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KILLIAN PEIER Parmi les grands
DOPAGE
Les athlètes face au fléau
Therese
JOHAUG Renaissance d'une star
BIATHLON LE GUIDE DE LA SAISON nordic MAGAZINE
Octobre 2019 mynordic.fr @nordicmag
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L’application
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LE NORDIQUE EN MOUVEMENT
Résidence des Épilobes 300, chemin des Mouillettes 39220 Prémanon Tél. : + 33(0)6 85 96 90 94 E-mail : nordicmagazine@live.fr Nordic Ma est édité nordic par les SAS au capital de 5 000 € RCS Lons-le-Saunier 538 166 166 Président : Franck Lacroix MAGAZINE
} Rédaction Directeur de la publication et de la rédaction : Franck Lacroix Rédacteur en chef délégué : Jérôme Martinet Ont collaboré à ce numéro : Marie-Laure Brunet, Iris Pessey, François Schlotterer, Pablo Ribeiro, Florian Burgaud, Marine Bouhier, Vincent Berlandis, Baptiste Gros, Quentin Joly, Bernard Morel, Thomas Bray. } Publicité Tél. : + 33 (0)6 75 93 56 12 Corentin Jacquot (Alpes) : + 33 (0)6 33 43 35 78 } Diffusion La liste complète des points de diffusion dans les Alpes, le Jura franco-suisse, les Vosges, les Pyrénées, Paris et Lyon sur www.mynordic.fr } Photo de couverture Jarle Nyttingnes } Impression : Rotimpres
« Tout est changement, non pour ne plus être, mais pour devenir ce qui n'est pas encore ». Depuis sa Grèce antique, le philosophe Epictète ne songeait nullement au nordique. Pourtant, sa pensée inspire notre réflexion en ces temps où tout semble s'accélérer dans une filière contrainte de se transformer. De toutes parts, le sol bouge, comme si les plaques tectoniques accéléraient soudainement le mouvement. Nordic France l'a bien compris. L'association a entamé une série de réunions à travers les massifs afin d'analyser les évolutions qui s'imposent aux sites. Il s'agit d'y apporter une réponse durable. On songe évidemment au réchauffement climatique qui prive de nombreux domaines d'enneigement suffisant, mais aussi aux nouvelles habitudes des pratiquants. Sans parler de la difficulté à conquérir de nouveaux publics, alors même que les valeurs liées à cette activité de nature n'ont jamais eu autant le vent en poupe. C'est un paradoxe, cela peut devenir une opportunité, à condition de froisser le conservatisme qui a longtemps prévalu dans les instances. À condition aussi d'agir comme des professionnels confrontés à une impitoyable concurrence. N'ayons pas honte d'engager des démarches offensives pour conquérir les parts de marché sur lesquelles d'autres lorgnent avec gourmandise. Les courses populaires ne font pas exception à cette impérative métamorphose. Bien qu'organisées par des bénévoles, elles sont obligées de se structurer pour séduire des participants à qui tout le monde fait les yeux doux. L'heure n'est plus aux querelles de clochers. Dans une époque où voyager
n'a jamais été aussi facile, les rivaux parlent d'autres langues, habitent d'autres montagnes et conçoivent de véritables produits autour de leur événement. Dessiner de belles pistes au milieu de décors enchanteurs ne suffit plus. Le skieur-consommateur réclame désormais des prestations touristiques de premier plan. Le plaisir ne se vit plus seulement les skis aux pieds, il est attendu tout au long du séjour. Une présence dans un circuit peut permettre de prendre l'avantage. Quel ski-club n'a pas espéré être retenu par le Marathon Ski Tour français ou la Swiss Loppet helvétique ? Aujourd'hui, cela ne lui semble plus suffisant. Aussi frappe-t-il à la porte des calendriers concoctés à l'échelle planétaire par la Visma Ski Classics ou la Worldloppet [lire page 84]. Les teams ne sont pas épargnées par cette mondialisation de l'offre. Ne pas être labellisé « ProTeam » revient à jouer en petite division. Et, en conséquence, à se présenter sous son mauvais profil devant d'éventuels sponsors. Des mécènes pour qui est ouverte la chasse aux athlètes influenceurs sur les réseaux sociaux, nouveau terrain de jeu pour promouvoir leurs produits. L'internet n'épargne pas le ski de fond ou le biathlon, discipline génératrice de bénéfices pour les télévisions qui la diffusent. Toutes ces vibrations peuvent faire peur. Interroger. Les équilibres sont mis à rude épreuve. Beaucoup tentent de rester debout, certains rêvent d'opportunités et de terres vierges à exploiter, quelques-uns s'enfoncent la tête dans la neige. Le nordique est déjà en mouvement. Où va-t-il ? Nul ne le sait. Aujourd'hui n'annonce pas demain. Et demain ne ressemblera pas à après-demain. Une vérité universelle.
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} Abonnement 1 an - 4 numéros : 28 € Participation aux frais d'expédition et soutien à Nordic Magazine www.mynordic.fr ou encart page 14 Anciens numéros : 5 euros le numéro. La rédaction n’est pas responsable de la perte ou de la détérioration des textes et photos qui lui sont adressés. La reproduction, même partielle, de tout matériel publié dans le magazine est interdite. Merci à Fabrice Guy, parrain, Laurence Rochat, marraine. Merci à Michel Roulet, Myriam et Daniel Comtet, Isabelle Begon, Julien Bellabouvier, Cyril Burdet, Lucas Chanavat, Louis Delvinquière, Marie Le Bobinnec. Et merci à nos annonceurs. Création : décembre 2011 Dépôt légal : octobre 2019 ISSN : 2257-4638
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Avec ce numéro le hors-série de BIATHLON
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SAISON 2019-2020
Le GUIDe COMPLeT De L’HIver Les équipes Le caLendrier
Grand-Bornand MondIaUX d'anTHoLZ
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TOuT Le prOGraMMe
hors série
OCTOBRE 2019 Biathlon_Fascicule.indd 1
18/09/2019 12:02
Prochain numéro :
Décembre 2019
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Le sommaire ,
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Le nordique en mouvement
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Les fondeurs à l'assaut des cols alpins
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MODICA/NORDIC FOCUS
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Une pommade pour les lèvres l'a bannie, durant un an et demi, des courses de ski de fond. Accusée de dopage, la star norvégienne est revenue il y a un an après avoir purgé sa peine. Depuis, elle n'a cessé de gagner. Entretien.
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La revanche d'une blonde
8 PLANÈTE NORDIQUE 8 Team Jobstation : la fin de l'aventure 9 Des équipes de France dans la continuité 10 Les Jeux olympiques de 2026 en terre italienne 11 Pékin 2022 se prépare... à Font-Romeu 12 Pari réussi pour Martin Fourcade à Annecy
15 STYLE LIBRE/STYLE CLASSIQUE Jules Chappaz
18 FRANÇOIS SCHLOTTERER Rat d'hôtel
20 DOPAGE : LE NORDIQUE FACE AU FLÉAU 24 Astrid Guyart : « Les victimes sont toujours
les athlètes propres »
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30 LE GRAND ENTRETIEN Yannick Aujouannet 38 LAURENT DONZÉ
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25 Adams, comment ça marche ? 27 Maurice Manificat raconte un contrôle 29 Les Norvégiens sont-ils tous asthmatiques ?
Un musée pour sa collection de skis
42 INSTAGRAM, LE RÉSEAU QUI COMPTE 48 THERESE JOHAUG
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BAPTISTE GROS
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Entretien exclusif
56 KILLIAN PEIER 60 CHRISTIAN DUMONT 66 ARISTIDE BÈGUE 70 DOMINIQUE ROCHAT
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74 IRIS PESSEY Au pays des Inuits
76 AGENDA 76 Le calendrier de la coupe du monde 82 Le circuit national de retour aux Plans d'Hotonnes 84 Longues distances : tremblement de terre 89 Les Grenouilles et Team Vercors Isère au Pro Tour
Le réseau qui a du poids Tous les athlètes – ou presque – ont un compte sur le réseau social Instagram qui appartient, depuis 2012, à Facebook. Des milliers d'abonnés les suivent. Une audience qui suscite l'appétit des sponsors et qui conduit, petit à petit, vers de nouvelles règles du jeu.
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Le road-book de Baptiste Gros
Quelques-uns des « posts » publiés cet été sur Instagram par les skieurs.
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90 LA NORVÈGE EN CAMPING-CAR 96 SELFSKI Simon Fourcade 98 MARIE-LAURE BRUNET Chouette, je doute !
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ANOTHER BEST DAY
Martin Fourcade (FRA)
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Développée en collaboration avec Martin Fourcade, la gamme X-IUM offre un niveau de performance, de puissance et de réactivité à la hauteur des exigences du quintuple champion Olympique
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LES FONDEURS À L'ASSAUT DE L'ISERAN Le col de l'Iseran, c'est un géant des Alpes. Le plus haut des cols de Maurienne, perché à 2 770 m, se mérite depuis Lanslebourg, avec d'abord l'ascension du petit col de la Madeleine, puis treize kilomètres à 7,8 % de moyenne depuis Bonnevalsur-Arc. Cet été, ce sont les fondeurs de l'équipe de France qui s'y sont frottés, ski-roues aux pieds. Les bleus, entourés de leurs entraîneurs Cyril Burdet, François Faivre et Alexandre Rousselet, ont profité d'un stage basé à Tignes pour sillonner les routes de la Vanoise, dominées par la pointe enneigée des Lessières et l'aiguille Pers, toutes deux au-delà des 3 000 m d'altitude. Distanceurs et sprinteurs ont partagé ce stage estival, comme les deux premiers d'ailleurs. Ces regroupements visent à préparer un collectif dense en vue des prochaines échéances internationales. Autre caractéristique reconduite, les Français ont repris le travail directement sur la neige lors d'un stage printanier au Cormet de Roselend sur une piste de cinq kilomètres tracée à mi-col. « Aujourd’hui, il n’y a pas de secrets, il faut faire du ski de fond et du spécifique, garder le contact avec la neige comme le font nos adversaires scandinaves », expliquait François Faivre, sur le site nordicmag.info. Mi-septembre, les Français ont d'ailleurs passé une dizaine de jours à Oberhof, en Allemagne, pour profiter du tunnel réfrigéré et opérer les premiers tests de matériel et choix de skis. n Photo : Cyril Burdet/Lucas Chanavat
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Les skieurs de l'équipe de France évoluent dans les magnifiques décors de la haute-Maurienne, 7 sur le col de l'Iseran.
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PISTE ROUGE Sans Martin Collet Le fondeur de Chamonix qui souffre d’une rupture du tendon d’Achille ne pourra chausser les skis cet hiver.
Marie Dorin en librairie L'ex-biathlète va publier, le 7 novembre, un livre dédié à la marche. Auhenticité, humour et passion habitent le récit de Tu marches, il marche, vous marchez... moi je cours aux éditions Salamandre.
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NORDIC MAGAZINE
Jobstation a souvent joué les premiers rôles lors des courses populaires.
Team Jobstation : la fin de l'aventure objectif déclaré pour le prochain hiver. Guillaume Bonnafond a bien essayé de trouver de nouveaux sponsors. En vain. Dès lors, chaque athlète a dû prendre son bâton de pèlerin pour dénicher une nouvelle famille. Ainsi, Thomas Chambellant a-t-il
NAISSANCE DU TEAM VERCORS ISÈRE
UNE PISTE DE SKI-ROUES AUX CONTAMINES-MONTJOIE
Le team Grenoble Isère nordique est mort, vive le team Vercors Isère. Ce changement de nom s'explique par l’arrivée d’un nouveau partenaire principal : la Communauté de communes du massif du Vercors. Présidée par Yves Fournier, l'équipe chère à Robin Duvillard compte dans ses rangs des athlètes comme Anaïs Chevalier, Émilien Jacquelin ou les fondeurs Jules Lapierre et Clément Arnault. Au printemps, elle a accueilli huit nouveaux membres : les biathlètes Jimmy Hudry et Marine Challamel ainsi que les fondeurs Lucas Gaillard , Soléa Simmoneau, Benjamin Marguet, Simon Perruche, Élie Faret et Jérémie Royer.
C'est la toute première piste de ski-roues de Haute-Savoie. Après plusieurs mois de travaux, les premiers sportifs ont pu profiter cet été de la nouvelle infrastructure des Contamines-Montjoie. Antonin Guigonnat, Enora Latuillière, Clément Parisse, Jean-Marc Gaillard, Maurice Manificat, Jules Chappaz ou encore Théo Schely ont été les premiers à parcourir les 2,5 km passant par le stade de biathlon homologué FFS. À 1 100 mètres d'altitude, la station complète ainsi son offre quatre saisons. L'investissement s'est élevé à moins de 600 000 euros hors taxes, dont plus de 200 000 euros pris en charge par le conseil départemental.
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DR
Gérard Agnellet en solitaire Depuis mi-août, Gérard Agnellet ne fait plus partie du e-liberty Ski Team. Le fondeur de 27 ans va préparer les sélections pour la coupe du monde et la coupe d’Europe en début de saison.
rejoint e-liberty Ski Team. Le Vosgien Adrien Mougel a, lui, mis un terme à sa carrière... Jobstation pourrait-il effectuer un jour un come-back ? « Ce n'est qu'un au revoir… », pouvait-on lire, le 25 septembre, sur sa page Facebook. n
LES CONTAMINES TOURISME
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'est la fin d'une aventure qui avait secoué le monde du nordique en 2013. Fin août, la première équipe professionnelle de ski de fond de France, Jobstation, a mis la clef sous la porte. Son unique sponsor, depuis le retrait de Rossignol après cinq années de compagnonnage, le groupe D2L (ex-GEL Group), contraint de faire des économies, a décidé de se retirer. La nouvelle est tombée brutalement pour le groupe de fondeurs qui s'était réuni, quelques jours plus tôt, à Prémanon pour y effectuer un stage... et y signer ses contrats en présence de leur patron, Guilhem de Lajarte. Autour de Guillaume Bonnafond, ex-coureur cycliste d'AG2R La Mondiale, nouveau manager du team, il y avait là le Norvégien Morten Eide Pedersen, troisième de la Visma Ski Classics et triple vainqueur de la Jizerská Padesátka, la Suédoise Maria Gräfnings, leader de la dernière FIS Worldloppet Cup, le Suisse Candide Pralong... Lors du mercato, Jobstation avait été très actif, avec le recrutement du Français Jean-Marc Gaillard, double médaillé olympique, de la Japonaise Masako Ishida ou encore de Simen Ostensen, venus gonfler un effectif déjà bien garni. De quoi nourrir quelques ambitions pour le circuit international Visma Ski Classics,
La nouvelle tenue du team qui participera à la Visma Ski Classics [lire notre article page 84].
Il s'agit de la première piste de ski-roues de Haute-Savoie.
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PISTE ROUGE
L'équipe de France de ski de fond en Italie durant la saison 2018-2019.
