Journal des Archipels

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AFRIQUE DE L’EST

LES COMORES

MAYOTTE

MADAGASCAR

LA RÉUNION

MAURICE

RODRIGUES

LES SEYCHELLES

N°3 - novembre I decembre 2021 I Réunion I Maurice I Madagascar I Les Comores I Afrique

TRI ET VALORISATION

Pipeline

Comment transformer nos déchets en ressources ?

LE SUD MALGACHE RÊVE DE SE TRANSFORMER EN OASIS

© Pierrot Men

Blue

ORQUES DE CROZET: PORTRAITS DE FAMILLE

Histoire INTERVIEW EXCLUSIVE

Baomiavotse Vahinala Raharinirina

LABOURDONNAIS VS DUPLEIX, UNE GUERRE DE CASTES

MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DE MADAGASCAR Le journal des archipels

Maurice : RS 150 - Réunion / Mayotte : 3 € - Madagascar : MGA 15 000

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LES COMORES MAYOTTE

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LA RÉUNION

MAURICE

RODRIGUES

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«Nous sommes la seule espèce à fabriquer des déchets dont personne ne veut. » (Jean Luc Wilain, page 40)

Sommaire

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20 I PEOPLE. Salimah Jauilim, Manager du Global compact network Mauritius & indian Ocean . Baomiavotse Vahinala Raharinirina, Ministre de l’Environnement et du Développement Durable de Madagascar . Ken Poonoosamy, CEO de l’EDB (Economic Development Board) . Vêlayoudom Marimoutou Secrétaire général de la COI & Julien Million spécialiste des pêches de la Banque mondiale

07 I FIL INFOS. LANCEMENT À MAURICE DE CINQ FRÈRES, producteur de vanille et épices haut de gamme malgaches…

Au temps où l’énergie était rare, faite d’huile de coude, de traction animale et d’un petit peu de moulins à vent et de biomasse, il était inconcevable de gaspiller ce que le travail avait produit. Les objets avaient une seconde, troisième, quatrième vie. Après un développement fulgurant basé sur l’énergie abondante et pas chère, le gaspillage est apparu comme un truc de riche et un signe d’abondance. A contrario, l’économie circulaire est-elle un truc de pauvres ?

26 I BLUE. ANDREAS ET CHIHO, deux nouveaux nés chez les cahalots mauriciens, LES ORQUES DE CROZET, portraits de famille . SWIOFISH, focus sur les résultats du projet en Indianocéanie. PHILIPPE MURCIA, les opportunités d’affaires d’une écologie mondialisée. 68 I GREEN. MADAGASCAR, le sud rêve de se transformer en oasis.

© Photo Denis Rion

40 I DOSSIER. COMMENT TRANSFORMER NOS DÉCHETS EN RESSOURCES ?

70 I FUN&TECH, TROPIC KNITS, recyclage et action sociale. A MAYOTTE, LA NAISSANCE D’UNE ILE POURRAIT FAIRE COULER UNE AUTRE, un événement exceptionnel est en train de se produire sous nos pieds indianocéaniques . THE GOOD SHOP, ou le bon exemple de l’économie circulaire . WE LOVE MAURICE, du grand spectacle sans public qui fait le buzz . CONSEILS SANTÉ, le médicament est devenu un produit de fast food. 71 I TECH, EXPAT.COM ATTEINT 3 MILLIONS DE MEMBRES, Cette plateforme de référence de la vie à l’étranger a été créée en 2010 par le Français expatrié à Maurice Julien Faliu. 92 I ANALYSE. GESTION INTER-ÎLES DES DÉCHETS, champ des possibles ou chant des sirènes ? 80 I INNOVATION . 84 I ESSAI AUTO . 86 I PORFOLIO . 96 I HISTOIRE .

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L’invitée

Docteur Aurélie MENDOZA SPINOLA

Gestion inter-îles des déchets: champ des possibles ou chant des sirènes ? Les îles de la région Sud-Ouest de l’océan Indien rencontrent des situations et challenges similaires. Elles font face à l’éloignement, disposent d’un marché de petite taille, leurs ressources naturelles sont limitées et elles demeurent dépendantes de leurs exportations. Plus encore, elles sont vulnérables car exposées aux catastrophes naturelles et aux chocs extérieurs. Ces caractéristiques particulières sont juridiquement prises en considération soit par le statut de régions ultrapériphériques de l’Union Européenne (c’est le cas de La Réunion et de Mayotte) soit au travers de celui de Petits États Insulaires en Développement (PEID). C’est le cas pour Maurice, les Seychelles et les Comores. Madagascar, qui partage pourtant plusieurs de ces caractéristiques, ne bénéficie pas de ce statut.

« FAIRE MIEUX ET PLUS, AVEC MOINS » Les changements climatiques accentuent d’autant plus les vulnérabilités de nos petits territoires. La nécessité de passer à une économie circulaire répond à un impératif de développement durable. L’économie circulaire vise en effet à repenser totalement nos systèmes de production afin d’assurer une gestion efficace, juste et pérenne des ressources naturelles tout en réduisant les impacts de l’homme sur l’environnement. Autrement dit, « faire mieux et plus, avec moins ». Ce nouveau modèle économique implique une optimisation de l’utilisation des ressources mais également une diminution -drastique- des impacts environnementaux. Cela impose irrémédiablement de s’attaquer à la problématique de gestion des déchets. D’origine réunionnaise mais établie à Maurice, Aurélie MENDOZA SPINOLA est spécialiste du droit de l’environnement et du développement durable. Lire son analyse complète en page 92

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« FAIRE MIEUX ET PLUS, AVEC MOINS » Par Jacques ROMBI, directeur de publication

Cette phrase, extraite de l’excellente analyse de notre invitée, résume toute la problématique de la gestion et la valorisation de nos déchets. Moins produire de déchets, tout en valorisant les sources existantes. La solution a un nom : encore une fois il s’agit de la coopération régionale ! Déjà en 2019, Cap Business (ex Union des Chambres de commerce et d’industrie de l’océan Indien) avait conclu à l’issue d’un ambitieux atelier sur la gestion mutualisée des déchets dans l’océan Indien, qu’une approche régionale était indispensable. En soulignant que « la mutualisation permet d’envisager une consolidation des gisements et de s’approcher de la taille critique difficile à atteindre à l’échelle des territoires et par catégories de déchets ». Un problème d’économie d’échelle qui permettrait la rentabilité d’investissements dans des équipements lourds, et que nos enquêtes dans chaque île couverte par notre magazine n’ont fait que confirmer. Ce frein à la mutualisation des déchets a une origine en partie réglementaire puisque c’est la Convention de Bâle qui contrôle les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux. Autant de subtilités, pour ne pas dire tracasseries, qui sont détaillées avec talent par notre invitée qui propose des pistes dans son analyse exclusive à lire en fin de magazine.

SENSIBILISATION + POGNON = VALORISATION Mais au-delà des lois et des règles, la sensibilisation des populations reste à construire presque totalement. La seule analyse de nos partenaires Kantar à lire ci-après indique bien que les préoccupations des populations sont d’abord du côté de leur porte-monnaie et c’est bien logique à l’heure de l’inflation généralisée. Une enquête qui compare la conscience écologique des Réunionnais et des Mauriciens, qui seraient pourtant parmi les îliens les plus avancés en terme de sensibilisation. Que dire encore de Madagascar et des Comores ? Rien ou pas grand-chose, vu la faiblesse des informations ramenées sur le sujet par nos équipes sur place. Quant à Mayotte, on y fait preuve d’ingéniosité malgré un contexte miné par une démographie galopante où deux mondes se fréquentent dans une ambiance électrique. Une bonne moitié de la population, bien en-deça du seuil de pauvreté, qui consomme et jette n’importe quoi et n’importe où, et une autre moitié qui aspire aux standards français et européens pour la gestion de ses déchets…. En tous cas un beau laboratoire d’expérimentations que notre consoeur Nora Godeau développe dans nos colonnes.


COPINAGES ET PÂLES COPIES… Enfin sur ce sujet, nous suivons régulièrement l’aventure du courageux Christophe Deboos et son enseigne Fourmize qui a justement pour moteur la sensibilisation et la rémunération des populations qui s’impliquent dans le tri des déchets. Le succès fulgurant de son modèle à La Réunion, lui a donné des ailes pour voler jusqu’à Maurice voire Madagascar, aidé par le fonds français d’aides au secteur privé (FASEP) Pourtant le projet patine. Ferait il ombrage à quelque gros bonnet désireux de placer son propre poulain ? On a bien vu récemment le géant français Veolia, arrivé certes de façon maladroite, repartir aussitôt de Maurice malgré sa solution d’usine de traitement de déchets (et de production du fuel green faut-il rappeler au passage) sous la pression d’une poignée « d’opposants » manipulés en haut lieu. Accueilli à bras ouvert à Madagascar et La Réunion, mais jeté de Maurice tel un déchet non recyclable. Cherchez l’erreur. Jalousies, corruptions, usurpations de droits intellectuels, copinages et pâles copies… Autant de réalités qui minent beaucoup d’initiatives de coopérations régionales et de développement économique tout simplement.

MASSACRE DES INSECTICIDES NATURELS Pour finir, une petite note sur notre calendrier régional qui coïncide en ce dernier trimestre de l’année avec l’arrivée des délicieux letchis sur les marchés. Une aubaine pour nos papilles et pour celles des chauves-souris géantes, les fameuses « roussettes » qui ont eu le malheur d’avoir la même passion que nous pour le fruit sucré. A Maurice, le choix est vite fait entre les nombreux « agricélecteurs » et le curieux mammifère (qui nous ressemble beaucoup finalement). Une période qui coïncide avec leur abattage massif en « règle » car autorisé par la loi même si l’animal est protégé*. Une barbarie d’autant plus ridicule qu’elle intervient alors que le dernier rapport de la FAO (Food and Agriculture Organization des Nations Unies), désigne Maurice comme le premier pays au monde pour l’utilisation de pesticides par superficie de terres cultivées. Mettant en péril tous les écosystèmes terrestre et marin (sans compter la santé des hommes). Quand on sait que la roussette est (était ?) le premier prédateur naturel des insectes de tous types, la logique voudrait qu’on généralise la pratique de filets protecteurs des fruits comme le font, à leurs frais il est vrai, quelques producteurs consciencieux. Quand on voit encore ce genre d’hérésie (pour rester poli) on ne peut qu’être inquiets pour notre futur immédiat. *La roussette noire est sur la liste rouge des espèces menacées par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Son statut a été révisé pour la dernière fois en 2018.

Editeur : Archipels Solution Ltd / Fast Hub N°6 • Grand-Baie-Coeur-de-Ville - Grand-Bay • Mauritius Tél (230) 269 37 00 & 54 79 74 22 – Mail : archipels@lejournal desarchipels.com - Website : www.lejournaldesarchipels.com Représentation à Madagascar : Archipels Madagascar - LOT Il 22 AJ MORARANO ALAROBIA – ANTANANARIVO 101– Mail : madagascar@lejournaldesarchipels.com Tél : (261) 34 20 760 81 & 32 53 564 09 Zone de couverture : Maurice - La Réunion - Madagascar - archipel comorien îles éparses – Seychelles - Afrique orientale). Audience cible : Entrepreneurs – Directeurs du développement – Consultants en stratégie et développement – ONG – Crowdfunders et Business angels – Diplomates et politiques – Fonctionnaires – Etudiants… Directeur de publication, rédacteur en chef : Jacques Rombi (jacques@lejournaldesarchipels.com) web marketing et traductions : Anaïs Rombi (archipels@ lejournaldesarchipels.com ) Direction artistique : Archipels Solution Ltd Graphismes, PAO Rakotomamonjy Herinjaka (pao@lejournaldesarchipels.com) PRINCIPAUX JOURNALISTES Est africain : André Gakawa (andre.gakwaya@gmail.com) Archipel comorien & Mayotte : AB médias (comores@ lejournaldesarchipels.com) Archipel comorien & Mayotte : AB médias (269) 3391705 (comores@lejournaldesarchipels.com) Benoît Barral à Moroni / Nora Godeau à Mayotte Madagascar : Tsirisoa Rakotondravoavy, Liva Rakotondrasata, Niry Ravoninahidraibe (madagascar@lejournaldesarchipels.com) La Réunion : Olivier Pioch (reunion@lejournaldesarchipels.com) Ile Maurice : Orson Razaka (maurice@lejournaldesarchipels.com) Thierry Chateau et Julie Vacher (histoiresproductions@ gmail.com) – Alexandre Khargoo (presse@lejournaldesarchipels.com) Photographies : Pierre Marchal – Jacques Rombi – Fabien Dubessay Secrétaire administrative et commerciale : Sweendy Roussety (archipels@lejournaldesarchipels.com) Commerciaux : : Comores et Mayotte : AB Médias / Yasmina Nomane : (269) 369 27 31 – Madagascar : Christophe de Comarmond (261) 34 14 059 49 et Ny Holy Andrianjaka (261) 34 43 130 75) – Maurice : Archipels Solution Ltd (230) 269 37 51 Distribution : ARDP (à La Réunion) – IPBD à Maurice - Jumbo Score et TMV à Madagascar – AB Médias à Mayotte et Grande Comore. Dépôt légal : ISSN en cours Impression : Regent Press Ltd. Imprimé sur du papier FSC

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Aux Comores, en bref…

Mise en place d’un fonds de garantie par l’État comorien pour lutter contre les pénuries

La société française de BTP Eiffage se retire des Comores

Afin de répondre aux fréquentes pénuries de denrées alimentaires et à l’augmentation concomitante de leur prix, le gouvernement a décidé de la mise en place d’un mécanisme de caution à destination des opérateurs économiques concernés. D’un montant de 10 millions d’euros, ce fonds de garantie avalisé lors du conseil des ministres du 8 septembre aura pour but de répondre aux besoins de liquidité des commerçants. Des discussions ont parallèlement été lancées avec les principales banques du pays, dans le but d’essayer de diminuer les taux de crédit (de l’ordre de 15 à 20% actuellement).

Eiffage a procédé, lundi 6 septembre, à la remise technique du chantier Moya-Sima (37km de routes côtières à Ndzuani) à l’Etat comorien... et annoncé au même moment sa décision de cesser ses activités dans le pays. Son directeur des travaux, David Gontier, justifie cette annonce par « des stratégies d’entreprises décidées depuis le siège parisien», mais admet en parallèle que le gouvernement comorien et l’entreprise française n’avaient pas réussi à s’entendre sur le montant du tronçon MitsudjePanda. Eiffage se retire ainsi des Comores alors que le directeur général des routes Said Ousseine annonce trois chantiers urgents, un par île : ceux du tronçon

Moroni-Fumbuni à Ngazidja (sous financement de la Banque africaine de développement), du tronçon Mutsamudu-Sima-BugweniSima-Bimbini à Ndzuani (sous financement du Fonds saoudien de développement) et du tronçon Wanani-Nyumachuwa à Mwali (sous financement de la Chine). Le départ d’Eiffage laisse la société chinoise China Geo-Engineering Corporation en position dominante, mais la direction des routes évoque comme concurrents potentiels « d’autres sociétés, comme Sogea ou Colas : nous avons lancé les appels d’offres, il ne se posera aucun souci sur la continuité des travaux ».

Financement de 330 millions d’euros par la Banque Islamique de Développement La BID a signé le 4 septembre un protocole d’accord avec l’Union des Comores, pour le financement de la relance post-Covid du pays, à hauteur de 330 millions d’euros pour les trois prochaines années. Seront notamment soutenues les importations des denrées alimentaires et des hydrocarbures, mais aussi le développement des chaines de valeur stratégiques (agriculture, transformation, logistique), d’après la convention signée par Fouady Goulam, Commissaire général au plan.

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Coopération régionale Quatre millions d’euros pour Cap Business C’est l’ADN de notre magazine : comment renouer des relations entre nos îles de l’Indianocéanie afin de travailler de façon équitable et pérenne ? Cette question est posée par des institutions régionales qui disposent désormais de financements ad’hoc comme Cap Business (ex UCCIOI pour Union des Chambres de Commerce et d’Industrie de l’océan Indien). D’après une source proche du dossier, « 4 millions d’euros

Pour visionner l’enregistrement vidéo de l’évènement,

Transition énergétique Business Mauritius organise le débat privé public. Comment mettre en oeuvre la transition énergétique à la suite des mesures annoncées dans le budget 2021-2022 ? Tel était le thème principal de la cinquième rencontre du Club des Entrepreneurs de la Transition Energétique de Business Mauritius qui s’est tenue le 8 septembre

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Vue aérienne du site ISDND, situé à Dzoumogné dans le nord de l’île.

seront alloués sur les 5 prochaines années à Cap Business* par l’AFD (Agence Française de développement) afin de lancer ce dialogue public-privé et lancer des projets de développement économique ». Avant cela, la priorité sera de définir le positionnement stratégique de Cap Business OI qui souffre d’un déficit d’image, voire de communication. « Cet outil manque de légitimité vis-à-vis des entrepreneurs de la région, c’est pourtant l’interface, la plateforme de dialogue qui va faire front commun dans ce nouvel élan PPP» aux dires de notre interlocuteur qui précise que les enjeux clés porteront sur la relance économique et la transition écologique : « la résilience grâce à une vraie économie circulaire, le développement de l’économie bleue et de nouvelles connectivités maritimes et aériennes, tels sont les enjeux de ce dialogue régional qui devra poser en préambule le constat de nos carences et nos vulnérabilités ». Autant de sujets identifiés et développés par l’intéressante étude du cabinet UTOPIES pour le compte de la MCB à l’Ile Maurice et dont Cap Business pourrait s’inspirer ? Lire l’article sur notre site en scannant le QR CODE :

dernier, à Vivéa Business Park, à Moka. Pour l’occasion, les membres ont accueilli Danen Beemadoo et Mreedula Mungra, respectivement président et CEO de la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA, qui opère sous l’égide du ministère de l’Énergie et des Services publics). Les échanges, qui ont eu lieu dans un esprit de dialogue public-privé, ont permis d’aborder différents enjeux et d’apporter des éclaircissements sur plusieurs sujets. En 2020, sur 2 882 GWh d’électricité générée, 688 GWh ont été produits à partir de sources renouvelables, soit 23,9% de la production énergétique. « L’objectif d’avoir 60% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2030 est réalisable si nous nous en donnons les moyens » a soutenu Danen Beemadoo. Plus d’informations sur le dossier consacré aux nouvelles énergies à paraître en décembre prochain.

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Mayotte Bientôt du biogaz issu des déchets C’est ce que nous révèle notre journaliste basée à Mayotte dans cet extrait d’un dossier dont l’intégralité sera à lire dans notre prochaine édition. A Dzoumogné dans le nord de l’île, l’SDND pour « Installation de Stockage des Déchets Non Dangereux », s’efforce de valoriser les montagnes de déchets dont elle a la charge. « L’ISDND a été ouverte en 2014 pour remplacer les 5 anciennes décharges sauvages de Mayotte où les déchets étaient brûlés sans respect des normes en vigueur en France », explique Sébastien Suchy, le directeur des entreprises sœurs Star Urahafu et Star Mayotte, appartenant toutes deux au groupe Suez, bénéficiant d’une délégation de service public. L’autre produit issu de la fermentation des déchets du casier s’avère bien plus intéressant pour le territoire : il s’agit du biogaz. Celui-ci est essentiellement composé de dioxyde de carbone et de méthane (entre 30 et 50%). Or le méthane, à l’instar du butane, de l’essence ou du diesel, est un carburant. Pour le moment, le biogaz est brûlé à la torchère, mais Star Urafahu a d’ores et déjà installé un moteur où il sera injecté pour produire de l’électricité. « Jusqu’à présent nous n’avions pas encore assez de débit pour démarrer le moteur, mais là nous y arrivons et il devrait être activé d’ici la fin de cette année », affirme Sébastien Suchy. Puisé par des puits forés au cœur du massif de déchets du casier, le biogaz sera donc injecté dans ce moteur de 1 MW qui produira de l’électricité selon le principe du moteur à explosion. Sa production correspondra à l’alimentation d’une petite ville de 6000 à 10 000 habitants. A suivre dans nos colonnes.


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filiNfos Réunion/Maurice

Fourmize

viendra, viendra pas ?

Suite à notre article paru dans notre dernière édition «Fourmize se développe à l’international», nous avons en toute logique consulté le porteur de projets sur son arrivée effective à Maurice prévue avant la fin de l’année.

Plus d’infos sur

Pour Christophe Deboos : « je confirme, nous devrions finaliser bientôt. S’agissant du recrutement d’un directeur local, nous attendons là aussi la réponse du ministre avant de valider … » Rappelons que l’entreprise Fourmize s’est développée à La Réunion depuis 2020 et connait un développement assez rapide. Au point d’avoir obtenu un soutien du Fonds d’études et d’aide au secteur privé (FASEP) de 300K€, pour se développer à l’international (Maurice puis Madagascar) et en France métropolitaine, en commençant par Rouen en Normandie où Fourmize a déjà des bureaux.

L’entreprise porte le nom de la première plantation de vanille enregistrée pour la première fois en 1915, dans la région de la Sava, dans le Nord-Est de Madagascar et a pour cœur d’activités la production, l’approvisionnement, la transformation et l’exportation de vanille et d’épices de haute qualité de Madagascar. Afri Resources Group (filiale de Monaco Resources Group) a commencé à investir dans la production de vanille et d’épices à Madagascar en 2015 avec le directeur de Cinq Frères, Matthieu Lougarre et 10 Le journal des archipels

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Madagascar / Maurice Lancement à Maurice de Cinq frères, producteur de vanille et épices haut de gamme malgaches Plantation de vanille des Cinq Frères à Antalaha possède à ce jour 3 plantations qui totalisent 145 hectares ainsi que deux centres de transformation. Cinq Frères se lance dans la commercialisation au détail en proposant à ses clients des gousses de vanilles distinguées par la certification Agriculture Biologique d’Ecocert et qui sont cultivées,

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Fourmize est reconnue «Entreprise d’Insertion agréée par l’Etat » depuis juin dernier. A propos de Maurice, monsieur Deboos précise : « a minima, nous installerons le concept de la récompense donnée à quiconque triera et nous apportera ses déchets ménagers au point de collecte le plus proche de chez lui. Trois points d’apport sont prévus sur Port Louis et des premiers partenaires commerciaux ont accepté d’offrir des réductions à ces personnes ». Palabres, « tantaras » ou « ladi lafé » suivant l’île où l’on se trouve, ce projet est doublement innovateur puisqu’il est couplé à celui de cargo régional fonctionnant avec nos déchets. Le porteur de projets précise : « J’invite les détracteurs à faire esprit de curiosité et regarder au-delà des limites géographiques de la Réunion ou de Maurice, ils comprendront quelles sont les tendances mondiales : le biofuel y a toute sa place!» Il rappelle à ce titre quelques chiffres sur la viabilité du projet : Plastiques enfouis à La Réunion : 49000 tonnes. Besoin annuel du navire : 3600 tonnes de biodiesel soit un besoin en plastique de l’ordre de 5000 Tonnes, soit 10% du gisement (de La Réunion uniquement). En outre, le navire disposerait d’une assistance vélique, ce qui réduirait sa consommation de 50% sous certaines allures de vent… Toujours à suivre dans nos colonnes. transformées, exportées et commercialisées par ses soins. Cette démarche fait de l’entité, la seule actrice de la filière vanille du marché à n’avoir recours à aucun intermédiaire et à pouvoir garantir un produit à la traçabilité optimale, du champ au consommateur final. « Par ailleurs, tous nos champs sont gérés de manière durable suivant les préceptes de l’agroécologie. Absence de produits chimiques, associations de cultures, rotations, maintien d’un couvert végétal, préservation des essences locales et reboisement : tout ceci fait partie de nos stratégies » assure Matthieu. Aujourd’hui, les produits Cinq Frères sont vendus sur le site marchand www. cinq-freres.com et sont disponibles à la vente et à la livraison sur tout Maurice.


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Comparaison Réunion/ Maurice

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Une conscience écologique qui s’affirme Les problèmes environnementaux sont de plus en plus présents dans l’esprit des consommateurs de l’océan Indien. Un tiers des Réunionnais se dit personnellement très concerné par les problèmes environnementaux alors que ce sont près de 40% des Mauriciens qui le sont. Ce chiffre a de quoi surprendre quand on connaît l’engagement précoce de la Réunion comme département pilote en matière de développement durable. Cependant, la situation spéciale que vit Maurice depuis plus d’un an peut expliquer cette prise de conscience. 38% 31% S’ajoute à cette crise Je suis personsont tout à fait économique nellement très d’accord avec une crise concerné(e) par cet affirmation les problèmes écologique : environnementaux en août 2020, le bateau Wakashio s’échouait sur la barrière de corail du sud-est générant une marée noire qui a créé une exaspération du public envers un gouvernement peu réactif et une vague de contestation d’envergure. Ce contexte a sans aucun doute renforcé la prise de conscience mauricienne concernant l’environnement.

Qu’en est-il de la conscience écologique et des actions du quotidien ? Des changements radicaux s’opèrent notamment en ce qui concerne la conscience écologique, les partis-pris et les actions durables menées par les individus. Kantar s’est intéressé au phénomène en mesurant en 2021 auprès d’échantillons représentatifs de la population* les différences existantes entre un citoyen réunionnais et un citoyen mauricien Pauvreté et en la matière. surconsommation

dépassent la cause environnementale Kantar s’est intéressé aux objectifs qui préoccupent le plus les citoyens parmi les 17 grands objectifs des Nations Unies. La pauvreté et la famine ainsi que la surconsommation et le gaspillage sont les objectifs qui

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67%

62%

Pauvreté et famine

52%

65%

Surconsommation et gaspillage

préoccupent davantage les citoyens des deux îles. On remarque qu’ils passent en priorité devant les considérations écologiques telles que le réchauffement climatique, la pollution de l’air ou la pollution plastique des océans. La différence de pouvoir d’achat et de style de vie entre les deux îles permet l’interprétation de ces chiffres. Le Mauricien qui a vu son budget largement impacté par la pandémie internationale est particulièrement sensible à l’objectif de pauvreté. Le Réunionnais qui profite d’un pouvoir d’achat supérieur est préoccupé davantage par la surconsommation. Ces objectifs reflètent les préoccupations budgétaires ressenties par les citoyens des deux îles.

