humides (saison hivernale). D’où son caractère attractif envers les oiseaux aquatiques et son couvert végétal à arbre ripisylves. Ce sont les vents qui assurent le mouvement de l’eau d’un coté à autre du lac 93 . (Ramsar F. , 2007). Ce rythme naturel a connu aujourd’hui plusieurs perturbations suite à l’anthropisation massive et accélérée de ses berges. En fait, son emplacement géographique (à proximité du centre-ville) a favorisé l’installation des constructions non règlementaires
« Sebkhet Sejoumi et son Bassin Versant (Tunisie) : Un Territoire en Mouvement, Analyse des dynamiques spatiotemporelles des superficies en eau libre et de l’occupation du sol entre 1987 et 2018 » Anis Guelmami 2020 93 Source : Catégories approuvées dans la Recommandation de la Conférence des Parties contractantes janvier 92
2007, Ramsar + Direction Générale des Forêts (DGF) + Ministère de l’Agriculture et des Ressources Hydrauliques
66
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
sur ses rives. De ce fait, cette zone rencontre plusieurs problèmes observés même à l’œil nu en passant auprès de la zone, accentuées par la pollution. Les rives de la sebkha se caractérisent par une topographie particulièrement plane. La pente au nord et à l’ouest ne dépasse pas les 4% et peut atteindre les 10% à l’est et au sud. La sebkha s’est trouvée bordée par une topographie de basses plaines qui se raccordent à des crêtes peu élevées comme Jbal Nahli au nord-est et Jbal Ammar (329m) au nord-ouest, le sud-est se caractérise par des collines peu surbaissées dominant le fond de la sebkha94 . (Ben Ghazi & Abdellaoui, 2020). Cette planitude at-elle favorisé l’installation de l’habitat ? 2.1.1.2. Climat Le climat de la zone d’étude est méditerranéen dégradé, contrasté d’un été sec et chaud à un hiver doux voire humide. Pour les précipitations, le régime pluviométrique est irrégulier à caractère torrentiel. La moyenne de précipitation (1950-2013) est aux alentours des 500mm avec des fluctuations saisonnières. La moyenne mensuelle est de l’ordre de 38.86 mm avec une saison estivale très sèche, le mois de juillet est considéré le plus sec avec une moyenne de 3.4mm et le mois le plus arrosé est celui de janvier avec 64mm. Donc, les précipitations dans le bassin versant sont à la fois irrégulières et violentes, surtout pour les pluies automnales favorisant les ruissellements concentrés 95 . Pour la température, elle est adoucie par le passage sur la mer méditerranéenne avec réduction du contraste thermique journalier et saisonnier donnant une température moyenne annuelle de 18°C, avec une moyenne maximale de 30.6°C enregistré au mois d’Août et une moyenne minimale enregistré en Janvier de l’ordre de 6.4°C 96 . La vitesse moyenne de vent est de l’ordre de 5 à 8 m/s avec des roses prédominées par les vents soufflant du secteur Nord/Nord-Ouest en hiver et Sud/Sud-Est en été. Les vents provenant du Sud/Sud-Ouest du printemps à l’automne. Donc, vent et température présentent les deux facteurs constituant une source d’évaporation et contribuant à l’assèchement de la sebkha. (L’INM, station : Tunis).
« L’anthropisation des milieux humides et dégradation de l’environnement en Tunisie » Ben Ghazi, Abdelhamid ; Abdellaoui Hajer, 2020, P 86-124 95 Source : DGRE, station Tunis 96 Source : l’Institut national de Météo, station : Tunis 94
67
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
Pour conclure, les changements climatiques que connait notre ère peuvent constituer des facteurs à influence directe et/ou indirecte des taux et de la qualité d’eau dans le bassin. En fait, la hausse des degrés de la température et le changement des apports pluviométriques vont affecter éventuellement le système de drainage des eaux vers la sebkha. 2.1.2. Bassin versant et hydrologie (cadre abiotique)
La sebkha de Sijoumi est de type R du système Ramsar « lac étendu saisonnier, salé ou saumâtre, qui occupe plus de 90% de la surface du site ». Situé dans la partie la plus basse du bassin versant, la sebkha est contournée de terres presque plates. L’eau de ruissellement est à majorité urbaine, ce qui affecté le coefficient de ruissellement qui s’est élevé à cinq voire six fois qu’auparavant 97 . (Ramsar F. , 2007). 2.1.2.1. Ressources en eaux : Réserves en eaux :
En se référant à l’étude de Walid Chouari, dans le cadre des études de géographie urbaine et de l’environnement portant sur le cadre hydraulique de la zone humide, la sebkha représente un grand réservoir d’eau de surface en forme de cuvette ayant la capacité de stocker une grande quantité d’eau qui peut atteindre les 20 millions de m3 d’eau alimentée par plusieurs affluents dont le plus important est celui de Medjerda. Le bassin versant dispose aussi des ressources souterraines qui se composent des ressources phréatiques renouvelables. Les apports interannuels moyens du bassin sont de l’ordre de 30 millions de m3/ans avec un retour de cinq ans environ 100 millions de m3 pour une centennale98 . (Chouari W. , 2013) (Ramsar F. , 2007).
97
« Fiche descriptives sur les zones humides Ramsar » Ramsar, 2007
98
« Problèmes d'environnement liés à l'urbanisation contemporaine dans le système endoréique d'Essijoumi (Tunisie nordorientale) » Walid Chouari, 2013, P.34-54
68
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
•
Ressources profondes :
Les ressources profondes sont de l’ordre de 0.9millions m3/an à partir de la nappe de Manouba-Fouchana, l’exploitation excessive de cette nappe a exclu la disponibilité des ressources au niveau de cette nappe. Les ressources phréatiques sont de l’ordre de 7.9millions m3/an alimentées par la nappe Manouba-Sijoumi-Fouchana. L’exploitation de cette nappe a enregistré une chute depuis les années 2010 suite à l’urbanisation des terres agricoles et l’abandon des activités d’irrigation. La nappe est alimentée directement par l’infiltration des eaux des écoulements de pluie qui décroissent vers la sebkha de Sijoumi. L’aquifère de la Manouba s’étale sur une superficie de 53km². La nappe de La Manouba est drainée, par l'oued Gueriana, vers le sud-est et la sebkha Sijoumi99 (Pimienta & Guilcher, 1994) (Ben Hadj Ameur, 2009)100 (Chouari W. , 2013). •
Ressources de surface :
Le plan d’eau de la sebkha : un grand réservoir en eau de surface qui peut absorber 20 millions de m3 d’eau. Le canal Medjerda-Cab Bon : un canal à ciel ouvert et avec une longueur totale de 120km, permet de transférer les eaux de la vallée de Medjerda vers le Cap Bon, c’est de l’eau potable exploité par la SONEDE et de l’eau d’irrigation par la CRDA. 2.1.2.2. Géologie Etant donné que géologues et hydrauliciens considèrent les milieux humides en tant qu’espaces naturels les plus riches et précieux en termes de minéraux et de nutritifs quelques soit avec une eau permanente ou intermittente. D’après ‘l’étude géologique de la Tunisie septentrionale’ de Marcel Solignac, une épaisse couche de grès, de sable et d’argile domine aujourd’hui les terres de Tunis noyées en Quartenaire. La cuvette tectonique de Sijoumi, noyée par la mer milazzienne et la mer tyrrhénienne, permet de distinguer les dépôts de ces mers : sable, limons et accumulation lagunaire. Mais, la cuvette a perdu par la suite tout contact avec la mer après le rabaissement du niveau de l’eau du golfe de Tunis pour devenir une ria
99
« Le delta de la Medjerda », Pimienta. J ; Guilcher. André, 1994 « Etude hydrologique de Sebkha Sijoumi », Ben Hadj Ameur, Sihem, 2009, site web sècheresse (http://www.secheresse.info/)
100
69
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
fossile101
possédant un fond majoritairement
argileux.
Deux phénomènes
surgissent aujourd’hui au niveau de la sebkha de Sijoumi : le refuge des eaux de ruissellements hivernales et l’exposition des efflorescence saline au soleil dû à son asséchement totale ou partiel l’été. La nappe phréatique s’alimente ainsi par les sels apportés par les ruissellements et les écoulements102 (Solignac, 1929) (Ramsar F. , 2007). 2.1.2.3. Pédologie En se référant aux revues numériques de la géographie à l’étude de GAMMAR A.M. et CHAOUECH. M et à l’étude de Abdelhamid ben ghazi et Hajer Abdellaoui, le sol du plan d’eau présente des cavités souterraines avec une épaisseur qui peut atteindre quelques mètres. L’apparition de ces cavités est d ue à la présence du gypse (matériau soluble) dans les formations argileuses du pliocène au niveau de la couche du sol en contact direct avec l’eau. Les terrains des berges de la sebkha sont de types argileux très compressible à vaseux et sont toujours exposés au tassement à long terme, essentiellement en présence de l’eau, ce qui rend ces terrains incompatibles à recevoir des fondations, sauf en cas de soumission à une étude et un traitement en préalable (renforcement et amélioration du sol). La surface de ces terrais est toujours exposée au phénomène de fente de dessiccation au niveau de la partie Est de la Sebkha, ce qui peut constituer un aléa important pour les fondations superficielles des constructions avoisinantes. On remarque que les rives de la sebkha se caractérisent par une topographie plane. La pente au nord et à l’ouest ne dépasse pas les 4% et peut atteindre les 10% à l’est et au sud. La sebkha s’est trouvée bordée par une topographie de basses plaines, au niveau de son bassin versant, qui se raccordent à des crêtes peu élevées comme Jbal Nahli au nord-est et Jbal Ammar au nord-ouest, le sud-est se caractérise par des collines peu surbaissées dominant le fond de la sebkha. L’analyse de la carte géologique de la Tunisie montre que les affleurements lithologiques dans la sebkha de Sijoumi sont dominés par des formations tendres et semi tendres. Les formations alluviales 101
argilo-sableuses
d’âge quaternaires
Parties terminales d’anciennes vallées fluviales, lexique de la géologie sédimentaire « Etude géologique de la Tunisie septentrionale, Tunis 1925’, étude faite d’après La carte géologique au 1/200.000ème, feuille Tunis » Solignac, Marcel,1929 *Fiche descriptive sur les zones humides Ramsar, Ramsar 2007 102
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Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
prédominent 103 . (GAMMAR & CHAOUECH, 2003) (Ben Ghazi & Abdellaoui, 2020)104 .
Figure 10 : perméabilité des affleurements source : revu numérique de la géographie
Les sols sont bruns calcaires, rendzines105 , peu évolués et imperméables sur les bases des reliefs ; la couleur rose clair qui domine les berges de Sijoumi évoque une perméabilité faible des sols riverains et les couleurs rouge et rouge de brique désignent respectivement moyenne perméabilité et bonne perméabilité. Pour le caractère chimique, les sols des bordures de la sebkha sont halomorphes 106 , très riches en sel (sodium) et marécageux peu perméables, souvent déconseillés pour la construction.
103
« Dynamique de la végétation et de l'espace sur les rives de la sebkha d'Essijoumi (région de Tunis) » GAMMAR, A.M; CHAOUECH, M, 2003 104 « L’anthropisation des milieux humides et dégradation de l’environnement en Tunisie » Ben Ghazi, Abdelhamid ; Abdellaoui Hajer, 2020, p 84-104 105 Rendzine ou rendosol est un sol peu évolué sur une roche-mère calcaire argileuse, trouvé essentiellement sur les versants calcaires, favorables à l’agriculture, source : type de sols-université de Picardie Jules vernes www.u-picardie.fr 106 Sols halomorphes sont les sols dont l’évolution et les propriétés sont affectées par la présence De fortes quantités de sel, généralement de sodium, source : Encyclopedia Universalis
71
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
2.1.3. Couvert végétal
D’après l’étude de mise en valeur et d’aménagement de la sebkha de Sijoumi, DGSAM, MEHAT, décembre 2015, le pourtour de la sebkha présente une couverture végétale composée de strates des herbacés et de strates des arborés. Ces végétations sont influencées par
plusieurs
facteurs
de
l’intérieur et de l’extérieur de leur milieu tel que les données climatiques,
la
salinité,
l’hydromorphie, la nature du sol, l’arrachage et le déboisement107 , Figure 11 : la sebkha dans son cadre naturel, source : google image
etc. (Barthel P.A ,2003).
On peut classer ce couvert végétal en forêts Ripisylves108 , mosaïque à steppe halophyte et prairies humides, mosaïque à steppe halophyte et prairies inondées et des cultures comme le montre la figure 15. En fait, la formation forestière de la sebkha Sijoumi présente un facteur
écologique
importance
en
d’extrême termes
de
protection des sols, des terres agricoles et de conservation de la biodiversité face à l’érosion. Les plantes forestières sont de type Acacias (vers le nord) formant une ceinture verte, une forêt d’Eucalyptus implantée de 190 hectares (vers le sud-est) et vers le Figure 12 : le couvert végétal, source : carte de l’auteur (données de l’étude de Abdelhamid BEN GHAZI et Hajer ABDELLAOUI
107
« Faire la ville au bord de l’eau, les lacs de Tunis : des marges urbaines à des sites de très grands projets d'aménagement » Pierre Arnaud Barthel, 2003, P.50-55 108
Ripisilve ou rivulaire, issu du latin ; ripa « rive » et silva « forêt » c’est une ‘’forêt riveraine, disposant une biodiversité originale associée aux milieux forestiers tempérés’’, source : Ripisylves : des forêts d’exception ; www.zoom-nature.fr
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Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
sud se trouve le parc d’El Mourouj de 30 hectares. Avec 109 ha de forêts Ripisylves qui suit une formation ligneuse, les arbres sont marqués par une densité de l’ordre de 100 pieds/ha et de hauteur qui arrive à dépasser les 7m.
Figure 13 : la couverture végétale sur les rives de la sebkha+ location de la foret, source : mapcarta.com
Pour la végétation herbacée (flore terrestre), elle s’est répartie spatialement en ceinture et contrôlée par les gradients hydrologiques. Des groupement hydromorphes et halophytes affleurent sur les rives de la sebkha (prairies humides et prairies inondées à steppes halophytes). Vers le sud-ouest, des terres vouées à l’agriculture et servant au pâturage gardant encore le caractère agraire. Elles disposent aussi quelques zones inondables à sol argileux, imperméable, compacte et non salé, ce sont les zones sansouïres ou garaà, avec des végétations clairsemées109 (AAO, 2018) (Bencheikh, 2000) (Bouraoui M. , 2003)110 (DGSAM, 2019)111 .
109
« Sebkhet Séjoumi et son Bassin Versant (Tunisie) : Un Territoire en Mouvement Analyse des dynamiques spatiotemporelles des superficies en eau libre et de l’occupation du sol entre 1987 et 2018 » Association des amis des oiseaux, 2018 110 “L'agriculture urbaine en Tunisie : espace relictuel ou nouvelle composante territoriale, Le cas du Grand Tunis » Moez Bouraoui, 2003, P 50-62 111 « Etude de mise en valeur et d’aménagement de Sebkha Sijoumi DGSAM » DGSAM, 2019
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Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
2.1.4. Faunes
Pour la faune, les oiseaux de l’eau (avifaunes) présentent l’espèce la plus dominante, essentiellement les oiseaux migrateurs comme les canards et le flamand rose (échassiers). La sebkha ainsi présente la destination la plus favorisée pour plusieurs raisons, entre autres, l’abondance de la nourriture dans le plan d’eau et dans les champs avoisinants, la maintenance d’une quantité d’eaux permanente durant les saisons sèches et la
Flamant rose
réception des oiseaux échassiers qui fréquentaient autrefois le lac de Tunis comme refuge (avant son assainissement et l’aménagement de ses côtes). D’autre espèces animales sauvages s’abritent dans les forêts
Aigrette
ripisylves, mais les oiseaux restent l’espèce la plus dominante, essentiellement avec la désignation de la zone comme Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux et de la Nature (ZICO). Foulque
Le fameux oiseau ‘Flamant rose’ est accueilli dans La sebkha de Sijoumi avec une concentration la plus importante dans toute la Tunisie. Pendant la saison hivernale, la sebkha constitue un abri d’hiver pour les canards et les limicoles avec une des concentrations les plus importantes sur le bassin méditerrané orientale (Tadorne de Belon)112 (Ramsar F. , 2007).
112
« Fiche descriptive sur les zones humides Ramsar » Janvier 2007, P 6,7
74
Goéland
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
2.2. Fonctionnement de la zone humide : L’intervention de l’homme au niveau des berges de Sijoumi peut-elle nuire au fonctionnement de cette zone ?
Figure 14 : ancien état des écosystèmes des trois lacs de Tunis, source : Bjock, FNSA Engineering 1995, carte conçue par P.A Barthel
Pour la Tunisie, on considère les zones humides comme des écosystèmes les plus menacés. Ces zones perdent leur vocation comme étant source hydrologique à cause du phénomène d’assèchement. La sebkha de l’Ariana par exemple, longeant la côte du Golfe de Tunis, se caractérise par sa situation stratégique qui lui confère un potentiel de développement pour des différents secteurs d’activités. De ce fait, l’état a délégué à l’APAL la mission d’assainissement et d’aménagement de la zone et ses rives après une étude précise de son cadre, mais les contraintes naturelles et les problèmes liées à 75
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
l’environnement persistent encore malgré que les études soient menés depuis une dizaine d’années. La sebkha de Sijoumi, le seul lac endoréique fermé des trois lacs du grand Tunis, est connue par la diversité et la dominance des populations d’oiseaux dans les inventaires des zones humides depuis une quarantaine d’année; une zone humide à importance internationale (classé site Ramsar), Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux et de la Nature (ZICO) (classement par BirdLife), site TN 010 (Fishpool & Evans 2001), et Zone Clé pour la Biodiversité (ZCB), elle est aussi classée le quatrième site en termes d’importance pour l’hivernage des oiseaux d’eau en Afrique du nord . L’été, la zone devient très attractive pour l’avifaune aquatique nicheuse (Ramsar R. , 2018). Pour le système de fonctionnement d la zone humide, on se basant sur l’étude113 des deux géographes urbain Abdelhamid ben Ghazi et Hajer Abdellaoui dans leur revenu numérique de géographie, les zones humides présentent des sites particuliers. Elles sont indispensables dans le fonctionnement de l’environnement, de l’écosystème et des nappes souterraines. D’autres études ont été menées sur les zones humides et ont montré l’importance de ces zones dans la durabilité. En fait, la productivité végétale ici entraine une accumulation de matière organique et la diversité de la faune et de la flore. Elles sont généralement liées aux changements climatiques, essentiellement dans les saisons les plus sèches où quelques zones humides arrivent à disparaitre. Toutefois, Les activités humaines pourrait intervenir dans la dégradation de ces zones en vue d’intensification des activités agricoles et d’urbanisation de ses rives, outre la pollution qui constitue l’ultime menace pour ces zones. La sebkha de Sijoumi est un écosystème particulier dans son fonctionnement en pleine agglomération urbaine, cette dépression est alimentée par des eaux de ruissèlement, des eaux usées et des écoulements souterrains qui convergeant vers elle. Au centre de la sebkha, la côte piézométrique de la nappe sous-jacente est à environ +5.00m NGT. Pour le cadre abiotique : eau, sel et minéraux, à part l’étude de l’hydrologie de la sebkha ci-dessus, la formation d’un écosystème bactérien est observée depuis un
113
The anthropisation of wetlands and environmental degradation in northern Tunisia. The case of Sébkhat Séjoumi watershed’, source web: Géographie cinq continents.
76
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
cinquantenaire d’années sur les berges et au niveau du plan d’eau à partir des eaux de rejets hydriques et des ordures solides. Cette colonie bactérienne a-t-elle affecté le cadre (réseau hydraulique superficiel et profond, cadre naturel) et intervenu dans la vulnérabilité du milieu si elle s’expose ? Conclusion : On remarque que le cadre naturel de la sebkha de Sijoumi est en relation indirecte avec les deux autres plans d’eau de Tunis ; avant l’étalement de la ville et l’explosion démographie qu’elle a connue, les oiseux partageaient les trois lacs, mais après l’urbanisation, la dynamique écologique est en mutation. Malgré que la plupart des oiseaux migrent vers la sebkha de Sijoumi, la pollution de son bassin reste encore une menace pour l’écologie. 2.3. Cadre administratif 2.3.1. Découpage administratif
2.3.1.1. Délimitation du périmètre d’étude Selon l’Atlas de Tunis et l’Atlas de Ben Arous, les berges de Sijoumi s’étalent administrativement sur les deux gouvernorats de Tunis et de Ben Arous, avec une superficie de 2900ha, dont le gouvernorat de Tunis renferme les ¾ des berges dont l’ensemble longent 23.700m de périmètre, appartenant à quatre communes (Tunis, Sidi Hassine, Fouchana et El Mourouj) et sept délégations (Sidi Hssine, Ezouhour, Sijoumi, el Ouerdia, Kabaria, Fouchana et El Mourouj) avec une croissance démographique annuelle de masse très importante pour passer de 443.641 habitants en 1994 à 686.216 habitants en 2014, presque égale à 20% de la population du grand Tunis, selon les derniers recensements de l’INS ; ce qui explique l’importance de la masse démographique occupant les berges de Sijoumi. La densité de la population fait les 2800hab/km² estimée parmi les densités la plus enlevées en Tunisie par rapport à la moyenne nationale qui fait 70hab/km². Désormais la délégation la plus importante en termes de superficie et des berges longeant le plan d’eau, est celle de Sidi Hssine avec 8292.4Ha de superficie (soit 40% de l’ensemble des berges) et 109.690 d’habitants (17% de la population occupant les berges). Ce quartier se caractérise par la diversité de ses activités, d’où son aspect
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Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
attractif par rapport aux autres zones, surtout avec l’installation de la zone industrielle El Mghira-Sidi Hssine. Les berges de Sijoumi sont connues aussi par l’effervescence des réseaux associatifs dont la majorité s’intéresse à la préservation de l’environnement et l’inclusion sociale (plus de 1260 associations dont 167 ont vu le jour après la révolution). Ce site est en fait considéré parmi les dernières grandes zones humides qui a gardé un caractère moyennement naturel. 2.3.1.2. Cadre juridique L’importante de la surface du plan d’eau et des berges de la sebkha de Sijoumi, ainsi que la variété de ses composantes écologiques, expliquent l’intervention de plusieurs institutions et organismes dans la gestion de la zone : ministère de l’équipement, ministère de l’agriculture et des ressources hydrauliques, Commissariat régional du développement agricole CRDA, Direction Générale des Forêts DGR -Arrondissement des Forêts Conservateur du site Ramsar de Sejoumi Tunis, municipalités, L’APAL, L’ANPE, etc.
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Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
Figure 15 : Découpage administratif de 79 la zone d’étude, source : figure de l’Auteur
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
En fait, on peut classer les zones en celles qui qui donnent directement sur le plan d’eau et zones en deuxième position par rapport au bassin. Administrativement, cinq délégations appartiennent au gouvernorat de Tunis : Sijoumi, El Ouerdia, El Kabaria, Ezzouhour et Sidi Hssine. Les
deux
autres
délégations
appartiennent au gouvernorat de Ben Arous : Fouchana et El Mourouj. Pour les municipalités attachées aux berges de Sijoumi, on cite celle de Tunis avec 728.453
habitants
(avec
16
arrondissement municipaux) et suivie par celle de Sidi Hssine avec 79.381 habitants qui est la deuxième plus peuplé
municipalité
gouvernorat de
dans
le
Tunis après la
municipalité de Tunis1 . Pour le découpage administratif communal au niveau du gouvernorat de Ben Arous, la commune de Fouchana est récemment créée en 2016, après sa séparation de la Mohamedia, aussi on note la municipalité d’El Mourouj malgré qu’elle ne dispose qu’une façade
de
800m
qui
donne
directement dur la sebkha, la ceinture viaire a constitué un détachement physique du plan d’eau.