Le stade d'Arçon s'agrandit La piste du stade FlorenceBaverel d’Arçon (25) fait 800 mètres de plus. Elle passe désormais derrière les installations déjà en place auparavant, et ce, avec l’arrivée d’un tunnel. Parmi les nouveautés, il y a aussi une montée qui grimpe jusqu’à 25 % ! Les biathlètes ont pu la découvrir lors du traditionnel rendez-vous automnal.
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Arrêt cardiaque pour Fossli
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En mai dernier, Jules Lapierre a rejoint l’équipe de France militaire de ski en même temps que Perrine Laffont. Il a ensuite participé à son premier stage au sein du 3e régiment d’infanterie de Marine (RIMA), à Vannes. Puis, le fondeur du SN Chartrousin, auteur d’une saison exceptionnelle marquée par un titre de champion du monde U23, a connu un été compliqué. Il souffre d'une fissure du tendon d'Achille.
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EMHM
Jules Lapierre militaire
Des équipes de France dans la continuité ■ BIATHLON
La prochaine saison va se dérouler sans Simon Fourcade [lire par ailleurs]. Le Dauphinois a mis un terme à sa carrière lors des championnats de France de ski nordique de Méribel. Sorti des groupes nationaux à la fin de la saison précédente, Aristide Bègue retrouve, lui, le collectif France. Un retour logique à la vue des performances réalisées par le Pyrénéen cet hiver. Dans l'équipe B, on retrouvera aussi Martin Bourgeois-République, champion du monde junior de l’individuel. Auteure d’une brillante première saison mondiale, Julia Simon intègre logiquement le groupe A. Alignée en équipe B, Caroline Colombo, est, quant à elle, partenaire d’entraînement. Signalons la grossesse d’Anaïs Chevalier ; celle-ci manquera donc le début de la coupe du monde. Vincent Porret, entraîneur de tir des dames pour la saison 2018/2019, arrête. Il avait repris les commandes de cet effectif après Jean-Paul Giachino. C’est l’ancien chef de tir de l’équipe masculine de biathlon, Franck Badiou, qui lui succède. Son contrat va au minimum jusqu’aux Jeux olympiques de Pékin en 2022.
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■ SKI DE FOND Le 12 août, le fondeur norvégien a été victime d’un arrêt cardiaque. Grâce à sa petite amie et un cycliste, il a pu être réanimé.
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Après le départ en retraite de Robin Duvillard, une place était à prendre. Mais les entraîneurs François Faivre et Cyril Burdet ont choisi de ne reconduire que neuf athlètes en groupe A : quatre sprinteurs, cinq distanceurs. Pas d’évolution majeure dans le groupe donc. Chez les dames, la meilleure Française, Anouk
Faivre-Picon, ne fait plus partie des effectifs. Conséquence, l’organigramme fait la part belle aux jeunes fondeuses toutes regroupées dans le groupe B, riche de huit éléments.
■ COMBINÉ NORDIQUE ET SAUT
En fin d'hiver, Maxime Laheurte et François Braud faisaient leurs adieux au circuit mondial du combiné nordique. Antoine Gérard est désormais le leader naturel d’une équipe en construction pour les prochaines échéances. Par ailleurs, Alex Mougin a été nommé entraîneur saut aux côtés d’Étienne Gouy. En saut spécial, la FFS mise enfin sur Joséphine Pagnier (équipe A), Jonathan Learoyd et Mathis Contamine (équipe B).
SIMON FOURCADE L'ENTRAÎNEUR
Après quinze années passées en équipe de France, notamment sur le circuit de la coupe du monde, l’aîné de la fratrie Fourcade est devenu entraîneur du groupe des biathlètes juniors. « C’est un nouveau challenge pour moi, explique à Nordic Magazine Simon Fourcade. C’est vraiment le moment opportun pour rendre à ma discipline ce qu’elle m’a apporté. » L’accord de principe entre la FFS et l'ancien athlète court sur deux saisons : « J’ai besoin de faire mes preuves et montrer mes compétences dans ce domaine. » Premières réponses lors de l’ouverture du circuit IBU Cup en novembre. 9
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Planète nordique
Depuis l'hiver dernier, ils sont plusieurs athlètes à avoir annoncé raccrocher les skis. C'est le cas du fondeur de La Clusaz Antoine Agnellet, membre du e-liberty Ski Team. Son coéquipier chamoniard Damien Tarantola a aussi choisi de tourner la page. Il a brillé l’hiver dernier en remportant le dernier classement général de la FIS Worldloppet Cup. Fin de partie aussi pour Coraline Thomas Hugue après dix-huit années passées au sein de l’équipe de France. Après les Mondiaux de Seefeld, Robin Duvillard a aussi mis fin à sa carrière internationale. Il avait obtenu la médaille de bronze lors du relais des Jeux olympiques de Sochi. En biathlon, outre Simon Fourcade qui a raccroché la carabine, citons Mathieu Legrand qui a tiré sa révérence aux France de Méribel. En combiné nordique, fin de parcours aussi pour les emblématiques François Braud et Maxime Laheurte.
Les Jeux olympiques de 2026 en terre italienne
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Durant l'été, Johannes Thingnes Boe, le nouveau patron norvégien du biathlon mondial, a annoncé sur Instagram que sa femme Hedda Daehli Boe était enceinte. Le bébé devrait arriver en janvier. Le couple s'était marié le 30 juin 2018.
Le 27 février, la police le surprenait en pleine autotransfusion sanguine. Le fondeur autrichien a été inculpé de « fraude sportive ». Soupçonné d’avoir enfreint les règles antidopage depuis la saison de compétition 2015/16, il pourrait être condamné à cinq ans de prison.
Jean-Pierre Amat a signé un contrat avec la fédération de biathlon de la Chine, pays qui organisera les Jeux olympiques d'hiver en 2022. Champion olympique de tir en 1996 à Atlanta, il a durant plus de vingt ans façonné l'élite et la relève du biathlon au sein de la FFS.
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JEAN-PIERRE AMAT EN CHINE
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L'AUTRICHIEN MAX HAUKE INCULPÉ
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JOHANNES BOE VA ÊTRE PAPA
MANZONI/NORDIC FOCUS
Tim Hug n'ira pas plus loin. Le dernier des combinés helvètes [lire Nordic Magazine n° 30] ne figurait plus parmi le cadre A.
La biathlète bavaroise Laura Dahlmeier, double championne olympique à Pyeongchang, a décidé, à seulement 25 ans, de quitter la piste. Sa compatriote Miriam Gössner, enceinte d'un deuxième enfant, a aussi tiré sa révérence. Il a lui aussi décroché une médaille d'or olympique. C'était à Sochi en 2014. Andreas Wank s'est retiré fin juillet. Il a depuis rejoint l’encadrement de l’équipe allemande de saut à ski.
qui sont familiers aux athlètes nordiques. Ainsi, les biathlètes retrouveront Anterselva/Antholz. Ce stade – le plus grand de la péninsule – n'en est pas à son premier événement. Il accueillera d'ailleurs en 2020 les championnats du monde. Les fondeurs, eux, rejoindront le Val di Fiemme et son centre Tesero, théâtre d'opérations des Mondiaux de 2013. Les compétitions de saut à ski se dérouleront sur le tremplin de Predazzo utilisé chaque année en coupe du monde. Il servira aussi pour l'épreuve de saut du combiné nordique.
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... en Suisse...
in juin, les délégués du comité international olympique ont désigné Milan-Cortina d’Ampezzo pour l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2026. La candidature italienne l’a emporté par 47 voix contre 34 à Åre/Stockholm, un des 82 membres votants du CIO s’étant abstenu. Pour gagner, les Transalpins ont promis de maîtriser les budgets et de respecter l’environnement en utilisant le maximum d’infrastructures existantes. Dès lors, les épreuves se dérouleront dans des lieux
... et dans le monde
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GREG MARTIN/IOC
Fin de carrière en France...
La délégation italienne laisse exposer sa joie, le 25 juin dernier, à Lausanne (Suisse).
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PISTE ROUGE
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Le podium
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Font-Romeu (France).
ANTOINE GÉRARD
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Nordic story
Le 1er septembre, le Vosgien a remporté sa première compétition internationale de très haut niveau. Le combiné de Ventron a levé les bras à Oberhof lors du second gundersen disputé dans la forêt de Thuringe. Cette fois, Gérard a tout mis bout à bout : bon saut et poursuite de rollerski parfaitement menée.
INSTAGRAM SELINA GASPARIN
INSTAGRAM JOHANNES HOESFLOT KLÆBO
1 contre tous
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se blesser au gros orteil. Jusqu'ici, le jeune homme avait toujours fait l'impasse sur ce genre d'étape. « Ce sera en quelque sorte mon premier séjour en altitude. Ensuite, nous verrons comment mon corps va répondre », confiait-il au quotidien VG avant son départ. Plus tôt dans la saison, c'est la biathlète finlandaise lauréate du gros globe de cristal de l’hiver 2017-2018, Kaisa Mäkäräinen, qui s'était entraînée en France, plus précisément à Corrençon-en-Vercors. Début juillet, la Finlandaise avait profité des infrastructures du site isérois qui avait également accueilli les bleu(e)s en stage fin juin. Elle est revenue début septembre avec Krista Pärmäkoski et Maaret Pajunoja. À noter aussi, dans le Vercors, la présence de l’équipe américaine de biathlon venue travailler durant dix jours sur les terres de Marie Dorin-Habert qui, avec son mari et le fondeur Robin Duvillard, ont ouvert Zecamp, un centre d'hébergement et de restauration adaptée au sportif. Elle avait ensuite rejoint Antholz-Anterselva (Italie), où doivent se dérouler les prochains championnats du monde de la discipline.
1 contre 100
Les biathlètes suisses Elisa, Aita et Selina Gasparin ont remporté 34 500 CHF au jeu télévisé « 1 gegen 100 » de la SRF, somme qu’elles ont versée à la fondation Biathlon Arena Lenzerheide qui soutient les biathlètes suisses.
KMSP
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es fondeurs scandinaves songent déjà sérieusement aux prochains JO de Pékin. Aussi, Suédois et Norvégiens ont-ils choisi la station pyrénéenne de Font-Romeu (66) située à une altitude de 1 850 mètres, soit la même hauteur que les compétitions programmées en 2022 en Chine, pour leurs stages de rentrée. « D’autant plus que plusieurs coureurs ne se sont jamais entraînés en altitude auparavant », a précisé Mattias Nilsson, entraîneur de l’équipe de Suède masculine. Tous ont donc fait le voyage jusque dans les montagnes chères à Martin Fourcade, à l'exception de Simon Lageson, qui se remettait d'un méchant rhume, de Viktor Thorn, embêté par une hernie, et surtout de la championne olympique Stina Nilsson, blessée. Habituellement, les Norvégiens se retrouvent, eux, dans les Alpes italiennes, à l’Alpe di Siusi, ou « Seiser Alm », haut alpage dans le sudtyrolien, ou à Livigno, en Lombardie. Cette année, ils ont aussi posé leurs valises dans le Capcir Haut-Conflent. Même le prodige Johannes Hoesflot Klaebo en a profité pour prendre de la hauteur... et
LES SŒURS GASPARIN
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Pékin 2022 se prépare à Font-Romeu
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Les Norvégiens Emil Iversen et Johannes Hoesflot Klæbo.
MARTIN FOURCADE 1 contre 1
Martin Fourcade sera le candidat de la France à l'élection, en 2022, à la commission des athlètes du Comité international olympique. Le CNOSF l'a préféré au perchiste Renaud Lavillenie qui espérait aussi succéder à Estanguet.
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Planète nordique PISTE ROUGE
Le quintuple champion olympique a d’ores et déjà donné rendez-vous l’année prochaine.
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NILS LOUNA
Clément Arnault a dit oui à Julie
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Le 15 juin, le fondeur du Vercors avait revêtu de beaux habits. Il a dit oui à Julie. Il s’est marié en présence de sa famille, mais aussi de ses amis skieurs.
Anouk Faivre-Picon
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SAMUEL CORDIER
s'est mariée aussi
La fondeuse pontissalienne a épousé le fondeur chamoniard Mathias Wibault. La cérémonie s’est déroulée en mairie de Pontarlier le 1er juin.
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MAXIME LAHEURTE
Maxime Laheurte papa d'Anna
L'ex-combiné de Gérardmer est devenu papa d'une petite Anna. Avec Émilie, la maman, il avait déjà accueilli Matti en 2017. 12
Martin Fourcade réussit son show à Annecy Entre août et septembre, la première édition du Martin Fourcade Nordic Festival au bord du lac d’Annecy, mêlant compétitions de ski-roues avec les meilleurs biathlètes et fondeurs mondiaux, courses grand public et animations, a été couronnée de succès : 15 000 spectateurs présents à Annecy, près de 1,2 million de téléspectateurs touchés par la diffusion sur la chaîne L’Équipe : le quintuple champion olympique ne pouvait rêver mieux. « On est parti d’une feuille blanche, j’y ai jeté mes rêves les plus fous, dont celui d’organiser une course de biathlon sur l’un des
plus beaux sites de France, sur le Pâquier au bord du lac d’Annecy, au pied des montagnes. Et tout le monde y a cru et nous a fait confiance », s'est réjoui le Catalan. Cerise sur le gâteau, Martin Fourcade a été couronné devant sept des meilleurs biathlètes mondiaux. Lucas Chanavat a, lui, remporté le sprint en ski-roues. Chez les dames, la victoire est successivement revenue à l'Italienne Lizza Vittozzi et la Suissesse Laurien Van der Graaff. Une seconde édition est d'ores et déjà annoncée. b MARKUS KEHL
L’homme, qui a évolué durant quinze années en tant que responsable du service course et promotion de Fisher France, est décédé courant juin. Il a accompagné l’ascension de très nombreux athlètes nordiques.
b KMSP
Dominique Coulmy nous a quittés
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Style classique
n Un titre de champion du monde juniors, la victoire sur le circuit européen et plusieurs couronnes nationales. Diriez-vous que la saison dernière a été parfaite ? Oui, je pense qu'on peut le dire. Je ne m'étais pas vraiment donné d'objectifs en termes de résultats et j'ai finalement tout eu. Tout s'est enchaîné dans l'ordre, depuis le Samse d'Arvieux, les premières OPA puis les Mondiaux ! n Dès lors, comment envisagez-vous l'hiver prochain, votre premier chez les seniors ? J'ai tout mis en place cet été pour vivre un bel hiver. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre, mais mon parcours ne dépendra pas seulement de moi, mais aussi de la concurrence. Je prendrai ce qui viendra. n La marche entre les catégories juniors et seniors vous fait-elle peur ? Non, pas du tout. Au contraire, j'ai hâte d'y être, de courir avec les grands, de porter le dossard et faire au mieux pour jouer devant. n Pour revenir à votre titre mondial de Lahti, quelles images (ou visages) vous viennent en tête à l'évocation de La Marseillaise qui a retenti pour vous en Finlande ?