Le pouvoir d’achat prime sur la conscience écologique Parmi les comportements d’achat consensuels en matière durable, on note le fait de ne pas acheter des vêtements pour des occasions uniques ou l’utilisation des sacs en plastique. Le premier comportement, est encore directement lié à la forte sensibilité au prix alors que le second est lié à un cadre règlementaire désormais bien ancré dans les habitudes. Ces usages répandus sur les deux îles sœurs dénotent un intérêt financier dans la démarche ou une injonction forte. Idem, en ce qu’il s’agit des comportements réels de consommation : le refus du gaspillage qui a un impact direct sur les dépenses du ménage est pratiqué par presque 8 Mauriciens et Réunionnais sur 10. A l’inverse, les comportements volontaires et « gratuits» qui auraient un impact sur l’environnement sont loin d’être répandus. Ce sont presque 8 Mauriciens sur 10 qui déclarent jeter les déchets recyclables dans la poubelle contre plus d’un Réunionnais sur deux. On note ici un écart important entre les deux îles. La démarche en est encore à son balbutiement à l’île Maurice. Un effort important est demandé au citoyen en ce qu’il s’agit du tri et du financement de la collecte


AFRIQUE DE L’EST

COMPORTEMENTS EN COURS D’ACQUISITION

77%

54%

JETER *les déchets recyclables à la poubelle

COMPORTEMENT ANCRÉS

80%

LES COMORES MAYOTTE

MADAGASCAR

LA RÉUNION

MAURICE

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77%

NE PAS JETER** de la nourriture

% des Mauriciens / Réunionnais interviewés qui déclarent * J’évite de le faire ou je ne le fais pas (Tout le temps, souvent ou de temps en temps)

ou du dépôt dans des zones prévues à cet effet. Zones qui sont principalement soutenues par des actions de responsabilités sociales du secteur privé. A La Réunion, la gestion du tri et de la collecte ont été mises en place et soutenues par les services publics depuis de nombreuses années et accompagnées par des campagnes de sensibilisation nationales. Finalement, on aurait pu s’attendre à un comportement plus ancré de la part du Réunionnais dans un tel contexte. Les Mauriciens semblent

souhaiter s’engager dans des comportements de consommation plus durables. Ceci révèle que la conscience environnementale des Mauriciens et des Réunionnais est encore jeune et ne constitue pas une injonction forte pour les consommateurs qui motiverait des changements de comportements importants, surtout si ces changements n’ont pas un impact financier ou ne sont pas rendus obligatoires. *Échantillon national représentatif : 500 personnes à Maurice et 500 personnes à la Réunion interrogées via panel digital.

Virginie Villeneuve, directrice associée de Kantar Consulting

Etablie depuis plus de 20 ans dans notre région, Virginie a obtenu son doctorat es Sciences de gestion (domaine : marketing, comportement du consommateur) en 2005 à l’Université de La Réunion. Elle fut consultante pour la Chambre de Commerce et d’Industrie du département français avant de rejoindre Kantar à l’Ile Maurice en 2010. Ayant plus de 15 ans d’expérience en marketing et communication, elle dirige des projets de conseil et de stratégie et anime des ateliers stratégiques avec les clients. Elle est l’auteure de Connected Life, Essence XYZ et Future Life et travaille sur les études sociétales, notamment l’évolution du consommateur de l’océan Indien afin d’identifier les tendances et les modèles.

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People AFRIQUE DE L’EST

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Par nos correspondants à Madagascar : Tsirisoa Rakotondravoavy & Liva Rakotondrasata Photographies : MEDD

De la COP 26 à la politique de reboisement en passant par la gestion des déchets, la ministre malgache de l’Environnement et du développement durable, Baomiavotse Vahinala Raharinirina, nous donne des éclairages sur les enjeux écologiques auxquels la Grande Ile accorde une attention particulière. Interview exclusive.

Baomiavotse Vahinala Raharinirina

Ministre de l’Environnement et du Développement Durable de Madagascar JDA : Madame la ministre, comment se prépare Madagascar par rapport à la COP 26* (Conférence des Parties) et avons-nous déjà une idée des avancées enregistrées depuis la COP 21 ?

Baomiavotse Vahinala Raharinirina : Le pays souhaite faire

entendre sa voix dans le cadre de cette grande rencontre internationale d’autant plus que nous venons de recevoir l’alerte du Giec sur les menaces réelles du changement climatique, il est impératif qu’on y soit. Avec différents acteurs, 14 Le journal des archipels

dont les représentants de l’administration publique et les acteurs de la société civile, particulièrement nos partenaires en matière de conservation et d’adaptation au changement climatique, nous allons porter le « Velirano 10 » (engagement présidentiel) qui porte sur la gestion des ressources naturelles de manière durable et surtout équitable. Autre point important : Madagascar vient de boucler sa « PNA » (politique nationale d’adaptation) visant à mettre en place une stratégie et un plan d’actions. Nous sommes à la 26e édition de la Conférence des

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lire la suite de l’itv

Parties. On remarquera que des engagements forts ont été pris depuis la COP 21 mais que nombre de promesses n’ont pas été tenues. Madagascar saisira l’occasion pour rappeler les promesses notamment celles faites par les plus gros pollueurs, les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre. Nous évoquerons également la question du financement du fonds vert climat mais aussi des engagements en termes de partenariat, d’accompagnement des pays du sud et les efforts consentis par ces pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.


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JDA : Dans votre réponse vous avez évoqué le Fonds vert. Comment évolue le processus pour Madagascar ? BVR : Effectivement, le Fonds vert climat est le premier fonds mondial pour l’environnement et notamment pour les questions climatiques qui s’adresse principalement aux pays du sud. Depuis quelques années, on constate que les pays d’Asie, d’Afrique du Nord, et ceux de l’Amérique latine, ont surtout bénéficié du Fonds vert climat. Mais la donne change progressivement car les pays de l’Afrique subsaharienne, dont Madagascar, sont en train de mener des réformes pour s’arrimer aux exigences posées par le Fonds. Notre sous-région, l’océan Indien, est actuellement dans une phase de préparation. Le ministère de l’Environnement et du développement durable, à travers le bureau national du changement climatique et REDD+**, a ouvert un processus pour apporter des éclairages aux différents acteurs concernés, notamment ceux du secteur privé, puisque c’est un fonds qui s’adresse à la société civile environnementale mais aussi et surtout au secteur privé. Nous avons ainsi consulté à plusieurs reprises les entreprises du secteur privé pour leur expliquer les différentes conditions liées à l’accès au fonds, quels sont les types de projets éligibles et surtout qu’en est-il de la procédure qui est assez complexe par

rapport aux procédures habituelles de financement. Le processus va durer 18 mois et nous sommes à mi-chemin. L’un des principaux objectifs est de conscientiser le secteur privé à Madagascar qu’une large gamme de financements et surtout diverses typologies de projets sont éligibles. Elles vont des questions énergétiques à la captation de carbone, en passant par l’agroécologie. Dans cette phase de préparation, le ministère, dans son rôle d’organisme accrédité par la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique, accompagne activement les entreprises pour que le pays soit bien préparé et, surtout, pour que l’on soit à la hauteur des nombreuses attentes qui découlent de notre éligibilité.

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Recherche de partenariat public-privé pour le tri des déchets

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JDA : Concernant le traitement des déchets à Madagascar, où en sommesnous ? BVR : La question des déchets est un enjeu très important et fait partie des axes stratégiques du ministère. Pas plus tard qu’en 2020, nous avons décidé, sur proposition du président de la République, d’intégrer cette question de résolution des problématiques de déchets en mettant en place des centres de tri de déchets dans les districts. Nous avons commencé avec trois centres de tri qui devraient prochainement être entièrement fonctionnels. Le ministère n’a pas vocation à gérer ces centres de tri, nous faisons appel directement au secteur privé. Donc, l’approche est plutôt sur du partenariat public-privé. Nous avons d’ailleurs rencontré des initiatives en matière de recyclage et d’économie circulaire qui nous ont inspirées pour la conception des centres de tri de déchets dans les districts. *La Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques est une conférence internationale organisée par les Nations unies prévue du 1er au 12 novembre 2021 à Glasgow, en Écosse. **Le mécanisme «REDD» (Réduction des Émissions dues à la Déforestation et à la Dégradation forestière) est un mécanisme créé lors de la Conférence des Parties UNFCCC, pour inciter économiquement les grands pays forestiers tropicaux à éviter la déforestation et la dégradation des forêts.

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Déforestation : comment reboiser 75 000 hectares par an ?

Ce sujet, qui fait la triste réputation du pays depuis de nombreuses années, semble enfin pris au sérieux par le ministère de l’Environnement et du développement durable. Pour Baomiavotse Vahinala Raharinirina : « la question de la déforestation est une question centrale et je profite de l’occasion pour annoncer qu’une grande réforme est en cours avec le projet « Madagasikara Rakotr’ala » ou «Reverdir Madagascar ». C’est la première fois depuis pratiquement 60 ans que nous avons une politique environnementale axée sur les résultats et une politique de reboisement qui repose sur la professionnalisation. Nous travaillons pour garantir l’implication de tous et aussi pour un reboisement utile et de proximité.

Des drones pour participer au reboisement

« L’idée du président de la République est à la fois de s’appuyer sur la population et sur les différents acteurs de l’environnement et, surtout, de mobiliser les nouvelles technologies pour accélérer la réalisation des objectifs. Les drones sont arrivés mais, pour l’instant, il n’y a pas de drones sur mesure pour planter des arbres. Ce sont les techniciens du ministère, les dronistes de Madagascar National Parks et d’autres partenaires qui travaillent pour avoir ces modèles de drones qui peuvent faire du reboisement.»

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Ken Poonoosamy Il annonce de nouveaux cadres réglementaires pour la diversification d’activités Propos recueillis par Jacques Rombi photographies : Fabien Dubessay

Le CEO de l’EDB (Economic Development Board*) donne sa vision de l’économie circulaire et l’environnement pour Maurice et sa région proche. Une longue interview exclusive, dont une partie est à retrouver sur notre website, via les QR code à scanner dans ces pages.

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Le Journal des Archipels : L’économie bleue est devenue un concept populaire dans les discussions sur la gouvernance marine ainsi que le développement des activités économiques liées aux océans et des cours d’eaux, mais d’après vous, quelles orientations donner à ce concept aujourd’hui? Ken Poonoosamy : L’orientation prise par Maurice pour promouvoir sa stratégie de l’économie bleue repose sur le développement de plusieurs sous-secteurs notamment la pêche, la transformation des produits de la mer, les services portuaires, les services maritimes, les technologies marines et maritimes, la biotechnologie marine, les énergies marines renouvelables et l’exploration des fonds marins. Il est important de noter que la politique de développement de chacun de ces sous-secteurs est intrinsèque à la nature de ces activités et dépendent donc du fait que ces sous-secteurs soient bien établis, naissants ou émergents. Pour les secteurs déjà établis comme la pêche ou les services liés au port, l’orientation se focalise sur la diversification des activités. Par exemple le secteur de la pêche comprend à la fois la pêche aux engins et l’aquaculture. Ce secteur est un élément essentiel de l’économie qui représente environ 1,5 % du PIB et emploie jusqu’à 22000 personnes dans la transformation du poisson et les services liés au secteur. La production halieutique est évaluée à plus de 580 millions de dollars par an et représente environ 22% des exportations mauriciennes en valeur. Le pays s’attelle désormais à maintenir une croissance raisonnée du secteur tout en portant une attention particulière aux considé-

rations de soutenabilité. Il est à noter, par exemple, que Maurice a pris des engagements fort louables au niveau de la commission thonière de l’océan Indien afin de préserver ces ressources. La priorité du secteur se focalise dorénavant sur de la valeur ajoutée accrue sur les produits et une diversification des pêcheries selon des quotas règlementés.

JDA : Ces initiatives indiquent une vision avant-gardiste pour l’économie du pays, cependant comment mieux échanger avec nos voisins de l’Indianocéanie ? KP : Il est impératif d’avoir des commissions inter-régionales sur des projets et des secteurs spécifiques afin de mobiliser la masse critique requise pour le développement de projets structurants et de grande envergure. Les pays de la région se focalisent déjà de manière concertée sur plusieurs sujets incluant la pêche, à travers la Commission thonière de l’océan Indien et les accords de pêches inter-iles, la surveillance maritime, les échanges entre les centres de recherches, le développement de l’expertise autour des énergies marines renouvelables, entre autres. Et ces exemples de collaboration doivent se multiplier afin de réaliser l’ambition bleue régionale. Comme cas concret, faisons mention du fait que le 17 juillet marquait la journée de l’économie bleue commune pour 8 pays, à savoir la France, l’Afrique du Sud, les Comores, le Kenya, l’ile Maurice, le Mozambique, la Tanzanie ainsi que les Seychelles. La France a rallié ces pays, pour l’année bleue de l’océan Indien du mois de mai 2021 à mai 2022, dans

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le but de renforcer les ligues régionales pour une gestion durable et une garantie des activités économiques auprès des frontières, l’innovation et la recherche inter-régionale, ainsi que la conservation de la biodiversité, des espaces marins et littoraux.

JDA : Sur les énergies renouvelables et les incitations à la photovoltaïque, comment atteindre l’objectif de zéro charbon en 2030 ? KP : L’un des axes principaux du budget 2020/2021 est la refonte du secteur énergétique mauricien avec pour objectif une contribution de 60% des énergies vertes dans le mix électrique. La mise en place de cette stratégie aura pour effet la création de nouvelles opportunités, des emplois durables et une réduction de nos importations de combustibles fossiles. Cela découle des conventions internationales sur l’environnement dont Maurice est signataire, dont la COP 22. Les sources d’énergies renouvelables représentaient 23,9 % du mix électrique en 2020, soit une augmentation de 2,2 % par rapport à 2019. En termes réels, la production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables primaires, à savoir le solaire, l’éolien, l’hydroélectricité et la valorisation de méthane de la principale décharge de l’île, a connu une augmentation globale de 6 % ou 42 GwH par rapport à 2019. Cependant, la production d’énergie à partir de la bagasse a maintenu sa tendance à la baisse, représentant 56 Gwh de moins en 2020 par rapport à 2019. Pourtant, la bagasse reste la principale source d’énergie renouvelable représentant 13,3% de la production nationale totale, contre 18% une décennie de cela.

« Ces mesures ont eu pour effet un engouement du privé d’investir dans le secteur du solaire » En revanche, la production d’électricité solaire a connu une importante progression passant de 30 GwH en 2016 à 147 GwH en 2020. Aujourd’hui, la produc-

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Economie bleue : pour 2 milliards de dollars…. C’est le montant évalué par la Banque Mondiale dans un rapport récent ayant pour titre « Making It Happen, Making it Last ». Ce rapport met en perspective les besoins d’investissements requis afin de développer l’économie bleue de Maurice à son plein potentiel. Afin de doubler la contribution de l’économie bleue au PIB national, le rapport fait mention des investissements suivants sur 10 ans : 331 millions de dollars (dont 41.6 millions d’investissement public) pour le secteur de la pêche, 1,083 millions de dollars (dont 591 millions d’investissement public) dans le domaine portuaire, 620 millions de dollars pour les secteurs des énergies marines, entre autres. Des investissements à mettre en œuvre sous l’impulsion des IDE (Investissements Directs Etrangers) dans le cadre de PPP (Partenariat Privés Publics) d’après le docteur Drishty Ramdenee, Head of Department Ocean & BIO Economy à l’EDB).

tion émanant du solaire représente 5.1 % de la production totale d’électricité à Maurice, comparé à presque 0% il y a une décennie. Cette progression rapide du solaire découle d’une politique gouvernementale axée sur une défiscalisation des projets liés au solaire incluant les panneaux photovoltaïques et autres équipements, une garantie d’achat de la CEB (Central Electricity Board) à la suite des appels d’offres, l’amortissement accéléré de l’impôt sur le revenu sur les investissements verts et l’exemption de la taxe foncière sur l’achat et les baux de terrains pour développer les énergies renouvelables. De plus, tous les revenus d’intérêts des obligations émises pour financer des projets d’énergies renouvelables et qui sont approuvés par la MRA (Mauritius Revenue Authority) sont exonérés d’impôt. Ces panoplies de mesures ont eu pour effet un engouement du privé d’investir dans le secteur, avec des investissements totalisant plus de 5 milliards de roupies (plus de 100 millions € NDLR) durant ces 6 dernières 18 Le journal des archipels

années. De plus, les banques mauriciennes ont ouvert l’accès au financement des projets verts à des taux très attrayants, résultant en la restructuration financière des investissements des projets solaires avec des prêts essentiellement locaux. Cela démontre ainsi les effets indirects induits des projets à énergies renouvelables. La stratégie intégrée des énergies renouvelables du gouvernement a eu aussi pour effet une démocratisation de la production énergétique et la production d’électricité par les petits producteurs a pris son envol, représentant quelques 20 GwH en 2020. La déduction des investissements dans la production d’énergies renouvelables sur l’impôt des ménages a créé un engouement pour les kits ménagers. * Le mandat de l’EDB est, entre autres, de fournir un solide soutien institutionnel à la planification économique stratégique et d’assurer une plus grande cohérence et efficacité dans la formulation des politiques économiques ; promouvoir Maurice comme un centre d’investissement et d’affaires attrayant, une plate-forme d’exportation compétitive ainsi qu’un centre financier international.

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De nouveaux cadres réglementaires

D’après nos interlocuteurs de l’EDB, le pays travaille afin de jeter les bases du développement de nouveaux créneaux liés à l’économie bleue. Ces dernières années, des cadres réglementaires ont été mis en place pour favoriser l’émergence de nouveaux secteurs comme la biotechnologie marine, les services maritimes, entre autres. Plusieurs projets sont d’ailleurs en gestation comme la mise en place d’une nouvelle unité de production d’énergie issue de produits de la mer, de l’électricité avec l’énergie motrice de la vague et la valorisation de la recherche par le Mauritius Oceanographic Institute portant sur l’utilisation des extraits des éponges pour le développement des produits contre le cancer et le diabète. On note aussi un engouement pour l’immatriculation des navires et des activités ancillaires comme la gestion du personnel et des flottes à partir de Maurice. De plus, un cadre réglementaire pour l’exploration des fonds marins sera bientôt promulgué. Plus de détails dans notre prochaine édition.


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Salimah Jaulim Manager du Global Compact Network Mauritius & Indian Ocean Ceux qui s’intéressent aux problématiques de développement connaissent les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) tels que définis par Kofi Hannan en 2000. Depuis, ces Objectifs sont mis en oeuvre auprès du secteur privé dans tous les pays du monde à travers le Pacte Mondial des Nations Unies (UN Global Compact). Dans la région, c’est Salimah Jaulim qui a l’honneur de développer ce programme. Par Jacques Rombi Photographies : Fabien Dubessay

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Une belle mission assez exceptionnelle puisqu’ici à Maurice, elle est la seule à pouvoir représenter plusieurs pays : « Global Compact Maurice et océan Indien concerne également les îles : Madagascar, les Comores et les Seychelles. C’est une façon de mettre à l’épreuve l’Objectif 17 qui porte sur le partenariat. En effet, Global Compact Maurice et océan Indien est le premier réseau à comprendre quatre pays. Nous sommes en phase de démar-

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rage et cette expérience pourrait être dupliquée ailleurs… », dixit cette jeune femme au sourire permanent. Un sourire qui est à coup sûr la marque d’une personne épanouie et qui a trouvé sa voie : « J’ai fait mes études et commencé ma carrière professionnelle dans l’informatique chez le groupe Harel Mallac. En évoluant au sein d’une entreprise dynamique, je me suis beaucoup intéressée à comprendre l’impact de l’entreprise sur l’environnement, les employés, la communauté en général et inversement… » Une curiosité qui la ramène de nouveau sur les bancs de l’Université où elle passe un Master en Project Management for Sustainable Development. C’est alors l’occasion de changer de casquette, de s’épanouir et trouver sa voie : « Au-delà des multitudes de projets comme le Global Reporting Index, la définition des objectifs ODD et la mise en place de l’audit des déchets que j’ai entrepris dans


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UN Global Compact Maurice et Océan Indien

le département RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), je serais tentée de parler de mon apport à la structure, de son développement, à la philanthropie de l’entreprise, à apporter un regard neuf et avoir participer à « bouger les murs ».

Axian, IBL, MCB et Afrasia Bank, membres fondateurs Une expérience qui lui vaudra en 2016 l’élaboration du plan stratégique du développement durable dans diffèrents secteurs d’activités tels que la technologie, l’industrie chimique et la distribution. Le Pacte Mondial n’est plus très loin ! Après 9 ans de carrière, elle entame une formation neurolinguistique - le principe de la modélisation d’excellence en matière de développement personnel - afin

de parfaire son rôle de manager, de gérer et motiver une équipe autour d’un projet et la gestion des multipartis. Le Pacte mondial est mis en place dans notre région depuis 2020 sous l’impulsion de quatre membres fondateurs : le Groupe IBL, la banque MCB, Afrasia Bank pour Maurice et le groupe Axian à Madagascar. En 2020 elle postule pour le poste de Manager auprès des Nations Unies pour implémenter le Pacte mondial dans l’océan Indien, un poste qui correspond à son profil et qu’elle finit par intégrer en juin dernier. Sur un plan plus personnel, comme on peut s’en douter, ses loisirs sont tournés sur la reconnexion avec la nature : « le week-end si nous ne sommes pas au bord de la mer, nous sommes en road trip ou en balade dans la nature avec mon époux et nos deux enfants ».

Photographie : JDM

lire le QR Code :

Implanté dans 162 pays et touchant plus de 14000 entreprises dans le monde, le Pacte Mondial des Nations Unies (United Nations Global Compact en anglais) est une initiative des Nations Unies lancée en 2000 visant à inciter les entreprises du monde entier à adopter une attitude socialement responsable. Salimah représente le « Global Compact Network Mauritius & Indian Ocean » aux côtés de Luvna Arnassalon, la Chairperson, que nous avions rencontrée récemment*. Ensemble, elles ont pour mission d’implémenter localement la stratégie pluriannuelle du Pacte Mondial des Nations Unies visant à sensibiliser les entreprises à prendre des mesures pour soutenir la réalisation des objectifs de développement durable d’ici 2030, en suivant 10 principes fondamentaux. Ces dix principes sont issus principalement de, la Déclaration universelle des droits de l’homme - la Déclaration de l’Organisation internationale du travail relative aux principes et droits fondamentaux au travail - la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement et la Convention des Nations Unies contre la corruption. En bref, il s’agit de fournir aux entreprises intéressées, des méthodes et outils pour que ses valeurs suivent des principes pour faire des affaires : agir pour répondre aux responsabilités fondamentales dans les domaines des droits de l’homme, du travail, de l’environnement et de la lutte contre la corruption. Il convient aussi d’appliquer les mêmes valeurs et principes partout où l’entreprise est présente tout en sachant que les bonnes pratiques dans un domaine ne compensent pas les dommages dans un autre. En incorporant les dix principes du Pacte mondial des Nations Unies dans les stratégies, politiques et procédures et en établissant une culture d’intégrité, les entreprises non seulement assument leurs responsabilités fondamentales envers les personnes et la planète, mais préLuvna Arnassalon, parent également le chairperson du terrain pour un succès Global Compact à long terme. Network Mauritius

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Vêlayoudom Marimoutou & Julien Million « une gouvernance et une croissance partagées pour notre océan » Le Secrétaire général de la COI, Vêlayoudom Marimoutou et Julien Million, spécialiste des pêches de la Banque mondiale s’expriment dans une tribune conjointe qui a pour objectif d’informer sur la gouvernance des pêches et plus particulièrement l’apport du projet COI-BM SWIOFish.

22 Le journal des archipels

Pendant des millénaires, il suffisait de jeter un hameçon à l’eau, un filet, ou de poser un casier pour cueillir une subsistance des mers. De tout temps, la pêche a été l’un des moyens de nourrir l’humanité sans s’inquiéter de la durabilité de la ressource puisqu’elle se régénérait sans peine. C’était le temps d’avant. Avec l’avènement de pratiques prédatrices, parfois illégales, la demande croissante, parfois frénétique, et la détérioration des écosystèmes océaniques aggravée par le changement climatique, on ne pêche plus comme avant. Que faire ? L’une des

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réponses se résume à l’adage « gouverner, c’est prévoir ». Il faut une gouvernance des océans pour assurer l’avenir de la pêche et des pêcheurs sur le long terme tout en assurant le maintien des écosystèmes et la bonne santé des océans.

Surexploitation et pertes économiques Pour le néophyte, parfois même pour le décideur, l’amélioration de la gouvernance des pêches dans le Sud-Ouest de l’océan Indien peut pourtant sembler secondaire. Erreur ! Les chiffres en donnent un aperçu: dans notre zone, 33% des ressources halieutiques seraient exploitées à un niveau biologiquement non durable (I) . En termes financiers, ces niveaux d’exploitation génèrent des pertes économiques considérables (II) ! Et à cela s’ajoute le coût écologique et économique de la pêche illicite, non réglementée, non déclarée (pêche INN) soit une perte estimée de 1 milliard de dollars par an en valeur ajoutée (III) . Alors même que les Etats insulaires et côtiers du SudOuest de l’océan Indien


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hissent l’économie bleue au rang de leur priorité, il faut à l’évidence relever les défis d’un secteur qui fait vivre directement des millions de nos concitoyens. Et ces défis sont multiples : gouvernance, gestion, transparence, normes et contrôles…

Un enjeu de développement Il est donc à la fois important et urgent d’agir parce qu’il est question d’équilibres écologiques, de durabilité de filières et des ressources liées, d’emplois, de subsistance, de sécurité alimentaire, de croissance. En un mot, il est question de développement. C’est dans ce sens que la Commission de l’océan Indien (COI), la Commission des pêches du Sud-Ouest de l’océan Indien (CPSOOI) et la Banque mondiale se sont engagées depuis 2015 à travers le programme régional SWIOFish (IV) . Parce que le secteur des pêches recoupe bien d’autres pans de nos sociétés et de nos économies, il est apparu important de répondre aux défis de la gouvernance des pêches et de la gestion des ressources à l’échelle régionale. Le projet SWIOFish 1, d’un montant de 5 millions de dollars, visait ainsi à soutenir la CPSOOI et ses 12 pays membres (V) dans une dynamique de renforcement de la coordination et de la coopération régionale pour la gestion et le développement des pêches dans le Sud-Ouest de l’océan Indien.

Une gouvernance régionale renforcée Au cours des six dernières années, les résultats visés ont été globalement atteints et ce, malgré le ralentissement des activités imposé par la pandémie de Covid-19 : 1 Les directives pour les termes et conditions minimales régulant l’accès pour les pêcheries étrangères ont été approuvées par tous les membres de la CPSOOI ; 2 Le nombre d’accords et de protocoles bilatéraux et multilatéraux a dépassé de loin les résultats attendus soit un total de 24 accords et protocoles contre 6 visés ;

3 875 bénéficiaires directs du projet dont 22% de femmes ; 4 Des mesures innovantes de suivi et de réglementation des pêches ont été promues et soutenues, comme le Standard FiTI pour la transparence dans le secteur des pêches (accessibilité et disponibilité des données, suivi, etc.) ; 5 Des collaborations avec les initiatives régionales de surveillance, contrôle et suivi des pêches ont été conduites, notamment avec le Plan régional de surveillance des pêches de la COI soutenu par l’Union européenne ; 6 Le programme régional d’observation des pêches soutenu par SWIOFish 1 s’est distingué à l’échelle internationale en obtenant le premier prix de la Conférence internationale sur l’observation et le suivi des Pêches de Vigo (Espagne) en 2018. En outre, le soutien apporté à la SWIOFC a permis à plusieurs pays membres de soumettre des propositions communes de résolutions à la CTOI, en plus de rechercher une position commune sur les principales espèces de thon dans les négociations en cours sur les quotas au sein du Comité technique pour les critères d’allocation. Plus généralement, le soutien apporté à la CPSOOI tout au long du projet a permis de renforcer la structure, d’approfondir la collaboration des parties et de permettre aux responsables des pêches, aux techniciens et décideurs de se rencontrer régulièrement dans le but d’améliorer la gouvernance régionale des pêches.

