Journal des Archipels n°4

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AFRIQUE DE L’EST

LES COMORES MAYOTTE

MADAGASCAR

LA RÉUNION

MAURICE

RODRIGUES

LES SEYCHELLES

N°4 - janvier I fevrier 2022 I Réunion I Maurice I Madagascar I Les Comores I Afrique

INDIANOCÉANIE

LE LABORATOIRE DES NOUVELLES ÉNERGIES ?

Green

L’ACCÉLÉRATEUR QUI VA «KATAPULTER» L’AGRO BUSINESS

Blue

LA PROTECTION DES TORTUES DES MASCAREIGNES AVEC TIMOI PROJECT

Histoire

PEOPLE

NADA AMRI-WHEELER

LOBBYING ET PROMOTION DE LA FEMME Maurice : RS 150 - Réunion / Mayotte : 3 € - Madagascar : MGA 15 000

LABOURDONNAIS VS DUPLEIX, SUITE ET FIN


AFRIQUE DE L’EST

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LES COMORES MAYOTTE

MADAGASCAR

LA RÉUNION

MAURICE

Le journal des archipels N°4 janvier / février 2022

RODRIGUES


AFRIQUE DE L’EST

LES COMORES MAYOTTE

MADAGASCAR

LA RÉUNION

MAURICE

RODRIGUES

LES SEYCHELLES

N°4 - janvier I fevrier 2022 I Réunion I Maurice I Madagascar I Les Comores I Afrique

INDIANOCÉANIE

LE LABORATOIRE DES NOUVELLES ÉNERGIES ?

Green

L’ACCÉLÉRATEUR QUI VA «KATAPULTER» L’AGRO BUSINESS

Blue

LA PROTECTION DES TORTUES DES MASCAREIGNES AVEC TIMOI PROJECT

Histoire

PEOPLE

NADA AMRI-WHEELER

LOBBYING ET PROMOTION DE LA FEMME Maurice : RS 150 - Réunion / Mayotte : 3 € - Madagascar : MGA 15 000

LABOURDONNAIS VS DUPLEIX, SUITE ET FIN

La révolution énergétique a fait notre civilisation d’aujourd’hui. Peu chère et abondante, nous la gaspillons depuis des décennies, mais elle est en passe de devenir rare...

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Sommaire 18 I SONDAGE. GÉNÉRATION Z, Bonheur et indépendance priment sur réussites professionnelle et matérielle.

06 I FIL INFOS. COP 26 Maurice bon élève malgré tout. BUSINESS MAURITIUS réfléchit aux enjeux du changement climatique. LE GROUPE ATTITUDE Ne jure que par le local. MAURICE/LA RÉUNION Le Marine Discovery Center du groupe Attitude engagé à la protection des tortues imbriquées de l’océan Indien. BUSINESS MAURITIUS lance le Club des Entrepreneurs de l’Économie Circulaire. ENTREPRENARIAT FÉMININ : 35 femmes pour du « business sans frontières ». L’ACADIE, un nouveau navire polyvalent, sera basé à Mutsamudu (île d’Anjouan). MEDEF BUSINESS AWARDS Huit lauréats pour les trophées RSE du Medef Réunion. PRODUCTION LOCALE Le label Made in Moris accueille 3 nouveaux adhérents : YUGO, TaMIS, Xtruline. CNOI met en route le plus puissant élévateur à sangles au monde. TROIS PROGRAMMES À L’AGENDA 2022 du Global Compact des Nations unies.

20 I PEOPLE. THE WOMAN CLUB, Lobbying et promotion de la femme. CÉCILE TSIN ET SON FILS PASCAL, Un groupe familial orienté vers le développement durable. CYRILLE MELCHIOR, président du Conseil départemental de La Réunion. MATTHIEU LOUGARRE, DIRECTEUR DE CINQ FRÈRES, ET FRÉDÉRIC DALMASIE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE AGRI RESSOURCES GROUP, « L’île Maurice sera un hub de développement pour notre groupe en Afrique».

48 I DOSSIER. RARE ET GASPILLÉE… L’énergie est cette main invisible qui fait fonctionner tout notre environnement de vie. C’est elle qui alimente toutes les machines à notre service. Celles qui tissent nos vêtements, nous transportent, nous éclairent, impriment nos journaux, font marcher nos ordinateurs, etc… Heureusement, sinon nous serions complètement impuissants. Il faudrait faire pédaler dix personnes pour faire fonctionner un grille-pain.

34 I BLUE. « BLUE GOES GREEN* », les green ports du futur sont déjà là ! FOLKLORIC EXPLORER, l’arche de Noé made in Maurice. LES ÉNERGIES MARINES RENOUVELABLES (EMR), nouvelles donnes, perspectives régionales, lois, obstacles... ILE DES DEUX COCOS, « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté ». 76 I GREEN. INCUBATEUR À PROJETS VERTS, « Positionner Maurice sur la carte mondiale de l’innovation ». AGROFORESTERIE, pouvons-nous créer des actions collectives ? SOFAP se peint un avenir durable.

80 I FUN&TECH, LA DÉCHÉTÈQUE lance sa plate-forme d’économie circulaire en ligne. FINTECH, les entreprises mauriciennes ne cachent plus leur impatience. FOODWISE : 3 ans et 3 millions de repas. GLOBE40, Maurice, étape d’un tour du monde à la voile. LA RÉUNION – TECH ROLAND-GARROS : première aérogare bioclimatique en milieu tropical. MAURICE - MUSIQUE, Un premier album pour le groupe ENN. EDITION – OCÉAN INDIEN, La belle revue Indigo désormais distribuée à Maurice. 86 I PORFOLIO . 90 I ANALYSE . 94 I HISTOIRE . 96 I CONSEILS SANTÉ .

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L’invitée

Romy Voos Andrianarisoa

Présidente de la commission Développement durable et éthique des affaires du GEM*

COP 26 : les solutions viendront du business Après sa participation au World Conservation Congress qui s’est déroulé à Marseille (France) en septembre dernier, Romy Voos a participé à la Cop 26 en Ecosse. L’occasion de rappeler que le développement économique est le moteur des équilibres sociaux et environnementaux. « La délégation malgache à Glasgow était tripartite (secteurs privé, public et social), j’y représentais le secteur privé dont l’objectif était triple : aborder tous les projets dans le sens de la transition énergétique - faciliter l’accès à la finance verte - mettre en place des collaborations pragmatiques entre secteurs privés de différents pays. Cela avec deux autres objectifs transversaux : l’inclusivité des femmes et des personnes porteuses de handicaps. Globalement nous avons étudié quelles législations existent dans d’autres pays dont Madagascar pourrait s’inspirer, ce qui s’est traduit concrètement par des échanges pour aboutir à des partenariats avec le Maroc, notamment sur la problématique d’accès à l’eau et la désalinisation, ou encore l’accès aux nappes phréatiques... Nous avons aussi évoqué les villes nouvelles à travers une vision de développement des 23 régions de Madagascar à travers la ville verte. J’ai été en contact avec le Japon sur ce sujet et pour comprendre toutes les technologies de reconstruction post inondations… Enfin je voudrai souligner que la prochaine étape est d’amener ces acquis de la COP 26 dans nos 23 régions. Je viens d’engager une tournée à travers le pays afin que les parties prenantes (gouverneurs, chefs de quartiers…) comprennent les enjeux et se mobilisent pour mettre en place des solutions basées sur la Nature… et surtout que ces solutions drivent du business, créent des emplois, permettent une croissance durable et inclusive. » Lire l’analyse complète à la fin du magazine.

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Un

laboratoire des nouvelles

énergies

« Oui, mes amis, je crois que l’eau sera un jour utilisée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène qui la constituent fourniront une source de lumière et de chaleur inépuisables et d’une intensité que la houille ne saurait avoir. » Cette phrase, écrite par l’écrivain français Jules Verne dans «L’île mystérieuse» en 1875, résume à elle seule toute la complexité et l’anachronisme dans lesquels nous vivons aujourd’hui. Alors que des sources d’énergies étaient connues et reconnues par nos anciens depuis des siècles, la facilité d’utilisation des énergies fossiles avait relégué les partisans de l’énergie renouvelable (qui ne disait pas encore son nom) dans la catégorie des doux rêveurs. Une facilité d’usage qui, soi-dit au passage, fut l’alibi à la constitution d’empires financiers multinationaux du côté des importateurs d’or noir et de l’émergence des pétromonarchies d’un autre. Aujourd’hui, deux siècles après utilisé à outrance les énergies fossiles (charbon à l’origine des révolutions industrielles, puis pétrole à l’origine des cataclysmes environnementaux), nous redécouvrons Jules


Verne et ses paroles prophétiques. Nous sommes désormais dans une impasse qui nous oblige à repenser complètement notre façon de vivre et de produire. Une belle occasion de faire une introspection à grands renforts de meetings internationaux, COP (pour COnférences de Parties) en tête et autres webinaires quasi quotidiens. Pour les uns, il s’agit de trouver et s’engager sur des solutions qui sont en partie à découvrir dans nos pages. La question, posée en une de notre magazine : « L’indianocéanie, le laboratoire des nouvelles énergies ? » est un brin provocateur car comment, nos archipels éloignés des grands pôles de croissance internationaux pourraient être des modèles ? C’est que justement, nos retards relatifs permettraient de prendre le train de l’innovation plus facilement que les autres, déjà engagés dans des systèmes lourds à gérer aujourd’hui et onéreux pour en sortir demain. Les petites îles européennes de Mayotte et La Réunion pouvant capter des flux financiers et des méthodologies élaborées loin d’ici. La Grande Ile, cœur de notre Indianocéanie, produisant matières premières comme le silicium issu du quartz abondant à Madagascar. Les transferts de savoir-faire, moteurs d’une coopération régionale que notre magazine essaie de promouvoir, n’ayant plus qu’à se mettre en oeuvre sous l’impulsion des organismes régionaux qui sont là pour cela : Commission de l’océan Indien aux commandes et chambres de commerce de chaque île (à défaut d’avoir une véritable Union des chambres de commerce qui se cherche encore, aux dernières nouvelles).

LES GRANDS-MESSES DE LA REPENTANCE Pour d’autres, au contraire, ces grandsmesses internationales sur le climat et l’énergie n’auront été que des tribunes pour la revendication anachronique d’une compensation financière liée à la victimisation. Pourtant, comme nous l’avons expliqué sur nos précédentes éditions, si la famine sévit par exemple dans le sud de Madagascar, elle est liée à une carence en aménagement

du territoire qui n’a jamais anticipé la croissance démographique exponentielle. Des analyses qui viennent d’être confirmées par l’excellent travail d’un collectif de scientifiques internationaux et indépendants pour qui « l’occurrence de faibles précipitations observées de juillet 2019 à juin 2021 dans le sud de Madagascar n’a pas augmenté de manière significative en raison du changement climatique d’origine humaine. » A lire sur : https://www.climatecentre.org/7303/factorsother-than-climate-change-are-main-drivers-of-madagascar-food-crisis-study/

Une remise à l’heure des pendules climatiques qui devrait servir de leçon aux professionnels de la repentance et son corolaire : la mendicité internationale. Mais c’est un autre débat, au même titre qu’un autre sujet qui colle pourtant à notre calendrier indianocéanique : le jour du bouclage de cette édition, le 20 décembre précisément, coïncide avec la fameuse « Fèt Kaf » à La Réunion qui célèbre l’abolition de l’esclavage. L’occasion de belles manifestations culturelles, festives et fraternelles comme seule La Réunion sait en produire dans notre région. Pourtant, quelques semaines auparavant, le 3 novembre précisément, la chaîne publique Réunion La Première diffusait un reportage où on y voyait une fillette d’une dizaine d’années vendue à un vieux barbu par sa famille en Afghanistan. La paupérisation de ce pays liée au retour au pouvoir des Talibans serait en cause. Mais nous avons là toutes les manifestations de l’infamie humaine : pédophilie, irrespect de la femme, de l’enfant et… esclavage ! Dès le lendemain j’ai essayé de scruter les réseaux sociaux de la chaine publique et ailleurs en pensant y voir partagés des commentaires horrifiés comme on sait le faire facilement dans ce département français qui n’en finit pas de faire des vagues freedomiemmes et c’est tant mieux. Mais là rien, pas un mot, pas un commentaire. Le 20 décembre ne serait-il pas la bonne occasion de dénoncer ces esclavages contemporains qui, de Pemba au sous-continent indien, sévissent depuis des millénaires (et bien avant et après la parenthèse historique des commerces triangulaires), sur tout le pourtour du grand océan Indien ?

Editeur : Archipels Solution Ltd / Fast Hub N°6 • Grand-Baie-Coeur-de-Ville Grand-Bay • Mauritius (230) 269 37 00 direct line : 269 37 51 Tél (230) 52 52 74 93 & 54 79 74 22 – Mail : archipels@lejournal desarchipels.com - Website : www.lejournaldesarchipels.com Zone de couverture : Maurice – La Réunion – Madagascar – Le Canal (archipel comorien – îles éparses – Seychelles Afrique orientale). Audience cible : Entrepreneurs – Directeurs du développement – Consultants en stratégie et développement – ONG – Crowdfunders et Business angels – Diplomates et politiques – Fonctionnaires – Etudiants … Directeur de publication, rédacteur en chef : Jacques Rombi (jacques@lejournaldesarchipels.com) Secrétaire administrative et commerciale : Sweendy Roussety (archipels@lejournaldesarchipels.com) web marketing et traductions : Anaïs Rombi (archipels@ lejournaldesarchipels.com ) Direction artistique : Archipels Solution Ltd - PAO Rakotomamonjy Herinjaka (pao@lejournaldesarchipels.com) PRINCIPAUX JOURNALISTES Est africain : André Gakawa (andre.gakwaya@gmail.com) Archipel comorien & Mayotte : AB médias (comores@ lejournaldesarchipels.com) Madagascar : Tsirisoa Rakotondravoavy, Liva Rakotondrasata, Niry Ravoninahidraibe (madagascar@lejournaldesarchipels.com) La Réunion : Olivier Pioch (reunion@lejournaldesarchipels.com) Ile Maurice : Orson Razaka (maurice@lejournaldesarchipels.com) Thierry Chateau et Julie Vacher (histoiresproductions@gmail.com) Alexandre Karghoo (redaction@lejournaldesarchipels.com) Photographies : Pierre Marchal – – Jacques Rombi – Fabien Dubessay Distribution : ARDP (à La Réunion) – IPBD à Maurice Jumbo Score et TMV à Madagascar – Envois personnalisés à Mayotte et Grande Comore. Commerciaux : A Maurice : Kelly Esther : commercial@lejournaldesarchipels.com - Mayotte et Comores : AB Médias (comores@lejournaldesarchipels.com) Madagascar : Mme Ny Holy Andrianjaka (commercial2@lejournaldesarchipels.com) Christophe De Comarmond (commercial3@lejournaldesarchipels.com) Dépôt légal : ISSN en cours Impression : Regent Press Ltd. Imprimé sur du papier FSC

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filiNfos COP 26 Maurice

Le report de cet événement planétaire a permis de donner une année supplémentaire à chaque État pour revoir à la hausse leurs objectifs annoncés lors de la COP21 en 2015.

bon élève malgré tout

Business Mauritius

réfléchit aux enjeux du changement climatique Business Mauritius, association indépendante qui fédère plus de 1200 entreprises, a tenu une série d’ateliers par visioconférence le vendredi 12 novembre dernier sur les enjeux du dérèglement climatique. Ces séances de travail ont coïncidé avec la conclusion de la COP26. Ces ateliers ont bénéficié de la contribution de chercheurs, 6

énergies renouvelables a été annoncé, contre 40% annoncés cinq ans plus tôt. C’est dire que dans cette déception collective et internationale, Maurice est un des rares pays à pouvoir garder la tête haute. En effet, « le compte n’y est pas», explique François Gemenne lors d’un webinaire organisé par la banque MCB fin novembre dernier (en photo). Le spécialiste en géopolitique de l’environnement et membre du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) résume : «Le péché originel de l’accord de Paris

était que l’addition des engagements pris par les différents gouvernements n’étaient pas alignés sur l’objectif collectif de l’accord de Paris. En 2015, si l’on faisait l’addition de tous les engagements des différents pays, on se trouvait sur une trajectoire de hausse de la température de 3,5 degrés d’ici 2100». D’où l’impératif de revoir à la hausse, dans ce cas-ci après cinq ans, les objectifs pris par chaque État. Rappelons que l’objectif est de maintenir le réchauffement climatique à deux degrés Celsius, ou de préférence 1,5 degré.

En novembre dernier, François Gemenne, spécialiste en géopolitique de l’environnement et membre du GIEC, a animé un webinaire organisé par la banque MCB avec qui il collabore régulièrement.  © Photo DR

L’accord de Paris prévoyait qu’après cinq ans chaque pays devrait revoir à la hausse ses ambitions s’agissant de la lutte contre le réchauffement. Force est de constater que la déception est à la hauteur des attentes. Une image résume bien le bilan de la COP 26. Celle des larmes versées par Alok Sharma, le président britannique de la COP26, lors de son discours de clôture le samedi 13 novembre dernier. Le Pacte de Glasgow pour le climat a été adopté à l’issue de deux semaines de difficiles et longues négociations. Si en 2015 Port-Louis avait annoncé son ambition de réduire de 30 % ses émissions de gaz à effets de serre d’ici 2030, le premier ministre Pravind Jugnauth a revu ce chiffre à la hausse : 40 % à la même échéance. Au niveau de la transition énergétique, l’ambition de 60% du mix énergétique provenant des

Initialement prévue pour novembre 2020, la COP 26 a finalement pu se tenir à Glasgow en novembre dernier.

d’universitaires et de légistes mauriciens et régionaux qui ont partagé leurs recherches et ont conceptualisé les enjeux des effets du changement climatique pour Maurice au travers d’exposés et des cas d’étude. Pour Aurélie Mendoza Spinola, docteure en droit de l’environnement du Centre de Recherches Juridiques de l’Université de la Réunion qui collabore au Journal des Archipels, a animé le premier atelier sur la justice climatique dans notre contexte insulaire. Pour elle, « la justice climatique appelle à plus d’égalité en termes d’adaptation et d’atténuation du dérèglement climatique. Cela implique conventionnellement des actions en justice par les populations les plus touchées… » Prakash Deenapanray, Adjunct Professor à l’Université des Mascareignes a, de son côté, présenté l’impact du Climate Change Act sur la communauté des affaires. Votée

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en novembre 2020 par l’Assemblée nationale, cette législation vise à créer le cadre légal afin de combattre le changement climatique et rendre l’économie mauricienne plus verte. Ce nouvel outil légal permet au directeur du Department of Climate Change, instauré sous ladite loi, d’exiger des entreprises l’implémentation de plans d’adaptation et d’atténuation au changement climatique. Il est ainsi important que les entreprises se préparent à l’entrée en vigueur de cette loi.« Ces ateliers permettront à Business Mauritius de faire évoluer le pacte SigneNatir en 2022 vers un modèle de certification et de labellisation des actions des entreprises mauriciennes », a fait ressortir Mickaël Apaya, Head of Sustainability & Inclusive Growth chez Business Mauritius et modérateur lors de cette journée de travail.


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Le groupe Attitude Ne jure que par le local

Le mercredi 8 décembre 2021, le groupe hôtelier Attitude et le label Made in Moris ont réuni leurs différents partenaires à l’hôtel Sunrise Attitude, à Belle-Mare, pour une présentation de leurs engagements d’intégration des produits et services locaux dans l’offre touristique. Le groupe Attitude est le premier groupe hôtelier à avoir obtenu le label Made in Moris en 2019.

De gauche à droite : Shirin Gunny (Directrice de Made in Moris), Lindsay Morvan (directeur de la Tourism Authority), Jean-Michel Pitot (CEO du groupe Attitude Hotels), Nilen Vencadasamy (président de la Mauritius Tourism Promotion Authority). La présentation a été ponctuée de plusieurs annonces. La première, le nouvel hôtel du groupe Attitude, Sunrise Attitude, a été labélisé Made in Moris comme les huit autres hôtels du groupe. Rappelons que ce label est une initiative de l’Association des manufacturiers mauriciens (AMM) qui vise à promouvoir les produits et services locaux. À l’occasion de ce rendez-vous qui se répétera, Attitude et Made in Moris ont tenu une miniconférence baptisée (Talk Series) pour présenter « leurs différentes initiatives pour la promotion d’une activité touristique responsable, inclusive et authentiquement mauricienne ». Le groupe Attitude a réitéré son intention de s’approvisionner à 50 % auprès des entreprises Made in Moris d’ici juin 2022. Plusieurs produits ont

été « co-créés » avec des entreprises mauriciennes. Cela a pu se voir notamment lors de la visite de presse qui était l’occasion de montrer tous les produits locaux exclusifs au groupe hôtelier. Nilen Vencadasamy, président de la Mauritius Tourism Promotion Authority, a fait deux annonces importantes : la MPTA ambitionne d’ouvrir une boutique Made in Moris au sein de l’aéroport et le label Made in Moris sera partie prenante des prochaines campagnes de promotion du tourisme mauricien. « Aujourd’hui plus que jamais, l’opérateur touristique doit inclure la communauté dans laquelle il opère dans le développement, penser en termes de son empreinte carbone par exemple. La vision de la MTPA est de positionner comme une destination sustainable », a-t-il déclaré.

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Le public est invité à participer à l’étude en photographiant (sans toucher l’animal) les 2 profils de la tête. Puis envoyer les images au MDC.

Maurice/ La Réunion

Le Marine Discovery Center du groupe Attitude engagé à la protection des tortues imbriquées de l’océan Indien

C’est le club de plongée Emperator, rattaché au Lagoon Attitude, qui a participé à cette mission.

Nous relatons régulièrement dans nos colonnes les actions du groupe hôtelier Attitude, écologiquement engagé. Il est partenaire du CEDTM (Centre d’Etudes et de Découvertes des Tortues Marines) de La Réunion qui est lui aussi régulièrement cité dans nos colonnes. Du 15 au 18 novembre dernier, le Marine Discovery Centre (MDC) a reçu une équipe du CEDTM pour une étude et une session de formations. Cette formation s’inscrivait dans le cadre du projet TimOI (Tortues Imbriquées de l’océan Indien) du programme de l’Union européenne INTERREG océan Indien 2014-2020. Ces chéloniens de notre région sont gravement menacés à l’échelle internationale. Aussi l’étude a porté sur la photo identification des tortues mais aussi la collecte d´échantillons afin de réaliser des analyses génétiques. Trois scientifiques ont formé les équipes du Marine Discovery Centre à la prise d´échantillons (peau, écailles et ongle) de ces tortues marines afin d’alimenter les programmes de suivi des populations. Durant cette période, les équipes ont réussi à capturer 11 tortues, faire les prélèvements et photos nécessaires, avant de les relâcher. Dr Katia Ballorain, chargée d’études scientifiques du projet TimOI, a déclaré : « Nous voulons mieux comprendre la distribution de ces populations à l’échelle régionale et sur8

tout comprendre leur connectivité. Pour cela, nous travaillons sur les analyses moléculaires et la signature génétique de chaque individu pour savoir à quelle population appartiennent les individus et savoir s’il y a des liens entres eux. » La scientifique estime que la réussite de ce projet repose sur la collaboration de tous les stakeholders, y compris, les opérateurs touristiques. Marine Malen Françoise, coordinatrice du Marine Discovery Centre, souligne de son côté : « Ce projet nous permet de sensibiliser les clients de l’hôtel mais aussi à travers le Marine Discovery Centre, nous pouvons sensibiliser les enfants et les populations locales. Le fait d’avoir des données sur ces espèces nous permet de mieux conserver cette espèce de tortue. » A ce jour, le travail du Marine Discovery Centre continue de compléter l’étude (sur 30 tortues nécessaires). Les échantillons seront envoyés à La Réunion pour analyses.

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De gauche à droite : Juliette Deloustal, Tourism concept developer & sustainability chez Attitude, Katia Ballorain chercheuse en tortues marines et cheffe de projet, Marine Malen Françoise coordinatrice du Marine Discovery Centre, Nina Svensson Dubois consultante programmes scientifiques du MDC, Claire Jean cheffe de projet KELONIA.

Le MDC des Hotels Attitude partenaire du CEDTM Le Marine Discovery Centre est dédié à la découverte du milieu marin et côtier. Il est situé au cœur de Lagoon Attitude à Anse la Raie. Les activités du MDC s’articulent autour de la sensibilisation à l’environnement, de l’éducation, de la formation et du suivi scientifique des écosystèmes marins et côtiers. Depuis 2019, le groupe Attitude a souhaité s’investir davantage dans la recherche, la préservation et la sensibilisation liées aux problématiques environnementales. Ainsi, le groupe a établi trois partenariats avec des acteurs locaux et régionaux engagés comme ERA à Maurice, GLOBICE, KELONIA et le CEDTM à La Réunion.


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Shirin Gunny, managing director de Made in Moris, Caroline Rault responsable du dossier économie circulaire au sein de la Commission Durabilité et Croissance Inclusive de Business Mauritius, Bruno Dubarry CEO de l’AMM et Mickaël Apaya, Head of Sustainability & Inclusive Growth chez Business Mauritius.

Maurice/Réunion

Business Mauritius lance le Club des Entrepreneurs de l’Économie Circulaire

C’est devant une centaine de chefs d’entreprises que Business Mauritius a lancé le 28 octobre dernier son Club des Entrepreneurs de l’Économie Circulaire. Ce club, qui vient renforcer le pacte environnemental et social SigneNatir de Business Mauritius, se veut une réponse concrète à la problématique de la gestion des déchets, et plus particulièrement à la pollution plastique. 10 Le journal des archipels

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« La mission de ce Club est de catalyser les synergies pour l’émergence d’une économie circulaire au niveau local et régional» explique Caroline Rault. Au cours de ce lancement, les invités ont également découvert les grandes lignes de la nouvelle stratégie nationale de la gestion des déchets solides du ministère de l’Environnement et les principaux résultats de l’étude « Impact macro-économique de l’économie circulaire» commanditée par le PNUD et Business Mauritius. Deux présentations ont été faites sur la démarche de caractérisation des déchets du groupe ENL et le parcours Éco-conception par Qualitropic, accélérateur d’innovation de «bioéconomie tropicale» basé à La Réunion, pour l’AMM et Made in Moris dans le cadre de leur programme Lindistri Dime. Les Réunionnais de Qualitropic étaient accompagnés d’une délégation du Club Export de La Réunion. Autant de bons signes qui vont dans le sens

d’une coopération régionale entre les deux îles sœurs. Lors du lancement, les objectifs et les chantiers qui seront entrepris, notamment le développement de secteurs ont été présentés. Ainsi, 13 filières de l’économie circulaire – allant des déchets d’équipements électriques et électroniques aux déchets plastiques et alimentaires – ont été identifiées et confiées à des « Champions », soit des chefs d’entreprises qui ont accepté de prendre le leadership sur des enjeux spécifiques. « Nous sommes convaincus que l’économie circulaire se mettra en place par l’introduction de la Responsabilité Élargie des Producteurs (REP)/Importateurs à Maurice. Ces Champions sont des relais afin de faire passer les messages et faire remonter les recommandations » a précisé Mickaël Apaya à leur sujet.