Figure 16 : Délégations et rapport avec la sebkha, figure de l’auteur depuis des cartes google map 80
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
Figure 17 : Etude des délégations : Ezzouhour, Sidi Hassine, Fouchana, El Mourouj, source : Figure de l’auteur
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Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
Figure 18 : Etude des délégations : Sijoumi, El Ouerdia et El Kabaria, source : figure de l’Auteur
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Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
2.3.1.3. Réseau routier Les berges de la sebkha s’étalent sur un périmètre de 23 700 m et se trouvent aujourd’hui enclavée par des ceintures routières très importantes : • Du côté nord par la sortie ouest entre l’échangeur Route X et le rond -point Bab Kacem • Du côté Ouest et sud par la route X entre l’intersection Sortie Ouest au nord et le rond-point au Sud-est avec la RN3 • Du côté Nord-Est par le tronçon de l’intercommunale sud entre la sortie ouest et la place des Martyrs • Du côté Est par la forêt de Henchir El Yahudia • Du côté sud Est par la RN3 jusqu’au rond-point avec la route X. Prolongement de la
route X et la X20, le RER, etc.).
Figure 19 : la ceinture routière qui entoure la sebkha, entre 1995 et aujourd’hui, Source : MEHAT, DGAT, SDA du grand Tunis 1995 et mapnall.com
D’après l’étude de Mathieu Martin114 , et l’étude de Morched Chebbi115 et Hassen Abid 116 , le projet de la société des réseaux ferrés routiers RFR (sous tutelle du ministère du transport) a été déclaré en 1998 et a démarré officiellement en 2007. Ce projet a comme objectif le branchement des banlieues du Grand Tunis 117 . En fait, Raja Chari, dans sa thèse de géologie, voie que la prolongation des voix routières jusqu’atteindre l’enclavement total de la sebkha va certainement impacter la circulation de l’eau et l’exposer à certains problèmes comme l’inondabilité. Ce point 114
Chargé de coopération technique Tunisie et spécialiste dans les réseaux urbains, CODATU « Tunis, Tunisie : des grands projets au secours de la congestion ? » 115 La mobilité urbaine dans le Grand Tunis Evolutions et perspectives 116 Economiste des transports - ETIC, Tunis 117 « La mobilité urbaine dans le Grand Tunis, Evolutions et perspectives » Morched Chebbi et Hassan Abid, 2008
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Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
de vue est partagé aussi par Walid Chouari qui adhère que ces voies routières sont ouvertes sans planification ni étude des spécificités de la zone humide. (Chabbi & Abid, 2008) (Martin, 2017)118 (Chouari w. , 2019)119 . Par contre, plusieurs études portant sur la prolifération de l’habitat anarchique et le grignotage des berges humides, voient que cette ceinture est protectrice malgré qu’elle prive la sebkha de se connecter avec ses rives agricoles. Toutefois, cet enclavement routier garantie la protection de la crue, la non exposition de l’habitat directement sur le plan d’eau et la protection des constructions avoisinantes de la hausse du niveau de l’eau. La ligne C et la ligne E, comme la montre la figure ci-dessous, vont permettre le branchement des rives sud et Ouest de la sebkha de Sijoumi avec le centre-ville, cette mobilité va éventuellement affecter l’attractivité de la zone. Outre les lignes RFR, la zone va bénéficier des extensions de la lignes Métro.
Figure 20: plan du réseau RFR, source : ministère du transport (2007)
Conclusion : L’étalement urbain est devenu manifesté par l’étalement des réseaux routiers tout autour de la sebkha pour induire à l’enclavement total du plan d’eau contre l’ouverture des berges vers ses terres agricoles côté Ouest et Sud depuis les années 1995 comme l’indique la figure ci-dessus. Cet enclavement peut-il constituer un obstacle face à
118
« Portrait méditerranée : Jalel Abdelkefi, urbaniste, architecte-paysagiste », Martin Mathieu, 2017 « La perception du risque d’inondations dans les zones inondables du bassin versant de Manouba-Essijoumi (Tunisie nordorientale) : sensibilité au risque et aux actions de prévention » Walid Chouari, 2019, P 117-129 119
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Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
l’expansion urbaine ou bien c’est un autre outil d’imperméabilisation des berges et d’exposition aux risques des inondations ? Et c’est en faveur de la mobilité ou au détriment des berges de la sebkha ? Donc, pour conclure, la ceinture routière peut jouer le rôle d’une solution d’urgence pour freiner l’étalement urbain. Mais, pour le système hydraulique, il fallait en penser des solutions en termes d’évacuations des eaux, d’assainissement et d’aménagement. 2.3.2. Evolution démographique de la zone d’étude
Le nombre d’habitants installés sur les rives de la sebkha, vers les années 1930, a été environ un millier d’habitants. Mais on parle actuellement de plus de 600.000 habitants sur l’ensemble des berges. La démographie de la zone est générée en fait par plusieurs facteurs encourageant la prolifération de l’habitat anarchique. D’après l’analyse de l’historique de l’occupation de la zone, il est clair que c’est l’exode rurale qui a été le facteur primordial derrière l’explosion démographique au niveau des abords de la sebkha. A une date plus récente, les derniers recensements de l’INS, en 2014, indiquent que la population installée sur les pourtours de la sebkha fait soit 515242 habitants, avec une estimation de 2800 hab/km². Cette population à dominance migratoire est à l’origine de production des logements individuels précaires et non règlementaires. Pour la Médina, el Haraîria et le Bardo, malgré leur proximité de la sebkha, mais ils présentent de lâches rapports avec la zone humide. Bien évidemment, ce cadre urbain en évolution qui bascule entre la densité de la population et l’écrasement de la sebkha va avoir des répercussions sur l’environnement, les individus et le cadre de vie. Donc, non seulement la population va être affectée mais aussi les cadres économique et écologique. On ne peut pas aussi négliger l’impact des changements climatiques (directement ou indirectement) sur la zone humide, la population en question est aussi offensée. Les dernières inondations à plusieurs reprises ont détérioré des habitations, des fournitures et ont engendré des habitants sans domiciles, provisoirement.
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Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
Equipements et branchement Branchement à l’eau : d’après l’étude de Paul Sebag, : les recensements de 1956 montrent que seules 98 maisons sur 365 où l’eau fût installée, le reste s’approvisionne à la fontaine publique. L’électricité : selon les mêmes recensements, sur 356 maisons, il y avait 112 où l’électricité fût installée. Le reste s’éclaire au pétrole et au poste T.S.F. Pour les équipements socio-culturels, ils sont quasi-absents. Le branchement au divers équipement nous permet de mieux comprendre la situation et analyser le degré de précarité de la population qui a occupé les berges. On peut constater que ce manque de branchement persiste même jusqu’aujourd’hui. Attractivité de la zone et mobilité de la population : En fait la mobilité au niveau de cette zone reste fortement liée à l’attractivité et la proximité. Autrement dit, cette zone reste attractive, pour une population migrante, jusqu’aujourd’hui pour plusieurs raisons : pour le secteur Sidi Hssine-Fouchana, la mobilité de la population s’est bien marquée et élevée vue l’existence des terres agricoles en friche (disponibilité foncière), la position stratégique par rapport aux voies routières (transport) et la disponibilité des activités industrielles et commerciales à l’intérieur de périmètre communal (source d’emploi). Toutefois, malgré que le secteur Sidi Hssine-Fouchana parait attractif, le caractère répulsif domine d’autres quartiers comme Ezzouhour, Sijoumi, El Ouerdia et Sidi EL Béchir. En fait ces zones ont connu une décadence au niveau de leur croissance démographique durant les dernières décennies (selon les derniers recensements de l’INS), cette décroissance est fortement liée au tissu urbain : la saturation de quelques quartiers (absence de parcelles urbanisables) et la dégradation d’état des constructions (ancienneté et vétusté des logements). Ces facteurs ont poussé une partie de la population, moyennement importante, à migrer vers l’ouest et le sud de la sebkha. En l’occurrence, Sidi Hassine, El Mohamedia, Fouchana et El Mourouj ont connu un dédoublement et même triplement de leur masse démographique. On peut déduire donc que l’agitation de cette masse démographique de l’Est des berges vers l’Ouest et du Nord vers le Sud, va laisser éventuellement des traces socio-spatiales et dicter 86
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
l’organisation urbaine de la zone, essentiellement avec un habitat toujours spontané à base de morcellement des terres agricoles. Bien évidemment, cette densité de ménage dans un milieu sensible (constructions spontanées sans planification ni raccordement) va induire plus de rejets, de déchets non contrôlés ainsi que plein de problèmes d’ordre socio-environnemental ; les questionnements existentiels restent toujours posés : est-ce que c’est, faute des autorités gouvernantes, que la société occupant les rives de Sijoumi soit très fragile ? Ou bien c’est cette population qui a intervenu dans la mutation d’un cadre hydrique à berges agraires dépassant tout règlement et toute attente de panification ? Mais dans les deux cas, le cadre environnemental en vigueur est profondément vulnérabilisé ! (Les riverains occupant les berges de Sijoumi, entre infecteur et infecté) Le cadre économique La zone humide, entre perdre sa vocation agraire pour le profit de la périurbanisation, ne possède aujourd’hui qu’un seul morceau de terres agricoles qui se situe vers le sudouest du plan d’eau. L’activité agricole n’est plus le moteur économique de la zone. L’urbain, à base de l’habitat et de l’industrie envahissant les berges humides, dote la zone d’un caractère industriel. Pour l’activité agricole qui présentaient l’activité originelle de la zone, le secteur de l’agriculture n’a pas pu résister face à l’urbanisation non réglementée qui avance d’un jour à autre. Sidi Hssine totalise 4202 ha de terre cultivables sur les 6050 disponibles dont 230 ha de couvert forestier qui est aussi en menace face à l’avancée urbaine. Fouchana abritait une centaine de périmètres irrigués privé faisant une superficie d’environ 1285 ha (Bouraoui M. , 2003)120 (Bouraoui & Donadieu, 2004)121 . En fait, depuis les années 1975, l’industrie devient l’activité la plus marquée essentiellement au niveau de la zone de Mghira-Sidi Hssine. De ce fait, l’activité industrielle s’est développée autour de la sebkha avec la création de la zone industrielle d’El Mghira sur plus de 250 Ha. La poussé urbaine au niveau de la zone urbaine de sidi Hassine est expliqué par la disponibilité d’emploi qui a permis d’absorber des
120
« L'agriculture urbaine en Tunisie : espace relictuel ou nouvelle composante territoriale, Le cas du Grand Tunis » Moez Bouraoui, 2003 121 « Pérennité ou disparition des espaces ouverts agricoles dans la planification urbaine, Les cas du plateau de Saclay, à Paris et la plaine de Sijoumi à Tunis » Communication au 40ème Congrès ISoCaRP, Bouraoui, Moez ; Donadieu, Pierre 2004
87
Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
milliers d’ouvriers ; cas de l’un des premiers consortiums développés dans la zone : le groupe Chakira. Cette région parait attractive pour les investisseurs vu le faible coût du foncier et la disponibilité d’un bassin de main d’œuvre et d’assise de construire son habitat. Mais, cette zone industrielle a affecté la zone humide : sa position à l’intérieur du domaine public hydraulique et ses rejets provoquent des impacts pour la population avoisinante et le cadre naturel122 . (Ben Ghazi & Abdellaoui, 2020) (Chouari W. , 2013)123 .
Le cadre urbain : Malgré que les constructions au pourtour de la sebkha paraissent toujours en image de chantier en rouge de brique comme le cas de plusieurs villes tunisiennes, défigurant le paysage naturel, mais le paysage urbain est aussi déformé : de constructions éparses, spontanées et inachevées. D’après les études de Jalel Abdelkefi, Morched Chebbi et Walid Chouari, les prémices de l’urbanisation des berges de la sebkha ont commencé à se pousser après les années 1930, essentiellement au niveau de la zone Est de la sebkha. Des politiques de réhabilitation et de réinsertion des quartiers populaires au tissu urbain, initiées par l’ARRU, ont permis d’améliorer l’infrastructure, le branchement et le cas de ces quartiers, mais partiellement, puisque l’urbain s’étale rapidement. Par la suite, l’action devient plus globale, des axes d’urbanisation se sont développés au niveau du pourtour de la sebkha, parallèlement avec le développement des équipements, dans une directive d’amélioration du cadre de vie. *Frange nord-est et frange nord de la sebkha : conditions de vie améliorées, habitat réhabilité (quartiers Mellassine, Hay Hlel, Saïda Manoubia). *Frange ouest qui est marqué par l’abondance des quartiers informels, a subi plusieurs opérations d’aménagement et de réhabilitation durant les dernières décennies, en
122
« L’anthropisation des milieux humides et dégradation de l’environnement en Tunisie », périodique : Cinq-Continent, Revue romaine de géographie, Ben Ghazi Abdelhamid et Abdellaoui Hajer, Géographes, 2020, P 89-101 123 « Problèmes d'environnement liés à l'urbanisation contemporaine dans le système endoréique d'Essijoumi (Tunisie nordorientale) » Walid Chouari, 2013
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Chap2 : Le plan d’eau de la sebkha de Sijoumi : cadre physique, environnemental et institutionnel
termes d’amélioration du bâti et d’aménagement des infrastructures (quartiers Birine, Attar, Sidi Hassine). *Frange sud : allant de la zone industrielle El-Mghira jusqu’au Fouchana et Kabaria qui sont sous forme de taches urbaines dispersées en plein terres agricoles. Les trois communes dont appartiennent ces quartiers réhabilités sont : -
Commune de Sidi Hassine disposant une façade de 7ha qui donne sur la sebkha.
-
Commune de Fouchana, Mohammadia (récemment crée en 2016)
-
Commune d’El Mourouj disposant une façade de 800m donnant sur la sebkha.
(Abdelkefi J. , 2013) (Chouari W. , 2013) (Chabbi M. , 2001).
Synthèse 2 Pour conclure, et après l’étude du cadre physique de la sebkha, on peut confirmer la richesse de la zone en termes de biodiversité, d’hydrologie et du cadre agricole. Mais, une fois ses berges ont été occupées par des masses démographiques imposantes et alimentées essentiellement par l’exode, ce cadre a commencé à exposer des problèmes de plus en plus accentués. Alors que même si cette zone est une zone humide endoréique, urbaine et à eau stagnante, mais auparavant, avec ses berges naturelles et agricoles, elle n’a exposé aucun problème de fragilité ni risque d’ordre naturel. Donc, on peut confirmer que c’est le fait de subir des interventions exogènes que la zone humide a connu des mutations et des aléas touchant son plan d’eau, ses berges et sa biodiversité. D’où, la vulnérabilité de la zone. Aussi bien c’est la population riveraine, occupant les berges de la zone humide qui a déclenché cette fragilisation. Alors, quel est le processus d’agression de ce cadre supposé rester brut, et à quel degré s’est poussée sa fragilisation sous le facteur d’urbanisation.
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Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
CHAPITRE 3. LE CADRE URBAIN DES BERGES DE LA SEBKHA DE SIJOUMI Introduction Partant tout du concept de l’urbanisation, où on a évoqué un passage de la rurbanisation à la périurbanisation (d’après l’analyse du nouvel état des berges et la distinction du degré de vulnérabilité), pour arriver à affirmer que le processus de développement de l’urbanisation sur les berges de Sijoumi est le premier facteur responsable de la vulnérabilité du site (vulnérabilité comme retombée de cette urbanisation). De ce fait, le vécu quotidien sur les berges de Sijoumi, sous ces deux derniers phénomènes, traduit une métamorphose socio-spatiale. Dans ce chapitre nous allons analyser la nouvelle configuration du cadre socio-spatial et urbain des berges de Sijoumi à savoir l’évolution de l’urbanisation depuis le début du siècle, la forme des constructions, le profil socio-économique de la population qui a choisi au contrainte de s’implanter autour de sebkhet Sijoumi. Puis dans un deuxième temps nous aborderons les conséquences d’une telle urbanisation sur l’équilibre écologique du pan d’eau, du milieu humide et des berges en général. Dans cette analyse, nous évoquerons tout ce qui se reporte à l’aspect environnemental à savoir le rétrécissement de la surfaces agricoles face à la prolifération de l’habitat, le disfonctionnement des systèmes écologiques et la mutation du plan d’eau et de ses berges. Le disfonctionnement de ce milieu, une fois accompagné du phénomène de changement climatique, intervient dans l’amplification des répercussions de la bétonisation des berges, d’où le déclenchement de la crise. Donc, quel est le processus qu’a suivi l’urbanisation dans son évolution sur les berges de Sijoumi pour arriver à évoquer un site vulnérable, fragile voire sensible ?
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Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
3.1 les premiers noyaux urbains autour de la sebkha de Sijoumi Depuis presque une centaine d’année, on ne parle plus de l’état brut du plan d’eau de la sebkha et ses berges, mais plutôt d’une zone humide urbaine. Les actions anthropiques ne cessent de se développer pour arriver à occuper plus des ¾ des berges de la sebkha Sijoumi. 3.1.1. Aperçu historique :
Remontant à l’histoire de nomination de la sebkha, comme l’indique son nom qui se rattache au quartier sidi Hssine Sijoumi, vers le XVIème siècle, le saint Sidi Hssine Essijoumi y passait sa retraite spirituelle. Par la suite, le quartier s’est développé tout autour du marabout de ce saint (noyau du quartier), d’où vient aussi la nomination de la sebkha Sijoumi124 (Chouari W. , 2013) (Sebag, Ben Salem, Claudian, & Taïeb, 1960)125 . Avant l’installation du colon français, les berges de la sebkha étaient des terres agricoles, des champs de blé et d’olivier et des prairies assurant le besoin de la Medina en produits maraichères. Les juifs, une fois exclus de la Medina, ont occupé des terres donnant sur la sebkha (Mellassine) et furent leurs premiers noyaux à taches d’huiles dispersés en dehors des remparts de la Medina126 (Abdelkefi J. , 1987).
Figure 21 : les plaines de Sijoumi, entre vaste pleine maraichère et champs d’oliviers vers le sud-ouest de la sebkha source : Cliché de Moez Bouraoui)
124
« Problèmes d'environnement liés à l'urbanisation contemporaine dans le système endoréique d'Essijoumi (Tunisie nord orientale) » Walid Chouari, 2013 125 « Un faubourg de Tunis : Saïda Manoubia, Publications de la Faculté des Lettres de Tunis, Pari », Sebag, Paul ; Ben Salem, M ; Claudian, J ; Taïeb, H, 1960 126 « La Medina de Tunis, espace historique » Jalel Abdelkefi, 1987
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Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
3.1.2 Naissance et évolutions des gourbis autour des berges
Saïda Manoubia, faubourg installé sur le pied de la colline calcaire, fut le premier gourbiville reliant la sebkha et la Medina et présentant le refuge d’une couche sociale quasi précaire. Ce faubourg a été créé suite à la découverte et l’exploitation d’une carrière de pierres alimentant les chantiers de la ville de Tunis vers les années vingt. Dès lors, et avec la découverte d’un riche filon d’argile, une importante briqueterie fut créée aussi au niveau de Saïda Manoubia. Sur les terres avoisinantes où passait la voie ferrée reliant la Tunisie et l’Algérie au débouché du tunnel de la Manoubia, s’étalaient les jardins maraichers et la culture de l’orge. Dès 1925 se sont apparus les premiers gourbis au détriment de ces cultures127 (Sebag P. , 1960). Quelques groupes de maisons dispersées tout autour de la zawiya de part et d’autre de la rue Saïda Manoubia, perçus sur les cartes DANGER 128 établies en 1947, montrent une importante agglomération urbaine, l’extension intensive de cette agglomération a nécessité une révision du plan DANGER en 1953. Selon Paul Sebag, au départ, la population des gourbis a été généralement rurale, active et s’est installée pour des soucis d’emploi (proximité de la briqueterie). Mais par la suite, ces petits noyaux se sont transformés en taches urbaines, pour aboutir à des noyaux urbains considérés parmi les plus peuplées dans le Grand Tunis. Passant de l’Est de la sebkha, vers le sud-ouest, environ un millier d’habitants s’installait au niveau de Fouchana et Mohamadia sous formes de taches urbaines nuageaires auparavant, mais ces deux taches sont devenues des noyaux urbains considérables aujourd’hui. 3.2. Processus d’urbanisation des berges et prolifération de l‘habitat informel 3.2.1. Evolution chronologique de la construction sur les berges :
Pour analyser l’évolution urbaine, il m’a apparu utile de passer par l’évolution chronologique de l’abri sur les berges de Sijoumi, sachant qu’il parait problématique de passer de quelques gourbis à une densité très importante à l’échelle nationale. Pour
127
« Un Faubourg de tunis, Saîda Manoubia, enquête sociale, 1960 » Paul Sebag, 1960 Consultation des carte DANGER auprès de la bibliothèque nationale, DANGER est un bureau cartographique français chargé du traitement des cartes à base des photos aérienne à l’époque. 128
92
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
effectuer cette analyse, on va se référer à l’étude de P. Sebag qui a focalisé sur l’évolution de l’habitation au niveau du gourbi de Saïda Manoubia (Sebag P. ,1960) : dans les flancs de la colline, les premières demeures ont été des habitations troglodytiques creusé dans la roche. Puis elles se sont transformées en camps de nomades dans les espaces vacants. Des Kibs129 ont été installés par les occupants, qui ont été accompagnés souvent par des chameaux et des bêtes. Puis venaient les gourbis en Toub130 ; une sorte de grosses briques crues jointes avec la glaise formant les murs. La toiture est plate ou à double pente en tôle ou bien en branchage et terre. D’autres gourbis sont en pierres, les murs en moellons liés avec un enduit rudimentaire, la toiture en pente couverte par tôle ou branchages rarement chaulés. La construction s’est bien développée d’un gourbi ou kib à une habitation plus récente : Haouch : les murs sont en briques unis par le ciment, les pièces sont de formes régulières et la toiture est en planche supportant du gravier et du sable. Le Haouch est badigeonnés à la chaux, une construction blanche en pierre ou agglomérés, à vigne et quelques arbustes. Par la suite, le Haouch s’est transformé en maison rurale, c’est la reconnaissance du plan traditionnel à vaste cours sur laquelle s’ouvrent les pièces. La pierre est remplacée par les briques ou l’aggloméré et les pièces sont plus vastes et hautes. Enfin, on arrive à évoquer l’habitation à caractère urbain, le RDC est formé de pièces autour du corridor ou patio, la maison est devenue à étage avec un escalier intérieur ou extérieur en cas de séparation des étages ; des coquettes de villas à un ou plusieurs logements (sont devenus par la suite Oukala ou Fondouk). D’où, le passage du gourbi en Toub (ou kib) à l’habitation traditionnelle (à corridor ou à patio) explique le passage du gourbiville à l’habitat informel. Puis, en se référant aux études de Morched Chebbi, on constate que l’habitat clandestin se diffère du gourbi par trois caractères : l’origine urbaine des habitants, la qualité de la construction et l’acquisition du sol. Ainsi, l’habitat clandestin s’est apparu comme nouveau type d’urbanisation qui dépend du système de développement, des acteurs fonciers et du positionnement de l’Etat face à la typologie de l’urbanisation.