Socle d’un océan durable Ces actions pour la gouvernance fournissent un socle indispensable au développement du secteur et à l’encadrement des pêches selon une approche de durabilité, de responsabilité et de transparence. Et c’est d’autant plus important que les ressources halieutiques sont par nature des ressources partagées. Cette action de la Banque mondiale, de la CPSOOI et de la COI participe donc à la consolidation d’un des piliers socioéconomiques de la région en tenant compte des autres initiatives en cours. La pérennité de la CPSOOI, et d’un mécanisme financier le supportant, est

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une priorité politique et stratégique pour la gouvernance et la bonne gestion des filières régionales des pêches. Les discussions ont avancé mais il faut parvenir à un accord ferme pour asseoir la gouvernance du secteur. C’est cette approche collective, en synergies, qui permettra à nos Etats et communautés de donner du corps à l’Objectif 14 de développement durable pour un océan géré durablement. I FAO « La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2020. La durabilité en action. », Rome, 2020, page 57. Il est ici fait référence aux données de 2017. II Les pertes économiques liées à la surexploitation ou à l’exploitation au maximum du potentiel biologique des stocks halieutiques étaient estimées, déjà en 2008, à 225 millions de dollars ! III FAO, 2017 IV Le programme SWIOFish est financé par la Banque mondiale pour un montant total de 219,7 millions $ dont près de 60 millions $ en subventions. Il se décline en trois cycles de projets avec des composantes régionales et/ou nationales : SWIOFish1 régional (5 millions $) qui traite de la gouvernance des pêches au niveau régional complété de deux projets nationaux pour les Comores (9,5 millions $) et le Mozambique (18,3 millions $); SWIOFish2 régional (9 millions $) qui promeut une économie bleue et circulaire dans les pays insulaires d’Afrique, soutient la Fédération des pêcheurs artisans de l’océan Indien et la Commission des thons de l’océan Indien ; SWIOFish 2 national pour Madagascar disposant d’une ligne de crédit de 65 millions $ ; SWIOFish3 (25 millions $) qui appuie les Seychelles dans la mise en place de mécanisme innovants en faveur de l’économie bleue ; SWIOFish4 (18 millions $) avec un projet de développement durable des ressources halieutiques aux Maldives. V Afrique du Sud, Comores, France, Kenya, Madagascar, Maldives, Maurice, Mozambique, Seychelles, Somalie, Tanzanie, Yémen.

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La Redoute engagée pour la préservation de la planète. Par exemple l’ensemble du linge de maison est certifié OEKO TEX et 100% du mobilier est fabriqué avec du bois FSC ou recyclé.

hpa / La redoute un show-room on line qui se visite…

C’est l’entreprise HPA qui implante l’enseigne française La Redoute à Beau Plan, dans un show-room qui jouxte le site du musée de l’Aventure du Sucre. Tout un symbole : en se positionnant là, un peu à l’écart du brouhaha des grands centres commerciaux, les instigateurs du projet ont voulu s’attirer une clientèle qui prend le temps de se déplacer pour apprécier l’originalité et la qualité des produits et surtout être conseillée de manière totalement personnalisée par des professionnels. Explications. 24 Le journal des archipels

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Exemple de mobiliers sur mesure créés par HPA pour le lodge Anjajavy Madagascar

Projet hotel du Louvre Madagascar Pour Arnaud Bourgeois, co-fondateur de l’entreprise HPA «nous sommes tournés avant tout vers le bien-être de nos clients car nous pensons que le mobilier dans lequel nous évoluons et l’aménagement en général sont des facteurs essentiels pour l’épanouissement quotidien de chacun d’entre nous. Pour cette raison nous sélectionnons avec beaucoup de soin les marques de mobiliers que nous représentons en exclusivité sur l’océan Indien et avec qui nous partageons des valeurs communes en matière d’exigence, de qualité et d’originalité. Nous avons eu envie de donner l’opportunité à nos clients à travers une seule entité de pouvoir finaliser un projet clé en main avec un accès à une large gamme de produits. Toute notre équipe est disponible pour concevoir sur-mesure un espace que ce soit un bureau, un hôtel ou un projet résidentiel à travers

les différentes étapes depuis la conception jusqu’à l’installation finale des produits. Nous intervenons donc sur 2 segments : BtoB et BtoC à travers la représentation exclusive de 24 marques dont la marque française La Redoute. HPA est à la fois un sourceur d’idées mais également un fournisseur d’émotions.»

Sourceurs d’idées C’est le slogan qui colle parfaitement à la philosophie de l’entreprise HPA « qui est née d’une rencontre de différentes cultures et personnes et qui nous a poussés à créer un bureau de tendance. Ainsi, les architectes d’intérieur, les propriétaires d’établissements hôteliers, les promoteurs immobiliers mais aussi les petits

entrepreneurs qui recherchent un espace de travail à la fois unique et adapté à leur activité, sont conseillés et profitent de nos services personnalisés. Nous les conseillons au mieux en fonction de leurs contraintes, leurs valeurs et leur budget» précise Arnaud Bourgeois. Au delà de Maurice, HPA à également des activités sur l’océan Indien (Seychelles-Madagascar) et certains pays d’Afrique. En bref, l’arrivée de HPA permet à travers une seule entité de pouvoir finaliser un projet clé en main via un accès à une large gamme de produits sélectionnés permettant une conception sur-mesure. *A Maurice le magasin en ligne présente plus de 35000 références qui peuvent être livrées dans toute l’île. voir le site : https://laredoute.mu/

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Textes : Jacques Rombi Photographies : Hugues Vitry et Svetlana Barteneva-Vitry

Chiho et sa maman Emy

Andreas et Chiho deux nouveaux nés chez les cachalots mauriciens

Les pods* de cachalots vivent en famille sous la responsabilité d’une matriarche. A Maurice, nous avons la chance d’avoir un pod sédentaire puisque les femelles et les juvéniles restent au large de nos côtes à longueur d’année. Cette famille vient de s’agrandir avec la naissance d’Andreas, un mâle né en février, puis de Chiho, femelle née en août dernier. 26 Le journal des archipels

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Un autre cachalot adulte reste souvent auprès du jeune quand sa maman plonge pour aller se nourrir.

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« Cette année nous avons constaté la naissance de deux cachalots dans ce groupe qui vit à Maurice et que nous étudions depuis 2009» explique, sourire aux lèvres, Hugues Vitry, président de la Marine Megafauna Conservation Organisation Mauritius (MMCO). « La naissance d’une femelle cachalot, c’est quelque chose d’exceptionnel », pour lui. En effet, ici la population est de l’ordre de 30 à 35 individus, c’est une petite population et les mâles quittent le pod à l’âge de 9 ou 10 ans pour vivre en solitaires dans les mers du sud. Donc ils ne sont plus comptés dans les animaux résidents alors que les femelles restent toute leur vie dans les eaux mauriciennes, pour 70 ans environ… En plus ces dernières années, on a constaté plus de naissances de mâles, ce qui fait que la population stagne. Donc cette naissance est quelque chose de formidable…

Des apnées de 52 minutes Concernant les informations principales recueillies après ces années de fréquentation de ces géants, notons qu’un bébé est allaité pendant deux ans et il reste jusqu’à 4 ans auprès de sa maman. Un autre cachalot adulte reste souvent auprès du jeune quand sa maman plonge pour aller se nourrir puisque les plongées peuvent durer jusqu’à une heure trente à une profondeur de plus de 1000 mètres: « ici nous avons constaté lors de nos études au moyen de balise télémétriques que nos cachalots descendent jusqu’à 1260 mètres pendant 52 minutes pour les plus longues apnées », précise l’homme du grand bleu. Les jeunes sont alors très vulnérables et peuvent être la proie de prédateurs (requins et orques). Une « nounou » est alors nécessaire. La « nounou » (souvent une tante de l’animal) peut allaiter le jeune cachalot et des allaitements ont même été constatés par des femelles qui n’avaient jamais eu de bébé ! Enfin profitons de cet article pour rappeler les règles de base à nos lecteurs qui auront le bonheur de croiser ces nobles animaux. D’abord, savoir que chaque animal a un espace vital correspondant à sa taille. Ainsi dans la charte d’approche

Andreas et ses copains, les poissons pilotes

enseignée aux professionnels, la limite d’approche pour les dauphins est fixée à 50 mètres de l’animal contre 100 mètres pour des baleines et cachalots. L’approche devant se faire par les côtés et jamais par devant (ça risque de leur couper la route) ou par derrière (car ça peut les effrayer…), avec une limite fixée à trois bateaux maximum dans un périmètre de 300 mètres autour des cétacés,

lesquels doivent éviter les accélérations brutales… Enfin, rappelons à nos lecteurs que les mises à l’eau avec les baleines et autres cétacés, à l’exception des dauphins, sont strictement interdites par la loi Dolphin and Whale watching act 2012, alinea 8.1-b. *PODS : noms donnés pour désigner les groupes de cachalots (ou tribus).

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© Photos J.Rombi

Le Maubydick Project de la MMCO

Avec l’hydrophone, nous avons pu déterminer la position approximative des cachalots (nous les avons trouvés à une vingtaine de kilomètres au sud de notre position) Dans la nature, les cachalots peuvent communiquer jusqu’à une distance de… 1000 kilomètres, soit entre deux océans ! Suite au naufrage du MV Wakashio dans le sud de l’île (et la marée noire qui s’en est suivie), puis de la crise Covid, de nombreux professionnels de l’océan ont perdu leur activité. Il s’agit aujourd’hui de redémarrer mais avec une nouvelle vision, celle d’un écotourisme en totale harmonie avec les écosystèmes du sud de l’île. Aussi, un financement des Nations Unies 28 Le journal des archipels

a permis à ces propriétaires de bateaux, qui limitaient leurs activités bien souvent à de simples (mais sympathiques) pique niques sur les îles, d’être formés par l’équipe de Hugues Vitry aux techniques d’approche des mammifères marins. Dans le cadre de cette formation, ils ont également passé des niveaux de plongée (PADI) afin de proposer de nouvelles prestations.

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La Marine Megafauna Conservation Organisation Mauritius (MMCO) oeuvre à la protection des baleines, tortues de mer et requins dans les eaux mauriciennes. La MMCO, financée par MRIC (Mauritius Research and Innovation Council) dispose d’autorisations spéciales pour se mettre à l’eau et observer les animaux. C’est ainsi qu’Hugues Vitry et son équipe ont pu identifier le sexe des animaux, ce qui est impossible depuis la surface… Le Maubydick Project a été lancé en 2011 pour réaliser des études sur ces espèces, en partenariat avec Megaptera, Blue Water Diving Centre Limited, Label Blue, Longitude 181, Teria and Exagon et Un Océan de vie.


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Les orques de Crozet Portraits de famille

Par Jacques Rombi Photographies Jean Michel Bou de la Meschaussée

Supers prédateurs ne craignant rien ni personne, les orques sont douées d’une intelligence qui fascine. Issus d’un conte en noir et blanc, ces majestueux animaux ont nourri mythes et mystères depuis la plus haute antiquité*. Mais la baleine tueuse (killer whale de son petit nom) n’attaque pas l’homme en qui elle reconnaît certainement un cousin lointain. 30 Le journal des archipels

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Pourtant le terrible bipède qui colonise aujourd’hui terres et océans, a oublié depuis longtemps cette mémoire collective et mammifère. Considérées comme des concurrentes directes pour la pêche à la légine dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), les familles d’orques sont passées près de l’extinction au début du nouveau millénaire. Cela sous la pression de certains pêcheurs pirates, usant à leur encontre de dynamites et autres techniques génocidaires contre l’animal trop intelligent pour eux. Les orques développent en effet des techniques de chasse qui sont spécifiques à chaque groupe, chaque famille. Nos lecteurs intéressés par le sujet, auront déjà vu les documentaires du réputé François Sarano qui démontrent les multiples techniques développées par le sublime animal comme l’échouage pour avaler un jeune éléphant de mer ou encore la création de vagues pour déstabiliser un phoque réfugié sur un radeau de glace instable… autant de techniques ad hoc, issues de l’empirisme des situations, patiemment et exclusivement enseignées aux jeunes d’une même famille. Pour le cas des orques hauturières de


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Le navire « Le Bourbon » a aussi été utilisé pour affronter les terribles mers du sud.

Les orques de Crozet ont appris à décrocher les légines sans se blesser…

Pour les besoins du documentaire, les plongeurs ont simulé une pêche « à l’ancienne » Crozet, elles ont eu le malheur d’apprendre rapidement à décrocher les poissons des lignes à légine sans se blesser avec les hameçons. Ce qui leur vaudra d’être récompensées à coups de dynamite jusqu’à ce que les courageux marins de l’ONG Sea Sheperd n’interviennent pour s’opposer aux abrutis assassins, puis que la Marine nationale française ne vienne en 2002 mettre fin officiellement aux massacres. Depuis l’embarquement de surveillants des pêches sur les chalutiers (légaux) est devenue la règle. Les TAAF sont en effet des territoires français et profitent ainsi

de moyens financiers conséquents pour organiser pêche durable et protection des écosystèmes. Ce qui n’est malheureusement pas le cas dès qu’on rejoint les eaux internationales en proie aux pires pirates venus du nord-est le plus souvent, mais c’est un autre débat. Jean Michel Bou de la Meschaussée a organisé de nombreuses missions scientifiques pour le compte de médias internationaux. Missions qui ont contribué à mieux connaître ces magnifiques animaux et à sensibiliser à leur protection. Retours en images.

Jean Michel Bou de la Meschaussée (au centre) est un scaphandrier professionnel, ex plongeur de la réputée COMEX de Marseille. A la demande de médias comme National Geographic, Canal Plus ou France TV, il a organisé des missions aux îles Kerguelen et Crozet au plus fort de la crise liée au massacre des cétacés. Des aventures humaines qui auront marqué ce photographe aujourd’hui établi à Maurice : « il fallait à la fois chercher un bateau parfaitement adapté aux conditions extrêmes de l’Antarctique tout en choisissant des ressources humaines qui avaient à la fois les compétences requises en même temps que la capacité à vivre ensemble pendant plusieurs mois… Pour l’anecdote, j’avais trouvé le bateau du côté de Tulear au sud de Madagascar avec « Le Celtic » commandé par Ralph Madec (un robuste crevettier de 50 mètres construit avec des tôles de sous-marins), mais nous avions dû réinstaller le chauffage partout à bord car il avait été supprimé pour naviguer dans les eaux chaudes du Canal de Mozambique. Le chantier mauricien de la CNOI a pu réarmer le bateau avec des grues et autres équipements nécessaires aux expéditions. » Des moments extraordinaires que tout aventurier digne de ce nom rêve de vivre un jour. Dis-moi Jean Michel: tu m’amènes avec toi la prochaine fois ? *Pour certains, Orca se référerait à la divinité Orcus qui avait trait à la mort.

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Le programme SWIOFish a pour objectif d’améliorer la gouvernance et la gestion des pêches prioritaires aux niveaux régional, national et communautaire. Cette action multiforme concerne aussi bien les administrations publiques, que les opérateurs, les pêcheurs artisanaux et les communautés. La Banque mondiale a confié à la Commission de l’océan Indien la gestion de la composante régionale de la première phase de ce programme d’un montant de 5 millions USD. Voici un aperçu des actions entreprises en Indianocéanie.

SWIOFISH focus sur les résultats

du projet en Indianocéanie

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Mohéli. À l’arrivée d’un bateau de pêche commence alors l’anaAux Comores, retour de pêche et lyse. Espèce, taille et poids du collecte des données avec l’Open poisson, zone de pêche et site de data kit. débarquement, type de bateau et immatriculation, mais aussi les quantités de carburant et de glace utilisées, toutes ces informations sont consignées. Ces données sont analysées par la Direction générale des Ressources halieutiques afin d’établir des statistiques, servant notamment à prendre des décisions en matière de gestion des stocks. Nécessaires à l’application du Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable, ces statistiques sont également communiquées au comité scientifique de la Commission des pêches du Comores Sud-Ouest de l’océan Indien (CPSOOI) ainsi qu’à la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI), pour contribuer à une meilleure gestion régionale de la capture de ces espèces migratrices.

QUAND LA TECHNOLOGIE RENCONTRE LA PÊCHE ARTISANALE

Une gestion durable et responsable des ressources halieutiques nécessite une connaissance des stocks. Avec la pêche constituant un pilier économique (croissance, emploi, sécurité alimentaire), les ressources sont sous pression. Comment évaluer efficacement et rapidement l’état des stocks dans ce contexte ? C’est dans cette optique que le projet SWIOFish1 a développé un système de collecte de données électroniques avec l’appui et l’expertise d’un consultant auprès de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de la Banque mondiale (BM).

Un outil accessible, peu coûteux et efficace L’Open data kit (ODT) est une application mobile qui fonctionne avec une simple connexion internet. Elle est opérationnelle depuis janvier 2017. L’objectif : enregistrer et transmettre les données rapidement et efficacement. Onze enquêteurs ont été déployés : 5 sur la Grande Comore, 4 à Anjouan et 2 à

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s’aventurer au large pour pratiquer leur activité. La pêche en haute-mer devient alors une nécessité pour les pêcheurs malgaches, n’ayant d’autre choix que d’affronter les risques éventuels. Face à cette réalité, le projet SWIOFish2, financé par la Banque mondiale, a fait de la sécurité des pêcheurs l’une de ses priorités. Pourquoi ? Car une meilleure sécurité en haute-mer contribue au développement économique dans le respect d’une exploitation durable et responsable des ressources halieutiques.

Distribution de kits de sécurité en mer pour minimiser les risques éventuels d’accidents

Dans le cadre du projet et sous tutelle technique du ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche (MAEP), 3 960 kits de sécurité en mer ont été distribués en septembre 2020 aux petits pêcheurs formalisés (ayant des Le programme SWIOFish participe à la sécurité cartes pêcheurs des pêcheurs artisans à Madagascar. Près de et membres dans 15 000 kits seront distribués au total. les associations de pêcheurs se trouvant dans les Zones Ultra-Prioritaires (ZUP)). Ces derniers ont donc à disposition: gilets, miroirs réflecteurs et lampes de poche étanches Madagascar d’une autonomie de 6 à 10 heures. Une deuxième vague de distribution est prévue afin de fournir 11 000 kits supplémentaires.

FAIRE RIMER PÊCHE ET SÉCURITÉ

La pêche n’est pas une activité sans risques. Chutes, naufrages, chavirages… et des conditions météorologiques parfois dangereuses occasionnant de fortes houles et un manque de visibilité, font partie des dangers liés à cette activité. Mais quand la pêche est source de revenus et d’alimentation, les risques pèsent moins lourd dans la balance. La raréfaction des poissons dans les zones côtières de Madagascar contraint les pêcheurs à

SWIOFish2, un projet de gouvernance des pêches En complément de ces kits, le projet SWIOFish2 œuvre aussi pour l’amélioration des conditions de vie mais aussi de travail : immatriculation de leurs pirogues, formation sur les techniques de pêche améliorée, distribution de matériel…

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Au Port Réunion, à bord de l’Osiris de retour d’une patrouille régionale de surveillance des pêches soutenue par SWIOFish1

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LA FRANCE / RÉUNION ENGAGÉE DANS UNE COOPÉRATION MULTIFORME La France, membre actif de la COI et des différentes organisations régionales des pêches (CPSOOI, CTOI, APSOI…), accorde une grande importance aux questions liées à la durabilité des activités de pêche et de développement des communautés littorales. Elle encourage les initiatives visant à promouvoir une pêche durable qui s’appuie sur des données scientifiques robustes.

Pêche durable Dans le cadre du projet SWIOFISH soutenu par la Banque mondiale, les autorités françaises (DMSOI, CROSS, instituts de recherche) basées à La Réunion ont 34 Le journal des archipels

collaboré avec leurs homologues des pays voisins sous l’égide de la COI. En participant aux travaux du comité scientifique de la CPSOOI, les scientifiques français ont permis d’améliorer la connaissance sur les espèces des écosystèmes côtiers du Sud-Ouest de l’océan Indien. La mise en place d’un groupe de travail sur les espèces démersales du Sud-Ouest de l’océan Indien, dans lequel les scientifiques français de la zone sont fortement investis, s’inscrit pleinement dans cette dynamique.

Sécurité et sûreté en mer Les financements du projet SWIOFISH ont été mobilisés sur deux actions particulièrement importantes : * Le CROSS sud océan Indien (CROSS SOI), basé à La Réunion, a apporté un appui aux autorités comoriennes pour améliorer les conditions de sécurité sur les navires de pêche artisanale. Ces

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travaux ont consisté à tester des balises qui permettraient aux pêcheurs de signaler une avarie ou une détresse. Ces équipements, d’une utilisation simple, doivent désormais être déployés sur la flotte de pêche comorienne. Le CROSS SOI accompagne également ses homologues comoriens pour consolider le traitement des alertes et mettre en œuvre des moyens de recherche et de sauvetage en mer. Des exercices conjoints viennent parachever ce partage d’expérience. * Le patrouilleur des affaires maritimes OSIRIS a réalisé des missions de police des pêches conjointes dans le cadre du plan régional de surveillance des pêches (PRSP) de la COI afin d’assurer un niveau de contrôle élevé et homogène dans l’ensemble des eaux sous souveraineté des États du Sud-Ouest de l’océan Indien. Cette mission emblématique de la volonté commune des pays de la COI et de l’Afrique orientale est poursuivie par le programme ECOFISH financé par l’Union européenne avec le patrouilleur OSIRIS II.


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for fisheries and coral reef conservation, as well as the structuring of management frameworks for marine protected areas. In addition, project resources are being deployed to strengthen the capacity of fisheries co-management institutions and improve information and decision-making tools.

Sustainable Blue Economy in Seychelles: marine protected areas cover 30% of its EEZ.

Seychelles

BLUE ECONOMY: 30% OF THE SEYCHELLES EEZ CLASSIFIED AS A CONSERVATION AREA Important milestone for Seychelles…and blue economy! The successful disbursement of Blue Bond proceeds through the Blue Grants Fund of Seychelles Conservation and Climate Adaptation Trust has led to an unprecedented level of nonstate actor engagement in science, education and awareness that underpin the key ocean governance processes in the country. Improved governance is critical to ensure that private sector investment in the blue economy is aligned with international standards for sustainability.

Strengthening of governance is being addressed at numerous levels The national project for Seychelles (SWIOFish3) has focused on improved governance to meet the country’s ambitious agenda for enhancing marine conservation and transitioning to sustainable fisheries while providing opportunities for investment in the blue economy. SWIOFish3 has promoted the development of policies and legislation

Did you know? Blue Bond is an innovative financial mechanism The Republic of Seychelles has launched the world’s first sovereign blue bond, an innovative financial mechanism intended to support sustainable marine and fisheries projects. It is in fact a debt swap in favor of the conservation of 30% of its marine environment.

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bénéficié d’un appui du projet pour la formation des agents. À Maurice, 10 agents des pêches ont bénéficié d’une formation organisée par le projet, avec l’appui de la FAO, du SWIOFC et d’un coordonnateur technique. Trishna SOOKLALL, agent scientifique revient sur son expérience : « Le SWIOFC m’a offert une expérience enrichissante. J’ai eu l’opportunité de présider deux réunions scientifiques régionales en 2019 et en 2021. J’ai acquis des connaissances et de l’expérience sur la façon de planifier et de conduire une réunion scientifique dans les temps et efficacement. J’ai également pu développer mon aisance dans la prise de parole. Nos agents de pêche ont été en mesure d’évaluer leurs pêcheries en termes de stocks halieutiques grâce aux réunions du groupe de travail. Ces réunions constituent un cadre adéquat pour former nos agents aux principes du « poids de la preuve » et

La formation scientifique est nécessaire pour une gestion des ressources. Les agents mauriciens ont ainsi bénéficié de formations grâce au programme SWIOFish. Maurice

ÉVALUATION DES STOCKS : FORMER POUR EXPLOITER DURABLEMENT LES RESSOURCES HALIEUTIQUES Le renforcement des capacités des agents de pêche fait partie des axes prioritaires de SWIOFish. Tous les pays membres de la Commission des pêches du Sud-ouest de l’océan Indien (SWIOFC) ont donc

de « l’analyse de la susceptibilité de la productivité (PSA) » appliquées aux certifications de suivi et contrôle des pêches. »

L’importance du partage de données Chaque pays du SWIOFC partage ses données sur les stocks de poissons démersaux (capitaine) et petits pélagiques (sardines). Ce partage d’informations permet d’avoir une meilleure connaissance de l’état des stocks et, à terme, vise à assurer la durabilité de ces ressources halieutiques.

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PHILIPPE MURCIA, EXPERT EN ÉCONOMIE BLEUE. « Actuellement, deux opportunités économiques concernent le traitement des eaux de ballast des navires et le traitement des parties de coques immergées du navire qui peuvent transporter d’un continent à un autre des espèces invasives végétales (algues) ou animales (coquillages) ».

Les opportunités d’affaires d’une écologie mondialisée voyageS d’algues & coquillages d’un océan à l’autre

Les critiques écologiques sur l’économie mondialisée et son pilier majeur historique, le transport maritime pleuvent de toutes parts. Pourtant ce mode de transport - grâce au principe d’Archimède appelé aussi « poussée » - est le plus économique et le plus écologique. et de nouvelles mesures d’anticipation doivent être prises, notamment vis à vis des éventuelles pollutions et autres dommages à la nature. Le «scope» possible des interventions est vaste : de la mise en place de moteurs marine avec combustion propre (GPL, électrique, biomasse, etc.), au contrôle de sites de recyclage des navires, en passant par les branchements en énergie électrique pour les navires à quai afin de stopper les effets nocifs des fumées de moteurs lors des escales et obtenir la qualification de « green ports »… et encore beaucoup d’autres technologies qui sont en cours d’essai.  © P.Murcia

Travaux sur une coque en cale sèche du chantier de la Secren à Diégo Suarez

En effet l’énergie requise sur l’eau pour déplacer une marchandise y est de loin la plus faible, qu’il s’agisse de comparaison avec le transport routier, le transport ferroviaire et la palme de dépense énergétique va bien sûr au transport aérien, mais en cas d’urgence comme pour des médicaments par exemple, comment faire autrement… ? A titre d’exemple, un avion-cargo va transporter au maximum en moyenne 50 tonnes de marchandises – soit l’équivalent de 2 containers maritimes équivalents 20 pieds (EVP, 6 mètres de longueur avec 33 mètres cubes de capacité), là où aujourd’hui les nouveaux navires porte-containers géants transportent 20 000 containers équivalents 20 pieds (EVP). Certes comme expliqué dans les articles précédents, les risques ne sont plus les mêmes 36 Le journal des archipels

CETTE ÉVOLUTION DE PRÉVENTION ÉCOLOGIQUE PERMET DE BELLES OPPORTUNITÉS D’AFFAIRES Deux opportunités ont retenu notre attention, Les eaux de ballast (masses d’eau de mer pompées dans les cales qui équilibrent les navires au cours de leur navigation) sont vidées à l’arrivée et le risque est grand d’apporter des espèces invasives dans un écosystème d’un autre pays, risque aggravé par les effets du changement climatique. Les aquaculteurs à Madagascar n’oublieront jamais l’arrivée du virus « white spot » sur la Grande île il y a 10 ans, les dommages causés et les investissements nécessaires à son éradication. Les scientifiques ont considéré qu’il valait mieux traiter l’eau de mer et neutraliser les micro-organismes avant tout rejet dans un autre océan avec un rayonnement ultraviolet. Autre sujet : le « fouling » qui concerne des micro-organismes, sous forme d’espèces

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végétales et animales qui peuvent s’accumuler sur la coque immergée du navire et donc favoriser l’importation de nouvelles espèces dans des écosystèmes parfois fragiles. Ces deux sujets sont traités depuis des années par l’Organisation maritime internationale (OMI) au travers de programmes appelés « GloBallast » et « GloFouling ». L’OMI, agence spécialisée des Nations Unies, porte la responsabilité de mettre en place des initiatives et des procédures en faveur de la sécurité et de la sûreté en mer, mais aussi de la prévention des pollutions marines, qu’il s’agisse de l’eau ou de l’air. Le programme « GloBallast » est devenu contraignant pour les pays adhérents à l’OMI et vise à équiper d’ici 2024 un objectif de 50 000 navires avec des dispositifs embarqués d’équipements utilisant les rayons ultraviolets (UV) pour rendre « neutre » une eau qui serait porteuse d’espèces invasives. Tous ces travaux pour la modernisation et le traitement des navires ont déjà débuté, le groupe CMA CGM et l’armement Louis Dreyfus ont déjà des plannings d’installation en ce sens. Il reste encore de très nombreux navires à équiper et les chantiers navals des îles de l’océan Indien ont une belle carte à jouer dans ces nouvelles technologies qui allient écologie et innovation. Dans un contexte de hausse vertigineuse des taux de fret maritime et de difficultés de desserte rallongeant les « transit times » » (délais de mer) entre les ports éloignés, les nouvelles contraintes bien compréhensibles et nécessaires liées à la protection de l’environnement viennent se rajouter aux échanges maritimes mondialisés.