« Ici, c’est le privé qui tire le public » En marge de ce lancement, nous avons interrogé Jérôme Vuillemin, directeur de Qualitropic à La Réunion sur sa perception des échanges régionaux, entre Maurice et La Réunion en particulier. Pour lui : « nous avons été marqués par une forte mobilisation des entrepreneurs mauriciens, beaucoup ont déjà des projets solides et veulent aller vite dans leurs concrétisations, notamment dans la gestion des déchets… En résumé ici, on voit que c’est le privé qui tire le public ». Un

© Photo J.Rombi

« Pour le Made in Moris, l’économie circulaire représente de nouvelles filières et de nouveaux services à l’industrie », a déclaré Bruno Dubarry

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« L’économie circulaire nous intéresse au plus haut point car le Made in Moris va bientôt labelliser les services », a expliqué Shirin Gunny  © Photo DR

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Un récent rapport de l’Université de Maurice commandité par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) à travers Business Mauritius vise une économie circulaire contribuant, d’ici à 2026, à 1,5% du PIB et à plus de 6 000 emplois à Maurice

LA RÉUNION

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Jérôme VUILLEMIN, directeur de Qualitropic à La Réunion a cité l’exemple réussi des échanges entre les deux îles dans le secteur du BTP notamment

« Les îles de l’océan Indien ont un destin en commun. D’où notre axe de travail fort avec l’antenne de la Région Réunion à Maurice pour faciliter les échanges et le partage d’expériences », a souligné Mickaël Apaya. constat que nous faisons régulièrement dans nos colonnes : le secteur privé a tendance à prendre les devants et faire avancer les dossiers, notamment au niveau législatif alors qu’à l’inverse à La Réunion (et en France en général) le cadre administratif rigide et dicté d’en haut, est imposé à un secteur privé qui ne demanderait pourtant pas mieux que de participer. D’où l’intérêt de ce genre d’échanges inter-îles : « nous avons de beaux exemples qui pourraient être dupliqués ici, je pense à des projets sur des murs végétalisés, à d’autres liés à l’aquponie et l’aquaculture en général. » A suivre dans nos colonnes. *Qualitropic est un pôle de compétitivité basé à La Réunion. Un lieu d’échanges, d’ouverture, de lancement de projets, un accélérateur d’innovation. C’est aussi une entité indépendante qui fédère des acteurs différents, dont une majorité d’entreprises, autour d’une même thématique : la bioéconomie tropicale.

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filiNfos C’est une information exclusive du Journal des Archipels. La marque SYMBIOR sera bientôt disponible à Maurice et à Madagascar grâce à une distribution assurée par l’enseigne Cinq Frères (lire l’article dans ce numéro). A base de produits naturels, la marque SYMBIOR permet à la fois de lutter contre les maladies des plantes, ses bio stimulants permettent une meilleure croissance des racines alors que les feuilles peuvent mieux capter l’azote contenu dans l’air. Enfin, les produits SYMBIO permettent de lutter contre le développement de la fuzariose. Une alternative aux insecticides chimiques dont Maurice est le premier consommateur mondial.

Des sustainability Bunds bientôt disponibles ?

C’est ce que notre équipe a appris en enquêtant sur un autre sujet. D’après notre source : « des levées de fonds vont bientôt être engagées en partenariat avec la SEM (Stock Exchange Mauritius, qui gère la Bourse à Maurice). Cela se fera avec des banques de développement comme la BAD (Banque Africaine de Développement) ou la Banque Mondiale, et après audits très poussés engagés par Moody’s, l’agence de notation. La mise en place de ce type de financements, véritables leviers pour la promotion du développement de l’économie circulaire, devrait se généraliser.

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Entreprenariat féminin : 35 femmes pour du « business sans frontières » Le 30 novembre dernier, l’Association Mauricienne des Femmes Chefs d’Entreprises (AMFCE)* a réuni les participantes et sponsors au Caudan Arts Center pour la première remise de diplômes de « Business Without Borders ». Il s’agit d’un programme de mentorat à l’intention les femmes entrepreneures de l’océan Indien. Lancé en septembre 2020, sponsorisé par la banque MCB et le haut-commissariat australien, et mis en œuvre par l’AMFCE, Business Without Borders avait comme participantes des femmes de Maurice et Rodrigues, des Seychelles, des Comores, et Madagascar. 35 des 50 participantes ont complété le programme en pleine pandémie. « BWB s’est tenu dans des circonstances très difficiles. Tout d’abord, la pandémie de la covid a mis

Rima Ramsaran, présidente de l’AMFCE, au milieu des participantes au Business Without Borders et de son équipe. en danger de nombreuses femmes entrepreneures. Plusieurs ont dû fermer leurs commerces ou ont été touchées médicalement.», a déclaré Rima Ramsaran, présidente de l’AMFCE. Une deuxième édition est prévue et les appels à candidatures seront bientôt lancés. *Fondée en 1986, l’AMFCE rassemble des femmes chefs d’entreprise de tous les secteurs de l’économie mauricienne. L’AMFCE est affiliée au réseau FCEM (Femmes Chefs D’Entreprises Mondiales) qui regroupe plus de 100 000 femmes d’affaires du monde entier.

L’Acadie, un nouveau navire polyvalent, sera basé à Mutsamudu (île d’Anjouan) En décembre 2019 l’Union des Comores a acheté un bateau aux enchères, L’Acadie, pour la somme de 140000 euros. Destiné à faire la liaison entre les différentes îles de l’archipel, sa remise aux normes et son départ de France ont été retardés pour cause de Covid, mais il a finalement appareillé de Lorient le 23 juin 2020, puis passé deux mois en mer avant d’arriver à Moroni. Sorti de son chantier naval voici cinquante ans, à la retraite depuis 2016, l’Acadie est un ferry de 42 mètres (pour une capacité de 600 passagers) encore en parfait état, en témoignent les 15000km, avec passage du Cap de Bonne-Espérance, qu’il a dû parcourir avant d’arriver à bon port. D’après l’armateur (via sa société Pégase Airdrop) Pierre-Louis de Rande, Saint-Cyrien et ancien officier parachutiste, « le bateau s’est très bien comporté. Dans les grosses vagues de 5 à 6 m (...) il a roulé mais il a tenu. C’est un super navire ! ». L’Acadie sera basé à Mutsamudu (Anjouan) et sa dizaine d’hommes d’équipage, en majorité Comoriens, seront chargés de transporter passagers et marchandises vers Moroni (Grande Comore) et Longoni (Mayotte), Mahajunga (Madagascar) et

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Dar-es-Salam (Tanzanie). A la vitesse de 12 nœuds ce dernier trajet prendra environ « 35h, pour un coût de 183€ aller-retour par passager », d’après l’un des marins qui s’apprêtait à faire la traversée. Jean-Claude Itofo et le député Attoumane Allaoui (alias Andoudou), qui s’occupent des opérations de L’Acadie, sont néanmoins bien conscients que l’Acadie sera partiellement en concurrence avec les deux navires qui opèrent déjà sur certaines de ces lignes, à savoir le Djoumbe Fatima et le Maria Galanta (de la SGTM). De plus, « un projet de liaison inter-îles », c’est-à-dire de navettes très régulières (reliant, elles, également Mohéli), bénéficie déjà d’un « financement français de 10 millions d’euros », et devrait ainsi encore renforcer la compétition à partir de 2022, d’après un diplomate européen. En bref, beaucoup de projets simultanés après des années de dessertes inter îles aléatoires !


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Les lauréats avec Geoffroy Roux de Bézieux, président national du Medef (au centre en complet bleu), et Didier Fauchard, président du Medef Réunion (deuxième en partant de la gauche).

MEDEF BUSINESS AWARDS Huit lauréats pour les trophées RSE du Medef Réunion Fin octobre, le Medef Réunion remettait ses trophées de la RSE aux entreprises locales engagées dans une démarche de développement durable. En présence de Geoffroy Roux de Bézieux, onze entreprises locales ont été distinguées. La responsabilité sociale - ou sociétale des entreprises (RSE) est définie par la commission européenne comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes ». Une entreprise qui pratique la RSE va donc chercher à avoir un impact positif sur la société (du point de vue de l’environnement, du social et de l’éthique) tout en étant économiquement viable. Le sujet n’est en rien subjectif, une norme internationale (ISO 26000) est attribuée aux entreprises sur la base de critères bien précis qui tiennent compte du mode de gouvernance, des conditions de travail, du respect de l’environnement et de la loyauté des pratiques. Combien y répondent ? Difficile à dire à l’échelle nationale ! Mais à La Réunion, de plus en plus d’entreprises sont engagées dans la démarche. Au point que le Medef Réunion organise depuis quatre ans un concours qui les récompense. Après une année blanche l’an dernier pour cause de Covid, la troisième édition des Medef Business

Awards (MBA) s’est tenue cette année. Toutes les organisations, quels que soient leur taille et leurs secteurs d’activités, étaient comme d’habitude invitées à participer. Le verdict a été rendu le 28 octobre dernier sous le double patronage de Geoffroy Roux de Bézieux, président national du Medef, et de Didier Fauchard, président du Medef Réunion.

Les lauréats CATÉGORIE - DE 20 SALARIÉS Prix de l’entreprise vertueuse : Café by GLAD Prix de la performance RSE : Jour de Fête Prix de l’initiative : Run Concept Coup de cœur : Ravate ressourcerie développement durable (R2D2) et Burger de Papa CATÉGORIE + DE 20 SALARIÉS Prix de l’entreprise vertueuse : Alterego Prix de la performance RSE : Canal + Prix de l’initiative : Air Austral et Exsel Coup de cœur : Runeo et Prudence Créole

Production locale Le label Made in Moris accueille 3 nouveaux adhérents : YUGO, TaMIS, Xtruline

Le label Made in Moris continue à attirer les entrepreneurs. Trois nouveaux acteurs participant à l’économie locale dans différents secteurs d’activité ont récemment obtenu leur adhésion au label. Ils bénéficient ainsi de la force de frappe d’un label dynamique et reconnu. YUGO, TaMIS et Xtruline font désormais partie du réseau de plus de 130 entreprises qui détiennent fièrement le label Made in Moris. Les nouveaux adhérents représentent toute la diversité de la production locale. Ainsi, YUGO et TaMIS offrent des solutions technologiques innovantes pour la mobilité et la gestion des ressources humaines. Xtruline innove avec des masques chirurgicaux. Avant d’être labellisés, les adhérents doivent répondre à un cahier des charges spécifique et démontrer qu’ils opèrent de façon formelle et structurée. La labellisation s’accompagne d’un processus rigoureux supervisé par le SGS, certificateur indépendant du label. « Les entreprises et les entrepreneurs créent des emplois directs et indirects. Chacun est évalué selon un cahier des charges adapté à son secteur», précise Shirin Gunny, la directrice générale du label.

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CNOI met en route le plus puissant élévateur à sangles au monde

Le Chantier naval de l’Océan Indien a mis en service son nouveau MBH (Mobile Boat Hoist), un élévateur à sangles, le plus puissant de sa catégorie au monde. Capable de soulever des bateaux pesant jusqu’à 1500 tonnes, ce nouvel élévateur va permettre de mettre à sec davantage de bateaux, venant ainsi en complémentarité de la cale sèche. CNOI, faisant face à une forte demande pour la réparation de bateaux, a dû envisager d’investir dans de nouveaux équipements à la fois, pour sortir des bateaux hors de l’eau pour des réparations, mais aussi pour pouvoir mettre à l’eau les nouvelles constructions. « Notre cale sèche nous permet d’accueillir des bateaux allant jusqu’à 130 mètres, mais nous avions besoin d’un outil plus flexible, qui 16 Le journal des archipels

permettrait de soulever des bateaux et de les « garer » à terre », explique Franck Piriou, Directeur Général de CNOI. Les options de mise à sec pour un chantier naval ne sont pas très nombreuses, en dehors d’une seconde cale sèche, ou d’un dock flottant – pas très pratique en période cyclonique -, l’élévateur à sangles était le meilleur choix. L’acquisition de ce MBH est complémentaire à l’expansion de la superficie du Chantier. Le terrain ainsi obtenu a permis la construction d’un nouvel hangar de construction, et d’un parking à bateau. 17 mois de travaux de génie civils ont été nécessaires pour réaliser cette surface de 11 000 m 2 pouvant accueillir jusqu’à 5 navires simultanément. Le montage de la machine a nécessité l’intervention d’une équipe de 20 personnes de CNOI et deux techniciens du fabricant CIMOLAI durant 2 mois.

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Les deux premiers navires mis à sec ont été construits par CNOI. Il s’agit de la barge IMMERSION de l’armement IMMERSUB spécialisé dans les travaux sous-marins et la barge MALANI qui sera livrée dans les prochaines semaines au Conseil Territorial de Guyane. Une montée en puissance graduelle est prévue dans les prochaines semaines pour arriver en mars au levage du navire le plus lourd accepté par la machine (1500 T). Déjà en novembre, un remorqueur de 450 tonnes et une barge LCT de 600 tonnes ont été mis à sec, alors qu’en décembre deux palangriers de 1100 tonnes sont prévus. « Les réservations sont déjà nombreuses et dépassent nos projections pour 2022 et 2023 », conclue Franck Piriou.


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Salimah Jaulim Islam lors de son intervention le 24 novembre dernier.

Trois programmes à l’agenda 2022 du Global Compact des Nations unies Salimah Jaulim Islam, Manager du Global Compact Network Mauritius & Indian Ocean, a dévoilé les événements prévus en 2022 pour mieux équiper les entreprises et les aider à franchir de

nouvelles étapes. Les trois programmes phares inscrits à l’agenda sont comme suit : SDG Ambition : un accélérateur qui a pour but d’inciter les entreprises membres à fixer des objectifs ambitieux et accélérer l’intégration des 17 ODD dans la gestion de l’entreprise. Target Gender Equality : orienter les entreprises sur la manière de promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des

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femmes sur le lieu de travail, le marché et dans la communauté. Climate Ambition Accelerator : conçu pour transmettre aux entreprises les connaissances et les compétences nécessaires afin d’accélérer la réalisation des objectifs en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. « Nos programmes se concentrent sur des domaines spécifiques et sont basés sur des travaux de réflexion afin que les entreprises puissent apporter des changements tangibles dans leurs opérations au quotidien », souligne Salimah Jaulim Islam. Et d’ajouter : « In Fine, l’idée est de les aider à développer leurs produits, services et modèles commerciaux pour une transformation de la société et du système dans la région ». La conférence virtuelle du Global Compact Network Mauritius & Indian Ocean a réuni plusieurs intervenants dont Fanilo Rakotovao Rakotoarison, Directeur Impact Social, du groupe Axian.

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Génération Z Bonheur et indépendance priment sur réussites professionnelle et matérielle La génération Z est la génération née entre 1997 et 2010 qui succède à la génération Y et précède la génération Alpha. Elle est définie comme la « génération du numérique» et représente 22% de la population mauricienne. Constituant la génération la plus intrigante, les gen Z défient les stéréotypes existants. Ils changent la donne et, avec leurs préférences distinctes, le paysage social.

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La priorité de la génération Z est d’établir un environnement sain et heureux. La famille et les amis sont un élément central pour les Zoomers. Le développement personnel et l’accomplissement sont également mentionnés comme des priorités. On observe que cette génération traverse une phase d’exploration et qu’elle est particulièrement troublée par les perturbations réelles affectant sa routine et ses projets. La santé, à la fois physique et mentale, est également très importante pour le groupe plus âgé qui note une augmentation des problèmes de santé mentale parmi sa génération.

Relever les défis est plus constructif que la réussite professionnelle et matérielle Les Gen Z, affirment qu’apprendre, travailler et gagner n’est pas le chemin qu’ils veulent emprunter. L’objectif principal est d’être heureux et indépendant. Leur conviction est que quel que soit le chemin qu’ils emprunteront, ils feront face à des défis, mais être capable de surmonter ces défis est ce qu’ils appellent réussir. Avoir un bon travail compte plus

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ALPHA

BB

11%

Z 22%

14% Y X 21% 29% la composition de la population mauricienne

que les acquisitions matérielles, les Gen Z valorisent le bonheur, le développement personnel et l’environnement sain. Ils veulent être libres dans leurs choix. « Ce n’est pas forcément ce qu’on a acquis, c’est plutôt la personne qu’on est devenue ». La génération Z anticipe la vie comme un voyage parsemé d’aventures. Ils souhaitent profiter de ce « voyage » et essaient d’apprécier et de donner du sens à chaque petit moment. Un monde pacifique et harmonieux est un des fils conducteurs de leur philosophie. Fortement façonnée par les adversités récentes, notamment la marée noire du Wakashio et la crise du Covid-19, la grande majorité des Z interrogés estime que l’harmonie est un pilier essentiel de


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Kantar s’est intéressé au sujet avec une étude longitudinale menée sur deux années proposant ainsi une introspection qualitative et quantitative* pour comprendre et appréhender la perspective qu’ont les Gen Z sur la vie, la culture et la consommation en dépassant les clichés habituels.

Les défis mauriciens 36%

Corruption

22%

drogue

25%

la santé chomage

56% 51%

43%

13% 37%

l’environnement

56%

33%

inégalités 2% sociales 20% pouvoir 4% d’achat 19% système education sécurité et délinquance

0% 13% 50%

11%

19% les travailleurs étrangers 3% terrorisme Tous

45%

0% Gen Z

la vie. « ça englobe l’harmonie de tout ce qui est nature, animaux et les humains » La Gen Z présente une maturité d’esprit qui n’est pas encore comportementale. Même s’ils veulent profiter de la vie, ils se remettent souvent en question. Ils veulent connaître leur but, la raison de leur existence. En parallèle, ils veulent aussi que leur voix compte et que leur présence compte. Cependant, ils ne s’expriment pas nécessairement, car il y a souvent la peur de ne pas être entendu. Selon un Zoomer, l’un des plus grands défis de la vie est de faire en sorte que ses opinions comptent. « De trouver sa place, tellement que tout évolue très rapidement, on se demande si on a sa place, entant que jeune même, on se demande si notre avis compte ». La génération Z veut changer la donne mais accompagnée. Les Gen Z veulent lutter contre ce qui ne va pas, La corruption, la drogue, la santé et le chômage sont les principaux défis nationaux qui les concernent. Les Zoomers hésitent à s’engager seuls principalement parce qu’ils pensent qu’aucun changement n’est apporté par une seule personne. Ils veulent se battre, mais en groupe. « C’est à nous les jeunes de changer ça, mais ce n’est pas tout le monde qui pense comme moi, il faut

trouver un terrain d’entente avec les autres pour faire bouger les choses » Cependant, il y a aussi un groupe qui pense que même une grande manifestation ne changera rien. La raison principale étant la société capitaliste dans laquelle nous évoluons. « Parce que ce sont les riches qui dirigent, et pour eux, ce qui est le plus important, c’est l’argent » Les Z comprennent et voient les défauts des systèmes existants. Observateurs par nature, ils nourrissent plus d’attentes de la part des organismes compétents et ont un manque notable de confiance dans les institutions gouvernementales. La génération Z est inquiète mais ne s’engage pas systématiquement Malgré de nombreuses communications, la conscience environnementale de la génération Z n’en est qu’à ses débuts et n’est pas reconnue comme un levier fort. Le respect de l’environnement, selon les jeunes, est important. L’écologie figure même parmi les valeurs qu’ils défendent. Cependant, la génération Z est également d’avis que malgré des communications excessives sur cet aspect, il y a encore peu d’engagement. Il y a aussi un groupe qui confie volontiers leur manque d’engagement, ils agissent souvent sous le coup de la réglementation imposée. De même, l’achat de bouteilles d’eau en métal ou de pailles en métal est principalement motivé par les tendances plutôt que par la protection de l’environnement. De même, les Zoomers affirment qu’ils n’arrêteront pas totalement d’acheter une marque qui

Gen Z

33%

Je suis personnellement très concerné(e) par les problèmes environnementaux

Mais

20% 16%

National Gen Z sont tout à fait d’accord avec cette affirmation : Je sens que je peux faire une différence autour de moi grâce aux choix que je fais et aux actions que je prends.

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Sondage

va à l’encontre des valeurs qu’ils prétendent défendre. Ils sont toutefois prêts à diminuer la fréquence de leurs achats. * Études quantitatives : échantillon national de 6920 répondants - Études qualitatives : plus de 50 Z interviewés - Études secondaires & Observations des réseaux sociaux. L’étude Gen Z est basée sur une méthodologie hybride Lire la suite sur notre website : regroupant des études quantitatives, qualitatives et secondaires, permettant une analyse transversale de la génération afin d’en tirer des conclusions prospectives sur les comportements et changements fondamentaux.

Virginie Villeneuve, directrice associée de Kantar Consulting

Depuis plus de 20 ans dans notre région, Virginie a obtenu son doctorat es Sciences de gestion (domaine: marketing : comportement du consommateur) en 2005 à l’Université de La Réunion. Elle fut consultante pour la Chambre de Commerce et d’Industrie du département français avant de rejoindre Kantar à l’Ile Maurice en 2010. Ayant plus de 15 ans d’expérience en marketing et communication, elle dirige des projets de conseil et de stratégie et anime des ateliers stratégiques avec les clients. Elle est l’auteure de Connected Life, Essence XYZ et Future Life et travaille sur les études sociétales, notamment l’évolution du consommateur de l’océan Indien afin d’identifier les tendances et les modèles.

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Lobbying et promotion de la femme Le 28 octobre dernier The Women Club (TWC) était lancé officiellement sous l’impulsion de Nada Amri-Wheeler*. Dépassant le cadre d’un simple club de rencontres ludiques et festives, TWC a pour ambition de devenir la plateforme exclusive pour le lobbying en faveur d’initiatives pour la promotion Plus d’informations sur : des droits de la femme au sein de la société mauricienne. 20 Le journal des archipels

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Qui est Nada Amri-Wheeler ?

The Women Club est un cercle d’influence qui regroupe des femmes fortes, volontaristes, visionnaires et qui ont l’ambition de faire bouger les choses pour la femme à Maurice. Notre projet est de fédérer ces femmes influentes autour d’initiatives à caractère social ou d’affaires pour booster l’écosystème entrepreneurial féminin à Maurice, le tout dans un cadre d’exception via des évènements exclusifs ». En bref, il s’agit de mettre en place une plateforme de réseautage à Maurice avec l’ambition de dupliquer le concept à la zone océan Indien via des ambassadrices déjà

présentes sur place. TWC est en train d’établir des clubs physiques (avec des privilèges membres) afin de procurer des plateformes de discussions à ses membres, cela un peu partout sur l’île dans des adresses prestigieuses. «Nos membres et partenaires auront accès à nos clubs ainsi qu’aux services de conciergerie et événements exclusifs WLL 24/7 ainsi qu’un accès à des services d’accompagnement Corporate (via un partenariat WLL et Artemis Consulting). Enfin nos membres seront soutenus via la formation, le conseil, l’accompagnement sur-mesure et l’accès au financement via notre réseau d’investisseurs.

Cette tuniso-libanaise a commencé sa carrière chez Citibank puis Ernst and Young en Tunisie et au Kenya avec pour mission de stimuler la croissance dans l’espace de conseil pour Ernst et Young (EY). Elle est arrivée sur les côtes de l’île Maurice il y a plus de sept ans pour y fonder une famille et continuer ses activités chez Ernst and Young. Nada est actuellement la directrice générale d’Artemis Consulting, une société de conseil spécialisée en développement stratégique. Depuis toujours passionnée par la cause des femmes, le lancement de TWC est la concrétisation d’un rêve : fournir un forum pour réunir les femmes partageant leurs expériences, s’amuser tout en s’épanouissant dans la société.

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Cécile Un groupe Tsin et familial orienté son fils vers le dévelopPascal pement durable

Relater la saga famille de la famille Tsin, c’est résumer l’histoire économique de l’île Maurice de ces 50 dernières années. Cécile Tsin, alias «Madame Laurent», personnifie la révolution féminine qu’a connu le pays en douceur alors que son fils Pascal résume à lui seul sa révolution technologique.Portraits croisés. Par Jacques Rombi Photographies : DR

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immobilière avec presque rien comme le précise Pascal : «le capital confiance qu’il avait auprès de ses fournisseurs et grossistes de Port-Louis lui a permis de leur emprunter assez d’argent pour acquérir au domaine de Saint Antoine une belle parcelle qui part du front de mer de Grand Baie jusqu’aux limites du Super U actuel. Il la revend rapidement en lots pour rembourser ses créanciers mais il conserve la parcelle où se trouve le Grand Baie Store aujourd’hui». C’est le début de ce qui deviendra, sous l’impulsion de ses petits-enfants, l’empire commercial Super U réparti aujourd’hui sur tout le territoire. Un parcours semé d’embûches pour Madame Laurent qui vécut le drame de la disparition prématurée de son mari Laurent, 13 ans à peine après leur mariage. Veuve, avec trois enfants à charge de 8, 10 et 12 ans, elle dut redoubler d’efforts pour se faire une place dans un monde d’hommes. A commencer par l’obtention de son permis de conduire en 1973, devenant ainsi une des premières femmes mauriciennes à conduire à une époque où «le transport de marchandises était une affaire d’hommes ou pour hommes d’affaires». Ses trois enfants, Patrick, Pascal et Geneviève réussissent des études qui permettront de mettre la petite boutique sur les rails du monde moderne. Notamment sous l’impulsion de Pascal qui rentre au pays en 1985 et transforme la boutique traditionnelle chinoise en libre-service.

L’aventure a commencé avec une « boutik sinoi» comme tant d’autres voici prés d’un siècle, et continue aujourd’hui avec les quatre centres commerciaux dans l’île… bientôt cinq !

L’histoire commence au début du siècle précédent quand Antoine (le grand père de Pascal) arrive à Maurice à l’âge de dix ans. Comme beaucoup de migrants mauriciens, il fuit la misère qui sévit dans sa Chine natale. Antoine sut par son

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« Il faut que les autorités créent un environnement favorable au développement durable.

travail économiser sou par sou jusqu’à l’obtention d’un pécule suffisant pour enfin, en 1935, ouvrir, d’abord en location puis en toute propriété, une boutique ayant pour nom « Boutique Raquette ». Plus tard, il réussit une belle opération

Antoine, le grand père fondateur, a donné son nom à la fondation ANTOINE TSIA LIP KEN créée en 2012 avec pour vocation de porter un soutien scolaire aux enfants défavorisés. Une maternelle et trois crèches permettent aujourd’hui à 140 marmailles de mieux forger leur destin. Une façon de souligner les carences dans ce domaine comme dans d’autres ? (lire l’encadré)

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d’Etat. Par exemple j’ai dû me heurter à un mur d’incompréhensions quand j’ai projeté d’installer la ferme photovoltaïque au Super U de Flacq. Ca m’a coûté cinq années de négociations avec la CEB (Central Electricity Board), mais au final le côté positif c’est que ces négociations ont permis de faire avancer la législation sur le sujet. » Aujourd’hui la centrale de Flacq produit 10000 KWh* vendus à la CEB 3,50 roupies mais refacturées 5,83 roupies… à son producteur ! Un système ambigü en partie responsable du blocage de projets similaires au sein du groupe familial : « on voulait faire pareil à Grand-Baie et à Tamarin mais nous avons tout mis en stand-by car non seulement le sujet manque de clarté mais en plus l’amortissement risque d’être long avec la flambée des prix, notamment du fret pour amener les équipements ici ».

Madame Laurent, sobriquet hérité du prénom de son défunt mari disparu trop tôt, est un véritable témoin du passage d’une économie fragile à celle d’un pays émergent à revenus élevés. Alors que cette native de Port Louis passe son enfance au rythme lancinant de la douceur de vivre créole, la jeune femme connait le monde du travail à Grand-Baie qu’elle rejoint au lendemain de son mariage dans les années 60. Son mari Laurent y tient la boutique familiale du côté de Racket road, alors une ruelle de sable encombrée de « raquettes », ces baies de cactus aujourd’hui remplacées par un chemin de bitume qui mène au Bazar de Grand Baie. Sa vie a fait l’objet d’une biographie rédigée par Serge Ng Tat Chung, éditée par La Sentinelle en 2019. Pour Pascal : « il faut que les autorités créent un environnement favorable au développement durable. Cela commence par la formation et l’éducation, mais bien souvent je constate l’écart qu’il y a entre le discours public et celui qu’on peut avoir en privé avec certains décideurs ». Une façon polie de dire que ça ne va pas assez vite : « il faudrait voir l’intérêt du pays en priorité plutôt que celui à court terme des compagnies 24 Le journal des archipels

Un nouveau supermarché d’ici deux ans à Goodlands, dans le nord du pays. Le groupe familial nourrit également le lancement d’un nouveau supermarché d’ici deux ans à Goodlands, dans le nord du pays. Là aussi l’incertitude est de mise sur les investissements visant plus d’énergie renouvelable. Le solaire n’est pas la seule solution mise en avant par la famille Tsin puisque l’enseigne Super U s’est investie dans le recyclage et l’upcycling, pour donner une seconde vie aux déchets (lire le JDA n°3). Super U a contribué à la mise en place de poubelles pour la récupération d’huiles de cuisine usagées, de compactage de cartons, de la collecte de bouteilles en verre, de bouteilles en plastique, de canettes en aluminium, de batteries usées, d’e-waste… Un modèle à dupliquer dans les autres îles de la région : « j’ai encouragé mes collègues réunionnais du Super U de Saint-André à faire de même et deux bio bins sont déjà sur place et en attente de l’aval des autorités » précise Pascal. Une information développée dans le dossier à lire dans ce numéro. *La production de la centrale de Flacq fournit environ un tiers des besoins en électricité du supermarché.