129 130
Modestes huttes de branchage ou tentes brunes retenues au sol par des piquets Terre et pailles malaxés dans des moules en bois et asséchés au soleil
93
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
3.2.2 De la construction isolée à la forme urbaine
De l’habitation à caractère urbain, on passe impérativement au tissu urbain à base d’habitations informelles. En fait, la dynamique habitante est générée par l’auto-construction ou également l’architecture sans architecte ni planification urbaine (là où la population est le faiseur de la ville). Ce phénomène, bien qu’il soit évoqué à la première heure en Tunisie et ailleurs, essentiellement par Bernard Rudofsky, mais les quartiers et les tissus urbains non règlementaires ne cessent de se développer et se multiplier jusqu’aux nos jours 131 . (Rudofsky, B. , 1964). Le tissu urbain a été initialement sous forme de quartiers anarchique sans branchement ni aménagement. La population, occupant des habitations précaires, a été exposée aux conditions pénibles. Actuellement, et malgré les tentatives de réhabilitation et d’aménagement, de grandes agglomérations urbaines, à fortes densité et à base de l’habitat autoproduit spontanément, ayant absorbé plein de terres agricoles, souffrent du manque des premières nécessité (des habitations même dépourvues des fosses septiques).
Figure 22 : des quartiers en image de chantier continu en rouge de brique étranglant la sebkha, source : google image
L’image urbaines, que donne ces quartiers, est aussi sous forme de constructions éparses, spontanées et inachevées, une étendue de béton et de briques rouges qui s’exposent directement en front de la zone humide. Selon la thèse de Morched Chebbi et celle de P.A. Barthel, l’extension et la densification urbaine autour du plan d’eau a suit un axe principal vers l’Ouest et le nord suite à la saturation de l’Est (comme montre la figure ci-dessous).
131
« Architecture sans architects » Bernard Rudofsky, 1977
94
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Vers les rives sud de la sebkha, le noyau Sidi Hassine s’est aussi multiplié en plusieurs sous-noyaux formant un front urbain dense (20 Mars, Sidi Hassine, El Madrassa, Essijoumi, etc.)132 . (Chebbi, 1986) (Barthel P.-A. , 2003)133 .
Figure 23 : Evolution du tissu urbain sur les rives de Sijoumi, carte de l’auteur (traitée à partir des données de Urbaconsult 1998+ données du rapport de IHE pour le compte de la DGSAM)
132
« Une nouvelle forme d'urbanisation à Tunis, l'habitat spontané péri -urbain », Morched Chebbi, 1986,
95
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Nous constatons ici que l’évolution du tissu urbain est éparpillée dans tous les sens sur les rives de la sebkha : sur le canal Medjerda-Cap bon, deux formes d’urbanisation se dégagent dû à une dispersion du bâti dans le paysage, la première s’organise sous forme de tâches urbaines à noyaux dispersés dans les zones agricoles de Birine et El Attar et la deuxième s’organise de part et d’autre du réseau routier. Un paysage naturel parait mité, ayant absorbé des tâches urbaines densifiées. IL s’avère également que les rives nord de la sebkha semblaient être intégrées aux restes du tissu urbain tunisois, mais la partie ouest à caractère urbain éclaté démontre le foisonnement des quartiers à noyaux anarchiques générant un font d’urbanisation dissocié en détruisant l’aspect agricole local comme l’indique la figure ci-dessus. Vers le Sud-Est de la sebkha, l’étalement urbain se présente dans toutes les directions au détriment des terres fertiles et des espaces vides. Ainsi se dégage un grand conflit au niveau du paysage, du foncier et de la société entre urbanisation et agriculture (Chouari W. , 2003)134 . Donc on peut déduire que ce dépassement n’est qu’un témoin de l’agression de ce milieu et une initiation de nouveaux problèmes d’ordre socio-environnemental avec deux paysages (naturel et urbain) toujours en hétérogénéité et en péril. Pour les dépassements ponctuels, quoique la sebkha de Sijoumi dispose trois statuts, mais les dépassements ne cessent de se développer sur ses berges nord (en termes de constructions) ; étant une zone Ramsar d’importance internationale, une zone naturelle dans le PACTE135 de Tunis et une zone humide DPH. Ces classements n’ont pas interdit la poussée de l’informel (habita et industriel) ; en fait, deux stations de service carburant sont placées sur les berges de la zone humide dont une est mise en service et l’autre en phase travaux, sachant que ce type de construction, à part sa nuisance pour le site et le cadre, est strictement interdit en zone naturelle selon le PACTE d e Tunis.
133
« Faire la ville au bord de l’eau, les lacs de Tunis : des marges urbaines à des sites de très grands projets d'aménagement » Pierre Arnaud Barthel, 2003, P. 49-65 134
« Problèmes d'environnement liés à l'urbanisation contemporaine dans le système endoréique d'Essijoumi (Tunisie nordorientale) » Walid Chouari, 2013, P 48-63 135 PACTE est un Programme d'Adaptation au Changement Climatique des Territoires Ruraux de Tunisie , lancé par le ministère tunisien d’agriculture et sa direction générale de l’Aménagement et la conservation des terres agricoles (DGACTA)
96
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Ce dépassement prouve l’empiètement et l’exposition d’avantage de la zone aux risques d’urbanisation. En fait, le scénario d’étude d’aménagement, approuvée par le MEHAT 2019, possède comme ultime objectif la réorganisation du biotope naturel de la zone humide dans une approche durable et s’oppose avec ce type de dépassement intervenant dans le désordre paysager, l’agression et la dégradation du milieu. (PACTE, 2018)136 . Sortie Ouest , niveau cité Ezzouhour en 2016
Sortie ouest, niveau cité Ezzouhour en 2020
Figure 24: les deux stations de service carburant côté nord de la sebkha de Sijoumi, source : (BELAID, 2021)
La comparaison entre les deux vues prises de google earth, prouve l’agression qu’a subie la zone verte naturelle au niveau de la rive nord de la sebkha de Sijoumi.
Figure 25 : les différents paysages dans le même cadre
Cette image, empruntée auprès des réseaux sociaux, nous montre la stratification de différents paysages anthropiques et naturels dans le même cadre ; le réseau hydraulique, la faune et la flore, le bâti anarchique et la montagne coexistent (stratifié en ordre dans le désordre).
136
« Programme d’adaptation au Changement Climatique des Territoires Ruraux de Tunisie » PACTE, 2018 (www.g-eau.fr/)
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Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
3.2.3 Le quartier le plus important sur les berges (sidi Hssine Sijoumi)
Le quartier sidi Hssine Sijoumi a commencé à se développer intensivement vers les années 1970. Il ne comptait que 2500 habitants vers 1975 mais rapidement, sidi Hssine est devenu une délégation de 50.000 habitants en 1984 et 70.000 habitants en 2004, pour dépasser les quelques100.000 habitant selon les derniers recensements de 2014137 . Cette population occupait souvent des habitations anarchiques sur des terres agricoles émanant d’urbanisation non règlementaire. D’un habitat précaire et une population fragile, on ne peut parler que des conséquences flagrantes d’urbanisation des berges. D’après l’étude de Najem Dhaher portant sur l’étude de l’activité agricole (comme étant l’activité originelle de la zone), ce secteur n’a pas pu résister face à l’urbanisation non réglementée qui avance d’un jour à autre. Sidi Hssine totalise 4202ha de terre cultivable sur les 6050 disponibles dont 230 ha de couvert forestier qui est exposé aussi à la menace de l’expansion urbaine138 . (Dhaher N. , 2011). Pour Olivier Legros, ce quartier spontané a subi un projet de réhabilitation puisqu’il est considéré comme étant un instrument de pouvoir139 (Legros, 2012) in (Smouda, 2017)140 . Morched Chebbi, lui aussi, a expliqué le contexte politique d’où émane un accord particulier accordé par le chef d’Etat à la réhabilitation des quartiers populaires à partir des années quatre-vingt-neuf dans le cadre d’un programme national de réhabilitation des quartiers populaire PNRQP (à peu près 223 quartiers). Aussi bien des visites inopinées de la part du chef de l’Etat vers le début des années 1990 pour mettre en cause la tâche des acteurs locaux a permis de nouer de bonnes relations entre l’Etat et la société, essentiellement au niveau de l’ouest de la sebkha de Sijoumi. Pour le volet environnemental, un engagement international pour la préservation de l’environnement a été établi. C’est vers les années quatre-vingt-huit que le premier axe de réflexion sur le développement durable a eu lieu. L’ANPE fut créée durant la même année promouvant l’importance de l’étude au préalable d’impact du projet sur
137
Recensement de l’INS « Production du sol urbain et vulnérabilité aux inondations : l’exemple de la cité Sidi Hcine Essijoumi en Tunisie », Confins, Najem Dhaher, 2011 139 « Production du sol urbain et vulnérabilité aux inondations, l’exemple de la cité Hcine Essijoumi, en Tunisie », Olivier Legros, 2012 140 « Fragmentations et mobilités, des processus à l’œuvre dans la métropole de Tunis, thèse », Messaouda Smouda, 2017 138
98
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
l’environnement dans le but d’attirer l’attention du financement étranger et réanimer le secteur touristique dans le canevas de la mondialisation. 3.2.4 degrés de vulnérabilité du cadre de la zone de Sijoumi
Nous enterons de développer dans ce paragraphe comment se déplie le fonctionnement de ce cadre naturel (zone humide) après l’invasion de l’urbain (l’installation excessive et toujours évolutive d’une population quasi précaire). En fait, l’occupation des rives de Sijoumi a engendré plusieurs problèmes qui ne cessent de s’amplifier parallèlement
avec l’évolution
démographique). Par
conséquence, le bâti se poussait comme des champignons à une vitesse imbattable. Des problèmes se posent sur plusieurs échelles : l’occupation des terres agricoles et des espaces résiduels, l’abattage des forêts et la destruction des écosystèmes, sans pourrait-on oublier le taux de pollution qui est en croissance aigue sous plusieurs formes (rejet des eaux usées industrielles et ménagères dans le plan d’eau, mutation du cycle de l’eau, imperméabilisation du sol, etc. En contrepartie, ces effets se retournent en mal pour la population riveraine. C’est le cadre de vie qui est infecté, en retour, par la pollution olfactive, sonore, ménagère et industrielle. D’où on remarque une mauvaise réputation sur les conditions de vie de la population riveraine le long de l’année : moustiques et odeurs désagréables l’été et exposition aux risques des crues l’hiver. Ces problèmes d’ordre social, urbain, économique et environnemental nécessitent une solution urgente pour arriver à préserver le cadre naturel fragilisé d’une part et améliorer le cadre de vie d’une autre part.
Figure 26 : exemple des rejets solides (remblais) et des rejets des eaux usées, octobre 2018, source : Google image
Prenons l’exemple de la mutation du paysage : d’un vaste plein des champs agricoles et forêts ripisylves aux dunes de remblais, de boue et de ruissèlement des eaux 99
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
ménagères et industrielles. Ici, la vulnérabilité se manifeste. Comme un autre exemple de mutation du cadre ; le changement de la composition du sol est dû aux rejets solides (remblai à base des déchets de construction) comme le montre la figure ci-dessus. D’où les couches du sol émanent des gaz toxiques type H²S et le plan d’eau est de plus en plus pollué (Chouari W. , 2013). Pour conclure, cette zone, étant sensible sur l’échelle environnementale vu qu’elle est exposée aux risques d’eutrophisation, son eaux est comptabilisée malaïgue (exposant
Figure 27: Comparaison entre les berges avant et après l’urbanisation, une centaine d’année, source : google image
un changement de couleur, d’odeur, de teneur en oxygène et de composition bactériologique).
Pour sa vulnérabilité,
elle
est
fortement reliée
à des
endommagements déjà établis (d’après l’étude du processus d’urbanisation des berges de Sijoumi). D’où, on peut admettre que la zone humide de Sijoumi est considérée vulnérable (la pollution, les zones de décharge, le cumul des déchets et les odeurs racontent un contexte vulnérable, un cadre naturel en mutation) à part une population qui patauge dans des conditions de vie misérables. Ces deux figures, en les comparant, prouve qu’une centaine d’années est suffisante pour le développement démographique et urbain d’une façon incontournable. Dans notre cas d’étude, l’urbanisation massive des berges avait des impacts irréversibles en termes de fragilisation du plan d’eau, des écosystèmes, de qualité du sol et du cadre de vie de la population.
100
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
3.3. Aspects et indicateurs de la vulnérabilité des bergs de Sijoumi Par rapport aux autres zones humides du Grand Tunis, la sebkha de Sijoumi, malgré le taux de fragilisation qu’elle a subie, mais elle reste encore dans un état supposé encore brut par rapport à d’autres zones humides d’après les analyses des géographes urbains et des géologues et les études de recherche 141 . (Ben Ghazi & Abdellaoui, 2020) (Legros, 2012)142 (Chouari W. , 2003)143 . En fait, depuis les dernières années, cette zone suscite de nombreuses convoitises notamment de la part des promotions immobilières, vu qu’elle dispose des disponibilités foncières et un emplacement stratégique à proximité du centre-ville. Mais la mutation du plan d’eau et de ses berges continuent à exposer un état de risque et de vulnérabilité aigu selon les études et les observations portant sur la zone. Dans cette partie on va étudier les aspects qui confirment l’état de vulnérabilité de la zone de Sijoumi commençant par l’état des terres agricoles face à la bétonisation de ses surfaces, allant à la décortication des formes de pollution remarquées au niveau du plan d’eau de la sebkha et de ses berges. Pour finir par les répercussions de l’imperméabilisation du sol sur les berges de Sijoumi, la sebkha et ses écosystèmes. 3.3.1. Dégradation et rétrécissement des surfaces agricoles face à la Prolifération de l’habitat spontané
Tout d’abord il faut noter que l’activité agricole a perdu sa place en tant que moteur économique de la région, face à l’installation des activités industrielles au niveau des zones limitrophes (Mghira par exemple). L’urbanisation de ces terres ou également la périurbanisation se manifeste comme la première action apportée à une zone agraire ayant constitué les anciens champs les plus fertiles de la Medina et ses faubourgs. Ce phénomène a provoqué la régression de l’agriculture (l’abandon des activités agricoles), l’absence des investissements dans ce secteur et la hausse du coût du foncier (terres agricoles morcelées souvent sans changement de vocation).
141
« L’anthropisation des milieux humides et dégradation de l’environnement en Tunisie » Ben Ghazi, Abdelhamid ; Abdellaoui Hajer, 2020, 142 « Production du sol urbain et vulnérabilité aux inondations, l’exemple de la cité Hcine Essijoumi, en Tunisie », Olivier Legros, 2012 143 « Problèmes d'environnement liés à l'urbanisation contemporaine dans le système endoréique d'Essijoumi (Tunisie nordorientale) » Walid Chouari, 2013, P 60-67
101
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Plusieurs plans et études ont été mobilisés pour la protection des terres agricoles restantes et des zones vertes sur les berges de la sebkha entre autres le schéma urbain élaboré par Urbaconsult 144 en 1996 sous la direction de Morched Chebbi qui tendait à requalifier cette zone dépourvue des activités d’aménagement et d’assainissement par rapport aux autres zones lacustres tunisiennes. Pour l’évaluation et la gestion de ces terres agricoles, des outils de sauvegarde de l’espace agricole périurbain ont été mobilisés, entre autres le plan régional de 1976, la loi de protection des terres agricoles de 1983, le schéma directeur d’aménagement et le plan de restructuration de la zone ouest de Sijoumi de 1984. D’après les propos de Walid Chouari, M. Bouraoui et P. Donadieu, l’étude du paysage urbain tunisois (de 2004) indique que le plan régional d’aménagement de 1976 n’a pas pris en considération le volet paysager en termes d’insertion et de planification des aires agricoles, par contre, il a beaucoup plus focalisé sur le volet urbain. Ce qui a généré des taches urbaines très importantes en extension libre s’accaparant le vide et l’agricole. Ici intervient la loi de protection des zones agricoles de 1983 pour classer les périmètres irrigués en zone d’interdiction et les espaces agricoles en zone de sauvegarde. L’objectif de cette loi n’a pas été atteint vu la divergence des différents acteurs publics intervenues (ministère de l’équipement et de l’habitat, ministère de l’agriculture, agence foncière de l’habitat, direction générale des forêts, etc.) aussi bien vu la non considération de planification au préalable puisque cette loi s’est intéressée essentiellement aux aspects techniques des terre agricoles et a ignoré l’aspect de dégradation des milieux ruraux et les problèmes de spéculation foncière 145 . (Bouraoui M. , 2003) (Chouari W. ,2003)146 . Par ailleurs, Morched Chebbi, Najem Dhaher et P.A. Barthel ont évoqué la déchéance entre la vocation agricole et celle urbaine des berges de la sebkha. Ayant comme mission la protection et le renforcement du potentiel agricole, ils ont vu que l’office de mise en valeur de la Medjerda OMVM s’est trouvé en débarras entre les terres cédées au profit de l’agence foncière de l’habitat AFH et les terres agricoles louées
144
Bureau d’étude conçu par Morched Chebbi
145
« L'agriculture urbaine en Tunisie : espace relictuel ou nouvelle composante territoriale, Le cas du Grand Tunis » Moez Bouraoui, 2003 146
« Les dépressions humides des environs de Tunis : géomorphologie, paléoenvironnement et impact des aménagements sur leur évolution. Mémoire de DEA, Université Paris » Walid Chouari, 2003
102
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
aux agriculteurs pour une durée entre cinq et dix ans, mais ces terres ont été vendu par ces agriculteurs sous prétexte qu’ils sont propriétaires de ces biens non immatriculées qui en été confiées. De ce fait, le paysage devient en mutation, distinguant des espaces transitoires en voie d’urbanisation, plus précisément des espaces interstitiels en attente de branchement ; ça concerne aussi les quartiers Sijoumi, 20 Mars, les quartiers de Zahrouni, Sidi Hssine, El Haraîria, en avançant vers l’ouest, les terres agricoles classées comme zone d’interdiction et de sauvegarde sont devenues eux aussi des bassins de construction, comme l’indique la figure ci-dessous.
Figure 28: l'état des berges entre urbanisation et agriculture, source : google earth
Le plan de restructuration de la zone ouest de Sijoumi (établi en 1984) a été considéré comme outil d’aménagement et de branchement des habitats spontanés en préparant une centaine de hectares de terres agricoles pour l’urbanisation. Donc, il s’est avéré que pour confronter le spontanée, les décideurs ont choisi d’urbaniser l’agricole comme solution, mais cette tentative a généré le mitage du paysage agricole et l’imperméabilisation des terres dans la zone ouest de la sebkha, à part les problèmes exposés au niveau du tissu urbain ainsi que les problèmes environnementaux.
103
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
En se référant au niveau schéma directeur d’’aménagement du territoire national SDATN , mis en place en 1997, on remarque que le paysage agricole tunisien périurbain n’a pas été valorisé en tant que créateur d’espace vert vu le manque de politique de sauvegarde de la ceinture verte tunisoise, contrairement aux politiques des zones naturelle d’équilibre ZNE en France qui permettaient de créer des zones vertes tampons afin d’absorber et de contenir les pressions urbaines en protégeant les forêts et les terres agricoles en question. Donc, la sauvegarde des zones vertes sur les rives de la sebkha Sijoumi reste limitée aux sites boisés remarquables pour la création des parcs urbain, comme le parc urbain d’El Mourouj, mais ces zones ont connu rapidement une reconversion en point de gestion des polluants.
Figure 29: les trois mondes de la sebkha dans le même paysage : monde urbain, monde naturel et monde agricole, source : étude d’IHE mandaté par DGSAM
3.3.2. Pollution (bilan bactériologique, ordures solides, air, eau) a- Zones de décharge
La sebkha a possédé, depuis une cinquantaine d’année, une zone de décharge sur ses berges Sud-Est avec une quantité d’ordure enterrée de l’ordre de 4.7 millions tonnes : c’est la décharge de El Yahudia qui s’est étalée sur 140 Ha, fermée depuis 1999. Cet énorme dépotoir de déchets solides, basé sur l’enterrement des ordures couverts de couches de terres, a marqué la vulnérabilité du sol. En fait, des investigations ont été 104
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
fait en 2013 par EGG dans le cadre de planification d’installation d’un centre de transfert de déchets solide à El Kabaria, à base d’un sondage pressiométrique de 10m de profondeur et une fouille de 5m de profondeur avec prélèvement des échantillons par carottage, analysées par la suite au laboratoire, et ont permis de dégager les résultats suivants empruntés de l’étude de DGSAM : •
Des déchets solides sont enterrés de 0 à -3.5 m
•
Plus profond d’un mètre, une couche d’argile grisâtre est mélangée avec des déchets solides
•
Pour le reste de la profondeur (de -4.5 à -10m), l’argile est beige avec des caractéristiques mécaniques en bon état.
Figure 30: l'ancienne décharge El Yahudia et ses couche géologique infectés, source : EGG 2013
Ce qu’on peut constater c’est que presque les cinq premiers mètres du sol sont en très mauvais état et non susceptible de planter ni recevoir une construction. Une fois la décharge fut fermée, la forêt de Henchir El Yahudia, occupant la rive sud-est de la sebkha, interpelant une nouvelle composition du sol en désordre ; dessication aiguë qui dépasse les vingtaines de mètre147 (DGSAM, 2019).
147
« Etude de mise en valeur et d’aménagement de Sebkha Sijoumi DGSAM » 2019
105
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Figure 32: le déplacement des eaux des zones urbaine vers le bassin d'eau de Sijoumi, images Landsat 2011
Les 1 : zone sidi Hcine, 2 : zone Ezouhour, 3 : zone Saida Manoubia, 4 : zone Henchir Yahudia Figure 31: les différentes zones de décharge sur les berges de la sebkha, source : étude de MEHAT
En fait, une étude faite par le MEHAT a permis de dégager quarante-neuf zones de décharge spontanées qui se localisent sur quatre zones, la figure ci-dessus nous montre les différentes zones : zone urbaine de sidi Hassine, zone urbaine d’Ezzouhour (l’oued Gueriana), la zone urbaine de Sijoumi et la zone urbaine d’El Mourouj-El Mghira. Parmi ces quarante-neuf décharges, trente-neuf zones ont été analysées et ont montré la présence et la stagnation des eaux vannes au niveau des eaux de la sebkha (eaux de sources ménagères et d’autres provenant de la station de pompage des eaux usées).
106
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Figure 33: les différents types de déchets solides sur les berges de la sebkha
Pour les déchets solides, il s’est remarqué une variété de déchet qui a rendu la sebkha un dépotoir. Les rejets solides sont de différentes provenance : déchets de construction, ordures industrielles, ordures ménagères et remblais. L’ensemble de ces déchets affectent la qualité du sol et sont à l’origine de plusieurs mutations de la pédologie des berges (17 zones de décharge d’ordures solides contenant plus de 1.5 Mm3 de déchets). Des analyses ont été menées sur ces sols et ont montré l’existence des métaux lourds à forte concentration au niveau du sol de la région de sidi Hassine et de l’ancienne décharge d’EL Yahudia, à effets irréversibles. Figure 34: carte de disparition des zones de décharges solide sur les berges, source : étude de MEHAT
b- Paramètres abiotiques
L’étude élaboré par Walid Chouari, dans le cadre de la géographie physique et environnement, s’est basée sur le prélèvement des échantillons du pourtour de la sebkha Sijoumi. Ces échantillons ont été analysés par la suite dans les laboratoires de la direction Générale des Ressources en Eau (fin Mai 2006), une date moyennement récente qui nous permet de mieux comprendre le cadre bactériologique de la zone affectée par les rejets hydrique et solide. En se référant à cette étude, on peut collecter des informations concernant la température, le PH, l’oxygène dissous et la salinité des eaux de la sebkha). D’autre analyses, dans le même but ont été effectuées à l’école nationale des ingénieurs de Sfax. (Chouari W. , 2013)148 . 148 « Problèmes d'environnement liés à
l'urbanisation contemporaine dans le système endoréique d'Essijoumi (Tunisie nordorientale) » Walid Chouari, 2013, P. 40-47
107
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Figure 35 : caractérisation physico-chimique de la sebkha, Walid Chouari, Mai 2006
D’après cette carte récapitulative et les derniers analyses citées, on peut conclure que la sebkha se caractérise par une forte salinité (variant entre 18 et 21%), par rapport à la salinité initiale de ces eaux qui n’a pas dépassé 10% (eaux saumâtre). En hiver, le pH de ces eaux enregistre des valeurs très basses voire neutre suite aux forts apports pluviaux. Pour l’oxygène dissous dans l’eau, sa valeur est très faible comme l’indique la carte presque totale en jaune (inférieur à la norme d’oxygène dissous). On peut remarquer aussi d’après les cartes ci-dessus que les différents paramètres physico-chimiques du plan d’eau de la sebkha sont mutés, ce qui explique l’affectation du cadre naturel brut de ses eaux : un premier facteur prouvant la vulnérabilité de la sebkha.