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Cet ambitieux projet est né de la rencontre en 1995 entre Michel de Spéville et Philippe de AL Caze, un Français spécialiste mondial de la réalisation de ces oceanariums de nouvelle génération.

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Textes et photographies : Jacques Rombi

Ouvert au grand public depuis le 6 septembre, Odysseo constitue une belle vitrine de la faune marine de notre région. Mais pas seulement !

Odysseo

Des salles de conférences in situ permettent des rencontres incentive et/ou scientifiques

plus qu’un oceanarium !

D’emblée l’atmosphère de ce site exceptionnel, à deux pas du Caudan et jouxtant le site en construction du terminal pour croisiéristes, a quelque chose de particulier. L’amateur éclairé ou le professionnel de la mer s’y sent à l’aise, un peu chez lui tant les formes, couleurs et autres signaux savamment mis en place reproduisent parfaitement le monde du silence qu’ils ont l’habitude de fréquenter. Quant aux néophytes, notamment les enfants, ils y trouveront là un espace ludique et éducatif où ils vont se familiariser et s’éduquer aux mondes sous-marins. Enfin ! « Nous avons tout organisé pour que les jeunes Mauriciens puissent s’approprier cet espace, s’y sentir bien, jouer et apprendre grâce aux salles spécialement équipées… », explique Bernardo Nascimento, conservateur, guide passionné et passionnant qui ponctue la visite de ce labyrinthe vitré d’anecdotes et de devinettes… Odysseo sera, à l’instar de l’aquarium de Saint Gilles à La Réunion, un nouveau

pôle mettant en beauté les richesses de nos océans. Il était temps : jusqu’à présent seul l’horrible site de l’aquarium de Pointe aux Piments (qui vient heureusement de fermer ses portes) présentait des animaux maltraités et malades. Avec Odysseo, l’Ile Maurice a désormais une vitrine bleue digne de ce nom et spécialisée sur la faune de l’océan Indien. Notons que tous les poissons ont été collectés dans la région proche, sauf les deux requins taureau en provenance d’Indonésie.

Une capacité de 3000 visiteurs par jour Le projet aura donc mis plus de 25 ans à voir le jour et inaugure un nouvel espace urbain enfin ouvert sur l’océan à Port Louis. Jouxtant d’un côté l’hôtel Le Sufren, exploité sous l’enseigne Indigo appartenant également au groupe Eclosia, et de l’autre côté la nouvelle gare maritime prévue pour accueillir les bateaux de croisière à l’horizon 2022.

Il aura fallu investir pas moins de 585 millions de roupies (environ 11,5 millions €), afin d’aménager ce site réparti sur 1,5 hectare. Une superficie qui pourrait s’avérer vite limitée tant ce projet à la fois ludique et éducatif risque de connaître le succès et donc la saturation avec la réouverture effective des frontières. Plus de quarante employés dont une quinzaine dédiée aux missions éducatives devront gérer des flux continus de Mauriciens et de touristes. Avec une capacité estimée à environ 480 personnes simultanément qui vont y passer au moins deux heures, ce qui fait à peu près 3000 personnes par jour. Plus qu’un simple aquarium, Odysseo est doté d’un vrai parcours à la fois ludique et éducatif avec de belles interactions entre le visiteur et les écosystèmes marins mais aussi avec les écosystèmes terrestres qui bordent nos océans. Notons qu’un laboratoire est disponible pour recevoir les scolaires qui pourront expérimenter leurs travaux pratiques in situ.

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Publireportage La Smart City de Moka lance son centre-ville

Planifiée depuis une quinzaine d’années, la Smart city de Moka, se dévoile peu à peu au grand public depuis sa certification par l’Economic Developement Board en 2017. Le développement du quartier de Telfair a démarré depuis 2018 avec la construction d’infrastructures telles que des routes, des pistes cyclables et pédestres ainsi que des espaces verts. L’Amphithéâtre est déjà réputé pour ses activités organisées et gratuites journalières. Depuis, un lotissement résidentiel a fait surface, PwC y a installé son siège social, la Smart City de Moka son showroom et son bistrot. Oficea y a construit des bureaux (The Dot) où des entreprises telles que le cabinet juridique Bowmans s’y sont installées. Les derniers développements en date : une nouvelle route reliant la route A7 à l’Avenue de Telfair avec un nouveau rond-point, une toute nouvelle station-service Shell et le fast-food géant MacDo.

Un quartier durable et éco-responsable La Smart City est en cours d’obtention de la certification « LEED Neighbordhood-Deve38 Le journal des archipels

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La mobilité pensée autrement Construit autour d’une promenade piétonne et cycliste, la coulée verte aménagée au cœur de Moka, relie le quartier au reste de la ville. Ainsi la mobilité douce est privilégiée avec des dessertes de navettes et arrêts de bus permettant de sillonner dans toute la ville. Les parkings (bien supérieurs aux normes

en vigueur à Maurice) sont en sous-sol ou travaillés architecturalement pour se fondre le plus possible dans le paysage et des bornes de recharge électrique sont

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placées à des endroits stratégiques. Enfin, des voies piétonnes et cyclables aménagées permettent l’interconnexion des différents bâtiments.

Location plan Port Louis (20mins away) Bagatelle

North (30 mins away)

Telfair Vivéa A7 Road

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Helvétia

L’Avenir

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Ebene (10mins away)

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lopment » : imaginée pour inspirer la création de quartiers plus respectueux de nos ressources et de notre environnement à travers le monde. Un premier bâtiment PwC est déjà certifié LEED dans la catégorie «Building Design and Construction». Mise à disposition d’un réseau d’eau potable et non-potable (2 arrivées d’eau par lot pour des usages spécifiques) ainsi qu’un réseau d’eaux usées (traitées puis envoyées au réseau non-potable). Enfin, le recyclage des déchets y est déjà une réalité : points d’apport volontaires (Molok) situés à l’entrée du quartier.

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Une situation géographique stratégique

Situé au cœur du pays, sur une superficie de 50 hectares, à l’ouest de Moka entre le St Pierre by pass et la route A7, ce nouveau centre-ville est situé dans le principal bassin de population, sur une zone regroupant 70% du pouvoir d’achat du pays et 40% de la population active. Nichée dans un écrin de verdure, la Smart City de Moka est néanmoins connectée aux deux autoroutes du pays et jouxte les cybercités d’Ebène et de Tribecca.A peine à 10min de la capitale et encadrée par la plus grande clinique de l’île (Welkin), Moka Smart City a su rester à échelle humaine avec des aménagements fonctionnels, ludiques et sportifs. Elle est connectée au quartier d’Helvétia par la promenade déjà existante et à proximité immédiate du futur parc Martial Noël de 10 arpents et du futur centre multisports de 18 arpents. L’Université de Maurice s’y trouve à proximité immédiate alors que Charles Telfair Campus est installé au sein même du quartier..

Telfair, Un cœur qui bat 24/7

Avec ses boulevards commerciaux, ses restaurants et sa proposition de services, Telfair a vocation à vivre 24/7 et pas seulement durant les heures de bureaux. Tout a été pensé pour rendre la vie plus simple et équilibrée, cela à la fois durant les heures classiques de bureaux tout comme en dehors: proximité immédiate des écoles, des magasins, des centres culturels, de sports et de santé. Telfair a l’ambition de devenir un vivier de networking et d’accueillir de grandes entreprises locales et internationales afin de créer un écosystème unique. Telfair est conçu autour de principes d’urbanismes reprenant les codes et les équilibres d’un centreville moderne et durable.

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Economie circulaire économie de pauvres ?

Au temps où l’énergie était rare, faite d’huile de coude, de traction animale et d’un petit peu de moulins à vent et de biomasse, il était inconcevable de gaspiller ce que le travail avait produit. Les objets avaient une seconde, troisième, quatrième vie. Après un développement fulgurant basé sur l’énergie abondante et pas chère, le gaspillage est apparu comme un truc de riche et un signe d’abondance. A contrario, l’économie circulaire est-elle un truc de pauvres ?

Par Jean Luc Wilain

© Photo Johan Mouchet

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Nous sommes la seule espèce à fabriquer des déchets dont personne ne veut. Mais la pénicilline était un déchet jusqu’à ce qu’un certain Alexander Fleming découvre ses vertus. Les déchets sont des ressources dont on n’a pas encore trouvé l’usage. Prenons le cas du plastique si décrié. À Maurice, nous utilisons 75000 tonnes de plastique par an. La valeur énergétique de cette masse correspond à deux RED EAGLE (1) gratuits. Il suffirait de s’organiser pour le collecter et l’exploiter par de la pyrolyse haute température pour alimenter des centrales thermiques. Il n’est pas trop tard pour changer de modèle. D’ailleurs nous avons commencé. L’industrie sucrière et le Seafood utilisent tout. Les filières REP (2) existent à La Réunion et sont en cours de développement à Maurice. Le tri des déchets en amont sera bientôt une réalité. Le professeur Georges Chan, un des mentors de Gunter Pauli, a été un pionnier des fermes intégrées, des écosystèmes qui produisaient des porcs, des poissons, des légumes et de la spiruline. Pour développer son

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Né en France en 1962 et Mauricien d’adoption, Jean-Luc Wilain se met au service d’une cause : faire dès aujourd’hui ce qui est nécessaire pour transmettre un monde vivable aux générations futures. Ingénieur des Mines, titulaire d’un Advanced Management Program en gestion et stratégie, il a exercé la plupart des métiers de l’entreprise dans cinq pays et a été en affaires avec une cinquantaine. Dernièrement responsable du développement durable d’un conglomérat mauricien, il a décidé de quitter ce confort pour se consacrer, avec sa société de conseil WillChange, au conseil en entreprise, au développement de solutions innovantes et durables, et au partage à travers des publications, des conférences et des formations. 40 Le journal des archipels

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« Innover consiste essentiellement à redécouvrir ce que nous avons oublié »

concept, il était parti à la recherche du savoir-faire de ses ancêtres. Il avait compris qu’innover consiste essentiellement à redécouvrir ce que nous avons oublié. Ce Mauricien remarquable, non connu ni reconnu à Maurice, mériterait de donner son nom à un institut de formation.

« Nous demandons à la nature de fonctionner comme nos usines, alors que nos usines devraient fonctionner comme la nature. » (Gunter Pauli) Ce que nous appelons économie circulaire est une déclinaison de l’Économie Bleue de Gunter Pauli. Une nouvelle économie dans laquelle on sort du modèle « matières premières + capital + travail= produits marchands + déchets » pour aller vers un modèle de portefeuilles d’opportunités synergiques qui vont créer de la valeur économique, les fameux multiples cash-flows, de la valeur sociale, des emplois, des revenus, des connaissances et de la valeur environnementale par la régénération d’écosystèmes. Cette économie s’applique à un territoire. Nos îles constitueront un territoire lorsque la question du transport inter-îles sera résolue. Pour cela, nous devons penser de façon systémique, redécouvrir l’économie, la sobriété, les (bonnes) habitudes passées, et faire la différence entre argent et valeur. L’Économie Bleue, c’est plus d’emplois, plus de valeur ajoutée, moins d’importations, moins de besoins en devises, plus de souveraineté. Ce n’est donc certainement pas une économie de pauvres mais une économie de riches. Ou alors, nous sommes tous pauvres car notre capital naturel est en cours d’épuisement, ce à quoi l’Économie Bleue de Gunter Pauli peut remédier. 1 Bateau qui approvisionnait Maurice en produits pétroliers. 2

Responsabilité Élargie des Producteurs


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Par Thierry Chateau

Le premier impact positif du tri et recyclage des déchets est la création d’emplois. Ici des employées de l’entreprise Reso green.

le monde insulaire, Tri et Dans les ordures ont toujours constitué une menace la santé et la nature. recyclage pour Mais aujourd’hui elles sont devenues une ressource, à Maurice alimentant un secteur La ruée vers les déchets économique qui se structure. L’enfouissement des ordures sur l’unique centre d’enfouissement de Maurice, Mare Chicose, à partir de 1997, a constitué un pas gigantesque dans la bonne direction. Aujourd’hui cela permet même de récupérer de l’énergie. Dans ce schéma, la finalité est l’élimination, une solution logique pour un petit Etat insulaire qui manque à la fois de place et de moyens. Selon la National Waste Management Strategy, la collecte se fait à domicile sans tri et les déchets sont ensuite acheminés vers cinq centres de transfert avant de terminer à Mare Chicose. Des déchetteries ont été aménagées dans deux des cinq stations de transfert, à La Chaumière et La Laura. Le public est encouragé à y déverser des ordures dont il n’arrive pas à se débarrasser. Mais

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certains déchets sont aussi devenus une ressource qui sert à alimenter une activité nouvelle de recyclage. Et l’élimination, dans ces cas précis, ne constitue plus la seule solution. Dans une logique d’économie circulaire, il ne s’agit pas seulement de faire moins de dépotoirs mais plutôt de trouver d’autres utilisations aux déchets. C’est le Solid Waste Division qui gère tout le système et dépense chaque année Rs 1,5 milliard pour le fonctionnement de Mare Chicose. Rs 700 millions vont au transfert des déchets, effectué par des sociétés de nettoyage. Au niveau des citoyens, ce sont seulement les citadins qui contribuent à travers une taxe municipale au ramassage d’ordures. Dans les villages, les conseils de district engagent à leurs frais des sociétés de nettoyage.

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Contrairement à La Réunion où le tri est organisé et où il y a un système structuré avec plusieurs opérateurs, à Maurice c’est l’Etat qui intervient. Mais l’intérêt d’effectuer le tri de déchets n’est pas uniquement sanitaire ou environnemental, il est aussi d’ordre économique. En amont de la production de déchets il y a des produits de consommation. « Le point de départ doit rester la continuité dans l’action, il faudrait payer dès l’acte d’achat », professe Mickaël Apaya, Mickaël Apaya, responsable du Département Développement Durable et Croissance Inclusive au sein de Business Mauritius, l’association patronale. Comme le veut le principe de Responsabilité élargie du producteur (REP), le producteur est tenu de contribuer. Par exemple, sur


© Photo J.Rombi

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« On a tendance à clamer que la responsabilité du tri incombe à l’Etat, mais il faut réaliser que dans les pays où ça fonctionne, il y a un coût et les citoyens doivent payer », rappelle Mickaël Apaya.

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chaque bouteille PET, à Maurice, 2 roupies* sont retenues qui iront alimenter le Consolidated Fund, duquel 250 millions de roupies sont prélevés chaque année pour financer le recyclage des déchets.

© Photo J.Rombi

Les entreprises mauriciennes ont intérêt à se regrouper et s’inspirer de ce qui se fait chez les Réunionnais, avec Cluster GREEN (Groupement régional des entreprises engagées pour l’environnement, à lire dans ce dossier). Celui-ci rassemble des entreprises multi-filières, des organismes publics et privés souhaitant faire de l’environnement un levier de développement économique, écologique et sociétal. Ce n’est pas uniquement un regroupement de filières polluantes (pneus, batteries, emballages), on y trouve des éco-entreprises mais aussi des entreprises éco-responsables. Le cluster souhaite développer des synergies autour de projets relevant de l’économie circulaire qui ne se limite pas à La Réunion mais peuvent s’étendre sur le sud-ouest de l’océan Indien. A Maurice, il y a un embryon de ce genre d’initiative au sein de la Bottlers’ Association, l’association des sociétés d’embouteillage, mais c’est surtout l’Association des Manufacturiers Mauriciens (AMM) qui a pris la main. Elle s’est donnée pour objectif de mettre en réseau les acteurs de la filière recyclage. L’AMM est en liaison directe avec Cluster GREEN et permet à ses membres de profiter du réseau, surtout en ce qui concerne le partage des expertises. Les entreprises mauriciennes ne sont pas encore pleinement passées à une économie circulaire, ne sont pas encore pleinement connectées, même si certaines grandes entreprises des secteurs textiles et sucriers, sont déjà dans cette logique. Pendant longtemps, l’éco-entreprise mauricienne était une ONG ou un organisme à but non-lucratif. Peu à

© Photo DR

Des synergies autour de projets qui peuvent s’étendre sur le sud-ouest de l’océan Indien

« Ici on ne travaille pas en collaboration mais en compétition », regrette Bruno Dubarry, le directeur de AMM peu, des entreprises à part entière ont commencé à voir le jour. Tant et si bien qu’aujourd’hui, l’Etat a réorganisé les lois, permettant aux entreprises qui font du recyclage de tomber dans la catégorie des entreprises manufacturières. Un premier pas. Pour Mickaël Apaya, afin de mieux structurer l’économie circulaire, il faudrait « démystifier le bio-dégradable et dé-diaboliser le plastique en créant des filières, conformément à la REP ». Les importateurs ont intérêt à se regrouper dans un éco-organisme, à payer leur contribution qui sera réutilisée pour la collecte et le transfert des déchets. Recycler localement répond à une logique économique.

En 2022, un éco-organisme devrait voir le jour « L’AMM va continuer d’accompagner les entreprises, d’organiser des audits sur le défi que constitue la gestion et l’utilisation des déchets », insiste Bruno Dubarry, le directeur de AMM (Association des industriels mauriciens). Déjà des ateliers de formation seront organisés avec des experts réunionnais. Ils mettent l’accent sur les spécificités tropicales, insulaires, régionales. Cela sera suivi par

des recommandations avec pour objectif la mise en place d’un projet collectif et l’option d’une valorisation industrielle. Avec la production de produits ayant une marque. Pour adopter une telle approche, seul le privé a la marge de manœuvre, avec l’Etat comme régulateur. « Le service public n’a pas vraiment de marge de manœuvre, trop hiérarchisé », regrette l’expert en gestion des déchets. Pour lui, l’Etat doit introduire un mécanisme financier qui puisse soutenir les recycleurs. Par exemple, dans le cas des PET il pourrait financer la collecte car le transport coûte cher… L’Etat peut aussi accorder des recycling credits comme c’est le cas en Grande-Bretagne, mais on n’en est pas encore là. « Sans une politique claire de l’Etat pour le tri et le recyclage, nous n’avancerons pas de façon satisfaisante», soutient notre expert en gestion de déchets. Les pays qui avancent sont ceux où le principe de collaboration est acquis. « Ici on ne travaille pas en collaboration mais en compétition », regrette-t-il encore. La route est encore longue et, comme le fait remarquer Bruno Dubarry, « le recyclage des déchets ce n’est pas le nouvel eldorado ». « Cela pourrait être un pilier économique uniquement parce que l’on n’a pas le choix », conclut le directeur de l’AMM. * 1 roupie = 0,02 euro

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La gestion des déchets permet de faire la synthèse entre les exigences environnementales et l’innovation technologique qui devient source de revenus.

« Le recyclage pourrait créer plusieurs milliers d’emplois à Maurice »

C’est le message lancé par Thierry Malabar, Project manager de cette entreprise familiale créée par son père Berty voici 23 ans. Pour le jeune entrepreneur, qui a travaillé à Nice en France dans ce type d’activité avant de rentrer au pays, on serait assis sur des trésors inexploités : « le grand public commence à prendre conscience de la valeur des déchets. Mais il nous manque encore des cadres législatifs et des volontés politiques. » Pour lui une des solutions serait de mettre en place une taxe à la base, c’est-à-dire dès l’achat d’un appareil, et qui abonderait un fonds permettant le ramassage et le recyclage des déchets. Une écotaxe comme cela se fait dans d’autres pays. Mais ce n’est pas la seule cause si l’on en croit une autre source qui tient à garder l’anonymat : «on a l’impression que les informels ne sont jamais contrôlés. Pourtant, non seulement ils travaillent dans des conditions polluantes et dangereuses, mais en plus ils nous font perdre des stocks de matières premières.» Des matières premières, qui quand elles arrivent chez BEM, sont triées à 90% avant d’être… malheureusement exportées ! C’est là où se trouveraient des gisements d’emplois et de valeur 44 Le journal des archipels

Thierry Malabar et un échantillon de revêtement routier développé par des étudiants mauriciens. ajoutée d’après Thierry : « intégrer de la poudre de verre dans le béton, comme des étudiants mauriciens ont pu le tester récemment serait possible. La mousse des réfrigérateurs pourrait également servir à produire des revêtements pour pistes cyclables ou piétonnes… »

Une entreprise aux normes internationales BEM Recycling est spécialisé dans la gestion et le recyclage des Déchets des Équipements Électriques et Électroniques (DEEE) et propose un service d’enlèvement et de recyclage des appareils électriques en fin de vie à travers son nouveau centre de traitement dans la région de La Chaumière. Le sourcing provient de grandes entre-

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prises comme Kolos ou Eclosia mais aussi de particuliers. Un sourcing qui pourrait être alimenté par les déchets des îles voisines à condition là aussi que les cadres réglementaires internationaux le permettent ! Avec la création d’un nouveau centre de traitement aux normes internationales, BEM a intégré des processus et des méthodes innovants pour assurer un recyclage propre des Gros Electroménagers Froid (GEM Froid), comme il se dit dans le jargon à l’exemple des réfrigérateurs et climatiseurs. BEM intervient en conformité avec les dispositions et réglementations internationales et mauriciennes (Convention de Bâle, Data protection Act,…). Pourtant, si l’entreprise a investi massivement dans des appareils de recyclage de déchets électriques en 2017, elle attend toujours d’être retenue pour des appels d’offre. A suivre dans nos colonnes.


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Après l’organisation du Blue Champion Award début 2020, une initiative du projet SWIOFish 2 de la Commission de l’océan Indien (COI) financée par la Banque mondiale, la COI multiplie les initiatives en faveur de la lutte contre la pollution plastique.

© Photo CETAMADA

La COI organise des ateliers sur la pollution liée au plastique

Trois jours d’ateliers étaient organisés du 8 au 10 juin derniers afin de débattre en profondeur sur la problématique de la pollution plastique. Un véritable « ExPLOI » (pour Expédition plastique océan Indien), a pu être signé à

l’issue de ces journées entre la COI et l’Agence française de développement (AFD). Il s’agit d’un projet régional visant à lutter contre la pollution plastique et promouvoir l’économie circulaire.

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MEMBER OF UBP GROUP

Priorité au sourcing local L’enseigne Espace Maison du groupe UBP, intègre au maximum les produits mauriciens dans ses approvisionnements. L’objectif visé est triple : limiter les impacts carbonés des importations– bénéficier de produits naturels et locaux – contribuer au maintien des petites entreprises familiales et leur savoir-faire.

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Les Salines de Yemen fournissent du sel de grande qualité

La Savonnerie Créole est un bel exemple d’intégration de production locale qui a bénéficié du soutien de l’enseigne Espace Maison. En bref, en agissant ainsi Espace Maison respecte le triptyque de l’économie circulaire : « Economie-Environnement-social » comme le résume Jean-Philippe Henry son sourcing manager : « à produit égal, nous privilégions les productions locales même quand parfois cela nous coûte un peu plus cher que l’importation. Non seulement nous avons la garantie de proposer des produits sains et bios, mais surtout nous contribuons au maintien de métiers qui auraient pu disparaitre s’ils n’avaient pas profité de notre circuit de distribution ». C’est ainsi le cas des sels de piscine, nécessaires pour le filtrage, qui évitent le chlore et autres produits chimiques et qui sont produits par Yemen, une petite entreprise familale située dans l’ouest. L’entreprise « Baie du Cap » est également une petite entreprise artisanale qui fournit Espace Maisons en charbon local et en granules de corail.

Intégration verticale Bien sûr, Espace Maison profite d’une intégration horizontale des productions réalisées par UBP sa maison-mère, mais pas seulement : « par exemple, nous

intégrons les composts produits par Gros cailloux, une autre enseigne d’UBP. Mais nous achetons également auprès de l’entreprise familiale « Vieille cheminée » qui fournit des terres d’empotage de grande qualité. Plus récemment nous avons repris une entreprise oeuvrant dans le domaine de la savonnerie et de produits de bien-être pour le corps. En reprenant la Savonnerie Créole, nous avons ainsi pu préserver ce savoir-faire typiquement

mauricien, conserver et créer encore des emplois, tout en proposant à notre clientèle des produits bios et fabriqués localement ». Enfin notons que parmi les produits importés par l’enseigne, les fournisseurs d’insecticides chimiques sont bannis. Seuls les produits naturels se retrouvent dans les rayons des magasins Espace Maison.

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25 emplois directs ont été créés par Reso Green et plus de 250 familles sont intéressées à la collecte.

Maurice génère 300 tonnes de déchets plastiques par mois ! C’est l’estimation que nous avons pu faire suite à une enquête réalisée auprès de Reso Green, l’un des deux collecteurs professionnels de plastique à Maurice. 48 Le journal des archipels

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Pour Soraya Armilotti, directrice associée de cette entreprise : « nous collectons environ 100 tonnes chaque mois sur les 300 qui sont produites chaque mois dans l’île. 100 autres tonnes sont collectées par d’autres entreprises et il reste donc encore environ 100 tonnes dans la nature ». C’est un triste constat mais qui reste nuancé d’optimisme quand on voit que des initiatives innovantes voient le jour dans l’esprit de cette entreprise. Reso Green est né il y a cinq ans sous l’impulsion de Soraya Armillotti et Renaud Lagesse avec pour vocation, pour ne pas dire mission, de collecter un maximum de déchets plastiques sur l’île. Aujourd’hui il s’agit déjà de passer à une autre étape avec le développement de Reso up. « Jusqu’à présent, nous travaillons grâce à un réseau important


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de petits collecteurs à qui nous rachetons les déchets plastiques bruts, aujourd’hui nous allons doubler ce moyen de collecte avec le lancement de Reso Up, une plateforme de collecte qui va nous aider à collecter à la source c’est-à-dire auprès des consommateurs directement » dixit la jeune femme passionnée par son activité.