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Des cotisations qui vont où ?

Le sujet est sur toutes les lèvres des grands groupes qui ont développé de belles associations visant l’aide aux populations défavorisées ou encore de protection de l’environnement. Citons par exemple, la fondation Joseph Lagesse, Ciel Foundation ou encore la Fondation Antoine Tsia Lip Ken citée dans l’article. Le système était financé par le Corporate Social Responsability Fund jusqu’au changement brutal et sans concertation pris par les autorités en 2019* Une réforme qui aurait bloqué de nombreux développements sociétaux aux dires des groupes fondateurs. En bref une mise au pot noyée dans la masse des autres impositions fiscales dont on ne connait pas la destination finale. Même schéma pour la taxe imposée sur toutes les bouteilles en plastiques vendues dans le commerce. Une imposition qui pourrait être doublement bénéfique si elle était couplée à un système de consigne d’après Pascal Tsin : « avec la VAT, chaque consommateur paye exactement 2,30 roupies par bouteille. Cette taxe part dans les caisses de l’Etat qui est sensé investir cet argent dans des actions de développement durable, sauf qu’on ne sait pas trop comment. Si ces 2,30 roupies étaient couplées à une consigne, l’essentiel des bouteilles en plastique seraient récupérées contre à peine 40% aujourd’hui ». Un volume qui permettrait de produire de l’électricité par exemple grâce à des appareils de pyrolyse au lieu de finir bien souvent dans la nature ! » Lire le dossier complet sur ce sujet dans ce numéro. *Toute société ayant réalisé des bénéfices au titre de l’année fiscale précédente est tenue de mettre en place un Corporate Social Responsability Fund (Responsabilité sociétale de l’entreprise – RSE) à hauteur de 2 % du bénéfice imposable (Chargeable Income). 50 %de ce fonds doivent être reversés à la Mauritius Revenue Authority en même temps que l’impôt sur les bénéfices. Les 50 % restants peuvent être consacrés à des programmes sociaux développés par la société en interne ou versés à des ONG agréées. Depuis le 1er janvier 2019, le montant à reverser à la MRA est passé à 75 %.


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« Pour être exemplaire, nous devons d’abord être une vitrine »

Cyrille Melchior président du Conseil départemental de La Réunion

Président du Conseil départemental de La Réunion, Cyrille Melchior nourrit une vraie ambition de transition écologique et solidaire pour son île. Par ses compétences et son ancrage territorial, la collectivité a, de fait, un rôle essentiel à jouer dans les enjeux et finalités du développement durable. Orientations agricoles, action sociale, gestion des forêts et coopération régionale : tels sont, entre autres, les leviers pour y arriver. 26 Le journal des archipels

« C’est dans les hauts que se trouvent les potentiels d’innovation pour une économie plus locale et plus verte » (Crédit Hubert Nugent Département de La Réunion) « Moins de déchets, plus de recyclage, plus de mobilité douce, neutralité carbone. » Quand on l’interroge sur ses ambitions en termes d’environnement, Cyrille Melchior ne peut s’empêcher d’adopter une logique comptable. C’est qu’à soixante ans, ce diplômé en comptabilité et gestion a longtemps œuvré dans les finances publiques avant de s’engager en politique. Forcément, cela laisse des traces. C’est donc en bon père de famille qu’il gère sa collectivité, soucieux d’en préserver les intérêts sans s’interdire d’investir sur l’avenir. Aux autres les grandes phrases, lui veut agir. Et pour cela, il mise autant sur les compétences obligatoires du Département que sur une politique volontariste. « Le Département fait des efforts très concrets pour devenir une collectivité éco-responsable. Pour être exemplaire, nous devons d’abord être

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une vitrine. C’est l’objet du Plan de Transition Ecologique et Solidaire que nous avons lancé l’an dernier. » Ce document stratégique fixe la feuille de route des actions à construire. Un engagement qui commence d’abord par l’application à la collectivité elle-même des pratiques vertueuses qu’elle souhaite soutenir sur le territoire. « C’est tout le sens de notre plan global de maitrise de la consommation électrique, le Plan NegaWatt, qui permettra au Département d’être une collectivité à énergie positive et à impact carbone maîtrisé à l’horizon 2023. Très concrètement, cela nous permettra d’injecter sur le réseau électrique une énergie renouvelable (solaire et hydraulique) supérieure à notre propre consommation annuelle. » Une bonne façon de gérer les finances publiques, qui se traduit aussi par le


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Projet de reconstruction du gîte du volcan, Un chantier vert et 100% réunionnais pour un budget de 9,4 millions d’euros.

L’opération de reboisement vise à reconquérir les zones naturelles envahies par les pestes végétales, mais aussi à créer des puits de carbone et des îlots de fraîcheur dans les zones urbaines (Département de La Réunion)

soutien au développement des filières locales MDE (Maîtrise de l’Energie) et EnR (Energie Renouvelable). Des partenariats sont d’ailleurs noués avec EDF et le SIDELEC sur des projets d’envergure, tel que celui visant à l’électrification de Mafate. Au-delà, les compétences du Département lui permettent de jouer un rôle clé sur l’environnement. Espaces naturels sensibles, forêts départementodomaniales, zones humides, orientations agricoles… La collectivité dispose de fait d’un gros trousseau de clés pour préserver la biodiversité et protéger les milieux naturels. A travers son réseau hydraulique, elle veut ainsi mettre en œuvre une irrigation « de résilience » basée sur une gestion durable des ressources en eau respectueuse de la biodiversité aquatique.

Plantation d’un million d’arbres indigènes et endémiques Elle a par ailleurs engagé l’an dernier un programme ambitieux de reboisement qui vise à la plantation d’un million d’arbres indigènes et endémiques d’ici 2027. L’opération vise à reconquérir les zones naturelles envahies par les pestes végétales, mais aussi à créer des puits de carbone et des îlots de fraîcheur dans les zones urbaines. Un autre impact attendu est celui du retour des oiseaux dans les villes. Un partenariat avec la SEOR a été signé pour l’évaluer. La collectivité vient également de finaliser son Schéma Général de la Restauration Scolaire pour la décennie 2022-2030 ; un schéma qui structure son action

dans ce domaine afin d’augmenter la part des produits locaux dans la restauration collective. Reste que c’est sans doute dans les Hauts de l’île que le Département a sa meilleure carte à jouer, dans ces territoires de pleine nature et de grande culture qui sont au fondement de l’identité réunionnaise. « C’est là que se trouvent les potentiels d’innovation pour une économie plus locale et plus verte, les ressources nécessaires à la production de matériaux de construction bio-sourcés, la matière première exceptionnelle que sont les espaces naturels et les forêts pour la production d’énergie décarbonée. Notre rôle en tant que pouvoir public est de favoriser la structuration de ces filières dans une logique d’économie circulaire qui est aussi un moteur d’insertion et d’emploi. » La reconstruction de l’écogîte du Piton de La Fournaise en est un symbole. Porté par le Département, ce chantier 100 % réunionnais s’inscrit dans une démarche d’éco-gestion énergétique qui vise à développer le tourisme vert et l’agro-tourisme. Sur ce dernier volet, le Département a pleine compétence. Audelà du Programme de Développement Rural, dont il est l’autorité de gestion, il pilote également le projet AGRIPéi 2030 en lien avec l’ensemble de la profession agricole. « C’est un projet de grande envergure destiné à bâtir le modèle agricole de demain, qui permettra à nos agriculteurs de relever les nombreux défis du territoire : transition agroécologique, résilience au changement climatique, évolution du comportement des consommateurs, souveraineté alimentaire… » Au rang des actions à mener, il s’agit en particulier de rechercher l’autonomie alimentaire à travers une production efficiente et rémunératrice. Un vrai sujet pour les agriculteurs péi ! Reste que les enjeux de développement durable dépassent les frontières. Sur ce sujet aussi, le Département veut être exemplaire. Dans une logique de solidarité internationale et de renforcement des échanges humains, il soutient ainsi des projets comoriens et malgaches de gestion intégrée des ressources en eau, de développement des énergies renouvelables et de préservation de l’environnement.

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Par Jacques Rombi

Matthieu Lougarre, directeur de Cinq Frères, et Frédéric Dalmasie, directeur général de Agri Ressources Group

« L’île Maurice sera un hub de développement pour notre groupe en Afrique. »

Matthieu Lougarre, directeur de Cinq Frères, et Frédéric Dalmasie, directeur général de Agri Ressources Group.

Filiale d’Agro Resources Mauritius, elle-même filiale de Monaco Ressources Group, ce puissant groupe diversifié s’implante en douceur dans notre région en commençant avec l’entreprise Cinq Frères. Première étape d’un déploiement plus ambitieux ? Nous avons rencontré ses dirigeants pour en savoir plus. 28 Le journal des archipels

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Cinq Frères produit également des épices haut de gamme comme les baies roses, bâtons de cannelle, noix de muscade, poivre blanc, poivre noir, poivre sauvage, beurre et fèves de cacao entières, gingembre et zestes de combava.

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Le jour du lancement à Maurice, le 14 octobre dernier : Matthieu Lougarre, le vice-président Eddy Boissezon et sa femme, madame Coombes, Frédéric Dalmasie et Mr Coombes, consul de Monaco. Au lendemain de la réception qu’ils donnaient pour présenter l’implantation de Cinq Frères à Maurice, Matthieu Lougarre et Frédéric Dalmasie nous reçoivent en toute décontraction au sein de leur joli siège social basé à Endémika, dans le nord de l’île. L’occasion de rappeler les grandes lignes : « Cinq Frères commencé à investir dans la production de vanille et d’épices à Madagascar en 2015, le long de la rivière Ankavy, non loin d’Antalaha au nord-est du pays. L’entreprise possède à ce jour 3 plantations qui totalisent 145 hectares ainsi que deux centres de transformation. L’enseigne qui propose aussi une belle sélection de condiments d’exception se lance aujourd’hui dans la commercialisation au détail en proposant à ses clients des gousses de vanilles distinguées par la certification Agriculture Biologique d’Ecocert et qui sont cultivées, transformées, exportées et

commercialisés par ses soins. Cette démarche fait de l’entité la seule actrice de la filière vanille du marché à n’avoir recours à aucun intermédiaire et à pouvoir garantir un produit à la traçabilité optimale, du champ au consommateur final », dixit Matthieu. Une approche intéressante pour notre magazine spécialisé en économie circulaire qui a essayé d’en savoir plus : « en fait notre propre production ne représente que 15% du volume exploité en totalité. Elle est réservée à des clients très spécifiques, notamment des parfumeurs. L’essentiel de la production fait l’objet de partenariats très dynamiques avec les petits exploitants de la région avec qui nous achetons leur production mais pas seulement. Notre certification Bio par Ecocert doit respecter un cahier des charges strict que nous communiquons

à ces partenaires. Cela leur permet de gagner en productivité et en qualité car ils bénéficient à la fois d’un transfert de savoir-faire mais aussi de la garantie de pouvoir vendre leur production », précise le directeur d’exploitation qui a développé ce modèle à Madagascar avant de rejoindre l’île Maurice tout récemment.

« Notre mission est de rapprocher les producteurs des consommateurs » Précisons à ce niveau de l’article que les productions d’épices et de vanille particulièrement sont victimes d’une mainmise « invisible » qui déstabilise

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totalement les règles d’un marché normal. Les vols, rétentions de stocks, pressions et autres rackets organisés (pour rester poli) sont légion comme pour la plupart des productions à forte valeur ajoutée du pays. Cela se traduit par des prix fluctuants qui poussent souvent de petits producteurs à abandonner ces cultures pour se consacrer à du vivrier pour continuer à vivre. Une spirale infernale qui peut être enrayée par l’influence de nouveaux modèles à l’exemple de celui de Cinq Frères : « Notre mission est de rapprocher les producteurs des consommateurs, cela pour offrir de nouvelles opportunités et de meilleurs revenus à nos partenaires tout en garantissant des produits de meilleure qualité avec un impact environnemental moindre à nos clients. Par ailleurs, tous nos champs sont gérés de manière durable suivant les préceptes de l’agroécologie. Absence de produits chimiques, associations de cultures, rotations, maintien d’un couvert végétal, préservation des essences locales et reboisement ; tout ceci fait partie de nos stratégies » assure Matthieu. En effet, avec une superficie moyenne de 0,8 hectare par exploitation, la tentation est grande pour les petits producteurs d’utiliser les engrais chimiques, pourtant dévastateurs à terme. Une pratique limitée désormais dans cette sous-région grâce aux transferts de savoirs liés à l’agroécologie mais aussi à tout un ensemble de réflexes à acquérir : « par exemple nous avons remarqué que certaines productions avaient encore des traces d’insecticides chimiques malgré le respect de tous nos process. C’était dû à la proximité de moustiquaires imbibées de produits répulsifs dans les zones de stockage. Un problème désormais résolu…» précise Matthieu, anthropologue de formation, qui a mis toute sa science au service des populations locales pour réussir ce beau challenge. Autant de bonnes pratiques engagées grâce à la puissance de feu de la maison mère monégasque : « Cinq Frères travaille en étroite collaboration avec l’association Inside Madagascar que nous avons créée et l’APVAM (Association des Planteurs de Vanille d’Ankavia Meva) qui regroupe actuellement plus de 600 producteurs. Inside Madagascar, qui dispose d’une antenne à Monaco, bénéficie du soutien de la Direction de la Coopération internationale (l’équivalent du Ministère des Affaires Etrangères NDLR), qui entretient de bonnes relations avec le gouvernement malgache. Aussi 30 Le journal des archipels

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les transferts de dons et de matériels, comme ces camions de pompiers pour lutter contre les incendies récurrents dans les villages, sont garantis. L’association permet également de lutter contre les vols de vanille et autres épices grâce à la rémunération de gardes forestiers qui reçoivent des équipements adaptés », précise Frédéric Dalmasie. Notons que ce type d’action est doublement humanitaire car en stoppant les vols dans les cultures, les revenus des petits planteurs sont garantis mais surtout les voleurs potentiels ne risquent plus la vindicte populaire, le plus souvent mortelle !

« L’ylang comorien et mahorais nous intéresse également… »

humaines avant d’aller plus loin. Mais si vous voulez un scoop je peux annoncer que notre idée est de déployer toutes nos activités africaines à partir du hub mauricien. L’île Maurice est une place importante pour le développement des divisions agribusiness, finance et logistique de notre groupe ». Bel exemple d’intégration liée au développement de l’implantation dans la région, le directeur général de Agri Ressources Group cite la levée d’un sustainability Bund de 40 millions d’euros à la Bourse de Francfort cette année. A suivre… Cinq Frères tire son nom de la première plantation de vanille enregistrée pour la première fois en 1915 par les exploitants Roche et Fontaine. Des noms qui sonnent bon La Réunion mais dont nous avons perdu la trace. Un siècle plus tard, Agri Resources Group reprend ces terres avant de s’implanter dans les Mascareignes, à Maurice. Tout un symbole.

Monaco Ressources, groupe diversifié qui réalise plus de 1,1 milliard d’euros (CA 2020) et emploie 5000 personnes sur une cinquantaine de pays, a-t-il d’autres projets de développement dans la région? A cette question les deux hommes sont clairs : « nous avons des demandes pour distribuer notre production à La Réunion et aux Emirats, mais nous allons d’abord bien expérimenter ce pari du retail ici à Maurice avant de voir ailleurs. En revanche, au niveau du sourcing en vanille et autres épices, nous sommes bien avancés dans des négociations avec une coopérative basée en Grande Comore. L’ylang comorien et mahorais nous intéresse également…» précise Matthieu. Frédéric a levé un peu le voile sur d’éventuels projets émanant des autres divisions du groupe : «tout dépendra de l’identificaPlus d’informations en scannant le QR Code : tion des bonnes ressources

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Sharmila Harel et Alexia Westwood La gestion privée se base sur la confiance et l’expertise à haute valeur ajoutée Le binôme Alexia Westwood et Sharmila Harel, cheville ouvrière de Necker Gestion Privée (société de gestion de fortune indépendante) basée à Maurice, répond à nos questions pour expliquer leur cœur de métier. La gestion privée se base sur la confiance, l’expertise à haute valeur ajoutée et l’adaptabilité de professionnels comme elles.

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En quoi consiste la gestion privée ? Sharmila Harel (SH) : La gestion privée

consiste essentiellement à gérer sous mandat ou conseiller des clients qui disposent d’un capital et qui souhaitent en tirer des revenus réguliers ou le faire simplement fructifier. Afin d’y parvenir, il est évidemment nécessaire de bien connaître le fonctionnement des marchés financiers, d’être entouré d’analystes qui permettent de choisir les meilleurs produits, mais également d’être capables de conseiller les clients pour une meilleure organisation juridique et fiscale. Nous disposons à Maurice et en Europe, de l’ensemble de ces compétences qui sont mises à la disposition de nos clients.


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Quelle est la valeur ajoutée qu’apportent vos prestations ? SH : Les compétences et les informa-

tions que nous avons décrites précédemment ne sont pas à la portée d’un individu seul, fut-il très bien informé. Les métiers de la finance sont maintenant très spécialisés car de plus en plus complexes. C’est pour cette raison que la valeur ajoutée de notre société réside dans l’addition des compétences des différents spécialistes du groupe. Nous travaillons suivant deux modèles. Le premier consiste à gérer les actifs du client sous couvert d’un mandat discrétionnaire. Ainsi le client nous délègue complétement la gestion et nous lui rendons des comptes régulièrement. Le deuxième consiste à travailler sous couvert d’un mandat de conseil dans lequel nous délivrons des conseils réguliers à nos clients qui prennent eux la décision finale d’investissement. Alexia Westwood (AW) : Les actifs de nos clients peuvent être gérés à Maurice ou à l’étranger (Monaco ou Suisse), selon le souhait du client. Notre groupe gère environ 2,4 milliards de dollars, déposés auprès d’une quarantaine de partenaires bancaires dans le monde. Cette importante présence internationale alliée à l’expérience de nos gérants permettent à nos clients de choisir, à Maurice ou à l’étranger, le partenaire bancaire le mieux adapté à leurs demandes. Avec l’expérience et la qualité des gérants, nous offrons à nos clients le meilleur gage de performance et de

PORTEFEUILLE CONSERVATEUR Notre portefeuille type Conservateur est composé d’un minimum de 65% d’investissements de type «revenu fixe» tels que liquidité, obligations, fonds monétaires et obligataires, certificat de dépôt, produits alternatifs obligataires etc...) et d’un maximum PORTEFEUILLE CONSERVATEUR de 35% d’investissements en actions ou assimilés. Il vise à dégager la meilleure 1 3 4 5 6 2 Octobre 2021 : +1.30% YTD 2021 : +4.88% performance sur un horizon d’investissement minimum de 3de à65%5d’investissements ans. de type «revenu fixe» tels Notre portefeuille type recommandé Conservateur est composé d’un minimum Echelle de risque / rendement

que liquidité, obligations, fonds monétaires et obligataires, certificat de dépôt, produits alternatifs obligataires etc…) et d’un maximum de 35% d’investissements en actions ou assimilés. Il vise à dégager la meilleure performance sur un horizon d’investissement minimum recommandé de 3 à 5 ans.

Octobre 2021 : +1.30% YTD 2021 : +4.88%

Track Record

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sécurité, et avec la taille de notre groupe, la connaissance de nos partenaires, leur capacité de répondre aux besoins de nos clients, sortant des standards habituels, nous permettons à nos clients d’obtenir les meilleures conditions. Les clients nous font confiance pour la gestion de leurs avoirs et la sélection des meilleurs partenaires en fonction de leurs spécificités. Cela représente un gain de temps appréciable pour l’ensemble de nos clients et tout particulièrement pour ceux dont l’activité professionnelle est prenante.

À qui s’adressent vos services ? AW : Nos clients sont tout d’abord

des « clients privés » (particuliers) ou institutionnels - compagnies d’assurance, caisses de retraites, mutuelles, fonds de pension… Ils sont Mauriciens et étrangers. Nous adaptons bien entendu nos conseils et notre gestion en fonction de la nature du client, de son profil de risques et du montant du portefeuille qui nous est confié. En règle générale, nos premiers clients nous confient aux alentours de 250 000 dollars. Les plus grosses sommes représentent plusieurs dizaines de millions de dollars.

Quels avantages représente votre présence à Maurice ? SH : L’île Maurice offre une solide

croissance économique conjuguée à une stabilité politique et fiscale, qui en font une place financière à la fois sûre et compétitive. Le pays est doté des règles et des

PORTEFEUILLE ÉQUILIBRÉ

Notre portefeuille type Équilibré est composé d’un minimum de 40% d’investissements de type «revenu fixe» tels que liquidité, obligations, fonds monétaires et obligataires, certificat de dépôt, produits alternatifs obligataires etc...) et d’un maximum de 60% d’investissements en actions ou assimilés. PORTEFEUILLE ÉQUILIBRÉ Il vise à dégager la meilleure performance 1 3 4 5 6 2 Octobre 2021 : +2.61% YTD 2021 : +8.05% sur un horizon d’investissement minimum recommandé de 5 à 10 ans. Notre portefeuille type Équilibré est composé d’un minimum de 40% d’investissements de type «revenu fixe» tels que Echelle de risque / rendement

liquidité, obligations, fonds monétaires et obligataires, certificat de dépôt, produits alternatifs obligataires etc…) et d’un maximum de 60% d’investissements en actions ou assimilés. Il vise à dégager la meilleure performance sur un horizon d’investissement minimum recommandé de 5 à 10 ans.

Octobre 2021 : +2.61% YTD 2021 : +8.05%

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2013 +17.53%

2014 +2.61%

2015 +5.70%

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Novembre

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Pires performeurs du mois

Performance & Risque Performance annualisée

Meilleurs performeurs du mois

2012 +16.36%

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Butler Credit Opportunity Rp

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Butler European High Yield

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moyens de régulations, à la hauteur de ceux des plus importantes places mondiales en adoptant notamment l’échange automatique d’information, Common Reporting Standard (CRS). De même, le métier de la gestion privée repose tout d’abord sur une relation de confiance et de proximité avec le conseiller. Notre présence à Maurice est donc évidemment un atout par rapport aux gérants étrangers qui pourraient venir sur place pour de courtes périodes. AW : Notre présence locale impose que nous soyons régulés et donc contrôlés par les autorités, ce qui constitue une garantie supplémentaire pour nos clients. Cette présence permet à nos clients un accès facile et presque permanent à son conseiller ou sa conseillère, même pendant le week-end s’il le faut, lui garantissant une très bonne qualité de service. Nous travaillons avec plusieurs banques dépositaires partenaires à Maurice, mais également avec des banques en Suisse, à Monaco et au Luxembourg auprès desquelles certains de nos clients ont des comptes. Ces derniers savent que nous sommes présents sur place pour leur donner toutes les informations avec la plus grande réactivité.

Un binôme de professionnelles qui se bâtit depuis 10 ans

Alexia Westwood et Sharmila Harel, toutes deux responsables de la relation clientèle, forment un vrai binôme et ce mot n’est pas utilisé à la légère. Les deux professionnelles travaillent ensemble depuis 2011. Alexia avait alors rejoint une banque d’affaires quelques mois après Sharmila. Elles y feront leurs armes jusqu’en 2016 avant de faire un passage toutes deux dans une autre banque d’affaires. C’est début-2019, qu’elles quitteront le monde de la banque pour rejoindre celui de la gestion privée, à quelques mois d’intervalle. C’est dire l’histoire qui les lie et la complémentarité qu’elles ont construite au profit de leurs clients.

Meilleurs performeurs du mois

Pires performeurs du mois

Performance & Risque

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Butler European High Yield

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« Blue goes Green* » Dans notre article précédent (Cf. Le Journal des Archipels N° 3) nous avions mentionné les green ports dans les opportunités positives qui s’offrent dans l’économie mondialisée du transport maritime. Un lecteur nous a posé des questions sur ce terme de green port qui semble au premier abord se référer à un principe écologique appliqué aux infrastructures portuaires. C’est vrai qu’en souriant, cela sonne comme une réplique dans le célèbre film de sciencefiction. Le Cinquième Elément de Luc Besson : « il faut que ce soit green..! OK ? ». La réalité est moins détendue, il y a effectivement de plus en plus de réactions dans les villes portuaires face à la présence de navires imposants qui se présentent à la vue des habitants et qui génèrent des nuisances. On pense à Venise et aux interdictions récentes de la présence des navires de croisières géants entrant dans la cité des Doges. Mais un autre aspect controversé est l’émanation des fumées des cheminées - souvent avec du soufre et des particules fines - des navires qui, tout en restant à quai, font tourner leurs groupes électrogènes et moteurs auxiliaires, notamment pour maintenir à bord la température des containers réfrigérés. Parfois il s’agit de plusieurs centaines de containers 40 ft reefer (longueur 12 mètres - 76 M3) qui sont embarqués et qui ont besoin d’énergie électrique pour maintenir la qualité des produits alimentaires et autres avec des températures positives (+2° +4°) ou négatives (-18° 34 Le journal des archipels

-20°). La solution que certains ports propose aujourd’hui est de brancher ces navires à quai en leur fournissant une énergie électrique qui elle-même aura été produite par des centrales utilisant une énergie renouvelable ou non, et dans tous les cas éloignées des ports. Cette fourniture à quai de solutions électriques est le principe de base du port dit green port et permet donc un air plus pur dans les villes portuaires dans l’objectif toujours de réduire les émissions de CO2 et des oxydes de soufre nuisibles à la santé.

L’INDUSTRIE DE LA CROISIÈRE EST AUSSI EN TRAIN DE DÉVELOPPER UN LABEL GREEN CRUISE D’autres services liés à la protection de l’environnement sont proposés dans certains ports comme les facilités pour les embranchements

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© Photo Philippe Murcia

les green ports du futur sont déjà là !

Un navire entièrement réfrigéré en escale à Tamatave pour le chargement saisonnier des letchis. On peut imaginer la capacité électrique nécessaire pour garder à quai de nombreux jours un navire de letchis.

ferroviaires ou les transferts sur le domaine fluvial visant à remplacer l’usage du « tout camion ». Là encore c’est la chasse au moteur thermique. Il est clair qu’il s’agit aujourd’hui d’une tendance lourde qui s’impose dans les stratégies logistiques de tous les acteurs économiques. Le consommateur veut savoir de plus en plus que son produit a été acheminé avec le moins de pollution possible au travers de la désormais fameuse « supply chain» globale (chaîne d’approvisionnement) que ce soit pour des distances longues ou courtes. L’industrie de la croisière dans le cadre d’un tourisme responsable et durable est aussi en train de développer un label green cruise avec des navires n’escalant que dans des ports réputés propres. De nombreux ports dans le monde sont déjà équipés (Canada et Chine) et d’autres sont dans le processus d’acquérir cet ensemble de technologies et un label green port est déjà disponible et décerné comme dans les normes de qualité


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PHILIPPE MURCIA, EXPERT EN ÉCONOMIE BLEUE. Fondateur d’Ocean Company Consulting, ancien directeur régional du groupe CMA CGM pour les îles de l’océan indien, puis directeur général du Port d’Ehoala, conseille aujourd’hui le groupe malgache ENAC. Expert en économie maritime auprès de la Commission des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA) et a fait partie du collectif qui a rédigé le livre « L’Economie bleue en Afrique : Guide Pratique ».

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© Photo Philippe Murcia

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Dans le port de Tamatave ce navire est équipé d’une protection pour pouvoir décharger sa marchandise quelle que soit la météo - ici des big bags - en cas de pluie par exemple, c’est une protection intégrée. Cela permet de raccourcir les temps d’escales dans les pays sujets à des pluies fréquentes. par un organisme indépendant. On doit d’ailleurs s’attendre à une harmonisation dans les prochaines années de cette norme de green port qui recoupe parfois d’autres normes environnementales liées à la gestion des déchets ou des eaux usées portuaires ou des normes ISO (International Standard Organisation) sur l’environnement en milieu industriel.