108
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
En fait, les rives nord de la sebkha se caractérisent par une pollution organique très importante (due à l’évacuation des eaux usées domestiques) puisque ce secteur est branché partiellement au réseau d’assainissement. En allant vers le sud de la sebkha, la pollution diminue vu le taux faible d’urbanisation. D’où la pollution est fortement liée à l’urbanisation.
Figure 36: la qualité des eaux de la rive nord de la sebkha, source : Google Earth
b-Analyse des paramètres bactériologiques Pour les paramètres bactériologiques, on se référant aux analyses des eaux de la sebkha, effectuées par N.BEN CHEIKH en 2000, qui ont montré de grande concentration des coliformes fécaux 149 (1100/100ml) et de streptocoques fécaux 150 (3,6/100 ml) essentiellement sur les rives de Sidi Hassine. D’où on peut déduire que cette dominance bactériologique est issue des rejets anthropiques directement évacués dans la sebkha due à l’occupation informelle des rives avec absence des réseaux d’assainissement partielle ou parfois totale (habiter ‘pied dans l’eau’). Les eaux ménagères, versées directement dans la sebkha, impactent la nappe phréatique (contamination probable et remontée de la nappe phréatique),
149
Coliformes fécaux ou entérocoques, des microorganismes qui indique, quand ils se présentent dans l'eau, qu'elle a été contaminée par des selles. L'eau ainsi contaminée peut contenir des microbes (bactéries, virus ou parasites) qui peuvent causer des problèmes de santé, ce sont donc des bactéries utilisées comme indicateur de la pollution fécale d'une eau 150 Streptocoques fécaux : des bactéries qui témoignent d'une contamination d'origine fécale ancienne tandis que les coliformes fécaux témoignent d'une contamination d'origine fécale récente.
109
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
dégagent des odeurs désagréables et même causent des maladies pour la population lacustre, quand elles circulaient dans des canaux à ciel ouvert 151 . Quant aux ordures solides, des dépotoirs spontanés ont été créés. Leur mauvaise gestion a généré le colmatage des canaux de drainage d’où la mauvaise circulation de l’eau et la remonté de la nappe.
Figure 37 : carte de la pollution de la sebkha de Sijoumi, élaborée par Abdelhamid BEN GHAZI, et Hajer ABDELLAOUI
Cette carte de pollution récemment élaboré (en 2020) par Abdelhamid BEN GHAZI et Hajer ABDELLAOUI, extraite de leur étude, montre les divers points de décharge ainsi que les types de rejets. D’où on peut déduire la concentration des déchets dans la partie nord de la sebkha (zone domestique au niveau du nord, nord-est et nord-ouest), contre les rejets industriels vers le sud (essentiellement la zone industrielle El Mghira).
151 « Caractérisation environnementale de la sebkha de Séjoumi. Mémoire de DEA, Institut National
Nizar Ben cheikh, Agronome, 2000
110
d'Agronomie de Tunis »
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Ces rejets ont des conséquences de grande ampleur sur le plan d’eau, l’environnement et le cadre de vie de la population riveraine. (Ben Ghazi & Abdellaoui, 2020)152 . Donc, on peut affirmer que la pollution bactériologique présente un facteur de vulnérabilisation de la sebkha et ses berges. 3.3.3. Phénomène d’inondabilité et de sècheresse des berges face à l’imperméabilisation du sol
Chaque cuvette lacustre peut changer de forme, de profondeur et de couvert végétal (s’il existe) sous l’effet des processus sédentaires guidés généralement par les inondations. Dans le cas d’une zone humide urbaine, ces changements découlent essentiellement des interventions humaines ou les eaux de ruissellements n’apportent pas seulement les eaux pluviales. Pour la sebkha de Sijoumi, de différentes politiques d’organisation du territoire périurbain cherche à lutter contre la consommation des espaces agricoles sur les rives de la sebkha, non seulement pour l’aspect agraire mais aussi vu qu’ils constituent des absorbeurs des eaux de ruissèlement (perméabilité des surfaces). Mais une fois urbanisés, ces sols deviennent générateurs des inondations. Prenant le cas des premières inondations sur les berges de Sijoumi de 1950, l’hiver, les quartiers ont été submergés par la boue et totalement déconnectés. Les égaux d’eaux usées sont à ciel ouvert, d’où l’eau de ruissellement a été devient mélangée avec cette eau et converge vers la sebkha153 (Bencheikh, 2000).
152
« L’anthropisation des milieux humides et dégradation de l’environnement en Tunisie », périodique : Cinq-Continent, Revue romaine de géographie, Ben Ghazi Abdelhamid et Abdellaoui Hajer, Géographes, 2020, 153 « Caractérisation environnementale de la sebkha de Séjoumi. Mémoire de DEA, Institut National d'Agronomie de Tunis » Nizar Ben cheikh, Agronome, 2000, P.44-45
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Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
On remarque que les mêmes problèmes persistent depuis les années 1950 jusqu’aux années 2000, mais sont de plus en plus amplifiés à grande échelle (avec l’urbanisation massive des berges), malgré l’avènement technologique, industriel, économique et leurs retombés sur l’urbanisme du grand Tunis et le processus de construction.
Figure 38: schéma des typologies des eaux évacuées dans la sebkha , source : schéma de l’auteur
Durant la période des crues, la population piétine dans la boue et la puanteur, ce qui a poussé la municipalité a créé des caniveaux cimentés dans l’artère principale qui traverse houmet Guerrich, comme solution d’urgence. Les berges ont enregistré d’autres reprises d’inondations en 2003 et de 2005 ; la bétonisation du sol et l’arrachement des végétations riveraines (participant à l’atténuation de la vitesse des écoulements et l’absorption d’une partie de l’eau écoulée), ont été à l’origine de l’imperméabilisation du sol, d’où le cumul de grandes quantités des eaux engendrant l’inondation, le coefficient de ruissellement a été lui aussi modifié pour passer de 54.957 en 1950 à 63.949 en 2016 (Ben Ghazi & Abdellaoui, 2020) (Chouari w. , 2019). Les surfaces inondables ont augmenté, pour le cas de Mellassine, sidi Hassine, et Saida Manoubia, l’eau stagne dans les rues et les impasses en cas de saisons pluviales, vu l’absence des réseaux d’assainissement, surtout que ces trois zones possèdent un niveau topographique inférieure à celui de la sebkha (sur une surface de 2900 Ha de la sebkha, 2620 Ha sont situé inférieur à 10m).
112
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
L’imperméabilisation des surfaces comprend aussi la conception d’une voirie non soumise à des normes de drainage. Donc les quantités des eaux de ruissellement, engendrant la suralimentation de la sebkha, vont déborder de part et d’autre au niveau des berges (remontée du niveau piézométrique de la nappe). Prenant le cas du quartier sidi Hassine Sijoumi qui donne directement sur la sebkha comme étant le premier affecté des inondations de 2003. En fait, l’apport des eaux de ruissellement n’a pas seulement affecté la nappe phréatique qui a été suralimenté, mais aussi le tissu urbain a été noyé en partie par les eaux des crues avec des dégâts considérables (problèmes de déplacement, isolement, habitat noyé, quelques morts)154 .
Figure 39 : zone inondable dans le bassin versant Manouba-Essijoumi, source : étude de Walid Chouari
Cette figure, emprunté de l’étude de Walid Chouari, montre que durant la saison des crues, la partie ouest de la sebkha (zone sidi Hassine) connait une remonté fréquente de la nappe, d’où le débordement de la sebkha et l’inondation de la zone (couleur rouge) (Chouari w. , 2019)155 . Le système de fonctionnement de la zone humide est aussi infecté, sensé s’exposer durant quelques mois au phénomène de sècheresse (suite à l’évaporation de ses eaux), mais la sebkha conserve une bonne quantité d’eau permanente et stagnante (avec un taux oxygène dissous très faible), chose qui pousse à s’interroger à propos de la nature
154
Production du sol urbain et vulnérabilité aux inondations : l’exemple de la cité Sidi Hcine Essijoumi en Tunisie, Najem Dhaher, 2011 155 « La perception du risque d’inondations dans les zones inondables du bassin versant de Manouba-Essijoumi (Tunisie nordorientale) : sensibilité au risque et aux actions de prévention » Walid Chouari, 2019, P 67-89
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Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
des sédiments apportés par les ruissellements d’une part et de ses futurs impacts, ainsi que le fonctionnement du système hydraulique et ses écosystèmes avec cette nouvelle teneur en eau, d’une autre part. D’après l’étude faite par Urbaconsult en 1997, il s’est avéré que le plan d’aménagement urbain de la zone ouest de la sebkha (Haraîria-Sidi Hssine) approuvé en1994, vient pour souligner l’interdiction de bâtir sur les berges marécageuses, mais reste ignoré par les constructions spontanées qui ne cessent de se multiplier rapidement sous forme de masses urbaines anarchiques malgré les avertissements et les certains cas de démolition. Une autre étude156 , portée par l’Association les Amis des Oiseaux AAO, effectuée par Anis Ghelmani en 2020, sous la direction de l’Institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes, a montré que le phénomène d’inondation est l’ultime emprunte de la bétonisation et de l’imperméabilisation du sol (AAO, 2018). Donc pour déduire, cette inondation n’est que la résultante d’une urbanisation massive sur des berges marécageuse. D’où ce sont les habitants qui ont débordé la sebkha et non plus les eaux de la sebkha qui ont débordé les constructions (cas du quartier sidi Hassine).
156
« Sebkhet Sijoumi et son bassin versant (Tunisie) : un territoire en mouvement, analyses des dynamiques spatiotemporelles des superficies en eaux libres et de l’occupation du sol entre 1987 et 2018 » AAO, 2018
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Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Aussi bien, la construction des réseaux routiers autour du lac pour décongestionner, ainsi que des projets d’assainissement et les plans d’aménagement (dans le cadre de liaison du centre-ville avec les deux gouvernorats de ben Arous et de la Manouba), ont eu comme but la préservation des habitations des eaux des crues. Toutefois, ces tentatives de protection n’ont pas résisté devant les fortes inondations et l’étalement urbain. Donc, Les derniers crues ont été catalyseur de la question environnementale d’où ces projets ont offert l’occasion d’évoquer la conservation de ce site Ramsar dans le processus de planification et de développement urbain.
Figure 17 : ceinture routière, projets de planification et paysage des berges de la sebkha, source : google image
Malgré toute les tentatives et les projets pour préserver le plan d’eau (essentiellement celles d’assainissement et de branchement routier), les risques d’inondation restent ignorés par la population riveraine. La zone industrielle d’El Mghira, par exemple, qui s’étale sur 230 ha, présente une menace pour l’environnement surtout avec ses futures extensions. Tous ces facteurs prouvent la vulnérabilité de la zone et la fragilité du site : l’hydrologie du plan d’eau, les berges, la faune, la flore et même la population riveraine sont devenus exposés aux risques naturels et aux changements climatiques. Ainsi, la sebkha de Sijoumi est-elle menacée de se transformer d’une zone humide protégée vers une grande décharge de la Tunisie Ouest ?
115
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
3.3.4. Mutation du plan d’eau et répercussions sur les écosystèmes
3.3.4.1. Plan d’eau Sur une superficie de 2900 Ha, plus de 2620 Ha du plan d’eau de la sebkha (80%) sont situés sous le niveau de 10 m NGT. La sebkha, auparavant basculant entre les saisons de sécheresse et la montée de sa nappe phréatique, a connu depuis quelques années une perturbation remarquable au niveau de son fonctionnement hydrologique.
Figure 40: changement de la surface d’eau durant la saison estivale et la saison hivernale, source : étude Walid Chouari
La dépression Sijoumi s’est transformé d’un réceptacle de collecte des eaux pluviales à un dépotoir des apports des eaux de ruissèlement et des sédiments des inondations, mais elle présente aussi un secteur de collecte des eaux usées amenées par les oueds et les canaux de drainage. Ces apports varient en rapport avec un rythme d’urbanisation très accéléré et condensé. Cette sebkha septentrionale possède des vases profondes durant l’été et les saisons de sécheresse avec différent taux de salinité. Pour les deux dernières décennies, surtout avec les fortes précipitations de 2003, la sebkha a été bien alimentée et possède des ilots d’eaux, ce qui permet de la considérer comme étant une destination préférée pour les oiseaux d’eaux (flamants roses, limicoles et canards). Mais ces eaux de ruissellement apportent toujours des déchets ménagères et usées, qui affectent souvent
116
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
la qualité des eaux de surfaces et des eaux profondes, ainsi que la qualité des écosystèmes (Walid Chouari, 2013) (AAO, 2018)157 . Vers l’année 2004, pour assurer l’évacuation des eaux de ruissellement suite aux fortes précipitations, des stations ont été placées pour évacuer ces eaux qui suralimentant le bassin avec deux stations d’épuration : celle de sidi Hassine et l’autre de Hay Hellal. De ce fait, la sebkha est devenue très exposée au phénomène de l’inondation : durant la saison de précipitations, 0.5m d’épaisseur pour une lame d’eau, pourrait couvrir la surface de la sebkha sous la dominance des sédiments solides. Outre les eaux de ruissellement, le bassin absorbe les eaux ménagères de plusieurs quartiers spontanés qui ne sont pas encore rattachés aux réseaux d’assainissement, outre les eaux industrielles, chose qui affecte la qualité d’eau de surface ainsi que celle de la nappe profonde. Apports hybrides (Mm3)
1960
1995
Apport pluvial sur la sebkha
10
13
Apport par ruissellement
8
30.9
Figure 41: bilan hydrique de la sebkha (en millions de m3) pour les années 1960 et 1995, source : depuis l’étude de M. SÂADAOUI, 1995)
En fait, les apports hybrides qui ont atteint 30.9 Mm3 en 1995, selon le tableau cidessus, sont issues de quarante-neuf ouvrages hydrauliques majoritairement à eaux polluées. Aussi bien, ils sont issus des raccordements illicites des eaux usées ménagères et industrielles hydrauliques débouchant vers la sebkha. Ces rejets hydriques (dépourvues d’oxygène et à odeur nauséabonde) stagnent sur les berges des quartiers les proches de la sebkha comme Sidi Hassine, Hay Ezouhour, Essijoumi et Hay Hlel. (Dhaher N. , 2011)158 (Guelmami, 2020)159 .
157
« ’Sebkhet Séjoumi et son Bassin Versant (Tunisie) : Un Territoire en Mouvement Analyse des dynamiques spatiotemporelles des superficies en eau libre et de l’occupation du sol entre 1987 et 2018’’ » AAO, 2018 158 « Production du sol urbain et vulnérabilité aux inondations : l’exemple de la cité Sidi Hcine Essijoumi en Tunisie », Najem Dhaher, 2011 159 « Sebkhet Sejoumi et son Bassin Versant (Tunisie) : Un Territoire en Mouvement, Analyse des dynamiques spatiotemporelles des superficies en eau libre et de l’occupation du sol entre 1987 et 2018 » Anis Guelmami, 2020
117
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Un inventaire de l’ONAS proclame une quantité de 4000m3 d’eau usée industrielle évacuée directement dans le bassin versant de la sebkha.
Figure 42: Evolution des eaux de la sebkha Sijoumi, Images satellites de Sebkha Sijoumi à la même période annuelle (juin) en 1987, 2000, 2010 et 2018, source : étude de Walid Chouari, 2013
La sebkha connait un assèchement progressif passant de l’année 1987 jusqu’au 2018, cet assèchement est de plus en plus précoce essentiellement durant la saison estivale et c’est dû au système de pompage automatique mis en place en 2004 à travers ses régimes de submersion. Ce système d’asséchement n’est plus remarqué aujourd’hui puisque la sebkha devient dotée d’une eau stagnante permanente. Donc, on constate que le régime hydrologique de la zone humide évoque une mutation profonde au niveau de la qualité de ses eaux et son système de fonctionnement, essentiellement
le
cycle
de
l’eau
(Guelmami, 2020)160 .
Figure 43: Evolution des superficies en eau libre au sein des limites du site Ramsar de la Sebkha de Sijoumi, source : (Guelmami, 2020)
160
Figure 44: changement de régime des eaux de surface au niveau de la sebkha Sijoumi, Anis GUELMAMI Avril 2020
« Sebkhet Sejoumi et son Bassin Versant (Tunisie) : Un Territoire en Mouvement, Analyse des dynamiques spatiotemporelles des superficies en eau libre et de l’occupation du sol entre 1987 et 2018 » Anis Guelmami, 2020
118
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
En fait, Le reculement de la surface totale submergé de la sebkha de Sijoumi de 2.5 Ha à 2.2 Ha en 2018 a engendré des changements au niveau des écosystèmes aquatiques et non aquatiques. En se référant à l’étude de Mise en Valeur et d’Aménagement de la Sebkha Sijoumi entre 1987 et 2018 par le MEHAT, et selon trois classes de submersion (submersion temporaire, submersion temporaire, jamais submergé), on remarque que la surface jamais submergée est en croissance continue, la surface temporaire est multipliée par deux, et la surface en permanente submersion passe de 52% en 1987 à 4% en 2018. Ici, le changement de la superficie submergée est lié au bouleversement du système hydraulique de la zone suite à l’augmentation du taux des eaux de ruissellement mélangées des eaux usées ainsi que la gestion des stations de pompage
161
(DGSAM,
2019). Donc, la sebkha évoque un maximum de submersion pendant la saison humide et un assèchement progressif durant la saison chaude. La direction de l’hygiène et de la production de l’environnement DHMPE a effectué une étude d’analyse des organismes des eaux de la sebkha et a dégagé des larves de moustiques dans les canaux d’évacuation des eaux pluviales débouchant dans le plan de la sebkha, ce qui provoque la contamination des eaux de la sebkha. L’évolution de la densité larvaire des chironomes a dépassé en 2015 les 40.000 larvaires/m² selon une étude effectué par la municipalité de sidi Hassine en 2015, qui se sont mobilisés sur les canaux d’eaux vannes, la boue cadium162 et les eaux riches en sel et matière organique. Aussi bien des concentrations des algues nitrophiles163 ont été remarqué au niveau de la zone de rejet des eaux usées ménagères. Donc, la sebkha et ses berges sont devenus un milieu naturel profondément anthropisé. Ici, la zone humide de Sijoumi est en train de passer graduellement du statut de sebkha à celui de marais quasi permanent. Selon l’étude de Anis Guelmami, le sol des berges de Sijoumi est toujours exposé au phénomène de fentes de dessiccation en partie Est de la Sebkha, qui peut constituer un aléa important pour les fondations superficielles des constructions avoisinantes. Un
161 162
« Etude de mise en valeur et d’aménagement de Sebkha Sijoumi DGSAM » 2019 Des métaux qui se trouvent dans les boues des stations d’épuration
163
Le développement de ces algues est lié à l'excès de nutriments (azote, phosphore…) issus des rejets des activités humains (élevage, agriculture, urbanisation…), ces algues dégagent de mauvaise odeur et émette du gaz à effet de serre (méthane)
119
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
autre facteur majeur pour le changement de la composition du sol, c’est le remblai des déchets solides ne pouvant pas constituer des sols d’assises et émanant des gaz toxiques type H²S, chose qui va menacer la faune et la flore de la zone ainsi la qualité des eaux de surface et des eaux profonde : tout un écosystème est en mutation164 (Guelmami, 2020).
Figure 45: recul des milieux humides et rétrécissement de la surface de la sebkha, entre 1987 et 2018, sous les actions de remblaiement, source : étude de Anis Guelmami,2020
Les principales zones marécageuses se situent au niveau des quartiers de sidi Hassine, Ezzouhour, Sijoumi et la zone industrielle d’El Mghira. Envahies par le bâti, ces zones plus exposées au tassement et aux inondations outre la mutation de leurs écosystèmes. 3.3.4.2. Faune et flore Ayant subies le contrecoup des agressions anthropiques et climatiques, certaines espèces de végétations primitives ont disparu totalement. La biodiversité est affaiblie par le rétrécissement des zones tampons et des zones agricoles. Seul l’avifaune a pu s’échapper de l’agression (adaptation de la faune ornithologique avec le cadre muté).
164
« Sebkhet Sejoumi et son Bassin Versant (Tunisie) : Un Territoire en Mouvement, Analyse des dynamiques spatiotemporelles des superficies en eau libre et de l’occupation du sol entre 1987 et 2018 » Anis Guelmami 2020
120
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Le cycle de l’eau modifié, comme c’est expliqué si dessus, a engendré le changement du cadre biologique (biotique et abiotique)165 (Bencheikh, 2000). Quelle vie en rose (devenir) pour le flamant rose ? Si on prend le cas des oiseaux d’eau qui présentent l’espèce la plus importante au niveau de la sebkha : malgré que la fréquentation de l’avifaune ait été à l’origine du classement de la sebkha comme étant un site Ramsar, mais cette richesse écologique a connu un petit changement au niveau de sa biodiversité. La qualité d’eau, à odeur nauséabonde et à faible teneur en oxygène dissous, n’est plus attractive pour quelques espèces d’oiseau d’eau avec un fond vaseux riche en matériaux lourds et toxiques, chose qui les a poussés à migrer vers d’autres zones humides plus conservée (comme celle de l’Ichkeul). Mais, pour d’autres espèces, comme les oiseaux échassiers, l’eau permanente à cause de l’eutrophisation et l’abondance de la nourriture au niveau des vasière et du plan d’eau (comme le développement de la lumbricina166 au niveau des espaces de rejets), lui ont doté d’un caractère attractif pour quelques espèces qui peuvent s’adapter avec les eaux grises et les eaux noire167 . Mais, si jamais la pollution va mettre en cause l’existence de l’avifaune, ces espèces sont les seuls à pouvoir se détacher de leur zone sans dommage. Pour le couvert végétal terrestre, il a subi plusieurs agressions en termes de déboisement et d’arrachement, de modification de la qualité du sol et des eaux de ruissèlement. Toutefois, plusieurs tentatives, par les décideurs et les associations, cherche à préserver ces écosystèmes. Pour la flore aquatique, plusieurs typologies d’algues et de planctonique sont développés ; une grande partie des steppes halophytes est menacée de disparition suite à la dégradation de l’écosystème, seule la salicorne 168 continue à résister. La sebkha dispose aussi des communautés de plancton, quelques espèces d’algues nitrophile pour la macroflore et le phytoplancton 169 (DGSAM, 2019).
