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Hypothèses

Q4 : Qui sont les acteurs qui se sont intervenus sur les berges de Sijoumi ? quelles étaient leurs logiques et en réponse à quel enjeu ?

Q5 : Quels sont les nouveaux enjeux de développement des rives de Sijoumi ? Quel rapport de ces enjeux avec l’avenir de la zone et le Grand Tunis ?

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H y pothèses

1ère hypothèse

Nous postulons comme première hypothèse la relation que noue Tunis avec ses plans d’eau. S’agit-il d’une relation d’inclusion ou d’exclusion ? Quels étaient les critères et les enjeux qui ont déterminé cette relation ?

En fait, depuis un siècle, la ville de Tunis a eu un rapport très contrasté avec ses plans d’eau. Au départ, un évitement, ensuite une juxtaposition et par la suite une réconciliation, sauf que ce rapport a été aussi distingué d’un plan d’eau à un autre.

Au départ, la lagune de Tunis a subi une relation de rejet avec l’urbain ; le noyau historique (la Medina) a été construit en recul par rapport à ce plan d’eau qui a constitué une source de nuisance et un centre de convergences des égouts de la Medina (khandak). Par la suite, cette relation de l’urbain avec la lagune a été transformée en réconciliation et communication après l’aménagement des berges et la construction d’un front d’eau de haut standing depuis les années quatre-vingts.

La sebkha de l’Ariana, deuxième plan d’eau, parait encore en standby. Encore pire pour la sebkha de Sijoumi ou le risque de vulnérabilité est plus accentué en rapport avec la dégradation de son milieu naturel et la prolifération de l’habitat informel sur ses berges.

Nous supposons que les choix de l’Etat ont été établies selon des critères économiques, sociales et en rapport avec la mer. En fait, le fonctionnement de la sebkha de Sijoumi (dépression fermée), en dehors de toute intervention anthropique, dépend des régimes hydrauliques (eaux de ruissellement) puisqu’elle n’est pas liée à la mer. Donc, après la transformation de ses berges en un bassin d’habitat non réglementaire, ce plan d’eau est devenu une zone humide urbaine alimentée par des eaux ménagères, industrielles et pluviales (tout issu de ruissellement). Donc le rapport qui larelie avec le tissu urbain est un rapport d’absorption de la pollution urbaine, tamponnant la plupart des écoulements du grand Tunis « la sebkha dépotoir».

2ème hypothèse

Cette hypothèse concerne l’étude du cadre physique de la zone humides de Sijoumi (spécificités environnementales et urbaines de la sebkha et ses berges).

En fait, la sebkha disposait auparavant des rives humides aboutissant à des terres agricoles très fertiles alimentant le grand Tunis en termes de production alimentaire, d’espace naturel, d’air frais et d’alimentation de la nappe phréatique. Mais aujourd’hui, l’état de lieu des rives de Sijoumi est en mutation continue, ces berges sont devenues petit à petit des noyaux urbains et péri-urbains ravitaillés essentiellement par l’exode. D’où la sebkha enregistre une perte de ses berges accompagnée desmutations de son système hydrologique et écologique.

Or, le sol des rives de la sebkha est de type argileux très compressible à vaseux (sol le plus déconseillé pour recevoir une construction sauf en cas d’intervention des techniques convenables)32. Donc ce sol ne présente pas une bonne assise pour la construction des édifices voire une ville entière.

Donc la vulnérabilité de la sebkha est déclenchée et est accentuée par les intervention s et les actions anthropiques (ménagères et industrielles).

3ème hypothèse

Cette hypothèse étudie l’évolution de l’urbanisation sur les berges de Sijoumi (l’urbanisation comme concept opératoire), d’où l’analyse du nouvel état des berges et la distinction du degré de vulnérabilité. Alors, quel est le processus d’urbanisation des berges de Sijoumi et comment ces derniers ont passé de quelques noyaux urbains dispersés à une masse urbaine abondante ?

En fait, une population migratoire a commencé à occuper les berges de Sijoumi, informellement et en absence totale d’une politique rationnelle de maîtrise foncière et d’aménagement, depuis plus d’un cinquantenaire. Chose qui a provoqué l’imperméabilisation du sol (bétonisation et occupation des rives des cours d’eau) et la mutation du paysage et des écosystèmes.

Toutefois, la population riveraine est devenue elle aussi affectée en second lieu par le disfonctionnement du cycle d’eau et des écosystèmes ;les inondations(exemple celles

32 « Les dépressions humides des environs de Tunis : géomorphologie, paléoenvironnement et impact des aménagements sur leur évolution. Mémoire de DEA, Université Paris » Walid Chouari, 2003, P. 33-60

de 2003), les remontées du niveau de la nappe phréatique de la sebkha, les différentes formes de pollution, etc. D’où, on peut considérer cette population comme étant vulnérable.

De ce fait, les indicateurs de vulnérabilité concernent le cadre physique, le plan d’eau et la population riveraine, dans la mesure oùl’urbanisation massive aeu des retombées sur ces dernières composantes du cadre d’étude. Aussi bien, la question de vulnérabilité est posée avec abondance comme sujet d’actualité, attirant l’attention de plusieurs associations, investisseurs et acteurs publics (Etat et municipalités).

4ème hypothèse

Dans cette question, nous allons creuser l’idée des acteurs qui se sont intervenus dans la fragilisation de la sebkha de Sijoumi et ses berges pour voir quelle étaient leurs logiques et en réponse à quel enjeu.