LES PORTS PRÊTS À FOURNIR L’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE AUX NAVIRES AURONT UN COMPLÉMENT DE RECETTES AVEC UN BON RETOUR SUR INVESTISSEMENTS Comme l’autre norme de sécurité ISPS (International Ship and Port Security

code) , cette norme de green port pourrait devenir obligatoire dans certaines régions accompagnant les nouvelles mesures de protection de l’environnement que nous avons vues dans l’article précédent : le glofouling et le globallast, préparées par l’Organisation Maritime Internationale (OMI). Des incitations financières sont envisagées, se présentant sous forme de réductions de taxes et redevances pour certains navires prouvant une performance énergétique vertueuse. Cela pourrait être aussi un choix délibéré de certains armateurs de ne travailler que dans des green ports selon un cahier des charges strict et leur objectif ultime de travailler avec le moins d’empreinte carbone possible. Si ces obligations se concrétisent, une anticipation ne doit pas être négligée car les ports du futur et

notamment ceux axés sur les activités de transbordement seront écologiques ou ne seront pas. Cette anticipation nécessite de nombreux moyens et des investissements coûteux qui doivent être décidés bien à l’avance car il s’agit de prévoir notamment des productions d’électricité en adéquation. On pense à la réhabilitation en cours du port de Tamatave ou celle du port de Longoni à Mayotte qui gènère déjà des volumes importants de transbordement de containers. Ailleurs en Afrique du Sud et au Congo des ports sont en train de s’équiper de façon prioritaire pour les navires porte-containers, soutenus par les organismes financiers internationaux qui axent leurs interventions sur le changement climatique et la protection de l’environnement. * « Le bleu passe au vert »

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Par Julie Vacher Photos : (DR)

Folkloric Explorer utilise une éolienne de 600 W pour alimenter indépendamment les outils de navigation. Un collecteur d’eau atmosphérique permet de stocker 8 à 15 litres d’eau potable par jour en se servant de son propre panneau solaire. Le bateau peut emporter 30 passagers assis. Les excursions seront accessibles gratuitement aux personnes atteintes de handicaps.

Le Folkloric Explorer est ancré à Mahébourg

Folkloric Explorer l’arche de Noé made in Maurice

Un bateau « zéro pollution » vient d’être mis à l’eau à Mahébourg. Conçu par Marcel Lindsay Noë, il apporte une nouvelle dimension au tourisme bleu à Maurice. Ancré en face du front de mer de Mahébourg, un bateau détone avec les pirogues amarrées autour. Monté sur deux coques jumelles de 10 mètres de long, équipé de panMarcel Lindsay Noë, concepteur de cette « arche », porte bien son nom !

neaux solaires, d’une éolienne, c’est un bateau 100% écologique. Le Folkloric Explorer va offrir des croisières « éco-historiques » en longeant les rivages du Grand Port jusqu’aux Îles, dans le silence de ses moteurs électriques, emporté par le souffle d’air pur venu tout droit de l’Antarctique. Ce bateau unique en son genre a été conçu par Marcel Lindsay Noë et financé grâce au soutien de SPES (Société pour la Promotion d’Entreprises Spécialisées), une ONG établie en 1967 par Gaëtan et Helena Langlois. SPES a notamment œuvré dans la formation à l’artisanat et dans l’alphabétisation destinées aux personnes défavorisées.

L’ONG a mis en place un programme pour la protection de l’environnement et la promotion des énergies renouvelables. Elle a importé un bus électrique configuré en école de formation mobile qui va à la rencontre des habitants dans les endroits défavorisés.

« Un pied de nez à l’industrie polluante du pétrole » Lorsqu’il a eu l’idée d’un tel projet Marcel Lindsay Noë a approché SPES avec laquelle il collabore depuis plusieurs décennies. La réponse fut positive et immédiate et la construction du bateau a été confiée à l’un des patriarches de la construction navale à Maurice. A 87 ans, Pierre Sénèque a mis à l’eau plus de 300 bateaux durant sa longue carrière. Aidé de son frère Hervé et de leur neveu Robert Rault, Pierre Sénèque a aussi reçu l’aide de Gervais Lamarque, constructeur de pirogues traditionnelles. Le projet a été mis en chantier en 2020, aussitôt après le premier confinement. La construction qui devait durer trois mois a mis un an avant de se concrétiser et a été achevée le jour même du premier anniversaire de la catastrophe provoquée par le naufrage du vraquier Wakashio au large de Mahébourg. « Ce bateau écologique est donc un pied de nez à l’industrie polluante du pétrole et vient prouver que la technologie et les moyens existent pour s’en passer en se servant des énergies renouvelables », se réjouit Marcel Lindsay Noë. Folkloric Explorer sera géré par une autre ONG, Pointe Jérôme Sailing School, qui enseigne la voile gratuitement aux enfants défavorisés de la région de Mahébourg. Construit en bois, consolidé par de la résine et de la fibre de verre, il est recouvert d’une toiture en aluminium. Chaque coque contient douze compartiments hermétiques, ce qui rend le bateau pratiquement insubmersible. Son tirant d’eau de 35 cm lui permet l’accès aux eaux très peu profondes du lagon. Il est équipé de panneaux solaires et est propulsé par des moteurs hors-bord électriques. Une voile de kite sera déployée dans les conditions favorables pour économiser l’énergie électrique.


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Par Hanna Kureeman

Les énergies marines renouvelables (EMR)

nouvelles donnes, perspectives régionales, lois, obstacles…

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Le dernier rapport des experts climat de l’ONU (GIEC) paru au début du mois d’août 2021 sonne le glas des énergies fossiles qu’on estime totalement épuisées d’ici une cinquantaine d’années. Pour le secrétaire général António Guterres, les États doivent désormais « déplacer les subventions vers les énergies renouvelables.» Dans les petits territoires insulaires de l’océan Indien, l’énergie bleue est une aubaine à saisir, étant donnée la faible masse terrestre par rapport au vaste espace maritime.

Aucune éolienne dans nos horizons maritimes, pourtant « l’énergie bleue est une aubaine à saisir, étant donnée la faible masse terrestre par rapport au vaste espace maritime » d’après l’auteure de cette étude.

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Le potentiel théorique global des énergies marines renouvelables est estimé par l’Agence Internationale de l’Énergie entre 20 mille et 90 mille kilowatt/heure, ce qui est largement au-dessus de la totalité de la consommation électrique mondiale estimée à 16 mille kWh/an


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Hanna Kureemun est doctorante en droit public (Universités de la Réunion et de Maurice) et l’auteure d’une thèse en cours sur le domaine public maritime à Maurice et aux Seychelles. de la chaleur, du froid ou de l’électricité. Si le potentiel théorique de cette EMR dépasse les 30 000 térawatts heure, ce qui lui confère le plus grand potentiel des énergies marines, son potentiel techniquement et économiquement exploitable reste incertain, même si les Comores, La Réunion et Maurice figurent parmi les bons candidats.

Port-Louis pourrait être pionnière en matière de climatisation écologique des bâtiments en utilisant l’eau froide des profondeurs de la mer. Mais le projet patine sans raison claire.

Les EMR représentent aujourd’hui à peine 1% du mix énergétique mondial. L’enjeu réside donc dans l’innovation et la maîtrise technologique permettant la mise en valeur de cette ressource considérable, diversement répartie sur la planète. Les États vont-ils réussir le pari des énergies marines renouvelables, pour ne pas rater le coche de la transition énergétique qui sauvera le climat ? Nos îles disposent d’un fort potentiel avec un espace maritime sous juridictions nationales qui totalise près de 8 millions de km2 en zones économiques exclusives. Le terme « énergie marine renouvelable» ou EMR, recoupe une diversité de ressources contenues dans l’océan et qui sont techniquement exploitables : ce sont les vagues, la houle ou encore les flux thermiques que la technologie convertit en électricité ou en source de chaleur ou de froid. Quel est le stade de maturité de ces diverses EMR dans la région ?

La climatisation par l’eau de mer : des projets qui prennent l’eau ! En juillet 2021, les Seychelles ont annoncé avoir commencé l’installation de la plus grande centrale photovoltaïque flottante en mer, à Providence sur l’île de Mahe, dans le cadre d’un PPP avec la société française Qair. L’archipel souhaite compenser la disponibilité limitée de terres qu’il possède pour valoriser ses lagunes qui jouissent d’un fort potentiel photovoltaïque et la lagune de Providence a été justement choisie comme site en raison de son accessibilité, de

sa protection contre l’eau de mer et de sa capacité d’injection dans le réseau. Même si on ne peut pas vraiment parler d’EMR ici car cette infrastructure ne résulte pas d’une technologie qui exploite directement une énergie océanique, les Seychelles sont bien lancées pour atteindre leur politique énergétique qui est de produire 15% d’électricité à partir des EMR d’ici 2030. La Réunion et Maurice pourraient être considérés comme pionniers en matière de climatisation écologique des bâtiments en utilisant l’eau froide des profondeurs de la mer. Le projet Réunionnais SWAC (Sea Water air conditioning) développé par Climabyss, une filiale d’Engie, et son équivalent mauricien, le projet DOWA (Deep water air conditioning) dont l’appel d’offre avait été attribué à Sotravic Ltée, avaient tous deux bonne presse. Le concept était d’extraire de l’eau à 5 °C des profondeurs de l’océan (1100 m), et notamment sur un site situé à 6 km des côtes portlouisiennes. Dans la station située au Bain des Dames, de 23 MW, l’eau froide de la mer ainsi extraite refroidirait, dans des échangeurs de chaleur, l’eau douce qui circulera dans un réseau de froid fermé de 5,5 km. Les projets SWAC et DOWA ont pu permettre le développement d’un cadre réglementaire adapté pour la mise en œuvre de ce type d’innovation technologique. Cela étant, depuis 2016 ces deux projets semblent avoir pris l’eau (lire l’article dans ce numéro)… Une centrale d’énergie thermique des mers (Ocean Thermal Energy Conversion, OTEC) était aussi d’actualité à cette même époque pour produire

Souvent annoncées pour leur potentielle complémentarité par rapport aux énergies renouvelables terrestres, comme l’éolien et le solaire, elles sont encore au stade de la recherche et développement dans la région et nécessitent un réel soutien de la part des Etats, des parties prenantes mais aussi de l’opinion publique. Autre obstacle à surmonter pour nos îles : la connexion au réseau local. On aura beau trouver un lieu propice à l’exploitation d’EMR offshore mais si ce lieu est isolé ou trop éloigné des pôles importants de consommation, centres urbains ou industriels, l’énergie qui y est exploitée ne sera pas efficiente. D’autant plus que le coût des infrastructures des EMR reste élevé, notamment en raison du caractère émergent des technologies brevetées qui sont déployées. Ce dernier point ne saurait toutefois être un obstacle lorsque l’on sait qu’il existe toute une kyrielle de mécanismes de financement possibles : partenariat public-privé (PPP), financement participatif, un tarif d’achat de l’énergie par l’exploitant du réseau attractif, des déductions fiscales pour les investisseurs, des crédits d’impôt sur le bénéfice pour le producteur ou encore une subvention du gouvernement par kilowattheure produit… De 2013 à 2018, le programme ENERGIES de la COI a cherché à améliorer l’accès à des sources d’énergies durables dans les pays membres de la Commission. Ce projet a ainsi pu voir la concrétisation d’une installation hydraulique fluviale à Madagascar, dont le système est à même de se répliquer en mer. Alors, personne pour surfer sur la nouvelle vague des EMR ?

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Ile des deux

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« Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté* » Textes : Jacques Rombi Photographies : Jacques Rombi et LUX*

Il existe, à deux pas de la côte sud-est de l’île Maurice, une petite île qui a tous les attraits d’une île pour robinsons. Bien qu’accessible à la nage (pour les bons nageurs) on s’y sent tout de suite au bout du monde, mais dans un confort à la fois rustique et raffiné dont Sharon Janvier, maîtresse des lieux, a le secret.

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Un jardin botanique permet de produire quelques légumes et épices pour la cuisine.


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L’autonomie énergétique est assurée par des panneaux solaires

Mukesh et son équipe assurent des plongées pour débutants dans la réserve marine ou plus sérieuses, pour plongeurs qualifiés, de l’autre côté du récif

L’île peut être louée pour les événements corporate, mariages et autres team buildings La villa vaut à elle seule le détour, elle dispose d’un patio et d’un solarium sur le toit

Une subtile cuisine issue des produits de l’océan est élaborée sur l’île Sharon est en effet la responsable de l’île aux côtés de Melanie Ohis, respectivement marketing and sales executive et manager chez LUX* l’enseigne qui gère l’établissement via l’hôtel Tamassa à Bel Ombre. Les deux jeunes femmes ont le privilège d’organiser séjours et découvertes de ce morceau d’île Maurice planté en pleine réserve naturelle de Blue Bay et qui porte mal son nom : « quand nous avons redécouvert ce coin de paradis, il n’y avait en effet plus que deux cocotiers

sur place, d’où son nom qui est resté malgré le reboisement que nous avons opéré, notamment en cocotiers… » précise Mélanie. Un paradis repéré voici un siècle par le gouverneur britannique de l’époque qui y fît bâtir un véritable repaire pour des festivités qui ont fait grand bruit jusqu’à aujourd’hui. Il faut dire que Henry Hesketh Bell, 21e gouverneur de l’île Maurice entre 1916 et 1924, avait fort bon goût et fit bâtir une jolie demeure de 252 m2, d’inspi-

rations à la fois mauresque, britannique et mauricienne. Le tout est étonnant de beauté et d’art de vivre. On ne sait pas si Baudelaire y aura posé les pieds lors de son séjour dans les Mascareignes mais gageons qu’il y aurait trouvé là ses célèbres vers : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.»* La villa fut totalement rénovée en 2000 en respectant son architecture traditionnelle et son mobilier originel. On peut aujourd’hui la louer pour une nuit ou plus en exclusivité ou à partager entre trois couples grâce à ses belles chambres qui donnent sur le patio et sur l’océan. La jolie maison peut accueillir au total 6 adultes et deux enfants en all inclusive grâce à un personnel aux petits soins qui a cultivé l’art de recevoir des hôtes. Sûrement un lointain héritage du mondain gouverneur ! *L’invitation au voyage, Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857)

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Exclusif ! Plongée dans une coulée de lave

Sur notre précédente édition, nous avons présenté le phénomène exceptionnel qui se déroule actuellement à quelques encablures de Mayotte avec la naissance d’une nouvelle île issue d’un volcan sous-marin. Nous avions pu alors récupérer de belles images grâce au partenariat avec l’IFREMER. Ces images, d’un grand intérêt scientifique, avaient été prises par 3400 mètres de fonds par le robot Victor 6000 durant la mission de l’IFREMER GéoFLAMME. Inutile de préciser qu’un plongeur-photographe ne peut descendre à une telle profondeur.
A La Réunion en 2004 en revanche, un phénomène presque similaire s’est produit avec la rencontre de la lave avec l’eau. Les coulées du liquide incandescent ont suivi un parcours souterrain avant de sortir par 50 mètres de fonds au large de Sainte Rose dans le sud de l’île.
Là, Jean-Michel Bou de La Meschaussée était aux premières loges pour capter ces images exceptionnelles qu’il commente dans ces pages. 42 Le journal des archipels

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Textes et images : Jean-Michel Bou de La Meschaussée

« Le 13 août 2004, un peu avant 3 heures du matin, après une activité sismique très importante, une fissure s’ouvre à l’intérieur du cratère Dolomieu et se poursuit à l’extérieur jusqu’à 1900 mètres d’altitude. C’est le début de «l’éruption du vendredi 13».
Les coulées se dirigent vers l’Est et la partie basse de l’enclos ; les laves très fluides s’écoulent sans se refroidir.
Le front de coulée progresse rapidement dans les grandes pentes pour atteindre la route côtière le

22 août et enfin l’océan à l’aube du 25 août. 
C’est alors la rencontre de la mer et du feu, un immense panache de fumée blanche d’évaporation s’élève dans le ciel.
Le 28 août après de longues heures d’attente, des conditions très particulières me font penser que cette journée n’allait pas être comme les autres.
D’abord la lave de type «pahoehe» appelée encore lave cordée qui s’écoule en partie en tunnel, ensuite une plate-forme bien avancée en mer qui s’est construite en

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Jean Michel Bou de la Meschaussée ancien scaphandrier professionnel, ex-plongeur de la réputée COMEX de Marseille, cinéaste, réalisateur, chef opérateur sous-marin et aérien, mais aussi photographe . Installé dans notre région océan Indien depuis trente ans, il a réalisé et participé à de nombreux documentaires à la demande de médias comme National Geographic, Canal Plus, NHK, France TV, la collectivité des TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises) etc… Établi depuis 14 ans à Maurice il s’est diversifié mais continue ses productions avec son entreprise E-Max Productions. 44 Le journal des archipels

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quelques jours, des lueurs intenses provenant des profondeurs et des conditions de mer propices à une plongée d’exploration.
Ce matin-là, munie des autorisations préfectorales indispensables, une première équipe expérimenté est constituée, un ami Gendarme de la Nautique, Christian Jacquet et moimême. Un briefing sécurité s’impose, les risques sont importants : Une température d’eau de mer de plus de 60°/ 70°C à l’aplomb de la plate-forme Un fort courant ascensionnel engendré par l’eau chaude qui remonte du fond et qui bouillonne en surface Une visibilité réduite pour la mise à l’eau à 150 mètres de la coulée Des instruments de mesure tels que boussole et échosondeur inopérants face aux perturbations magnétiques… Et devant nous une plateforme qui grandit d’heure en heure et qui est en partie instable.

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« Nous sommes dès les premiers instants d’immersion dans un autre monde... » 10h00, à 150 mètres de la plateforme, mise à l’eau, la caméra tourne, l’eau est turbide, verdâtre et nos corps sont soumis au fur et à mesure de notre avancée aux ondes de choc des explosions, aux crépitements du mélange de l’eau et de la lave.
Soudain première lueur, nous sommes par 40 mètres de profondeur, l’eau s’éclaircit.
Il nous faut encore descendre et surtout nous rapprocher de la pente qui est très forte (environ 45°), première grosse émotion ! juste après une importante explosion un énorme éboulement se déclenche, la plateforme pousse et se fracture entraînant dans les profondeurs devant nous des milliers de mètres cubes de produits volcaniques noirs.
Reste sous nos yeux un énorme panache en dégazage verdâtre et un tunnel de lave fraîchement ouvert qui laisse une coulée rapide s’épancher dans la pente avec des fumerolles qui remontent vers la surface.
A quelques mètres de là... ce que j’attendais par-dessus tout ... dans un crépitement caractéristique et une lueur incandescente orangée qui, tel un éclair, cisaille un coussin très noir, nos premiers pillow lavas ou coussins de lave actifs ; il n’y a plus qu’à immortaliser l’événement : la caméra a tout filmé… » Voir le film complet en scannant le QR Code : Ce film ‘’Plongée dans le Feu ‘’est visible dans son intégralité dans une magnifique scénographie à La Maison du Volcan

Sous la pression interne, la paroi vitreuse figée se fend et laisse passer de la lave fluide, qui va à son tour subir le phénomène de trempe et se figer, ce qui explique l’aspect en coussins.

Comment s’est formé un tel phénomène à La Réunion ?

La lave basaltique est descendue vers la mer en coulées de type pahoehoe, construisant progressivement une plate-forme de lave et de débris volcaniques. La lave est sortie, canalisée en de nombreux tunnels de lave dans la plate-forme, à plusieurs dizaines de mètres de profondeur sur le front très en pente du fond d’origine.
Le contact entre ces deux éléments, une lave a 1200°C et de l’eau à 22°C provoque un phénomène de trempe. La lave sur une faible épaisseur de surface se solidifie instantanément alors que la partie interne reste incandescente. Cette couche de verre de texture vitreuse noire brillante, isolante, empêche momentanément la partie fluide de s’écouler.
La forme extérieure des tubes est conditionnée par leur émission à travers les fissures du tube précédent (telle une pâte de dentifrice sortant de son tube).
Au changement de pente les tubes se brisent et la lave est drainée hors des tubes, l’eau s’infiltrant fige la surface chaude et forme des cloisons horizontales. La lave ainsi drainée provoque la formation de boules qui se détachent du tube et forment des falaises de boules sur les replats.
Les chocs thermiques provoquent l’écaillage de la gaine vitreuse noire et forme sous les laves en coussins une semelle pyroclastique.

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et son exposition universelle au départ de La Réunion

A l’occasion de l’exposition universelle qui se déroule à Dubaï (Emirats Arabes Unis) jusqu’au 31 mars prochain, le Réunionnais Rabin Apavou qui vit entre La Réunion et Dubaï, organise des voyages hebdomadaires entre ses deux pays de villégiature. Une belle occasion de découvrir cette ville-état contrastée pour des loisirs ou du business. L’instigateur du projet explique ce qui a motivé l’organisation de ces voyages. Une belle occasion de découvrir cette ville-état contrastée pour des loisirs ou du business

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Au programme des découvertes : une journée dans le désert en véhicule tout terrain.

JDA : Vous affrétez pour la circonstance un Boeing 787 de la compagnie Etihad Airways, c’est une prouesse et un message d’espoir pour nos îles qui souffrent de dessertes aériennes aléatoires depuis la crise sanitaire. Pensez vous renouveler d’autres opérations de ce genre et, osons rêver, favoriser des vols charters, voire réguliers avec cette compagnie ? RA : La DGAC, l’aéroport de la Réunion ainsi que les autorités de Dubaï nous ont beaucoup soutenus pour organiser cette opération. Fort de cette première expérience, j’invite tous les acteurs du voyage et du tourisme à se joindre à nous pour continuer et créer ensemble ce type d’opération. Nous souhaitons également commencer à sensibiliser les résidents du Moyen Orient à venir découvrir la Réunion et grâce à cela envisager demain une desserte régulière et pérenne.

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Le Journal des Archipels : Mr Apavou, vos activités sont représentées à la Réunion, Maurice et Dubaï. Qu’est ce qui a motivé l’organisation de tels séjours? Rabin Apavou : Résident à Dubaï depuis un an, j’ai eu l’occasion de découvrir cette ville sous ses différents aspects. Et c’est avec beaucoup de joie que j’ai souhaité permettre aux Réunionnais de découvrir cette ville surprenante à des conditions accessibles. L’opportunité unique de l’Exposition Universelle de Dubaï, aussi proche de la Réunion a été ma deuxième motivation pour faire aboutir ce projet et ouvrir enfin cette porte vers le Moyen Orient.

JDA : Au delà de l’aspect « loisir et découverte » que vous proposez durant cette semaine à Dubaï, les entrepreneurs de notre région du sud de l’océan Indien pourront-ils profiter de votre connaissance du milieu entrepreneurial dubaïote ? Nous pensons à l’organisation de rencontres B to B, opportunités d’affaires, organisation de séminaires... RA : Nous proposons dans nos prestations un package spécial pour les entreprises à 1590€ par personne afin d’encourager les entrepreneurs réunionnais à se rendre à Dubaï et à venir découvrir l’Expo 2020. Nous sommes également en lien avec la chambre de commerce France Dubaï, le Pavillon français de l’Expo, proposant ainsi l’accès à plusieurs évènements B to B francophones. Enfin notre cabinet de conseil à Dubaï peut également accompagner des entreprises de la Réunion à s’implanter dans la zone et venir vendre leurs produits et leur savoir-faire. La Réunion a une belle carte à jouer dans la zone et j’encourage vivement les entreprises de la Réunion à s’intéresser d’avantage au Moyen Orient. Nous organisons d’ailleurs une présentation sur les opportunités d’investissement à Dubaï le 6 janvier prochain sur place à Dubaï et en retransmission en direct online.

Tous les clients ayant acheté le package club vip auront directement accès au service de conciergerie dédié pendant tout le séjour - au transfert aéroport/ hôtel en berline de Iuxe avec chauffeur privé – la flexibilité d’organiser ses excursions.

Un vol d’Etihad Airways affrété pour l’occasion

La compagnie aérienne d’Abu Dhabi a bénéficié d’autorisations spéciales pour se poser à La Réunion pendant 12 semaines du 1er janvier 2022 jusqu’au 31 mars 2022. C’est un Boeing 787 Dreamliner qui est affrété par Alena Holidays, le tour-opérateur de l’homme d’affaires qui opère à Dubaï sous l’enseigne A.Worl Events. Ces douze rotations devraient permettre à plus de 3000 Réunionnais de se rendre à Dubaï suivant des formules et trois niveaux de prestations, dont 1500 sièges réservés à des comités d’entreprises. Une formule à 1090 euros est proposée aux moins de 25 ans. Pour ceux qui ne connaissent que la langue de Leconte de Lisle, qu’ils soint réssurés puisqu’une équipe 12 personnes parfaitement bilingue les accompagnera dans la ville-Etat où c’est la langue de Shakespeare qui est couramment usitée. Le premier vol a lieu ce 2 janvier 2022 et le dernier retour s’effectuera le 26 mars. Les vols décollent de la Réunion tous les dimanches à midi pour atterrir à Abu Dhabi à 18H30. Les vols retour s’effectuent tous les samedis sur les mêmes horaires.

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L’énergie est cette main invisible qui fait fonctionner tout notre environnement de vie. C’est elle qui alimente toutes les machines à notre service. Celles qui tissent nos vêtements, nous transportent, nous éclairent, impriment nos journaux, font marcher nos ordinateurs, etc… Heureusement, sinon nous serions complètement impuissants. Il faudrait faire pédaler dix personnes pour faire fonctionner un grille-pain. La révolution énergétique a fait notre civilisation d’aujourd’hui. Peu chère et abondante, nous la gaspillons depuis des décennies, mais elle est en passe de devenir rare.

La « sobriété heureuse » de Pierre Rabhi, qui vient de nous quitter, consiste à revoir son mode de vie afin de baisser sa consommation en maintenant ce qui est essentiel. Terrien utilise 200 fois l’énergie qu’il est capable de mobiliser avec ses muscles. En fonction des Terriens, cela va de 1 à plusieurs milliers ! Notre civilisation est dopée à l’énergie pas chère. Or notre approvisionnement est en question. Que ce soit pour réduire nos émissions, ou car les réserves d’énergie fossile se réduisent et ne peuvent faire autre chose que finir à 0, nous devons basculer sur des énergies décarbonées (vent, solaire, hydraulique, nucléaire) et idéalement renouvelables. Pour se fixer les idées, cela revient en ordre de grandeur à installer chaque année le parc mondial actuel de panneaux solaires et d’éoliennes pendant 30 ans. Pour cela il faut mettre en œuvre chaque année entre 5 et 10 fois la production minière 2017 des métaux impliqués dans ces développements. Ce n’est pas gagné car jamais dans l’Histoire, l’humanité n’a remplacé une énergie par une autre. Elles se sont toujours ajoutées. Mais, direz-vous, nous faisons des économies d’énergie! C’est vrai. Cela s’appelle l’efficacité énergétique et la tendance lourde est de progresser de 1 % par an. Mine de rien, cela diminue de 25% les besoins en 2050. Malheureusement, la multiplication des usages fait plus qu’annuler ce progrès. Alors il reste la fameuse « sobriété heureuse » de ce cher Pierre Rabhi qui vient de nous quitter. Elle consiste à revoir son mode de vie afin de baisser sa consommation en maintenant de qui est essentiel. Cette approche spirituelle en fait un processus choisi. Subie, la sobriété est vécue comme de la pauvreté. Au cours de ces pages, vous ne manquerez pas de croiser le terme énergie propre. Restons critiques. Il n’y a pas d’énergie sans inconvénient. Une énergie est propre tant qu’elle est marginale. Quelques fermes solaires, c’est propre, des paysages entiers couverts le sont déjà moins. Quelques éoliennes, ça passe, des éoliennes visibles partout où se pose le regard, ça lasse. Donc en gros, muni de ces clés de lecture, portez bien attention à ce dossier car l’énergie de demain façonnera notre mode de vie comme elle le fait aujourd’hui. Et rien n’est acquis.