165 «
Caractérisation environnementale de la sebkha de Séjoumi. Mémoire de DEA, Institut National d'Agronomie de Tunis » Nizar Ben cheikh, 2000 166 Vers de terres dans les zones humides 167 Source : étude d’aménagement de la sebkha de Sijoumi, DGSAM, MEHAT, 2019 168 Plante halophyte appartenant à la famille des Amarantacée 169 « Etude de mise en valeur et d’aménagement de Sebkha Sijoumi DGSAM » 2019
121
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
Synthèse 3 D’après l’ensembles des références : analyses et études effectuées par des hydrauliciens, des géographes, des urbanistes, des bureaux d’étude et des administrations, on confirme la vulnérabilité des berges de Sijoumi, du plan d’eau ainsi que de la population qui y résident. On déduit ainsi que ce site est très vulnérable à un stade avancé, nécessitant une intervention urgente de la part des autorités publiques. Pour la vulnérabilité, elle peut être hiérarchisée selon les risques exposés passant de la fragilisation interne (qui découlent des risques internes comme la pollution) jusqu’atteindre les risques externes comme les changements climatiques, les fortes précipitations créant la vulnérabilité multidimensionnelle ou synthétique, ainsi que l’apport des eaux de ruissellement divergeant vers le bassin. Cette situation de vulnérabilité comptabilisée en tant que crise, peut être détectée à plusieurs niveaux, entre autres environnementaux, économiques, sociaux et même politiques en cas d’absence de décisions de confrontation des risques. Prenons un cas récemment enregistré comme exemple, c’est la crue du Nil en septembre 2020 provoquant l’inondation du Khartoum (capitale du Soudan), ici la ville déclenche un état de vulnérabilité face au barrage de la renaissance éthiopien, environ 500.000 habitants se sont affectés, des quartiers sont totalement noyés. Une centaine de morts est enregistrée selon le Ministre de l’eau et de l’irrigation, ainsi, la crise s’est déclenché et trois mois d’état urgence ont été réclamés par les autorités. Pour le cas de la sebkha de Sijoumi, la vulnérabilité ne se limite pas seulement au milieu naturel, mais aussi la dépasse pour toucher à la population riveraine. Alors la vulnérabilisé ici est-elle une épée à double tranchant (les interventions de la population riveraine sur le milieu naturel rentre mal sur cette dernière) ? Donc on peut conclure que la relation entre le social et l’environnemental est dialectique ; avec la manifestation de la menace de l’écosystème et la précarité de la population, le paysage naturel et urbain sont en mutation. La vulnérabilité s’est dévoilée ici par la crise. La diversité des intervenants au niveau des berges de Sijoumi et son plan d’eau n’a pas reflété la diversité des interventions. Pour l’Etat, le premier responsable des ensembles d’interventions, son désengagement dans les temps de désordre a induit des 122
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
dépassements d’urbanisation massive et illégale. Pour la population, son intervention dans la fragilisation des berges de Sijoumi s’explique par la masse de pollution produite qui a infecté à sa part le cadre de vie. Alors, y-a -t-ils de nouvelles planifications ou actions de développement dirigées vers les berges de la sebkha pour résoudre cette situation de vulnérabilité ?
123
Chap3 : Le cadre urbain sur les berges de la sebkha de Sijoumi
PARTIE B : LES ACTEURS ET LES ENJEUX EN RAPPORT AVEC LA VULNERABILITE DES BERGES DE SIJOUMI
124
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
Introduction L’agglomération, autour du plan d’eau de Sijoumi, constitue la majorité des mains d’œuvre du grand Tunis, posant des problèmes de consommation d’espace suite à la prolifération de l’habitat anarchique
d’une population moyennant précaire.
L’évolution du bâti et du contenu humain, rapidement sur le pourtour du plan d’eau, a généré un tissu urbain étalé linéairement face au désengagement progressif de l’Etat en termes de production de logement et d’infrastructure, ce qui a influencé le paysage urbain et naturel, a impacté le cadre physique, social, environnemental et spatial de la zone d’étude. L’évolution urbanistique est en ségrégation avec l’arsenal juridique, l’infrastructure de base et la répartition des équipements publics. Donc quel sont les responsables face à ce déséquilibre ? Alors, dans cette partie, on va évoquer en premier lieu, les moyens et les logiques suivis par les différents intervenants sur les berges (en termes de projets, études et réflexions, réalisés, en cours ou en phases de diagnostic). En second lieu, on va se tourner vers l’importance de la zone d’étude en termes de production de nouveaux enjeux d’importance nationale et internationale, afin de prouver si cette zone nécessite des interventions particulières et urgente pour résoudre des problèmes majeurs pour l’écologie et l’urbain ?
125
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
CHAPITRE 4. LES DIFFERENTS INTERVENANTS AUX ABORDS DE SIJOUMI : MOYENS ET LOGIQUES Dans ce chapitre on va essayer de répondre à l’hypothèse qui se base sur la multitude d’acteurs qui ont mis leurs mains dans le processus de vulnérabilisation de la zone de Sijoumi, directement ou indirectement. D’où on va répertorier les acteurs et leurs traces (projets ou études) sur la sebkha de Sijoumi et ses berges. En fait, le développement urbain des abords des berges de Sijoumi fait intervenir des acteurs formels e informels parmi lesquels nous évoquons : Au prime abord, la population riveraine, qui a occupé les berges de la sebkha à partir des années vingt, a impacté le cadre de la zone humide de Sijoumi à travers la bétonisation du sol comme forme d’agression directe et les rejets ménagères comme catalyseurs de pollution. D’où, un tissu urbain spontané et hétérogène pose des problèmes essentiellement d’ordre sanitaire et environnemental. Donc, cette population est-elle la seule qui s’est intervenue dans la pollution et la dégradation du cadre de la sebkha ainsi que ses berges ? En second abord, évidement plusieurs d’autres acteurs sont intervenus directement et/ou indirectement dans la fragilisation de la sebkha et ses berges en termes de production de l’espace bâti suivant plusieurs logiques : l’Etat a été le principal lotisseur et aménageur public. Après la hausse de la demande contre la baisse de l’offre des logements, de nouveaux acteurs privés, tels que les promoteurs immobiliers et les lotisseurs clandestins, ont commencé à produire jusqu’aujourd’hui des logements prouvant le désengagement graduel de l’Etat. Pour les administrations publiques, leur intervention a été sous formes d’études et de projets qui ont été ponctuels en termes d’assainissement, de réhabilitation des quartiers sur le front de la sebkha, de gestion des déchets et de mobilisation des stations d’épuration ponctuelles.
126
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
4.1. Les différents acteurs agissants directement ou indirectement sur la zone Les interventions apportées aux rives de Sijoumi, au départ, ont été majoritairement pour un souci de s’abrite. Par la suite venait l’installation des activités industrielles accompagnées de la densification du tissu urbain. Ces interventions sont guidées par deux types d’acteurs urbains se divisant en acteurs publics et acteurs privés. Donc, comment peut-on les classer en rapport avec l’évolution du tissu urbain ? 4.1.1. Positionnement de l’Etat et des administrations publiques
On a expliqué dans la première partie, historiquement parlant, le positionnement de l’Etat par rapport aux trois plans d’eau. Dans ce propos, si on évoque à nouveau les égouts qui ont conduits les eaux usées de la Medina et ses alentours vers la lagune de Tunis, on remarque que ces actions été confrontés par l’aménagement et l’assainissement du lac et ses berges et même l’établissement d’une opération urbaine de grande envergure et de très haut standing. Pour la sebkha de l’Ariana, les interventions au niveau de cette zone sont en train de suivre le même chemin adopté au niveau de la lagune de Tunis en termes d’aménagement et d’assainissement (deux futures grandes opérations : Madinet Elward et le port de plaisance au niveau du golf). Pour le troisième plan d’eau de Tunis, la sebkha de Sijoumi, elle reste marginalisée vu sa nature (lac endoréique à eau stagnante) et l’importante masse démographique sur ses berges. Après plus d’un cinquantenaire d’années d’urbanisation, quelques projets ponctuels ont été effectués et seules les études qui s’élaborent, à la recherche d’investissement étranger ou même d’une solution radicale. D’où, l’Etat a-t-il laissé trainer, au niveau de la sebkha de Sijoumi, pour que ses berges absorbent l’anarchie et le flux de l’exode rurale ? En fait, on peut déduire que, lorsque l’Etat n’a pas contrôlé ni interdit l’évolution de l’autoproduit sur les rives de Sijoumi d’une part (impact indirect), et n’a pas investi pour l’aménagement de ses abords d’une autre part (impact direct), alors l’Etat peut être considéré comme acteur passif dans la prolifération d’une anarchie urbaine au
127
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
niveau de la zone et catalyseur des problèmes socio-environnementales affleurantes170 (Chebbi, 1986) (Chebbi, M. , 2015) (Abdelkefi J. , 2013) (Othmani, 2019)171 . Pour les zones intérieures des terres agricoles des berges, le processus d’urbanisation s’est infiltré ; au niveau de Jayara, le pouvoir public a conçu un lotissement légal pour le quartier SNIT du 20 Mars. Pour les zones industrielles, le rôle de l’Etat a été de contrôler leur impact spatio-environnemental, or ce n’est pas le cas pour les zones industrielles d’El Mghira Enzel et El Mghira avec ses extensions. Ce positionnement des autorités publiques a renforcé la fragilisation des berges. 4.1.2. Réticence des promoteurs privés
A partir des années quatre-vingt, l’Eta a cédé une partie de son pouvoir aux acteurs privés en termes de production de l’habitat. Cette politique habitante a connu plusieurs problèmes au niveau d’approvisionnement des logement et d’accessibilité à la propriété. En l’occurrence, Pour un promoteur, l’ultime gain est le bon investissement, alors que les berges de Sijoumi n’étaient pas, au début, attractives à l’égard de ces acteurs privés vu que la sebkha est une zone humide endoréique (eaux stagnantes) à rives fragiles occupées par une population déminue. Toutefois, avec l’avènement
industriel,
émergeant au niveau des berges après les années
1975,
l’industrie
est
devenue
l’activité la plus marquée essentiellement au niveau de la zone de Mghira-Sidi Hssine (sur plus de 250 Ha), la zone offre un bassin d’emploi très attractif (exemple de l’un des premiers consortiums développés dans la zone :
le
groupe
Chakira),
d’où
la
production de l’habitat s’est évoluée de plus en plus. Figure 46: PAU des trois sones industriels D'El Mghira , source : IHE pour le compte de la DGSAM
170
« La réponse de l’État au processus d’urbanisation » Jalel Abdelkefi, 2013 « La « VILLA » au nord de la ville de Tunis pendant la première moitié du XXe siècle, Essai d’étude sur le développement de la morphologie et de la fonctionnalité », Houssem Eddine Othmani,2019 171
128
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
D’où, cette région est devenue, par la suite, attractive pour les investisseurs vu le faible coût du foncier et la disponibilité d’un bassin de main d’œuvre. 4.1.3. Accaparement des propriétaires clandestins
L’urbanisation des berges de la sebkha a encouragé les propriétaires clandestins qui ont tiré profit des terres agricoles en se greffant sur les infrastructures mobilisées par les pouvoirs publics et même à l’intérieur des terres agricoles et des champs. Cette forme d’urbanisation clandestine a été basée aussi sur des accaparements frauduleux des terres domaniales (habous) et des terrains non immatriculés revenant à l’Etat (qui représente 72% des terrains vendus vers les années 1996). Une fois accaparés, ces habous sont morcelés et vendus généralement à bas prix pour faire l’objet d’une demeure provisoire ou habitation (même processus de morcellement pour les terres agricoles) (Sebag P. , 1960) (Chebbi, 1986) (Barthel P.-A. , 2003)172 . Ce morcellement, selon l’étude de M. Chebbi, est devenu un lotissement clandestin qui s’est basé sur l’occupation du terrain durant quinze ans sans interruption. Le découpage des morceaux est fait par un dessinateur pour obtenir des tranches numérotées constituant une nouvelle forme de promotion foncière. On peut distinguer ainsi trois catégories d’accaparement : le lotisseur clandestin optant pour une réquisition d’immatriculation pour mener la preuve de propriété (auprès du tribunal immobilier), la deuxième forme est l’accaparement des terrains habous de l’Etat ainsi que les terrains du domaine public maritime jusqu’atteindre l’intérieur des zones agricoles (Sfayhi, Ghdir El Goulla, Ettoumi, etc.). La troisième catégorie c’est le lotissement des terres agricoles dont le propriétaire ou l’accaparent est le paysan. Comme résultante de ces trois catégories de lotissement, un bassin foncier périurbain est développé entre les années 1970 et 1984 (Chabbi M. , 2012). De ce fait, l’urbanisation a été dès le départ en mutation, accompagnée d’une disparité sociale, spatiale et environnementale. 4.1.4. Propriétaires ordinaires (bassin d’absorption de la catégorie démunie)
L’auto construction s’est manifestée depuis les premières occupations vers la frange nord-est des berges de Sijoumi (faubourg Saïda Manoubia) comme un acte privé, par 172
« Faire la ville au bord de l’eau, les lacs de Tunis : des marges urbaines à des sites de très grands projets d'aménagement » Pierre Arnaud Barthel, 2003, P. 225-243
129
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
les premiers migrants ruraux (premier front d’urbanisation sous forme de petits noyaux), pour se transformer en quartiers non réglementaires de masse très importante. L’urbanisation de l’ouest de la sebkha a été vers les années 1970 (second front d’urbanisation) se manifestant par l’apparition du quartier de sidi Hssine, et dès lors, l’ouest a commencé à perdre sa vocation agricole (2500 habitants à sidi Hssine en 1975 face à 100.000 habitants aujourd’hui), ces chiffres nous montrent l’importance de l’évolution de cette masse démographique durant moins de 50 ans (40 fois plus importante). L’intérêt social existe aussi quand des couches précaires cherchaient un habitat ou un refuge à prix abordable. La réglementation urbaine était quasi absente (parfois contournée) et l’accaparement des terres agricoles a été infreinable. Donc peut-on admettre que la disponibilité des terres non immatriculées a favorisé l’accaparement et a doté l’ouest de Tunis d’un caractère attractif en termes d’approvisionnement du logement ? Autres acteurs : L’étalement des berges de la zone humide de Sijoumi a été à l’origine de la diversité des administrations et des décideurs. Par ailleurs, les berges de la sebkha sont divisées sur deux gouvernorats (Tunis et ben Arous) et 4 communes (municipalité de Tunis, municipalité de sidi Hassine, municipalité d’el Mourouj et municipalité de Fouchana). Pour les administrations publiques qui tirent leur pouvoir de l’Etat, elles interviennent eux aussi dans la gestion des berges de la zone humides et sa population limitrophe. La diversité écologique de la zone d’étude a fait appel aussi à d’autre intervenants : les forêts (la direction générale des forêts), les terres agricoles (le ministère de l’agriculture),
la diversité hydraulique-écologique
et l’étude d’impact des
constructions, à usage industriel ou résidentiel, sur l’environnement (l’ANPE, l’ARRUE, l’APAL), etc. Les associations : Les associations sont comptabilisées comme étant acteurs importants pour la sensibilisation de l’intérêt public à l’importance de la richesse de la zone humide de Sijoumi qui est connu par son effervescence en termes d’association. Etant les plus représentés à l’échelle nationale en termes d’associations, les berges de Sijoumi comptent 1260 associations dont 167 ont été créés après la révolution de 2011 qui sont généralement liées à l’amélioration de la responsabilité citoyenne, l’importance de la 130
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
femme et la conservation du cadre écologique (essentiellement l’avifaune) (DGSAM, 2019). En cite parmi ces associations :
Réseau des enfants de la terre
La sauvegarde de l’environnement
L’association
citoyenne d’El
A milité pour la suppression des décharges anarchiques
des amis
Promulgue la sensibilisation à la préservation de la richesse
Mourouj 2 L’association
des
oiseaux
ornithologique da la sebkha
L’association ‘les berges pour
Travaille dans le cadre de l’écologie citoyenne et la préservation de
développement
l’environnement
durables
de
sebkhet Sijoumi’
En fait, l’ensemble de ces acteurs ont intervenu de façons différenciées. Donc, quels sont les principaux projets et études élaborés auprès de l’ensemble de ces intervenants et administrations ? 4.2. Etudes et projets aux abords du sebkhet Sijoumi Plusieurs études ont été établies, depuis plus d’un cinquantenaire, dont le sujet de la zone humide de Sijoumi parait comme sujet d’urgence vu l’eutrophisation de ce cadre. Aujourd’hui, ces études continuent encore à s’élaborer, sur plusieurs versions et par différents intervenants, vu la mutation du cadre. L’apparition de nouveaux enjeux et contraintes intrinsèques et extrinsèques affectant le cadre écologique, le réseau hydrologique et la population, prouvent la manifestation l’intérêt environnemental au niveau des études les plus récentes (essentiellement après le classement de la zone en site Ramsar). 4.2.1. Etudes urbaines
Après une fouille dans les études et les projets qui ont porté sur la sebkha de Sijoumi, le premier intérêt accordé à la zone a été enregistré vers les années 1906 par Eugène Minnier173 , sous l’administration coloniales. Une étude a été établi en 1913 pour une prévision d’un grand réservoir d’eau afin d’éliminer la perte des eaux de ruissellement et des eaux de la Medjerda qui drainent vers la mer, sauf les pertes des eaux par
173
Ingénieur hydraulique, responsable du projet de raccordement de la sebkha au canal de la Medjerda
131
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
évaporation, sachant que le canal Medjerda est très proche de la sebkha de Sijoumi, auprès de son cours d’eau Jedaîda174 . (Minnier, 1913) Eugène Minnier a vu, dans le temps, que la Tunisie aurait besoin d’une politique hydraulique pour garder ses eaux qui virent vers la mer, car l’eau crée la richesse. L’adduction des eaux de crue de la Medjerda dans la vase naturelle de Sijoumi va permettre de fournir chaque jour 10.000m3 d’eau, la banlieue pourrait bénéficier, elle aussi, de 200.000 m3 pour l’irrigation des champs. D’où, l’eau drainée vers la méditerranée, Sijoumi en a besoin. Eugene Minier a prévu un canal artificiel de 19km400m entre Jedaîda et Sijoumi. En fait, les eaux de la Medjerda changeaient, selon les saisons, en proportion, qualité et quantité (écoulement assez abondant pendant trois mois/année) ; le bon moment pour remplir le réservoir de Sijoumi (selon les études de l’ingénieur Porcher, ‘les eaux de Tunis’). L’eau de Sijoumi, grand réservoir, devient suffisante pour l’usage domestique, agricole et industriel. Avant d’établir la faisabilité du réservoir artificiel, une étude a été menée au sol du fond du Sijoumi (objet d’étude des années 1906 jusqu’au 1913). En fait, le fond de la sebkha, à cette époque, a été formé par une couche d’argile de sédiments dépassant les 30m d’épaisseur ; argile très compacte formant un fond à l’abri de toute infiltration avec un sous-sol très salé.
Figure 47: schéma récapitulatif du projet visé par E. Minnier (schéma de l'auteur)
174
« Adductions des eaux pluviales à la Medjerda au lac de Sedjoumi » Eugène Minnier, 1913
132
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
L’aménagement de ce lac en réservoir artificiel s’est basé sur les digues. Les sédiments apportés par les écoulements vers la cuvette vont être excaver et le réservoir devient vidé de la boue. Ce projet n’a pas vu le jour vu son cout très élevé à l’époque, en fait c’est l’action de dévasement du réservoir qui fut la plus couteuse. Sinon, quel avenir devrait avoir la zone si jamais ce projet a vu le jour ? Outre cette étude et recherche approfondie, plusieurs d’autres études et projets non aboutis ont été intéressés par la zone humide de Sijoumi, prenons l’exemple des scénarios d’études effectués par la société tunisienne d’étude hydrauliques, industrielles, et d’environnement de Tunis, élaboré en 1978-1979, ayant comme objet :
Figure 48: schématisation du processus de dévasement, Tunis le 1 er octobre 1913, schéma de l'auteur
l’aménagement des berges de la sebkha de Sijoumi. Cette étude a porté essentiellement sur la gestion de la pollution des berges et du plan d’eau de la sebkha suite à l’installation d’environ 200.000 habitants aux alentours de Sijoumi à cette époque. Les eaux usées, déversées dans la sebkha, à part la pollution apportée aux eaux de surface et eaux profondes, ont limité le transfert de l’oxygène de l’atmosphère, d’où la nécessité d’injection d’une grande quantité d’oxygène dans les eaux du lac. Cette méthode visée par cette étude, cherche à éliminer les odeurs nauséabondes afin d’assurer l’épuration et la régénération des eaux tout en atténuant sa pollution. Un autre scénario d’aménagement urbain a été élaboré : la cité jardin, en termes de création d’une zone d’habitat et d’une zone d’irrigation de 400 Ha. L’ensemble de ces trois propositions supposées permettre la régénération des eaux de la sebkha, la règlementation de l’urbanisation de la zone et l’amélioration du secteur agricole175 (District deTunis, 1979). Plein d’autres études, scénarios et projets ont été proposés, toujours dans la faveur du plan d’eau, de la conservation de ses berges fertiles et de l’amélioration du cadre de
175
« Etude d'aménagement des berges du lac Sedjoumi, synthèse de l'analyse du milieu » District de Tunis, 1979
133
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
vie de la population riveraine. Mais, en passant de 1000 habitants (1925) vers 600.000 habitants (valeurs approximatives de nos jours), la sebkha souffre des mêmes problèmes mais à un degré plus aggravé. Une étude d’aménagement et de valorisation de la sebkha de Sijoumi a été élaboré par la DGSAM mandaté par le MEHAT en 2015. Cette étude avait comme objectifs : l’assainissement de la sebkha des ressources polluants, la mobilisation des petits bassins de retentions des eaux pluviales, l’intégration des activités aquatiques au niveau de l’aménagement des berges et l’amélioration du cadre de vie de la population et des écosystèmes. Après le traitement et l’assainissement de la sebkha et ses abords, cette étude a visé la conciliation du plan d’eau avec son environnement naturel et urbain. (Chrada, 12 Janvier 2015). Mais cette étude n’a pas été réalisée en termes de projet vu l’instabilité du pouvoir politique et l’insuffisance des ressources. Plein d’autres études ont été élaborées, ayant les mêmes objectifs, dont la dernière étude effectuée par le MEHAT en 2019 s’intègre dans la perspective de recherche d’investissement et de sauvetage de la zone, qu’elle voit le jour. En fait, cette étude, mandatée par la direction générale des services aériens et maritime DGSAM, présente un rapport de diagnostic de la situation actuelle. Des scénarios d’études ont été élaborés après ce diagnostic, dont une a été retenue pour la recherche de financement étranger du projet (DGSAM, 2019). Cette étude se base sur l’analyse du cadre biologique de la sebkha, l’étude des apports de la pollution du plan d’eau et de l’écosystème, du système hydrologique et l’analyse des différents projets d’assainissement ponctuels au niveau des berges de la sebkha. Cette étude a, comme objectif, l’amélioration de la puissance de la sebkha à absorber les crues, la dépollution du plan d’eau des sources polluants nuisant à son fonctionnement, la prévention d’un cadre de vie meilleur et la réconciliation du site avec son paysage et son environnement 176 . 4.2.2. Etudes environnementale
L’étude d’aménagement des rives de Sijoumi (celle de 2015) a eu une deuxième version (juillet 2017) sous forme d’un deuxième rapport relatif à l’étude d’impact sur l’environnement de la variante du scénario retenu en 2015 et focalise essentiellement sur le côté environnemental, (élaboré par IHE pour le compte de la DGSAM). 176
« Etude de mise en valeur et d’aménagement de Sebkha Sijoumi DGSAM » 2019
134
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
Cette étude s’est composée de trois phases : •
Phase 1 : le diagnostic des scénarios d’aménagement
•
Phase 2 : l’étude détaillée de rentabilité + étude d’impact sur l’environnement
•
Phase 3 : l’établissent du dossier d’appel d’offre pour les travaux approuvés
Cette étude possède divers paramètres clés pour l’aménagement et l’environnement : ✓ L’amélioration de la capacité de la sebkha pour la décantation des eaux des c rues ✓ La dépollution de la cuvette et de ses berges ✓ L’aménagement de la cote pour assurer la réconciliation de la zone urbaine avec son cadre naturel ✓ L’amélioration de l’abri de l’avifaune ✓ La création des terre-pleins non inondables au niveau des berges à une altitude supérieure ou égale à 10.5m NGT ✓ La conservation des terres agricoles Le scénario d’aménagement retenu est celui de la troisième variante comprenant la majorité des critères souhaités. Cette variante d’étude (dans la figure ci-dessous) vise essentiellement le traitement des berges (réduites à 19 km), la division de la sebkha qui fait 2650 Ha en : terre-pleins non inondables de 722 Ha et une zone humide inondable de 1860 Ha, le traitement des fonds, le traitement de rejets (ouvrage d’interception des eaux, bassins de traitement des eaux pluviales) comportant douze canaux, des dalots et deux stations de pompage des eaux usées pour le recyclage des réseaux de l’ONAS 177. (Tarhouni, 2017) (Chrada, 12 Janvier 2015) 178.