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J'ai beaucoup pensé à mon papy qui est décédé l'an passé et m'avait beaucoup suivi dans le ski. J'ai repensé à tout le travail effectué durant l'été précédent et j'ai surtout profité de l'instant même si j'avais froid sur le podium ! Mes parents étaient là, Hugo Lapalus m'a touché en versant sa larme. Tout s'est enchaîné très vite après l'arrivée. n Un tel palmarès en juniors aiguise-t-il votre appétit pour la suite de votre jeune carrière ? Oui, ça donne envie. Ceux qui sont passés par une victoire sur le général de l'OPA, comme des Northug, Klaebo, De Fabiani, qui ont brillé en U23 comme Clément Parisse – un gars que j'aime beaucoup –, Adrien Backscheider ou Maurice Manificat ont fait de belles choses ensuite donc pourquoi pas moi ! Je ne me fixe aucune limite. Si je suis amené à jouer une coupe du monde, ce ne sera pas pour figurer.
JULES CHAPPAZ
LE FONDEUR DE LA CLUSAZ A TOUT GAGNÉ L'HIVER DERNIER. L'ÉTUDIANT EN STAPS SE TOURNE AVEC AMBITION VERS SA PREMIÈRE SAISON EN TANT QUE SENIOR.
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n Vous avez déclaré : « J'ai changé de statut et j'ai appris que la rigueur, le travail et la passion seront les clés d'une longue carrière ». Vous avez les ingrédients, reste à réaliser la recette. Vous êtes bon cuisto ? [Rires] En fait, je voulais devenir cuisinier quand j'étais en 3e, mais j'ai loupé mon réveil pour les portes ouvertes de l'école hôtelière de Thonon-les-Bains ! Du coup, je suis parti dans le sport-études au lycée. Gamin, tous les dimanches, je préparais des petits repas un peu gastronomiques et ma maman me reproche (gentiment) de ne plus le faire aujourd'hui !
J'ai une copine. Du coup, je ne sais pas vraiment. On a surtout fêté le titre ici et avec le monde du ski de fond aux France et au sprint-break.
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n Ça donne quoi un titre de champion du monde auprès des filles ?
n Avec Hugo Lapalus, Théo Schely et vous, La Clusaz dispose de trois solides fondeurs pour les années à venir. Sérieux, vous tournez à quoi au pied des Aravis ? Je ne sais pas s'il existe une potion magique mais on boit beaucoup de bière en avril et après on se calme [rires] ! C'est peut-être ça le secret ? Plus sérieusement, on s'entraîne ensemble et ça crée une belle émulation. n Cette fine équipe dégage une belle ambiance de groupe. D'ailleurs, vous pouvez nous parler de votre surnom “Tchoupi” ? Ha ! Il est arrivé au premier Vercors Nordique Tour en U18. Ma coiffeuse m'avait loupé en me faisant une tête de Tchoupi. Hugo et Théo m'ont donné ce surnom que je ne cautionnais pas au début... et puis je m'y suis fait.
n La team Farté assure une grosse animation sur les épreuves de ski. Le nordique était-il trop sage ? Jules Chappaz sort d'une saison exceptionnelle : champion de France, champion du monde juniors et vainqueur du général de la coupe d'Europe de ski de fond (OPA).
La team Valoche avait déjà bien animé les courses. On les voit moins en ski de fond désormais. La team Farté réunit des copains de La Clusaz et du Grand-Bornand qui se donnent... à fond pour nous supporter. J'invite les sceptiques sur l'ambiance du nordique à venir assister à des France des clubs.
n Vous êtes étudiant en Staps à Grenoble. Alors qui sont les plus belles : les fondeuses, les handballeuses, les alpines ? En Staps, il y a plutôt alpines et fondeuses, mais il faut reconnaître que le circuit féminin du ski de fond est bien doté. Par exemple, j'aime beaucoup Johaug et sa fréquence gestuelle. En la regardant, j'ai passé un cap technique cet hiver en mettant plus de fréquence dans mon pas de montée ! 16
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Rat d'hôtel venu. En général, soyons clairs c’est un voleur. Pas moi. Par extrapolation, j’ai toujours employé ce terme pour mon activité de journaliste. C’est une manière d’aller à la pêche, de glaner des informations, d'assister discrètement à des moments de vie qui viendront nourrir un commentaire, un avis sur un personnage. Le recadrage d’un coach auprès d’un athlète en difficulté, la « négo » d’un sponsor avec une jeune étoile montante… Voir des choses, échanger, discuter avec le petit monde qui s’affronte sur les pistes et qui passe le plus clair de son temps à l’hôtel, épicentre du sport professionnel, surtout par moins quinze dehors. Commentateur néophyte, ce fut là ma première découverte, en arrivant à Östersund, en 2005, par une lugubre soirée suédoise de décembre. Dans la nuit noire, à 16 heures, j’entrais dans le Gamla Teatern, hôtel du centre-ville, pour retrouver les athlètes français autour d’un thé, afin de me présenter, d’évoquer avec eux la saison qui s’annonçait avec Turin en objectif olympique et que j’allais vivre pour la première fois en tant qu’observateur professionnel découvrant le biathlon in situ. Et là, dans la pénombre d’un bar éclairé à la bougie, je devinais le couple que formaient alors Ole Einar Bjoerndalen et une jeune femme dînant dans l’alcôve voisine de celle dans laquelle nous nous trouvions avec Raphaël Poirée. 18
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Les deux rivaux mangeaient à des tables voisines dès le premier week-end de compétition de l’hiver ! Avant ce soir-là, parce que je ne m’étais jamais posé la question, je n’avais pas imaginé que tous ces athlètes vivaient ensemble ! Ils s’étripaient sur la piste, mais partageaient le même petitdéjeuner le lendemain. L’adversaire devenait donc le voisin de buffet. C’est devenu une norme du sport professionnel, quelle que soit la discipline. Les athlètes habitent les mêmes lieux pour des commodités d’organisation, de logistique, se croisent plusieurs fois par jour dans l’ascenseur, mangent côte à côte, prennent les mêmes navettes pour se rendre au stade. Tout cela est banal, les sportifs ont appris à gérer cette donnée et s’en accommodent, plus ou moins bien, en période de compétition. Du coup, quand les Norvégiens et les Français ont demandé les mêmes dates pour venir cet été à Zecamp, pour le début de leur préparation estivale, cela semblait pouvoir se gérer puisqu’il y avait de la place pour tout le monde. Les groupes et staffs des bleus et des rouges se connaissent bien, Martin Fourcade et Johannes Thingnes Boe s’appréciant plutôt. Mais non ! Finalement les deux nations ont préféré s’éviter pendant la préparation estivale, hors Blink Festival, histoire de s’entraîner sereinement, sans donner d’information à leurs adversaires directs. Ce qui se comprend assez bien. Avant de se retrouver pour un nouvel hiver de compétition... sur la piste, c’est sûr ; à l’hôtel, faudra voir ! n
François Schlotterer, journaliste, a été de nombreuses années la voix du biathlon à la télévision.
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at d’Hôtel ! Ce sera désormais le nom de cette chronique, un titre plus approprié à mes élucubrations périodiques dans Nordic Magazine, ayant pris mes quartiers l’hiver dernier à Zecamp, dans le Vercors, écrin magnifique qu’il vous faudra un jour fréquenter si la nature, le sport et le confort sont des douceurs que vous souhaitez goûter. Un hôtel donc, que Marie Dorin, Loïs Habert et Robin Duvillard font vivre depuis octobre dernier. C’est un très beau lieu dédié aux sportifs et aux autres – dont je suis – et qui a, pour l’instant, ravi tous ceux qui l’ont essayé. Je ne suis pas peu fier d’être, à ce jour, le seul à avoir dormi dans presque toutes les chambres, tant j’y ai passé de temps depuis le mois de janvier dernier. J'étais venu pour fêter l’arrivée d’Evie, la deuxième Reine des Neiges de la famille Habert, je ne suis pas reparti ! Dans l’hiver, je vous parlerai des premiers mois de cette formidable et prometteuse aventure qu’est Zecamp… Du stress de réussir à sortir soixante-cinq repas, visiblement plus grand parfois qu’une dernière balle à Antholz… ou par exemple, de l’oreiller Moumine de Kaisa Mäkäräinen, la Finlandaise ayant effectué deux stages de dix jours cet été à Corrençon [Moumine, c’est la première star finlandaise, personnage de dessins animés et livres pour enfants, mais c’est une autre histoire.] Avant cela, une définition. Le rat d’hôtel, c’est celui qui profite des allées et venues pour se glisser dans les couloirs, les restaurants, les halls d’un lieu dans lequel il n’est pas censé être, soit parce qu’il n’est pas client, soit parce qu’il n’y est pas le bien-
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DOPAGE Le nordique face au fléau Aux derniers championnats du monde de Seefeld, en Autriche, une nouvelle affaire de dopage a gâché la fête du nordique. Un athlète a même été surpris en pleine transfusion sanguine, une aiguille plantée dans le bras. L'image a choqué. Au-delà du scandale, Nordic Magazine a voulu comprendre comment s'organisait la lutte contre les tricheurs et quelles étaient les conséquences pour les sportifs honnêtes.
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Assis sur un canapé vert jaunâtre dans la chambre d'un hôtel douillet de Seefeld, dans le Tyrol autrichien, le bras gauche posé sur un coussin, une aiguille reliée à une poche sanguine. Les images du fondeur autrichien, pris sur le fait, ont fait le tour du monde. Arrêté lors des derniers Mondiaux, comme cinq autres athlètes, dans le cadre de l'« opération Aderlass », Max Hauke est devenu l’humiliante effigie du dopage sanguin. L’Autriche, pays hôte des derniers championnats du monde, se serait bien passé d’une nouvelle affaire, treize ans après le raid de la Polizia di Stato lors des Jeux olympiques de Turin. L'enquête avait déjà révélé un système organisé au sein de cette équipe nationale. Cette fois, le choc est plus brutal. Le dopage a un visage. Au cœur de l’hiver, il se dévêtit de ses fantasmes et se montre à nu, dans sa froideur funeste. « Ce sont des choses qui font mal à notre sport. Je suis honnête et j’espère juste que mes adversaires le sont aussi », déclare Maurice Manificat, leader du ski de fond français. Avec ce scandale qui a aussi touché le cyclisme, le doute a fait son retour dans le nordique, à peine un an après la suspension d’une grande partie de la délégation russe aux JO de Pyeongchang. « Cette affaire a réenclenché une forme de suspicion permanente, se désole François Faivre, entraîneur de l’équipe de France de ski de fond. Nous étions surtout tristes de voir que l’on allait encore parler de notre discipline pour une affaire de dopage. Les anciens 22
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fantômes allaient resurgir. On n'en aurait jamais fini ». Depuis longtemps, les circuits internationaux du ski de fond et du biathlon sont touchés par ce fléau destructeur. Des mauvaises habitudes qui ont fait tomber de nombreuses têtes d’affiche depuis vingt ans : le fond finlandais en 2001 à Lahti, l’Espagnol Johann Mühlegg, triple champion olympique en 2002, Andrus Veerpalu, grand spécialiste du classique au début des années 2000, l'équipe autrichienne en 2006, les Russes à Sochi... Sans oublier la Slovène Teja Gregorin ou l’Autrichien Johannes Dürr dont les révélations ont conduit à la dernière vague d'arrestations. Face à ces (trop) nombreuses affaires, face à la loi du silence qui fait encore du dopage un sujet tabou dont les contours restent embrumés, le public s’interroge. Avec légitimité. Existe-t-il une recrudescence du phénomène ou est-ce simplement la lutte antidopage qui devient plus performante ?
LA LUTTE S’ORGANISE Sur le papier, il semble que le combat mené par les diverses autorités s’intensifie sérieusement. Création de l’Agence mondiale antidopage (AMA) en 1999, règles universelles issues du Code mondial antidopage, passeport biologique en 2009, localisation via le système Adams [lire par ailleurs], surveillance des laboratoires et des sociétés
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Le 24 février dernier, la dernière course disputée par l'Autrichien Max Hauke lors des Mondiaux de Seefeld. Trois jours plus tard, à quelques heures du départ du 15 km classique, le jeune homme est arrêté en pleine transfusion sanguine. Le monde entier découvre la scène à travers une vidéo devenue virale sur Internet. Depuis, le dopage dans le ski de fond a un visage.
de prélèvement : le camp du sport propre s’organise. En parallèle, la France a reconnu l’autorité du Tribunal arbitral du sport (TAS) et réformé son propre système institutionnel, avec une plus grande indépendance de son agence nationale. « Notre nouvelle commission des sanctions, composée de médecins, pharmaciens, juristes, est totalement indépendante du monde politique et sportif. Les procédures sont plus simples, plus rapides et l’harmonisation des sanctions mieux garantie », confirme Mathieu Teoran, secrétaire général de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).
« Nous nous efforçons de combattre ce véritable fléau qui touche le monde sportif ». Michel Vion, président de la Fédération française de ski
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Le 27 février, devant l'hôtel de Seefeld où vient d'avoir lieu la descente de police.
Le système de contrôle a également été revu pour être recentré sur les contrôles inopinés au sein des sports jugés « à risques ». « Le ski de fond et le biathlon font partie des disciplines surveillées puisqu’elles combinent trois critères importants : une bonne exposition médiatique, la France positionnée parmi les meilleures nations mondiales et une grande exigence au plan physiologique », complète le secrétaire général de l’AFLD. « Conformément au Code de la santé publique, l’ensemble des dispositions relatives à la prévention du dopage, jusqu’à son dépistage, est prévu dans les statuts et les règlements fédéraux, complète Michel Vion, président de la Fédération française de ski. En relation avec toutes les instances nationales et internationales concernées, nous nous efforçons de combattre ce véritable fléau qui touche le monde sportif. » Au niveau international, l'AMA a mis en place un programme de suivi longitudinal au cours duquel des marqueurs hématologiques ou urinaires sont recherchés. La collecte et le suivi des valeurs constituent le profil du sportif, permettant la constitution du fameux « passeport biologique ». Une vraie révolution pour le monde du sport de haut niveau. « Quand il a été lancé, on a standardisé les process de récolte », précise Neil Robinson, membre d’Ita Sport, agence de contrôle internationale. De leur côté, les « top athlètes » sont dorénavant sou 23
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Les victimes, ce sont toujours les athlètes propres Fin janvier, l’Agence française de lutte contre le dopage s'est dotée d'un comité des sportifs, un organe consultatif visant à améliorer la prise en compte de la parole des sportifs français dans la politique antidopage. Il est coprésidé par l'escrimeuse Astrid Guyart. NORDIC MAGAZINE Quel est le
rôle du comité des athlètes ? Astrid Guyart Son but est de faire le lien entre les athlètes directement concernés par le fléau du dopage et l’institution de sensibilisation et de contrôle. Ils sont partenaires et non adversaires. Les victimes, ce sont toujours les athlètes propres : ils peuvent perdre contre des tricheurs, qui ne seront peut-être jamais découverts, et ils vivent les contraintes de la lutte antidopage au quotidien, alors qu’ils n’ont rien à se reprocher. Même si c’est évidemment normal de jouer le jeu, ce sont eux que nous souhaitons représenter dans l’organe national.