Rare et

Par Jean-Luc Wilain

gaspillée… L’énergie dans tous ses états. Né en France en 1962 et Mauricien d’adoption, Jean-Luc Wilain se met au service d’une cause : faire dès aujourd’hui ce qui est nécessaire pour transmettre un monde vivable aux générations futures. Ingénieur des Mines, titulaire d’un Advanced Management Program en gestion et stratégie, il a exercé la plupart des métiers de l’entreprise dans cinq pays et a été en affaires avec une cinquantaine. Dernièrement responsable du développement durable d’un conglomérat mauricien, il a décidé de quitter ce confort pour se consacrer, avec sa société de conseil WillChange, au conseil en entreprise, au développement de solutions innovantes et durables, et au partage à travers des publications, des conférences et des formations.

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L’énergie est avant tout une grandeur physique. Polymorphe, elle a des expressions différentes selon les disciplines de la physique. Mais il s’agit toujours de la même chose : mesure du changement d’état de l’environnement. Elle nous permet donc, par définition, de changer le monde. Et nous y parvenons quand nous-mêmes nous sentons plein d’énergie ! Et nous voilà dans l’humain. Sa définition peut encore aller au-delà, en économie. L’énergie est, au premier ordre, proportionnelle au PIB. C’est logique puisque le PIB est la somme des valeurs ajoutées. Mettre en œuvre de l’énergie, c’est transformer le monde, et en l’occurrence nous le faisons pour créer de la valeur… ajoutée. Pour reboucler sur la physique, rappelons que l’énergie est aussi, là encore au premier ordre, proportionnelle aux émissions de CO2 que nous devons diviser par 4 en trente ans. Cette équivalence énergie-PIB-émissions est bien le casse-tête auquel nous sommes confrontés. En moyenne mondiale, un

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Dossier réalisé par Alexandre Karghoo Photographies Fabien Dubessay

Le Wasteto-Energy un gaspillage d’énergie ?

Quand il s’agit d’énergie renouvelable, on peut aussi parler du Waste-to-energy (la valorisation énergétique des déchets qui implique souvent l’incinération). Depuis environ deux ans, des débats publics ont eu lieu à ce sujet, amorcés par des tentatives échouées de certaines entreprises. L’écologiste Pierre Baissac explique pourquoi il est contre. 50 Le journal des archipels

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«Environ 80% de nos déchets sont des déchets organiques, de cuisines, de jardin. (…) Si vous prenez ces déchets et que vous les apportez dans un désert, ils vont s’assécher tout de suite. Tandis que si vous apportez ces mêmes déchets ici (à Maurice), ils seront saturés d’eau. Est-ce qu’on peut brûler une casserole d’eau ? Évidemment que non», débute Pierre Baissac. La raison principale de son opposition est contextuelle : il estime que l’incinération des déchets à Maurice est un non-sens car les réalités n’y sont pas propices. «Assécher ces déchets, même si cela s’avère techniquement possible, n’est pas envisageable ou économiquement viable », renchérit-il, lui qui a été l’un des opposants du projet d’incinérateur porté par la multinationale française Veolia il y environ deux ans. «Les déchets organiques, surtout si on les entasse, sont toujours saturés d’eau et pour les brûler il faut ajouter un combustible, par exemple du pétrole ou de l’huile lourde, dans les chaudières.» Cela fait que cette source d’énergie renouvelable l’est tout de suite moins. Qu’en est-il de ces matières organiques (qui contiennent du carbone) qui ne peuvent se saturer d’eau ? «Le souci avec les plastiques est qu’ils sont chlorés, entre autres, et ils sont fractionnés en produits gazeux, à fines particules dont beaucoup - ces dioxines et ces furanes - sont insolubles dans l’eau, mais solubles dans les graisses. Ces produits sont extrêmement toxiques sur la vie humaine et animale», explique Pierre Baissac. Ces émissions gazeuses contiennent de fines particules qui s’envolent à des centaines de kilomètres. «Si on les retrace, on pourrait en retrouver à Madagascar !»

Ne pas monter toute une industrie basée sur un gisement de plastiques que nous n’aurons plus La difficulté de ses produits est que pour les neutraliser, il faut que la température atteigne 750, voire 800 degrés Celsius, soit des températures bien supérieures à celles qui font bouillir de l’eau pour

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générer de l’électricité. À ceux qui avancent qu’il est technologiquement possible de capter ces émissions toxiques, Pierre Baissac demande : «Est-ce que cette technologie est fiable ? Une fois ces particules captées, qu’allons-nous en faire ? C’est la même problématique que le nucléaire. Allons-nous enterrer ces déchets ? Il y a une multitude de questions d’ordres pratiques, technologiques et économiques. On ne peut pas s’arrêter au fait de se dire qu’on peut capter ces émissions.» Pourtant, plusieurs pays ont mis en place de telles centrales. À quoi répond Pierre Baissac : «Ces pays ont des déchets secs. À Maurice, on sait de plus en plus que les plastiques sont extrêmement polluants et se dégradent pour devenir des microparticules de plastiques qui rentrent dans l’eau, la mer, la terre, et qui restent (...) Les animaux marins en meurent. On est en train d’aller vers une économie avec zéro plastique. Vous allez monter toute une industrie qui se base sur un gisement que nous n’aurons plus ? Les gens qui se respectent ne voudront plus importer ou produire ces polluants. Le gisement arrive à zéro. Ce n’est pas viable non seulement économiquement et, dans la politique nationale de protection de l’environnement, c’est le non-sens même.» À la place de l’incinération, Pierre Baissac promeut le compostage, le tri, le recyclage ainsi que la réduction des déchets… Lire la suite sur notre website : www. lejournaldesarchipels.com

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Pierre Baissac, président de la Société Royale des Sciences et des Arts de Maurice

Pierre Baissac, 74 ans, est toujours actif professionnellement car l’écologie est son métier et sa vie. «Je ne suis pas écolo mais écologiste», explique-t-il. Pierre Baissac a fait ses études aux États-Unis et en Afrique du Sud, en zoologie, spécialisé dans les animaux marins. Il est titulaire d’une maîtrise (zoologie) de l’université du Cap. Il a dirigé des projets d’aquaculture à Maurice et en Afrique du Sud. En 1994, il devient directeur du développement de la Mauritian Wildlife Foundation, responsable, entre autres, du développement et la gestion des projets de conservation à Maurice et à Rodrigues. En 2006, il lance son entreprise Diospyros et devient écologiste consultant. Il est actuellement président de la Société d’Arts et Sciences de Maurice, fondée en 1829. Cette Société a été décrétée «Royale» par la reine Victoria.

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L’eau des profondeurs pourrait être utilisée pour de l’aquaculture ou la thalassothérapie. Un centre de recherche est aussi envisagé

La climatisation à l’eau de mer est une technologie qui a fait ses preuves à travers le monde. Sotravic inscrit ce projet dans un autre, plus large, baptisé Deep Ocean Water Applications (DOWA) qui est tout un ensemble d’utilisations de l’eau de mer extraite des profondeurs qui a une valeur énergétique mais aussi une valeur minérale.

La climatisation à l’eau de mer

Le projet ne sort toujours pas de l’eau

Le projet de climatisation à l’eau de mer (SWAC en anglais, pour Sea Water Air Conditioning), une première dans l’océan Indien, est annoncé comme imminent… depuis au moins quatre ans. C’est la société d’ingénierie Sotravic qui porte ce projet. Il semble que seul le feu vert des autorités mauriciennes fait défaut. Grâce à une technologie qui a fait ses preuves, l’on pourrait utiliser l’eau du fond de l’océan pour climatiser, dans un premier temps, quelques bâtiments, parmi les plus énergivores de la capitale Port-Louis. Pas moins de 22 bâtiments ont été identifiés et leurs besoins quantifiés. Ils consomment environ 15 MW d’électricité pour faire fonctionner leurs systèmes de climatisation durant quasiment toute l’année, car les températures de la capitale dépassent régulièrement les 30 degrés Celsius, même en hiver. Avec le SWAC, le même résultat serait atteint avec seulement 1,5 MW d’électricité qui serait surtout utilisé pour pomper l’eau. Au-delà de cette économie d’énergie, la climatisation à l’eau de mer comporte plusieurs avantages comme l’explique Philippe Ong Seng, CEO d’Urban Cooling, filiale du groupe Sotravic, responsable de ce projet. Si l’on va du principe que l’énergie économisée provient de combustibles fossiles, cela représente annuellement environ 100 52 Le journal des archipels

millions de roupies (environ 2 M€ NDLR) qui ne sont pas utilisées pour importer de l’énergie et une réduction de 51000 tonnes de CO2 d’émissions, soit l’équivalent d’émissions de 15000 voitures.

« La balle est dans le camp du gouvernement. » Autre avantage, cette technologie est facile à entretenir. L’eau de mer n’entre pas dans les bâtiments, mais sert à refroidir l’eau qui servira à climatiser les immeubles (voir le schéma en photo). Le SWAC permet aussi de se passer de produits réfrigérants potentiellement nocifs et de réduire la pollution sonore. Si malgré tous ces avantages le projet n’aboutit toujours pas, c’est qu’il ne serait pas techniquement ou économiquement viable ? Non, les études techniques et économiques ont été

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réalisées et complétées depuis plusieurs mois. Le projet a débuté en 2013 et plusieurs étapes et obstacles ont été franchis. La viabilité du projet n’est plus à démontrer, selon Sotravic. En 2017, les études bathymétriques (science qui s’intéresse aux reliefs du fond des océans) ont été complétées pour dessiner le tracé des installations en mer et l’évaluation de l’impact environnemental avait été fait. Avec l’installation des rails du métro depuis 2018 et 2019, le tracé sur terre des installations a été revu et le ministère des Finances a déjà en sa possession les contrats de services pour les bâtiments détenus par l’État qui seraient climatisés par le SWAC. « La balle est dans le camp du gouvernement », résume Philippe Ong Seng. Selon ce dernier, les investisseurs sont toujours prêts à se mobiliser pour débuter incessamment ce projet. Sotravic a même bénéficié d’une subvention d’un million de dollars de la Banque africaine de Développement pour financer les études.


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La centrale thermique Terragen produit environ 15% de l’électricité consommée du réseau national. 25% de cette énergie provient de la biomasse. Terragen souhaite passer à 100%.

Alors que le gouvernement a annoncé lors de la COP26 son ambition de produire 60 % de son énergie à partir du renouvelable d’ici 2030, il est clair qu’une accélération de la transition énergétique est à prévoir dans les prochains mois. C’est certainement le souhait des opérateurs qui attendent impatiemment un nouveau souffle. Cependant, le manque de visibilité est déploré.

« Nous prenons tout en charge pour le compte du client et nous nous rémunérons sur les économies réalisées », explique Benoit Regnard, directeur commercial de Green Yellow.

© Photo DR

« Prioritairement il faudrait lancer une évolution de la réglementation du secteur permettant une facilitation administrative pour nos projets », explique Olivier Gaering, directeur de Qair (ex-Quadran).

Malgré l’ambition des objectifs gouvernementaux annoncés, le flou demeure. L’objectif de 60% du mix énergétique national provenant du renouvelable d’ici 2030 devrait représenter une bonne nouvelle pour les entreprises évoluant dans ce secteur, 54 Le journal des archipels

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le secteur privé attend… du renouveau !

mais celles-ci affichent un optimisme tempéré à cause du manque de visibilité. En effet, intuitivement, on penserait que cet engagement pris lors de la COP26 aura été le fruit d’études de la part de l’État. Il n’en est rien. Le gouvernement a annoncé ses objectifs, et c’est aux

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différents organismes étatiques de s’aligner et de produire une feuille de route… « Nous pensons que la publication d’une feuille de route précise dans les prochains mois par les autorités avec un calendrier des appels d’offre par technologie ou typologie de projet d’énergie renouvelable et les volumes escomptés par le CEB (Central Electricity Board) d’ici à 2028 (pour qu’ils soient opérationnels en 2030) permettrait aux développeurs de projets de s’engager activement dans leurs études de faisabilité», avance Olivier


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© Photo Fabien Dubessay

« Cette transition énergétique aura un coût qui sera élevé. Il est important de trouver des solutions pour la financer », déclare Jean-Marc Iweins, directeur de la centrale thermique Terragen.

Gaering, CEO de Qair, anciennement Quadran, qui opère notamment une centrale éolienne.

La fin du charbon Au niveau des producteurs d’électricité indépendants, la transition énergétique se prépare. Les IPP (Intependant Power Producers) génèrent environ 45% de l’électricité produite à Maurice. Terragen, qui produit 15% de la production nationale (420 GWh par an, en excluant l’énergie utilisée par

la sucrerie) est une coentreprise entre le groupe Terra et Albioma, un leader français des énergies renouvelables dans la biomasse et le photovoltaïque. De la production de cette centrale, environ 25 % de l’énergie proviennent de la bagasse et de la paille de canne (plus de 4 000 tonnes de paille par an), le reste provient du charbon. Pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement, il faudra passer à 100 % de renouvelable : « Depuis un an, nous parlons très sérieusement d’une transition avec de l’énergie à partir du renouvelable », avance son directeur général Jean-Marc Iweins.

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Le gouvernement s’est aussi engagé à sortir du charbon, toujours utilisé par les centrales thermiques, d’ici 2030. Pour Terragen, il s’agit, pour débuter, d’investir dans ses infrastructures pour gagner en efficience, notamment en investissant dans de nouvelles turbines. L’usine opère depuis une vingtaine d’années et renouveler les machines ne fera qu’accroître son efficience. Ensuite, il s’agit de s’assurer que les combustibles proviennent de sources renouvelables : bagasse, paille de canne et bois produits localement, ou dans la région. Terragen exploite depuis 2015 la paille de canne comme combustible et, comme d’autres IPP, l’entreprise mène des études de faisabilité sur la production d’électricité à partir du bois d’eucalyptus. En partenariat avec le groupe sucrier Terra, ce sont environ 30 hectares de terres majoritairement « marginales » ou non mécanisables qui sont utilisées pour planter de l’eucalyptus. Les études sont effectuées depuis 2019 pour évaluer la faisabilité du projet. En tout, ce ne sont pas moins de 160 hectares mauriciens sur lesquels l’eucalyptus a été planté par différents partenaires des centrales thermiques. Le gouvernement a annoncé dans le précédent budget en juin avec la sortie du charbon d’ici 2030, la mise en place d’un « biomass framework». Ce nouveau cadre devrait déterminer la rémunération de la biomasse produite à Maurice. La bagasse a notamment été valorisée car 3 300 roupies (environ 67 € NDLR) sont payées aux planteurs de canne à sucre pour chaque kilo de sucre produit. Cette annonce permet de sécuriser la filière. Des replantations sont même envisageables. Des consultations ont de ce fait eu lieu depuis plusieurs mois entre différentes parties, dont les IPP, pour établir les prix de la biomasse qui pourrait être produite localement. Une autre solution est aussi mise en avant : faire sécher la bagasse. En effet, la bagasse telle qu’elle est utilisée est à 40% d’humidité environ : en d’autres mots, 40% du combustible est composé d’eau. En réduisant ce taux, on améliore ainsi son efficience comme source d’énergie. Terragen a déjà réalisé les études à ce sujet. Cette transformation nécessite cependant un investissement et donc une majoration du prix de l’énergie.

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Il faudra attendre la fin des contrats entre l’État et les IPP pour connaitre les nouveaux termes. Terragen a aussi participé à une consultation lancée par le CEB en 2021 sur les projets de centrales électriques hybrides exploitant les sources d’énergie renouvelables. La proposition de Terragen est de passer à une production à partir de la biomasse et d’installer des panneaux photovoltaïques pour faire fonctionner ses machines de production. Toutefois, il semble que la biomasse produite localement ne sera pas suffisante et sera fort probablement partiellement importée, probablement d’Afrique du Sud.

La problématique est financière et politique

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sécurisant à long terme », ajoute Olivier Gaering. « Il y aurait de nombreuses façons d’agir : prioritairement il faudrait lancer une évolution de la réglementation du secteur (lois énergie et environnement) permettant une facilitation administrative pour nos projets. Sinon le temps risque de nous manquer pour atteindre les 60% avant 2030 », ajoute-t’il. Au niveau du photovoltaïque qui demeure la deuxième source d’énergie renouvelable à Maurice, la problématique est surtout de nature politique. En effet, la formule utilisée par le CEB pour rémunérer les producteurs d’énergie photovoltaïque pose problème. Le cadre actuel ne permet pas aux producteurs d’autoconsommer l’énergie. Ceux-ci doivent revendre cette énergie au CEB à un prix bien moindre que celui auquel ils le rachètent. La raison avancée par les autorités est le coût de la connexion au réseau. Les opérateurs s’adaptent. Le Français GreenYellow, par exemple, propose à sa clientèle des solutions adaptées à la fois à la demande des clients mais aussi aux contraintes imposées par le cadre régulateur. L’entreprise française présente dans l’océan Indien depuis 10 ans accompagne les clients dans leur transition énergétique à travers deux axes d’actions : l’efficacité énergétique et la production d’énergie photovoltaïque. « On aide nos clients à consommer moins en aidant à réduire leur consommation à travers différents types d’actions », explique Benoît Regnard qui chapeaute les activités de l’entreprise dans l’océan Indien. La particularité de Green Yellow est de proposer un financement : «Nous prenons tout en charge pour le compte du client et nous nous rémunérons sur les économies

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Pour Jean-Marc Iweins, la problématique majeure demeure le financement. « Cette transition énergétique aura un coût élevé. Il est important de trouver des solutions pour la financer (...) Il y a des moyens qui peuvent aider si Maurice a, par exemple, la possibilité d’entrer sur le marché du crédit carbone de l’Europe », avance-t-il. Au-delà de l’investissement nécessaire pour les infrastructures, il y aussi à prendre en compte le financement de la production sur le long terme, car l’énergie produite à partir du renouvelable coûtera plus cher, selon lui. « Toute mesure améliorant l’attractivité et la sécurisation des investissements de production d’énergie renouvelable sera aussi la bienvenue, car le nerf de la guerre de cette transition énergétique restera la capacité à mobiliser de très importants fonds (dette et fonds propres) au vu des investissements massifs requis et qui nécessitent un environnement contractuel, tarifaire et légal clair et

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réalisées.» GreenYellow accompagne le client du début à la fin de son projet, l’entreprise achète le matériel, l’installe et en assure la maintenance. Cela permet au client de générer des économies sur sa facture d’électricité et à GreenYellow de se rémunérer sur les économies réalisées. GreenYellow doit ainsi s’assurer que ces économies soient réalisées, car c’est l’entreprise qui porte ces risques. « Nous garantissons qu’ils seront gagnants », ajoute Benoit Regnard.

Il manque un arbitre : le régulateur Sans remettre en cause les accords commerciaux entre le CEB et les opérateurs, Business Mauritius, représentant du patronat, plaide pour un droit : celui de l’autoconsommation de l’énergie, car la valeur de l’énergie produite par un producteur a la même valeur économique que l’énergie consommée du réseau. « Ce qui nous manque aujourd’hui entre les promoteurs privés et le CEB, c’est la tierce partie qui est le régulateur. Malheureusement la Utility Regulatory Authority (URA), n’a été opérationnelle qu’en 2016 et, malgré cela, on se rend compte que ça prend du temps. L’équipe doit se substituer à plus de 50 ans de monopole du CEB», avance Mickaël Apaya, Head of Sustainability & Inclusive Growth chez Business Mauritius. La URA a pour vocation d’être le régulateur des utilités publiques. Le CEB avait jusqu’ici cette fonction dans le secteur de l’électricité, produisant, distribuant et fixant les prix de l’énergie. « C’est une vraie difficulté qui ralentit la transition énergétique et qui est une faiblesse du système. Il y a le cadre légal à faire évoluer. » Le URA Act et le CEB Act, votées depuis décembre 2020 doivent notamment être mis en application. « On n’a jamais été en faveur d’un tarif de rachat. On sait que ce n’est pas soutenable dans le temps. (…) Il faut créer l’espace pour consommer sa propre énergie. Il manque néanmoins le regard du régulateur (…) Il manque un arbitre », résume Mickaël Apaya.

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De nouvelles centrales éoliennes et solaires d’une puissance cumulée de 70 MW

La feuille de route actuelle du gouvernement prévoit plusieurs projets, notamment La mise en service de 14 MW de stockage par batterie pour la stabilité du réseau Une centrale solaire flottante de 2 MW sur le réservoir de Tamarind Falls. L’augmentation de la capacité de la centrale photovoltaïque d’Henrietta, de 2 MW à 10 MW Installation de 1 000 panneaux solaires pour les ménages à faibles revenus 25 MW de solaire en toiture ; 10 MW provenant d’entreprises commerciales et industrielles. La mise en place du Biomass Framework La finalisation du cadre des obligations vertes pour le financement de projets verts locaux et régionaux. Ajoutons à cela les différents appels d’offres lancés par le CEB pour deux fermes éoliennes de 40 MW en tout, ainsi que trois fermes solaires de 10 MW. Ces projets devraient être finalisés dans un an ou deux, auxquels s’ajouteront de nouveaux projets suite à l’annonce du gouvernement lors de la COP26.

LE MIX ÉLECTRIQUE EN 2020 Wind

Hydro

Manufacturing

4,0%

36,6%

Renewables Coal

0,6%

23,9%

Bagasse

13,3%

39,5%

LA CONSOMMATION ÉNERGÉTIQ

Landfill gas

0,9%

Photovoltaic

5,1%

UE PAR SECTEUR EN 2020

Other

0,6%

Agriculture

0,4% Manufacturing

Household

17,5% Commercial and Distributive Trade

22,2%

10,7% 48,6%

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IBL saute à pieds joints

dans le renouvelable

Il est clair que le secteur privé s’attend à une croissance dans l’Énergie. Un signe ne trompe pas : le plus grand conglomérat de l’île se lance à pieds joints dans le renouvelable. Le groupe IBL lance IBL Energy qui regroupe les initiatives du groupe dans le domaine de l’énergie en fédérant les entreprises du groupe opérant dans l’ingénierie.

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volant) dans le contexte mauricien», avance le groupe dans une de ses newsletters.

Les effluents de l’industrie du thon transformés en énergie Le groupe s’est aussi lancé, à travers ses filiales dans la production d’énergie à partir des effluents des usines de transformation de thon. IBL Seafood et Princes Tuna (Mauritius) représentent l’industrie mauricienne du thon et sa chaîne de valeur associée, les deux entités ont établi un partenariat pour créer Énergie des Mascareignes. EDM transformera les effluents des

conserveries de thon et de l’usine de farine de poisson pour créer de la bioénergie. Le biogaz issu de cette opération sera renvoyé aux deux usines pour leur propre consommation. Un biofertilisant sera aussi obtenu après l’élimination de l’azote et des phosphates des eaux usées. Énergie des Mascareignes représente un investissement de plus de 12 millions d’euros de la part d’IBL Energy et devrait être opérationnel en juin 2022.

La pyrolyse des bouteilles Un projet ambitieux qui risque de provoquer une petite guerre pour les gisements de déchets plastiques est celui de la pyrolyse des bouteilles en plastique chez PhoenixBev. La pyrolyse est la décomposition chimique d’une substance organique par une haute température pour obtenir d’autres produits. PhoenixBev, filiale d’IBL, est un des principaux embouteilleurs de l’île. En partenariat avec une société française, ETIA, PhoenixBev envisage de récupérer la majorité de ses bouteilles (et probablement celles des autres embouteilleurs) pour les transformer en combustible gazeux. Ce gaz servirait ensuite de carburant pour les chaudières de PhoenixBev. IBL annonce aussi vouloir installer des panneaux photovoltaïques sur certains de ses toits en partenariat avec GreenYellow. Ces panneaux auraient une capacité de « près de 10 MW répartis sur une vingtaine de toits », et généreraient 15 GWh annuellement. Le CEB doit donner son assentiment pour un déploiement d’ici mi-2022.

IBL Energy a signé un accord avec la société allemande SkySails pour la représenter dans la région. Des tests sur le potentiel de l’énergie éolienne à hautes altitudes à Maurice en utilisant cette technologie allemande sont effectués avec le concours du CEB.  © Photo DR

« Nous avons, avec le soutien du cabinet de consultants en gestion McKinsey, entrepris en 2021 une analyse visant à identifier trois axes stratégiques d’expansion à Maurice et dans la région : les énergies renouvelables, les soins de santé et l’identification d’opportunités en Afrique de l’Est », a expliqué Arnaud Lagesse, CEO du groupe IBL lors de la réunion d’analystes en octobre dernier. L’ambition est de monter une équipe pour accompagner les entreprises commerciales, industrielles ou même bancaires et financières dans leurs transitions, en passant par l’efficacité énergétique, la décarbonation et même par un accompagnement financier. Le groupe IBL a signé un accord avec une entreprise allemande pour la représenter dans la région et aussi implanter ses solutions à Maurice pour débuter. Il s’agit de l’entreprise SkySails. « La technologie repose sur de grands cerfs-volants (techniquement des voiles de kitesurf) entièrement automatisés qui exploitent l’énergie éolienne à haute altitude. Le projet pilote, réalisé en association avec le Central Electricty Board (distributeur d’électricité - NDLR) et la Mauritius Renewable Energy Agency (Marena, agence de promotion du renouvelable - NDLR) dans le cadre du programme pour les énergies innovantes, permettra de valider les performances techniques du kite (cerf-

IBL Energy s’associe avec Green Create, une société britannique, pour créer Entreprise des Mascareignes. IBL Seafood et Princes Tuna Mauritius (PTM) y enverront leurs effluents de poissons pour les transformer en combustible et en biofertilisant.

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Gamma Materials poursuit son en-

gagement vers une écologie industrielle à Maurice

Gamma materials, fournisseur de matériaux de construction, reste très engagé dans une approche durable de ses process de production. Mais pas seulement : sa cellule Recherche et développement travaille de concert avec le MRIC (Mauritius Research and Innovation Council, sous l’égide de l’Université de Maurice) afin de coller au mieux aux nouvelles réglementations issues du Budget 2021-2022. Gamma Materials Ltd a plaidé pour l’émergence d’une industrie du recyclage des déchets de construction et de démolition (C &D), comme nous l’explique le docteur Mahen Conhyea, Responsable technique, qualité et développement de produits chez Gamma Materials (en photo). 60 Le journal des archipels

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Produit dérivé du béton de démolition provenant du Metro Express après un premier recyclage. “ Le gouvernement a donné son accord pour une extension verticale du site de Mare Chicose qui prolongera ainsi ses fonctions jusqu’à 2030. Par ailleurs, lors de la COP 26 le premier ministre a mis l’accent sur l’économie circulaire et a déclaré qu’il mettrait les ressources nécessaires pour réduire nos déchets de 70%. L’objectif étant d’atteindre 1000 tonnes de déchets recyclables sur les 1500 tonnes générés chaque jour d’ici 2030», explique Mahen Conhyea. Cela passe par la création de « Civic Amenity Centre » dans chacune de 5 stations de transfert pour accueillir les C & D et d’autres déchets inertes - du tri des déchets à la source - du paiement par le gouvernement de Rs 300 (env. 6 €) nommés «tipping fee » pour chaque tonne de déchets déviée des stations de transfert, donc de Mare Chicose. Ainsi ce système de « tipping fee » remis directement aux recycleurs serait un signe d’encouragement pour le tri à la source qui permettra de diriger les déchets inertes directement aux recycleurs et évitera le double transport, la manutention etc… De son côté, Gamma Materials a lancé également 3 projets innovants pour des études nationales avec la MRIC.

