EXPLORER LA MARGE PAR LA CONTRAINTE INONDABLE - PARTIE 2

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TRAVERSER L’EAU, CONFORTER L’INONDATION

LA PASSERELLE



UN PIVOT ENTRE VILLE ET CAMPAGNE A la frange de la campagne, entre tissu industriel, résidentiel et anneau vert, deux projets mis en place par la ville pour faire face à l’inondation sont en cours : un bras de dérivation en amont du site et l’agrandissement de la passerelle piétonne d’Abetxuko. Gamarra est l’emprise industrielle qui apparaitra comme la clé du développement de Vitoria Gasteiz dans les années 1960. Celui-ci s’est construit de manière assez périurbaine sans grandes cohérences ni centralités, s’appuyant sur des logiques du tout automobile au dépend de terres agricoles qualitatives en proximité de ville. Suivant cette logique de sectorisation, un grand nombre de terres ont été imperméabilisés accompagnant la canalisation de nombreux cours d’eau, à l’instar de la rivière Zadorra qui aujourd’hui fait ressurgir les erreurs du passé par ses inondations répétées et toujours moins contrôlées au Nord du


Localisation Situation

poligono. Des inondations qui polluent le lit aval de la rivière par les périodes de retour emportant les polluants présents dans les sols industriels. Aujourd’hui de nombreuses entités éparses se font face nous laissant des potentiels de mutabilité incroyable lorsque l’on observe le nombre de friche présente au sein de cette aire industrielle avec 34 % de terrains vacants. Finalement dans cette logique de rendre plus poreux cette limite entre la ville et la campagne, et de reconversion industrielle, en accord avec le dessin de l’inondation, s’impose à nous trois enjeux fondamentaux pour la réalisation du projet alliant les problématiques locales à Poligonos Gamarra (à droite le parc urbain, à gauche les usines) celles territoriales : relier les milieux industriels et ceux ruraux, aujourd’hui très distincts. Le second enjeu est naturellement la gestion des crues sur les sols industriels et en aval de l’expansion résidentielle d’Abetxuko. Le troisième enjeu, qui découle directement de ces derniers, est la gestion des sols pollués en accord avec les inonLes sols pullés dations. Une fois tous ces enjeux énoncés, s’impose clairement à nous cette thématique de la traversée de l’eau accompagnée par une certaine dilatation possible de cette ceinture verte sur des terres pollués par l’héritage industriel.


ABETXUKO

LA ZADORRA

SITE

MICHELIN - GAMARRA

Entre tissu industriel, rĂŠsidentiel, et parc urbain, une situation de pivot Plan territorial



INFRASTRUCTURE SOL ET PAYSAGE Infrastructure, Sol et paysage, 3 mots pour 3 enjeux qui permettent de résumer le projet. Avant de rentrer dans l’aspect plus programmatique et sur comment nous mettons en place une forme architecturale, j’aimerai vous citez quelques mots qui m’ont guidé dans la réalisation du projet : « […] Dans les pays du Nord autant que dans le monde émergent, le sol est devenu une ressource finie, un terrain de tensions et de convoitises à l’échelle globale sur lequel ces mondes se rencontrent et s’affrontent. De façon évidente, cette rareté confère une importance majeure à la construction que nous ferons maintenant de ce sol. […] L’activité de construire le sol peut effectivement être envisagée d’une manière générale comme la création d’une infrastructure. […]Si l’infrastructure est, tout comme l’édifice, le fruit d’un programme et d’un site, elle est en réalité plus que cela. Notamment en raison de ses dimensions temporelles et spatiales extraordinaires, elle produit, une fois construite, un nouveau site, qui remplace celui qui l’avait gé-


nérée ; elle est un nouveau sol. L’infrastructure est ainsi d’une certaine manière une formulation extrême de ce que peut être l’architecture du sol : à la fois une architecture (au sens d’édifice) et un sol (au sens de site). Une attention pour le sol appelle donc logiquement une attention pour l’infrastructure… » Le sol, l’infrastructure, c’est donc les mots qui donnent naissance à ce projet. Il s’agit alors de se servir de cette extension de crues sur les industries en friches au Sud d’Abetxuko et d’en faire un véritable atout paysager servant à la fois aux industries et à la dilatation de la ceinture verte. L’idée est de venir appuyer le protocole mis en place dans la stratégie, à savoir encourager la reconversion d’un site mais aussi d’offrir de nouveaux espaces verts sur des sols pollués. Ces parcelles possèdent cette situation de pivot entre ville et campagne, en proximité du réseau de tramway, et c’est l’atout que nous voulons exploiter. Comme je le disais précédemment, le point de départ, c’est le sol. On décide de venir conforter l’inondation sur cet espace là pour éviter