Pour cela, nous allons commencer par une première question : peut-on considérer les premiers noyaux installés sur les berges de Sijoumi comme étant les acteurs principaux intervenants dans sa fragilisation ? ou bien c’est à l’Etat que revient la responsabilité de mutation de ce milieu en termes d’action ou d’absence d’action ?

Etant donnée que l’occupation des berges de Sijoumi a commencé depuis plus d’un cinquantenaire d’années.Cette occupation, par les habitants, est justifiée par la facilité d’accès au logement, l’absence d’unepolitique de logement social, la disponibilité des terres libres et le faible coût du foncier. Mais le processus de migration n’a pas eu fin, au contraire, le taux s’est élevé d’une manière excessive et les quartiers anarchiques continuent leur invasion des rives, jusqu’aux unions des tissus urbains, sans être soumis à des cadres administratifs ou un control au préalable.

Pour les propriétaires clandestinsqui suivent leur l’intérêt, la logique demorcellement et de vente des terres agricoles (non viabilisées et non immatriculées à prix faible) a constitué une solution meilleure pour posséder son propre logement à l’égard d’une population moyennement précaire.

Cettepopulation, après son occupation des berges, a impacté directement le cadre de la sebkha à travers la bétonisation du sol et les rejets ménagères comme catalyseurs de pollution. D’où, un tissu urbain spontané et hétérogène posent des problèmes essentiellement d’ordre sanitaire et environnemental. Ainsi, si les décideurs et les

planificateurs n’ont pas pu freiner, prévoir, ni contrôler la prolifération des constructions, le cas devient embarrassant pour des sites peu propices à la construction ou même sur des terrains classés inondables.

D’où, l’Etat est considéré aussi comme acteur imposant. En fait, la prolifération de l’habitat spontané n’a pas eu d’obstacles durant la période coloniale (la direction coloniale gouvernante), vu que tous les intérêts sont dirigés vers l’exploitation des richesses du pays. Toutefois, durant la première partie de l’indépendance, la priorité a été accordé à la mise en place d’un Etat moderne indépendant. Vers les années 70-80 des politiques urbaines ont été mobilisées. La fin des années 80 a été marquée par le libéralisme et l’encouragement de l’initiative privée.

Toutefois, vers les années 1990, les régimes et les priorités ont été changé. C’est avec le nouveau code d’aménagement du territoire et de l’urbanisme que l’Etat a commencé à maitriser relativement son foncier.

En fait, le ministère de l’agriculture est aussi considéré comme étant acteur dans la prolifération de l’habitat anarchique vu le manque de valorisation de ces zones et de concessionnaires. (Chebbi, 1986)33 (Abdessalem, 2010)34 (Bencheikh, 2000)35 .

De ce fait, s’agit-il d’une vraie politique quand l’Etat a laissé pousser les quartiers informels pour pouvoir absorber les immigrants ?

Pour la deuxième partie de l’hypothèse, et toujours en rapport avec les acteurs, on va aborder l’ensembles des étudeset projets mobilisés pour l’analyse et l’aménagement de la zone.

Pour les projets portant sur notre cas d’étude, il s’est avéré qu’ils sont encore en phase d’étude quel que soit par les décideurs publics, par des organisations et des associations de protection de l’environnement ou bien par des investisseurs étrangers.

33 « Une nouvelle forme d'urbanisation à Tunis, l'habitat spontané péri-urbain», Morched Chebbi, 1986, P.25-62 34 « Tunis : Architecture et urbanisme d'hier à demain », Abdesslem Mahmoud, 2010, P. 127-157 35 « Caractérisation environnementale de la sebkha de Séjoumi. Mémoire de DEA, Institut National d'Agronomie de Tunis » Nizar Ben cheikh, Agronome, 2000, P.34-50

En fait, une dizaine d’études a porté sur des diagnostics et des scénarios d’aménagement de la zone humide de Sijoumi et ses berges, mais aucune d’entre elles n’a vu le jour (District deTunis, 1979)36 (Tunis D. d., 1980)37 (Tunis M. d., 1997)38 .

Pour les projets déjà réalisés, ils ont été tous sous forme d’intervention à une échelle ponctuelle ; des projets d’aménagement urbain dans le bassin de Sijoumi, des projets de développement urbain intégré, des projets nationaux de réhabilitation des quartiers populaires (par l’ARRU et la municipalité de Tunis), d’autres projets réalisés pour le désenclavement et le branchement de la zone de sidi Hssine ( routes, lignes et sorties routières par le ministère des équipement et la société RFR), des projets de protection contre les inondations de Tunis ouest (en cours d’exécution par le DGH), des projets d’assainissement du bassin de Tunis ouest par l’ONAS. L’ensemble de ces projets réalisés, en cours d’exécution ou en cours d’études sont généralement d’ordre technique permettant d’assainir, brancher ou desservir. Mais, tout porte à croire à l’utilité et l’urgence de la mise en œuvre d’un plan d’action méthodique mettant en exergue la totalité du périmètre longeant et contournant le bassin de Sijoumi :la qualité environnementale (essentiellement oiseaux et plan d’eau) et l’amélioration du cadre de vie de la population lacustre (Sebag P., 1960)39 (District deTunis, 1979)40 . (Bounouh A. , 2004)41 .