Généraliser l’utilisation des 3 R : Réduire, Réutiliser, Recycler Le premier projet nommé « Fast Track Innovations Initiatives » couvre la période mai 2021 - février 2022 et part du constat que : « Aujourd’hui, les prescripteurs comme les architectes, les organismes gouvernementaux, les chefs de projet, les banquiers et les utilisateurs finaux prescrivent l’utilisation de 3 R : Réduire, Réutiliser, Recycler dans les appels d’offres. Gamma Matérials a ainsi engagé une étude qui porte donc sur la caractérisation des déchets de construction et de démolition dans ses locaux, de l’établissement d’une cartographie des déversements illégaux dans toute l’île et la quantification des déchets inertes entre autres le C&D. Enfin l’étude proposera une ligne directrice bien conçue pour la gestion des déchets de C&D à toutes les parties prenantes. » dixit Mahen

De l’extraction de la matière première à la déconstruction des bâtiments, il est possible de donner plusieurs vies au béton. L’impulsion est donnée par l’engagement de Gamma Materials en lançant une série de recherches avec la MRIC et l’Université de Maurice qui vise à réutiliser l’intégralité des matériaux issus des bétons déconstruits et des chantiers en construction soit en tant que matériaux alternatifs comme le Crusher Run soit en tant que remblai. À terme, la réincorporation des composants déconstruits offre une économie des ressources naturelles en granulats et assure un véritable essor économique à la filière recyclage et contribue à la réduction d’émission de gaz à effet de serre. Conhyea. Le deuxième projet, nommée « Proof of concept » vise à démontrer que les déchets de construction et de démolition peuvent être recyclés pour produire des « Recycled Concrete Aggregates -RCA » et avec en première étape la fabrication d’un prototype et des essais grandeur nature. Ce matériau innovant sera fabriqué sur le site industriel de Gamma Materials Ltd avec des échantillons de matériaux issus du tri de déchets C&D collectés à la nouvelle déchetterie de La Chaumière et également en provenance d’autres chantiers comme celui de Metro Express. Les tests en laboratoire vérifieront comment les performances techniques peuvent répondre aux spécifications pour une utilisation en tant que « Crusher-Run » sur des travaux d’infrastructures publiques de la RDA (Road Devlopment Authority).

Une nouvelle fibre naturelle sur le marché local

des fibres synthétiques. Un projet engagé d’octobre 2021 à mars 2023. « Étant leader dans le béton durable, Gamma Materials a montré son intérêt pour explorer la possibilité d’utiliser des fibres végétales naturelles en remplacement des fibres synthétiques comme le polypropylène et le polyéthylène pour des applications semi-structurelles et non structurelles dans le béton », précise le docteur Conhyea. Cette proposition vise à atteindre les objectifs suivants : une utilisation efficace des déchets agricoles locaux à travers le concept d’économie circulaire, offrant des possibilités d’améliorer la résilience des agriculteurs aux effets du changement climatique, offrant des possibilités de récupérer les terres agricoles abandonnées, développer une solution d’ingénierie pour l’industrie de la construction. Gamma Materials Ltd souhaite mettre en avant une nouvelle fibre naturelle sur le marché local avec des recommandations techniques basées sur les travaux de recherche.

Enfin, le projet «Agro Waste Fibers» consiste en l’utilisation de fibres végétales naturelles écologiques en remplacement

Gamma Materials Ltd 1st Floor, Le Hub, Industrial Zone, Phoenix T: 601 6000 | M: 5500 9084 | www.gammamaterials.mu

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énergétique Tout sauf du vent !

A La Réunion, la programmation pluriannuelle de l’énergie fixe des objectifs ambitieux de réduction des énergies fossiles qui tracent la voie vers l’autonomie énergétique de l’île à l’horizon 2030. Si toutes les techniques peuvent être envisagées, l’urgence impose de se concentrer sur celles qui disposent des meilleurs gisements : la biomasse et le solaire essentiellement. 62 Le journal des archipels

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Par Olivier Pioch Photos ADEME

Le déploiement sur chaque toit de maison, avec une technique qui autorisera le stockage et l’autoconsommation, sera bientôt favorisé. Vers un nouveau programme d’aides et d’incitations ?


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GERRI (pour Green Energy Revolution in Reunion Island) s’est révélé n’être qu’une coquille vide. Qu’on se le dise : La Réunion n’est pas un « laboratoire » des nouvelles énergies ! C’est Jean-Pierre Chabriat qui le dit. Pour l’élu régional à la Transition énergétique, « notre île n’est pas un lieu d’expérimentations, mais un lieu où on agit ». Le conseiller régional sait de quoi il parle. Tout nouveau président de la SPL Horizon, cet enseignant-chercheur a longtemps dirigé ENERGY-lab, laboratoire d’énergétique, d’électronique et des procédés de l’Université de La Réunion. Pas tout à fait le profil d’un doux rêveur romantique. Alors, forcément, quand on l’interroge sur l’avenir du mix énergétique réunionnais, le naturel revient vite au galop. « Il ne s’agit pas de vendre du rêve, explique-t-il. Si on veut augmenter significativement la part des énergies renouvelables dans notre mix énergétique, il faut actionner des technologies qui sont matures et opérationnelles aujourd’hui. Le photovoltaïque, ça ne fait plus trop rêver mais ça fonctionne très bien. La biomasse combustible, c’est aussi un vrai sujet. Le reste, on peut en parler mais ça ne va pas nous faire franchir un cap à court terme. » L’histoire récente lui donne raison. Il y a encore une dizaine d’années, La Réunion lançait en fanfare son programme GERRI, « premier enfant du Grenelle de l’Environnement», selon le mot de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Ecologie.Véritable « révolution sociétale », GERRI (pour Green Energy Revolution in Reunion Island) devait faire de La Réunion « le premier territoire au monde où la totalité des déplacements se fera sans recours aux énergies fossiles ». Las ! Sans financement ni véritable projet de développement, ce n’était qu’une coquille vide.

Des véhicules électriques qui émettront plus de CO2 que les moteurs thermiques Le programme d’expérimentation de véhicules électriques, lancé à cette occasion, accouchera vite d’une souris. Dix-huit voitures électriques (sur les 50 prévues) seront finalement achetées par les collectivités locales en 2010 ; véhicules qui émettront plus de CO2 que les

moteurs thermiques puisque l’électricité réunionnaise est encore issue pour l’essentiel de ressources fossiles. Suffisant pour enterrer le projet. Même sanction pour le programme de recherche sur la géothermie, liquidé en même temps que le Tram-Train par Didier Robert, dès ses débuts à la tête de la Région. Et que dire des études sur les énergies marines ! Lancé en 2013 et soutenu par l’agence régionale énergie Réunion (ARER), ce programme de recherche et d’essais promettait monts et merveilles grâce à la force de la houle, l’énergie thermique des mers, la climatisation par l’eau des grandes profondeurs, les micro-algues marines, l’énergie osmotique… Un inventaire à la Prévert ! « On a mis des millions là-dessus et ça a fait un flop », reprend M. Chabriat, pour qui, décidemment, « il faut se concentrer sur les solutions qui ont fait leurs preuves». D’autant que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) impose désormais des solutions rapides. Issue de la loi sur la transition énergétique de 2015, la PPE précise les objectifs régionaux sur l’ensemble des usages (électricité, transport, chaleur et froid), avec un prochain palier à atteindre en 2023 et un autre en 2028. Côté transports, la PPE envisage de hisser la part modale des transports en commun à 11 % en 2023 (14 % en 2028), tout en abaissant de 10 % la consommation d’énergies fossiles par rapport à 2016 et en déployant 550 bornes de recharges publiques pour les véhicules électriques. Côté chaleur et froid, c’est un objectif de maîtrise de la demande électrique qui est visé. Grâce au déploiement du solaire thermique et l’optimisation énergétique (des bâtiments comme des appareils), il s’agit d’« économiser » 510 GWh consommés essentiellement par les chauffe-eau électriques et la clim. Reste que c’est surtout sur la production d’électricité que le bât blesse. A regarder les chiffres de près, on se rend compte que La Réunion plafonne à 30 % ou 35 % d’énergies renouvelables dans son mix électrique. Or, la PPE envisage d’atteindre 69 % dès 2023. C’est encore tout le contraire aujourd’hui. « Le charbon et le fioul représentent 69 % de l’électricité produite à La Réunion,

confirme Sophie Pouthier, ingénieure énergies renouvelables (ENR) à l’Ademe. La part des ENR est finalement très faible. Elle vient essentiellement du photovoltaïque, de la bagasse utilisée en combustion dans les centrales thermiques, et de l’hydraulique, qui permet surtout d’absorber les pics de consommation à certaines heures de la journée. Tout le reste, éolien, biogaz, bioéthanol…, représente une part infinitésimale.»

Dès 2023, 100 % de l’électricité produite à La Réunion le sera avec des énergies renouvelables Tout le monde est donc d’accord pour développer les solutions qui marchent. Et là-dessus, M. Chabriat a des annonces à faire. « Dès 2023, 100 % de l’électricité produite à La Réunion le sera avec des énergies renouvelables. Le charbon et le fioul utilisés dans les deux centrales thermiques du Gol et de Bois Rouge seront remplacés par des granulés de bois et du biofioul liquide à base de colza. » Ces biocombustibles seront importés d’Europe, d’Amérique du Nord ou d’Afrique de l’Est. Aux esprits chagrins qui s’en émeuvent, l’élu répond encore une fois franchement : « C’est la meilleure solution immédiate pour décarboner les usines locales ! Le charbon et le fioul sont aussi importés. » La règlementation européenne impose en effet d’aller vite sur cette question. Et pour assurer la sécurité du réseau électrique, il est pour l’heure impossible de compter uniquement sur des ressources locales. « Cette biomasse doit avoir une certification européenne de gestion durable des forêts avec une vraie traçabilité, détaille Sophie Pouthier. On ne va pas piller des forêts en Namibie, en Afrique du Sud ou à Madagascar. Quant aux solutions locales, elles sont réduites pour le moment par manque de structuration de la filière. » Le cryptomeria pourrait-il être utilisé ? « Avec parcimonie, mais uniquement les résidus de coupe. Il a surtout vocation à servir de bois d’œuvre

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pour la construction ou la menuiserie. Couper des forêts entières serait une aberration écologique. » Le Cirad et l’ONF, avec Albioma, mènent actuellement des essais dans les Hauts de l’ouest sur l’acacia, une peste végétale. Mais il faudra du temps avant de créer une filière locale de bois-énergie. Et le temps, c’est précisément ce qui manque. Ce sera donc, pour commencer, du bois américain et du colza européen. Quid de la pollution générée par cette combustion ? « Tout bien considéré, l’opération est bien moins polluante que la situation actuelle, reprend Mme Pouthier. Les procédés d’extraction minière du charbon sont très nocifs et la ressource n’est pas inépuisable. A contrario, quand on brûle du bois issu de forêts tracées et gérées durablement, cela génère moins de gaz à effet de serre et on compense pour partie en replantant de nouvelles forêts.» CQFD.

Eolien offshore, géothermie, SWAC et biogaz : des technologies qui fonctionnent Au-delà de l’urgence, La Réunion n’entend pas mettre fin à son ambition d’autonomie énergétique. L’objectif 2030 apparaît de plus en plus hypothétique, en particulier sur la question des transports, qui nécessitent d’être décarbonés. Mais la voie est tracée. Et il est encore permis de rêver. « Pour après-demain, on n’a pas abandonné l’idée de développer de l’éolien offshore, abonde M. Chabriat. La technologie est mature et commence à être rentable. Pareil pour la géothermie ; ce n’est plus de l’innovation, ça fonctionne. La problématique est de trouver la source thermale utilisable en sous-sol.» En attendant, ce sont donc des solutions plus ou moins « classiques » qui sont développées. Et les projets pleuvent aux quatre coins de l’île. La technologie SWAC (sea water air conditioning) a longtemps été envisagée sur le littoral urbain de Saint-Denis et Sainte-Marie. La société Climabyss, filiale d’Engie, devait s’en charger. C’est finalement dans le sud, au CHU de 64 Le journal des archipels

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Le charbon et le fioul utilisés dans les deux centrales thermiques du Gol et de Bois Rouge seront remplacés par des granulés de bois et du biofioul liquide à base de colza. Saint-Pierre, qu’elle va prioritairement se déployer avec le concours d’EDF. Les travaux viennent de démarrer. Dans quelques temps, l’hôpital sera entièrement climatisé par de l’eau de mer pompée en grande profondeur. A quelques encablures, l’unité de valorisation énergétique de Pierrefonds, en cours de construction, devrait générer à terme 17 MW de puissance électrique grâce à l’incinération de combustibles solides de récupération issus des déchets non recyclables. Une unité de méthanisation des biodéchets y sera aussi adossée. La communauté d’agglomérations du Sud (CASUD) vient également de lancer une étude de faisabilité pour transformer les effluents d’élevage en biogaz avec la même technique : 4 000 foyers pourraient ainsi être alimentés en électricité. Dans l’Est, les deux parcs éoliens de Sainte-Suzanne et Sainte-Rose vont bénéficier d’un « repowering » qui permettra d’augmenter drastiquement leur efficacité. Grâce à un simple changement de technologie, la part du vent dans le mix énergétique passera de 0,4 % aujourd’hui à 4 % en 2028 !

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Mais c’est surtout sur le solaire, la ressource inépuisable la plus facilement exploitable, que la Région concentre ses efforts. C’est donc un véritable « plan solaire » qu’elle vient de relancer. L’objectif affiché dans la PPE est de porter de 35 % à 45 % le seuil de déconnexion des installations de production intermittentes (éoliennes et centrales photovoltaïques) dont toute l’électricité n’est pas utilisée par manque de stockage ou de demande immédiate. Pour y parvenir, la puissance instantanée injectée dans le réseau sera portée de 200 MW aujourd’hui à 500 MW à l’horizon 2028. La part de l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques passera ainsi de 9 % à 18 % dans le mix énergétique. « Au-delà des centrales au sol et des panneaux installés sur les toitures des bâtiments publics, nous allons favoriser leur déploiement sur chaque toit de maison, avec une technique qui autorisera le stockage et l’autoconsommation », annonce M. Chabriat. L’occasion, peut-être, d’un nouveau programme d’aides et d’incitations.


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A La Réunion comme partout en France, toute l’ingénierie du réseau électrique est basée sur la distribution instantanée. En clair, l’électricité produite est injectée à la demande dans le réseau, sans être stockée. Par Olivier Pioch

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Batteries ou hydrogène ? Stockage ! Ô désespoir !

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Faire passer de l’hydrogène dans une pile à combustible pour obtenir de l’électricité : une machinerie innovante et imposante !

L’électricité produite à partir d’énergies renouvelables (solaire et éolien, essentiellement) est réputée intermittente car soumise aux caprices de la météo. Afin d’éviter les coupures intempestives, elle ne dispose que d’un accès limité au réseau. Tout l’enjeu consiste donc à la stocker quand le robinet est fermé, pour pouvoir la réinjecter quand il est ouvert. Plusieurs techniques de stockage existent, mais deux en particulier tiennent la corde 66 Le journal des archipels

aujourd’hui : le stockage classique sur batterie (Lithium-ion ou NaS) et le stockage sous forme d’hydrogène. C’est ce dernier qui pourrait être privilégié à l’avenir à La Réunion. La présidente de Région, Huguette Bello, a proposé récemment d’inscrire le territoire dans le Plan Hydrogène français et européen. Une commission locale d’expertise sera réunie l’an prochain pour tracer des pistes de développement dans l’île.

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Pile à combustible : simple sur le papier, plus compliqué dans la réalité Côté technique, le procédé consiste à produire de l’électricité à partir de sources renouvelables, comme les panneaux photovoltaïques, puis à l’injecter dans un électrolyseur pour


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La présidente de Région, Huguette Bello, a proposé récemment d’inscrire le territoire dans le Plan Hydrogène français et européen la transformer en hydrogène stockable dans un réservoir. A l’inverse, pour avoir à nouveau de l’électricité, il suffit de faire passer l’hydrogène dans une pile à combustible. Simple sur le papier, plus compliqué dans la réalité. Une expérimentation grandeur nature a déjà eu lieu en 2017 dans le cirque de Mafate, plus précisément à La Nouvelle, où un micro-réseau a été créé entre le dispensaire, l’école, le logement de l’institutrice et un atelier de l’ONF. Le retour d’expérience est… mitigé.

« C’était très innovant à l’époque et ça a globalement bien fonctionné, explique Aurélien Ouellette, chef de service adjoint systèmes électriques chez EDF. La technologie a clairement des avantages. Mais elle suppose aussi beaucoup de contraintes en maintenance et donc en coût d’exploitation. » De fait, la machinerie est lourde puisqu’elle suppose une batterie-tampon, un électrolyseur, une pile à combustible et un réservoir de stockage. « Le principal enjeu est maintenant

d’industrialiser et rendre plus robustes ces installations, reprend M. Ouellette. Làdessus, on apprend en marchant. Mais une chose est claire, ça n’est rentable que sur des gros volumes et sur du temps long. S’il s’agit de stocker de l’électricité à midi pour la réinjecter dans le réseau le soir, la batterie au lithium est clairement plus efficace et moins coûteuse. » Avec un bémol tout de même : les nuisances causées par une batterie en fin de vie ! L’avenir dira si la technologie à l’hydrogène est viable à La Réunion.

« L’eau est le charbon de l’avenir ».

En 1875 Jules Verne annonçait déjà le potentiel de l’hydrogène comme source inépuisable d’énergie. Un siècle et demi plus tard, après que l’Humanité se brulât les doigts dans les incendies de gaz, pétrole et charbon, le roman visionnaire est plus que jamais d’actualité. « Oui, mes amis, je crois que l’eau sera un jour employée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène, qui la constituent, utilisés isolément ou simultanément, fourniront une source de chaleur et de lumière inépuisables et d’une intensité que la houille ne saurait avoir. Un jour, les soutes des steamers et les tenders des locomotives, au lieu de charbon, seront chargés de ces deux gaz comprimés, qui brûleront dans les foyers avec une énorme puissance calorifique. Ainsi donc, rien à craindre. Tant que cette terre sera habitée, elle fournira aux besoins de ses habitants, et ils ne manqueront jamais ni de lumière ni de chaleur, pas plus qu’ils ne manqueront des productions des règnes végétal, minéral ou animal. Je crois donc que lorsque les gisements de houille seront épuisés, on chauffera et on se chauffera avec de l’eau. L’eau est le charbon de l’avenir ». L’île mystérieuse, page 318. Extraits

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Par notre correspondant permanent, Liva Rakotondrasata

Industrie photovoltaïque Une carte à jouer pour Madagascar et son silicium ? Quand on évoque les panneaux photovoltaïques actuellement commercialisés ou des travaux de recherche préfigurant la nouvelle génération de cellules solaires, la silice (ou dioxyde de silicium SiO2) représente toujours le matériau de base incontournable pour les produire. On l’extrait de différents minéraux dont la principale forme naturelle est le quartz. 68 Le journal des archipels

Centrale solaire portative développée par Filatex et Akuo dans la région de Tulear.

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Figurant parmi les principaux producteurs de quartz, duquel on extrait la silice pour produire les panneaux photovoltaïques nécessaires à l’énergie solaire, Madagascar semble posséder une carte maîtresse pour se positionner stratégiquement sur l’échiquier de l’industrie de l’énergie solaire d’aujourd’hui et de demain.

Ce dernier est un minéral du groupe des silicates, sous-groupe des tectosilicates, composé de dioxyde de silicium de formule SiO2. Il se présente soit sous la forme de grands cristaux incolores, colorés ou fumés, soit sous la forme de cristaux microscopiques d’aspect translucide. A savoir que c’est la silice qui permet d’ouvrir le spectre absorption de la lumière et ainsi maximiser la

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collecte d’électrons, avec à la clé une augmentation de rendement. Aujourd’hui, sur le marché, les centrales photovoltaïques affichant des rendements autour de 20 % sont principalement fabriquées avec du silicium sous sa forme polycrystalline. Pour des performances plus accentuées, les cellules sont alors majoritairement conçues à base de silicium monocristallin associé à la technologie PERC (Passivated Emitter and Rear Contact). Celle-ci consiste à réduire la surface en aluminium sur la face arrière, suite au développement d’une technologie plus ancienne appelée Al-BSF (Aluminum Back Surface Field). Produit sous forme de lingot quasiment pur, le silicium est découpé en fines tranches, appelées wafers, qui sont traitées pour obtenir une face positive et une face négative afin d’en faire des cellules photovoltaïques. Si la silice est largement disponible et peu chère, c’est sa transformation en silicium, puis la découpe et le traitement chimique des


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Le polysilicium, matière première des panneaux solaires, pourrait être produit avec le quartz malgache, abondant dans l’île.

wafers qui coûtent cher. Et c’est là que se trouve l’opportunité pour Madagascar de développer ce créneau dans le cadre de sa politique d’industrialisation.

Le Brésil et Madagascar ont les meilleures chances de sortir leur épingle du jeu Pour produire 1 tonne de silicium, il faut 2,9 tonnes de quartz. En 2021, on estime la production mondiale à 3 millions de tonnes par 23 pays producteurs de par le monde ; mais on estime que les deux fournisseurs de quartz cristal que sont le Brésil et Madagascar ont les meilleures chances de sortir leur épingle du jeu car la qualité de leur produit est supérieure. Selon l’Agence Internationale de l’Energie,

le solaire photovoltaïque misant sur le silicium (extrait du quartz) jouerait un rôle de premier plan, en fournissant au moins le tiers de la production mondiale d’électricité en 2050. Le solaire photovoltaïque passerait ainsi d’une production mondiale de 820 TWh en 2020 à 23 500 TWh dans 30 ans, c’està-dire presque autant que la production annuelle totale d’électricité aujourd’hui (27 000 TWh). Au Brésil, des firmes industrielles ont déjà bien poussé leurs pions à l’instar du groupe RIMA devenu l’un des leaders nationaux dans la production de silicium, utilisé majoritairement dans la fabrication de panneaux solaires. Le groupe est actuellement accompagné par le fonds français Proparco dans son projet d’augmentation de ses capacités de production (et dans la mise en place de filtres destinés à réduire les émissions atmosphériques). A Madagascar, on est encore au stade des projets comme celui de construire une unité industrielle de production de panneaux solaires dans la région de Fianarantsoa. Un projet qui, selon une source bien établie, figure dans le programme présidentiel « Plan Emergence Madagascar » (PEM). On sait en outre que les acteurs de premier plan dans le domaine de l’assemblage et de l’installation des équipements solaires ne sont pas contre une initiative visant à produire du polysilicium sur place. Le partenariat entre le groupe malgache Filatex et le français Akuo dans l’installation à Madagascar des unités solaires mobiles et portatives, « Solar GEM », a par exemple affirmé qu’après le bouclage de son projet pilote (2,9 MW et 6 millions d’euros d’investissement), la

prochaine phase est de donner une dimension industrielle et plus intégrée au programme.

Madagascar exportait dans les années 1980 jusqu’à 2000 tonnes de quartz par an Selon le service géologique national français (BRGM), les régions de Mananara – Rantabe (au nord de Foulepointe) et à l’ouest d’Antsirabe sont les zones où l’on trouve les plus importantes réserves de silicium contenu dans le quartz. D’autres gisements d’une envergure moindre sont identifiés à Vohémar où l’exploitation du quartz se fait toujours par ramassage et petites fouilles à partir de gîtes éluviaux et alluviaux. Les régions de l’Ihorombe (à l’ouest d’Ihosy et à Tsivory) et Tsiroanomandidy peuvent également révéler des réserves conséquentes. Selon les statistiques officielles, Madagascar exportait dans les années 1980 entre 1800 et 2000 tonnes de quartz par an. Ce chiffre a nettement baissé depuis pour ne tourner aujourd’hui qu’autour de 630 tonnes, ce qui ne représente que 0,09% des produits miniers écoulés par l’île sur le marché international. Le potentiel est donc toujours là et attend, comme pour beaucoup d’autres secteurs à Madagascar, la mise en place d’une organisation fiable et pérenne.

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Le quartz malgache, au même titre que celui du Brésil, est de qualité supérieure.

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Parmi les participants au forum : ABC Contracting, Africa GreenTec, Ademe, Anka Madagascar, Asantys Systems, Atmosfair, BAE Batterien, Benoo, Enersol, Faber, Gommyr Power, NRECA International, Phaesun, Rutten NES, Solar23, Studer Innotec, Tanatech, Upya, Voltalia et Zimpertec.

Pour 2023, Madagascar ambitionne d’utiliser 50 % d’hydroélectricité et 39 % de solaire. Ici un petit projet hydroélectrique rural réalisé avec l’Ader.

sur la grande île pour présenter aux investisseurs ses potentiels en énergies renouvelables ainsi que les possibilités pour contribuer à l’atténuation du changement climatique.

120 millions USD de projets potentiels

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Electrification rurale Retour sur le forum à Madagascar

Le Système des Nations Unies à Madagascar, en partenariat avec l’organisme allemand GIZ, a initié des assises intitulées «Forum de l’Électrification Rurale à Madagascar» (FERM), dans l’optique de promouvoir les investissements dans le sous-secteur de l’électrification rurale à partir d’énergies renouvelables à Madagascar. L’événement, dont l’organisation a été confiée à l’Alliance pour l’Électrification Rurale (ARE ou The Alliance for Rural Electrification) à fait participer des fonds d’investissement et a offert l’opportunité à des opérateurs nationaux d’échanger avec eux. Plus de 300 participants ont ainsi été enregistrés durant les deux jours d’échange (20 et 21 octobre derniers). Le forum s’adressait prioritairement au secteur privé et aux porteurs de projets désireux de travailler dans le secteur des énergies renouvelables décentralisées à 70 Le journal des archipels

Madagascar, ainsi qu’aux potentielles sociétés d’investissement intéressées d’investir dans le pays. Mais toutes les parties prenantes du secteur de l’énergie renouvelable décentralisée (ERD), ont pris part à la rencontre. Ce Forum a permis de mieux connaître les principaux instruments financiers disponibles pour des projets ERD à Madagascar. Christoph Feldkötter, directeur résident du GIZ Madagascar, a déclaré que c’est la première fois qu’une telle opportunité se présentait

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Le Forum a donné la possibilité d’organiser 150 séances de jumelage virtuel, permettant aux investisseurs, aux fournisseurs de technologies et aux développeurs de projets d’acter des projets communs. Selon un cadre de l’EDBM (l’Economic Development Board of Madagascar), on peut évaluer à plus de 120 millions de dollars américains la valeur globale des projets qui ont été discutés notamment durant les séances de réseautage. L’heure est désormais à leur concrétisation car il ne sera pas facile pour Madagascar de réaliser son objectif de permettre l’accès à l’électricité pour 60 % de la population d’ici à 2030. Selon les chiffres les plus récents, le taux d’accès à l’électricité en brousse était de 13,17 % à la fin de l’année 2020. Au total, le pays a pu installer une puissance globale de 15 mégawatts l’année dernière. L’hydroélectricité développée en format «mini réseau» représente 20 % de l’ensemble, le solaire 17 % et le reste utilise d’autres technologies comme le thermique. Pour 2023, Madagascar ambitionne d’utiliser 50 % d’hydroélectricité et 39 % de solaire. Selon le ministère de l’Energie, les investisseurs sont appelés à accompagner les opérateurs locaux pour développer des projets à l’échelle régionale à travers le mode d’électrification dit “système individuel” ou “communautaire” qui consiste à miser sur les kits solaires ou des kiosques d’énergies. Il y a également l’extension des réseaux existants, notamment d’Antananarivo, de Toamasina et de Fianarantsoa où la compagnie nationale d’électricité Jirama dispose d’équipements, vers les zones rurales. Selon les estimations, une trentaine d’opérateurs opèrent déjà sur ce créneau mais ont besoin de financements conséquents pour pouvoir élargir leur empreinte géographique.


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Hasnaine Yavarhoussen, directeur général délégué de Groupe Filatex et fondateur du fonds Yavarhoussen.

Deux centrales solaires ont été inaugurées et trois autres mises en service en pleine pandémie. Ici une centrale à Tamatave.