ABETXUKO, UN NOUVEAU SOL URBAIN Séquence Accroche 1


des crues moins maitrisées en aval. L’idée est d’augmenter le projet de la ville du bras de dérivation sur le site, afin que ces sols pollués puissent accueillir les inondations. Nous décidons alors de niveler le site, à partir des niveaux existants et d’en faire un gigantesque bassin de rétention. Suite à ce plan de nivellement, se dessine de manière assez paysagère des bassins plus marqués qui peuvent garder l’eau des crues dans des temps qui se rapprochent de la permanence. Les sols pollués par l’héritage industriel accueillent donc des plantes qui peuvent être naturellement submersibles, comme des graminées, ou des arbres pouvant absorber de grandes quantités d’eau comme le saule ou le peuplier. Ce nouveau sol vient donc constituer une nouvelle dilatation du parc urbain par une pépinière dépolluante liée aux techniques de phytoremédiation. Si ce nouveau sol est bien évidemment propice à une nouvelle biodiversité, c’est aussi ce dernier qui accueille la traversée de l’eau et donc de l’infrastructure.

LA DILATATION DE LA CEINTURE VERTE Séquence Accroche 2

Coupe élévation Ouest

Plan de RDC Diverses accroches pour divers usages


Le parti pris présent ici est donc de présenter un geste fort, non pas un geste architectural fort, mais une vision radicale qui viendrait bousculer l’absence d’urbanité dans cet entre-deux de milieux urbains et ruraux. Au-delà de l’architecture, il s’agit de venir proposer une infrastructure se présentant telle une ligne paysagère raccrochant l’extension résidentielle d’Abetxuko, aux industries majeures comme Michelin. Ainsi la ligne joint deux entités fortes du paysage traversant la rivière Zadorra et sa zone de crue confortée par ce nouveau sol. L’échelle territoriale étudiée confronte alors diverses problématiques, qui sont à la fois sociologiques, géographiques, et paysagères. Précédemment 3 entités éparses se faisaient face, aujourd’hui c’est une seule unité urbaine qui nait de cette infrastructure et de cette ligne paysagère. La ligne vient donc s’implanter dans les lignes de forces du site de manière à retrouver une composition urbaine, à savoir la rue principale d’Abetxuko, tout en venant chercher les industries de Michelin. Compte tenu de la montée des eaux, acceptée et accentuée, la ligne forme une promenade entre 3 mètres et 11 mètres de hauteur. Bien évidemment, la première volonté fut de concentrer toutes les interventions bâties sous cette passerelle pour obtenir une lisibilité parfaite de la ligne. Finalement, compte tenu de la contrainte de l’épaisseur nous décidons plutôt de travailler sur les accroches de la passerelle avec des espaces plus généreux où les valeurs d’usages et les espaces architecturaux pouvaient être plus libre dans leur conception. Le projet présente donc 2 interventions bâties majeures.

Coupe Perspective sur la passerelle Les espaces de promenades, et les serres accrochées


Perspective La passerelle et le paysage imaginÊ lors du passage de l’inondation


ABETXUKO, UN NOUVEAU SOL URBAIN Les interventions bâties servent à chaque fois l’accroche au sol et la fin de la passerelle. Chacune d’entre elles s’attache à une séquence de la transversalité, travaillant à chaque fois des valeurs d’usage en lien avec l’espace plus local. La première intervention bâtie constitue celle de l’accroche au niveau d’Abetxuko avec un espace généreux pouvant servir au marché. Cet espace jouit de sa proximité avec l’arrêt de tramway se situant ici. Ici, nous décidons d’y implanter une halle de marché reprenant l’aspect filigrane de la passerelle et ses matérialités. Tout comme la passerelle, la volonté est de ne pas cacher l’aspect constructif qui fait de cette architecture une véritable infrastructure. 3 plateaux d’espaces publics permettent de hiérarchiser l’espace : le premier permet l’accroche au sol de la pasPerspective sur la Halle de Marché et la passerelle au loin serelle, le second servant à la mise en place de la halle de marché, et le dernier, plus ouvert sur le grand paysage, ressemble plus à un espace de flânerie. Comme vous pouvez le voir ici, l’espace public, le sol est vraiment considéré comme la matrice du projet.