5ème hypothèse

La dernière hypothèse est réservée à l’étude du nouveau contexte révélant de nouveau enjeux. Pour cela, nous allons commencer par répondre à la première sous-question : Quels sont ces nouveaux enjeux de développement des rives de Sijoumi pour requalifier le site et améliorer le cadre de vie ?

Le Grand Tunis est doté aujourd’hui d’une ceinture périurbaine dense. Pour les dernières décennies, plusieurs actions d’aménagement et de branchement ont été apportées à une échelle territoriale, non seulement dans le berceau de mondialisation, mais aussi vers la ville métropolitaine.

36 « Etude d'aménagent des berges du lac Sedjoumi, synthèse de l'analyse du milieu », District de Tunis, 1979 37 « Etude d'aménagement des berges de Sijoumi (Variante d'aménagement, 3ème phase) », District de Tunis, 1980 38 « Programme "Cités Durables" Tunis-Sijoumi, réunion du comité de suivi élargi » Municipalité de Tunis, 1997, 39 « Un Faubourg de tunis, Saîda Manoubia, enquête sociale, 1960 » Paul Sebag, 1960 40 40 « Etude d'aménagent des berges du lac Sedjoumi, synthèse de l'analyse du milieu », District de Tunis, 1979 41 « Planification spatiale et logiques des acteurs dans le grand Tunis, cas de la zone résidentielle d'El Mourouj », Abdelala Bounouh, 2004.

Pour la sebkha de Sijoumi et ses berges, le contexte a changé (en termes d’infrastructure et d’assainissement) ; les berges sont bien accessibles et branchées. Le site offre aussi des disponibilités foncières qui pourraient intervenir pour alléger le congestionnement et la densité urbaine de la capitale. D’où, l’Etat et les organisations publiques cherchent à requalifier le site, surtout après la valorisation dela zonehumide comme étant objet d’intérêt des organismes internationaux (Ramsar, association amie de la nature, associations des oiseaux migratoires, etc.).

Une deuxième question sou jacente porte sur le passage d’un site contraignant à une opportunité. D’où, peut-on parler d’une nouvelle opportunité pour la ville de Tunis, si c’est le cas, comment ? La recomposition de nouvelles stratégies et modes de régulation pourrait-elle réconcilier la population lacustre avec ce site ?

En fait, les actions apportées à la sebkha doivent être intégrées dans une démarche durable. D’où, l’intégration des objectifs du développement durable ODD au niveau des planifications peut-elle offrir l’occasion de réaffirmer l’importance des zones humides et leurs berges, s’assurer des projets offrant une croissance économique inclusive et garantir une bonne adaptation aux changements climatiques menaçant les quartiers riverains et le cadre naturel ?

Alors cette zone humide pourrait-elle passer d’une zone sensible à une zone cible de la part des investisseurs : un nouvel horizon pour la zone d’étude s’adaptant à un plan méthodique, répondant aux objectifs du développement durable et à la nécessité de sauvegarder une splendide image des milliers d’oiseaux migrateurs requalifiant le site à l’échelle de l’Afrique. D’où, quelles sont les nouvelles orientations de l’Etat, des projets en cours et des futures planifications pour la réintégration, la valorisation et la réconciliation de la population avec le site ?

4. M éthodologie : sources et outils d ’investigation

Notre sujet de recherche porte sur l’étude de la vulnérabilité des berges de la zone humide de Sijoumi face à une urbanisation véloce. L’ensemble des démarches, des méthodes et des techniques qui vont orienter l’élaboration de notre recherche vont s’appuyer sur :

1- l’approche historique qui se base sur la fouille dans les documents et les archives pour étudier l’évolution chronologique des activités anthropiques au niveau des berges

de la zone humide. On vise par cette approche la reconstruction du passé à base des documents, des études précédenteset des archives.

2- L’approche systémique qui permet d’étudier le sujet dans sa totalité (interaction entre faunes et flores, systèmes hydrauliques, population) est utilisée un peu partout dans cette recherche.

L’ensemble des données collectées sont de type qualitatif, archivistique, statistique et cartographique renfermant :

• Les scénarios d’étudesauprès de la municipalité de sidi Hssine

• Les archives des différents projets étudiés concernant les rives de la zone humide Sijoumi (auprès de l’AUCT, l’IRMC, la bibliothèque nationale, etc.)

• Les opérations et les futures opérations d’assainissement et deréaménagement (ONAS, DHU, MEHAT, RFR, …)

• La consultation des différentes études réalisées par Urbaconsult sous la direction de Morched Chebbi

• Les photos aériennes de notre zone d’étude faite par l’office de cartographie et de topographie

• L’analyse du SDA du grand Tunis

Donc, ces ressources vont alimenter les différentes réflexions méthodologiques et théoriques sur les concepts et les thèmes en étroite relation avec la zone d’étude et les concepts à développer. J’ai consulté aussi bien des fonds de recherche universitaires (mémoires et thèses) réalisés en Tunisie et en France (en ligne) portant sur le même champ de travail.

3- la méthode d’analyse urbaine : pour la phase analyse des données, on va établir une superposition des ressources d’information tirées des revues historiques, sociales et urbanistiques cherchés auprès de la bibliothèque nationale, l’archive national, le centre de documentation de l’ENAU, l’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain IRMC et les administrations publiques (MEHAT, ANPE, APAL, AUGT, …). L’analyse des données fournis par la municipalité de sidi Hssine et des cartes topographiques vont me permettre d’établir une analyse de l’acte urbain aux

détriments des zones sensibles et des terres agricoles. Le couvert forestier, les écosystèmes et les apports hydrauliques seront traités comme aspects écologiques en mutation sous les effets des interventions humaines sur les berges de Sijoumi.