Hasnaine Yavarhoussen

« L’essor des énergies renouvelables fait aujourd’hui partie de nos axes de développement principaux »

Filatex figure parmi les entreprises d’envergure opérant à Madagascar qui ont choisi par anticipation le virage de l’énergie verte. A travers cet entretien exclusif, Le Journal des Archipels apporte des éclairages sur les enjeux actuels et à venir de ce secteur en pleine expansion, sur les projets malgaches et africains du groupe qui applique une politique RSE axée sur l’innovation. Propos recueillis par Liva Rakotondrasata

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Le Journal des Archipels : Vous avez un objectif de 205 MW en développement et commissionnés d’ici 2022 dans le solaire*. Comment évolue le projet dans le contexte actuel ? Hasnaine Yavarhoussen : Tout d’abord, je tiens à rappeler que Madagascar a un énorme potentiel en énergie solaire, estimé à 2 000 kWh/ m²/an grâce aux 2 800 heures d’ensoleillement annuel dont il bénéficie. Ce potentiel n’est donc pas encore exploité de manière optimale et chez Groupe Filatex, nous œuvrons justement pour y remédier. Le développement de l’énergie solaire, c’est également une production d’énergie à des coûts moins élevés, donc bénéfique pour le pays et la population. Ainsi, l’essor des énergies renouvelables, et particulièrement du solaire, fait aujourd’hui partie de nos axes de développement principaux. Pour le développement de notre groupe, mais aussi et surtout pour le développement durable de Madagascar. La Covid-19


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Madagascar a un énorme potentiel en énergie solaire, estimé à 2 000 kWh/m²/an grâce aux 2 800 heures d’ensoleillement annuel.

des centrales de production d’énergie renouvelable sur le continent, notamment en Côte d’Ivoire. Le contexte de la Covid-19 a certes légèrement ralenti notre expansion en Afrique et même en Europe, mais nous sommes convaincus que les années à venir restent prometteuses au vu de nos ambitions panafricaines, et aussi du potentiel immense du continent.

Nous pensons que la santé, l’éducation et l’environnement sont les trois piliers pour construire un avenir meilleur

a impacté nos projets, comme pour un grand nombre d’industries dans le monde. Toutefois, nous avons inauguré deux centrales solaires et mis en service trois d’entre elles en pleine pandémie. Ce sont des victoires que nous célébrons, car malgré tout, nous avançons. Nous rencontrons néanmoins quelques ralentissements, mais nous œuvrons et travaillons d’arrache-pied, avec le soutien de l’État, pour que ces objectifs soient atteints d’ici 2023.

JDA : Vous êtes présent à Madagascar mais aussi dans d’autres pays africains comme la Guinée et la Côte d’Ivoire. Comment envisagez-vous votre expansion continentale ? HY : Nous le savons tous, l’Afrique est pleine de ressources. Les énergies renouvelables sont l’une des clés pour le développement du continent africain. Mais ce n’est pas tout, les énergies renouvelables sont essentielles pour l’avenir de notre planète. Ainsi, nous développons

JDA : Groupe Filatex a-t-il des projets d’envergure misant sur d’autres sources d’énergie verte ou se limitera t’il au solaire ? HY : Oui, nous sommes actuellement en train de développer des projets de centrales hydroélectriques dans quelques villes moyennes du pays, visant un total de production de plus de 50MW. Par ailleurs, une centrale éolienne est en cours de développement dans le nord de l’Ile, à Diego. Ces projets sont mis en œuvre, toujours dans l’optique d’œuvrer pour un avenir plus vert. JDA : Pourrait-on connaitre les investissements prévus par votre groupe dans l’énergie à court et moyen terme et quels sont les créneaux prioritaires ? HY : Nous mettons aujourd’hui en place des partenariats stratégiques, qui nous permettent d’apporter le meilleur non seulement en termes d’expertise, mais également d’un point de vue matériel et technique. Notre but est de contribuer au développement de Madagascar, notamment avec l’amélioration du taux d’électrification de l’île. Ainsi, nous avons récemment investi pour améliorer notre technologie afin de pouvoir « stocker » l’énergie solaire, pour que celle-ci puisse être exploitée de manière efficace. Vous en saurez sûrement un peu plus très prochainement.

JDA : Pratiquement toutes les grandes entreprises ont aujourd’hui une stratégie RSE. Qu’est-ce qui vous différencie des autres dans ce domaine ? HY : Chez Groupe Filatex, il y a trois axes sur lesquels nous concentrons nos efforts : la santé, l’éducation et l’environnement. Nous pensons que ce sont les trois piliers pour construire un avenir meilleur pour notre Grande Ile. Dans les quartiers et les villes où nos projets sont implantés, nous avons réellement à cœur d’y construire « la vie », en rénovant des écoles, en y implantant des centres de santé, en y aménageant des espaces verts et en y améliorant la sécurité grâce à des dons de lampadaires par exemple… Concernant l’éducation, nous ne nous contentons pas de construire ou de rénover des écoles, mais nous avons à cœur d’accompagner ces jeunes dans leurs études. C’est pourquoi, en 2021, nous avons offert 20 bourses d’études à des écoliers méritants des Ecoles Primaires Publiques, afin qu’ils puissent poursuivre leur parcours au collège et au Lycée. Par ailleurs, j’ai créé le Fonds Yavarhoussen il y a quelques années pour promouvoir le talent des jeunes malagasy. En 2020, le Fonds Yavarhoussen a également ouvert Hakanto Contemporary, un lieu d’expression dédié aux artistes, afin qu’ils puissent vivre de leur art, et en faire profiter leurs contemporains. Dans cette même lignée, il y a quelques semaines, la Bourse Yavarhoussen dont le but est de stimuler la recherche sur l’histoire de l’Art et la culture à Madagascar durant les deux derniers siècles, a été octroyée à Tsiriniaina Hajatiana Irimboangy, jeune étudiant dont les recherches porteront sur le sujet « Le lamba, du vêtement traditionnel symbolique au vêtement manufacturier industriel ». En bref, Madagascar a un potentiel humain et naturel immense ! Et à travers nos actions, nous souhaitons voir briller la Grande Ile à l’international. *Précision : «en développement» signifie que Filatex porte le projet. « Commissionné » signifie qu’une opération est basée sur un contrat d’achat d’énergie (avec la Jirama par exemple).

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« La promotion des énergies renouvelables reste l’un des moteurs de la lutte contre les changements climatiques, c’est dans ce contexte que mon pays a entrepris une initiative de développement de la géothermie et du photovoltaïque avec l’objectif final de couvrir plus de 50% de la demande nationale en électricité ». Lors de son discours à l’occasion de la COP26 à Glasgow le 2 novembre dernier, le Président Azali a affiché un objectif très ambitieux, sachant que la production électrique aux Comores est essentiellement d’origine thermique, reposant sur l’utilisation d’hydrocarbures. Par Benoît Barral

Qui dit hydrocarbures dit énergie coûteuse, non renouvelable, émettrice de CO2 et qui n’est de toute façon pas suffisante pour alimenter le pays, où les coupures d’électricité sont fréquentes, surtout en cas de pénuries de carburant : on est bien loin de la notion de sustainability. Les Émirats Arabes Unis avaient offert 18 MW de groupes électrogènes au pays, ce qui ne constitue pas une solution de long terme car cela accroit la dépendance aux importations de carburant, et affecte encore davantage la balance commerciale. Le gazole coûte environ 1€ le litre et produit 10 kWh d’énergie primaire, et comme le rendement des groupes électrogènes n’est que de 30%, ils brûlent ainsi un million d’euros de gazole pour une production de 3 GWh. Pourtant, grâce à un excellent ensoleillement (1 800 heures par an), les conditions aux Comores sont idéales pour une production d’énergie solaire conséquente. Ainsi a été inauguré 74 Le journal des archipels

en décembre 2020 un parc solaire au sud-est de l’île de Ngazidja (Grande Comore), sur la commune de Foumboni : c’est la société française InnoVent, active dans onze pays africains, qui a développé l’installation d’une puissance de 3 MW.

Une deuxième centrale solaire prévue à Mitsamiouli Disposant de trackers (les panneaux suivent le soleil) et d’un dispositif de batteries Tesla qui stockent l’électricité produite en journée (lorsque celleci est supérieure à la demande), elle permet de la réinjecter dans le réseau au moment des pics de consommation, après le coucher du soleil. D’après Innovent, cette centrale dite du Dahu produit «environ 8 500 000 kWh par an, permettant aux Comoriens de réaliser une économie de 2 800 000

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Transition vers le solaire en Grâce à un excellent ensoleillement (1 800 heures par an), les conditions aux Comores sont idéales pour une production d’énergie solaire conséquente. Ici le parc du Dahu à Foumbouni. litres de gasoil», à la satisfaction du gouvernement comorien : c’est bien en ligne avec son engagement «d’éclairer le pays» tout en réduisant la charge financière de l’achat d’hydrocarbures et en stabilisant le réseau national géré par Sonelec. En conséquence, par «un avenant au contrat initial» (d’après un diplomate européen), l’ancien Ministre de l’Économie a autorisé la construction d’une deuxième centrale, aux mêmes caractéristiques que la première, située cette fois à Mitsamiouli, au nord de l’île de Ngazidja. La mise en service est prévue à l’été 2022, sur un terrain volcanique de 10 hectares, dont une partie est occupée par une décharge à ciel ouvert, à savoir des terres impropres à tout usage agricole et qui devront être au préalable dépolluées. Ce projet a aussi le soutien des pouvoirs publics locaux, et bénéficiera d’un contrat d’achat de l’électricité produite pendant 26 ans... malgré «certains blocages politiques» au niveau national, d’après le même diplomate européen. En conséquence de quoi le contrat de Mitsamiouli est toujours «en cours de négociation avec la Sonelec, mais sa publication est prévue pour bientôt», d’après Nahida Houssein, cheffe de projet pour Innovent aux Comores. Ces blocages devront ainsi être dépassés afin d’honorer les déclarations du Président Azali lors de la COP26 : «Mon pays s’est engagé dans une campagne de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030».


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Sur notre édition du mois d’octobre dernier, nous présentions « comment replanter une forêt primaire » en vallée de Ferney. C’est sur ce même site que l’incubateur à projets verts est développé. Arnaud Berthelot, directeur général de La Vallée de Ferney et Xavier Koenig, CSR officer chez Ciel Group, ont déjà préparé le terrain. Ils sont aidés par des équipes passionnées comme mesdames Bebby et Debby qui veillent sur environ 16000 plantes qui ont germé ou qui ont été amenées dans la nursery depuis la forêt où elles seront réintroduites plus tard.

Incubateur à projets verts

« Positionner Maurice sur la carte mondiale de l’innovation » Cette phrase, prononcée par Delphine Lagesse, que nous avions rencontrée avant le lancement officiel de cet incubateur début décembre, résume la dimension de ce projet qui devrait « katapulter » Maurice sur la carte mondiale de l’innovation green hitech. C’est en effet le cabinet Katapult qui lance l’accélérateur «Katapult Mauritius» à Ferney Agri-Hub en partenariat avec les groupes CIEL, IBL, Currimjee et MCB. 76 Le journal des archipels

De gauche à droite : Thomas Berman (Katapult Group), Jean-Marc Rivet (Ferney/Ciel), Delphine Lagesse (IBL), Azim Currimjee (Currimjee Group) Comme nous l’annoncions en exclusivité sur notre première édition du Journal des Archipels en mai dernier, le Ferney Agri Hub, s’est rapproché depuis 2019 du cabinet norvégien Katapult en vue de mettre en place un incubateur de projets ici. Cet incubateur est désormais opérationnel. Katapult* s’est rapidement fait un nom dans ce domaine très pointu: « il s’agit globalement de produire de nouveaux modèles agricoles par la régénération des terres et des process de

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L’accélérateur Katapult Mauritius est un écosystème à impact qui utilisera Maurice comme tremplin pour accéder aux marchés africains. production. En bref, mettre la technologie au service de l’agriculture et de l’alimentaire. » dixit notre interlocutrice. Une mission dédiée à Katapult Mauritius, nom donné à ce programme d’accélérateur à impact axé sur l’agriculture régénérative pour les startups régionales et internationales ciblant les marchés africains. Cet accélérateur fait partie d’un plan plus large visant à renforcer Maurice en tant que hub pour l’innovation et la transformation durable avec, in fine, la duplication de certains projets sur le continent africain.

« Maurice peut devenir un exemple mondial de la transformation durable » Le programme « Katapult Mauritius » va accélérer et investir dans une dizaine de startups régionales et internationales. Pour cette phase de démarrage, 1,5 million d’euros ont été investis. Ces startups bénéficieront du réseau de Katapult et des partenaires mauriciens, se connecteront à l’écosystème d’innovation local pour tester leurs projets et utiliseront Maurice comme tremplin pour accéder aux marchés africains. Les représentants de ces startups vivront et travailleront sur l’île pendant le programme de trois mois et seront connectés à plus de 150 mentors nationaux et internationaux. Un espace de coworking et un laboratoire seront mis en place pour l’accélérateur à l’Agri-Hub de Ferney (sud-est de l’île Maurice). Pour Thomas Berman, directeur de Katapult Mauritius : « Maurice est un pays qui peut devenir un véritable exemple mondial de la transformation durable. Une partie de cette transformation consistera à renforcer Maurice en tant que site d’essai et relais pour les startups régionales et internationales qui développent des solutions pouvant stimuler un changement régénératif dans nos systèmes alimentaires ». A propos de Katapult *Katapult est une société d’investissement, axée sur les startups en haute technologies, à impact évolutif qui compte dans son portefeuille 138 entreprises réparties dans 35 pays.


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Regeneration Mauritius est l’exemple même de l’agritech : les mains dans la terre, la tête dans l’écran pour partager les expériences. gens peuvent louer tout en profitant des infrastructures et à condition de ne pas utiliser de pesticides chimiques… » Pour l’heure le projet n’en est qu’à ses débuts et le couple est en phase de tests, il prend son temps car ils ont acheté ce lopin de terre et n’ont pas « la pression des banques » pour reprendre les termes de Nathalie. Leur terrain jouxte celui de Farm City, autre modèle agricole 2.0 où les nouvelles technologies organisent un original système de production circulaire que nous vous présenterons sur la prochaine édition. En tous cas l’idée de Regeneration Mauritius est née dans la foulée tant « beaucoup de gens ont manifesté leur intérêt à en savoir plus sur l’agroforesterie et, en particulier, sur la manière dont ce système d’utilisation des terres peut être mis en œuvre à Maurice.» Regeneration Mauritius, créée en juillet dernier, vise à alimenter cet intérêt en organisant des débats autour de l’Agroforesterie.

Cette question venait en préambule du second webinar organisé par Regeneration Mauritius, un think tank (ou laboratoire d’idées) visant à engager une réflexion collective sur notre système alimentaire. Nathalie Venis et Jean Randabelle sont sur le terrain dès 5h du matin, avant de reprendre leur vie « normale » plus tard dans la journée.

© Photo J.Rombi

Agroforesterie pouvons-nous créer des actions collectives ?

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Tout comme pour le projet d’incubateur en Vallée de Ferney, à lire dans l’article juste en vis-à-vis, c’est Thomas Berman du cabinet Katapult qui conseille ce think tank. Bien que les projets n’ont rien à voir officiellement. C’est Nathalie Venis qui est l’instigatrice de ce think tank. Cette Réunionnaise de naissance a grandi et travaillé l’essentiel de sa vie aux Pays-Bas dans le secteur du pétrole et du gaz. Ce n’est qu’en 2020 (la crise Covid aura finalement permis de belles initiatives) qu’elle fait son introspection et décide de se mettre à la terre pour « mieux coller à mes valeurs » précise t’elle. En tous cas, la fille de Bellemène (hauts de Saint Paul à La Réunion) exploite désormais un peu plus d’un arpent de terres (un demi hectare NDLR) avec son compagnon mauricien Jean Randabelle du côté de Solitude dans le nord de l’île. Un terrain expérimental, sorte de laboratoire issu du think tank : « aux Pays-Bas, les jardins communautaires

sont très répandus et l’idée ici est de développer un modèle un peu similaire. Notre société « Just Natural », met à disposition des petits lopins de terres que les

Regeneration Mauritius est tournée vers l’action En bref, il s’agit de réunir les bonnes personnes autour de la table, celles qui ont un projet et celles qui ont l’expertise nécessaire, pour ensuite travailler à la réalisation de projets viables et à leur financement. Un premier atelier sur l’agroforesterie a eu lieu le 14 octobre où les participants, à travers les présentations de divers conférenciers invités, ont appris ce qu’est l’agroforesterie, le potentiel et les avantages que ce système d’utilisation des terres peut offrir. L’atelier s’est terminé par une discussion en sous-commission autour de 2 questions : Que faudra-t-il pour que l’agroforesterie réussisse / ait un impact réel ? Quels types de projets pilotes / expérimentations aimerions-nous voir sortir en 2022 ? Et en 2026 ? Le deuxième atelier qui a eu lieu le 2 décembre, a permis d’aller plus loin dans la réflexion grâce à des interventions d’experts et les présentations de trois projets. Plus d’informations sur : (230) 5721 3936 www.regeneration.mu

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« Nous sommes convaincus que c’est un devoir pour les entreprises de trouver un équilibre entre la performance financière, la performance environnementale et la performance sociale », avance Eric Adam, directeur général de Sofap.

Sofap, l’entreprise connue principalement pour représenter et produire de la peinture de la marque Permoglaze à Maurice, a entamé depuis un peu plus de deux ans une transformation en profondeur. Son objectif : promouvoir le développement durable à tous les niveaux. Depuis 2020, au sein du magasin Sofap à Floréal, a été aménagé un espace dédié aux petites entreprises qui utilisent des produits recyclés dans la confection de leurs produits.

Sofap se peint un avenir durable « Dans l’ADN et la culture de notre entreprise, nous sommes convaincus que c’est un devoir de trouver un équilibre entre la performance financière, la performance environnementale et la performance sociale. Nous essayons d’avoir un impact positif sur l’environnement et le social », avance Eric Adam, directeur général de Sofap. Pour structurer leurs engagements, Sofap a fait le choix d’adopter les Objectifs du Développement Durable (ODD). Sofap se focalise sur quatre des 17 ODD, prioritairement sur l’ODD 12 : la production et la consommation responsables, « car nous sommes une entreprise manufacturière », rappelle Eric Adam. « C’est notre cheval de bataille dans un premier temps », et d’ajouter : « de là découle notre objectif de zéro déchet à 2023. Nous avons des déchets industriels et notre ambition est de les diminuer au maximum. Si nous ne le pouvons pas, nous les recyclons. » Un des étendards de cette démarche est la mise en place de l’initiative EcoHub, au sein du magasin de Sofap, un des plus récents, au centre commercial de 78 Le journal des archipels

So’Flo, à Floréal. Cet espace est alloué à différents artisans qui utilisent tant que possibles des produits recyclés. « Nous les encourageons à prendre des déchets de Sofap, même si cela n’est pas obligatoire », explique Eric Adam. Parmi leurs déchets recyclables on retrouve par exemple des palettes en bois ainsi que les déchets issus de l’emballage des différents produits, dont du carton et du plastique.

Un Eco label pour des peintures plus écologiques Même si l’objectif de zéro déchet est récent, Sofap peut se targuer d’avoir réduit de 70% ses déchets solides. Un travail est maintenant effectué sur les effluents liquides. L’eau utilisée lors de la production est traitée avant d’aller dans le tout-à-l’égout, mais Sofap a aussi réduit de 12% sa consommation d’eau par litre de peinture produite, entre 2019 et 2020. Un investissement supplémentaire est aussi prévu dans

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Sofap a mis en place une « École des peintres » pour former des personnes qui souhaitent apprendre ce métier. Cette formation est destinée aux couches vulnérables ou aux déscolarisés. des machines de lavage plus efficientes. Restent les boues industrielles qui pourraient être traitées et recyclées. « Nous étudions plusieurs pistes », confie Eric Adam. Un projet ambitieux est aussi en période d’essai. Sofap récupère actuellement, non loin de son unité de production, à Coromandel, les différents bidons et pots de peinture usagés, en plastique ou même en métal. Si l’expérience s’avère concluante, elle pourra être généralisée. En plus de son propre label EcoEarth mis en place en 2010, les trois peintures Permoglaze les plus populaires ont reçu l’Eco label en 2020. Il s’agit d’une certification introduite par le Mauritius Standards Bureau (MSB) dans le but de reconnaitre l’effort des entreprises à promouvoir des produits plus écologiques et à réduire leur impact environnemental. Ce label impose par exemple une limite sur le taux de composés organiques volatils à 10 g/l, alors que la norme européenne est de 30 g/l.


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lance sa plateforme d’économie circulaire en ligne

C’est dans le cadre de la semaine européenne de la réduction des déchets que Stéphanie Bouloc, la fondatrice de La Déchétèque, a décidé de lancer sa plateforme en ligne le 25 novembre dernier. Plus d’infos sur notre site

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La Déchétèque

La Française Stéphanie Bouloc compte une quinzaine d’années d’expérience dans l’économie circulaire et la gestion des déchets. Sa plate-forme, La Déchétèque, a été récompensée en 2020 par la compétition ClimateLaunchpad, un concours international des solutions innovantes pour le climat.

Lauréate de la compétition ClimateLaunchpad en 2020 qui récompense dans plusieurs pays les meilleures idées d’affaires dans la réduction des empreintes carbone, Stéphanie Bouloc a décidé de mettre à contribution sa quinzaine d’années d’expérience dans l’économie circulaire, le développement durable et la gestion des déchets pour développer une solution adaptée aux réalités actuelles de Maurice. « C’était une évidence », dit-elle. « Il fallait mettre

en lien toutes ces entreprises qui avaient tous ces gisements de ressources qui n’étaient pas valorisées et entre les particuliers, artistes et ONG qui cherchaient des matériaux à réutiliser. Il fallait pouvoir réunir tout ce monde autour d’une table et voilà comment est venu le projet de mettre en place la première plateforme d’économie circulaire à Maurice. (…) La vision est de devenir la 1re banque de matériaux réutilisables pour que tout le monde puisse savoir où les mettre et où les trouver. » Pour démarrer, la plate-forme propose aux particuliers et aux entreprises de s’enregistrer et de mettre en vente leurs différents matériaux excédentaires ou qui sont des sous-produits de leurs activités. Après validation, ces produits seront affichés. Les acheteurs, particuliers ou entreprises, peuvent payer par carte bancaire. Les acheteurs prendront la livraison des matériaux aux points fixés par les vendeurs. L’inscription sur ladecheteque.mu est gratuite pour les acheteurs, et payante uniquement pour les entreprises-vendeuses.

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Wakanda 4.0, une entreprise mauricienne spécialisée dans la Fintech (l’industrie des entreprises alliant la technologie et la finance) a organisé le jeudi 25 novembre dernier, au Caudan Arts Centre, à Port-Louis une conférence sur la finance décentralisée. The Global Defi Investment Summit a été organisé en collaboration avec une agence événementielle dubaïote, Gulf Xellence. Benito Elisa est le fondateur de Wakanda 4.0 et un ambassadeur actif de la fintech à Maurice.

FINTECH

les entreprises mauriciennes ne cachent plus leur impatience

L’objectif de cette conférence était d’initier la conversation, de rassembler et de sensibiliser les différents acteurs sur cette nouvelle transformation que connaît le monde de la finance. Le marché mondial de la finance décentralisé était évalué 80 Le journal des archipels

à 141 milliards de dollars en octobre dernier, selon les organisateurs de la conférence. Le ministre des Services Financiers et de la Bonne Gouvernance Mahen Seeruttun était présent pour ouvrir la conférence, signe que le gouvernement mauricien accorde au moins une oreille aux opérateurs du privé. Bien que l’affluence ne fut pas au rendez-vous à cause de l’épidémie, le moins que l’on puisse dire est que la fintech mauricienne a les crocs. Plusieurs entrepreneurs se positionnent et opèrent déjà, malgré le vide juridique. Ils appellent unanimement de leurs vœux une mise à jour des législations pour permettre de

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développer pleinement leurs activités. Dans un domaine aussi disruptif, le nerf de la guerre entre les pays n’est pas le financement, mais bien l’adaptabilité des régulateurs. La crainte de ces fintechs mauriciennes est de se voir dépasser par le Rwanda qui ne cache pas ses ambitions mais aussi de demeurer dans l’ombre de grandes places financières telles que Singapour, alors que Maurice a un fort potentiel. Bonne nouvelle à l’heure du bouclage de ce numéro : le Virtual Asset Bill, voté en décembre dernier, réglemente désormais les actifs numériques entre autres. Sujet à suivre dans nos colonnes.


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fUn&tEch Foodwise : 3 ans et 3 millions de repas FoodWise est une entreprise sociale créée en novembre 2018 afin de lutter contre le gaspillage et l’insécurité alimentaire à Maurice. Trois ans après sa création, ce sont près de 750 tonnes de nourriture, soit l’équivalent de 3 000 000 de repas, qui ont été sauvés et redistribués. Retour sur la création et le parcours de cette entreprise sociale. A l’origine, les sept cofondateurs ont essuyé des refus : «C’est impossible, ça ne va pas fonctionner.» C’est la réponse que les 7 amis avaient constamment quand ils demandaient aux distributeurs, producteurs, hôtels ou supermarchés s’il était possible de collecter et redistribuer leurs produits alimentaires qui étaient encore bons à consommer mais qui ne pouvaient pas être vendus. Mais à force d’abnégation, Julia Venn, Béatrice et Rebecca Espitalier-Noël, Sarah Paturau, Ingrid de Labauve d’Arifat, Mathieu Appassamy, Charles Doger de Speville obtiennent leur premier OUI. Trois ans après ce premier oui, l’initiative de redistribution alimentaire s’est transformée en mouvement national de lutte contre le gaspillage alimentaire. Si Food-

Wise a su convaincre plus de 272 entreprises à rejoindre le mouvement, c’est parce que chacune d’entre elles en sort gagnante. De la sensibilisation des employés avant la donation en passant par la collecte des dons, à l’envoi de rapports d’impact après la donation, l’offre de redistribution aujourd’hui gratuite pour les entreprises est tout bénef. Depuis peu, FoodWise rajoute aussi une dimension commerciale pour les entreprises en leur permettant de racheter à bas prix leurs produits en déstockage, en fin de série, avec des soucis de packaging, etc. Les ONGs en sont également gagnantes. En plus de bénéficier de produits

alimentaires gratuits ou à très bas prix, ces ONGs reçoivent des formations en sécurité alimentaire. FoodWise a développé un modèle efficient. Grâce à l’économie circulaire et l’entrepreneuriat social, une roupie investie dans FoodWise aujourd’hui permet de redistribuer plus de treize roupies à la société. Cette démultiplication d’impact est le modèle de demain, un modèle qui fait sens au niveau financier, social et environnemental. Ensemble avec les pouvoirs publics et leurs partenaires, FoodWise a bien l’intention d’étendre ce modèle grâce notamment aux changements de régulation. A suivre dans nos colonnes…

Aliya Chojoo, Partnerships Specialist, et Nicole Forrest, Partnerships Intern, chez FoodWise

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Globe40 Par Alexandre Karghoo

Maurice, étape d’un tour du monde à la voile

Tanger (Maroc), les îles du Cap-Vert, Auckland, la Polynésie française, Ushuaïa (Argentine), Récif (Brésil), Grenade, Lorient et… Maurice sont les différentes destinations des étapes du premier tour du monde baptisé Globe40, long de 30 000 miles*. Manfred Ramspacher, l’organisateur était de passage à Maurice en octobre dernier pour finaliser les négociations avec les autorités mauriciennes.

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Manfred Ramspacher, ex-officier de la marine française dans l’océan Indien

Port-Louis, destination de la plus longue étape, se trouve au cœur de la Globe40.

L’organisateur de cette course est la société Sirius Events fondée en 2005 par son PDG Manfred Ramspacher, ancien officier de marine qui a notamment sillonné le grand océan Indien pendant deux ans. Il sera ensuite PDG du Tour de France à la Voile pendant huit ans. Sirius Events organise deux à cinq événement dans l’univers nautique chaque année. « Étant basé sur un bateau qui était à Djibouti, j’ai eu l’occasion de faire de longues patrouilles dans l’océan Indien. J’ai été à peu près sur toutes les îles et tous les cailloux », nous a confié Manfred Ramspacher.