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Comment améliorer l’information des athlètes dans la compréhension de ce qui est autorisé ou pas ? Il y a une vraie sensibilisation à mettre en place sur tout ce que l’athlète sera amené à consommer, et notamment les compléments alimentaires qui représentent vraiment un risque car on ne contrôle pas les molécules à la sortie des laboratoires. Il est également nécessaire d’avoir un entourage médical, social et familial attentif. De mon côté, on m’a toujours dit de regarder les notices, même pour soigner un rhume. L’athlète va être plus ou moins vulnérable en fonction de cela. Ce sont malheureusement trop souvent les athlètes propres qui tombent car ils sont les moins bien informés. Celui qui fraude le fisc connaît le code général des impôts par cœur. C’est pareil pour le dopage. Celui qui veut tricher connaît les règles mieux que quiconque et il joue avec.
••• mis aux exigences de localisation du système Adams. Excessivement répressif pour certains, légitime, voire nécessaire pour d’autres, dont Maurice Manificat. Le Haut-Savoyard estime que c’est simplement une habitude à prendre : « Adams fait désormais partie de notre quotidien. C’est comme renseigner son carnet d’entraînement. Si cela permet de mieux traquer les tricheurs, pas de souci de mon côté. Dommage que le logiciel n’évolue pas suffisamment et ne soit pas vraiment adapté aux nouvelles technologies », regrette cependant le fondeur. Certains y voient une évolution favorable au nordique tricolore, jamais pris en faute et se rangeant sans cesse du côté des intransigeants. À l’image de Martin Fourcade, héraut de la lutte dans l’univers du biathlon, aussi tranchant sur la piste qu’en dehors avec les fraudeurs. « Je pense que l’installation du ski de fond français en tant que troisième nation mondiale chez les hommes correspond aussi à une lutte antidopage qui a progressé », considère François Faivre. De leur côté, les Fédérations, et notamment la Fédération française de ski, restent des rouages essentiels pour informer les athlètes des risques et les accompagner dans leur suivi. « Nous avons toujours un rôle préventif important. Nous allons au-delà de la liste des produits dopants de l’AMA puisque nous travaillons aussi sur les conduites dopantes qui représentent un facteur de vulnérabilité. C’est par exemple le cas de la
Le fondeur russe Alexander Legkov, soupçonné de dopage aux JO de Sochi a été déchu par le CIO. Une décision annulée par le Tribunal arbitral du sport.
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Comment sont accueillies les contraintes de localisation par les sportifs du haut niveau ? Un athlète qui ne triche pas ne verra jamais d’un mauvais œil un contrôle anti-dopage. Au contraire, ça va le rassurer. Les contrôles lui garantissent l’équité sportive. C’est différent pour la localisation qui reste une forme de menace car cela demande d’être impeccable en termes d’organisation, notamment pour les jeunes qui ne dorment pas tous les soirs au même endroit. L’athlète a une vie, il n’est pas un robot. La localisation est acceptée, mais cela reste une contrainte. Ce serait intéressant de pouvoir reculer l’heure (17 heures) à laquelle on doit connaître le lieu où l’on passe la nuit. Cela n’a pas de sens dans la vie quotidienne des athlètes qui terminent l’entraînement à 19 h 30 et se retrouvent dans l’impossibilité de changer le programme de leur soirée à cause d’ADAMS. C’est le type de proposition que l’on pourra discuter dans le cadre de ce comité des athlètes.
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consommation de la créatine ou des acides aminés. Nous avons lancé deux campagnes de prévention à ce sujet », précise Nicolas Coulmy, directeur du département sportif et scientifique à la FFS.
UN COMBAT PERDU D’AVANCE ?
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QUENTIN JOLY POUR NORDIC MAGAZINE
Si la chasse aux tricheurs progresse, le dopage recule-t-il pour autant ? De l’autre côté du terrain, les entourages suspects composés de médecins frauduleux (comment ne pas citer Mark Schmidt, un médecin du sport basé à Erfurt – Allemagne – dont le nom a déjà été évoqué dans plusieurs affaires de dopage ?), ne manquent malheureusement pas de moyens pour contrer cette réelle offensive. « La lutte antidopage mondiale profite d'un budget de 300 millions d’euros, alors même que le chiffre d’affaires du marché mondial du dopage professionnel et amateur est estimé à 30 milliards d’euros. C’est David contre Goliath », affirme Neil Robinson. Les hors-la-loi ont les moyens de jouer à cache-cache avec les gendarmes. Un combat perdu d’avance ? « Non, les méthodes de dépistage progressent aussi. Et on peut conserver les échantillons jusqu’à dix ans, ce qui laisse une épée de Damoclès au-dessus de ceux qui trichent. Quand on analyse à nouveau les échantillons des JO précédents, le taux de contrôles positifs peut passer de 1 % à près de 10 % », complète le spécialiste. Les laboratoires ont également besoin de méthodes d'analyse et de détection de plus en plus adaptées, car la frontière entre le naturel et le synthétique est parfois indétectable tellement les substances à déceler
Dis-moi où tu vas coucher ce soir ? Lancé en 2005, le système Adams (Anti-Doping Administration & Management System) est un instrument de gestion en ligne qui vise à simplifier la gestion des opérations antidopage. Les athlètes de haut niveau, définis par l’AFLD au sein du groupe cible, doivent rentrer dans un logiciel, et ce, pour chaque journée du trimestre à venir (avant 17 heures), un horaire et un lieu (1 heure, comprise entre 6 heures et 23 heures) où ils sont joignables. Des indications censées permettre aux contrôleurs de se rendre sur place de façon impromptue, de sorte à effectuer des contrôles inopinés. Si le sportif n'est pas présent lorsque le contrôleur se présente, il est notifié d'un « no show ». Au bout de trois « no show » sur dix-huit mois, le sportif encourt une suspension de deux ans, pouvant être réduite de moitié en cas de circonstances atténuantes.
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En septembre, la Russe Margarita Vasileva a été suspendue 18 mois pour avoir manqué trois contrôles anti-dopage dans l’année écoulée. Tous ses résultats obtenus depuis le 4 février 2019 ont été purement et simplement annulés.
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sont en très faibles concentrations dans l’organisme, absorbées à des doses de plus en plus faibles pour les mêmes effets, comme l’EPO. « Par analogie, c'est comme repérer un morceau de sucre dissous dans une piscine olympique. Il faut non seulement être capable de dire que la piscine contient du sucre, mais il faut aussi pouvoir déterminer si l'on y a dissous un, deux ou trois morceaux », précise Jean-Luc Veuthey, professeur de chimie analytique à l’École de pharmacie de GenèveLausanne. Cette recherche scientifique a un coût auquel il faut ajouter celui des contrôles inopinés, plus efficaces mais terriblement chers. « Le contrôle à l’ancienne qui consistait à prendre les athlètes à la sortie d’un podium est révolu. Aujourd’hui, la majorité de nos tests se font hors compétition. Il faut identifier les périodes propices, celles où un sportif aurait le plus d’intérêt à se doper. Il y a toujours une balance à faire entre l’efficacité et le coût », précise Mathieu Teoran. « L’ensemble de la réglementation et des actions qui sont menées doit cependant permettre aux athlètes de s’entraîner dans les meilleures conditions et d’avoir accès aux soins autorisés dès que nécessaire, avance Michel Vion. Bien qu’indispensables 25
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Dans un contexte de médicalisation croissante du haut niveau, la limite entre dopage, pratique dopante et médicalisation légitime d’un athlète malade interroge.
••• et malgré des procédures contraignantes, les contrôles antidopage doivent également respecter la liberté individuelle et les droits de nos athlètes. Tout cela impose un véritable climat de confiance entre les athlètes et leur entourage, qu’il soit médical ou technique. » « Notre rôle est justement d’informer les athlètes avec un langage clair. Il faut inculquer de nouveaux réflexes au quotidien, faire attention aux compléments alimentaires, aux différences de composition des médicaments entre pays… C’est compliqué de s’y retrouver pour les nouveaux venus », ajoute Christelle Bonnin-Arnould, en charge du suivi du plan de prévention dopage à la FFS.
DOPAGE OU PAS ? D’autres frontières devront encore être franchies pour chasser tous les hypocrites. Et la première concerne la définition même du dopage qui fait encore débat parmi les spécialistes. Jusqu’où admettre l’intervention de la science dans le sport ? Dans un contexte de médicalisation croissante du haut niveau, la limite entre dopage, pratique dopante et médicalisation légitime d’un 26
athlète malade interroge. La définition donnée par le Code mondial antidopage pose pourtant précisément trois critères. Un produit doit cocher au moins deux d’entre eux pour qu'on ait le droit de punir le contrevenant : l’amélioration de la performance, le non-respect du fairplay et les risques pour la santé de l’athlète. Forte de cette définition, l’AMA publie chaque année la liste des interdictions – elle comprend environ 200 composés – en lien avec des experts scientifiques et médicaux. Mais, comme tout le monde, les sportifs peuvent souffrir de maladies ou de troubles qui les obligent à prendre des médicaments. Si le procédé dont le sportif a besoin pour traiter sa maladie figure sur la liste des substances interdites, une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) peut lui permettre d’utiliser la substance ou la méthode requise. « Les AUT sont essentielles pour la santé des athlètes, mais c’est vrai qu’elles ouvrent la voie à la discussion, voire à la suspicion. D’autant plus dans un contexte de suivi médical beaucoup plus important qu’avant », précise Pierre Jeannier, ancien médecin de l’équipe de France de biathlon et actuellement rattaché à la Fédération internationale de ski. Le dopage serait-il encouragé par cette tendance générale à la médicalisation, dont il constituerait finalement une manifestation extrême ? « Il y a une question de culture sur ce sujet. On voit des athlètes qui, dès l’arrivée sur une coupe du monde, vont à la pharmacie acheter des médicaments légaux, antalgiques ou vitamines. En France, si on y va,
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c’est qu’il y a une maladie », complète l’ancien médecin fédéral. Le sujet est éminemment complexe quand on parle d’individus dont les données biologiques varient au fil de la journée. « Tout change à tout moment en fonction de nombreux paramètres… Les avocats qui défendent les athlètes positifs ont la part belle. Il faut se garder de conclusions trop hâtives », ajoute encore Pierre Jeannier. Ce que certains ne s’étaient pourtant pas empêchés de faire en 2018, condamnant par avance les fondeurs français des années 2000 en raison de taux d’hémoglobine suspects. « C’est grâce au suivi biologique que nous avons détecté le fameux gène spécifique HFE de nos fondeurs qui a fait couler tant d’encre. Pourtant, il a été prouvé que l’exposition régulière à l’altitude des sportifs de haut niveau était à l’origine de ces taux naturellement hauts », précise Nicolas Coulmy.
ÊTRE IMPITOYABLE AVEC LES TRICHEURS
Pierre Jeannier, ancien médecin de l'équipe de France de biathlon, aujourd'hui rattaché à la Fédération internationale de ski
prenantes. Un Martin Fourcade dont le cœur bat à vingt-quatre pulsations par minute le matin, cela ne court pas les rues. Il est hors normes. Quant à l’EPO, tout le monde en fabrique de façon endogène. Le dopage est une question sensible qui doit éviter les raccourcis », insiste Pierre Jeannier. Alors que faudrait-il faire de plus pour améliorer encore les résultats de la lutte antidopage ? Dévoiler son dossier médical et ses données de suivi comme l’a fait le champion olympique Kevin Mayer ? « Personnellement, je ne pense pas que ce soit la réponse. Cela n’empêche personne de se doper et cela peut, au contraire, brouiller les messages. Le sujet est trop sensible pour être simplifié de cette façon », estime Maurice Manificat. Beaucoup réclament déjà que l'on soit impitoyable avec les tricheurs. « Étant sûr de mes athlètes, je demande que la répression soit maximale », réclame François Faivre. L’Estonien Veerpalu, contrôlé positif, qui devient technicien d'Aleksey Poltoranin, lui-même attrapé par la patrouille, interpelle. Surtout quand Therese Johaug, star norvégienne, subit une suspension de dix-huit mois pour l’usage – apparemment involontaire – d’un stick à lèvres qui contenait un produit interdit. « Oui, il faut prévenir mais surtout bannir à vie les tricheurs. On a une incapacité à mettre dehors ceux qui ont déjà été pris la main dans le sac. Finalement, qu’ont-ils à perdre à se doper quand ils sont réintégrés si facilement dans les encadrements ? », dénonce le fondeur isérois Robin Duvillard.
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« Chez les skieurs français, personne ne prend régulièrement des médicaments ».
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Dès lors, il est parfois bon de rappeler que les athlètes ne ressemblent pas toujours au commun des mortels, entre une hygiène de vie et des physiologies souvent exceptionnelles. « On a parfois des données sur-
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je suis contrôlé « Il y a deux types de contrôle : ceux pendant les compétitions, avant ou après les courses, et les contrôles inopinés, à la maison ou en période de stage. Pendant les compétitions, on a des contrôles d’avant course qui sont principalement des contrôles sanguins. C’est la prise de sang classique, comme chacun la connaît, avec un seul échantillon. Puis, il y a les contrôles d’après-course qui sont plus longs et contraignants. Ils concernent les trois premiers du classement et deux athlètes au hasard. En général, il y a contrôle sanguin avec quatre flacons et contrôle urinaire avec deux échantillons. Un chaperon nous emmène dans un bâtiment dédié, on doit signer l’acceptation de prise en charge puis on entre dans la salle de prélèvement dans laquelle il y a le contrôleur. Le contrôleur vérifie qu’il n’y a pas une poche cachée lors du contrôle urinaire. Cela peut être gênant pour certains athlètes. C’est un protocole médical classique. Il y a un gobelet à remplir. On ouvre ensuite les scellés, on choisit une box qui contient deux boîtes en verre et on les remplit. Avant de pouvoir sortir, il y a de nombreux papiers à remplir qui sont vérifiés plusieurs fois pour être bien sûr que tous les échantillons portent le même numéro. C’est une procédure lourde qui dure jusqu’à une heure et demie. Pour les contrôles inopinés, il y a en général sang et urine. Cela peut se faire toute l’année. On sent qu’il y a un certain ciblage, notamment pendant les périodes de stage pour toucher un maximum d’athlètes en même temps. Ce contrôle inopiné se fait grâce au calendrier Adams. »
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dopés », considérant tous les champions comme des machines trop performantes pour être honnêtes. Sans parler de ceux qui, en fonction de leurs intérêts, retournent leur veste.