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Soraya Armillotti, directrice associée de Reso Green, et Laurence Camarasa responsable du programme Reso Up.

Réso Up récompense les collecteurs En effet, jusqu’à présent Reso green a racheté à hauteur de 10 à 12 roupies le kilo (environ 0,20 €), les déchets en vrac auprès de 250 familles des environs au nord de Port Louis, assumant ainsi une responsabilité sociale auprès de gens souvent défavorisés. Aujourd’hui l’enseigne s’engage avec Reso Up vers une technique plus moderne basée sur une application dédiée: « cette plateforme permettra de nous renseigner sur les collectes à faire à la source, chez les particuliers et les entreprises qui vont se connecter. Les déchets seront alors à récupérer à l’aide de sacs (recyclés) qui sont mis à leur disposition», dixit Laurence Camarasa, responsable de Reso Up. Parallèlement, l’application

va informer et sensibiliser puisque c’est l’autre mission de l’entreprise. « Beaucoup de gens pensent encore que les déchets sont enfouis à la décharge de Mare Chicose, nous allons communiquer sur les différentes étapes de destruction et de recyclage. En outre, nos adhérents seront récompensés dans leurs actions par des systèmes de points transformables en bons d’achats... »

Une belle initiative qui vient après deux années d’études mais qui n‘en est qu’à ses débuts. D’autres développements vont se greffer sur cette initiative à but non lucratif qui caractérise Reso Up à la différence de Reso green qui est une entreprise. Par exemple des systèmes de coaching et de co-voiturages pour multiplier les bonus. A suivre dans nos colonnes.

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Ces entreprises qui valorisent nos déchets Petites, moyennes ou grandes, de plus en plus de sociétés mauriciennes

s’engagent résolument dans le tri et le recyclage de déchets. Certaines d’entre elles en ont fait leur activité principale et ne contribuent plus seulement à apporter une solution durable à la gestion des déchets. Voici une présentation de quelques entreprises qui se distinguent de façon originale. Un secteur économique est en train de voir le jour… Plankton Recycling Co-op. Sty Ltd est, à la base, un projet CSR du groupe Rogers, créé en 2010, puis devenu coopérative en juillet 2014. La matière première est le verre qui est broyé. La poudre de verre récupérée est utilisée pour polir sous pression, un mur, une surface quelconque. Le matériau transformé se présente sous forme de cinq granulométries différentes, les trois diamètres les plus fins se destinant au filtrage des eaux de piscine et les deux plus grossiers étant utilisés à des fins décoratives. « On peut en faire des allées monochromes, en parsemant les graviers à même la terre, sachant que l’on peut marcher pieds nus sur le gravier de verre », indique Cédric Descombes, directeur de Plankton Recycling. Le verre broyé peut aussi faire l’objet d’inclusions dans la résine des plateaux de cuisine et entrer dans la composition des sols pour un effet lumineux. Commercialisé par sac de 15 kg, il est vendu entre 350 et 400 roupies (entre 7 et 8 euros), dans les magasins Espace Maison, dans sa forme filtrante d’eaux de piscine et dans sa version déco. « La courbe de progression est faible mais continue et les commandes n’ont pas fléchi », indique Cédric Descombes. Outre ses objectifs environnementaux de gestion des déchets, Plankton Recycling a aussi un impact Le verre broyé peut socio-économique entrer dans puisqu’elle fournit la composition d’objets de l’emploi à plein pour un effet temps à sept perlumineux sonnes. Après le 2e confinement, Plankton Recycling a exporté 3 tonnes puis 5,5 tonnes de produits à La Réunion, ce qui pour Cédric Descombes est « un bon signal» pour la suite.

Plankton Recycling projet CSR devenu une coopérative

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Cette société située à Pailles, à sud de Port-Louis, fait La Compagnie l’entrée du rechapage de pneus depuis Mauricienne plus de 60 ans. De nombreuses de Commerce entreprises viennent déposer régulièrement leurs pneus rechape les usagés chez la Compagnie pneus Mauricienne de Commerce (CMC). Mais la société fait aussi de la collecte de pneus grâce à deux camions dédiés à cette activité. L’unité de rechapage de CMC emploie 14 personnes qui sont chargées de remettre les roues à neuf. Le processus se fait en six étapes, depuis l’inspection jusqu’à la « cuisson finale », en passant par l’habillage avec des bandes spéciales. CMC a de gros clients transporteurs routiers, transitaires, sociétés de construction. « La durée de vie de nos roues est supérieure à celle d’une roue normale », assure La capacité Clifford Duval, maximale de l’usine est directeur comde 66 roues mercial de CMC. par jour et de 3 000 par Mieux encore, le mois coût au kilomètre d’un rechapé s’avère moins élevé que celui d’un pneu neuf. Au final, CMC qui fait partie de toutes les bonnes initiatives du label Made in Moris, a voulu aller encore plus loin et compléter le cercle de l’économie circulaire. Tous les déchets de l’entreprise sont recyclés, ceux de l’administration (papiers) comme ceux de l’usine (poussière) qui, dans certains cas, connaissent une seconde vie. « Certains de nos déchets vont dans l’entretien des terrains de football ou la fabrication de punching balls », confie avec fierté Clifford Duval.


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DES POTS EN CARTON POUR LES YAOURTS CHEZ MAURILAIT La société Maurilait, spécialisée en produits laitiers, commercialise depuis juillet, des yaourts dans des pots en carton. Ce pot recyclable peut être lavé et séché. Maurilait est membre de l’AMM, ses produits sont labellisés Made in Moris et inscrits au parcours éco conception de l’association.

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Phoenix Beverages Ltd (PBL) est une des sociétés pionnières dans la production de boissons gazeuses et alcoolisées à Maurice, puisqu’elle existe depuis plus de 60 ans. Dès ses débuts, elle s’est mise à l’économie circulaire avec un circuit de redistribution de drêche et de levure séchée, issues de l’activité brassicole et établies MGG a voulu donner une vers le secteur agro-alimentaire de masse. Afin de promouvoir seconde vie au verre un environnement sain et durable, PBL s’est lancé dans le recyet fabrique clage du verre avec la mise en place de la Mauritius Glass Gallery même des pendentifs (MGG) en 1991. D’emblée, MGG a voulu donner une nouvelle vie aux bouteilles usagées, au verre brisé. Elle s’est lancée dans la production de verres, cendriers, puis d’objets décoratifs, pendentifs, etc. L’offre s’est sophistiquée au fil des années et MGG fournit désormais des hôtels de luxe mauriciens en verres et vaisselle, avec pour objectif de se substituer à l’importation et de produire local. De plus, selon Bernard Theys, le CEO de PBL, la société « ne baisse pas les bras dans son avancée vers l’implémentation des Objectifs de Développement Durable (ODD) ».

Mauritius Glass Gallery, une seconde vie aux verres usagés

Les hypermarchés sont de Super U grands producs’investit teurs de déchets dans le re- en plastique et en cartons. Précyclage à Grandet l’upcy- sent Baie, Flacq et cling Tamarin, Super U s’est engagé à réduire cette pollution et à lui trouver des solutions viables et efficaces. Ses différentes initiatives en faveur de l’environnement ont amené le groupe à œuvrer auprès de différentes entreprises et ONG engagées dans l’économie circulaire. Super U s’est investi dans le recyclage et l’upcycling, pour donner une seconde vie aux déchets. Les partenaires environnementaux du groupe sont, entre autres, Mission Verte, WE-RECYCLE, Foodwise, Phoenix Bev, WeCycle, BiobiN, Bioil, Surfrider, Polypet Recyclers, Plankton, BEM Recycling. Super U a contribué à la mise en place de poubelles pour la récupération d’huile de cuisine usagée, de compactage de cartons, de la collecte de bouteilles en verre, de bouteilles en plastique, de canettes en Super U a installé aluminium, de des poubelles batteries usées, dans le village de Tamarin d’e-waste…

Omnicane Limited, qui existe depuis 1926, est l’un des leaders de l’industrie sucrière mauricienne. Dans un secteur plus que bicentenaire, mais qui a su se restructurer et se réinventer, la production de sucre n’est plus la seule activité. Omnicane continue de produire du sucre raffiné mais aussi du bioéthanol, et de l’énergie électrique. La société cannière s’enorgueillit du fait que toute sa production se fait en parfaite intégration, avec une efficience optimale et un gaspillage minimal. Ainsi, la production d’électricité se fait à partir de sources renouvelables. Omnicane revendique le fait qu’elle a développé une conscience écologique qui met à l’avant plan des processus de production « propres » et une utilisation judicieuse des ressources naturelles. Avec la réutilisation de sous-produits pour en fabriquer d’autres, Omnicane applique le principe d’économie circulaire. C’est ainsi que les cendres de charbon de la centrale thermique sont réutilisées, après avoir éliminé le carbone dans un processus qui implique une chaudière spéciale. Le produit obtenu est utilisé comme substitut pour le ciment. La mise en opération de cette chaudière en 2017 par des experts indiens a constitué une première mondiale, comme le précise Rajiv Ramlugon responsable du développement durable chez Omnicane. « Tout le monde réalise à quel point l’économie circulaire est efficace ».

Omnicane produit sa propre énergie

Save A Sail recycle des voiles, usagées ou avariées. Filiale de MU Sailmakers, Save A Sail réutilise du matériel de grande qualité, ce qui constitue un plus pour ses produits. Créé en 1999, MU Sailmakers est la première entreprise mauricienne à fabriquer des voiles à Maurice. Dix ans plus tard, Julien Cervello s’est joint à la compagnie, puis en 2012, il en a pris la gestion. Dès ses débuts dans l’entreprise, Julien Cervello s’est rendu compte que les vieilles voiles abandonnées par ceux qui venaient prendre livraison de leurs nouvelles voiles pouvaient servir à quelque chose. Il a réfléchi au moyen de les utiliser et l’idée lui est venue d’en faire des… sacs. Save A Sail a ainsi vu le jour en 2012 et la palette des produits s’est rapidement élargie à d’autres objets tels que les sacoches ou les coussins... L’idée est aussi d’offrir une seconde vie aux vieilles voiles, mais aussi aux cordages et autres accessoires de voile usagés. « Chaque produit peut ainsi raconter l’histoire de la voile ou du cordage dont il est fait et il est unique », garantit Julien.

Save A Sail redonne vie aux vieilles voiles

Les produits sont fabriqués à la main avec un accent mis sur les détails.

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Par Olivier Pioch Photographies : Ecostrill

La Réunion peut mieux faire ! Recyclage et valorisation

Bon an mal an, La Réunion « produit » 600 000 tonnes de déchets, dont une bonne moitié de matières recyclables qui intègrent les circuits de tri et de collecte sélective. Pas si mal sur le papier ! Mais pour un territoire engagé dans une démarche « zéro déchet », le chemin vers l’économie circulaire est encore long à se dessiner. En termes de réutilisation, de transformation et de valorisation, l’Ile intense peut nettement mieux faire. Explications.

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200 kg/hab./an qui pourraient être détournés des bacs OMR et donc valorisés dans les filières de recyclage.

A La Réunion, 230 000 tonnes d’ordures ménagères résiduelles ou « OMR» (en gros, ce qu’on met dans nos bacs de tout-venant ménager) sont « jetées » chaque année. A l’échelle individuelle, cela représente 257 kg par habitant et par an ! Dans le détail, cette poubelle individuelle contient 65 kg de déchets recyclables (papiers, cartons, emballages…) qui pourraient être mieux triés et 87 kg de déchets organiques (restes de repas, déchets de jardin…) qui pourraient être transformés par exemple en compost. Si l’on y ajoute les 14 kg de déchets qui n’ont rien à y faire (ampoules, piles…), les 25 kg qui pourraient bénéficier d’une extension des consignes de tri (emballages plastiques souples…) et une part non négligeable de gaspillage alimentaire (11 kg tout de même !), ce sont finalement plus de 200 kg/hab./an qui pourraient être détournés des bacs OMR et donc valorisés dans les filières de recyclage. A l’échelle de l’île, cela représente près de 80 % de nos déchets ménagers ; soit un gisement total de 172 000 tonnes/an ! Problème, tous ces déchets qui ne sont pas triés à la source finissent inexorablement à la décharge ; c’est-à-dire dans l’un des deux centres d’enfouissement de l’île, à la Rivière Saint Etienne ou à Sainte Suzanne. Appelées pudiquement « installations de stockage des déchets non dangereux », ces décharges à ciel ouvert ont longtemps été des verrues pour l’île. Celle de la rivière Saint Etienne a par exemple accumulé au fil des ans pas moins de 7 millions de tonnes de déchets ! Elles ont certes été améliorées. Les déchets y sont partiellement triés et même valorisés. Le reste, la majorité, n’est plus entreposé aux quatre vents mais enfoui dans des casiers réputés étanches, sous de jolies butes enherbées. Le lixiviat (la soupe crasse qui croupit au fond) est pompé, puis traité avant d’intégrer le circuit d’arrosage du site. En surface, le biogaz de fermentation est récupéré pour produire de l’électricité. Reste qu’en dessous, la pollution fait son œuvre. Finalement, qui peut dire que tout un sol souillé ne finit pas sa course dans l’océan ? Côté bacs jaunes, le constat n’est guère

plus reluisant. Alors que la collecte en porte-à-porte permet d’évacuer chaque année 395 000 tonnes de déchets ménagers et assimilés, seule une part infime (30 000 tonnes) est bien placée dans les bacs de collecte sélective. Et encore ! Faute d’un vrai respect des consignes de tri, ces bacs sont remplis à 42 % de produits non recyclables, pots de yaourt et couches bébé, par exemple ! Au final, il ne reste plus « que » 18 000 tonnes de déchets ménagers réellement valorisables à la sortie des centres de tri et de traitement de l’île. Situé sur la commune du Port, Cycléa est l’un de ces méga-centres de tri. Pour Laurent Blériot, son directeur, tout peut être amélioré, en particulier le geste de tri. « On a coutume de dire que le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas, explique-t-il. C’est vrai. La Réunion est d’ailleurs engagée dans une démarche « zéro déchet ». Mais en attendant, il nous faut bien gérer tout ce qu’on produit. Un gros travail doit être fait en amont sur la sensibilisation aux consignes de tri. Le volume de matière valorisable récupérée pourrait être bien meilleur. »

Les déchets, deuxième poste exportateur de matières de l’île, derrière l’industrie sucrière ! En aval, Cycléa fait le job en traitant chaque année 7 500 tonnes de collecte sélective et un volume à peu près équi-

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valent de déchets d’activité économique. Mais que faire ensuite de ces matières triées ? Pas grand-chose en réalité. En l’absence de vraies filières locales de transformation, 95 % de nos déchets valorisables sont exportés par bateau : les cartons et papiers vers l’Europe, les métaux vers des fonderies en Inde. Opérant pour son propre compte et pour celui d’autres clients, Cycléa est ainsi devenu le deuxième exportateur de matières de l’île, derrière l’industrie sucrière ! Pas très satisfaisant en termes de bilan carbone… « Cela pose question, admet Laurent Blériot. Mais quel autre choix avonsnous aujourd’hui ? L’enfouissement ? On voudrait tous pouvoir utiliser des produits transformés ici. Mais l’économie circulaire n’est pas une incantation. Il faut un marché, une profitabilité économique avec assez d’intrants et suffisamment de débouchés. La petitesse de l’île et l’éloignement des centres de valorisation sont clairement un frein aujourd’hui.» De fait, pour que le modèle économique fonctionne, il faut sécuriser les gisements, s’assurer que le volume de matières valorisables soit stable d’une année sur l’autre. Il faut aussi s’assurer qu’il existe un réel marché pour l’achat des produits transformés. Pour la très grande majorité des déchets recyclables, ce n’est pas encore le cas. Certains groupes privés se sont positionnés de longue date sur des marchés de niche. L’entreprise Solyval récupère ainsi la quasi-totalité des pneus usagés de l’île depuis 2004 et les transforme depuis deux ans en tapis de sol, pavés

L’entreprise Solyval récupère la quasi-totalité des pneus usagés de l’île depuis 2004 et les transforme depuis deux ans en tapis de sol, pavés autobloquants et dalles antichoc.

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Retrouvez tous les chiffres, tous les volumes par filières sur notre website en scannant le QR Code :

autobloquants et dalles antichoc. Une vraie success story ! Mais le modèle est-il duplicable ? « Il ne faut pas rêver, on ne pourra pas tout valoriser ici sur un modèle industriel», tempère Fabrice Hanni, le président du syndicat de l’importation et du commerce de La Réunion (SICR), un syndicat patronal qui fédère les éco-organismes intervenant dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (REP). « Beaucoup de matériaux valorisables continueront nécessairement d’être exportés car nous n’avons pas la masse critique suffisante pour les traiter. Mais les lignes sont en train de bouger, on se dirige progressivement vers des solutions locales. »

Les projets en sont à un stade plus ou moins avancé. Une filière de valorisation des cartons et papiers d’emballage est en réflexion chez quelques porteurs de projets privés. Une unité de valorisation énergétique de mobiliers ménagers et professionnels est, elle, en cours de création. Les meubles seront démantelés sur place puis transformés en combustible solide de récupération.

Le secteur privé fait le job dès lors qu’il existe un marché « Les éco-organismes privilégient au maximum le traitement ou prétraitement

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local, confirme Sandrine Sinapayel, responsable Environnement au SICR. On constate que de plus en plus de produits sont désormais démantelés et décontaminés ici. » C’est le cas des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), traités dans l’unité de dépollution de l’entreprise RVE, à Saint-André. C’est aussi le cas des déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI), stérilisés puis broyés par Ecostrill, à Saint-Louis. Et, depuis l’an dernier, les véhicules hors d’usage abandonnés sont également dépollués sur le territoire réunionnais. En somme, le secteur privé fait lui aussi le job dès lors qu’il existe un marché. La donne n’est pas tout à fait la même du côté des pouvoirs publics, bien obligés de prendre à bras le corps l’énorme quantité de déchets qui s’accumule chaque année. Pour y parvenir, ils viennent de poser la première pierre de Run’ Eva, gigantesque unité de traitement et de valorisation énergétique, à Pierrefonds. Sur 230 000 tonnes de déchets en capacité, tout ce qui est recyclable sera trié, promis. Les déchets biodégradables produiront du gaz de méthanisation. En fin de course, les déchets ultimes seront transformés en combustible solide, puis intégrés dans une « unité de valorisation énergétique » pour produire de l’électricité. Un épouvantail pour beaucoup, mais à ce jour la seule alternative à l’enfouissement.

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100 entreprises réunionnaises engagées pour l’environnement

A La Réunion, le cluster Green vient de souffler ses dix bougies. Doté aujourd’hui d’une centaine d’adhérents, ce réseau d’entreprises engagées pour l’environnement entend mettre fin au désastreux modèle d’économie linéaire au profit d’un modèle beaucoup plus vertueux d’économie circulaire. 58 Le journal des archipels

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Fondé en 2011, à l’initiative du syndicat du commerce et de l’importation de La Réunion (SICR), le cluster Green compte aujourd’hui une centaine d’adhérents qui portent les mêmes valeurs, la même vision et surtout une ambition commune : relever le défi du développement durable par la promotion de l’économie circulaire. « Lorsque nous avons créé ce réseau, l’idée était d’aller au-delà de notre rôle en tant que représentant des filières REP pour viser une forme d’excellence environnementale », explique Valérie Chow-Ping-Mo, secrétaire générale du SICR. De fait, la responsabilité élargie du producteur (REP) permet d’organiser la gestion des déchets issus de certains produits fléchés par la réglementation. A La Réunion, il existe quatorze filières de ce type, par exemple pour les batteries automobiles ou les panneaux photovoltaïques. Toutes sont gérées par le SICR via les éco-organismes. « Mais la démarche environnementale ne peut relever de ces seules filières », précise Fabrice Hanni, le président du SICR. Tous les producteurs, quelle que


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L’idée du cluster Green : créer un réseau d’intelligence collaborative afin que les sphères économique et publique se rencontrent autour d’un objectif commun.

soit leur activité, sont concernés. L’objectif est d’aban­donner le désastreux modèle aujourd’hui dépassé de l’économie linéaire pour adopter le seul modèle viable à l’avenir, celui de l’écono­mie circulaire. « Le modèle linéaire, qui consiste à extraire des matériaux pour produire, distribuer, consommer et finalement jeter, est désormais totalement obsolète, reprend madame Chow-Ping-Mo. Nous prônons au contraire un modèle circulaire qui implique de nouvelles pratiques du côté des producteurs et de nouveaux comportements du côté des consommateurs. »

« La centaine d’entreprises qui adhère au projet en tire des bénéfices » In fine, il s’agit bien de générer moins de déchets, moins d’extraction de matières premières et une meilleure valorisation des produits transformés. Le cycle de vie d’un produit manufacturé est ainsi démultiplié par la remise en circuit du produit réparé ou des éléments qui ont permis à l’origine de le créer. Vaste programme ? Voire ! Car la centaine d’entreprises qui adhère à ce jour au projet en tire des bénéfices qui vont bien au-delà des contraintes que cela

implique. « L’engagement de nos adhérents suppose un certain nombre de démarches positives en termes de responsabilité sociétale et de qualité de vie au travail, détaille Valérie Chow-Ping-Mo. A cet effet, nous avons créé le label Efficience, qui prend pour socle la norme ISO 26 000 sur la gouvernance RSE et les recommandations de l’ANACT sur la QVT ». Ce label multisectoriel est accessible à tout type d’entreprise, quels que soient sa taille et son secteur d’activité. Il est aussi doté d’un barème de progression avec attribution de points bonus/malus en fonction des « performances » de l’entreprise évaluées sur cinq piliers : la RSE et la QVT, donc, mais aussi l’attractivité et l’ancrage territorial, la production & la consommation durable et le progrès environnemental.

L’occasion de booster les opportunités d’affaires. « Les entreprises souhaitant valoriser leur démarche Efficience sont évaluées par Afnor Réunion. Celles qui sont simplement engagées dans la démarche sont dotées d’une étoile, les entreprises dites « en progression » en reçoivent deux, les plus vertueuses en affichent trois. En

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contrepartie, les adhérents bénéficient de toute la force du réseau : de la visibilité, des synergies et des outils. » Côté visibilité, il est évident qu’une bonne image apporte un avantage concurrentiel aux entreprises qui affichent leur engagement en faveur du développement durable. Les consommateurs y sont désormais hautement sensibles ! Au-delà, le groupement assure des synergies qui permettent l’échange des bonnes pratiques et qui mettent en réseau des entreprises aux activités parfois complémentaires. C’est là aussi l’occasion de booster les opportunités d’affaires. Enfin, le cluster apporte des outils structurants et des réponses méthodologiques aux petites et moyennes entreprises. Il le fait avec ses propres outils et sa propre base de données, mais aussi via ses partenaires, en particulier l’ADEME et la Région Réunion, qui accompagnent le groupement depuis sa création. « Au final, nous valorisons l’expertise réunionnaise mais aussi nos adhérents en communiquant sur leurs actions via les réseaux sociaux et par des événements qui réunissent des experts, des clients, des donneurs d’ordres… » Dernier exemple en date : le 3ème Forum des acteurs de la transition écologique se déroule en ce moment même et jusqu’au 26 décembre sur la plateforme en ligne www.clustergreen.re.

Le stand virtuel du Cluster Green « animé » par Sandrino Ramanitrarivo, référent QSE et Développement durable et Stéphanie CAVALIE, référente Relation entreprises au SICR/GREEN.

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Déchets marins

exceptée celle réalisée à l’île de Sainte Marie (Nord-Est de Madagascar) dans le cadre du stage de Master 2 de Margot Thibault (Université de La Réunion) en 2018. Ces données représentent les seules informations disponibles sur les déchets marins le long des côtes malgaches. L’étude complète est à retrouver en scannant le QR Code La Western Indian Ocean Financé par la Western Indian Ocean Marine Science Association (WIOMSA) Marine Science Association, le projet est soutient également des projets sur les mené conjointement par nos partenaires suivis des déchets marins dans sept pays Cétamada (Association malgache pour la de la région du Sud-Ouest de l’océan conservation des mammifères marins et Indien: la Tanzanie, les Seychelles, le des habitats marins dans l’océan Indien) Mozambique, le Kenya, l’île Maurice, et CEDTM (Centre d’Etude Des Tortues l’Afrique du Sud et Madagascar. Sur une Marines à La Réunion) et soutient un période de 3 ans, des suivis des déchets projet de thèse de l’Université de La Rémarins accumulés sur les côtes de ces 7 union. A Madagascar, aucune étude n’a régions vont être réalisés avec des méthoencore été réalisée sur les déchets marins, dologies communes. Les leaders du projet, de gauche à droite : Anjara Saloma, Margot Thibault, Mandrindra Rakotovao, Aina Ramanampamonjy et Kerenah Andriamirado

© CETAMADA

Une base de données régionale en construction Une vaste étude portant sur trois années (2019-2021) est engagée sur les côtes malgaches afin de mettre en place la première base de données sur les déchets marins à Madagascar.

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Sur le créneau de l’emballage propre

Fondée par Hassim Amiraly en 2009, actuel président du Syndicat des Industries de Madagascar (SIM), Technopet se spécialise dans la transformation de polyéthylène téréphtalate (PET). L’entreprise s’est engagée à réduire drastiquement les empreintes environnementales de ses produits. 60 Le journal des archipels

© Madagascar Newsroom

TECHNOPET Shayan Hassim, directeur de Technopet Technopet Madagascar a pour activité principale la production de préformes en PET servant au soufflage des bouteilles pour conditionnement liquide (boissons, huiles, produits d’entretien...). En 2019, la société s’associe au fonds d’investissement régional Inside Capital Partners afin d’accélérer la réalisation de son nouveau plan d’investissement. Ce plan vise à accroître la capacité de production de Technopet, et de mettre à niveau son infrastructure afin de devenir le fournisseur de référence (vs. l’importation) dans la région océan Indien. Pour les promoteurs, Technopet a un rôle majeur à jouer à terme dans l’économie du plastique dans la région, et donc dans la génération d’impacts environnementaux et sociaux conséquents. La nécessité de raccourcir les circuits

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d’approvisionnements en privilégiant le local est devenue une évidence avec cette crise, mais il faut pour cela que les fournisseurs locaux adoptent les mêmes standards qu’en Europe ou en Asie, notamment sur des marchés exigeants. Selon Shayan Hassim, directeur de Technopet : « la pandémie a ralenti l’exécution de notre plan comme beaucoup d’entreprises, mais nous restons convaincus de l’opportunité d’adresser le sujet du recyclage du PET à terme. Il faut pour cela une certaine échelle, la mise en place d’un ecosystème fiable, et bien sûr des moyens financiers et en termes d’infrastructure importants. C’est le travail que nous avons entamé en 2019 et nous serons au rendez-vous pour accompagner l’adoption d’une approche écologique vertueuse par notre région ». « Nous souhaitons démontrer qu’une éthique sans faille et les meilleures pratiques en termes de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) et d’engagements ESG (Environmental, Social, Governance) peuvent être alignées au succès commercial des entreprises des pays en développement. Ce sont des valeurs que nous partageons avec l’équipe de Inside Capital Partner », a-til soutenu.