4- Analyse des données statistiques et des enquêtes (aspect socio-économique) : est également incontournable dans l’analyse de ce sujet dans la mesure où elle nous donnera une idée sur les causes et les retombées socioéconomiques de la vulnérabilit é des abords de la sebkha de Sijoumi. D’où l’analyse des enquêtes effectuées sur différentes zones des berges de Sijoumi et à différentes période permet de comprendre la mutation socio-spatiale de la zone d’étude, en sa totalité (celle de Paul Sebag, Mahmoud

Abdesslem).

Ici, l’habitat spontanée et le processus d’installation d’une population migratoire de masse importante seront établis sur la base de comparaison chronologique des statistiques de l’INS.

*On va s’appuyer aussi sur la technique de d’entretien (l’entretien semi directif) auprès des administrations publiques, en relation avec les études et les projets relatifs à la zone d’étude durant les entrevus de recherche.

*Comme d’autres instruments de collecte de donnée, on s’est basé aussi sur des articles et des données audiovisuels qui ont traité le même sujet (émission de radio : express Fm, radio web, chams FM).

Ainsi, il faut noter que cette approche méthodique n’est pas exhaustive vu la présence d’autres modes d’investigation qui pourraient être développés au cours de la recherche d’une façon implicite ou explicite.

5. Cadre th éorique et conceptuel

a . La notion de v ulnérabilité e t ses indicateurs

Quoique que la vulnérabilité soit fortement liée aux risques, son apparition est un peu tardive; on peut qualifier un site comme étant vulnérable en cas de manifestation d’endommagement.

En fait, le concept de vulnérabilité est systémique (issu d’une démarche déductive à partir des théories) et opératoire (obtenu à travers une démarche inductive qui repose sur l’observation). Donc, pour définir ce concept, on a essayé de revenir aux théories

existantes et aux documents écrits concernant la définition de ce concept, et aux observations enregistrées au niveau de la zone d’étude : zone humide Sijoumi. (Ercole et Thouret 1996, Veyret 2004, Veryet et Laganier 2013).

• Vu ln érabilité et étymolog ie

La vulnérabilité est un concept évoqué dans plusieurs domaines et par plusieurs chercheurs et praticiens. Ce terme n’est pas utilisé uniquement dans les langages scientifiques des risques naturels et des changements climatiques (risques anthropogénique) mais on remarque aussi son utilisation dans le langage courant dans plusieurs d’autres secteurs.

Commençant par la définition de LAROUSSE,d’un point de vue étymologique, ce terme descend du bas latin ‘vulnerabilis’, dans le langage courant, la vulnérabilit é découle de ce qui est vulnérable ; s’avère « une fragilité matérielle ou morale, potentielle d’une population, d’un objet ou d’un lieu ». En fait, une personne est considérée vulnérable après la rencontre d’un problème spécifique, en présence d’un facteur ou agent, endogène ou exogène, perturbateur ou pathogène. Une situation de fragilité peut constituer les pandémies (la peste, le choléra, le Covid 19, ...), la pauvreté, la famine, les catastrophes naturelles (inondations, explosion volcanique, tempête, ...), etc. Donc la vulnérabilité est généralement mesurable et dépend de la susceptibilité au risque.

En histoire, la vulnérabilité parait comme une notion très ancienne ; elle est révélée depuis l’existence de l’homme et des risques, mais l’étude de ce concept est récente vue qu’elle a circulé depuis le XIXème siècle entre la langue de l’anatomie, de la psychologie et des sciences humaines et sociales.

Pour mieux comprendre le concept, on va se référer au sociologue Serge Paugam42 qui voit que,depuis les années 1950, la politique sociale a imposé la vulnérabilité dans les lexiques des sciences humaines, sociales et aussi dans les sciences de la médecine. Vers les années 1990, la vulnérabilité a tissé un lien très fort avec la crise économique et devient un mode de lecture sociale permettant l’analyse du fonctionnement de la

42 Serge Paugam : Sociologue et directeur de recherche et d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), Auteur de plusieurs ouvrages sur la vulnérabilité de la population (la pauvreté, la précarité sociale et la solidarité), spécialiste dans l’étude des inégalités et des ruptures sociales. Son thème de recherche : Sociologie des inégalités et des ruptures sociales.

société. A une date plus récente, vers 1994, et dans le processus de la mondialisation, Serge Paugam a évoqué la vulnérable de masse de l’ensemble de la population menaçant la cohésion sociale et l’a lié à la présence d’un risque d’ordre majeur.

Vers le début de notre siècle, et dans le contexte de la globalisation et du changement climatique, c’est le sociologue Robert Castel43 qui a vu que la vulnérabilité (en rapport avec l’inclusion sociale) devient un concept incontournable et un sujet d’actualité pour expliquer les conséquences néfastes de la détérioration de la nature, la vie de l’homme et les inégalités socio-économiques en évoquant le paradigme de vulnérabilité sociale en présence de pauvreté et de chômage.

Selon Hélène Thomas44, la vulnérabilité convoque à la fois la fêlure et la blessure (pour les zones sensibles et fragiles), indiquant aussi la précarité et la fragilité dans les zones sociales. En France par exemple, la loi reconnait officiellement la vulnérabilité sociale comme critère de discrimination.