••• Une interrogation qui en soulève d’autres dans un contexte où la renommée et les enjeux économiques du sport-business constituent inévitablement de puissants moteurs au désir de gagner à tout prix. Le dopage a-t-il un caractère social ? Certains compétiteurs sont-ils plus vulnérables ? Oui, selon Neil Robinson, « certains athlètes se dopent pour faire face à la misère sociale de leur entourage. En Afrique ou dans certains territoires reculés de Russie, les primes gagnées par certains coureurs d’endurance permettaient de faire vivre un village entier. Dans ces pays, l’information et la prévention sont quasiment inexistantes ». Pire, la volonté d’agir de certaines nations est parfois remise en question quand le sport représente l’une des vitrines du pays, ce qui ajoute à la complexité du dopage une dose d’ambiguïté. « Les rivalités entre grandes puissances et les enjeux économiques dépassent la lutte antidopage. Regardez avec Poutine [le président russe, N.D.L.R.]. On a parfois envie de baisser les bras. Il faut peut-être juste se dire qu’on est des intermittents du spectacle », affirme Robin Duvillard. Et dans une société qui fait justement la part belle à l'entertainment, le public incrédule apparaît scindé en deux camps. D’un côté, ceux qui refusent de savoir ou de voir, hystérisés par les exploits inouïs des champions ; de l’autre, ceux qui alimentent le discours du « tous
UN SYSTÈME À REVOIR Finalement, quel sens donne-t-on au sport de haut niveau face à tant de contradictions ? Astrid Guyart, championne de France d’escrime et coprésidente du Comité des athlètes au sein de l’AFLD, tente une réponse : « Je ne suis pas sûre que ce soit le grand public qui demande plus. Il y aurait autant de monde au bord des routes si on demandait aux cyclistes de rouler cinquante kilomètres de moins par jour sur le Tour de France. Plus on demande à l'athlète, plus on le pousse à jouer avec les seuils autorisés. C’est tout un système, et notamment les organisateurs de compétitions, qui doivent se remettre en cause ». Un système qui garde pourtant, en tête de gondole, la devise olympique : « plus vite, plus haut, plus fort ». Alors, jusqu’où aller dans ce culte cher à Pierre de Coubertin ? « La performance n’est pas seulement dans les records, elle se trouve aussi dans la beauté d’un effort vrai, privé d'artifice. Le sport, c’est la compétition, mais c'est aussi le respect des autres, le vivre-ensemble, le partage d'émotions fortes et réelles, c'est se montrer en tant qu’être humain qui cherche à se dépasser », conclut, philosophe, Maurice Manificat. n
Le respect du corps de l'athlète doit redevenir l'élément n° 1 Médecin de l’Institut national des sports et du Tour de France dans les années soixantedix, Jean-Pierre de Mondenard est l’auteur de nombreux ouvrages sur le dopage, dont le Dictionnaire du dopage [Éditions Masson, 2004]. Son regard acéré sur la lutte anti-dopage en fait un expert à l’œil critique. NORDIC MAGAZINE L’image du fondeur
autrichien Max Hauke, arrêté une aiguille dans le bras, vous surprend-elle ? Jean-Pierre de Mondenard Absolument pas. La transfusion sanguine existe depuis les années soixante-dix dans le milieu du ski de fond. Dans ce sport d’endurance, avec des contraintes physiologiques proches de celle du cyclisme, tout ce qui va augmenter le transport de l’oxygène et donc le nombre de globules rouges va être recherché. Et c’est le premier rôle des transfusions. Ce qui choque ici, c’est que l’image soit diffusée auprès du grand public. Existe-t-il des avancées de la lutte antidopage ? Oui. Mais elles professionnalisent encore plus le camp du dopage. Il y a une carence 28
des institutions qui souhaitent simplement faire peur aux sportifs, mais n’ont pas les moyens de les épingler. Un contrôle négatif devrait démontrer sans réserve qu’un athlète n’est pas dopé, ce qui n’est pas le cas, et il y a encore de trop nombreuses façons de transgresser les inspections, par exemple la surhydratation avant un test urinaire. Il y a aussi un flou énorme sur la définition du produit dopant. Par exemple, il y a un programme de surveillance à côté de la liste de l’AMA. Tous ces produits, pas systématiquement recherchés lors des contrôles, peuvent avoir un impact sur les performances. Ils ne sont considérés comme dopants que s’ils apparaissent régulièrement dans les analyses. La caféine est un bon exemple. C’est un stimulant notoire dont les effets peuvent être potentialisés par d'autres médicaments autorisés. Elle avait été interdite par le CIO de 1982 à 2004, mais l’AMA l’a retirée de la liste, sous la pression de Coca-Cola, partenaire des Jeux. Il faut des spécialistes du sport indépendants à la tête de la lutte anti-dopage et pas des politiques, soumis à la pression des lobbys.
Qu’est-ce qu’il pourrait être fait pour améliorer la lutte anti-dopage ? Ce qu’il faut remettre au centre, c’est la santé des sportifs. Quand le corps du sportif dit sa douleur, on va parfois faire une infiltration au lieu d’imposer du repos. Cela fait aussi partie du dopage de mon point de vue. Le respect du corps doit redevenir l’élément numéro 1. Ensuite, la lutte anti-dopage devrait concentrer ses moyens financiers sur la capacité à déceler les substances interdites. Tant qu’il y aura des produits indécelables, la lutte est impossible. Depuis quarante ans, les sportifs prennent des substances que les laboratoires ne trouvent pas, et les laboratoires cherchent des substances que les sportifs ne prennent pas. La médecine a de nombreux trains de retard. Même si aujourd’hui, on conserve les échantillons, tout est déjà fini. Un athlète déclaré dopé des années plus tard aura quand même eu droit aux émotions d’une victoire ou d’une médaille, aux applaudissements du public, à la reconnaissance médiatique. C’est dramatique.
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Martin Johnsrud Sundby est asthmatique depuis l'enfance. En 2016, il est suspendu deux mois pour un contrôle anti-dopage positif au salbutamol, substance que l'on trouve notamment dans la Ventoline.
Les Norvégiens sont-ils tous asthmatiques ? Depuis les derniers Jeux olympiques, le sujet fait débat. Autorisés en deçà d’un certain seuil, les médicaments contre l’asthme sont légion chez les athlètes norvégiens. La Fédération a d’ailleurs été totalement transparente, allant jusqu'à ouvrir à la presse son armoire à pharmacie. Qu’en est-il réellement de l’impact de ces médicaments sur la performance ? « Les centaines d’études réalisées montrent qu’il n’y a pas d’effet sensible dès lors que la prise ne dépasse pas les doses autorisées. On constate une augmentation très modérée de la capacité respiratoire. S’il y avait un doute sur l’impact du salbutamol, nous l’interdirions immédiatement. À des doses plus importantes, il peut y avoir un effet anabolisant, mais pas avec inhalateur ou nébuliseur dans la limite fixée par l’AMA », précise Mathieu Teoran, le directeur de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). De nouvelles recherches sont en cours en Allemagne. Comment expliquer malgré tout le nombre important d'asthmatiques dans l'équipe scandinave ? En fait, des études ont montré que l’exposition régulière au froid et le besoin de ventiler de gros débits d’air peuvent provoquer des phénomènes bronchiques et/ou allergiques, expliquant ainsi le nombre d’athlètes scandinaves touchés par cet asthme d’effort. « Bien sûr qu’un athlète asthmatique doit être soigné, mais il ne faut pas charger les doses. Peut-être qu’ici, on est vraiment à la limite, avance François Faivre, entraîneur de l'équipe de France de ski de fond. Dans la même situation, on utilisera des inhalateurs ». On constate donc des approches différentes selon les pays. Et pas seulement sur les traitements contre l’asthme : « Inversement, le comité norvégien interdit l’utilisation des chambres hypoxiques, pourtant autorisées par l’AMA, qui permettent de récréer artificiellement les conditions de l’altitude alors que nous utilisons celles de Prémanon », reconnaît le coach.
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Yannick Aujouannet On veut dépasser 60 000 spectateurs au Grand-Bornand En seulement deux éditions (2013 et 2017), la coupe du monde de biathlon du Grand-Bornand s'est fait une place dans le calendrier international. Son coordinateur général revient sur ce succès populaire et évoque les nécessaires améliorations de l'événement.
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NOUS ESTIMONS À 4 MILLIONS D'EUROS LES RETOMBÉES DE LA COUPE DU MONDE DE BIATHLON AU GRAND-BORNAND SUR LE TISSU ÉCONOMIQUE LOCAL.
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Yannick Aujouannet est le coordinateur général de la coupe du monde de biathlon organisée par Annecy/Le Grand-Bornand. Natif de Thonon-les-Bains, celui qui a fait ses études dans le sport (doctorat en biomécanique) et mené une carrière sportive en aviron était auparavant le directeur de l'office municipal des sports de la commune des Aravis, en Haute-Savoie. À ce titre, il a eu à s'occuper d’événements comme les championnats de France de ski de fond et biathlon, les finales de l'IBU Cup... Tout naturellement, l'organisation de la coupe du monde a été confiée au Haut-Savoyard. Il inscrit sa mission dans la stratégie événementielle à long terme de la station qui vit en mode quatre saisons. Tour de France, Glisse en cœur, Festival Au Bonheur des Mômes sont trois autres moments importants dans lesquels il est également impliqué. NORDIC MAGAZINE Que de chemin parcouru par l'organisa-
tion de la coupe du monde de biathlon d'Annecy – Le GrandBornand ! Après une première étape en 2013 remarquable puis une seconde en 2017, elle sera au programme des trois prochaines saisons de coupe du monde. Que vous inspire cette fulgurante progression en tant que coordinateur général de l'événement ? Yannick Aujouannet Pour faire un peu d'histoire, Le Grand-Bornand a une longue tradition du ski et d'organisation de compétitions. Par exemple, en 1995, les premiers championnats d'Europe de biathlon se sont déroulés sur le site actuel de la coupe du monde. Raphaël Poirée y avait remporté sa première médaille internationale. Le positionnement « biathlon » du Grand-Bornand est né au moment de la candidature de la ville d'Annecy pour les Jeux olympiques de 2018. En parallèle, nous avions une championne emblématique, Sylvie Becaert, très dynamique et avide de développer son sport sur ses terres. Ajoutez à cela l'envie d'accueillir une coupe du monde en France, alors même que l'IBU [la fédération internationale] en avait fait la demande à la Fédération française de ski (FFS). Nous avons postulé et avons été retenus. C'était en 2007. Dix ans plus tard, nous avons accueilli 53 000 spectateurs sur le stade Sylvie-Becaert. Comment expliquez-vous cet essor ? Depuis trois ans, une chaîne gratuite de la TNT diffuse la coupe du 32
monde, ce qui a grandement élargi l'audience ; la dramaturgie du biathlon a aussi plu aux téléspectateurs. Nous avons également des champions charismatiques, dans le sillage de Martin Fourcade. Au final, le public français s'est rapidement épris des formats de course comme des acteurs de ces épisodes. Au-delà du nombre de spectateurs, les athlètes ont aussi souligné la superbe ambiance “chaudron” de l'étape du Grand-Bornand. D'où vient-elle ? Il y a d'abord une forte culture autour du ski au Grand-Bornand où la compétition parle à beaucoup de monde. La station compte onze champions alignés sur les circuits internationaux. Ensuite, nous sommes sur un site unique au monde puisque situé au cœur du village. C'est vraiment notre particularité. C'est une force, mais aussi une faiblesse. Le stade est très compact. Sur environ 1,5 km de distance, les pistes fourmillent de virages et sont exigeantes pour les skieurs. Certains ont d'ailleurs parlé de « Monaco du biathlon » en référence à la Formule 1. Quand les spectateurs se massent tout au long du tracé, cela crée naturellement une ola qui suit l'avancée des athlètes. Modifier la piste vous pose donc des difficultés ? Nous avons des contraintes d'urbanisme à respecter sur un site utilisé seulement dix jours par an pour les compétitions. On ne peut pas prendre des mesures drastiques impactant la vie locale au quotidien le restant de l'année. Nous allons toutefois apporter des modifications sur le tracé en travaillant la sécurité, l'enneigement... Cela améliorera le spectacle sportif et la « skiabilité ». Ces changements seront effectifs sur le côté du stade dès décembre 2019. On rajoutera aussi une bosse plus longue sur la partie commune à toutes les boucles. Durant les six mois qui précèdent l'événement, comment travaille le comité d'organisation ? Concrètement, trois acteurs composent le comité : Annecy, Le GrandBornand et la FFS. Mais c'est un ensemble de services qui concourent à l'organisation de la compétition : les remontées mécaniques, la mairie, Grand-Bornand Tourisme, les services de la ville d'Annecy et la FFS via l'expertise de Christophe Vassallo. Cela doit faire du monde ? L'opérationnel a débuté en septembre en agglomérant de plus en plus de gens au sein du comité d'organisation composé d'une trentaine de personnes au départ pour monter jusqu'à 750 personnes durant l'événement. Le tout réparti en cinq commissions : la logistique et les ressources humaines qui sont les plus importantes, la partie sportive, l'accueil du public et la communication.
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Yannick Aujouannet est à la tête d'une petite armée de 750 personnes au plus fort de la coupe du monde de biathlon.
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Nous sommes des petits dans le circuit. Antholz par exemple a quarante ans d'expérience ; l'étape est organisée par trois villages de la vallée qui se sont unis pour faire un joli rendez-vous qui attire 80 000 à 90 000 personnes. Notre histoire avec la coupe du monde ne remonte qu'à 2011 [une première édition qui a dû être annulée, N.D.L.R.] ! Mais l'envie de tirer notre épingle du jeu est grande. Nous avons à cœur d'exister et de valoriser notre savoir-faire, de tenir notre rang et de devenir récurrents dans le calendrier de la coupe du monde. L'IBU nous a ouvert une porte, nous n'avons pas envie qu'elle se referme ! C'est le challenge de toutes nos équipes en termes d'implications, de compétences et de travail. L'objectif est clair : nous devons dépasser les 60 000 spectateurs, en préservant notre personnalité.
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Quand vous regardez le calendrier de la coupe du monde, quelle étape vous donne envie ? Personnellement, Anterselva me plaît beaucoup. La population de la vallée italienne et celle du Grand-Bornand sont équivalentes. Nous partageons aussi une culture de la gastronomie, de l'accueil...
Cette responsabilité impose aussi le respect du cahier des charges de la fédération internationale. Y a-t-il encore de la place pour la négociation ? Il n'y a pas lieu de négocier avec l'IBU. On doit satisfaire au cahier des charges lié à la licence A du stade qui permet d'accueillir une coupe du monde. On y trouve, en plus des exigences sportives, l'accessibilité, les hébergements pour accueillir les 800 personnes de la « caravane IBU ». L'organisation de la coupe du monde doit répondre à une exigence qualitative élevée qu'on renforce encore en s'inspirant des points forts de l'un ou l'autre des comités d'organisation du circuit. Chacun essaye de faire de son mieux et, forcément, nous sommes toujours comparés aux événements emblématiques de la coupe du monde.
Justement, en parlant d'accueil, comment formez-vous les bénévoles pour qu'ils répondent aux différentes attentes qui ne manqueront pas de s'exprimer lors de l'événement ? Nous avons la chance de bénéficier d'un vivier de bénévoles important, compétents et motivés. Ils sont originaires à la fois de la commune mais également du bassin de vie d'Annecy. Nous avons aussi des volontaires de Paris, Brest... Nous considérons ces 750 personnes comme de vrais professionnels donnant le meilleur d'eux-mêmes. Ils nous apportent de nombreuses compétences. Sans eux, rien ne serait possible. Nous formons une grande famille qui vit un moment solidaire autour de cette coupe du monde. Au Grand-Bornand, un service de ressources humaines est désormais dédié à 100 % à ces volontaires. C'est un confort devenu essentiel.
Justement, Le Grand-Bornand joue dans la même cour que Ruhpolding, Anterselva ou Oberhof. Comment exister à côté d'eux ?