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La première distribution des kits a été faite en juillet 2021 : une valorisation des chutes de tissus «upcycling» auprès de 800 jeunes filles..

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Projet VONONA

En Afrique subsaharienne, selon un rapport de l’ONU sur l’éducation, la science et la culture, une fille sur dix ne va pas à l’école pendant son cycle menstruel, soit environ 20 % du temps Comment l’upcycling scolaire perdu sur une année. A Madagascar, du textile permet le projet VONONA permet de produire des d’améliorer le kits d’hygiène menstruels réutilisables grâce à niveau d’éducation des adolescentes l’upcycling de tissus de l’industrie textile. Dans la Grande Ile, les protections périodiques à usage unique sont très chères, beaucoup de familles ne peuvent se permettre de tels achats. Ainsi, beaucoup de femmes et de filles utilisent des tissus non adaptés, récupérés de draps ou de vêtements usés pour servir de serviettes périodiques : une pratique dangereuse qui peut engendrer de sévères infections. C’est dans ce cadre que le projet VONONA a été créé. Il fait partie d’un pro-

gramme d’hygiène plus général appelé MADIOT0M et financé par la Fondation AXIAN, qui bénéficie notamment à des jeunes filles (à partir de 10 ans) et à des femmes socialement défavorisées en les dotant de kits d’hygiène menstruels réutilisables, discrets au lavage et au séchage, efficaces et imperméables. TROPIC MAD SA (Ciel Textiles) a décidé de conclure une convention de partenariat à long terme et de s’engager

et de coopérer dans la mise en oeuvre du projet« VONONA 1 » afin d’améliorer le niveau d’éducation des filles adolescentes par la diminution de l’absentéisme ou de l’abandon scolaire liés aux menstruations. Ainsi, TR0PIC MAD SA a fait un don de plus de 6000 liners « liners absorbants» doublées et cousues avec des chutes de tissus et pull-out en jersey de 100% coton, nécessaire à la composition du kit d’hygiène menstruelle VONONA.

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Par Benoît Barral Photos : DR

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La gestion des déchets : une urgence devenue banale

Dès la sortie de l’aéroport international, porte d’entrée en Union des Comores, on constate sans filtre et de visu que la gestion des déchets y est très lacunaire. Ce constat sévère mais juste se confirme en entrant dans la capitale, en marchant sur les plages, etc : les dispositifs publics indéniablement présentent de nombreuses carences.

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La question en tout cas n’est taboue ni pour la société civile ni pour la classe politique comoriennes et l’état des lieux, dressé honnêtement, est clair pour tout le monde. C’est une bonne nouvelle, car poser le problème est la première étape vers sa résolution. Ainsi le site officiel de la présidence admet que, « avec une production journalière de près de 400 tonnes, 146 000 tonnes de déchets sont déversées dans la nature chaque année. Malgré plusieurs initiatives, les réponses de l’Etat, des collectivités locales, des associations d’usagers et des partenaires internationaux restent limitées. La filière d’une gestion intégrée des déchets (Pré-collecte / collecte, tri, transport, traitement, recyclage/valorisation, et élimination) reste très peu développée. La gestion des déchets constitue un enjeu majeur de santé publique et de sauvegarde de l’environnement ». Un fonctionnaire du ministère des douanes confirme ainsi que « l’importation de sachets plastiques est interdite »... mais constate en même temps que cette interdiction n’est pas respectée, car les petits commerçants comme les supermarchés proposent systématiquement des sacs à usage unique à leurs clients. Ces mêmes

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sacs qui se retrouvent sur les plages paradisiaques de ce pays insulaire au potentiel touristique considérable, à l’instar de ses voisins, Seychelles, Maurice ou Zanzibar. Ainsi, abîmant les somptueux paysages des deux îles principales (Ngazidja et Ndzouani, la situation étant meilleure à Mwali), une pollution visuelle importante est conséquence certes de l’incivilité des principaux concernés, mais surtout d’un manque de solutions concrètes : le ramassage des déchets est aléatoire, il n’y a pas d’incinérateur digne de ce nom, et les déchetteries - quand elles ne sont pas sauvages - ne sont pas vidées régulièrement.

Les Comores devraient bénéficier du projet ExPLOI Pourtant, des solutions existent. Il s’agit en premier lieu de mettre en pratique un cadre institutionnel et règlementaire pour la gestion des déchets, et de doter le pays des infrastructures nécessaires pour la filière de gestion des déchets : « nous travaillons là-dessus avec le gouvernement», assure un consultant


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international du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Les Comores devraient aussi à moyen terme bénéficier du projet ExPLOI (Expédition Plastique Océan Indien), mis en place pour lutter contre la pollution plastique dans la zone. La COI (Communauté de l’Océan Indien) est à l’origine de ce projet lancé officiellement début juillet 2021 et financé par l’AFD (Agence Française de développement) et le FFEM (le Fonds français pour l’environnement mondial) pour un montant de 6.7 millions d’euros, étalés sur 5 ans (lire ci-après dans ce magazine). Dans le même état d’esprit, deux containers « tri et recyclage » ont été installés dans la capitale grâce à des fonds de l’Union Européenne… mais faute de centre de recyclage sur l’ile, la solution n’est pas pérenne. En outre, faire enlever ces containers pour traitement à l’étranger est devenu encore plus compliqué avec la récente hausse mondiale du prix du transit de containers. En conséquence, la gestion des déchets aux Comores se résume actuellement à un service de collecte, pas toujours systématique, dans quelques communes, car c’est de fait une compétence qui revient à ces dernières.

© J.Rombi

Un secteur vierge où il est propice d’investir « 146 000 tonnes de déchets sont déversées dans la nature chaque année ». Ici le front de mer sur l’île d’Anjouan n’a rien à « envier » à celui de Grande Comore.

Quand le secteur public n’y suffit pas, le secteur privé peut et doit donc prendre le relais, si la législation l’autorise et si ses initiatives sont soutenues. Les potentialités en ce domaine sont en effet importantes, pouvant transformer un fléau en ressources, un challenge en opportunité : une utilisation intelligente des déchets permet de les valoriser, de les

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transformer en énergie et en profit. Les exemples ne manquent pas, y compris dans la zone, de pays qui ont réussi à industrialiser localement le recyclage et à intensifier de la sorte les boucles d’économie circulaire. La gestion des déchets est clairement aux Comores un secteur vierge où il est propice d’investir. Un diplomate émirati confirme la volonté d’investissement d’au moins une société réunionnaise, mais aussi d’acteurs venant de Tanzanie, de Chine et d’Afrique du Sud. Les EAU sont prêts à aider au financement, tout en étant conscients que les sociétés locales de collecte des déchets voient d’un mauvais œil cette concurrence. Le même diplomate assure être « particulièrement attentif à la probité des sociétés étrangères » qui répondront aux appels d’offre futurs. Bien sûr que la mobilisation actuelle de la société civile comorienne, jeunesse en tête, est un socle encourageant, comme en témoignent les régulières opérations de nettoyage des plages sur la base du volontariat. Bien sûr que la promotion des bonnes pratiques et les associations de riverains sont encourageantes, que le « low tech » apporte sa pierre, que les charrettes tirées par des ânes pour la collecte dans les pays du Sahel sont aussi des exemples à suivre… mais les Comores resteront au milieu du gué sans la collaboration des entreprises privées : il s’agit pour l’Etat comorien de les accompagner, de les appuyer et de soutenir leurs initiatives. In fine la valorisation des déchets ne fonctionnera à long terme (soit le vrai sens du concept de « sustainability ») que si elle est rentable, et porté par le secteur privé, même s’il peut y avoir un appui initial de la puissance publique. Ainsi du Devjani Group, qui n’est certes pas dans l’action militante, mais légitimement motivé par la recherche du profit : la société achète 60 à 75 francs comoriens (12 à 15 centimes d’euros) par kilogramme les déchets métalliques qui sont ensuite expédiés en Inde, principal marché mondial du secteur. Sont ainsi collectés dans le pays « presque 100 tonnes de métal par mois ». Les paysages comoriens comme l’économie comorienne ne s’en portent que mieux.

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Par Nora Godeau Photographies : Jacques Rombi

Ce n’est un secret pour personne : Mayotte ne doit aujourd’hui plus son nom aux plantations d’ylangylang, mais plutôt aux relents des poubelles qui débordent. Une situation qui, ajoutée à la délinquance galopante, freine le développement du tourisme. Sans compter le manque à gagner quand on pense que, correctement valorisés, ces déchets pourraient devenir une manne financière pour l’île. Alors, qu’estce qui bloque ? Pourquoi Mayotte s’enfonce-t-elle de plus en plus dans la saleté malgré les multiples plans de gestion des déchets qui « fleurissent » régulièrement au sein des mairies, des intercommunalités et du conseil départemental ? Eléments de réponse dans ce dossier.

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l’île aux parfums des déchets

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Comme à un niveau national, le traitement des déchets sur l’île au lagon obéit à un système complexe faisant intervenir de multiples acteurs. La gestion des déchets ménagers est séparée de celle des déchets industriels. De la même manière, la compétence « collecte » est séparée de la compétence « traitement ». Lorsqu’on évoque la problématique des déchets qui défigurent l’île, le Sidevam 976 est le premier à être pointé du doigt et fustigé. En effet, ce Syndicat Intercommunal d’Elimination et de Valorisation des Déchets à Mayotte est chargé de la collecte des déchets dans toutes les communes de l’île à l’exception de Mamoudzou et Dembeni, villes faisant partie de l’intercommunalité de la Cadema (Communauté d’agglomération de Dembeni Mamoudzou). Cette dernière a confié en 2020 la compétence « collecte » aux entreprises privées Enzo Technic Recyclage et MAP. « Les élus de la Cadema ont préféré se tourner vers des entreprises privées car ils ont considéré que le rapport qualité/

prix de notre syndicat était mauvais », avoue franchement Chanoor Cassam, le DGS du Sidevam 976.

Pourquoi le Sidevam ne se montre pas à la hauteur ? La question est complexe et, pour y répondre, il faut se tourner vers l’histoire de Mayotte. Le Sidevam 976 est né en 2014 de la fusion des 4 syndicats qui géraient les déchets par région. Leurs agents ont été transférés au Sidevam. Or ces derniers n’ont pas forcément le niveau de compétence requis. « Il faut se rendre compte que les premières écoles n’ont vu le jour que dans les années 90 à Mayotte », explique Chanoor Cassam qui ne nie pas qu’il y ait un gros problème de conscience professionnelle chez ses agents et qu’une montée en compétence est plus que nécessaire.

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« Les compétences des 310 agents du Sidevam n’est que le reflet du tissu social de Mayotte », expliquet-il avec franchise. Concernant les propos de Ben Hanafi (chargé de la prévention déchets au sein de la Cadema), que nous avons relayés sur notre website, et qui mentionnait que « les agents du Sidevam cassent les camions car ils n’ont pas envie de travailler », Chanoor Cassam y apporte une nuance non négligeable. « Il est vrai que les agents cassent les camions, mais ils ne le font pas exprès : c’est parce qu’ils mettent de la ferraille dans des camions qui ne sont pas dédiés à cet effet faute d’un tri efficace de la population », explique-t-il tout en reconnaissant que « si ça leur fait néanmoins un jour de congé en plus, ils sont contents ». A ce problème de conscience professionnelle vient s’ajouter une défaillance dans la gestion préventive des camions, qui tombent régulièrement en panne expliquant de ce fait l’irrégularité de la collecte des ordures à Mayotte. « Nous avons une quarantaine de camions qui se déploient sur tout le territoire, il est normal que certains tombent en panne. Notre garage serait effectivement à rénover. Quant à déléguer la maintenance des camions à une entreprise privée, cela se révèlerait très coûteux», expliquet-il. Par ailleurs, le parc de camions et la masse salariale du Sidevam n’est plus adaptée à la réalité du territoire. « Avec la démographie galopante de Mayotte, le volume des déchets à gérer augmente

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d’années en années, ce qui explique notre difficulté à les collecter », avoue le DGS. En revanche, il estime que le Sidevam fait quand même beaucoup d’efforts en collectant les déchets qui ne sont pas normalement de son ressort comme ceux des plages qui devraient être collectés par les intercos, ceux des villes qui sont du ressort des communes et ceux se situant hors agglomération dont la collecte devrait être gérée par le département. Le syndicat collecte même les déchets des quartiers informels alors que, mélangés et non placés dans des bennes, ils s’avèrent complexes à ramasser et coûteux car n’ont pas de solution de traitement. Sans compter la difficulté pour les camions du Sidevam d’atteindre certains quartiers situés en hauteur sur des routes pleines de nids de poules. « Alors, certes le Sidevam a ses défaillances, mais il fait néanmoins beaucoup d’efforts et s’occupe de déchets qui ne sont normalement pas de sa responsabilité », conclut le DGS.

Un déficit en éco-organismes sur le territoire Citéo collecte les déchets des bennes de tri et les achemine vers l’Ecopôle de Longoni où ils sont retriés et envoyés pour recyclage en Inde et en Afrique du Sud. L’un des gros problèmes de Mayotte est le manque d’éco-organismes qui traînent des pieds pour venir sur l’île en raison

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du manque de rentabilité de ce travail sur le territoire. Toutes les filières REP (Responsabilité Elargie des Producteurs) ne sont donc pas représentées à Mayotte, ce qui fait que certains déchets particuliers finissent à l’enfouissement au lieu d’être envoyés hors territoire pour recyclage. Les DEEE (Déchet d’Equipement Electrique et Electronique) sont quant à eux collectés par l’entreprise Enzo qui les envoie à La Réunion et en métropole pour recyclage. Le Sidevam a pour projet d’installer 8 déchetteries sur l’île où les déchets seront triés pour faciliter le travail des éco-organismes en charge de leur recyclage. La première d’entre elle sera inaugurée à Hamaha début 2023. « Attention, ce ne sera pas comme les anciennes décharges que nous avons fermées en 2014 et où les déchets étaient brûlés. Une déchetterie n’est pas une décharge. Là, les déchets seront triés et proprement disposés dans des bennes pour être récupérés par les différents éco-organismes », précise Chanoor Cassam. S’il n’existe pour le moment quasiment aucune filière de recyclage sur l’île, le Sidevam étudie en ce moment quelques pistes de réflexion pour valoriser les déchets. « On envisage de transformer les restes alimentaires en compost et les bouteilles en verre en embouteillage pour les bouteilles de jus. Le plastique pourrait également être transformé en essence ou en briques pour la construction. Mais tout ceci n’est qu’à l’état de projet pour le moment », conclut le DGS.

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Un manque d’éducation de la population Les déchets collectés par le Sidevam sont acheminés vers les 4 quais de transferts de l’île. A partir de là, ils sont récupérés par l’entreprise Star Urahafu, qui bénéficie d’une délégation de service public pour gérer l’ISDND de Dzoumogné (Installation de Stockage des Déchets Non Dangereux) où les déchets sont enfouis. En parallèle, l’éco-organisme Citéo est sollicité par Star Mayotte pour gérer les bennes de tri disposées dans les communes de l’île. Star Mayotte et Star Urahafu sont les deux filiales du groupe Suez chargés de gérer les déchets de l’île au lagon. Leur client est le Sidevam. En théorie, les ordures ménagères composées de carton/papier, verre, ferraille et plastique devraient donc être triées par la population et disposées dans les bennes mises en place par Citéo, le maître d’œuvre de Star Mayotte. Or la population n’a pas encore acquis ce réflexe, ce qui fait qu’un gros volume de déchets normalement destiné au recyclage est en réalité enfoui à l’ISDND.


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Par Liva Rakotondrasata

Le défi à relever est de réaliser le pipeline dans un délai de dix-huit mois au maximum pour faire transiter un débit de 1,2m3 par seconde, poser des conduites sur une longueur de 87 km, de construire des réservoirs de mise en charge et de stockage et d’installer un réseau d’irrigation par aspersion d’un périmètre agricole de plus de 2000 hectares.

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Le Sud rêve de se transformer en oasis Victime depuis de longues années du phénomène de Kéré (sécheresse et famine), le Sud de Madagascar aspire à un avenir meilleur en comptant sur les projets concoctés par l’Etat et les partenaires techniques et financiers. Les populations de cette partie de la Grande île ne souhaitent plus se contenter des aides ponctuelles mais de projets structurants à même d’instaurer un développement durable. 68 Le journal des archipels

Le projet de ceinture verte porte sur 18 122 ha à aménager avec 170 km de brise vent et la stabilisation de 18 334 dunes de sables. Si l’on se réfère aux projets en cours et ceux déjà annoncés, il se pourrait que la partie australe de Madagascar puisse enfin entrevoir l’avenir avec un peu plus d’optimisme. Les populations voient ainsi d’un bon œil le lancement par la Banque mondiale du projet Mionjo (« se lever » dans le dialecte du sud de Madagascar) dont la signature du financement de 100 millions de dollars américains a été effectuée en décembre 2020. Le projet couvrira les trois régions du sud de Ma-

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dagascar, à savoir Anosy, Androy et Atsimo-Andrefana, et prévoit la construction d’infrastructures de premier plan comme les équipements hydrauliques. La lutte contre l’insuffisance chronique d’eau et les facteurs d’insécurité alimentaire est au cœur de cet engagement à long terme. «Nous voyons ce programme comme un changement de paradigme qui jette de solides fondations pour prévenir la famine et les autres chocs naturels qui ont fait du sud de Mada-


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gascar l’une des régions les plus pauvres du pays », a déclaré Hafez Ghanem, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Est et australe suite à la mise en œuvre de ce projet. L’autre grand projet censé transformer le paysage socio-économique du sud de Madagascar est le programme de construction d’un pipeline. Il s’agit d’approvisionner en eau les régions Anosy et Androy en mobilisant la ressource hydraulique de la rivière Efaho. Selon nos informations, l’Etat prendra en charge l’essentiel du financement de ce projet évalué à 70 millions de dollars. Le président malgache Andry Rajoelina, qui était en tournée dans le sud récemment, a indiqué qu’une partie du don alloué par le Fonds Monétaire International (FMI) sera affecté à la réalisation des infrastructures.

Pour 100 millions de dollars… Selon un technicien du ministère de l’Eau, une partie de l’eau de l’Efaho, sur la rive droite d’Andakana, sera transportée par pompage photovoltaïque vers la plaine d’Ambovombe et des plaines aux alentours du pipeline en vue de l’irrigation des champs de culture et des jardins potagers, de l’alimentation en eau potable des populations riveraines ainsi que de leurs bétails. Les études sont en cours et le défi à relever est de réaliser les travaux dans un délai de dix-huit mois au maximum pour faire transiter un débit de 1,2m3 par seconde. Il s’agit également de poser des conduites sur une longueur de 87 km, de construire des réservoirs de mise en charge et de stockage et d’installer un réseau d’irrigation par aspersion d’un périmètre agricole de plus de 2000 hectares. Selon notre source, une task force est en cours de mise en place pour piloter la mise en œuvre de ce grand projet qui réunira les différentes parties prenantes concernées, aussi bien pour le volet orientation et suivi que pour son exécution. L’envergure technico-financière, la dimension géographique et le caractère transversal du projet impose également que l’on accorde un intérêt essentiel aux

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Le Sud, naturellement aride, n’a plus assez d’eau pour une population en croissance permanente.

Le pipeline sera connecté depuis la rivière Efaho divers paramètres connexes comme la sensibilisation des populations ou encore l’aspect environnemental. A noter que l’installation d’autres pipelines est aussi en projet.

La grande ceinture verte connectera les régions L’État entend également renforcer la politique écologique et environnementale de cette partie de l’Ile grâce au projet baptisé « Ceinture verte » qui vise à lutter contre la désertification et à appuyer la résilience au changement climatique. « C’est une promesse solennelle que je fais aujourd’hui afin de sortir le Grand Sud de

la pauvreté. C’est grâce à cet engagement inédit, aux efforts communs que nous allons changer le destin du Grand Sud de Madagascar », a affirmé le président Andry Rajoelina, lors du lancement de ce projet en juin dernier. Selon le ministère en charge de l’Environnement et du Développement durable, c’est un « projet titanesque » d’un montant total de 26 millions de dollars. Il consiste à mettre en place près de 18 122 ha de ceinture verte ainsi que 170 km de brise vent et la stabilisation de 18 334 dunes de sables. Durant les 5 ans de réalisation, 7 filières porteuses seront impactées positivement par le projet dont les principaux bénéficiaires sont les Districts d’Ambovombe, Tsihombe, Beloha, Amboasary et Taolagnaro (Fort Dauphin).

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fUn&tEch Tropic Knits

Depuis deux ans, Tropic Knits multiplie les actions pour apporter des changements sociaux notables

recyclage et action sociale

La filière textile du groupe mauricien Ciel engage des changements sociaux notables en transformant ses chutes de tissus. Par Niry Ravoninahidraibe

L’entreprise produit en moyenne 570 498 pièces par mois, soit 6 845 980 pièces pour l’année 2020, ce qui génère une moyenne de 36 279,50kg par mois et 435 354kg de chutes de tissus. Au moment de la coupe, le tissu qui servira à la confection de vêtements poursuit l’acheminement et sera traité par d’autres machines et par les employés de l’usine. D’un autre côté, les chutes de tissus sont recueillies pour être transformées (le 100% coton étant le tissu le plus facile à recycler). L’entreprise en fait don à de nombreuses associations. Depuis deux ans, Tropic Knits multiplie les actions pour que ces chutes aient une utilité mais aussi pour apporter des changements sociaux notables. Cela se destine tout particulièrement à des femmes qui vivent dans la précarité. Elles peuvent ainsi disposer de cette ressource qui devient alors une matière première leur permettant de créer et d’avoir une activité lucrative. Parmi les associations qui utilisent à bon escient ces chutes de tissus figure l’association Fanavotana qui permet à des femmes de confectionner des tapis, du linge de maison, des doudous ou encore de couvertures. Les chutes de tissus sont ainsi transformées en objets utiles susceptibles d’être achetés. Tropic Knits mène une action similaire auprès de l’orphelinat CFM Ambohibao qui accueille des nourrissons et des jeunes filles en situation difficile. Là encore, les tissus sont transformés 70 Le journal des archipels

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pour devenir une source de revenus pour ces jeunes filles. Les avantages qui peuvent être tirés par la transformation de ces chutes de tissus ne s’arrêtent pas là. La collaboration entre l’entreprise et la Fondation Axian se concentre quant à elle sur la précarité menstruelle. L’initiative intitulée « PAD Project » a permis d’équiper huit cent femmes avec des protections hygiéniques (pad) réalisées en 100% coton. Le projet consiste également à informer les jeunes filles sur leur puberté et leur cycle menstruel. La fondation a initié ce projet, mais les filles des employés de Tropic Knits bénéficient aussi de ce programme (l’article ci-après).

Du tissu transformé en savons Parallèlement, Tropic Knits travaille depuis peu avec l’Associaiton GreenKool. Cette fois-ci, il s’agit d’obtenir un produit très différent : les chutes de tissus sont reprises par l’association pour être brulées et transformées en

savon artisanal et écologique. Loin de se limiter au tissu, l’entreprise recycle également ses lampes néon qui sont rachetées par Ecologique Mada pour être transformées en pavés autobloquants. Les actions menées par les associations partenaires de l’entreprise Tropic Knits démontrent le fait qu’il y a de multiples façons de faire usage de tissu qui n’avait plus grande utilité dans une usine de textile. Depuis le début de l’année 2021, l’association Fanavotana par exemple, a permis à 72 femmes d’être bénéficiaires de leur activité. Pour le Projet Vonona, 1000 jeunes filles âgées de 10 ans et plus ainsi que des enseignantes peuvent profiter de cette action sociale, ainsi que le Centre AIM Anosizato qui s’occupe notamment de sans-abris. En bref, trois actions interdépendantes sont engagées : limiter les déchets, réutiliser ces chutes de tissus et permettre à des personnes en difficulté d’améliorer leur situation sur le long terme.


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TECH

Expat.com atteint 3 millions de membres

C’est une véritable success story que connait la start-up mauricienne Expat. com, leader dans le domaine de la mobilité internationale, qui vient de dépasser les 3 millions de membres.

Julien Faliu, CEO et Fondateur d’Expat.com

Cette plateforme de référence de la vie à l’étranger a été créée en 2010 par le Français expatrié à Maurice Julien Faliu. Le lauréat du trophée IBL Tecoma Award 2019 (Entrepreneur de l’année) témoigne du rôle capital de l’écosystème mauricien dans la réussite de son

entreprise : « Au-delà de la fierté personnelle, cette étape clef est symbolique pour l’île, à l’heure de sa réouverture. Maurice peut être fière de ce multiculturalisme qui fait toute sa richesse et qui lui permet d’être tournée vers l’international. Cela a donné de la force au projet d’Expat.com et a grandement contribué à son succès ! ». Plus de 500 villes et 197 pays sont couverts par la plateforme disponible en 5 langues : français, anglais, espagnol, italien et portugais. A Maurice, le site dénombre actuellement plus de 48 000 membres actifs. Chaque jour, des personnes qui préparent leur départ ou débutent leur vie à l’étranger bénéficient de l’aide d’autres expatriés déjà installés dans leur pays d’expatriation. C’est grâce à la contribution de tous que la plateforme continue d’informer au mieux tous les aspirants et expatriés du monde entier.

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fUn&tEch A Mayotte, la naissance d’une île pourrait faire couler une autre

Un événement exceptionnel est en train de se produire sous nos pieds indianocéaniques, digne d’un film de science-fiction puisqu’un volcan est en train d’émerger des abysses au large de Mayotte, dans une indifférence à peu près générale.

© Photo J.Rombi

Par Jacques Rombi Images prises par le robot Victor 6000 d’Ifremer durant la mission GeoFLAMME

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Le Rocher de Dzaoudzi (Petite-Terre de Mayotte, détail)

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Un échogramme acoustique qui montre un panache de fluides dans la colonne d’eau par sondeur multifaisceau (mission MAYOBS du REVOSIMA).

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La campagne d’observation Géoflamme a dévoilé les premières photos

Des coulées de lave par 3400 mètres de fond.