177 178
« » المصادقة على مشروع تهيئة سبخة السيجومي وتثمينهاTarhouni Saloua, 2017 « Etude d'aménagement et de valorisation de la sebkha de Sijoumi » Rafik Chrada, 2005
135
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
Figure 49: scénario retenu pour l’aménagement de la sebkha de Sijoumi et ses berges, juillet 2017, source : IHE pour le compte de DGSAM
136
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
Figure 50: le nouvel aménagement en rapport avec les plans d'eau, source : (Chrada, 12 Janvier 2015)
Certainement ce projet, s’il voit le jour, va avoir des retombés sur le cadre de vie de la population riveraines en termes d’amélioration, ainsi que la préservation des écosystèmes de la zones. Cette étude est en attente d’investissement des pays nordiques. Pleins d’autres études ont été portées sur l’analyse de la sebkha, la proposition des scénarios d’aménagement ou la recherche d’hypothèses d’éventuel aménagement. L’ensemble des études fouillées chronologiquement : Acteurs
Etudes
L’administration coloniale,
« Adduction des eaux de la Medjerda au lac de Sedjoumi 1913 » : étude
Eugène Minnier :
d’une politique hydraulique d’approvisionnement de la ville de Tunis en
ingénieur chargé de l’étude
eau potable ou le fond du lac de Sijoumi a fait l’objet d’une étude dans
de faisabilité du projet
les années 1906-->1913 Proposition
d’étude
d’aménagement des
berges
de
Sijoumi :
‘Aménagement des berges de SEBKHAT Es Sejoumi’ Avril 1978, il L’AUGT
s’agit essentiellement d’une étude d’actualisation des anciennes études effectuées, particulièrement celle de 1962 en tenant compte des options du plan d’aménagement
137
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques « Synthèse de
l’analyse du milieu »
dans le
cadre d’étude
d’aménagement des berges du lac Sedjoumi’ Juillet 1979 : étude du plan d’aménagement et de mise en valeur de la zone.
AUGT Ministère de l’intérieur,
Recherche d’hypothèse d’aménagement des berges de Sijoumi intitulée
District de Tunis
‘Etude d’aménagement des berges du lac Sedjou mi’ variante d’aménagement Juin 1980 : enquêtes auprès de l’AFH, l’AFT, l’AFI , l’office de la Medjerda, dans une recherche des fonctions envisagées des secteurs : agricole, industriel, écologique, touristique et urbain ‘Programme Cité durable Tunis-Sijoumi’ Février 1997 dans l’objectif
Ministère de l’intérieur,
de produire un plan de développent urbain Stratégique pour Sijoumi
Municipalité de Tunis
avec la collaboration du centre des Nations Unies pour les établissements humains et la contribution financière du programme des Nations Unies pour le développement
Le
ministère
de
l’équipement, de l’habitat et de l’aménagement du territoire
MEHAT+
-Trois Scénarios d’étude d’aménagement des berges de Sijoumi, élaborée par IHE pour le compte de la DGSAM, 2015 -Une variante d’étude retenue, élaboré par IHE pour le compte de la
ministère de l’agriculture
DGSAM, juillet 2017 (à la recherche de financement étranger)
La municipalité sidi Hssine
Aménagement,
planification,
coordination,
assainissement
en
collaboration avec l’ONAS Le
ministère
de
l’agriculture
« Les 7 points fixé par le plan agricole paysager PAP » pour orienter l’action d’aménagement du territoire
L’agence de protection et d’aménagement du littoral
Etude d’aménagement de la zone humide de Sijoumi en 2010
l’APAL L’agence
nationale
protection
de de
l’environnement l’ANPE
Au sein de l’ANPE s’effectuent les conditions d’approbation de dossiers d’études d’impact sur l’environnement
La direction générale des
Superficie des forêts, types de plantations, justificatif, date de plantation,
forêts DGR
etc.
4.2.3. D’autres Etudes
Vu son importance comme étant un site Ramsar, en pleine agglomération urbaine et doté de plusieurs richesses écologiques, le cadre de la zone humide a attiré l’attention des finlandais179 en 2019. Une étude a été porté sur l’analyse et la proposition d’un
179
Experts finlandais délégués par L’agence japonaise de coopération internationale (JICA), sous la direction du MEHAT
138
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
scénario d’aménagement, essentiellement des berges nord de la sebkha dans une approche durable (le trio : durable, abordable, inclusif). Cette étude a proposé des solutions : ✓ Viser une planification inclusive avec plusieurs parties prenantes ✓ Contrôler l’extension de la ville au détriment des terres agricoles ✓ Fournir un plan d’occupation des terres à long terme ✓ Proposer des solutions pour gérer les pics des crues dans le bassin versant Pour les buts de cette étude de projet : ✓ Eliminer les problèmes liés à l’eutrophisation
du
milieu
(moustiques et odeurs) ✓ Renforcer les valeurs Ramsar et environnementales ✓ Assurer le développement socioéconomique de la zone ✓ Planification et lotissement des terrains pour le gain de vente réglementaire
Figure 51: proposition du projet d'aménagement des berges
✓ Création de nouveaux bassins d’emploi Cette étude est classée comme étant une coopération et collaboration entre la Tunisie et la Finlande.
139
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
En
fait, les deux pays
vont
bénéficier du nouvel aménagement des berges de la zone humide en se basant sur le partage du savoir-faire et du bien foncier.
Cette étude a été basée sur la proposition des solutions pour mieux doter le tissu urbain de plusieurs bénéfices et vivre en présence de l’eau (zone humide), entre autres : ✓ Séparer des réseaux d’eau usée de drainage ✓ Construire un canal vert ✓ Réduire les surfaces imperméables ✓ Utiliser des bassins de rétention ✓ Utiliser des rigoles (bio) ✓ Construire des jardins pluviaux ✓ Ajuster le profil de la rue ✓ Introduire un système de collecte des E.P ✓ Mobiliser des murs anti-inondations ✓ Promouvoir l'agriculture urbaine De ce fait, la future urbanisation est planifiée comme étant durable, elle se base sur la bonne gestion des crues, l’inclusion sociale et l’approche participative.
Figure 52: modélisation 3d de la nouvelle vision projetée des berges de la sebkha, source : Etude finlandaise
140
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
Figure 53: Typologie d’occupation du sol projeté, source : l’étude finlandaise
De crainte que l’ensemble des terres agricoles, vers le sud -ouest de la sebkha vont subir un envahissement des constructions anarchiques, l’étude finlandaise a projeté un tissu urbain règlementaire de haut standing (aire urbaine marquée en rouge comme l’indique la figure ci-dessus), qui va permettre de bénéficier de la disponibilité foncière légalement et de gérer les futures extensions urbaines sur les rives avec une façade commerciale sur le front du plan d’eau (marqué en orangé). Malgré que cette étude soit très approfondi et pertinente en termes de prévention du plan d’eau et de réglementation de l’urbanisme, mais on peut remarquer un gaspillage des terres agricoles quelques soit formellement ou informellement, ainsi que l’enclavement total de la sebkha par le bâti. 4.3. Projets réalisés, en cours ou projetés aux abords de sebkhet Sijoumi Sa superficie étalée et ses intervenants diversifiés ont entravé l’intervention pour l’aménagement et la labellisation de la sebkha de Sijoumi et ses berges.
141
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
Toutefois, plusieurs interventions en termes d’aménagement et d’assainissement ponctuel ont été abordées pour mener à bien ce cadre écologique et urbain. Selon l’étude de mise en valeur et d’aménagement de Sebkhet Sijoumi de la DGSAM, plusieurs projets de renforcement du réseau d’assainissement ont été lancé dans le cadre du 4ème projet d’assainissement urbain de l’ouest de Tunis depuis 1999. Pour l’ONAS, son intervention a été sur plusieurs reprises, afin de brancher des constructions informelles et assurer leur viabilisation (sous forme de réseaux primaires, réseaux secondaires et réseaux de transfert des eaux usées). En contrepartie, il a été important de mobiliser une station d’épuration des eaux de Tunis Ouest afin d’atténuer les rejets accidentels versées directement dans la sebkha. Pour la gestion des déchets solides, la fermeture de la décharge informelle de Henchir El Yahudia en 1999 a induit l’installation d’une nouvelle décharge vers l’ouest de la sebkha. Cette nouvelle décharge, située entre Sidi Hassine et Borj Chekir a été mise en service en 1999 et absorbe les déchets solides de 34 communes à 1950 tonnes/jour (DGSAM, 2019)(Tarhouni, 2017) (Barthel P.-A. , 2003)180 (Guelmami, 2020)181 . Alors, le tableau suivant récapitule la majorité des projets réalisés ayant comme but l’aménagement ponctuel, l’assainissement ou la réhabilitation d’un quartier précaire : Acteurs
Projets
Projets d’aménagement urbain réalisés au niveau des quartiers aux abords de la sebkha de Sijoumi Projet de développement urbain intégré PDUI 182 dans le cadre d’un projet d’aménagement urbain du bassin de Sijoumi couvrant 7 cités d’habitation (cité des Taxis, Cité Sala El Mestiri, Cité El Hannachi, Cité de l’Ecole, Cité Mrad 1 et 2, Cité Bougatfa 1 et 2) réalisé à 100%, qui a couté 5.5 MDT, achevé La Municipalité de Tunis
en 2009. Amélioration de l’habitat dans les zones de Jbal Lahmar, Mellassine, Saïda Manoubia et Hay Hlel, un projet qui s’étale sur 260 ha, réalisé à 100% et a couté 18.2 MDT, (la première tentative de résorption de l’habitat clandestin a commencé vers les années 1978), ce projet a été achevé en 2010
180
« Faire la ville au bord de l’eau, les lacs de Tunis : des marges urbaines à des sites de très grands projets d'aménagement » Pierre Arnaud Barthel, 2003, P.225_228 181 « Sebkhet Sejoumi et son Bassin Versant (Tunisie) : Un Territoire en Mouvement, Analyse des dynamiques spatiotemporelles des superficies en eau libre et de l’occupation du sol entre 1987 et 2018 » Anis Guelmami, 2020 P 67-88 182
Le PDUI est un type de projet de développement visant l’intégration, l’équipement et le recasement des quartiers populaires promouvant l’économie et l’emploie
142
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
Projet de Réhabilitation du quartier de Saïda Manoubia (ce projet a commencé depuis les années 1978 et a connu plusieurs étapes jusqu’une date récente). Projet national de réhabilitation des quartiers populaires : quartiers El L’Agence de
Frachich 1 et 2, Hay Mrad 1 et 2, Taxiette, Bougatfa 1 et 2 : projet réalisé à
Réhabilitation et de
100% qui a couté 2.9 MDT
Rénovation Urbaine
Projet national de réhabilitation des quartiers populaires : Mghira Enzal, El Attar et Fouchana : projet en cours de travaux et coutera 8.3 MDT
API, AFI
Mghira1,2,3 ainsi que les éventuelles extensions de la zone industrielles Projets d’assainissement du bassin de Tunis ouest Réseau primaire d’assainissement, réalisé à 100%, a couté 13 MDT Réseau secondaire d’assainissement, réalisé à 100%, a couté 16.1 MDT Réseau de transfert des eaux brutes, réalisé à 100% et a couté 24.7 MDT
L’office National
Station d’épuration de 60 000m3/jour, réalisé à 100% et a couté 49.3 MDT
d’Assainissement
Réseau de transfert des eaux épurées, réalisé à 100% et a couté 16.3 MDT
L’ONAS
Assistance et renforcement de ca pacité des réseaux : projet en cours de réalisation et coutera 4.5 MDT
Projets réalisés Pour le désenclavement du Plan d’eau de la sebkha Recalibrage de la sortie ouest en 2*3 voies, projet réalisé et en service Ministère de l’équipement, de l’Habitat et de
Projet réalisé de l’Echangeur route X-Sortie ouest, mis en service et a couté 32 MDT Projet routier de l’intercommunale sud, réalisé et mis en service
l’Aménagement
Etude d’aménagement et d’embellissement du site du mausolée des martyrs de
du Territoire
Sijoumi 2001 : Projet achevé entièrement, dans le site de l’ancienne briqueterie qui donne directement sur la zone humide
La société RFR
Ligne E- RFR, en cours de réalisation et coutera 80 MDT, taux d’avancement 60%
Projets pour la protection de Tunis ouest contre les inondations Lot1 : Protection de la zone amont de l’oued Gueriana : projet en phase d’exécution et a couté 23.5 MDT DHU
Lot2 : protection de la zone aval de l’oued Gueriana : projet en phase d’exécution et a couté 28.1 MDT Lot3 : réalisation de l’ouvrage de Vidange : projet en phase d’exécution et a couté 32.2 MDT Protection de Sidi Hssine contre les inondations : projet achevé et a couté 3 MDT
Généralement, pour les berges de Sijoumi, on remarque que le nombre des études qui ont été élaborées dans le cadre d’aménagement des berges, de rénovation urbaine et de 143
Chap4 : les différents intervenants aux abords de Sijoumi : moyens et logiques
préservation de l’environnement, dans une approche de valorisation de la zone, n’ont pas vu le jour par rapport au nombre des projets réalisés en termes de branchement des réseau sanitaires et routiers. En revanche, l’ensemble de ces projets, bien qu’ils aient réduits une multitude de problèmes, mais n’ont pas porté sur l’ensemble des berges. Les actions portant sur la résolution du problème de vulnérabilité d u plan d’eau et ses berges n’ont pas encore vu le jour, dans l’attente de financement étranger. Synthèse 4 Ne pas agir a aussi un impact ; L’Etat et ses administrations, les promoteurs privés ainsi que les promoteurs clandestins sont eux aussi impliqués dans la logique d’occupation et de bétonisation des berges ainsi que le processus de vulnérabilisation de ce cadre outre la population riveraine qui a choisi, pour des raisons ou d’autres, d’envahir et occuper ces berges. Donc ces différents acteurs, divisés entre privé et public, acheteur ou vendeur, occupant ou aménageur, ont le même impact sur la zone humide mais à différents degrés et échelles ; le résultat reste le même : la vulnérabilisation d’un cadre naturel, classé Ramsar, supposé gardé son état naturel brut et conservé sa biodiversité. Pour les différentes études, malgré qu’elles aient été portées depuis une cinquantaine d’années jusqu’aux nos jours, accompagnées d’un nombre de projets ponctuels d’assainissement et de réhabilitation, mais restent toujours insuffisantes pour un cadre considéré en état de risque. Alors que les nouveaux enjeux de notre ère et l’intérêt accordé à l’importance de l’écologie sont en train de tourner l’attention vers ce site Ramsar. D’où, ces enjeux vont-ils permettre d’améliorer la situation et concilier ce site naturel avec l’urbain à travers des stratégies d’aménagement ?
144
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
CHAPITRE 5. LES NOUVEAUX ENJEUX DE DEVELOPPEMENT DURABLE DES ABORDS DE SEBKHET SIJOUMI
Ce dernier chapitre est réservé à l’étude du nouveau contexte issu des nouveaux enjeux. En fait, l’installation des villes en front de l’eau, bien qu’elle présente une prouesse technologique pour des pays, mais pour d’autres, elle constitue un cadre de dégradation de la biodiversité et du cycle de l’eau, comme le cas de la sebkha de Sijoumi (expliqué ci-dessus). Ainsi, la prise de conscience se déclenche en cas de manifestation du risque de vulnérabilisation ou de souci de valorisation. L’intérêt accordé à l’importance de l’écologie pour l’existence de l’homme et la biodiversité de l’environnement a constitué l’enjeu d’envergure come initiative de conservation de la zone humide de Sijoumi, dans une approche durable, face à la pollution qui a atteint le cadre de vie de la population lacustre. Aussi bien, la signature de la convention Ramsar, la condensation du tissu urbain et le besoin des espaces verts pour la ville, ont-ils constitué une pression sur l’Etat et l’intérêt public pour s’orienter vers les berges de Sijoumi ? D’autres études ont été apportées sur les terres agricoles de superficies importantes qui pourraient décongestionner la capitale vu la saturation de son tissu, mais cette disponibilité foncière peut-elle constituer un outil d’aménagement et de requalification de la zone, ou constituer une autre piste vers la disparition de la vocation agricole de la zone ?
145
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
5.1. Enjeux urbains : de la vulnérabilité à l’opportunité 5.1.1. Pénurie des réserves foncières du Grand Tunis face au potentiel foncier au niveau des berges de Sijoumi
Etant donné que le Grand Tunis possède une urbanisation dense qui dote la capitale un caractère de macrocéphalie. Cette urbanisation en évolution continue confronte une pénurie des réserves foncières face à une masse démographique importante qui est toujours en évolution.
Figure 54: proximité des réserves foncières (des berges de Sijoumi) du centre-ville, source : google earth
Sur un rayon de 10 km aux alentours du centre-ville, on constate d’après cette carte, que les terrains libres (non assujettis à aucune panification) se localisent essentiellement sur les berges de Sijoumi. La saturation de la capitale a fait tourner les yeux vers la recherche de disponibilité foncière. En contrepartie, les marges d’urbanisation anarchique sur les berges de Sijoumi continuent à se développer à grande vitesse en grignotant et accaparant ces biens fonciers disponibles. Quant aux acteurs privés, ils ont profité eux aussi de l’occasion (coût abordable du foncier).
146
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
Donc, pour la ville de Tunis, se tourner vers les berges de Sijoumi peut constituer une solution pour décongestionner
le
centre-ville,
désencombrer tout en procédant à la santé environnementale de la zone, ainsi
que freiner voire arrêter
l’anarchique.
Figure 55: Le nouveau tissu urbain autour de la Medina et des trois plans d'eau, source : (Morched Chabbi, Mathieu Martin, Hassen Abid, 2020)
En fait la disponibilité foncière qu’exposent les berges ouest de Sijoumi ont attiré même l’attention de quelques partis politiques. Aussi bien, des émissions radio ont été intéressées par la médiation de l’importance de la zone de Sijoumi comme étant une zone constructible et à importance environnementale locale et internationale, prenons l’exemple de l’émission « Tous les détails sur la transformation du marais de Sijoumi en un espace aux allures du lac nord » vulgarisé par la radio express FM en 29 juillet 2016, qui proclame la fin des études sur la sebkha et la planification de recherche d’investissement, ayant comme entente l’amélioration du cadre de vie de la population riveraine, l’aménagement d’une corniche et l’assainissement du plan d’eau. 5.1.2. Développement de l’infrastructure et du transport en commun (accessibilité et branchement)
La sebkha, engloutie par le nouveau tissu urbain, parait aussi enclavée par des ceintures routières de tous les côtés. L’étalement des réseaux routiers, malgré que certains voient que son étalement n’est pas étudié en rapport avec le changement du niveau d’eau de la sebkha, mais d’autres l’apprécient en termes de constitution d’obstacles contre l’étalement urbain. Pour les résidents, le développement du réseau routier (branchement et mobilité) a permis de doter la zone d’un caractère attractif à l’égard des ouvriers, des personnels, des migrants, ainsi que des investisseurs en termes d’approvisionnement de main d’œuvre et de facilité de déplacement.
147
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
En fait, le développement du réseau routier et ferroviaire induit impérativement le développement du transport collectif, planifié au niveau de l’étude du Plan Directeur Régional de Transport du Grand Tunis (PDRT). Aussi bien, la ville de Tunis est devenue très bien branchée avec ses banlieues ouest 183 (Chabbi & Abid, 2008)184 ).
Figure 56: le futur projet routier projeté, source : PDRT par le ministère de transport
Le schéma du futur réseau routier du grand Tunis constitue une projection du développement du réseau pour les deux quinquennaux à venir, ayant comme objectifs la continuité entre les réseaux, la connexion des typologies de moyens de transport et la gestion de la complémentarité intermodale. D’où, on peut prévoir l’avenir de toute la zone des berges de Sijoumi, en termes de mobilité et de branchement, qui va être bien desservie et connectée avec tout le Grand Tunis (Chabbi & Abid, 2008).
183 184
« La mobilité urbaine dans le Grand Tunis, Evolutions et perspectives » Morched Chebbi et Hassan Abid, 2008
Abid Hassen : économiste des transports - ETIC, Tunis
148
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
5.1.3. Nouveau cadre administratif émergeant (municipalités, agences et organismes)
Auparavant, les taches urbaines, occupant les berges de Sijoumi, ont formé des arrondissements de la municipalité de Tunis, mais actuellement, cette zone est devenue divisée sur quatre municipalités : celles de Tunis, Sidi Hassine, el Mourouj et Fouchana.
L’importance
des nouveaux
cadres administratifs va impacter
éventuellement les interventions au niveau des quartiers formant une ceinture urbaine tout autour du plan d’eau (en termes d’assainissement et d’aménagement). La création des deux municipalités de sidi Hassine et de Fouchana est très récente, respectivement en 02 août 2004 et 26 Mai 2016. D’après l’étude de IHE pour le compte du DGSAM mandaté par la MEHAT, l’ensemble des berges de Sijoumi sont divisées comme suit : Sidi Hassine : étalé sur 8642 Ha (périmètre communal), dont 7km constituent la façade qui donne directement sur la sebkha, c’est la commune la plus importante en termes de superficie du plan d’eau et des berges longées. Ezzouhour : un arrondissement de la municipalité de Tunis qui possède une façade de 900 ml qui donne sur la sebkha par l’intermédiaire d’un tissu urbain dense et saturé. Ouerdia : un arrondissement de la municipalité de Tunis qui possède une façade de 1.8 km qui donne directement sur la sebkha (zone très bien desservie à tissu urbain dense (RN1, RN3). Sijoumi : un arrondissement de la municipalité de Tunis, une dentelle urbaine qui communique avec la sebkha sur 5.5 km, comprenant une zone naturelle quasi marécageuse avec des vasières et un couvert végétal important qui fait 70 Ha ; une zone tampon entre le plan d’eau et le tissu urbain. Kabaria : un arrondissement de la municipalité de Tunis, doté d’une façade de 3.6 km avec une zone verte comme espace tampon entre la ville et la sebkha qui fait 60 Ha (forêt Avicenne). Fouchana : une commune récemment créée, marqué par sa zone industrielle El Mghira qui occupe une façade de 2.5 km de la sebkha. El Mourouj : évoquant un très faible contact avec la sebkha, à savoir 800 ml.