Certaines équipes ont-elles déjà joué les divas ? Non. Nous n'avons pas encore connu cela. Les biathlètes sont tous
Le comité d'organisation atteint 750 personnes au cœur de l'événement. 34
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L'Italien Lukas Hofer et un technicien de la Squadra
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Azzura prennent possession des lieux. Le stade Sylvie-Becaert est implanté au cœur de la station hautsavoyarde. Les coachs sont en place sur le pas de tir lors d'un entraînement. Au pied des Aravis, Martin Fourcade est une star. À domicile en 2017, il avait offert une victoire à son public. Le « chaudron » du biathlon : au Grand-Bornand, les spectateurs sont proches des athlètes dont ils suivent avec ferveur les exploits. Deux bénévoles au bord de la piste . L'étape tricolore de la coupe du monde de biathlon profite d'un environnement exceptionnel car préservé (ici, Selina Gasparin).
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••• dans des cadres fédéraux ; ils ont du respect pour ceux qui les reçoivent. Ils savent ce que c'est d'organiser des courses. La culture nordique est aussi humble. Ceci dit, nous avons des demandes en termes de transport ou de qualité d'hébergement. C'est normal et nous les satisfaisons. Après les deux étapes de 2013 et 2017, à combien estimez-vous les retombées économiques et touristiques ? C'est très difficile à déterminer. Si on se base sur une étude du droit du sport datant de 2007 établie après la coupe du monde de rugby en France, on considère qu'un spectateur qui se déplace sur un événement sportif dépense entre 45 et 75 euros. Sur une fourchette basse, en intégrant l'hébergement, l'affluence sur la station, la restauration, les locations sur lesquelles nous avons une vision partielle, nous estimons à 4 millions d'euros les retombées sur le tissu économique local. Ce qui permet pratiquement d'autofinancer le budget de fonctionnement de la coupe du monde qui est d'environ 2,6 millions d'euros. 70 % de nos ressources proviennent de budgets privés mais nous restons dépendants des 30 % d'aides publiques émanant du Département de Haute-Savoie, de la Région
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Auvergne-Rhone-Alpes, du CNDS et des deux collectivités que sont Annecy et Le Grand-Bornand.
La problématique du réchauffement climatique est au cœur des préoccupations des organisateurs d'événements de sports d'hiver. Quelle réponse apportez-vous ? On sait aujourd'hui réduire le risque d'annulation avec trois sources d'approvisionnement en neige : neige naturelle sur le site, neige artificielle avec nos quinze enneigeurs sur le stade appuyés par une réserve de 350 000 m3 d'eau et snowfarming réparti sur trois sites qui permet de stocker à pleine capacité 48 000 m3 pour un site qui demande, en configuration minimale de 2,5 km, 25 000 m3. Quel que soit l'organisateur, aucun n'est épargné par cet enjeu. En 2016 et 2017, Antholz a pu de justesse maintenir les épreuves alors qu'ils occupent la date idéale de fin janvier et qu'ils profitent d'une altitude plus élevée ! L'après Martin Fourcade vous inquiète-t-il en termes d'affluence ? Le public sera-t-il toujours aussi nombreux ? C'est un champion qui tire vers le haut le biathlon et dont la notoriété dépasse le cadre de son sport. Mais l'histoire a montré qu'après le départ de grands champions comme Raphaël Poirée ou Sandrine Bailly, d'autres ont pris le relais. J'ai le sentiment que le public sera mature et suffisamment connaisseur pour apprécier de voir en décembre au Grand-Bornand tous les athlètes... et pas seulement Martin. n
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Yannick Aujouannet (ici avec une partie de son équipe rapprochée) se penche sur les modifications apportées à la piste.
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La Suisse va avoir son musée du ski
Dario Cologna skieur suisse teste ses skis.
L'impressionnante collection de Laurent Donzé, riche de 3 000 paires de ski, parmi lesquelles celles de Martin Fourcade et Petter Northug Jr, va être exposée sur 300 m2 au Boéchet, dans le Jura Suisse. 38
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Souvent, la quête du Graal s'apparente à une petite aventure agrémentée d'une part de hasard ou de chance. Pour les skis de la légende norvégienne par exemple, la transaction s'est jouée... dans un bar, un samedi soir de coupe du monde à Davos ! « On s'est retrouvé dans le même bistrot que les techniciens norvégiens à qui j'ai payé une tournée, puis une autre à leur chef Anders à qui j'ai expliqué mon projet de collection, raconte, tout sourire, Laurent Donzé. Il m'a dit : “Pas de problème, je demande à Petter demain, tu n'as qu'à passer au camion vers 11 heures”. J'y suis allé sans grande attente après cette soirée un peu arrosée. Finalement, il m'a donné les skis et Northug les a signés ! »
DES MARQUES QUI N'EXISTENT PLUS D'ailleurs, le défricheur de trésors ne manque pas de remercier ses donateurs. « L'année suivante, j'ai offert l'apéro aux techniciens dans le camion des Norvégiens : vin blanc et tête de moine ! Ça peut être utile un jour ! »
« C'est un cadeau de la vie, un moment extraordinaire comme on en vit rarement dans une existence ». Laurent Donzé n'en revient toujours pas. Son exceptionnelle collection de skis, jusqu'ici soigneusement “entassée” dans la grange de sa maison du village des Bois, aura bientôt pour écrin un grand musée du ski. Il doit cette bonne nouvelle à un couple d'amis du village voisin, Andrée et Dominique Guenat, propriétaires de l'ancien restaurant de la gare du Boéchet, charmant bourg des Franches-Montagnes, au cœur du verdoyant Jura suisse. Et si la vieille bâtisse se métamorphosait en un espace dédié à l'histoire du ski ?, lui suggèrent-ils. « Je n'en ai pas dormi pendant trois nuits », se souvient, les yeux encore brillants, l'heureux collectionneur. Dès ce printemps ont donc débuté de lourds travaux de démolition à l'intérieur de la grande maison qui abritera, outre le musée, un grand appartement attenant. Au total, près de 300 m2 répartis sur trois niveaux seront dédiés à l'exposition. Commencée il y a plus de quarante ans pour garder une trace de l'évolution du matériel, la collection de celui qui préside aussi Romandie Ski de Fond n'a cessé de grandir, accueillant également des skis alpins en plus des spatules nordiques. Aujourd'hui, le Franc-Montagnard estime à 3 000 le nombre de paires de skis entreposées chez lui. Celles-ci peuvent avoir appartenu à des athlètes renommés : Martin Fourcade et Petter Northug Jr parmi les plus récents.
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Des skis en réel... et en virtuel
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e futur musée du ski des FranchesMontagnes viendra compléter la longue liste des musées où l'on peut admirer des paires de ski. Ils sont très nombreux à travers le monde, du Holmenkollen Ski Museum d'Oslo au Japanese Ski Museum de Nagano, en passant par le Schwarzwald Skimuseum d'Hinterzarten. Plus près de nous, il y a le Musée du ski et de la tradition rousselande installé au Centre d'accueil du Grand Tétras aux Rousses (39). On y trouve une collection de paires de ski de 1850 à nos jours, des
luges, des bobsleighs et tout autre matériel de sports d'hiver. Dans l'une des plus belles salles voûtées de la Maison de la Reine Margot à Besseet-Saint-Anastaise (63), est présentée une intéressante collection de skis en bois recueillis dans toute l'Europe. Là aussi sont évoquées les origines du ski, 2 500 ans avant J.-C., et l'avènement du ski à Besse, au début du XXe siècle. Le Musée du ski ancien de La Chapelle d'Abondance (74) mérite aussi le détour. En France, citons encore le Musée Dauphinois à Grenoble, la Maison des Jeux
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Des anecdotes comme celles-ci, l'hôte des lieux en a mille en poche. Les skis utilisés sur la coupe du monde revêtent un caractère précieux, comme, bientôt, ceux du triple champion olympique helvète Dario Cologna (« Son papa m'a garanti une paire lors des Mondiaux de Seefeld »). Les visiteurs sont curieux de ces anecdotes : « Les skis de Thomas Wassberg [quadruple champion olympique suédois] ou Vegard
olympiques à Albertville, le Musée alpin à Chamonix, le Musée national du sport à Nice... En Suisse, signalons le Musée olympique de Lausanne, le Wintersport-Museum de Davos, la collection de Jürg Hess dans le canton de Saint-Gall, celle de Toni Hischier à Oberwald, le Musée du Ski Geiser à Tramelan... Enfin, des musées virtuels ont été mis en ligne sur Internet, à l'exemple du site suisse de Luzi Hitz et Pierre Schneider, que l'on peut visiter à l'adresse suivante : www.swissskimuseum.com
Ulvang [un Norvégien triple champion olympique de ski de fond à Albertville] génèrent encore de belles émotions chez les plus anciens. » « Mais tout n'est pas exposable, précise Laurent Donzé. Il faudra procéder à un tri pour bien montrer l'évolution technique et matérielle. Je me rends compte que me débarrasser de certains modèles est aussi difficile que de les collectionner ! » C'est que, depuis quatre décennies, un réseau constitué d'amis, de techniciens, de commerciaux des marques de skis l'a aidé à réunir ce véritable trésor. Parmi les spatules exposées, certaines sont des reliques de marques aujourd'hui disparues : Splitkein et Landsem de Norvège, Sundins, Edsbyn, Sandström de Suède, Grand Chavin de France, Müller et Nidecker de Suisse. Nombreuses sociétés n'ont pas survécu au passage de la semelle bois à la semelle plastique. « Ce nouveau matériau, les fibres et les colles demandaient de maîtriser une autre technologie que celle du bois », précise le spécialiste. Nombre de marques historiques du ski n'étaient pas prêtes pour ce virage technique. Les meilleurs skis de fond en bois provenaient généralement des pays nordiques puis, avec l’arrivée des polymères, les pays alpins ont repris le marché du ski de fond, avec notamment Fischer, Kneissl, Blizzard, Atomic, Rossignol et plus récemment Salomon. « Je n'aurais jamais imaginé en faire un musée et, grâce à Andrée, on est devant un projet qui va changer ma vie de néoretraité. »
OUVERTURE EN 2021 OU 2022 Concrètement, entre les travaux de rénovation et la réflexion muséologique – pour laquelle Laurent Donzé a déjà suivi une sérieuse formation –, le musée pourrait ouvrir ses portes courant 2021, voire 2022. « J'ai encore de la peine à imaginer la nouvelle piste sur laquelle je
Laurent Donzé et Andrée Guenat dans la “grange-musée” de la maison du collectionneur. 40
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Laurent Donzé a déjà exposé
Samse, une histoire d’hommes et de femmes.
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CABINET D'ARCHITECTE ÉTIENNE CHAVANNE SA
À la fin des années 1990, quand sa collection a commencé à prendre de l'ampleur, Laurent Donzé s'est demandé comment la partager auprès du plus grand nombre de personnes. C'est ainsi qu'est née l'idée des expositions temporaires et itinérantes dont la première, “Sur les traces du ski de fond”, s'est tenue au musée d'histoire de la ville de La Chaux-de-Fonds (Suisse). De nombreuses autres ont suivi au Musée olympique de Lausanne, au Musée suisse des sports à Bâle, sur des événements comme le marathon de l'Engadine, des étapes du Tour de ski à Lenzerheide, de la coupe du monde de ski alpin ou lors des Jeux olympiques de Salt Lake City et Vancouver.
Construisons ENSEMBLE votre avenir.
Le bâtiment qui abritera l'impressionnante collection de Laurent Donzé.
m'engage, mais je le fais avec enthousiasme et motivation », souligne l'ancien skieur. En parallèle à la mise aux normes du bâtiment, il conviendra de définir la méthode la plus adéquate pour présenter les différents objets au grand public, histoire de lui offrir un voyage dans le monde du ski, de ses origines à nos jours. L'exposition longue durée côtoiera des espaces temporaires, ludiques et évolutifs tournés vers le futur et ses innovations. Avec, à terme, l'objectif de doter le territoire suisse, pays du ski par excellence, d'un musée référence au niveau national, voire européen. Il deviendrait également un atout touristique pour Jura Tourisme, estime son directeur Guillaume Lachat : « Le nouvel élan constaté autour des pratiques nordiques dans notre région devrait se reporter sur le musée du ski. Jura Tourisme se réjouit de cette nouvelle offre ». Swiss-Ski est déjà prêt à collaborer sur différents plans : patronage d'athlètes, fournir quelques pièces exceptionnelles de l'élite nationale, impliquer les ski-clubs... Autant d'atouts réunis pour faire rayonner la culture du ski dans un pays montagnard. n
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Le groupe Samse soutient le ski nordique en France.
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Instagram Le réseau qui a du poids Tous les athlètes – ou presque – ont un compte sur le réseau social Instagram qui appartient, depuis 2012, à Facebook. Des milliers d'abonnés les suivent. Une audience qui suscite l'appétit des sponsors et qui conduit, petit à petit, vers de nouvelles règles du jeu.
Quelques-uns des « posts » publiés cet été sur Instagram par les skieurs.
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INSTA, C'EST THE PLACE TO BE. SA PARTICULARITÉ : PEU DE TEXTES, MAIS DES VIDÉOS ET SURTOUT DES PHOTOS.
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Les stars du nordique sont, à quelques exceptions près – ne cherchez pas le fondeur Clément Parisse, il n'y est pas –, toutes présentes sur Instagram, le nouveau réseau social à la mode. Lucas Chanavat qui fait le poirier devant le pont de Brooklyn lors de son séjour aux États-Unis, Laurent Muhlethaler qui abat un mur dans son nouvel appartement, Maurice Manificat et son fils devant un gâteau d'anniversaire, Antonin Guigonnat qui plonge dans le lac d'Annecy ses ski-roues au pied : elles se racontent au quotidien. Des « posts » qui permettent de donner de leurs nouvelles à leur communauté. Des cartes postales qui n’ont rien d’anodines. Si entretenir un lien constitue le cœur de la motivation des sportifs 2.0, leurs sponsors – le plus souvent personnels – ne sont jamais loin. Ils peuvent être cités via un hashtag ou un tag, apparaître subtilement ou carrément prendre toute la place dans la photo. C'est une paire de lunettes, une voiture prêtée par un concessionnaire, une boisson énergisante pour lesquelles le logo bien identifiable n'échappera pas au regard du consommateur internaute. Il y a quelques années, les athlètes se servaient d'un site internet ou plus modestement d'un blog pour communiquer. Rares sont ceux qui, aujourd’hui, continuent de le mettre à jour. C'est encore le cas de Baptiste Gros, Anouk Faivre-Picon... ou encore Maurice Manificat. Des Mohicans du « .fr ». « C'est peut-être Old School, mais je sais que certains supporters sont encore attachés à la lecture d'un site web », argumente le chef de file du ski de fond tricolore. Facebook a alors joué les remplaçants. Les sportifs, les équipes fédérales ou encore les teams y ont créé des groupes et des pages officielles. Désormais, c'est Instagram qui a pris la relève de manière spectaculaire.