• Les types de vulnérabilité

Pour décortiquer encore plus ce concept, on doit passer aux types et facteurs qui le déterminent.

Selon l’encyclopédie en ligne l’Agora, on peut distinguer la vulnérabilité des personnes qui sont « menacées dans leurs autonomies, leurs dignités ou leur intégrité physique ou psychique ». A une échelle plus élargie, la vulnérabilité peut toucher à la société, évoquant sa susceptibilité de recevoir un endommagement par un changement brutal ou non de son environnement. D’où la vulnérabilité met en cause la relation de

la société et son milieu (environnement). (Agora, s.d.)45

Pour la vulnérabilité d’un milieu, elle peut être liée à la géomorphologie naturelle de l’assise d’une ville (zone volcanique, zone tropicale, désert, etc.) qui pourrait être étudiée au préalable et avant l’occupation d’un tel site fragile. Par contre, les activités anthropiques peuvent intervenir dans la création, l’atténuation ou l’aggravation de la

43 Robert Castel : sociologue français spécialiste de sociologie du travail et des questions relatives à l'exclusion sociale 44 Hélène Thomas : Professeur en Science politique. Spécialités : Citoyenneté, Démocratie, Ethique,Inégalités, Philosophie du droit, Vulnérabilité, … parmi ses ouvrages : Les vulnérables : la démocratie contre les pauvres, janvier 2008

45 Agora.com (site web)

situation de vulnérabilité. D’où on distingue plusieurs aspects de vulnérabilit é (écologique, urbaine, sociale, environnementale, …).

Comme indicateur de cette vulnérabilité, on peut citer les risques et aléas (indicateurs environnementaux), chômage et pauvreté des ménages (indicateurs financiers), explosion démographique engendrant un étalement urbain (indicateurs fonciers/spatiaux-urbain).

Toutefois, la ville s’étale, à l’horizontale ou à la verticale, au détriment des vides, des terres agricoles, et des zones naturelles. Alors, si l’expansion urbaine n’est pas planifiée, contrôlée ni freinée, comme le cas de plusieurs villes en voie de développement ou bien sous-développées, les zones péri-urbaines deviennent de plus en plus occupées et les banlieues seront saturés. Pour répondre à ces problèmes, le concept de durabilité a eu lieu, ayant comme finalité l’élaboration des stratégies durables de gestions de risques face aux divers types de vulnérabilité sur divers domaines.

Prenons notre cas d’étude par exemple : la sebkha de Sijoumi comme zone humide urbaine (classée site Ramsar), l’installation d’une masse démographique très importante sur ses berges depuis environ un siècle a eu plusieurs résultantes entre autres des problèmes d’ordre socio-environnemental. En fait, Joern Birkmann, 2006,46 énumère une vingtaine de définitions de la vulnérabilité différemment et explique que le degré de vulnérabilité peut être mesuré. Selon la sphère de Birkmann, ce degré peut être hiérarchisé, c’est-à-dire, dans la même zone on peut passer de la vulnérabilité intrinsèque (issue d’un risque interne de la zone) vers la vulnérabilité multidimensionnelle

(risques externes responsables de la vulnérabilité synthétique qui touche les caractères physiques, sociaux,

Figure 1 : les sphères-clés de vulnérabilité, Berkman 2005

46 Joern Birkmann : directeur de l'Institut de planification spatiale et régionale de l'Université de Stuttgart et auteur de plusieurs ouvrages et articles

environnementaux, et économiques tout en dépassant la sensibilité de la zone et la capacité de faire face.

Les F a cteurs d e la vulnérabilité

1-Facteurs physiques : La ville naissait suite à l’interaction de l’homme avec son milieu selon certaine mesure de degré de résistance aux aléas et intempéries de la construction, ce qui permet de prévoir et étudier la vulnérabilité si elle s’expose.

Pour la ville, la vulnérabilité peut être constaté à l’œil nu ; c’est l’endommagement à l’échelle physique. Selon Béatrice Quenault47 , on peut qualifier chaque élément physique, intervenant dans la composition de la ville, par élément vulnérable à part entier, comme l’organisation spatiale, l’architecture, la culture, l’économie,

Figure 2 : l’Analogie du Diamant (multiples facettes de le système et l’environnement. Donc, comment la vulnérabilité de la ville, Parker et Al 2009 peut-on distinguer la vulnérabilité de chaque composante ?

Pour l’architecture, on peut lier la vulnérabilité à la construction (forme et structure), aux matériaux (terre cuite, terre crue, pierre, béton, maçonnerie) et au site d’implantation. L’analyse de ces éléments permet de détecter la fragilité de chaque bâtiment, ce qui permet d’estimer ou de calculer les dommages potentiels pour l’ensemble de constructions avoisinantes et puis indiquer le degré de vulnérabilit é d’une ville. La structure urbaine sera jugée comme fragile ou non par la suite, après l’analyse de toutes les composantes de la ville (voiries, constructions, zones vides et réseaux).

Pour l’environnement, ce sont les facteurs naturels qui prédisposent la ville à subir des effets des aléas et les effets secondaires des risques naturels.