149
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
(DGSAM, 2019) (BRGM, 1998) (territoire, 2010) (2007 ,)حسين185 A part l’évolution de son cadre administratif, la zone d’étude est marquée aussi par l’évolution des activités industrielles après les années 1975. Elle est dotée aussi d’un réseau associatif de grande envergure qui permet de l’intégrer dans les réflexions et les planifications d’aménagement, de sensibilisation ou de valorisation. En fait, l’abondance des associations est expliquée par la richesse de la zone entre urbain et naturel, hydraulique et agricole, vulnérable et viable (à part la codominance des cadres biotiques et abiotiques, les êtres vivants, bactériologiques et organiques) (Bounouh A. , 1998) (Bencheikh, 2000) (CPSCL, 2020) (DGSAM, 2019). Sans oublier bien évidemment son classement en tant que site Ramsar et son classement par BirdLife comme étant zone importante pour la conservation des oiseaux ZICO : des classements qui interviennent dans la valorisation de la zone et la planification ((JICA), 2019). Donc, la zone humide et ses berges constituent un territoire en développement et une assise d’investissement en évolution continu. 5.2. Enjeux environnementaux Etant donné que la question de la préservation de l’environnement est devenue un souci de grande importance, qui attire l’attention et interpelle l’intérêt des gouvernements, des associations et des organisations mondiales, au moment où l’être humain s’est retourné vers la défense de ses racines (l’eau et la terre). De ce fait se sont émergés deux phénomènes à relation dialectique : le développement durable qui défend le volet environnemental et les changements climatiques qui impactent de plus en plus les zones humides, les écosystèmes et les espaces les plus sensibles (en comme répercussions des interventions anthropiques). 5.2.1. Zone humide comme sujet d’actualité et classement de Sijoumi en site Ramsar
Il s’est avéré que la santé environnementale est déclenchée comme étant un nouveau paradigme de notre ère accompagné par des actions anthropiques responsables des
185
« Etude de mise en valeur et d’aménagement de Sebkha Sijoumi DGSAM » 2019
150
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
mutations des cadres naturels. Un intérêt particulier est accordé aux zones humides face à ces agressions issues des interventions de l’homme. Pour la sebkha de Sijoumi, les projets d’aménagement cités ci-dessus, qui sont en phase d’étude et de recherche d’investissement, inquiètent les militants écologistes (essentiellement ceux de l’association des amis d’oiseaux AAO) car ils prévoient une probable mutation qui va toucher à l’unicité de la zone et sa richesse écologique. En fait, une partie du scénario d’étude retenu, pour l’aménagement des berges de Sijoumi, va être consacrée au dévasement du plan d’eau pour gagner plus de profondeur (étude élaborée par la DGSAM, mandatée par le MEHAT). Cette action pourrait faire fuir certaines espèces d’oiseaux comme le canard de surface (AAO, 2018)186 . Pour l’organisation de défense de l’environnement WWF, elle alerte le recul des nombres et des surfaces des zones humides en Tunisie suite aux agressions appliquées par les interventions anthropiques (l’urbain et l’industrie) malgré leur richesse écologique et leur importance pour le cycle de l’eau et de l’air187 (WWF, 2013). En fait, la mutation des zones humides en Tunisie est devenue sujet d’actualité liée aux changements climatiques. Etant des absorbeurs des crues et des zones de stockage des eaux pluviales, une fois disparues ou polluées, la Tunisie devient de jour à autre plus vulnérable aux changements climatiques sans ses zones humides (inondations, sècheresses, tempête). Donc, la préservation des zones humides permet de minimiser dans le futur la sévérité des phénomènes et protéger la population installée sur son pourtour. D’où la conservation de la zone humide de Sijoumi a commencé par son classement. Alors, pourquoi la sebkha est-elle classée comme site Ramsar ? Cette zone humide a vérifié en fait plusieurs critères pour être classée Site Ramsar le 07 novembre 2007 :
186
« ’Sebkhet Séjoumi et son Bassin Versant (Tunisie) : Un Territoire en Mouvement Analyse des dynamiques spatiotemporelles des superficies en eau libre et de l’occupation du sol entre 1987 et 2018’’ » AAO,2013 187 « « Zones Humides en Tunisie : Un Habitat pour l’Homme et la faune » Rapport de la journée Mondiale des zones humides, WWF, 2013
151
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
•
Critère1 : la conservation de l’eau de surface.
La sebkha de Sijoumi est, tout d’abord, une zone humide à eau saumâtre, endoréique, l’une des sebkhas les plus septentrionales de la Tunisie. Elle pourrait se maintenir rarement à sec, un caractère qui lui permet d’abriter plusieurs espèces d’oiseaux surtout durant les saisons les plus chaudes de l’année et quand les autres plans d’eau sont à sec. •
Crière2 : abri pour l’avifaune : fréquentation régulière
La sebkha remplie le deuxième critère puisqu’elle abrite quotidiennement des espèces d’oiseaux, en été par exemple une espèce nichait même en petit nombre, c’est la Sarcelle marbre Marmaronetta188 . En hivers aussi, des ensembles d’érismature à tête blanche Oxyura leucocephala189 se regroupent en nombre de centaines. •
Critère 3 : un refuge d’avifaune important à l’échelle du pays
Constituant l’un des principaux refuges de l’avifaune dans le pays grâce à la présence quasi-permanente de l’eau même en été, la sebkha est capable de maintenir la biodiversité de la région. En fait, les groupes des oiseaux se divisent en deux en rapport avec le taux de salinité ; on trouve des oiseaux qui tolèrent un fort degré de salinité comme le flamant rose, le tadorne, l’échasse blanche. Pour les saisons humides à taux de salinité bas, les canards et les limicoles de passage sont attirés et se nourrissent dans les eaux boueuses et peu profondes. •
Critère 4 : un refuge d’espèces d’oiseaux rares
Accueillant quelques espèces d’oiseaux à une stade critiques de leur cycle de vie, plusieurs îlots dans la sebkha constituent de bon emplacement pour la nidification de plusieurs groupes d’oiseaux et surtout pour les espèces les plus rares telle la guifette noire, la guifette moustac, et même quelques fois le flamant rose Phoenicopterus190 . L’été est considéré comme une saison de repos pour la concentration la plus importante des flamants roses dans toute la Tunisie (environ 8.000 flamants). Pendant la saison
188 Une espèce d'oiseau d’eau de la famille des Anatidés ; canard, elle est aujourd'hui concernée comme vulnérable,
source : Encyclopédie de la Vie 189 Une espèce de canard à large bec et à la queue rigide. Cette espèce a disparu de France en tant que nicheuse, espèce en danger, source : Encyclopédie de la Vie 190 Une espèce de flamant rose « de taille 1,00 à 1,25 m (envergure 1,40 à 1,65 m - longueur totale 1,80 à 2,05 m - longueur du cou environ 0,90 m) » et de type roseus
152
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
d’hiver, la sebkha constitue un abri d’hiver pour plusieurs espèces surtout les canards et les limicoles avec l’une des concentrations les plus importantes sur le bassin méditerranéen oriental du tadorne de Belon : un effectif qui varie entre 5.000 et 10.000 oiseaux. •
Critère5 : l’exitance des oiseaux durant toute l’année
La sebkha accueille de différentes espèces d’oiseaux durant toute l’année. En hiver l’effectif des limicoles, canards et flamants roses dépassent les 20.000. En printemps et automne, la sebkha accueille les limicoles de passage. Pour l’été, c’est la saison de retour des flamants avec des colonies nicheuses qui pourraient atteindre le chiffre de 20.000. Le site reçoit habituellement les 20.000 oiseaux et peuvent atteindre les 70.000. Durant les années d’abondance des nutriments, la sebkha peut comprendre les 200.000 oiseaux (Ramsar, Critère Ramsar, 2007) (AAO, 2018). •
Critère6 : Sijoumi remplit ce critère en accueillant plus de 1000 flamants par ans.
En fait le nombre des flamants roses au niveau de la sebkha de Sijoumi varie annuellement entre 4000 et 25000 flamants avec une présence régulière d’environ 15000 oiseau en hivers et 8000 en été. Donc ce classement comme site Ramsar est d’une grande importance, vu qu’il consiste un pas vers la règlementation de la zone et l’engagement de l’état envers cette conservation législative. Il est aussi à l’origine de la naissance des associations et des actions sur terrain. Ce classement
intervient dans l’implication
du volet
environnemental dans les plans d’aménagement par le biais de création des zones protégées, zones vertes et réflexions à la gestion des eaux, dans une perspective de valorisation du patrimoine naturel191 .
191
« Fiche descriptive sur les zones humides Ramsar » Janvier 2007
153
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
5.2.2. L’intérêt accordé à la zone en termes de sensibilisation
La menace du cadre naturel, accompagné par des risques exposés envers la population riveraine, outre le classement de la zone, ont poussé l’intérêt public à communiquer le sujet de la sebkha et en discuter. Pour les décideurs et les environnementalistes, l’intérêt envers cette zone suit la démarche durable en essayant de mobiliser les objectifs du développement durable comme outils de sauvegarde et de mis en valeur. A l’échelle de la médiatisation, plusieurs émissions radios ont abordé ce sujet ; des émissions promulguées sur Mosaïque FM et Chems FM (2016,2018,2020) pour l’analyse des études vouées par le chef du gouvernement, dédiées à la zone. Le projet ‘sobbar Sijoumi’, de la société
Figure 57: la sebkha de Sijoumi comme nouvelle zone touristique de la capitale, émission promulguée par mosaïque FM
civile en collaboration avec l’association des amis des oiseaux porte sur la valorisation de la richesse agricole et écologique (chercher l’équilibre à l’authentique) en choisissant comme symbole quatre faunes de la zone (sauterelle, tortue, oursin, et flamand rose). D’autres émissions ont porté sur des promesses de conversion de la sebkha en zone touristique et ludique (youtube.tn). La société civile, présenté par plusieurs organisations, a étudié le regard des riverains envers le plan d’eau à travers une enquête vidéo (en collaboration avec la Fondation Rosa Luxembourg192 ). Ainsi, la sebkha présente une source de nuisance pour les habitants, voire une malédiction comme ils l’ont nommé (moustiques, odeurs nauséabondes, inondations). Pour mieux comprendre la situation juridique, législative, environnementale et opérationnelle de la zone, on s’est fait recours à un entrevu semi directif avec un responsable municipal qui collabore dans l’étude de projet d’aménagement des berges de Sijoumi (annexes).
192
Source : Nawat.com
154
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
5.2.3. La zone humide de Sijoumi : de la vulnérabilité vers la durabilité
Pour qu’elle passe de la vulnérabilité à l’opportunité, la zone d’étude doit valider obligatoirement les objectifs du développement durable, vu les richesses et les enjeux qu’elle expose selon les décideurs, les écologistes et les aménageurs. De ce fait, l’étude d’aménagement des berges de Sijoumi auprès de DGSAM Mandatée par le MEHAT, élaborée en 2019, a été établie dans le souhait de mobiliser un Projet Cité Durable Tunis-Sijoumi PCD, dénommé aussi « croissance et développement durable à Tunis », ayant comme but la protection des berges contre les crues (essentiellement la zone sidi Hassine) et la sauvegarde de l’avifaune. En fait, l’étude de ce projet a été établie à une date un peu ainée, en 1994, c’est aussi dans le cadre d’une convention entre la Tunisie et le Programme des Nations Unies pour le développement ONUD 193 (DGSAM, 2019) (Ramsar R. , 2018). En fait, la tâche d’exécution et de mis en œuvre du projet a été mandatée à la municipalité de Tunis. Ce projet touche en partie le réseau des villes de Tunis ainsi que l’intégration de l’approche environnementale au niveau de l’aménagement et de la planification municipale et communautaire. Ce projet fait partie du centre des nations unies pour des établissement humains CNUEH dont l’étude est portée sur les zones sensibles où les retombées de l’urbanisation anarchiques sont flagrantes ayant comme but la réduction des risques de vulnérabilité environnementale 194 (Tunis M. d., 1997). Le développement durable, basé sur ses piliers (économie, écologie, société et culture) a comme finalité d’assurer une vie équitable, viable et vivable tout en pensant à la future génération. Mais une fois l’environnement est dégradé, l’établissement d’un développement durable devient problématique. C’est pour cette raison que ce programme « cité durable » cherche à réparer l’environnement puis impliquer les acteurs de la société dans une approche participative. Ainsi, la sebkha de Sijoumi a été choisi, ainsi que son bassin versant, comme centre d’étude et sujet d’actualité pour ce projet durable (cas pilote du projet) pour plusieurs raisons : ✓ Cette zone humide présente un potentiel naturel de grande importance pour l’écologie et la vie de l’homme en termes de cycle de l’eau et de richesse de 193 194
« Perspectives mondiales des zones humides, L’état mondial des zones humides et leurs services à l'humanité » Ramsar 2018 « Programme "Cités Durables" Tunis-Sijoumi, réunion du comité de suivi élargi » Municipalité de Tunis, 1997
155
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
ses ressources. A une date ultérieure, s’est venu le classement Ramsar pour valoriser d’avance ce site. Mais une fois ce cadre a subi une urbanisation exponentielle, sa dégradation a été marquée par la pollution, le changement de vocation de terres de l’agricole vers des bassins de construction anarchiques et le disfonctionnement de son système hydraulique et écologique. ✓ Le bassin versant possède une position stratégique par rapport au trois gouvernorats (Tunis, Ben Arous et Manouba) d’où l’accentuation de la dimension
intercommunale
en
termes
d’application
du projet
de
développement de l’ensemble du site. En fait, ce projet « cité durable » s’est élaboré sous plusieurs ententes et pour plusieurs objectifs, entre autres :
Apporter une sensibilisation des citoyens envers ce site
Améliorer la coordination stratégique intersectorielle au niveau du plan de développement urbain élaboré, entre les différents acteurs locaux
Les actions lancées, pour répondre à ces objectifs, ont été sous formes de cinq études portant sur l’examen du schéma du développement du bassin versant de Sijoumi, la requalification des quartiers anarchiques implantés sur les berges de Sijoumi, la gestion et l’observation environnementale de la zone humide et ses berges et la valorisation du plan d’eau, l’état d’employabilité de la zone et le diagnostic des problèmes d’ordre social essentiellement au niveau de la zone de sidi Hassine. Les orientations stratégiques du plan d’action de ce projet cherchent à appliquer un développement durable à base d’amélioration du cadre de vie, de valorisation du plan d’eau et de préservation des ressources de la richesse écologique du plan d’eau et ses berges. Il se base aussi sur l’amélioration du fonctionnement et de coordination institutionnelle, la participation de la population dans les actions (adhésion de la population), l’intégration et le branchement de la zone de Sijoumi (BELAID, 2021) (Fourati, 2020)195 (Khadraoui, 2021)196 .
195 196
« La sebkha Sijoumi : Un renouveau ? » Aïcha Fourati, 2020 « Zones humides : « Il est temps pour la Tunisie de se doter d’un Observatoire national » Khadraoui Meriem, 2021
156
Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
Synthèse 5 Il vient que le classement de la zone humide de Sijoumi en tant que zone Ramsar, zone d’importance environnementale, zone importante pour la conservation des oiseaux ZICO (par BirdLife), ainsi que l’ensembles des avantages qu’elle expose en termes de disponibilités des terres sur ses rives et de richesse de ses écosystèmes ; tous ces enjeux, bien qu’ils soient nouveaux ou anciens, ont orienté les regards et dirigé les intérêts publiques, privés et civiles vers la zone afin d’exploiter ses richesse et valoriser son importance environnementale et sa biodiversité. D’où on peut confirmer que ces nouveaux enjeux puissent mener à bien les futures planifications concernant la zone. Par exemple, la pénurie des réserves foncières au niveau du Grand Tunis et l’expansion continue de l’urbanisation ont constitué un problème urbain de masse, d’où l’investissement et l’aménagement se sont dirigés vers les berges de la sebkha (enjeu foncier). Concernant la zone humide et ses berges, le développement de l’infrastructure routière et du transport en commun ont privilégié le branchement de la zone au centre-ville ainsi que la mobilité de la population riveraine pour la recherche d’emploi ou le déplacement. Aussi bien, l’émergence d’un nouveau cadre administratif a permis de contourner la zone et assurer la gestion des études et des futurs projets (enjeu règlementaire). Pour le cadre environnemental, la relation qui relie la population avec le cadre physique de la sebkha est toujours dialectique vu le taux de pollution et d’agression apporté, d’où la question environnementale est de masse et a des retombées sur le cadre de vie de la population classée précaire (enjeu environnemental). Ainsi, c’est l’importance accordée aux zones humides et le déclenchement d’état de risque pour la population riveraine et la biodiversité, qui ont poussé l’Etat à se diriger vers ces zones. Cette menace est déclenchée suite à la vulnérabilisation de la zone submergée par les agressions anthropiques (urbanisation massive accompagnée par plusieurs formes de pollution). En fait, le projet de « cité durable » lancé en 1994 dont le site de Sijoumi fut le site pilote, s’est intéressé à l’importance de la valorisation du cadre physique de la zone humide, de ses berges et des quartiers occupant ses rives, et ce n’est que dans une
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Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
démarche durable, bancable et participative, afin de sensibiliser et dialoguer la population avec le site. Le dernier scénario d’étude validé par la DGSAM, mandatée par le MEHAT, concernant l’aménagement des berges de Sijoumi, a focalisé sur tous les problèmes de la zone et de sa pollution, en fonction d’élévation du taux de pollution et des retombées des changements climatiques. Le classement Ramsar de la zone de Sijoumi est aussi un enjeu d’envergure vu le volet international et particulier attribué à la zone. La société civile, accompagnée de l’abondance des associations au niveau de la zone d’étude, ont favorisé le début d’adhésion et de sensibilisation de la population portant la parole militante pour préserver la biodiversité de la zone, essentiellement
l’avifaune (approche
participative). Pour conclure, même l’ensemble des problèmes évoqués au niveau des berges de la sebkha et de son plan d’eau ont constitué un élément perturbateur mais avantageux pour tourner les yeux vers la zone humide de Sijoumi en termes des décisions et des études portant sur la planification d’aménagement des berges de la sebkha, d’assainissement de son plan et de préservation de ses écosystèmes. D’où, d’après tous ces enjeux, on peut déduire que la zone de Sijoumi est en train de passer d’un état de vulnérabilité à une position d’opportunité.
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Chap5 : Nouveaux enjeux dans une procédure de développement durable
Figure 58: rayon d'urbanisation autour du centre-ville et proximité des disponibilité foncières, source : figure de l'auteur depuis google earth
Passant par le pont de la vulnérabilité (suite à l’exposition aux risques et aléas), cette zone peut-elle constituer un nouvel horizon pour le cadre biologique et la population riveraine, ainsi que pour le grand Tunis, si jamais on arrive à concrétiser le dernier scénario d’étude du projet de la zone par le MEHAT ?
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
Conclusion générale Quoique la sebkha de Sijoumi et ses berges paraissent, dans la mémoire collective, un espace marginalisé et maléfique pour la population riveraine et toute la ville, ce qu’on a retenu, durant cette recherche, sur le cadre naturel, urbain et hydraulique, que l’importance de cette zone parait plus profonde et attrayante. En fait, la sebkha de Sijoumi (zone humide urbaine endoréique) présente, pour le Grand Tunis, un site particulier dans sa composition et sa richesse qui possède plusieurs classements et est protégé par des conventions et des associations (Site Ramsar 2007, zone ZICO ; zone importante pour la conservation des oiseaux 2000, zone ZCB ; zone importante pour la conservation de la biodiversité 2009 et 4ème zone humide en Afrique du nord pour l’hivernage des oiseaux de l’eau, 2013). Nous avons pu démontrer que les zones humides, espaces fertiles et biodiversifiés hier, sont considérés conflictuels aujourd’hui, particulièrement les zones humides enclavées dans un tissu urbain. Pour notre cas : la zone humide de Sijoumi et ses berges, cette étude m’a permis de croiser plusieurs disciplines et comprendre la complexité du site et du phénomène de fonctionnement et de coexistence de trois mondes : le monde naturel biotique et abiotique (faune, flore, plan d’eau), le monde urbain (la population riveraine) et le monde agricole (terres d’origine agricoles), puis analyser les mutations qu’a subie le cadre physique de la zone suite à l’anthropisation de ses berges. En fait, pour procéder l’étude de ce cadre, il m’a paru utile de creuser son historique afin d’étudier l’évolution du rapport noué entre la ville de Tunis et ses plans d’eau, particulièrement la sebkha de Sijoumi. Par la suite, on a passé à l’analyse de l’avancement de la ville en grignotant les terres agricoles et absorbant les espaces interstitiels entre les trois plans d’eau et leurs berges. Ce grignotage a induit le développement du tissu spontané, d’une façon très rapide, évoquant une relation parfois d’exclusion, parfois d’inclusion du cadre naturel qui englobe les nouveaux tissus. En fait, sur les berges de Sijoumi l’anthropisation a été sous forme d’urbanisation très massive et non règlementaire, touchant l’aspect morphologique de la ville de Tunis, l’aspect spatial (la capitale est devenue connue par son phénomène de macrocéphalie) , l’aspect économique et l’aspect environnemental. 160
Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
Ce tissu spontané, à base de multiplication d’une architecture autoproduite (architecture sans architecte) a eu plusieurs retombées sur le cadre de vie de la population lacustre et du cadre naturel qui a perdu ses caractéristiques originelles. Ce qui nous a appelé à étudier le cadre brut de la zone humide de Sijoumi avant cette urbanisation. La zone d’étude fut un plan d’eau (collecteur de l’ensemble des ruissellements du bassin versant Manouba-Essijoumi) entouré par des terres agricoles les plus fertiles en Tunisie (servant la culture des blés et les cultures maraichères), outre sa biodiversité de sa faune (essentiellement l’avifaune), de flore (arbres ripisilves et steppes) et de cadre abiotique (systèmes hydrologique et bactériologique). Mais, après l’invasion de l’urbanisation, les berges sont devenues absorbants des flux d’exode, le plan d’eau devient collecteur de tout type d’eau, tant dis que la ville fut développée à l’envers (sans planification ni branchement au préalable). Après l’analyse du cadre historique et du cadre naturel, on est passé à l’analyse du processus de cette urbanisation sur plusieurs échelles pour vérifier le degré de vulnérabilité de la zone humide et ses berges. Mais, on est arrivé à dégager plusieurs degrés de cette vulnérabilité qui a touché aussi la population lacustre qui parait le premier acteur impactant directement la sebkha. Les effets de l’urbanisation des berges sont divisés ici en trois catégories : effets directs/indirects et induits, effets temporaires ou permanents et effets cumulatifs. Ces effets ont doté la ville de Tunis d’une architecture non identifiable et un urbanisme inversé. Ainsi, la vulnérabilisation d’un cadre supposé naturel et biodiversifié, a découlé de plusieurs actions par plusieurs intervenants (privés ou publics) ; l’Etat et ses administrations, les promoteurs privés et les promoteurs clandestins sont aussi impliqués dans les actions d’occupation des berges, essentiellement avec un désengagement remarquable de l’Etat (en termes d’opération urbaine, d’aménagement et de production de l’habitat) depuis un cinquantenaire (en comparant la sebkha avec les deux autres plans d’eau). Donc, public ou privé, décideur ou aménageur, clandestin ou squatteur : le résultat d’anthropisation de la sebkha est le même. Ces intervenants ont permis d’ouvrir un bassin d’habitat attractif pour une agglomération diminue afin d’accéder à la propriété et à l’installation des activités industrielles.
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
De ce fait, Les différentes études et projets ont découlé, dès le début de déclenchent des risques
d’urbanisation, avec des interventions ponctuelles en
termes
d’assainissement et de réhabilitation. Or, l’ensemble des planifications et projets d’envergure restent stagnés en phase d’étude. D’ailleurs, aucune vraie opération d’ensemble n’est réalisée sur l’ensemble du cadre (aménagement des berges, assainissement du plan d’eau et requalification du tissu urbain). Récemment, les nouveaux enjeux de notre ère et l’intérêt accordé à l’importance de l’écologie sont en train d’attirer l’attention des investisseurs, décideurs et associations envers ce site Ramsar. En fait, le nouveau cadre législatif et règlementaire après la révolution constitue des nouvelles opportunités pour repenser ces berges dans une logique d’inclusion et d’intégration au système urbain et environnemental du grand Tunis. Ces derniers enjeux émergeants, à part les opportunités que dispose la zone et ses berges, ont forcé peut-être le retour de l’Etat par ses administrations et ses organismes vers la zone pour l’étude d’un vrai projet d’importance distinguée. La dernière étude de la DGSAM mandatée par le MEHAT a comme perspectives d’assainir, dépolluer, aménager et valoriser ce site d’importance internationale. En plus la proximité de la capitale, les offres fonciers de la zone, l’amélioration de l’infrastructure (la ligne RFR) constituent des nouveaux enjeux pour apporter une nouvelle image à cette future zone d’extension de la capitale. On peut admettre ainsi que cet intérêt relatif à la zone humide, revient à l’avouement de son importance à l’échelle locale, nationale, continentale et international, aussi bien face aux nouveaux risques qui découlent de l’anthropisation et des changements climatiques accompagné par le contexte mondial orientant vers la préservation des écosystèmes et la protection de l’environnement. D’où le passage de la vulnérabilité à l’opportunité parait une occasion à saisir selon ces nouveaux enjeux cités.