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Avec son milliard d’utilisateurs, il connaît un succès grandissant chez les jeunes qui apprécient aussi Snapchat pour des échanges plus privés. « Insta », comme on l’appelle, c’est donc THE place to be. Sa particularité : peu de textes, mais des vidéos et surtout des photos. « Étant un réseau social basé sur le contenu publié par les différents acteurs, il est normal qu’il soit aujourd’hui le plus “trendy”. C’est aussi celui choisi par la plupart des athlètes et personnalités publiques pour s’exprimer au quotidien, ce qui draine un grand nombre de “followers” », décrypte Antonin Liverset, content manager chez le fabricant de lunettes Julbo.
VIE PUBLIQUE, VIE PRIVÉE Les Instagrameurs varient entre stories (contenu disponible pendant vingt-quatre heures) et « posts » classiques. « J’utilise les posts pour de belles images et les stories pour ma vie de tous les jours », distingue le combiné japonais Akito Watabe. Certains profils prennent un soin particulier à proposer des clichés que ne renieraient pas des photographes professionnels quand d’autres sont davantage préoccupés par l’immédiateté. C'est plus « amateur », mais moins sophistiqué. Plus authentique, se défendront-ils. L’utilisation que chaque compétiteur fait d’« Insta » varie. Il y a ceux qui publient pour « partager avec [leurs] fans et aussi mettre en avant [leurs] sponsors », comme le décrit encore le combiné. Pour d’autres, comme l'indique le sauteur français Jonathan Learoyd, « c'est un bon moyen de se mettre en avant en tant que sportif. » Qu’il s’agisse du saut à ski, sa discipline... ou du golf. « Mon profil Instagram est dédié à mon côté athlète de haut niveau, explique le Franco-britannique. J’ai aussi un compte privé, ce qui me permet de bien séparer les deux. » Le nouveau champion de France U20 de la mass-start, Quentin Joly, est lui aussi présent en deux endroits : d'un côté il y a son album personnel ; de l'autre un lieu où ce passionné de photographie expose sa production (@jolypics). Des événements de la vie privée comme un mariage, une naissance, un déménagement... ont aussi droit de cité. C’est l’occasion pour certains, comme le combiné jurassien Laurent Muhlethaler, de montrer qu'un athlète sait « faire autre chose de [ses] dix doigts. » Partager ses souvenirs de vacances ne le rebute pas car, selon lui, celles-ci font partie intégrante de son métier. « Le repos, c’est aussi un critère important dans une préparation », justifie-t-il. Dans l’image, tout est sens. Même inconsciemment, un post sera orienté et les spécialistes arrivent à en décryp
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Des nordiques n'apparaissent pas seulement en tant qu'athlètes sur Instagram. C'est le cas du Bornandin Lucas Chanavat.
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ter les caractéristiques. Michael Stora est psychologue et psychanalyste. Il a fondé l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines. Pour lui, « Instagram est là pour que chacun puisse glorifier sa personne ». « Le but est de se valoriser narcissiquement », soutient-il. Les athlètes nordiques ne font pas exception, même s'ils se mettent en avant surtout en tant que sportif de haut niveau. C’est-à-dire qu’ils nous dévoilent leur corps, leurs émotions, bref leur vie quand ils sont à l’entraînement ou en compétition. Dans ce cas, leur famille est par exemple la grande absente. C'est le cas du compte officiel de Simon Desthieux. Tout juste peut-on le surprendre avec sa compagne, biathlète en équipe de France comme lui, lors d'un trek au Népal. Les « beaux gosses » du nordique dérogent à la règle. Citons le Français Lucas Chanavat en ski de fond ou l’Italienne Dorothea Wierer en biathlon. « Ils nous montrent une dimension plus courante d’un profil », observe Michael Stora. À savoir que ces deux athlètes s'exposent loin des skis et des pistes enneigées. Mais de manière très soignée. Réfléchie. Valorisante. D’autres optent pour le second degré. C'est le cas de la star norvégienne Johannes Hoesflot Klæbo. « Il n’est pas que dans la glorification de son corps, il met en avant une touche d’humour », analyse le psychologue. Un langage également présent dans les vidéos que le prodige scandinave publie sur YouTube. Même tonalité pour Antonin Guigonnat. « Barbe blonde ou rousse ? PS : ceux qui disent roux, je vous unfollow et je vous bloque sur Insta », s’amuse ainsi le biathlète de Morzine.
UN ENJEU ÉCONOMIQUE « Je ne veux pas faire un truc trop sérieux, comme sur ma page Facebook, témoigne le fondeur de La Clusaz, Hugo Lapalus. Je veux montrer ce que je fais, mais avec un peu de recul et de fun. » Du coup, le jeune homme de 21 ans n'a pas de règle de conduite. « Je poste des photos quand j'en ai et que je les trouve sympas », dit-il. Il admet toutefois s'imposer des limites. Pas question d'écorner l'image de son sport ou de ses soutiens. En fait, le Montblanais veut se présenter tel qu'il est en réel : « Les gens qui ne me connaissent pas me voient comme je suis. Du coup, j'essaie au maximum de mettre des trucs qui me ressemblent. Et je trouve cela bien », glisse-t-il. Michael Stora nuance quelque peu. Selon lui, le public qui « like » les messages ne s’intéresse pas à des personnes « lambda ». « On aime la photo d’un sportif, on apprécie davantage sa performance
Sur Instagram, Martin Fourcade compte 400 000 abonnés, Johannes Thingnes Boe 205 000. 46
Le jeune fondeur jurassien Quentin Joly exprime sa passion pour la photographie sur Instagram.
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que sa personne », observe-t-il encore. C’est en cela que Wierer ou Chanavat sont différents. Pour accroître son fan-club, publier régulièrement est une règle. 365 jours par an, Martin Fourcade s’adresse ainsi à ses 400 000 abonnés. Quentin Fillon-Maillet en a 36 000, Justine Braisaz 22 000, Émilien Jacquelin 14 000, Lucas Chanavat 12 000, Jonathan Learoyd 11 000... Parmi ces milliers de personnes, plusieurs nationalités se croisent. Ainsi Richard Jouve, Renaud Jay, Tom Mancini, Jovian Hediger et autres francophones s’expriment-ils en anglais afin de s’adresser au plus grand nombre. Une telle audience a de la valeur, et les acteurs économiques en ont rapidement pris conscience. « Les athlètes sont un élément clé de notre visibilité sur les réseaux sociaux, admet Claire Grosdidier pour Rossignol Apparel. Ils reflètent les valeurs de la marque. » Dès lors, mieux vaut ne pas s'emmêler les pinceaux : « Nous leur demandons une certaine cohérence, notamment dans le cas d’un lancement de campagne. Dans ce cas, nous leur indiquons les visuels et le message les plus appropriés. Mais nous les laissons toujours libres. » Et d'ajouter : « Cela étant, la plupart d’entre eux sont demandeurs d’informations précises. Ils sont très impliqués et ont vraiment à cœur de “bien faire”. Ils sont souvent moteurs et nous recevons régulièrement des demandes ou propositions de leur part pour poster telle ou telle photo ou vidéo. » « La visibilité est souvent décuplée grâce à l’athlète qui est au cœur de notre prise de parole, mais aussi du développement de nos produits. Ils sont donc les premiers ambassadeurs de notre entité », avance Antonin Liverset. Chez Julbo, des « guidelines » ont ainsi été créées parmi lesquelles figurent : porter uniquement des lunettes disponibles en collection, identifier les bons comptes sociaux de la marque, utiliser les hashtags correspondant aux campagnes de marketing en cours, etc.
INTÉRÊTS DIVERGENTS En devenant de vrais influenceurs, fondeurs, biathlètes et autres sauteurs ont ouvert la boîte de Pandore. Dans ses publications, à quel moment un sportif portant les couleurs d’une équipe nationale doitil mettre en avant ses partenaires plutôt que ceux de sa fédération ? En Norvège, la star Johannes Hoesflot Klaebo a négocié ferme avec les instances de son pays pour ne pas se retrouver les poings liés. En Russie, les biathlètes Alexander Loginov, Dmitry Malyshko, Anton Babikov et Matvey Eliseev ont conditionné la signature de leur contrat à une règle du jeu claire. « Nous avons trouvé un moyen de soutenir les athlètes, leurs sponsors personnels et, en même temps, de ne pas nuire à la RBU elle-même, qui a ses obligations », s’est félicité, fin août, Vladimir Drachev, président de la Fédération russe de biathlon. C'est que les sommes en jeu et les intérêts commerciaux sont importants. Ce genre d’affaires ne risque pas de s’estomper avec le temps. Autre effet : la valeur d'un sportif, durant sa carrière mais aussi audelà, ne dépend plus seulement de son palmarès. : « Certains ont de la visibilité grâce à leurs résultats quand d’autres vont l'obtenir sur le web grâce à leurs réseaux sociaux », confirme Antonin Liverset. Le taux d’engagement et bien sûr le nombre d’abonnés, fans ou followers sur Instagram, Facebook ou Twitter ont désormais de la valeur pour les entreprises en quête d'ambassadeurs. Instagram offre, enfin (et c'est tant mieux), la possibilité de garder le contact avec une personnalité quand sa carrière est terminée. Elle a raccroché la carabine depuis plus d'un an, mais Marie Dorin-Habert continue ainsi à parler à ses 38 500 abonnés. « Ce coup-ci, c'est la vraie Marie qui tient ce compte », prévient-elle. Pas étonnant alors de « liker » les carottes qu'elle a fait pousser dans son potager du Vercors. n
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Une pommade pour les lèvres l'a bannie, durant de longs mois, des courses de ski de fond. Accusée de dopage, la star norvégienne est revenue il y a un an après avoir purgé sa peine. Depuis, elle n'a cessé de gagner. Entretien.
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Elle est une icône. En Norvège, où elle est née, mais aussi sur la planète nordique. C'est que la blonde Therese Johaug est une championne. Trois médailles aux Jeux olympiques, dix titres de championne du monde, vingt-huit victoires en coupe du monde, dont elle a remporté le classement général en 2014 et 2016. La Scandinave de 31 ans n'est pas seulement une sportive au palmarès exceptionnel. Elle s'impose aussi en icône de la mode. En 2012, elle lance sa propre ligne d'accessoires (des gants qui sont immédiatement adoptés par les Américaines Sophie Caldwell et Jessica Diggins, la Finlandaise Krista Pärmäkoski ou encore la Suisse Seraina Boner) et, en 2015, sa première collection de vêtements. La skieuse qui a grandi dans une ferme à Dalsbygda, près d’Os dans le comté de Hedmark, ne joue pas les potiches ou les prête-noms, s'impliquant lors de l'élaboration des croquis, dans le choix des matières et des couleurs. Son credo : « allier fonctionnalité et style de vie à travers des matières innovantes, des coupes nettes et féminines », mais aussi ces petits détails appréciés par les sportives. Dès lors, il est aisé d'expliquer la notoriété de la jeune femme. Quand Therese Johaug officialise sa relation avec le rameur Nils Jakob Hoff, également médecin à l'hôpital de Lillehammer, la presse s'empare d'ailleurs de l'information, comme elle s'empresserait de le faire pour n'importe quelle actrice ou chanteuse en vogue. Même un incident de parcours ne réussit pas à ternir une image de papier glacé. Ainsi, quand elle est suspendue dix-huit mois pour s'être
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dopée – en 2016, elle a été contrôlée positive au stéroïde anabolisant clostebol après avoir utilisé une pommade pour soigner ses lèvres brûlées –, ses sponsors ne l'abandonnent pas. Et ils sont nombreux à lui rester fidèles dans la tempête : la marque suédoise d'électroménager Asko dans les locaux duquel elle tiendra sa première conférence de presse après son exclusion, Huawei, Colgate, United Bakeries, TAG Heuer (via Nortime), Strawberry Girl... Saltdalshytta, le plus grand constructeur de chalets du royaume, officialise même son partenariat après la sentence du Tribunal arbitral du sport. C'est dire. « Nous soutenons Therese en tant que personne. (...) Nous sommes tombés amoureux d'elle, comme le peuple norvégien a succombé », justifie son dirigeant dans une interview au grand quotidien VG. Seul l'équipementier autrichien Fischer prend alors un peu de champ médiatique en raison d'une clause figurant dans le contrat. Mais il reste en contact avec sa star. Même Marit Bjoergen, légende vivante du ski de fond, lui témoigne publiquement son soutien. Bannie, Therese Johaug a manqué les Mondiaux 2017 et les JO 2018. Mais elle n'a pas raté son retour sur les spatules. Selon son compagnon, le purgatoire l'aurait même bonifiée : « Elle est devenue beaucoup plus calme », confesse-t-il. L'hiver dernier, elle a gagné trois nouvelles médailles d'or aux championnats du monde de Seefeld, en Autriche, s'est offert un petit globe de cristal... et elle a même décroché le titre national du 10 000 m en athlétisme durant l'été.
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Therese Johaug après sa victoire lors de la mass-start des Mondiaux de Seefeld, le 2 mars 2019.
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MA MÈRE M'A DIT : « TU ES EN BONNE SANTÉ, TA FAMILLE VA BIEN ET PERSONNE N'EST MORT. » mieux. En fait, il faut vraiment savoir prioriser les choses pour ne pas être dépassée.
••• NORDIC MAGAZINE Si l'on vous présente comme une star
mondiale du ski de fond et une femme d’affaires, est-ce que cela vous va ? Therese Johaug : Je suis juste une fille originaire d’un village norvégien situé à la campagne qui s’appelle Dalsbygda [dans le comté de Hedmark. L'athlète vit actuellement à Oslo, N.D.L.R.]. Je suis fière de parler son dialecte local et de vivre avec les valeurs qu’on m’a enseignées là-bas en grandissant. Une fille de la campagne certes, mais vous ne pouvez ignorer votre statut de grande championne d'une discipline phare en Norvège, ni votre société de prêt-à-porter. Vous devez être bien occupée. J’ai la chance d’être bien entourée par de nombreuses personnes qui sont là pour m’aider. Quant à moi, j’essaie toujours de faire de mon
Plus jeune, qui ont été vos modèles ? Qui vous a donné l’envie de pratiquer le ski de fond ? Sans hésiter, Marit Bjoergen [Par son palmarès, elle est la meilleure fondeuse de l'histoire, N.D.L.R.].
Pour ressembler à celle qui est aujourd'hui votre amie, vous avez dû beaucoup travailler. J’aime m’entraîner dur, repousser mes limites pour devenir la meilleure athlète possible. En plus de Marit Bjoergen, vous êtes très proche d’Ingvild Flugstad Oestberg, une autre de vos coéquipières. Quelle place peut-il y avoir pour l’amitié dans une équipe de sport où le niveau est si élevé comme en Norvège ? Les coéquipiers, quel que soit le groupe où vous évoluez, sont très importants. Avec eux, on partage, comme avec nos amis proches. On apprend les uns des autres. C’est important d’être ensemble quand on s’entraîne, quand on vit de bons moments ou quand on traverse des épreuves. On est bien ensemble ! #goodtogether ! Justement, en 2016, vous avez été suspendue pour dopage après avoir utilisé une pommade pour soigner les lèvres contenant du clostebol et avez finalement manqué les Jeux olympiques de Pyeongchang. Est-ce toujours difficile d’en parler aujourd’hui ? Non, mais cette histoire est maintenant derrière moi. Tout cela fait partie de mon passé et je ne me concentre que sur l’avenir.