Les équipes, d’amateurs et de professionnels, peuvent changer de skipper à chaque étape

Le journal des Archipels est le premier média de la région à en faire état. La capitale Port-Louis se trouve au cœur du parcours de la Globe40, ce nouveau tour du monde à la voile unique en son genre. Les marins quitteront les îles du Cap-Vert à la mi-juillet, passant sans s’arrêter par le cap de Bonne-Espérance (Afrique du Sud) avant de gagner Maurice en août. Cette étape, la plus longue, est d’environ 7 000 miles. La prochaine dont le départ est à Port-Louis est d’une distance de 6 500 miles et s’arrête en Nouvelle-Zélande. Initialement prévue en 2021, la Globe40 débutera à Tanger, au Maroc, en juin prochain. L’arrivée à Lorient (France) est prévue neuf mois plus tard, soit en mars 2023. La Globe40 a plusieurs particularités. Elle est non seulement une compétition sportive mais surtout une aventure, explique Manfred Ramspacher : « C’est un événement qui est une autre manière de découvrir la course au large, un retour aux origines : à la fois une compétition qui sera intense et dure, et en même temps une volonté de découverte, de voyage et de rencontre de l’autre et des cultures... » Il s’agit d’un parcours inédit, avec plusieurs destinations exotiques telles la Polynésie Française qui accueillera pour la première fois ce genre d’événement.

Le « Class40 », un monocoque accessible La compétition se fait en double. Les équipes, de diverses nationalités, d’amateurs et de professionnels, peuvent changer de skipper à chaque étape. Pour l’heure, douze équipes se sont inscrites, l’ambition est d’en avoir quinze au départ. « L’autre intérêt, c’est qu’il est sur un support qui est à la fois accessible sportivement, car maîtrisable (…) et financièrement accessible ». Le « Class40 », qui est le type de bateau utilisé par les équipes, est un voilier monocoque de 40 pieds (12 mètres). Plusieurs manifestations seront à prévoir lors des escales. Les raisons du choix de Maurice comme étape sont ses capacités techniques pour la maintenance des bateaux et pour l’accueil des équipes. Un accord de principe a été établi avec la MTPA, l’autorité mauricienne de promotion du tourisme. Plusieurs manifestations seront probablement organisées, telles que des régates, des conférences, des dîners et des évènements de vulgarisation.

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Le Globe40 est à sa première édition. Elle est ouverte aux amateurs aussi bien qu’aux professionnels en Class40, un monocoque de 40 pieds.

Globe40 for Pure Ocean

La Globe40 a pour partenaire l’ONG Pure Ocean qui promeut la protection des océans et la «recherche appliquée, à la pointe de l’innovation, afin d’accroître les connaissances sur l’océan et contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique». À chaque étape, la promotion des actions de Pure Ocean est prévue et des projets éligibles à recevoir des financements seront identifiés dans le cadre d’appels à projets. C’est le Marseillais David Sussman qui est le fondateur de Pure Ocean.

*1 mile = 1852 mètres

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fUn&tEch La Réunion – TECH Roland-Garros : première aérogare bioclimatique en milieu tropical Conformément au cahier des charges défini par la Société Aéroportuaire, une démarche bioclimatique a été respectée dans la conception de l’aérogare, afin de limiter sa consommation énergétique. Le projet architectural, conçu par le cabinet AIA Life Designers, se distingue par sa forte identité tropicale et réunionnaise, avec un large recours au bois et à la végétalisation. La ventilation naturelle a été privilégiée en exploitant au mieux les alizés, l’aéroport étant sur un des secteurs de La Réunion les plus régulièrement ventés. La façade ouvrante,

Maurice - Musique Un premier album pour le groupe ENN

Un nouveau groupe vient de donner vie à sa passion sur la scène musicale mauricienne. Le groupe ENN, vient de sortir son premier EP (extended play), un mini album de 5 titres pop rock. La chanteuse Julie Vacher, le guitariste Kevin Lamport, le bassiste Rohan Ramah et le batteur Nicolas Betsy, ont choisi le nom ENN pour leur groupe, car ils voulaient mettre l’accent sur leur langue maternelle, le créole. 4 caractères, 4 influences musicales, 4 personnalités se sont rencontré pour faire une symbiose et devenir Un (enn en créole). Le groupe ENN a bénéficié de la participation du pianiste Vincent Nombro, de Chris Arles et d’Evans Maurer pour la réalisation de l’EP. Alain Ricaud est l’auteur et compositeur des 5 titres, qui contiennent de vrais messages de paix, 84 Le journal des archipels

équipée de jalousies réglables, laissera entrer l’air extérieur. A mesure qu’il se réchauffera, l’air intérieur s’évacuera par des ouvertures côté pistes et par un « canyon» central, ouverture longitudinale et végétalisée qui sépare les deux pans de la toiture. La climatisation sera réservée aux zones fermées et appelées à recevoir la plus forte densité de public. Une telle conception constituera une première mondiale pour un bâtiment aéroportuaire de cette dimension en milieu tropical. Les consommations totales du bâtiment devraient être réduites de 30% par rapport à une aérogare climatisée de taille équivalente. La construction de la nouvelle aérogare a débuté le 8 septembre dernier. Relié à l’aérogare actuelle, le bâtiment sera dédié à l’accueil des passagers à l’arrivée et s’étendra sur 13 200 m2. Il portera la capacité de la plate-forme à 3 millions de passagers par an. Ce seuil devrait être atteint à l’horizon 2030 selon les dernières hypothèses de trafic. Grâce au cofinancement de l’Europe, l’Etat et la Région Réunion, l’aéroport Roland Garros investira 65 millions d’euros dans cette opération. La fin du chantier de la nouvelle aérogare ouest est prévue fin 2023 et le nouveau dispositif de contrôle des bagages sera opérationnel en mars 2024.

d’amour, en s’inspirant de la vie de tous les jours. L’EP est co-produit par Ichos et Alain Ricaud. ENN a plein de projets en chantier et voit l’avenir en grand. Pour son premier concert, le groupe avait déjà marqué les esprits en se produisant au Caudan Arts Center (Port-Louis), en mars, juste avant le confinement. Le EP est disponible avec les membres du groupe à Rs 200. Contact Facebook : enn.theband pour commander votre EP.

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Edition – océan Indien La belle revue Indigo désormais distribuée à Maurice Avec 300 pages, un dos carré, un poids de 1 kg et 20 mm d’épaisseur, INDIGO est un hybride entre le livre, le magazine et la revue : graphique dans sa composition, sensuel dans son papier avec une esthétique intemporelle. La revue Indigo s’adonne, depuis son apparition dans la sphère culturelle régionale, à la valorisation de beaux textes sur beau papier, sans publicités ni notifications intempestives, elle vous embarque dans un voyage immersif et intemporel dans nos belles îles indianocéaniques ou l’art et la culture d’une richesse incroyable, sont à découvrir à l’envie. INDIGO prend le parti de l’érudition, en proposant des articles nuancés et perspicaces. INDIGO est un acte de beauté au regard visionnaire, agité par une provocation positive, une force vitaliste, au sens où il célèbre la vie des territoires qu’il explore, dans leur intensité. Indigo N°6 se trouve dans toutes les bonnes librairies et points presse de La Réunion, Madagascar et désormais Maurice où le Journal des Archipels en a la représentation exclusive. Points de distribution à Maurice : Librairies et tous les “OTTENTIKS BAZARS” des hôtels ATTITUDE Plus d’informations sur : archipels@ lejournaldesarchipels.com ou sur le plate-forme web : www.indigo-lemag qui prolonge la revue…


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Juillet 2009 - Un paysan travaille dans sa rizière en jachère le long de la RN7

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Un artiste désormais incontournable de la photographie contemporaine malgache

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Rijasolo est né et a grandi en France. A partir de 2004, il effectue des retours fréquents à Madagascar et décide de s’y installer définitivement en 2011. Il explique avoir eu l’impression qu’il lui manquait quelque chose dans son identité et que la photographie lui apparaissait comme un prétexte pour ses allers-retours. En 2006, il a suivi une formation en photojournalisme à Paris (EMI- CFD). Ce photographe réalise des clichés, en noir et blanc pour la plupart, qui proposent un autre regard sur Madagascar, notamment dans les régions Atsimo ou encore Miverina. Par Niry Ravoninahidraibe Photographies : Rijasolo


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Commune de Behahitse - 2015Des membres du «fokonolona» (communauté) de Betioky rencontrés dans le village de Behahitse, district d’Ampanihy. Ils sont soumis à l’autorité d’un «Dina Be». On me dit que la plupart d’entre eux sont d’anciens voleurs de zébus mais qui se sont «rangés» (Dahalo niova fo). Ils viennent tout de même armés et protégés de leurs amulettes (ody gasy) «car on ne sait jamais» me disent-ils. Ils rendent visite au fokonolona de Behahitse pour réclamer leur dû : neuf zébus doivent être remboursés à la communauté de Betioky car un habitant de Behahitse y a volé une bicyclette. Mais le fokonolona de Behahitse n’est pas d’accord, il trouve que c’est beaucoup trop et contraire à la règle qui a été établie par le Dina Be. Normalement le remboursement devrait être de trois zébus et non pas neuf. Les deux parties se réunissent sous des tamariniers près du marché du village. Un long «kabary» (discussion, discours) d’une journée va finalement mettre les deux parties d’accord. Pour sceller ce pacte, un zébu sera tué et partagé. District d’Amboasary - sud - 2014Un marché au zébu au lieu-dit SOATSIFA. Selon les chiffres du chef de district on a recensé 34 000 bovidés sur le ditrict d’AmboasarySud en 2010 et 12 020 en 2013. Cette baisse est dûe aux vols de zébus dans la région. Les gendarmes locaux considèrent que c’est souvent lors des marchés aux zébus que les dahalos se rassemblent et sont recrutés pour préparer des opérations de vols de zébu.

District de Tuléar II - 2015 - ALERTA, 50 ans, une habitante du village de AMPOTAKE, entre Anakao et Betioky, dans le Sud-Ouest de Madagascar, est assise à l’endroit où sont sensées s’accumuler les eaux de pluies qui constituent la réserve d’eau potable du village. Ce réservoir est actuellement vide. Les périodes de sécheresse dans le Sud de Madagascar - période que les Malgaches appellent «KERE» - sont chaque année de plus en plus longues.

Rijasolo ne se contente pas de montrer la diversité, les traditions ou encore l’art de vivre. Ses clichés vont au-delà de l’évidence et de la capture du moment. Elles inspirent une certaine sobriété dans sa manière de remanier la luminosité. Il explique d’ailleurs que « le noir et blanc encourage une vision abstraite du monde, une vision qui rajoute de la tension dramatique ». L’artiste a toujours été

sensible aux arts visuels, notamment l’art plastique et le dessin. Lorsqu’il a débuté la photographie, il a passé six années à Brest dans l’idée de capter cet environnement caractérisé par un certain militantisme. Ce fut une occasion pour lui d’expérimenter le noir et blanc avec des variations diverses : « contrastées, assez sombres, floues ou encore décalées ». Depuis son installation dans la Grande

Ilakaka - 2007 - Un exploitant de saphir Malagasy propose la vente d’une pierre à un acheteur Sri Lankais. Ile, Il travaille dans le corporate et, preuve de sa sensibilité au photojournalisme, il est correspondant de l’Agence France Presse depuis 2013. Il a par ailleurs remporté le premier prix du concours d’art contemporain Paritana (Madagascar) en 2019. Il avait également remporté la première place lors du concours Leica 35 mm Wide Angle (Allemagne), en 2010.

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Par Romy Voos Andrianarisoa

Avant de se rendre à Glasgow pour participer à la COP 26, deux mois plus tôt Romy Voos a fait partie de la délégation malgache dirigée par le Ministère de l’Environnement et du développement Durable (MEDD) lors du World Conservation Congress*, organisé à Marseille (France) du 3 au 11 septembre derniers. Elle nous donne son analyse suite à ce congrès. Retour de pêche - région de Fort Dauphin

La biodiversité n’est pas un luxe pour intellectuels

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c’est une condition de survie pour la population !

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Alors qu’ils pourraient générer d’intéressants revenus liés à l’écotourisme, ces lémuriens sont chassés pour alimenter le criminel commerce de la viande de brousse.

Le Journal des Archipels : Comment allier vie ou survie avec protection de l’environnement dans un pays comme Madagascar où les urgences sont quasi-quotidiennes et où la nature est une source gratuite de ressources ? Romy Voos : Ce type de congrès

est une occasion de rappeler que tous les êtres vivants constituant la biodi-

© Photo J.Rombi

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L’aquaculture des algues rouges dans la région de Saint Augustin (pour le marché des cosmétiques) permet de rémunérer de nombreuses familles qui limitent leurs prédations sur le milieu naturel

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versité sont tous logés sous un même toit. Que cette maison que nous partageons dispose de ressources avec une finitude réelle dont nous devons avoir conscience. Enfin, que les populations les plus vulnérables face aux impacts du changement climatique, dont nous sommes responsables, sont aussi les populations les moins armées pour affronter les conséquences. C’est donc un moment de conscientisation collective où chaque pays, chaque partie prenante, chaque être humain affrontent les conséquences de ses propres actions et comportements, pour ensuite réfléchir ensuite à de vraies solutions durables et toutes aussi collectives. Les dégâts causés sur la dégradation de la biodiversité à Madagascar aujourd’hui sont à la fois flagrants et liberticides : j’en veux pour exemple le Kere*. Nous traînons ce boulet depuis plus d’un siècle et aucune solution n’a jamais pu l’éradiquer. Il nous éclate au visage aujourd’hui parce que le réchauffement climatique a asséché les sols de manière accélérée, a perturbé notablement la pluviométrie et a réduit

ainsi les espoirs de récoltes. Madagascar n’est donc plus à l’abri, et nous l’avions d’ailleurs jamais été, mais la force des réseaux sociaux et sans doute l’engagement plus affiché du MEDD nous mettent une réalité assez violente sous les yeux. Nous ne pouvons plus l’ignorer. Et renverser cette tendance de biodiversité nécessite des choix de vie courageux, collectifs et individuels, mais également un vrai leadership politique et social. Bien entendu les alternatives de vie existent : c’est précisément le rôle des grands projets transversaux tels que REDD+** ou le Fonds vert climat. REDD+ par exemple inclut des initiatives visant à enrayer efficacement et sur une zone donnée et délimitée, les dynamiques de déforestation et/ou de dégradation forestière afin de valoriser sur les marchés du carbone ou par l’intermédiaire de paiements via un fonds dédié un évitement d’émissions de CO2 mesuré, contrôlé et validé.

« Condamner la biodiversité équivaut à mettre le feu dans la maison où nous vivons tous » JDA : Quelles sont les solutions pour allier développement économique, barrières anthropologiques et conservation de la biodiversité ? RV : Il y a sans doute 3 niveaux d’engagements pour permettre le reversement de situation indispensable à la reconstruction de la biodiversité à Madagascar. J’en profite pour rappeler ici que notre pays rassemble 80% d’espèces animales et végétales endémiques soit 5% des espèces endémiques du monde! C’est un vrai trésor dont chacun de nous, en tant que citoyen et patriote, a la responsabilité de préserver et protéger. Je voudrai rappeler aussi que la préservation de cette biodiversité n’est pas un luxe pour les intellectuels : c’est une condition de survie pour la population ! La biodiversité est notre source de vie avec la qualité de l’air que l’on respire, la qualité des eaux que nous consommons et la diversité des aliments que

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nous consommons. Pour aller dans un exemple concret et répondre sans détour à cette question, il suffit d’analyser le cycle de vie des pêcheurs. A force de non respect à la fois des dates de fermeture de pêche (ayant pour objectif de permettre la reproduction des espèces et le maintien ainsi des stocks), et de pratiques de pêches intensives et permissives des acteurs industriels sur nos côtes, nous sommes confrontés aujourd’hui à une déplétion sévère des ressources. Résultats : les fonds marins sont saccagés, la survie des espèces est menacée chaque jour, des espèces ont même disparu dans le silence et l’inaction totale! Et au bout de cette chaîne, la victime principale reste le pêcheur malgache qui ne peut plus ni s’alimenter, ni nourrir sa famille et encore moins maintenir sa source de revenus.

social et antrhopologique des populations afin de les sensibiliser, de leur faire comprendre et de les impliquer dans des nouveaux modes de vie. On ne peut pas imposer des changements de vie qui perdurent depuis des décennies si on ne permet pas une compréhension et une appropriation des problématiques par les bénéficiaires. Et souvenez-vous : un ventre affamé n’a pas d’oreilles… Donc il faut d’abord s’assurer que les alternatives de revenus et d’alimentations soient proposées de manière pragmatiques et pérennes tout en avançant en parallèle sur des solutions urgentes de préservation de la biodiversité. Et c’est bien ce challenge à deux vitesses qui est difficile, mais vital, et qui encore une fois, doit engager un leadership politique à tous les niveaux, du plus haut jusqu’au fokontany (quartier NDLR) !

« Un ventre affamé n’a pas d’oreilles »

*Kere : phénomène climatique de sécheresses chroniques qui semble s’aggraver ces dernières décennies.

Les solutions existent pour ces pêcheurs : plusieurs projets ont été mis en place par Blue Venture par exemple, ou encore par des initiatives locales de l’association des femmes de pêcheurs à Majunga. Il s’agit d’allier la création de nouvelles activités génératrices de revenus, avec des techniques de réhabilitation de la biodiversité marine (programme de plants de coraux etc) mais surtout, un accompagnement

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** REDD» (Réduction des Émissions dues à la Déforestation et à la Dégradation forestière) est un mécanisme créé lors de la Conférence des Parties UNFCCC, pour inciter économiquement les grands pays forestiers tropicaux à éviter la déforestation et la dégradation des forêts. *La France est l’un des pays fondateurs de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). L’Union a été créée en 1948 à Fontainebleau, car c’est dans sa forêt qu’a été créée la première aire protégée au monde. Depuis lors, l’UICN s’est développée pour devenir le réseau environnemental le plus vaste et le plus diversifié au monde, avec 1 300 organisations membres et 15 000 experts dans 160 pays.

La déforestation sévit partout dans le pays. Ici un biotope unique sur les flancs d’un volcan à Nosy Be détruit par le feu.

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Une spécialiste du développement durable

Romy Voos Andrianarisoa est titulaire d’un Master of Business Administration (MBA) en développement durable (CSR & Sustainability/Royaume Uni), d’un Master en Commerce International (France), du diplôme des grandes écoles de Commerce en Marketing et Communication (France) et d’un Master of Art in Diplomacy du Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques (CEDS ). Actuellement présidente de la commission développement durable et Éthique des affaires du GEM (Groupement des Entreprises de Madagascar), elle a travaillé ces dernières années dans le secteur pétrolier (CSR Manager pour Madagascar Oil, Country Manager chez BP Madagascar puis pour la CNOOC (China National Offshore Oil Corporation) qui vient de reprendre l’exploration des blocs de BP dans le Canal de Mozambique.


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Histoire AFRIQUE DE L’EST

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Lorsqu’éclate la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748) entre, d’une part, la Prusse, la Bavière et la France et de l’autre l’Autriche, la Grande-Bretagne, les Provinces-Unies et la Russie, le conflit gagne les territoires occupés par les Français et les Anglais. En bon Malouin, La Bourdonnais avait aussi une âme de conquérant. Aussi, lorsque la guerre de Succession d’Autriche éclata, il prit la tête d’une escadre improvisée pour assurer la supériorité de la France sur l’océan Indien. C’est avec cette escadre que La Bourdonnais se met à la recherche de l’escadre anglaise commandée par Lord Peyton, forte de six vaisseaux de guerre. Il la découvre le 6 juillet 1746, qu’il bat à Negapatam, au sud de Pondichéry. La Compagnie des Indes, qui n’avait pas été consultée par La Bourdonnais, s’offense de cette entreprise dont les dépenses sont très élevées Bertrand François et, surtout, ne souhaite pas que Mahé de La Bourdonnais La Bourdonnais s’attire seul toute la gloire, mais également tous les profits. Cinq mois après le combat de Négapatam, La Bourdonnais débarque le 15 septembre 1746, sur la plage de Madras, établissement anglais rival de Pondichéry, et à 90 milles de distance sur la même côte. En novembre 1746, il conquit la ville de Madras, dans le sud-est de l’Inde, pratiquement sans combattre et voulut réclamer une rançon pour sa restitution, entamant de son propre chef des négociations avec les Anglais. Il se heurta à nouveau à Dupleix, devenu gouverneur de Pondichéry et commandant général des Par Thierry Château établissements français de l’Inde.

La rivalité destructrice entre

La Bourdonnais et Dupleix (suite)

Illustrations : Histoires productions

Nous avons vu, sur la précédente édition, Des courriers incendiaires qu’une « guerre des Castes » entre les deux à la cour du roi gouverneurs français commençait à naître Dupleix ne voulait pas de négociation. Il préfébouter les Anglais hors de Madras et asseoir entre le noble Dupleix et le roturier rait la présence française dans le comptoir et sur La Bourdonnais. Alors que La Bourdonnais toute cette partie de l’Inde du sud. Le gouverde Pondichéry adressa plusieurs courriers est en poste à l’Isle de France depuis 1735, neur incendiaires à la cour du roi, à Paris, dénonçant son rival Dupleix n’obtint le poste le colonisateur de l’Isle de France et le vainqueur Madras comme un traître qui aurait vendu les à Pondichéry qu’en 1742… de intérêts de son pays aux Anglais. Fort du soutien de l’administration royale, il

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Histoire

Carte de la Mer des Indes, Nicolas Bellin, 1752 (détail)

Bourbon vs Ile de France : deux colonies rivales Lorsque les Français prirent possession de l’île de France en 1715, il n’y restait pratiquement plus rien, depuis le départ des Hollandais, dix ans plus tôt. L’île Bourbon voisine, quant à elle, appartenait déjà à la France depuis 80 ans et les premiers colons s’y étaient installés dès 1665. La Compagnie française des Indes orientales avait la mainmise sur les deux îles.

Joseph François Dupleix eut le dessus sur La Bourdonnais et fit raser Madras. La Bourdonnais, exaspéré, rentra aux Mascareignes. Accusé d’entente avec l’ennemi, il fut destitué de son poste de gouverneur général des Mascareignes. À son retour, un autre gouverneur, Barthélémy David, avait été désigné à sa place. La Bourdonnais fut également accusé de fraude par la Compagnie et quitta l’île de France en avril 1747. Mais il avait laissé une empreinte indélébile faisant de lui le véritable bâtisseur de Port-Louis et permettant surtout au port de revendiquer le statut de clé de la Mer des Indes. Par la suite, il obtint la permission de rentrer en France pour défendre son honneur, mais fut embastillé sur ordre du roi, en 1748. Il dut attendre 1751 pour être jugé, et profita de sa captivité

pour rédiger ses Mémoires. Innocenté, il mourut peu après sa libération, le 10 novembre 1753, à l’âge de 54 ans. Dupleix de son côté va lui aussi être victime des médisances et de rapports tronqués. La Compagnie, mise à mal par le conflit franco-anglais qui se poursuit aux Indes jusqu’en 1754, force le gouvernement royal de remplacer Dupleix et de le renvoyer en France. L’ex-gouverneur de Pondichéry voulut contrattaquer et réclama à la Compagnie des dommages de 13 millions de livres. La Compagnie refuse de reconnaître ses responsabilités. Le gouvernement lâche celui qu’il avait jusque-là défendu et qui est désormais perçu comme un aventurier ambitieux. Dupleix mourra dans la misère et l’oubli le 10 novembre 1763 à Paris…

Elle voulait abriter et ravitailler ses navires sur la route des Indes. Le Port Nordouest de l’île de France, baptisé PortLouis, serait un port d’escale et Bourbon le grenier. Bertrand François Mahé de La Bourdonnais fut chargé d’administrer les Mascareignes. Une rivalité naît alors entre les deux îles. Bourbon, pourtant plus prospère grâce à la production de café, se sentira quelque peu délaissée par rapport à sa voisine. Dans les deux colonies, les esclaves fugitifs, les Marrons, font régner la terreur sur les habitations. La Bourdonnais n’hésite pas à employer la force et à mener une véritable chasse à l’homme dans les deux îles, en mettant sur pied des milices qui vont faire preuve d’une grande cruauté envers les fugitifs. Parallèlement à cette répression, le gouverneur organise également la traite négrière avec Madagascar. La main d’œuvre servile va lui permettre de mener à bien son entreprise de développement dans les deux îles. A Bourbon, il double la production de café et introduit des plantes vivrières comme le manioc pour lutter contre les disettes. Dans les deux îles il introduit le maïs et la canne à sucre et à l’île de France, il fait construire deux sucreries.

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CONSEILS SANTÉ

Les inepties de la médecine moderne

Luc Diebolt, aujourd’hui établi au Tampon (La Réunion) a une longue expérience des milieux tropicaux. Né et ayant grandi en Afrique, il fut médecin urgentiste pour les sapeurs-pompiers du Port / La Possession avant de s’envoler sous d’autres cieux : médecin itinérant en Polynésie française avant d’intégrer le milieu diplomatique en tant que médecin de l’Ambassade de France à Moroni. Cela m’a amené à m’interroger avec elle sur la notion de contact humain et de la dépendance de plus en plus importante de nos jeunes générations envers la technique, l’électronique et les examens complémentaires. Or la médecine par sa définition est par les forces de son savoir doit amener à une amélioration de la santé globale. Pour y arriver une des premières matières qui est ou était enseignée est la sémiologie : Science des signes et symptômes qui permet à partir d’un 96

Il n’y a pas plus d’un mois j’ai reçu dans mon cabinet une jeune étudiante de 5ème année de médecine en stage auprès du praticien, après un interrogatoire en règle sur ces connaissances théoriques, qui m’a foi étaient très bonnes, je lui ai demandée de faire l’examen clinique de base d’une consultation médicale simple qu’elle n’a su mener à son terme car je n’avais qu’un bon vieux tensiomètre à pression et pas électronique… Je lui ai demandé si faute d’électricité ou de piles elle allait laisser mourir ses patients ? interrogatoire et un examen clinique complet d’arriver à un diagnostic. La coloration des lèvres, des ongles, nous servait d’oxymètre électronique. Nous inspections leurs extrémités, nous analysions leurs symptômes, leur réactivité nous orientait vers notre traitement. Nous avions le choix de la décision, nous étions des « explorateurs », mais nous regardions nos patients dans les yeux. Cette science grâce à laquelle nous sommes devenus un temps « les frenchs doctors » réputés et reconnus dans le monde pour la justesse de leur diagnostic et de leurs traitements immédiats sans appareillage ni électricité.

La médecine semble devenir une surenchère matérielle et scientifique L’apprentissage de la sémiologie, complexe et multiple car très à l’écoute de l’humain, est liée aux conditions économiques et sociales locales diverses. Il nous permettait de la prise en charge de l’accident à la prise en charge d’une pandémie, d’être réactifs. La médecine semble devenir une surenchère matérielle et scientifique, visant à terme à informatiser les données médicales au détriment de l’individualisme et de la prise en charge autonome de chacun d’entre nous. La santé pour tous passe par des

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messages simples que pourtant nos grand mères, nos naturopathes nous ont enseignés à tous. « Ton nez coule, tu as pris froid ! Viens et respire» (Inhalation d’herbes) disait la grand-mère de façon impérative. Eh bien la science a montré que grand-mère avait raison. Si dans les six heures après une irritation naso pharyngé de tous types et de toutes origines, dévoilé par notre corps avec un écoulement clair, liquide, salé et spontané de nos cellules nasales on réalise une inhalation d’au moins 15 minutes, 90 % des rhinites allergie formes ne se déclareraient pas. Mais réaliser cette étude nécessite des moyens financiers afin de montrer le bon sens de nos grands-mères au détriment d’une surmédicalisation. Qui dans notre démocratie montrera que boire de l’eau dans le primaire pourrait sauver ou tout au moins améliorer la santé de nos enfants. Bien sûr, les études sont prédéterminées par les laboratoires euxmêmes, car sans commission nationale d’évaluation indépendante de leurs résultats, aucune étude ne peut être envisagée car les règles même d’une étude médicale doivent avant tout passer par l’arbre de noël des décideurs. Ainsi aucune preuve dite scientifique ne peut venir de nos hautes autorités de santé, malgré les bienfaits multiples et évidents de nos anciens que l’expérience a façonnés à travers le temps. Lire l’article sur le JDA 3 « Le médicament est devenu un produit de fast food » ou scanner le QR Code :


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