Plus d’infos sur :

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Pourtant cet événement naturel devrait nous intéresser pour plusieurs raisons: d’abord il ne s’agit ni plus ni moins que de l’émergence d’une nouvelle île volcanique, qui comme ses soeurs de l’archipel comorien, prend sa source dans les flux de laves qui passent sous la croûte terrestre. Ensuite parce que c’est la première fois que nous pouvons observer la naissance rapide d’une île volcanique. Enfin, et c’est plus inquiétant, la poche de lave qui se vide actuellement est placée pile sous la Petite-Terre de Mayotte qui s’affaisse dangereusement depuis quelques mois. « Ce qui est sûr c’est qu’une catastrophe majeure peut intervenir en Petite-Terre » indiquait Pascal Bernard de l’Institut géophysique du Globe à Paris*. Le scientifique et son collègue Roberto Moretti prévoient un effondrement possible de la caldera, cette poche qui contient le magma qui se répand aux abords du volcan. Ce réservoir se situant sous l’île de Petite-Terre à Mayotte, les effets se font sentir physiquement là-bas, puisque les tremblements de terre y sont fréquents depuis plus de 2 ans et que l’île s’est déjà affaissée vers l’Est de 20 centimètres ! Pas trop une bonne nouvelle alors que l’on annonce la montée des eaux si la fonte des pôles continue sur ce rythme. Nul besoin d’être un spécialiste pour comprendre qu’une montée des eaux associée à l’enfoncement de l’île risque de faire boire la tasse aux Mahorais…

«Un effondrement possible de la caldera» Pour faire simple : l’éruption volcanique située à une cinquantaine de kilomètres à l’Est de Mayotte prend sa source dans la poche magmatique située elle, sous Petite-Terre et à une quarantaine de kilomètres de profondeur. Pour faire compliqué : les scientifiques suscités s’inquiètent d’une probable seconde poche située à 10 kilomètres des côtes de Mayotte et qui « fait piston» dans des proportions inconnues et surtout imprévisibles. En résumé, nos amis Mahorais vivent avec un volcan en train de naître à 50 kilomètres de leurs côtes, il est déjà haut de près de mille mètres au-dessus du plancher océanique qui risque de s’effondrer entraînant avec lui tout ou partie de Petite Terre et un tsunami qui va avec et qui risquerait d’engloutir une partie de toutes les côtes qui bordent notre beau Canal de Mozambique. Pour dédramatiser et finir sur une note comique, on peut se demander si ce n’est pas pour cela que les autorités traînent des pieds pour investir dans une piste longue à l’aéroport de Dzaoudzi ? *Les Nouvelles de Mayotte, Edition du 25 juin 2021.

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fUn&tEch The Good

Textes et photographies : Jacques ROMBI

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ou le bon exemple de l’économie circulaire

The Good Shop est une entreprise sociale qui propose un système alternatif au système économique actuel basé sur le principe linéaire : extraire-produire-consommer-jeter. En mettant la formule à l’envers : jeter-extraire-produire-consommer, The Good Shop fournit un bel exemple d’économie circulaire.

« Il y a des meubles rénovés mais aussi créés par nous-mêmes comme ces poufs que nous avons remplis de déchets textiles » dixit Daisy Yip Tong.

En bref, il s’agit de récupérer, sous forme de dons, vêtements, meubles et objets de consommation courante, de les reconditionner (en créant des emplois parmi un public défavorisé), avant de les remettre en circulation via les 3 boutiques ou74 Le journal des archipels

vertes dans le pays en à peine deux ans, preuve que le modèle marche bien. L’Economique, le Social et l’Environnement ! C’est le triptyque de l’économie circulaire à l’intersection duquel se trouve le cercle virtueux du développe-

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ment durable. The Good Shop répond à tous les critères et va même un peu plus loin puisque des projets de réinsertions et de soutiens découlent de cet écosystème à échelle humaine.


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L’industrie de la mode représente environ 10 % des émissions mondiales de carbone, et près de 20 % des eaux usées. 40% des vêtements ne sont pas biodégradables et 80% des achats finissent à la poubelle. En 2 ans, The Good Shop a prolongé la durée de vie de plus de 200 000 articles. cré aux meubles. A toutes les étapes, l’appel aux dons est importante comme par exemple avec l’entreprise Dakri Cartons qui offre les nombreux emballages indispensables. En revanche le bénévolat est banni dans ce good système : «l’idée centrale est de donner des emplois et des formations continues auprès de publics défavorisés ou autrement capables.

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Nous avons embauché par exemple des personnes sourdes et muettes, elles s’intègrent bien mais nous aussi devons nous intégrer, car nous devons apprendre à communiquer avec elles par le langage des signes...» Et ça marche puisqu’à ce jour, cette entreprise sociale emploie une trentaine de personnes et ce n’est qu’un début.

The good shop repair : l’upcycling du recycling

L’idée, inspirée d’un modèle américain bien connu, a été amenée ici par Sarah Trudeau (ex responsable des relations extérieures de l’African Leadership University) et développée par Daisy Yip Tong. Pour cette bouillonnante jeune femme, « le but est de contribuer au cycle de vie des produits en prolongeant leur durée d’utilisation. Cela permet de réduire les déchets, de faciliter l’accès à des produits écoresponsables et nous donne l’opportunité de créer de l’emploi pour ceux qui ont des difficultés à intégrer le monde du travail».

Le bénévolat est banni dans ce «good» système Le business model (puisqu’il faut bien parler de business tôt ou tard) fonctionne sur le don à la base du projet. Ensuite, les objets récupérés sont soumis à trois tris sélectifs : le premier leur permet d’être réintroduits dans la chaîne commerciale via The Good Shop, le second se traduit par un don de deuxième niveau à des ONG nécessiteuses, enfin le troisième consiste à recycler ou plutôt «upcycler» les produits, selon Daisy. C’est le recyclage et la valorisation qui sont à l’honneur au magasin de Belle-Rose au centre de l’île : après les magasins de Curepipe et Calebasses, dédiés aux objets divers et aux vêtements, celui-ci est consa-

Désolé pour nos lecteurs non anglophones, mais il nous fallait dès la titraille de cet article coller au plus près de la philosophie Anja et Victoria de cette entreprise exemplaire d’économie circulaire. Traduisons littéralement et pour faire court par : « le surcyclage du recyclage ». Aujourd’hui The Good Shop franchit un nouveau cap en surcyclant les vêtements à partir des chutes du recyclage : « nous fonctionnons vraiment de façon à créer de la valeur à tous les niveaux : nous produisons encore des vêtements pour enfants ou encore des objets décoratifs à partir des chutes de tissus issus de particuliers ou de l’industrie textile. Les stocks sont énormes et nous devons encore sous-traiter avec des couturières d’autres associations comme Purple line ou 30/30 afin de répondre à la demande. » dixit Victoria Desvaux, responsable de l’unité réparation. Ces produits sur recyclés ont un tel succès que d’autres points de vente commencent à être alimentés, comme les Pop Up Store du pays qui ne mettent en vente que les productions locales.

Vos vieux meubles peuvent créer des emplois

En place depuis décembre dernier à Curepipe, The Good Shop Home est un espace de vente de meubles issus là aussi de dons du public. Il suffit d’appeler et une équipe viendra récupérer les meubles chez vous. Ils seront ensuite retravaillés (en créant des emplois parmi un public défavorisé) avant d’être revendus à un prix modeste. En outre, un pourcentage des revenus est encore versé à un fonds de bourses d’études pour les élèves des écoles primaires et secondaires venant de milieux défavorisés. Pour plus d’informations ou pour faire don de vos vieux meubles : tél Whatsapp au 5984 8914.

Un produit innovant «Made in Moris»

Les équipes de The Good shop travaillent sur un projet innovant : «il y a des milliers de tonnes de textiles issus de l’industrie qui sont jetés chaque année, et pour cela nous avons un projet révolutionnaire qui va non seulement correspondre à notre cycle vertueux, mais qui sera une création Made in Moriss avec de multiples implications environnementales...» A suivre bientôt dans nos colonnes

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We Love Maurice

Du grand spectacle sans public qui fait le buzz

Concert insolite au géoparc de la Terre des 7 Couleurs

La Isla Social Club imagine des rencontres créatives et culturelles à l’île Maurice. Développée depuis 2014 par Victor Genestar l’entreprise organise ses propres événements de la conception à la production. Concerts, expositions, festivals… des rendez-vous qui permettent de soutenir les artistes locaux et de faire découvrir des artistes mauriciens et étrangers de qualité. 76 Le journal des archipels

Lire la video en scannant le QR CODE

L’équipe de La Isla TV sur le site de La Roche qui Pleure, dans le sud de l’île We love Maurice est le dernier événement imaginé par La Isla Social Club. Lié au nouveau concept de vidéos sans public inspiré du Cercle en France et lancé sur La Isla TV en juin 2020 (avec Matsonic sur La Roche qui Pleure), Victor et son équipe réalisent une vidéo tous les 45 jours environ. La dernière édition donne le vertige dans tous les sens du terme puisque le jeune et nouveau duo de Mahébourg, Mono x Ashlyn (pop-électronique Two Motions) fait une heure de concert au sommet d’une impressionnante chute d’eau, au cœur d’une région totalement préservée à Chamarel, dans le célèbre géoparc de la Terre des 7 Couleurs.

Une région qui, comme pour les autres éditions, n’a pas été choisie par hasard : « la MTPA (Mauritius Tourism Promotion Authority) est notre partenaire sur ces événements. L’idée est de faire découvrir des lieux insolites mauriciens à travers des événements qui le sont tout autant. Ça permet de faire une belle promotion de la destination en même temps que celle des artistes qui sont mis sous nos projecteurs. Chaque séance est visionnée environ 100000 fois via les réseaux sociaux… » Des anecdotes en français et en anglais défilent régulièrement et permettent de découvrir des aspects méconnus de ces lieux insolites.

Autres événements de La Isla Social Club

La Isla 2068 est un festival annuel de musique nouvelles tendances, à la dimension sociale et éducative (chaque année le festival met en place des collaborations entre les artistes et des jeunes de quartiers défavorisés). La troisième édition, en novembre 2020 était une édition 100% mauricienne (contexte sanitaire oblige) et a réuni prés de 2500 personnes sur deux scènes, toujours au château de Labourdonnais.

Dreamers, les apéros culturels

Rendez-vous réguliers des suiveurs de La Isla Social Club, ces apéros culturels et intimistes ont pour vocation de rassembler dans un cadre artistique et insolite, artistes mauriciens et public de passionnés. Treize éditions ont été organisées à ce jour, dont la dernière en mars 2021 sur la plage du The Ravenala Attitude Hotel.

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En savoir plus sur Dreamers :


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Littérature

#1

A R T S - C U L T U R E S - N A T U R E

Mozaik , l’Indianocéanie

janvier/février/mars 2021

&

Océan indien E N V I R O N N E M E N T

a sa revue culturelle

MAGAZINE TRIMESTRIEL GRATUIT / FREE QUARTERLY MAGAZINE

1

Dominique Aiss est passionné par ce qu’il fait. C’est même son principal moteur car s’il est un secteur d’activité difficile (d’autant plus aujourd’hui), c’est bien celui de l’édition. Pourtant le fondateur de la belle revue Indigo a trouvé encore de l’énergie et du courage pour lancer ce magazine culturel qui offre sa maquette de qualité à nos artistes de l’Indianocéanie encore trop méconnus. Si Indigo est payant, ce n’est pas le cas pour Mozaïk (qui évite les frais d’im-

pression puisque distribué sur le web) qui est ainsi ouvert à tous. Une belle action de générosité en même temps que la prouesse d’une belle intelligence économique : « j’y mets un peu de ma poche mais je fais appel au bénévolat ainsi qu’à des donateurs qui nous accompagnent dans cette aventure», dixit Dominique, un grand voyageur qui a décidé de se poser à La Réunion et que nous ne manquerons pas de vous présenter dans nos colonnes. En attendant, les amoureux de Belles lettres et iconographies sont invités à dévorer des yeux et du cœur les derniers Mozaïk en scannant le QR Code :

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Tourisme médical : Le savoir-faire Les professeurs de l’Université de Lyon qui assurent des cours de chirurgie esthémauricien fait école Le Centre de Chirurgie Esthétique de l’Océan Indien fondé par Gérard Guidi vient d’accueillir une quinzaine de médecins internationaux pour parfaire leur connaissance. Du 13 au 16 octobre derniers, le Centre de Trou aux Biches a accueilli des médecins américains, israéliens, français, belges afin d’échanger leurs connaissances dans le domaine de la greffe du cheveu qui a fait la réputation de Maurice à l’international. Le procédé de DUE Density, qui consiste à prélever et implanter dans la même journée des greffes prélevées sur le même patient (à la fois donneur et récepteur) a donné des résultats spectaculaires et fait aujourd’hui école comme l’explique Gérard Guidi : « beaucoup d’enseignements théoriques sont pratiqués à travers le monde, l’idée aujourd’hui est de faire du Centre un site pour les stages pratiques à l’attention des médecins et du personnel soignant qui les accompagne ».

Le Sunrise, nouvel hôtel Ottentik du groupe Attitude C’est le huitième hôtel qui ouvre ses portes sous l’enseigne Attitude, désormais synonyme d’ éco-engagement. Développé à partir de l’ex hôtel Emeraude de 61 chambres, rénové, agrandi et repensé, le Sunrise est un 4* de 145 chambres ouvertes sur l’océan et sur de vastes espaces ludiques et de loisirs. Avec le Sunrise, l’enseigne de Jean Michel Pitot, propose sur la belle côte sauvage de l’est du pays, une expérience « ottentik » comme le souligne le slogan. Comme dans tous les hôtels Attitude, l’utilisation de plastique à usage unique a été totalement supprimée de l’expérience client. La boutique de vrac permet d’ailleurs aux clients de s’approvisionner euxmêmes en thé, café et sucre ; des bocaux en verre réutilisables étant mis à leur disposition afin de réduire la consommation d’emballages couramment présents dans les chambres d’hôtels. On retrouve

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tique ont ainsi rencontré Arthur, Daoud et Arvin, les 3 médecins du Centre pour une série d’échanges. L’équipe de Gérard Guidi a changé la vie de plus de 5000 patients issus d’une trentaine de pays depuis une vingtaine d’années. Des résultats qui ne sont pas passés inaperçus dans le milieu de la chirurgie esthétique : « je n’ai retrouvé nulle part au monde un tel professionnalisme, un tel accueil et une qualité de travail aussi fascinante », souligne Gabriel Lacoste, médecin français venu se former à Maurice.

également les deux restaurants signature du groupe Attitude : Taba-J qui propose le meilleur du street food local, et Kot Nou, qui permet aux hôtes de découvrir les classiques de la cuisine mauricienne, revisités et présentés sous forme de tapas. L’hôtel a également mis en place un partenariat avec Rejuice. Ce projet a été lancé à l’initiative de Foodwise, qui collecte de la nourriture sur le point d’être jetée dans les hôtels, restaurants et supermarchés mauriciens, et la redistribue aux personnes dans le besoin. Rappelons qu’Attitude est le seul groupe hôtelier labellisé « Made in Moris ». Ses 8 établissements éco-engagés emploient1295 employés.

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Axel Ruhomaully Le sculpteur de lumière installe son studio au Creative Park de Beau Plan Axel est connu dans le monde de la photographie pour travailler au grand format, en pose lente et le plus souvent au diaphragme le plus fermé possible. Voilà pour les initiés. Pour les non-initiés, cela signifie en deux mots : rendu exceptionnel ! L’artiste a développé en effet une technique bien particulière : si l’appareil est posé sur un pied qui ne doit pas bouger d’un demi millimètre, les éclairages en revanche bougent à chaque prise de vue sur le même « cliché », c’est-à-dire que des centaines de photos peuvent être prises en surexposition de façon à rendre une intensité et une profondeur uniques à chaque prise de vue. Bonne nouvelle : le grand public pourra se faire tirer le portrait « à l’ancienne » mais avec la technique développée par Axel qui installe son studio de photographie au Creative Park de Beau Plan. Opérationnel depuis juillet dernier son studio, sis aux Beauhinia (l’ancienne maison de l’administrateur de Beau Plan), sera dédié à la création de portraits artistiques sur mesure. «Le temps passe et les meilleurs moments de la vie sont éphémères. Je crée des images qui racontent l’histoire du client, et ce en immortalisant des moments qui ne peuvent souvent pas être décrits par des mots », conclut Axel.


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Transinvest Construction Ltd, l’un des leaders du secteur BTP à Maurice et Rodrigues, vient d’innover en lançant des « caniveaux à fente », plus rapides à exécuter et donc moins énergivores. Cette innovation est une solution esthétique et fonctionnelle idéale pour l’évacuation des eaux de pluie qui convient particulièrement aux aménagements des centres-villes, parcs et jardins, zones commerciales. Ils permettent un système de drainage polyvalent qui s’adapte au chantier grâce à leur système modulable qui répond aux besoins de tous les types de cahier des charges. « Dans notre métier, nous devons constamment innover et être à l’affût des dernières technologies et techniques de construction, afin de pro-

Littérature Maudrigosa : 62 artistes pour un projet fédérateur Ils sont écrivains, plasticiens, universitaires. Ces hommes et femmes, acteurs culturels de Maurice, veulent donner un sens d’appartenance à la République à travers un concept unificateur. Des îles éparpillées dans un océan tourmenté. Une identité commune mais malmenée par les soubresauts de l’histoire. Une république inachevée. Trois îles et un archipel. La principale, Maurice, et ses dépendances, Rodrigues, Agaléga (sans oublier Saint Brandon) mais aussi les Chagos, archipel de la controverse… Le tout constituant un ensemble vaste de quelque 1,3 million de km2. Et si l’on rajoute l’île Tromelin (dont Maurice et la France se partagent la gestion), la superficie de cette république qui se cherche encore, avoisine les 2 millions de Km2. Un collectif d’écrivains, de plasticiens et d’universitaires mauriciens, se réunit autour d’un projet fédérateur, baptisé Maudrigosa pour Maurice, Rodrigues, les Chagos et Agaléga. Ils sont 62 « amoureux de la culture à vouloir redonner espoir aux habitants » de la petite république mauricienne, mise à mal par la pandémie et une catastrophe 80 Le journal des archipels

poser les meilleurs services en matière de construction d’infrastructures routières, d’ouvrages de génie civil et de bâtiment, à nos clients. Ces types de développement se doivent d’être solides, durables et efficaces au vu de l’envergure du chantier. Il est donc crucial de venir avec des solutions modernes, sûres, esthétiques et accessibles ; le système de drainage par le biais de caniveaux à fente s’inscrit dans ce sens », explique Tony Guidroz, directeur de travaux chez Transinvest.

écologique sans précédent en 2020 (la marée noire). Sous l’impulsion des écrivains Carl de Souza et Ananda Devi, ils projettent de produire « un beau livre qui sera une ode à l’identité insulaire et un héritage artistique aux nouvelles générations ». « Nous célébrons notre pays mais nous ne pouvons pas nous taire devant ce qui se passe », insiste Carl de Souza. Pourquoi par l’art ? Pour Carl de Souza l’art fait tout simplement « partie intrinsèque de notre système ». L’art sera donc le véhicule qui conduira les Maudrigosiens à destination. Le beau livre sortira fin novembre et sera en prévente à Rs 875, puis à Rs 1 000 en librairie. Thierry Chateau

Photo : Julie Vacher

Innovation Transinvest développe de nouveaux caniveaux

Le 14 octobre, le projet de livre a été lancé par Carl de Souza (en photo). Il était entouré des poètes Michel Ducasse, Gillian Geneviève, des slameurs Doralie Lebrasse et Guilhem Florigny, ainsi que des plasticiens Henry Coombes et Krishna Luchoomun. Ils ont été rejoints par Julia Waters, Didier Wong et Christiana Perrine, présents par visioconférence

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FUN Un Aqualand pour tous au Maritim Crystals Dans l’Est du pays, à Belle Mare, le groupe hôtelier Maritim a ouvert un espace dédié aux loisirs aquatiques qui fait le bonheur des touristes et des résidents. Le groupe allemand* positionné sur le créneau haut de gamme, n’est pas réputé pour ce genre de loisirs pour le grand public. Mais la crise sanitaire a changé la donne et a montré que la clientèle mauricienne est intéressante : « le site de 4000 m2 est ouvert à tous avec des forfaits à partir de 1400 roupies pour adultes (env. 28 €). A ce prixlà il peuvent profiter toute la journée des 4 toboggans, dont 1 de 77 mètres de long, des piscines et de l’open bar non stop (lunch buffet, soft drinks, milkshakes et glaces illimités). » Un forfait attractif qui prouve que le marché du tourisme est en pleine mutation dans le pays. L’hôtel affiche un taux de remplissage de 25% en cette période post ouverture, ce qui correspond à une moyenne dans le pays. Cet hôtel de 235 chambres, qui dispose déjà de 5 restaurants, ouvrira ce mois de novembre un restaurant turc sous la responsabilité du chef Hikmet. *L’enseigne dispose de 52 hôtels à travers le monde, et bientôt 55 avec l’ouverture prochaine de 2 hôtels en Chine et un troisième hôtel à Maurice en 2023, à Jin Fei en périphérie de Port Louis. Cet hôtel, à la sortie du port et au sein de la zone d’activité du même nom, sera positionné sur le segment « affaires».


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Innovation Autograph est un véritable guichet unique où n’importe quelle marque de n’importe quel modèle de n’importe quelle époque peut être transformée. Ce modèle de garage est unique dans la région, en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe. En toute transparence, l’avancement des travaux peut être partagée à distance tout au long du processus.

Le one stop shop des passionnés de l’automobile

Autograph s’est fait un nom à Maurice et dans la région proche auprès des passionnés de belles automobiles. Réputée pour la rénovation de véhicules anciens ou la customisation de bolides, l’enseigne est plus que cela : un guichet unique pour tous les services et produits liés à l’automobile. Explications. 82 Le journal des archipels

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Brian est un Mauricien qui est revenu à Maurice en 1992 après ses études en Afrique du Sud en tant qu’ingénieur automobile. Il a cumulé plusieurs fonctions de direction dans le segment de l’automobile de luxe, jusqu’en 2016 et la création de Car Connexion : « un rêve d’enfant où les gens ont le choix entre des véhicules modernes ou classiques et où toutes les transformations sont possibles dans un environnement convivial »

« Notre but est de faire vivre chaque rêve »

Car Connexion c’est : -Un showroom premium de 400 M2 stratégiquement situé sur l’autoroute du Nord à Forbach pour la vente de voitures d’occasion. -Un service d’importation de tous véhicules (neufs ou occasions). -Une activité après-vente de 1 000 M2 avec tous les services de réparations et d’entretien.

De la passion pour créer des œuvres d’Art

En moyenne 8 voitures anciennes sont reconstruites par an et 27 voitures Premium sont personnalisées. En 2018, un rebranding a été engagé avec la marque Autograph. Un «Autographe» car un artiste signe toujours son œuvre. « Ici, c’est d’abord une aventure humaine, une histoire de passionnés au service d’autres passionnés». D’emblée Brian Burns, CEO & Head Creative de l’enseigne, donne le ton. On ne vient pas chez lui comme dans un autre garage pour en sortir avec un véhicule « prêt à porter ». Autograph c’est plutôt le monde de la haute couture automobile, mais accessible à toutes les bourses. « On a l’impression à la vue de nos belles vitrines, que nous ne ciblons qu’une clientèle à fort pouvoir d’achat, mais c’est faux car nous assurons conseils, entretiens et réparations pour tous véhicules neufs et d’occasions et pour toutes les bourses ». C’est la première idée reçue que l’équipe de Brian tient à démonter. La seconde porte sur l’aspect multiservices d’Autograph : «même si nous sommes réputés pour la customisation, ce n’est qu’un des volets de l’enseigne. Nous sommes capables d’offrir toutes les prestations dans le monde de l’automobile depuis le conseil, la vente, la réparation, la

transformation, l’entretien, jusqu’à la revente… » Il faut dire qu’Autograph est équipée de moyens techniques et humains qui lui permettent d’être reconnue comme le spécialiste de la customisation haute couture où toutes les pièces, toutes les étapes d’une restauration ou d’une création sont pensées, analysées et validées en concertation entre l’équipe et le client. L’artiste se double d’un psychologue quand un client vient le voir pour lui soumettre un projet : « j’essaie de capter la personnalité de chacun, et lui proposer un projet qui lui correspond le mieux, depuis le choix des couleurs jusqu’aux cuirs et autres nobles matériaux qui équiperont l’objet de sa passio ». En bref, de la prestation haute couture dictée par des objectifs d’élégance et de sophistication. Plus d’informations sur : www.autograph.mu (230) 54 97 48 88 / bburns@autograph.mu Ou en scannant le QR Code ci-dessus.

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Qualifier Brian d’artiste n’est pas exagéré : tous ceux qui ont fait un tour du côté du show room de Forbach dans le nord de l’île ont pu constater que sont exposées de vraies œuvres d’art comme ces Ford AC Cobra, Jaguar, Mercedes anciennes et autres BMW 2002. Tous les véhicules qui sortent du garage Autograph ont une dimension qui dépasse le cadre de la simple transformation ou du relooking. En bref, ils ont une âme que seuls les puristes passionnés peuvent ressentir. Il faut dire que l’équipe de 42 personnes qu’il a constituée est issue d’une sélection rigoureuse sur plusieurs années : « certains m’ont suivi depuis une vingtaine d’années dans le milieu de l’automobile avec des hauts et des bas. Nous partageons la même passion qui est notre seul moteur ».

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E-Pace Textes VroumInfo - Photographies Axess.

Un fauve dans la ville

Le nouveau E-Pace se distingue dans le segment des SUV Premium, mais pas uniquement. Avec ses performances, il peut talonner à la fois de nombreuses sportives sur la route tout en assurant en hors pistes. Rencontre. 84 Le journal des archipels

Le Jaguar E-Pace est magnifique et il est disponible en un large panel de coloris (10 teintes en tout). On le considere comme le petit frère du F-Pace au niveau des mensurations avec : 4m39 de long, 2-09 de large et 1m64 de haut. Esthétiquement, les portes-à-faux sont très courts, la ligne de toit fuyante et la ceinture de caisse assez haute pour lui donner un look sportif, renforcé par les roues de grand diamètre (de 18 à 20 pouces). Pas de barres de toit ni de protubérances en plastique disgracieux, à l’exception de protections d’ailes très discrètes. Visiblement, les SUV assument de plus en plus leur vocation «urban jungle»!

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Le Jaguar E-Pace offre 102cm d’espace aux jambes à l’avant, 89cm à l’arrière, 99,6cm de hauteur sous pavillon à l’avant et 97 cm à l’arrière. Quant au coffre, il offre une capacité de 577 litres (1234 litres banquette rabattue).

Le compromis confort-stabilitéprécision Au volant, pas de surprise : le Jaguar E-Pace offre un excellent compromis confort-stabilité-précision. Comme toute sportive qui se respecte, les suspensions sont assez rigides et elles n’effacent pas totalement les «gendarmes couchés», il est donc recommandé de ralentir pour les franchir… En tous cas, l’essai du Jaguar E-Pace nous en a convaincu : elle a bien du Jaguar dans son ADN quant à l’agrément de conduite. Grâce à ses 9 rapports, la boîte auto ZF permet au moteur de toujours être «dans les tours» et faire oublier les 1775 kg à vide du véhicule.