Les premiers facteurs naturels à citer sont la situation de la ville : certains sites sont considérés comme assise pour ses installations (site balnéaires, rives des lacs, bords de rivages, etc.) alors il fallait faire attention, au préalable, aux types d’infrastructure dans ces terrains pour faire face à la vulnérabilité naturelle du site (tsunami, séisme,

47 « La vulnérabilité, un concept central de l’analyse des risques urbains en lien avec le changement climatique’, domaine de la recherche urbaine », Béatrice Quenault, 2015

inondations). L’expansion urbaine non étudiée ni réglementée peut intervenir dans l’aggravation du degré de vulnérabilité des villes, sous des effets secondaires comme les mouvements du terrain, la liquéfaction des sols sableux saturés, le tassement différentiel,l’effondrement des couches argileuses du sol, etc.) les pentes des versants et les bords des zones humides qui ont été réservés aux friches ou zone agricoles, une fois envahies par des constructions peuvent causer des risques majeurs. Ces derniers sont susceptibles d’être vulnérables sous les effets destructifs des ruissellements, de pollution et des mouvements du terrain. On peut aussi juger l’industrie, activité anthropique génératrice de pollution, comme intervenant dans la vulnérabilité de l’environnement et de la ville (pollution).

2-Facteurs socio-économiques

Nul ne songe à nier que la ville est en progression continue en termes d’expansion spatiale et démographique. Pour le secteur résidentiel, la population sera jugée vulnérable aux heures de pointe et en présence d’un risque comme le changement du climat ; exemple pour la mobilité urbaine, les mouvements de la population sont vulnérables occasionnellement si un risque naisse (exemple : lors de l’inondation du centre urbain nord en septembre 2019 ; vers 16 :30, la circulation a été en handicap total durant l’heure d’évacuation des résidents et des employés, résidents et passagers étaient coincés dans la rue ; expérience personnelle vécu en terme de vulnérabilité), donc le rapport spatio-temporel peut rendre une population vulnérable, voire très vulnérable en présence d’un aléa ou risque exogène.

3-Facteur culturel

La mixité sociale s’est basée sur les diversités identitaires et culturelles qui marquent la ville comme lieu de rencontre mais parfois de confrontation. On remarque aussi que la société urbaine doit avoir une culture locale du risque qui relie tous les individus (comme pour les archipels, la population s’apprête toujours aux secousses et au tsunami). Cette culture locale doit exister dans la mémoire collective de la population. Si on évoque le cas des extensions illégales, où le trottoir sera franchi, les impasses et les vois étroites sont habités, ici, des problèmes d’ordre socio-spatial se posent, le paysage urbain est en mutation et les problèmes de drainage, d’évacuation et même d’ensoleillement présentent l’assise de la vulnérabilité de cette ville.

4-Facteurs économiques

La vulnérabilité économique évoque le manque de production d’emploi et de ressources, d’où la société devient vulnérable. On peut aussi citer la vulnérabilit é découlant des perturbations des fonctions urbaines (éclairage publique non établi, canaux d’évacuation bouchés, congestion des voies, …).

A l’échelle du quartier, ce facteur dépend essentiellement de son standing, de l’ensemble des interventions et aménagements. La société civile a un rôle important dans l’amélioration du cadre de vie socio-économique, en cas d’éviter les extensions non réglementaires et le manque du respect de l’environnement.

Pour les résidents, le fait d’avoir une prise de conscience des conséquences de fragilisation de l’environnement (une conscience collective) permet d’éviter l’invasion des zones non aptes à recevoir des constructions (zones inondables par exemple).

La question qui se pose c’est comment gérer les risques pour prévenir les dégâts et la vulnérabilité excessive ?

Gestion des risques et processus de décision

La gestion de risque commence tout d’abord par un repérage des dangers susceptibles de menacer la ville. Une étude au préalable permet de prévoir les moyens les plus convenables pour faire face aux aléas et crises (moyens organisationnels et matériels). Le processus de décision et d’action subit généralement une organisation hiérarchique ou il fallait une harmonie au niveau du passage et d’application des décisions pour éviter les dégâts de grande envergure.

Pour les zones sensibles ou fragiles, elles possédante des caractéristiques naturelles spécifiques constituant un écosystème fragile qui nécessite, pour sa protection contre la dégradation, unemise en œuvre de normes et de procédures d’aménagement prenant en compte ses spécificités et préservant son contexte naturel. (L’Encyclopédie).

b. Zone humide et sebkha

Selon le premier article de la convention Ramsar, les zones humides sont définies comme étant des « étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelle s ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à

marée basse n’excède pas six mètres »48 . Donc une zone humide est un espace transitoire entre l’eau et la terre.

Ces zones humides naturelles évoquent généralement des profondeurs qui varient entre un mètre et quelques mètres, alors que pour les zones humides artificielles, les profondeurs sont plus importantes (barrages, bassins de traitement des eaux, retenues, etc.). ( Manuel Ramsar, 2016)49

A part la biodiversité écologique particulière, les zones humides côtières assure la protection des côtes envers les mouvements de marées et la hausse du niveau de la mer. Pour les autres types de zones humides, on distingue celle endoréiques montagneuses ou en pleines prairies, ces zones assurent le stockage et l’approvisionnement de l’eau d’irrigation d’où la fertilité des terres de leurs berges. On a aussi des zones humides urbaines, en pleine agglomération et c’est la population lacustre qui dicte la nature de rapport avec ces milieux hydriques pour dialoguer, nuire

ou conserver ces zones.