Difficulté et limites Le périmètre d’étude des berges de la zone humide de Sijoumi, qui s’étale sur deux gouvernorats et quatre communes, ainsi que l’importance de la superficie de son plan d’eau, ont constitué un problème de délimitation de la zone d’étude (quartiers en rapport direct ou indirect avec la zone). D’autant plus, on ne peut pas passer sans noter que depuis l’aube du siècle, les berges de Sijoumi exposaient plusieurs problèmes vu
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
la divergence des acteurs et des intérêts, le moment ou le volet environnemental n’était pas évoqué. Aussi bien la multitude des acteurs et des intervenants pour un souci d’urbanisation ou de préservation (vu sa masse démographique et sa richesse écologique) a endurcie la tâche d’accès à l’information auprès des administrations tunisiennes (procédures très lentes). Finalement, on ne peut pas nier les conditions sanitaires actuelles que confronte tout le monde (la pandémie Covid 19) qui a des retombées sur le déplacement pour la collecte d’information, le système de travail des administrations en alternance à mitemps et les visites du site.
Perspectives La question de notre ère réside en DD&CC ; le développement durable (DD) face aux changements climatiques intergouvernementale
(CC). Selon l’étude effectuée par l’organisation
internationale,
spécialisée
dans
la
surveillance
environnementale et la gestion des ressources naturelles, l’Afrique est le continent le moins émetteur de gaz à effet de serre (4 % de la totalité des G.E.S). Mais, ce continent sera probablement le plus affecté par les effets des changements climatiques sous les deux phénomènes de l’extrême inondation à la sècheresse. D’où la mobilisation des objectifs du développement durable peut constituer une prévention aux risques pour protéger le cadre naturel de la zone humide de Sijoumi et améliorer le cadre de vie de la population riveraine en pensant aux futures générations et à la santé environnementale comme nouveau paradigme. De ce fait, l’OSS197 vise le renforcement des capacités techniques de la population lacustre dans la surveillance des systèmes socio-économiques, des écosystèmes et des ressources en eau, pour arriver à analyser la vulnérabilité de la population face aux changements climatiques et définir par la suite des mesures d’adaptation. (OSS, 2020) (Mondiale, 2011) (Quenault, 2017). Une telle étude peut être développée d’avantage en cas de croisement avec d’autres approches (paysage, économie, géographie, etc.) afin d’approfondir les connaissances et élargir la zone d’étude (travailler sur l’ensemble du bassin versant Manouba197
Observatoire du Sahara et du Sahel : organisation intergouvernementale internationale crée en 1992, basé à Tunis Carthage, spécialisé dans la surveillance environnementale et la gestion des ressources naturelles
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
Essijoumi par exemple). Cet horizon permet de toucher de près d’autres aspects et études, comme l’étude sensible, l’ambientale, l’approche participative, etc. Le toit du travail d’équipe peut-il pousser ce sujet vers d’autres perspectives puisqu’il présente un sujet pluridisciplinaire d’actualité ?
Annexes Annexe 1 : Interview avec une architecte au sein de la municipalité de Sidi Hassine. Il s’agit d’une entrevue de recherche semi-directif basée sur des questions ouvertes dans le cadre des études et des projets mobilisés pour l’aménagement et l’intervention au niveau de la sebkha de Sijoumi et ses berges. En fait l’intérêt de cette entrevue consiste à vérifier et valider des résultats antérieurs analysés durant les hypothèses en rapport avec la vulnérabilité et l’urbanisation, d’un point de vue technique (architecte) et opérationnel/administratif (la municipalité). Avant l’entrevue : préparer le cadre de ma recherche et mes questions Le corps de l’entrevue : -Qu’est-ce qu’on entend parler par la sebkha de Sijoumi ? La sebkha de Sijoumi n’est qu’une sorte de malédiction dans la mémoire collective de tous les habitants. -Quelle est l’importance de la zone humide de Sijoumi ? La richesse écologique, l’emplacement, le classement Ramsar, la biodiversité, le paysage naturel et agraire font de la sebkha un cadre écologique particulier au centre d’agglomérations urbaines. Quel est l’impact de l’urbanisation des berges de Sijoumi sur l’écosystème et sa biodiversité ? C’est le tissu urbain qui a provoqué la mutation du cadre naturel de la sebkha, cette agression a généré la dégradation de la zone. -Quelles sont les actions mobilisées pour la zone ?
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
Plusieurs études ont été dirigé vers la zone de Sijoumi pour son assainissement, aménagement et amélioration du cadre de vie de la population, ainsi que la préservation de sa biodiversité, entre autres l’étude de 2010 effectué par l’APAL. -Quel est le positionnement de l’Etat par rapport à cette zone humide ? (La dernière étude) ? Les partenaires techniques avec la municipalité de sidi Hassine sont : la DGSAM mandatée par le MEHAT, le ministère de l’agriculture et la direction générale des forêts. La nouvelle étude (dont le dernier scénario est approuvée en 2020) vise le financement de la part des pays bas : Suède, Finlande et Hollande en tant que pionniers et expert au niveau des approches d’aménagement des zones inondables. La zone humide de Sijoumi expose plusieurs nouveaux enjeux, comme la disponibilité foncière à 4km de la capitale et l’approvisionnement de nouvelles technologies dans le traitement des zones inondables. Quelles sont les contraintes des projets d’aménagement qui stagnent toujours en phase d’étude ? •
Le scénario d’aménagement se base sur deux volets : l’environnement et la population : penser ces deux paramètres en parallèle pour résoudre les problèmes du plan d’eau a constitué une contrainte.
•
La piste à suivre est toujours introuvée, peut être au niveau de recherche de financement et de coordination des différents intervenants (hydrologie, écologie, forêt, urbain, agriculture).
•
Les anciennes études ont toujours confronté l’instabilité politique et le changement des décideurs.
•
La question qui se pose toujours c’est comment se rattraper des problèmes du lac tout en offrant une nouvelle image de la zone et de la capitale.
Quels sont les problèmes développés dans le programme d’aménagement des berges : •
Des procédures administratives sont très lentes
•
A chaque révision du plan d’aménagement, les paramètres changent rapidement 165
Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
•
La coordination entre les ministères peut durer jusqu’au quatre ans
•
Le manque d’expert en urbanisme forestier
•
Pour l’assainissement de la sebkha : quatre pompes vers oued Miliane sont en panne, le problème d’entretien des stations d’épuration présente un handicap pour le renouvellement des eaux du plan d’eau.
•
L’impact de la zone industrielle El Mghira sur le plan d’eau et ses berges.
Peut-on parler d’un nouvel horizon ou nouveau paradigme au niveau de la zone ? •
L’assèchement de la sebkha de Radès ainsi que l’aménagement du lac de Tunis ont poussé l’avifaune à migrer vers Sijoumi.
•
L’eau stagnante a été à l’origine de migration de nouvelles espèces d’oiseau vers la sebkha de Sijoumi.
Apports de l’entrevue : Cet interview nous a aidé à vérifier l’hypothèse de vulnérabilité de la sebkha de Sijoumi et ses berges suite à l’envahissement de l’urbain. En fait, l’interviewée a expliqué d’avantage l’étude de projet d’aménagement approuvée par le MEHAT d’un point de vue technique et administratif. D’où, l’interrogation subjective partagée : la sebkha de Sijoumi peut-elle constituer une occasion pour repenser la capitale ? Annexe 2 : les objectifs du développement durable
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
Annexe 3 : But de la convention Ramsar
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
Table des matières PARTIE INTRODUCTIVE .................................................................................. 7 1.
Introduction ..................................................................................................... 8
2. Etat de la question ............................................................................................ 10 3.
Problématique et hypothèses........................................................................ 17 Problématique ..................................................................................................... 17 Hypothèses........................................................................................................... 20
4.
Méthodologie : sources et outils d’investigation......................................... 25
5. Cadre théorique et conceptuel......................................................................... 27 a. La notion de vulnérabilité et ses indicateurs..................................................... 27 Vulnérabilité et étymologie ........................................................................................................28 Les types de vulnérabilité ...........................................................................................................29 Les Facteurs de la vulnérabilité ...........................................................................................................31
b. Zone humide et sebkha .................................................................................... 33 c. La périurbanisation.......................................................................................... 35
PARTIE A : VULNERABILITE DE LA ZONE HUMIDE DE SIJOUMI ET SES ABORDS FACE A L’ANTHROPISATION DES LE DEBUT DU XXE SIECLE . 37 CHAPITRE 1. EVOLUTION DE TUNIS AU GRES DE SES TROIS PLANS D’EAU ................................................................................................................... 39 1.1. Un rapport de rejet de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1935 :............ 41 1.1.1. Cliché historique sur l’ancienne ville de Tunis et changement d’état (d’une régence ottomane à une colonie française).......................................................................................................41 1.1.2. Crise économique mondiale et ses répercussions .................................................................43 1.1.3. Etat de l’urbain entre Gourbification, explosion de l’exode et étalement urbain ............44
1.2. Un rapport de juxtaposition de 1935 - 1956 ................................................... 45 1.2.1. Evolution socio-économique ....................................................................................................45 1.2.2. Evolution urbaine........................................................................................................................46 1.2.3. Etude de l’assiette foncière autour de la Medina :................................................................48
1.3. Changement de contexte et les politiques urbaines en rapport avec les plans d’eau de 1956 – 1994 ............................................................................................ 49 1.3.1. Changement de pouvoir et état de développement critique.................................................49 1.3.2. Politique urbaine en rapport avec le développement ............................................................51
1.4. Introduction d’une politique de développement durable de 1994- 2003 ......... 58 1.4.1. Evolution des polit iques urbaines et mobilisation des projets ............................................58 1.4.2. Urbanisme de masse et réaction de l’Etat...............................................................................59
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
1.5. Confirmation des nouveaux enjeux de développement de la métropole et de préservation de l’environnement de 2003 jusqu’aux nos jours............................. 61 1.5.1. Aléas naturels et polit iques .......................................................................................................61 1.5.2 Etat actuel entre développement (durable) et actions (assainissement et investissement) ...................................................................................................................................................................62
Synthèse 1 ............................................................................................................ 64
CHAPITRE 2. LE PLAN D’EAU DE LA SEBKHA DE SIJOUMI : CADRE PHYSIQUE, ENVIRONNEMENTAL ET INSTITUTIONNEL ..................... 65 2.1. Cadre physique de la sebkha ......................................................................... 66 2.1.1. Données géographiques .............................................................................................................66 2.1.2. Bassin versant et hydrologie (cadre abiotique)......................................................................68 2.1.3. Couvert végétal ...........................................................................................................................72 2.1.4. Faunes...........................................................................................................................................74
2.2. Fonctionnement de la zone humide : ............................................................. 75 2.3. Cadre administratif ...................................................................................... 77 2.3.1. Découpage administratif............................................................................................................77 2.3.2. Evolution démographique de la zone d’étude........................................................................85
Synthèse 2 ............................................................................................................ 89
CHAPITRE 3. LE CADRE URBAIN DES BERGES DE LA SEBKHA DE SIJOUMI ............................................................................................................... 90 3.1 les premiers noyaux urbains autour de la sebkha de Sijoumi ......................... 91 3.1.1. Aperçu historique : .....................................................................................................................91 3.1.2 Naissance et évolutions des gourbis autour des berges .........................................................92
3.2. Processus d’urbanisation des berges et prolifération de l‘habitat informel.... 92 3.2.1. Evolution chronologique de la construction sur les berges : ...............................................92 3.2.2 De la construction isolée à la forme urbaine ...........................................................................94 3.2.3 Le quartier le p lus important sur les berges (sid i Hssine Sijoumi)......................................98 3.2.4 degrés de vulnérabilité du cadre de la zone de Sijoumi ........................................................99
3.3. Aspects et indicateurs de la vulnérabilité des bergs de Sijoumi.................... 101 3.3.1. Dégradation et rétrécissement des surfaces agricoles face à la Prolifération de l’habitat spontané................................................................................................................................................ 101 3.3.2. Pollution (bilan bactériologique, ordures so lides, air, eau) .............................................. 104 3.3.3. Phénomène d’inondabilité et de sècheresse des berges face à l’imperméabilisation du sol .......................................................................................................................................................... 111 3.3.4. Mutation du plan d’eau et répercussions sur les écosystèmes ......................................... 116
Synthèse 3 .......................................................................................................... 122
PARTIE B : LES ACTEURS ET LES ENJEUX EN RAPPORT AVEC LA VULNERABILITE DES BERGES DE SIJOUMI .................................................. 124 CHAPITRE 4. LES DIFFERENTS INTERVENANTS AUX ABORDS DE SIJOUMI : MOYENS ET LOGIQUES ........................................................... 126 4.1. Les différents acteurs agissants directement ou indirectement sur la zone .. 127 175
Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement 4.1.1. Posit ionnement de l’Etat et des administrations publiqu es .............................................. 127 4.1.2. Réticence des promoteurs privés........................................................................................... 128 4.1.3. Accaparement des propriétaires clandestins ....................................................................... 129 4.1.4. Propriétaires ordinaires (bassin d’absorption de la catégorie démunie)......................... 129
4.2. Etudes et projets aux abords du sebkhet Sijoumi ........................................ 131 4.2.1. Etudes urbaines ........................................................................................................................ 131 4.2.2. Etudes environnementale ....................................................................................................... 134 4.2.3. D’autres Etudes ........................................................................................................................ 138
4.3. Projets réalisés, en cours ou projetés aux abords de sebkhet Sijoumi .......... 141 Synthèse 4 .......................................................................................................... 144
CHAPITRE 5. LES NOUVEAUX ENJEUX DE DEVELOPPEMENT DURABLE DES ABORDS DE SEBKHET SIJOUMI ................................... 145 5.1. Enjeux urbains : de la vulnérabilité à l’opportunité ................................... 146 5.1.1. Pénurie des réserves foncières du Grand Tunis face au potentiel foncier au niveau des berges de Sijoumi................................................................................................................................ 146 5.1.2. Développement de l’infrastructure et du transport en commun (accessibilité et branchement) ....................................................................................................................................... 147 5.1.3. Nouveau cadre administratif émergeant (municipa lités, agences et organismes) ........ 149
5.2. Enjeux environnementaux........................................................................... 150 5.2.1. Zone humide comme sujet d’actualité et classement de Sijoumi en site Ramsar......... 150 5.2.2. L’intérêt accordé à la zone en termes de sensibilisation ................................................... 154 5.2.3. La zone humide de Sijoumi : de la vulnérabilité vers la durabilité ................................ 155
Synthèse 5 .......................................................................................................... 157
Conclusion générale ................................................................................................. 160 Difficulté et limites.............................................................................................. 162 Perspectives ......................................................................................................... 163 Annexes .................................................................................................................... 164 Bibliographie ............................................................................................................ 168 Table des matières .................................................................................................... 174 Table de figure ......................................................................................................... 177
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Les berges de Sijoumi à Tunis : Vulnérabilité et enjeux de développement
Table de figure Figure 1 : les sphères-clés de vulnérabilité, Berkman 2005 .............................................. 30 Figure 2 : l’Analogie du Diamant (multiples facettes de la vulnérabilité de la ville, Parker et Al 2009 ........................................................................................................................ 31 Figure 3 : Noyau historique de Tunis et ses trois plans d’eau, source : ‘la Région de Tunis, CH. Monchecourt, 1913 ................................................................................................ 39 Figure 4: Tunis en 1887, source : Tunis, le plan de Colin de 1860, Jean-Luc ARNAUD .... 42 Figure 5: évolution du quartier de Saida Manoubia, source : carte créée par Walid Chouari d’après des photographie aériennes (1948,1953 et 2000) ................................................. 48 Figure 6: le paysage urbain auto-construit, source « La sebkha Sijoumi : Un renouveau ? » par Aïcha Fourati .......................................................................................................... 51 Figure 7 : Evolution du quartier de Saïda Manoubia source : Groupe Huit, projet de réhabilitation du Quartier de Saida Manoubia, District de Tunis ....................................... 53 Figure 8 : bilan hydraulique des trois plans d’eau en relation avec la ville de Tunis ........... 63 Figure 9 : la sebkha et son bassin versant source : (Guelmami, 2020) ............................... 66 Figure 10 : perméabilité des affleurements source : revu numérique de la géographie ........ 71 Figure 11 : la sebkha dans son cadre naturel, source : google image ................................. 72 Figure 12 : le couvert végétal, source : carte de l’auteur (données de l’étude de Abdelhamid BEN GHAZI et Hajer ABDELLAOUI ............................................................................. 72 Figure 13 : la couverture végétale sur les rives de la sebkha+ location de la foret, source : mapcarta.com ............................................................................................................... 73 Figure 14 : ancien état des écosystèmes des trois lacs de Tunis, source : Bjock, FNSA Engineering 1995, carte conçue par P.A Barthel.............................................................. 75 Figure 15 : Découpage administratif de la zone d’étude, source : figure de l’Auteur .......... 79 Figure 16 : Délégations et rapport avec la sebkha, figure de l’auteur depuis des cartes google map.............................................................................................................................. 80 Figure 17 : Etude des délégations : Ezzouhour, Sidi Hassine, Fouchana, El Mourouj, source : Figure de l’auteur.......................................................................................................... 81 Figure 18 : Etude des délégations : Sijoumi, El Ouerdia et El Kabaria, source : figure de l’Auteur ....................................................................................................................... 82 Figure 19 : la ceinture routière qui entoure la sebkha, entre 1995 et aujourd’hui, Source : MEHAT, DGAT, SDA du grand Tunis 1995 et mapnall.com........................................... 83 Figure 20: plan du réseau RFR, source : ministère du transport (2007).............................. 84 Figure 21 : les plaines de Sijoumi, entre vaste pleine maraichère et champs d’oliviers vers le sud-ouest de la sebkha source : Cliché de Moez Bouraoui) .............................................. 91 Figure 22 : des quartiers en image de chantier continu en rouge de brique étranglant la sebkha, source : google image........................................................................................ 94 Figure 23 : Evolution du tissu urbain sur les rives de Sijoumi, carte de l’auteur (traitée à partir des données de Urbaconsult 1998+ données du rapport de IHE pour le compte de la DGSAM) ..................................................................................................................... 95 Figure 24: les deux stations de service carburant côté nord de la sebkha de Sijoumi, source : (BELAID, 2021)........................................................................................................... 97 Figure 25 : les différents paysages dans le même cadre.................................................... 97 Figure 26 : exemple des rejets solides (remblais) et des rejets des eaux usées, octobre 2018, source : Google image ................................................................................................... 99 Figure 27: Comparaison entre les berges avant et après l’urbanisation, une centaine d’année, source : google image.................................................................................................. 100 Figure 28: l'état des berges entre urbanisation et agriculture, source : google earth .......... 103 Figure 29: les trois mondes de la sebkha dans le même paysage : monde urbain, monde naturel et monde agricole, source : étude d’IHE mandaté par DGSAM ........................... 104 Figure 30: l'ancienne décharge El Yahudia et ses couche géologique infectés, source : EGG 2013........................................................................................................................... 105
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Figure 31: les différentes zones de décharge sur les berges de la sebkha, source : étude de MEHAT..................................................................................................................... 106 Figure 32: le déplacement des eaux des zones urbaine vers le bassin d'eau de Sijoumi, images Landsat 2011................................................................................................... 106 Figure 33: les différents types de déchets solides sur les berges de la sebkha................... 107 Figure 34: carte de disparition des zones de décharges solide sur les berges, source : étude de MEHAT..................................................................................................................... 107 Figure 35 : caractérisation physico-chimique de la sebkha, Walid Chouari, Mai 2006...... 108 Figure 36: la qualité des eaux de la rive nord de la sebkha, source : Google Earth ........... 109 Figure 37 : carte de la pollution de la sebkha de Sijoumi, élaborée par Abdelhamid BEN GHAZI, et Hajer ABDELLAOUI ................................................................................ 110 Figure 38: schéma des typologies des eaux évacuées dans la sebkha, source : schéma de l’auteur ...................................................................................................................... 112 Figure 39 : zone inondable dans le bassin versant Manouba-Essijoumi, source : étude de Walid Chouari ............................................................................................................ 113 Figure 40: changement de la surface d’eau durant la saison estivale et la saison hivernale, source : étude Walid Chouari....................................................................................... 116 Figure 41: bilan hydrique de la sebkha (en millions de m3) pour les années 1960 et 1995, source : depuis l’étude de M. SÂADAOUI, 1995) ......................................................... 117 Figure 42: Evolution des eaux de la sebkha Sijoumi, Images satellites de Sebkha Sijoumi à la même période annuelle (juin) en 1987, 2000, 2010 et 2018, source : étude de Walid Chouari, 2013........................................................................................................................... 118 Figure 43: Evolution des superficies en eau libre au sein des limites du site Ramsar de la Sebkha de Sijoumi, source : (Guelmami, 2020)............................................................. 118 Figure 44: changement de régime des eaux de surface au niveau de la sebkha Sijoumi, Anis GUELMAMI Avril 2020 ............................................................................................. 118 Figure 45: recul des milieux humides et rétrécissement de la surface de la sebkha, entre 1987 et 2018, sous les actions de remblaiement, source : étude de Anis Guelmami,2020 .......... 120 Figure 46: PAU des trois sones industriels D'El Mghira, source : IHE pour le compte de la DGSAM................................................................................................. 128 Figure 47: schéma récapitulatif du projet visé par E. Minnier (schéma de l'auteur) .......... 132 Figure 48: schématisation du processus de dévasement, Tunis le 1 er octobre 1913, schéma de l'auteur ....................................................................................................................... 133 Figure 49: scénario retenu pour l’aménagement de la sebkha de Sijoumi et ses berges, juillet 2017, source : IHE pour le compte de DGSAM............................................................. 136 Figure 50: le nouvel aménagement en rapport avec les plans d'eau, source : (Chrada, 12 Janvier 2015).............................................................................................................. 137 Figure 51: proposition du projet d'aménagement des berges ........................................... 139 Figure 52: modélisation 3d de la nouvelle vision projetée des berges de la sebkha, source : Etude finlandaise ........................................................................................................ 140 Figure 53: Typologie d’occupation du sol projeté, source : l’étude finlandaise ................ 141 Figure 54: proximité des réserves foncières (des berges de Sijoumi) du centre-ville, source : google earth................................................................................................................ 146 Figure 55: Le nouveau tissu urbain autour de la Medina et des trois plans d'eau, source : (Morched Chabbi, Mathieu Martin, Hassen Abid, 2020)................................................ 147 Figure 56: le futur projet routier projeté, source : PDRT par le ministère de transport ...... 148 Figure 57: la sebkha de Sijoumi comme nouvelle zone touristique de la capitale, émission promulguée par mosaïque FM...................................................................................... 154 Figure 58: rayon d'urbanisation autour du centre-ville et proximité des disponibilité foncières, source : figure de l'auteur depuis google earth................................................ 159
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