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Sur la célèbre RN7, celle que les touristes « hors des sentiers battus » comparent à la route 66 en référence à son côté Far West. La forêt brûle du côté d’Ambositra, ville au nord de la Région de Fianarantsoa ! Le journal des archipels

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© Georges Gauchet

Dans la Grande Ile on ne présente plus Pierrot Men. L’artiste, au Leica en bandoulière collé à sa chemise, n’en finit pas de photographier son pays avec passion. Ces images, tous les Malgaches et les visiteurs les voient tous les jours un peu partout. Elles seraient même d’une extrême banalité sans la touche de Pierrot. Quels secrets dans le cadrage, dans la composition ou dans la lumière, font que Les images ces instants de vie criantes du (et de mort) prennent Lonesome Men une dimension Dans cette série d’images que nous avons surréaliste ? Comment sélectionnées avec l’artiste, une question est posée en filigrane : pourquoi l’Ile en l’atmosphère si feu continue t’elle de brûler depuis des particulière, quasi décennies ? A cette question, la réponse est simple : mystique, qui règne « nous avons mangé la forêt » titrait déjà sur l’île Rouge, peuten 1957 l’ethnologue français Georges Condominas. La scène se déroulait alors elle se sentir dans ces en Asie du Sud Est mais connait toujours photos ? le même écho à Madagascar. Là où les

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Men

Par Jacques Rombi Photographies : Pierrot Men

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descendants des lointains ancêtres malais et Indonésiens ont perpétué cette culture du brûlis, devenue Culture tout court. Une méthode traditionnelle responsable en partie aujourd’hui de la paupérisation du pays : quand il n’y a plus rien à brûler, on vient grossir les (bidon)villes et la spirale de la pauvreté s’amplifie encore… Des images qui crient comme si la Nature lançait, par Leica interposé, un appel au secours qui se perd au même rythme que la déliquescence des fumées qui s’évaporent.

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Tous les jours vers 5 heure du matin, des des charrettes de charbon de brousse. E les marchés de Fianarantsoa dans un bo ont encore le secret.

Sur la route de Sahambavy (Région de Fianarantsoa) : un gamin se tient la tête comme pour pleurer sur le drame qui se joue devant chez lui. Un message inaudible par une population qui continue à cultiver une joie de vivre comme cette famille qui pousse une charrette de charbon tous les jours de toute l’année vers les marchés des villes. D’autres semblent entendre la complainte des forêts millénaires, comme cet enfant qui cache ses yeux pour ne pas voir le désastre qui se joue chez lui.


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RN7, région de Ihosy. Tous les jours, toute l’année, des bicyclettes servent de moyens de transport pour apporter ce charbon de brousse vers Tulear, plusieurs dizaines de kilomètres plus au sud.

s familles comme celle-ci poussent Elles viennent de Sahambavy pour fournir onne humeur dont seuls les Malgaches

Jour de marché classique à Ivoamba (région de la Haute Matsiatra). Le drame de la situation a presque un aspect comique : dans un sens des porteurs de sacs de charbons, dans l’autre, un marchand d’arrosoir !

Biographie Né en novembre 1954 sur la côte est de Madagascar, Pierrot Men vit et travaille à Fianarantsoa, au centre du pays. Ses rapports avec la photographie remontent à 1974, lorsqu’il ouvre son premier laboratoire. La photographie n’est alors qu’un des médias nécessaire à sa véritable passion : la peinture. Mais le photographe se révèle peu à peu, au même rythme que les produits révélateurs et fixateurs d’images qu’il utilise dans son laboratoire… Pierrot Men expose chaque année ses photographies en Europe, en Afrique et dans l’océan Indien.

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Par Niry Ravoninahidraibe Photographies : Pierrot Men

Lorsque la mémoire s’altère il reste les photos et les histoires qui entourent celles-ci. Les clichés constituent un héritage, le devoir de mémoire peut se perpétuer grâce à elles ou plutôt grâce à celui qui les a réalisées.

dit Dany Be, pionnier du photojournalisme malgache

« Dany Be, mon ami de toujours. Derrière cet homme toujours révolté, c’est un grand Monsieur passionné de photo journalisme, plein d’humanisme et de tendresse à l’infini qui s’en est allé. Il pouvait rester des heures devant une photo. Le souvenir qui m’a le plus marqué de lui, ce sont ces paroles qu’il disait toujours : «Une bonne image vaut mille mots.» Je suis honoré et touché d’avoir connu ce grand homme et d’avoir parcouru ce chemin photographique avec lui, je le garde à tout jamais dans mon cœur. » (Pierrot Men)

Daniel Rakotoseheno, avec cinquante ans de carrière, est un personnage illustre du photojournalisme malgache qui s’en est allé. Né en 1935, il était le fils du journaliste nationaliste Rakotoseheno, fondateur du journal La Grande Ile, Dany Be a très rapidement baigné dans la politique. Il se rappelait parfaitement des mauvais traitements infligés à son père, il a vite pris conscience du fait que des irrégularités caractérisaient le système qui régissait son pays. Quelques mois avant sa mort, il faisait part de son vécu, il racontait qu’à l’âge de 14 ans, il a vu son père se faire emprisonner et maltraiter à cause des événements de 1947. Très tôt, il a vu que l’intégrité du journaliste mettait celui-ci en danger. Mais ce genre d’événement ne l’a pas empêché à son tour de se mettre au

grandes révoltes paysannes de 1971. Un professionnalisme qui ne lui a pas apporté que de bonnes choses. En juillet 1983, il a passé 31 jours en cellule après avoir été accusé d’atteinte à la sureté de l’Etat. Mais il s’agit là d’un épisode comme tant d’autres qui pourtant ne l’ont pas dissuadé à faire ce pour quoi il était né. Daniel Rakotoseheno avait d’innombrables anecdotes à raconter, sur la vie politique du pays, la décolonisation, l’insurrection ou encore donner l’alerte sur la famine dans le sud en 1992. Tant d’événements déterminants pour lesquels il a tenu à être présent. Il s’est raccroché à ses convictions. On se souviendra de lui avec son vieux Nikormat. Mais surtout, il demeurera dans les mémoires pour ses clichés qui témoignent de sa force de caractère et de son professionnalisme.

Hommage à

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front. En 1955, il commence la photographie lorsqu’il avait été affecté comme assistant photographe pour une durée de 18 mois. C’est durant cette période qu’il nourrit l’envie de réaliser des clichés afin que d’autres voient ce que lui perçoit : la réalité, aussi dure soit-elle, il tenait à ce qu’elle soit captée car il avait deviné son importance.

Emprisonné pour « atteinte à la sureté de l’Etat » C’est cette conscience professionnelle qui l’a amené à couvrir des événements historiques tels que la création de l’OUA (Organisation de l’unité africaine) à Addis-Abeba, le 18 mai 1963 ou encore les

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Par Aurélie Mendoza Spinola Photographies : Fabien Dubessay

Gestion inter-îles des déchets

champ des possibles ou chant des sirènes ? La gestion des déchets s’entend d’un processus qui comprend la collecte, le transport, le tri et le prétraitement, la valorisation et l’élimination. Dans notre contexte, chaque île dispose de son propre système de gestion des déchets. Ces systèmes ne sont pas tous au même niveau de développement, ce qui implique possiblement des risques sur la santé des populations et sur l’environnement. L’idée d’une régionalisation de la gestion des déchets dans l’océan Indien à l’instar de ce qui se fait entre certaines îles du Pacifique fait miroiter le rêve d’une indianocéanie (re)devenue eldorado environnemental. 92 Le journal des archipels

« Dans tout ce brouhaha de textes, se pose également le problème de leur application. Lorsque les textes sont applicables, leur efficacité demeure faible, bien souvent par manque de moyens de contrôle. Les contraintes liées aux petits territoires et au niveau de développement font que le contrôle de la mise en œuvre des textes demeure fragile. » La question qui se pose est de savoir comment mettre en place ce partenariat inter-îles pour créer un cercle vertueux et gagnant-gagnant. C’est là toute la problématique ! Car au-delà de l’idéal, faire que ce projet prenne corps ne va pas sans soulever des difficultés sérieuses. De nombreux défis de gouvernance sont à relever pour mener à bien cette entreprise, au premier rang desquels se trouve celui de la sécurisation juridique. La particularité de la situation de nos îles conduit le juriste à évoluer dans un certain degré de flou et de complexité.

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DR. Aurélie Fontaine (Ép. Mendoza Spinola) est titulaire d’un doctorat en droit public (2013-2018 | IDPS Paris 13-Sorbonne-Paris-Cité | Summa cum laude) L’intérêt environnemental. Contribution à l’émergence des droits fondamentaux en matière d’environnement, Dir. Pr. Éric Naim-Gesbert. Après des missions à La Réunion en tant que juriste auprès du TCO (Territoire Côte Ouest) et chargée d’études EMR pour la SPL Energies Réunion, elle rejoint Maurice en 2018 pour enseigner au sein de African Leadership College / Glasgow Caledonian University. Auteure de nombreuses publications et organisatrice de conférences, elle est également : Membre de la Société Française pour le Droit de l’Environnement Membre de l’Association « Droit dans l’océan Indien » (LexOi) Membre fondateur de l’association du Master Droit public de la Réunion

Toute la difficulté réside dans le fait qu’il faille adopter une démarche qui soit à la fois multi-échelons, multi-réseaux et multi-acteurs. Cela est renforcé par la circonstance que le droit applicable est éclaté et disparate. En substance, on constate que les textes représentent de véritables millefeuilles juridiques. Cela tient notamment au fait qu’il n’y a pas un droit du déchet mais un droit des déchets, avec plusieurs catégories et des régimes juridiques afférents. Il existe différents types de déchets, que ce soit par leur source (déchets ménagers et assimilés ou déchets des activités économiques) ou par leur propriété (inertes, biodéchets, déchets non dangereux et déchets dangereux), et en fonction du type de déchet, la règlementation applicable ne sera pas nécessairement la même, au niveau national, régional ou international.


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Pour Aurélie Mendoza Spinola : « l’initiative du projet EXPLOI (Expédition Plastique Océan Indien) de la Commission de l’Océan Indien, gagnerait à être élargie.

La Convention de Bâle constitue le cadre de référence, avec des déclinaisons régionales… Au niveau international, la Convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination constitue le cadre de référence. À cela s’ajoute ses déclinaisons régionales, comme la Convention de Bamako du 29 janvier 1991 sur l’interdiction, le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux en Afrique ou de certains règlements européens (pour la Réunion et Mayotte). Toutefois, le caractère protéiforme du déchet

fait qu’il peut être également considéré par des textes spécifiques (comme par exemple la Convention MARPOL du 2 novembre 1973) ou par intégration dans des textes traitant d’autres thématiques corrélatives (comme la Convention de Rotterdam du 10 septembre 1998 ou la Convention de Stockholm du 22 mai 2001). Ces instruments s’appliquent de manière synergique, et la liste des textes n’est bien entendu pas exhaustive. La même tendance s’observe au sein des droits nationaux où il existe une grande disparité du contexte juridique et institutionnel. De manière générale, seuls 2% des PEID du monde disposent d’une règlementation relative à l’économie circulaire*. Pour le reste, la thématique déchets se retrouve dans différentes législations relatives à la protection des océans, la santé publique ou les énergies renouvelables. On observe par ailleurs que les règlementations ne sont pas au même niveau de « maturité » en ce qui concerne les déchets. Certains territoires bénéficient d’un cadre juridique renforcé allant jusqu’à encadrer et favoriser l’économie circulaire (comme à La Réunion ou à Mayotte avec notamment la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 20 février 2020) et pour d’autres la règlementation des déchets est encore en émergence (c’est le cas des Comores et de Madagascar). À Maurice comme aux Seychelles, des dispositions ont été prises pour l’interdiction du plastique à usage unique. Cependant, le passage à l’économie circulaire implique de dépasser un mode de régulation par cloisonnement pour proposer une gestion intégrée du problème. Cela signifie donc que l’évolution du cadre juridique applicable au niveau national pourra demander des efforts plus ou moins grands selon les pays.

« Cette complexité est un frein au développement d’une initiative régionale. » Par ailleurs, et au niveau institutionnel, une kyrielle d’acteurs ont vocation à intervenir, qu’ils soient du secteur public

(organisations internationales, entités nationales ou locales), du secteur privé ou de la société civile. Si l’on connaît le poids de certains acteurs (par exemple, une forte présence du secteur associatif à Madagascar), nous ne disposons pas à l’heure actuelle d’une cartographie générale permettant d’identifier concrètement qui fait quoi dans chaque pays. Or, cette question est déterminante car elle détermine la légalité des actions. Et cela mène naturellement à parler du fait que ces mêmes acteurs s’inscrivent dans des dynamiques et des logiques différentes : aux côtés d’une logique des échelons de nature verticale (internationale, régionale locale) on a parallèlement une logique horizontale en réseau (avec des pays qui s’insèrent dans différentes organisations régionales, comme la COI, l’IORA, l’Union Africaine, l’Union Européenne, etc.). Cette complexité est un frein au développement d’une initiative régionale. Dès lors, comment trouver des solutions ? L’exemple de l’initiative Cleaner Pacific 2025 en tant qu’un instrument de gestion intégrée des déchets et des activités polluantes tend à l’optimisme en illustrant le fait qu’un modèle régional est possible. Toutefois, les particularités de notre région ne sont pas les mêmes. Actuellement, la balance penche plutôt vers la gestion de proximité car les possibilités de transfert des déchets, lorsqu’elles sont possibles, demeurent extrêmement encadrées. En ce sens, la convention de Bâle n’interdit pas les mouvements transfrontaliers de déchets de manière absolue, mais les encadre strictement par l’impératif de gestion écologiquement rationnelle ainsi que des procédures de contrôle et d’autorisation. Les déchets sont considérés en fonction de leur dangerosité, ce qui détermine en retour les limitations plus ou moins strictes dont mouvements transfrontaliers feront l’objet. Cependant, la Convention de Bamako va plus loin en interdisant toute importation ou exportation de déchets dangereux vers les États parties par les pays non-membres de l’Union Africaine. Dans le même sens, le droit de l’Union Européenne interdit en principe l’exportation de déchets vers les pays non-membres de l’OCDE. Cela réduit donc les possibilités de flux entre les îles.

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On pourrait envisager d’ajuster le droit en jouant sur la qualification de déchet L’établissement de critères communs pour la sortie du statut de déchet apparaîtrait ainsi comme une alternative aux blocages actuels. Cependant, cette solution ne pourrait être envisagée que sur le long terme. D’une part, la sortie du statut de déchet impliquerait un alignement des législations des pays concernés sur celle de l’Union Européenne, plus exigeante. Cela prendra nécessairement du temps compte-tenu du fait que les droits nationaux ne sont pas au même niveau de maturité sur la question. D’autre part, pour déterminer quel objet ou substance pourrait en bénéficier, il faudrait disposer de connaissances complètes sur les gisements par pays, ce qui n’est pas encore le cas. Se posera également la question de la rentabilité économique d’un tel projet. Qui plus est, la crise sanitaire sans précédent à laquelle nous faisons face nous rappelle l’importance capitale de l’autonomie. Aussi, s’il fallait mettre en place une gestion des déchets à l’échelle régionale, celle-ci devra indubitablement prendre en compte cette nouvelle donne. Ces éléments mènent à considérer que dans l’immédiat, la priorité est d’une part de disposer d’un diagnostic complet par pays (volumes, gisements, état de structuration des filières, panorama réglementaire, etc.) et de développer en parallèle des initiatives locales reproductibles dans les autres territoires. Les acteurs sont déjà pro-actifs sur le terrain, comme le démontrent le cas de Fourmize ou Ecowarrior à Maurice. Sur le moyen terme, il serait intéressant de développer un cadre de référence pour une gestion intégrée. Dans cette perspective, l’initiative du projet EXPLOI (Expédition Plastique Océan Indien) de la Commission de l’Océan Indien, qui vise le développement d’une économie circulaire en prenant comme point de départ la gestion de la pollution marine par le plastique, gagnerait à être élargie. De manière prospective, la solution à long terme pourrait consister à coupler 94 Le journal des archipels

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les logiques top down et bottom-up. En top-down, un cadre de référence général et clair pourrait être établi. Si le cadre juridique actuel n’est pas favorable au transfert du déchet en tant qu’objet ou substance, il ne s’oppose pas au transfert des savoirs afin d’en améliorer la gestion. En ce sens, les articles 10 et 11 de la Convention de Bâle encouragent la coopération sur la sensibilisation du public, le développement de la gestion rationnelle des déchets et l’adoption de nouvelles techniques moins polluantes. Les articles 9 et 10 de la Convention de Bamako rendent possibles la coopération avec d’autres États à la condition que de tels accords ne dérogent pas à la règle de gestion écologiquement rationnelle.

L’établissement de ce cadre commun entre les îles intéressées pourrait se faire au moyen d’un instrument stratégique dont le contenu comprendrait en substance les principes applicables et les objectifs à atteindre Les principes permettraient de fixer les grandes lignes de conduite (comme le principe de précaution, de prévention, pollueur-payeur), à charge pour les États de les mettre en œuvre, avec une importance particulière accordée au principe de non-régression et à la justice environnementale. En effet, il ne faudrait pas oublier que l’économie circulaire est avant tout un projet de société. Bâtir la transition écologique sans justice sociale et environnementale, c’est construire un colosse aux pieds d’argile. Il est donc impératif de replacer l’humain dans sa responsabilité de manière juste tout en lui donnant les moyens de l’exercer. La mise en place, au sein de cette stratégie, d’une programmation devrait pouvoir répondre à cette interrogation

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La solution d’un partenariat entre les îles pour une gestion commune apparait à première vue comme une évidence. Elle permettrait de capitaliser sur les forces existantes tout en proposant des solutions partagées. en intégrant aux objectifs la mise en place (ou le renforcement) d’actions de coopération et de mécanismes d’incitation et de responsabilisation à destination du consommateur et du producteur. Le tout devrait idéalement être complété d’un mécanisme de transparence afin de faire le point sur l’état d’avancée vers la réalisation des objectifs. Cela permettrait la vérification de l’engagement réel de chaque État. L’objectif serait non pas de stigmatiser les mauvais élèves mais plutôt de mettre en commun ce qui a fonctionné et de proposer des solutions aux blocages avec des transferts de connaissances, de compétences et de fonds pour accélérer les choses. Il ne s’agit là bien évidemment que de prospectives, mais avec de l’ingéniosité, de la persévérance et un brin d’optimisme, nous pouvons espérer parvenir à la mise en place d’un cadre régional adapté, fonctionnel et efficient. *voir le Rapport de l’ONU Small Islands Developing States Waste Management Outlook de 2019.


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La rivalité destructrice entre

La Bourdonnais et Dupleix

Par Thierry Chateau Illustrations : Histoires productions

Né à Saint-Malo le 11 février 1699, Bertrand François Mahé de La Bourdonnais fait partie de cette génération de marins malouins, tels que Jacques Cartier le découvreur du Canada, qui ont sillonné les mers du monde, conquis des territoires et parfois bâti des fortunes colossales. Avec le développement des échanges commerciaux, aux Amériques et aux Indes, Saint-Malo était devenu une place économique où les armateurs faisaient la renommée de la ville. Parti de rien, La Bourdonnais s’était engagé au service de la Compagnie française des Indes orientales, et pendant longtemps avait parcouru la Mer des Indes, faisant souvent escale aux Mascareignes. A 22 ans, il s’y était distingué en faisant seul la traversée La Réunion-Maurice sur une barque à voile, afin d’aller chercher du secours pour réparer un navire de la Compagnie, immobilisé en rade de Saint-Paul. Mais ce sont ses exploits guerriers, quelques années plus tard, lors de la prise du comptoir de Mahé, sur la côte sud-ouest du sous-continent indien, qui lui valurent une certaine notoriété. La Compagnie s’était installée à Mahé et avait réussi, à force de diplomatie, à obtenir les faveurs des princes locaux. Lorsqu’il y débarque, La Bourdonnais bouscule quelque peu les représentants de la Compagnie, qu’il qualifie volontiers « d’incapables ». Ses critiques sont plutôt motivées par le fait que les grands rivaux Anglais veulent faire main basse sur le comptoir. Lorsqu’ils attaquent la ville pour s’en emparer, La Bourdonnais se joint aux troupes en provenance de Pondichéry et c’est grâce à ses qualités de combattant et à sa ruse que le comptoir est délivré.

L’un a été le bâtisseur des îles Mascareignes, l’autre le fer de lance de la Des gouverneurs présence française dans les comptoirs de la businessmen côte indienne. Leurs routes se sont croisées Les exploits de La Bourdonnais sont suivis de aux Indes. Entre le roturier Bertrand près par Joseph François, marquis Dupleix du Conseil supérieur de Pondichéry et François Mahé de La Bourdonnais membre commissaire des guerres. Né le 1er janvier 1697 à et le noble Joseph François Dupleix Landrecies, Dupleix se rend très jeune aux Indes, l’affrontement a été instantané. Une histoire en 1715 sur l’un des vaisseaux de la Compagnie. faisant rapidement remarquer par ses qualités romanesque que nous vous présentons en Se pour le négoce, mais aussi pour l’administration, deux parties. il est nommé sur le Conseil supérieur de Pondichéry en 1720. Mais Dupleix développe surtout un réel talent pour les affaires, pour son compte

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La Bourdonnais, bâtisseur de Port Louis et concepteur du duty free L’œuvre de développement dans laquelle Mahé de La Bourdonnais s’est engagé aux Mascareignes va se cristalliser autour de Port-Louis. Sous son administration, le petit port mauricien connaît neuf années de transformation radicale. Le gouverneur a recours à une abondante main d’œuvre d’esclaves malgaches, à des artisans libres indiens de Pondichéry et à des matelots musulmans du Bengale, appelés Lascars.

et, en peu de temps, il réussit à faire fortune. Il faut dire que le comptoir de Pondichéry est prospère, que les activités commerciales y sont très dynamiques. C’est ce contexte favorable qui convainc La Bourdonnais de démissionner de la Compagnie et de se lancer lui aussi dans le négoce. Comme Dupleix, il fait rapidement fortune. La Bourdonnais fait des affaires dans les comptoirs français en Inde et aux Mascareignes qu’il commence à bien connaître. Sa notoriété elle aussi grandit et il s’attire déjà les critiques de Dupleix, lorsqu’il conclut une affaire, sur le marché de l’étain. Le conseiller estime que l’homme d’affaires n’a pas respecté certaines clauses. Ce sera le début d’une rivalité destructrice entre les deux hommes.

Le style de vie oriental des princes locaux En 1730, Dupleix est nommé superintendant des affaires françaises à Chandernagor, autre comptoir français

aux Indes, proche de la faillite. En bon administrateur, il va transformer la ville en une décennie, la faire prospérer et accroître son importance commerciale. Le gouverneur mène alors grand train et adopte le style de vie oriental des princes locaux. Qu’à cela n’empêche, la Compagnie et l’administration royale lui font entière confiance. Tant et si bien qu’il obtient en 1742 le poste de gouverneur de Pondichéry et commandant général des établissements français de l’Inde. Pendant que Dupleix accroît son influence et sa notoriété aux Indes, La Bourdonnais, lui, va s’intéresser de plus près aux îles de France et de Bourbon. Rentré en France en 1733, il expose ses idées au Commissaire du roi auprès de la Compagnie des Indes, qu’il convainc. La Compagnie le nomme gouverneur des îles de France et de Bourbon. La Bourdonnais prend son poste en 1735. Il s’avère d’emblée que sa nomination en tant que gouverneur est une consécration de sa réussite plutôt qu’un moyen d’accéder à la fortune, ce qui est chose faite dans son cas. A suivre…

Dans la ville, il fit bâtir un hôpital de 300 lits, un moulin à blé, une boulangerie. Une canalisation fut construite pour amener l’eau depuis la Grande Rivière Nord-Ouest jusqu’au port. Il fit ériger, sur la Place d’armes, en face de la rade, un hôtel du gouvernement, une salle du conseil, un bureau du greffe, la caisse du trésor, une salle d’armes, une armurerie, le logement du commandant… Dans le port, un magasin en pierres de taille appartenant à la Compagnie fut érigé, pour stocker les produits de l’Inde et un autre pour les produits d’Europe, pour les grains, les vins et autres boissons… Un mur d’enceinte, percé d’une porte voûtée, servait de passage pour aller de la Place d’armes au port. Des batteries de canons furent érigées de chaque côté de l’entrée du port, ainsi qu’à l’embouchure de la Grande Rivière Nord-Ouest. La construction navale avait pris forme, et en une année, dix-huit navires sortirent des chantiers de Port-Louis. Pour l’entreposage, Labourdonnais introduisit ainsi le principe de free trade entre les îles sœurs et l’Inde qui garantissait aux deux colonies l’approvisionnement dont elles avaient besoin.

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De manière légale, nous participons tous aux profits incommensurables des laboratoires pharmaceutiques au détriment d’une prophylaxie de proximité peu coûteuse.

La consommation de médicaments suit une spirale infernale et exponentielle. Les effets conjugués des dates de préemption, de la surconsommation et du diktat des grands laboratoires, amènent aujourd’hui à un paradoxe : alors qu’une bonne moitié de la population mondiale n’a pas accès aux soins de base, l’autre moitié surconsomme des médicaments. Quitte à s’en rendre… malade !

CONSEILS SANTÉ Le médicament est devenu un produit de fast food

Luc Diebolt, aujourd’hui établi au Tampon (La Réunion) a une longue expérience des milieux tropicaux. Né et ayant grandi en Afrique, il fut médecin urgentiste pour les sapeurs-pompiers du Port / La Possession avant de s’envoler sous d’autres cieux : médecin itinérant en Polynésie française avant d’intégrer le milieu diplomatique en tant que médecin de l’Ambassade de France à Moroni. « Faisons la part des choses. Avant les années 60 et le début du délire consumériste, l’une des lois fondamentales de la pharmacologie était la fabrication de produits stables dont la seule obligation était la longévité de l’efficacité. Ainsi 1 comprimé de paracétamol fabriqué en France en 1962 comparé en 2017 à un comprimé fabriqué la veille a effectivement perdu 0.2 % d’efficacité ! De quoi justifier pour les administrations européennes la mise en place des dates de péremption de plus en plus drastiques et de surcroît gérées, administrées et surtout étudiées par les laboratoires eux-mêmes qui décident si cela est rentable ou pas ! A la fin de mes études dans les années 80, cette 98 Le journal des archipels

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notion de péremption n’existait pratiquement pas sauf pour les médicaments injectables. Durant les années 60 à 80 la médecine et la pharmacologie française a été très prospère et reconnue dans le monde entier, dans le top 5 des meilleures nations. Progressivement, on peut dire pratiquement avec l’arrivée du traité de Maastricht, la dégradation s’est amorcée, avec un corollaire qui fut la mise en place d’une administration et d’une règlementation européennes. Initialement construite sur des bases liées à la santé, elle s’est progressivement imprégnée d’une dimension commerciale tout en traduisant les conséquences d’une mondialisation et d’une construction européenne basée sur la concurrence, les libertés communautaires, toutes axées uniquement sur l’économie.

Produire, consommer, détruire… Donc à partir des années 90, ces dates de péremption de plus en plus courtes furent généralisées à tous les médicaments par « « mesures sanitaires » : 20 ans dans les années 90, puis 10 ans dans les années 2000, enfin 5 ans dans les années 2010 et 3 ans dans les années 2015. On nous parle aujourd’hui de dates de péremption à 1 an avec comme seul espoir que l’ensemble de la population jette au plus vite ces médicaments soi-disant périmés pour participer à cette aberration de jeter afin de mieux en consommer de nouveaux. Nous aurions pu, pour nous donner bonne conscience, offrir ces stocks de médicaments non utilisés mais encore valables à des populations plus pauvres, mais à partir des années 2010 cela aussi fut interdit sous de multiples prétextes fallacieux, avec toujours ce même impératif économique d’une consommation sans limite. Lire la suite en scandant le QR Code.


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