En fait, plusieurs études ont montré l’importance de ces zones dans la durabilité, la biodiversité et la conservation de l’environnement. Mais, ces bassins à eau douce, saumâtre ou salée, sont généralement liées aux changements du climat, d’où plusieurs zones enregistrent un assèchement ou bien une hausse du niveau de l’eau en rapport avec les saisons les plus sèches ou humides, d’autres zones arrivent même à disparaitre. Ainsi, des perspectives d’ordre mondial s’intéressent à la préservation de ces milieux en mobilisant des associations, des conventions et des organisations pour conserver essentiellement leur cadre écologique (Ramsar R. , 2018)50 .

Le trio sensible, vulnérable, fragile

Selon la direction régionale de l’environnement (Service de l’eau et des milieux aquatiques, France), le classement d’une zone comme étant sensible est issu de son exposition au risque d’eutrophisation et après l’analyse bactériologique déterminant la qualité de ses eaux. Une eau est comptabilisée malaïgue (mauvaise eau) quand elle présente un changement de couleur, d’odeur, de composition bactériologique et de la disparition de l’oxygène dissous dans l’eau. Donc les zones sensibles sont des milieux

48 « Fiche descriptive sur les zones humides Ramsar » Janvier 2007, P 3,4 49 « Manuel Ramsar, 5ème édition », Ramsar, 2016 50 « Perspectives mondiales des zones humides, L’état mondial des zones humides et leurs services à l'humanité » Ramsar, 2018

aquatiques où il y a une exigence de traitement des eaux résiduaires urbaines avant leur évacuation vers le plan d’eau.

Pour une zone humide classée vulnérable, comme c’est expliqué ci-dessus, la vulnérabilité est fortement liée à la présence d’un endommagement (qualité d’eau, quantité d’oxygène dissous, état des écosystèmes). Classée vulnérable, cette zone devient menacée de perdre sa qualité environnementale.

Pour une zone fragile, elle est à la fois exposée aux risques et comptabilisée vulnérable, donc la vulnérabilité n’est qu’une résultante d’exposition d’un milieu fragile à un endommagement.

En fait, ces zones humides jouent un rôle prépondérant dans l’équilibre de notre environnement malgré leur classement en tant que sensible ou fragile.

Pour les sebkhas ; selon la Fiche descriptive des zones humides Ramsar (FDR) concernant le classement de la sebkha de Sijoumi en site Ramsar, la nomination « sebkha » ou « sebkhet » est une appellation arabe utilisé au niveau des zones humides de l’Afrique du nord désignant les marias, les marécages ou les bassins d’eau stagnante endoréique (fermé sans issu ni débouché vers la mer). L’eau est stagnante et l’alimentation du bassin se fait à travers les ruissellements issus des oueds et des précipitations ; l’ensemble définit le bassin versant (réseau de ruissellement, plan d’eau et nappes phréatiques).

Le cycle de l’eau varie selon la saison (évaporation l’été et élévation du niveau de l’eau l’hiver) d’où les eaux sont généralement douces à saumâtres et le sol stocke du sel. Pour les rives de la sebkha, elles révèlent un couvert végétal qui varie entre herbes, steppes et couvert forestier (arbres ripisylves). Pour la faune, plusieurs espèces animales sont accueillies au niveau dessebkhas essentiellement les oiseaux de l’eau51 .

c. L a périurbanisation

Ce terme est utilisé pour qualifier l’urbanisation qui se produit et se développe sur les pourtours des agglomérations urbaines, au détriment des terres agricoles et des zones naturelles, là où l’étalement est généré par des habitations individuelles. Etant une

51 « Fiche descriptive sur les zones humides Ramsar » Janvier 2007

nouvelle forme d’implantation du bâti dans les périphéries, la périurbanisation contribue au gonflement des masses des villes (Laurence Thomsin, 2001) 52 .

Quant à la rurbanisation : urbanisation de la campagne ou urbanisation rurale, elle consiste à l’imbrication de la pratique urbaine dans l’espace rural ou également la transformation d’un paysage rural en paysage urbain. Ce phénomène d’extension des villes dans des milieux ruraux révèle un grignotage systémique des espaces verts et des terrains agricoles, il est connu aussi par d’autres nomination outre la rurbanisation : exurbanisation et périurbanisation. (Bounouh A. , 2004)53

Les géographes ont remplacé le concept de rurbanisation par celui de périurbanisation comme étant une forme d’urbanisation sans planification qui s’étale sur des terres agricoles (Thomsin, 2001)54 .

Pour notre cas d’étude, l’urbanisation se développe sur les périphéries les plus proches du centre-ville. La forme d’urbanisation qui nous concerne dans cette étude c’est ‘l’urbanisation par essaimage55’ connue comme grand consommateur des terres agricoles essentiellement les pleines de Sijoumi et de Naassan, avec des noyaux se développant le long des voies de communication et des pistes agricoles. Le développement de cette urbanisation est fortement lié à l’installation des petits pôles périphériques (Mornag, khelidia, Jedaîda,Mohamedia, etc.) (Davodeau, s.d.)56 .