Plan de RDC Extrait sur les nouveaux projets de sols d’Abetxuko

Coupe Perspective La halle de marché, un espace libre d’usages


LA PEPINIÈRE, LES SOLS POLLUÉS La seconde accroche est celle liée aux sols vacants et à l’héritage industriel. Il s’agit ici de l’élément principal du projet : la pépinière dépolluant les sols pollués. L’intervention bâtie qui permet de dessiner l’accroche de fin de la passerelle regroupe plusieurs laboratoires expérimentaux sur ces nouvelles biotechniques qui pourront être ensuite répétés sur les autres espaces vacants de l’emprise industrielle. On y retrouve également des bureaux sur la gestion administrative de la pépinière ainsi que des locaux communs pour les acteurs de ces espaces comme une salle de projection pour les meetings. La forme de l’édifice vient permettre à la passerelle de ne pas se fermer de manière subite mais plutôt d’obtenir une certaine continuité plus douce vers le nouvel espace vert qui reprend la trace de l’usine démantelé au Sud du site. Contrairement à l’aspect filigrane de la passerelle, la volonté a été celle de travailler sur un système d’ossature-enveloppe de manière à reprendre l’archétype des édifices industriels voisins. Ce système confère à l’intervention, un aspect très massif qui vient le démarquer de la passerelle. Du fait de cet aspect hermétique, les programmes viennent s’articuler autour de patio ou d’ouvertures zénythales. L’enveloppe choisie ici correspond à un acier galvanisé, un acier corten très sombre, vieilli, qui reprend l’aspect des circulations verticales de la passerelle, qui elles aussi se démarquent par leur aspect monolithique. On retrouve également plusieurs éléments sur la passerelle qui font rappel à cette matérialité comme les mains courantes de la passerelle, ainsi que les cadres de fenêtres.

Coupe Facade Est Les laboratoires imergés dans le paysage de la pépinière

Coupe Perspective Les laboratoires hermétiques à l’emprise industrielle


Plan de RDC Extrait de plan des laboratoires et de la pÊpinière


MATIÈRES, STRUCTURE Les circulations verticales viennent marquer des accroches plus faibles qui elles aussi sont liées à des usages locaux. A l’image de celle se situant au cœur de l’anneau vert, elle s’accroche au niveau de la rivière pour ses nouvelles qualités de vies, mais aussi pour la réception des canoés étant partis depuis le nouvel espace ludique de Gamarra avec une plage que l’on a dessiné. Sous la passerelle et ce palier intermédiaire, vient se loger un espace de stockage des canoé avant qu’ils soient récupérés. Finalement, ce nouveau sol, cette infrastructure paysagère, permettent d’accueillir l’eau des crues torrentielles mais surtout de confronter l’usager de la passerelle à ce qui peut le dépasser afin de créer cette culture du risque. La métaphore serait donc une passerelle, se présentant tel un gradin devant sa scène de théâtre paysager, où l’usager vient se cultiver de manière presque indirecte. Si le projet de ligne révèle bien évidemment la topographie du site, le projet bâti sous la passerelle se veut assez transparent de manière à accentuer cette légèreté et cette thématique de la traversée de l’eau. C’est pourquoi nous décidons, d’implanter sous la passerelle, tous les espaces servant à la mise en culture des plantes, à savoir les serres et les locaux servant la gestion de ces dernières. La légèreté de cette infrastructure est augmentée par le système constructif que nous mettons en place et que nous laissons au jour, qui permet d’ornementer le projet. Avec une démultiplication des couches, celui-ci devient finalement léger. C’est cette métaphore du mille-feuille que nous souhaitons illustrer dans le système constructif. Pour conclure, si l’enjeu principal était de traverser l’eau, c’est l’eau aussi qui traverse le projet par une confortation de l’inondation accentuée sur ces espaces qui nous fait émerger un nouveau paysage de la crue, accepté par tous, sublimé. Par ce projet pivot, la ville retrouve une proximité avec l’eau et la campagne, une nouvelle culture du risque émerge, et c’est de cette manière que nous souhaitons concevoir l’architecture. Un acte fort sans étiquette, et qui se suffit à lui même, laissant l’usager s’en emparer, répondant à des problématiques durables.




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