52 « Un concept pour le décrire : l’espace rural rurbanisé » Laurence Thomsin, 2001 53 « Planification spatiale et logiques des acteurs dans le grand Tunis, cas de la zone résidentielle d'El Mourouj », Abdelala Bounouh, 2004 54 « Ruralia, revue de l'association des ruralistes français » Laurence Thomsin, 2001 (géoconfluence.fr) 55 « Phagocytage des espaces agricoles progressivement enclavés dans l'urbanisation », source : atlas des paysages français 56 « Atlas des paysages français » Hervé Davodeau, (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00788156/document)

P A RTIE A : V ULNERABILITE D E L A Z ONE H UMIDE D E S I JOUMI ET SES A BORDS FACE A L’ANTHROPISATION D ES L E DEBUT DU XXE SIECLE

Introduction

La première partie est analytique. Elle se base sur l’analyse des trois volets : historique, naturel et urbain de la zone d’étude. Le volet historique explicite l’évolution urbaine de la ville de Tunis en relation avec ses plans d’eau (évènement marquant basé sur le changement des autorités gouvernantes qui ont impacté l’organisation de l’urbain à l’époque). Dans ce chapitre, on va se référer à l’approche historique pour dégager si la relation qu’a noué la ville de Tunis avec ses lacs est une relation d’inclusion ou d’exclusion.

Le deuxième volet est consacré à l’étude ducadrenaturelde la zone humide de Sijoumi et son fonctionnement, entre autres l’étude des spécificités environnementales et urbaines de la sebkha afin de dégager si ce cadre naturel est une opportunité ou une menace pour le Grand Tunis.

On finit par le troisième volet qui concerne l’étude du cadre socio urbain de l’ensemble des berges qui longent la sebkha après l’anthropisation. Cetteurbanisation a suivi plusieurs critères socio-spatiaux ainsi que les différentes politiques urbaines mobilisées depuis les années quatre-vingt. On arrive vers la fin de ce chapitre à caractériser le développement du processus d’urbanisation des berges de Sijoumi et dégager les retombées de cette urbanisation imposante sur le plan d’eau, ses berges, son cadre agraire, sa population riveraine et à l’échelle de la capitale.

CH APITRE 1. EVOLUTION D E TUNIS AU G RES D E SES TROIS P LANS D’EAU

Dans ce chapitre, On va aborder le contexte historique et diagnostiquer les retombées du facteur temps sur la relation que noue Tunis avec ses trois plans d’eau,c’est-à-dire comment l’urbain se développe, au dépit ou au détriment des trois plans d’eau, ainsi qu’en fonction du temps, des changements climatiques et des besoins. Cette urbanisation avait-elle des répercussions sur le fonctionnement des réseaux hydrauliques, desécosystèmes et du cadre de vie de la population en question.

En fait, Tunis, comme l’avait décrit Gay de Maupassant ‘‘un burnous étalé entre ses plans d’eau’’ est dotée de trois lacs : Lac de Tunis (Bahira ou lagune) au nord-est, Lac Sijoumi (Sebkha) à l’ouest et le lac de l’Ariana(sebkha) au nord. Ces aires d’eau, outre les parcs naturels, les forêts et les espaces verts, formaient enpremier lieu des obstacles naturels étranglant l’expansion et la croissance urbaine de la ville, mais par la suite, tout est inversé, ces obstacles ont été franchis sous l’envahissement des constructions (exemple : le parc de belvédère, la sebkha de Sijoumi, la sebkha de l’Ariana, etc.).

Figure 3 : Noyau historique de Tunis et ses trois plans d’eau, source : ‘la Région de Tunis, CH. Monchecourt, 1913

Donc, la relation qui relie Tunis avec ses plans d’eau diffère-t-elle selon la nature de la zone humide (sebkha, lac, marais, …) ou bien c’est la population lacustre occupant les berges qui dicte cette relation ?

En fait, Tunis, en passant historiquement de la ville précoloniale, puis à la ville coloniale, jusqu’une ville postcoloniale, a connu de grands changements à l’échelle sociale, spatiale, environnementale, politique et même culturelle. Ces différents changements sont-ils inter-liés tout en affectant le cadre de vie, sans oublier évidement que la Tunisie est le pays le plus anciennement urbanisé des pays du Maghreb.

Remontant au noyau historique de Tunis, Jalel Abdelkefi a décrit, dans son ouvrage, la Medina (une ville établie dans la plaine tunisoise) comme étant un paysage agrourbain affichant la planéité de ses toitures : c’est la ville campagne dont la structure sociale est dictée par un féodalisme de commandement. La Medina ainsi a constitué un pôle d’organisation du monde rural : un centre de convergence pour Tunis.

Sur ses prairies et champs qui la contournent, furent émergés les premiers noyaux de refuge des juifs exclus de la Medina, et qui disait que ces quelques noyaux vont devenir aujourd’hui parmi les masses démographiques les plus importantes du Grand Tunis. Pour sa position, la Medina est en recul par rapport au lac de Tunis et à un niveau élevé par rapport à la zone humide de Sijoumi, donc cette position a-t-elle été choisi à base de refus de s’approcher de l’eau ou de se protéger par les collines. (Abdelkefi J. , 1987)57 .

Quoique l’urbain a été souvent résultante des décisions politiques ou des directions d’aménagement, mais pour le cas de l’informel, l’auto-produit n’obéit qu’à la loi de s’abriter ou de gagner en termes de foncier. Donc, dans ce chapitre, on va étudier la relation et l’évolution du noyau historique de Tunis (la Medina) au gré de ses trois plans d’eau et ses pourtours, les étapes de l’urbanisation quasi informelle, le dédoublement et le triplement, voire plus, de sa masse démographique. Donc, Le produit urbain est-il en relation avec les changements des orientations et des décideurs politiques ? la morphologie de la ville de Tunis est-elle dictée seulement par ses plans d’eau ?

57 « La Medina de Tunis, espace historique » Jalel Abdelkefi, 1987

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