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Vous avez écopé d'une suspension de dix-huit mois. Comment avez-vous vécu cette peine prononcée par le Tribunal arbitral du sport ? Bien sûr, cela a été dur, voire brutal. J’ai ensuite passé beaucoup de temps avec ma famille et mes amis. Cela m’a permis de réfléchir et de voir les choses sous un autre angle. En fait, je crois que cette difficile période m’a aidée à évoluer en tant que fondeuse, mais aussi en tant qu’individu.
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Therese Johaug a remporté le Tour de ski et les Finales de Falun lors de la saison 2013-2014, le Nordic Opening et le Tour de ski de la saison 2015-2016.
Quel souvenir gardez-vous du jour où l’on vous a annoncé que votre test antidopage était positif ? Ce jour-là, je me souviens que ma mère m’a dit de me concentrer sur le fait que j’étais en bonne santé, que ma famille allait bien et que personne n’était mort. Jamais je n’oublierai ses mots ! Ces évènements ont donc eu aussi une influence sur la femme que vous êtes ?
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Therese Johaug lors de l'étape de coupe du monde à Ulricehamn, en Suède.
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Sur Instagram, Therese Johaug n'est pas qu'athlète. Elle fait aussi la promotion de ses lignes de vêtement.
••• Bien sûr. Comme je l’ai dit, cela m’a vraiment permis de voir les choses sous un nouveau jour. Vous faites partie d’une famille de quatre enfants. Quelle place tient-elle dans votre quotidien ? Ma famille est importante pour moi. Il n'y a pas un jour où je ne parle pas à l'un des miens. L’an dernier, vous avez effectué votre retour en coupe du monde. Comment vous sentiez-vous avant la toute première course ? J’étais tendue, très nerveuse, mais je savais le temps que j’avais passé à me préparer. Je me suis dit que si j’arrivais à performer, c'était tant mieux et que sinon, la vie me réserverait bien autre chose. Vous avez ensuite remporté toutes les compétitions individuelles sur lesquelles vous avez été engagée, à l'exception du 10 km de Québec. En décrochant le petit globe de cristal, teniez-vous votre revanche après votre absence aux Jeux olympiques de Pyeongchang ? Non, ce n’était pas une revanche. J'ai vécu ce résultat plutôt comme la confirmation que j’en avais fini avec tous les moments difficiles. J’étais capable de revenir au plus haut niveau. J'ai pu me regarder dans le miroir et me dire que je n’avais pas abandonné mes valeurs en chemin.
Avant de gagner à Sapporo, en 2007, j'ai sérieusement pensé à devenir infirmière. 54
Pensez-vous parfois aux Jeux olympiques de Pékin ? Votre prochain objectif n'est-il pas d'obtenir enfin un titre olympique individuel [elle a remporté l'or avec le relais norvégien en 2010 à Vancouver, N.D.L.R.] ? Je n’y pense pas tellement. Désormais, je prends les saisons les unes après les autres. Au chronomètre, il vous est arrivé de battre certains athlètes masculins, par exemple lors de la montée de l’Alpe Cermis. Est-ce que vous aimeriez, un jour, pouvoir vous frotter directement à eux ? Lindsey Vonn l’a par exemple souhaité en ski alpin. Non. Personnellement, je n’y ai jamais pensé et cette éventualité n’a jamais suscité mon intérêt. Cet été, vous avez été sacrée championne de Norvège en athlétisme après avoir couru le 10 000 mètres contre les meilleures Norvégiennes. Comment était-ce ? C’était vraiment agréable de courir et de voir ce dont j’étais capable. Je suis très satisfaite du résultat, forcément. Pensez-vous participer aux prochains championnats d’Europe qui doivent se dérouler du 26 au 30 août 2020 à Paris ? Je dois d’abord voir si je serai suffisamment en forme l’an prochain. Et puis je dois composer avec mon agenda de fondeuse. Mais il est vrai que ce serait génial d'y participer. Surtout qu'après ma course de cet été, je suis confiante sur mes capacités à me qualifier. Je pense aussi être capable de pouvoir courir assez vite pour pouvoir y réussir une performance. Votre préparation estivale est passée par les Pyrénées, en lieu et place de l’Italie et son glacier de Val Senales, habituel lieu de stage en cette période. Oui, et j'étais impatiente de venir à Font-Romeu où nous sommes allés en stage fin août/début septembre avec les équipes nationales masculine et féminine. La France est fantastique et j’ai de très bons souvenirs de La Clusaz, Nice, Antibes ou encore Chamonix. En 2011, j’y avais passé un très bon été.
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La France est un pays magnifique où on peut retrouver la mer et la montagne. Je dois dire que cette année, cela a été génial d’explorer les terres de Martin Fourcade. On vous sent séduite ? Les Pyrénées sont un endroit merveilleux pour faire du sport. La nature y est magnifique et il y a plein d’endroits différents où s’entraîner, beaucoup d'opportunités et, en plus, c’est en altitude. Lors de l’une de nos après-midi de libre, on a même pu jouer au tennis. Nous nous sommes bien battus et nous nous sommes aussi amusés, tout en profitant du soleil. Quand on est comblé comme vous l'êtes, y a-t-il encore de la place pour le rêve ? Je ne sais pas si on peut dire que c’était un rêve mais j’ai très sérieusement pensé à devenir infirmière. Jusqu’en 2007, à Sapporo en fait, où je dispute mes premiers Mondiaux seniors. Sur le 30 kilomètres classique, je décroche le bronze [elle devient du même coup la plus jeune médaillée dans un championnat du monde de ski de fond, N.D.L.R.]. À ce moment-là, je me suis dit : « wow, mais je peux être vraiment douée en ski de fond ! » Alors, j'ai persévéré dans cette voie. Vous êtes un modèle pour de nombreux jeunes en Norvège. Cela vous donne-t-il des responsabilités ? Je suis tout à fait consciente d’être un modèle pour certains et j’essaie donc de leur offrir le meilleur de moi-même, de donner l'exemple. Ainsi, je pourrais peut-être les inspirer, motiver les jeunes comme les plus âgés à sortir de chez eux, à apprécier notre belle nature en chaus-
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sant les skis ou même en randonnée, à profiter de cet environnement, en compétition ou pas. Et dans dix ans, où vous voyez-vous ? Avec un peu de chance, je serai mariée… Et sans skis ! n
CHAMPIONNE DE NORVÈGE EN ATHLÉTISME
Cet été, la championne du monde du 30 km de Seefeld a participé à l’épreuve du 10 km du championnat norvégien d'athlétisme. Et, comme une évidence, l’infatigable Johaug a été sacrée. Elle a bouclé la distance en 32 minutes 20 secondes et 19 centièmes. Soit le quinzième meilleur temps européen de l’année. Cette couronne lui donne le droit de participer aux prochains championnats d’Europe à Paris en 2020. Une éventualité que n'écarte pas la skieuse, mais qui semble peu probable. Comme l'explique son entraîneur, Ole Morten Iversen, « il faudrait qu’elle s’investisse et je ne sais pas si ce serait compatible avec le ski de fond. » « Mais si je dois courir là-bas, réplique la skieuse, ce sera pour donner le meilleur de moi-même. Je me doute que je n’ai aucune chance sur la scène internationale mais ce serait amusant d’essayer. » En revanche, pas question de faire le voyage jusqu'à Tokyo pour les Jeux olympiques d'été de 2020. « Je me concentre sur ceux de Pékin », assure la fondeuse. Qui auront lieu deux ans plus tard.
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Killian Peier Numéro 1 suisse Le sauteur à ski de La Sarraz, dans le canton de Vaud, a acquis un nouveau statut depuis sa médaille de bronze au grand tremplin lors des Mondiaux de Seefeld.
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Il y a une dizaine d’années, lors d’une conversation avec l’ancien sauteur devenu entraîneur des jeunes, Sylvain Freiholz, concernant le manque de relève en Suisse derrière Simon Ammann et Andreas Küttel, le spécialiste devenu consultant pour la Radio Télévision Suisse parlait d’un jeune de treize-quatorze ans « qui [avait] toutes les qualités pour atteindre un jour le haut niveau ». Et d’ajouter alors : « Mais quand on sait tous les petits détails qui doivent s’additionner pour réussir, va-t-il y parvenir ? » Ce jeune, c’était Killian Peier. Dix ans plus tard, nous voici en face de lui pour évoquer son parcours, au moment où il est devenu le numéro 1 suisse du saut à ski. Depuis une année, il côtoie le gotha de sa discipline. De quoi rendre fier le village de son enfance, La Sarraz (Vaud). Le 29 juin dernier, le sportif a d'ailleurs été longuement et dignement fêté. « J’avais eu un contact avec lui après la Tournée des Quatre Tremplins dans l’idée de le fêter et nous avions déjà fixé la date,
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explique Daniel Develey, syndic [le maire dans le canton de Vaud, N.D.L.R.]. C’est un honneur pour nous d’avoir un champion tel que lui. Nous en avons profité aussi pour honorer d’autres sportifs du village, en particulier Elliott Peier, le frère de Killian, qui est champion suisse de slackline [un sport qui s'apparente au funambulisme, N.D.L.R.]. » Pour le sauteur, la fête s’est poursuivie l’après-midi en participant à une initiation de saut sur le tremplin de Chaux-Neuve (25), puis le samedi soir à la vallée de Joux.
UNE BELLE SURPRISE Après deux ou trois saisons un peu poussives en coupe du monde, les résultats du jeune homme âgé de 24 ans sont allés crescendo depuis l’été 2018 et surtout la médaille de bronze du concours au grand tremplin des championnats du monde de Seefeld, en février dernier.
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Killian Peier lors de la fĂŞte que son village de La Sarraz a organisĂŠe en son honneur en juin dernier.
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J’ÉTAIS COMME DEVANT UN PUZZLE DONT J’AVAIS LES PIÈCES, MAIS JE NE SAVAIS PAS COMMENT LES METTRE EN PLACE. KILLIAN PEIER
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Non sélectionné aux Jeux de Pyeongchang, Killian Peier rebondit l'hiver suivant. Pour preuve, sa 7e place à Innsbruck lors de la mythique Tournée des Quatre Tremplins.
••• Pour le Vaudois, le déclic s’est produit au printemps 2018, provoqué, en partie tout au moins, par sa non-sélection pour les JO de Pyeongchang. « Je ne cache pas que j’ai d’abord été très déçu, confesse-t-il. Mais après, je l’ai pris pour une opportunité. J’étais confronté à la réalité ; je n’avais pas le niveau pour rivaliser avec les meilleurs. » À ce moment-là, il avait néanmoins conscience de son potentiel : « J’étais comme devant un puzzle dont j’avais les pièces, mais je ne savais pas comment les mettre en place. J’ai alors décidé de travailler avec un coach. »
FAIRE COMME SIMON AMMANN « On a senti Killian un peu vaciller, relèvent ses parents, JeanPierre et Romana Peier. Il nous a dit qu’il ne voulait plus se contenter d’une 25e ou 30e place. C'est ainsi qu'on a vu qu’il n’allait pas se laisser abattre. » Pour Sylvain Freiholz, la non-sélection pour les JO s'est donc révélée « le gros déclencheur ». « Il s’est rendu compte que 58
l’engagement qu’il avait jusqu’alors ne suffisait pas, poursuivent-ils. Il a pris des décisions importantes qui l’ont fait modifier son approche. » Les résultats ne se sont pas fait attendre. Dès le premier concours du Grand Prix d’été, fin juillet 2018, à Hinterzarten (Allemagne), Killian Peier a terminé sur le podium. « J’espérais une belle performance, mais j’avoue que me retrouver sur le podium dès le premier concours, cela m’a étonné. J’ai eu alors la sensation que j’étais sur la bonne voie. » « Je me souviens qu’à la fin du printemps, il ne savait pas encore où se situer, précise Sylvain Freiholz. Alors ce fut une belle surprise. » Réussir de bons concours l’été est une chose, confirmer durant l’hiver une autre. « Au début de la saison, j’ai eu un peu de peine à être constant, reprend Killian Peier. Je faisais souvent une bonne manche sur deux. Le vrai déclic est arrivé lors du concours d’Innsbruck (Autriche) de la Tournée des Quatre Tremplins, lorsque je finis septième. » Ce tremplin du Bergisel allait encore lui permettre de franchir un cap supplémentaire à la fin février lors du concours sur grand tremplin des Mondiaux : il termine médaillé de bronze après avoir été en tête à l’issue de la première manche. « Je n’ai appris que dix minutes avant le début de la seconde manche que j’étais en tête. J’ai su rester calme grâce à l’entraînement mental fait en amont avec mon coach. »
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Après le deuxième saut et quelques secondes angoissantes d’attente, il pouvait laisser éclater sa joie dans la raquette, devant d’innombrables spectateurs en liesse et des millions de téléspectateurs fascinés par les vols des leaders mondiaux du saut à ski. À ses côtés, ses camarades de l’équipe de Suisse, Simon Ammann en tête. Simon Ammann… Évoquer le nom du quadruple champion olympique fait revenir dix-sept ans en arrière, aux sources de la motivation de Killian Peier de pratiquer le saut à ski. Le Sarrazin avait sept ans lorsque le Saint-Gallois a remporté les deux médailles d’or aux JO de Salt Lake City. Devant la télévision familiale, le garçon était fasciné. « Un mois plus tard, nous étions aux Tuffes pour voir les championnats franco-suisses où il y avait plusieurs milliers de spectateurs », racontent ses parents. « Je voulais faire comme Simon Ammann », ajoute leur fils. Ce n’est que quatre ans plus tard qu’il s’est retrouvé pour la première fois en haut d’un tremplin, celui d’initiation du Brassus. « Son père m’avait appelé car il avait appris que nous organisions des initiations, explique Sylvain Freiholz. Il est arrivé un samedi, équipé de ses skis alpins et j’ai tout de suite vu qu’il avait quelque chose de plus que les autres. »
LES DÉBUTS AU BRASSUS À l’évocation de cette journée, les yeux de Killian Peier brillent. « À la fin de la journée, Sylvain m’a demandé si je voulais revenir le lendemain, se souvient-il. J’ai dit oui et quand je suis arrivé le dimanche, il avait pour moi tout l’équipement : skis, chaussures, combinaison. » Le fait d’avoir commencé tard n’a pas été un désavantage pour le sauteur. « C’était même une chance, souligne le consultant de la RTS. Il avait du retard par rapport aux autres, ça l’a poussé. » L'intéressé confirme : « Je me suis retrouvé avec des gars du même âge que moi mais qui sautaient sur de plus grands tremplins. Cela m’a motivé. » Et d’ajouter : « A ce moment-là, c’était un rêve pour moi d’arriver au haut niveau, mais sans image concrète encore. Au fil des ans, je me suis rendu compte que j’avais du potentiel, sans pour autant savoir comment m’y prendre. » C’est alors que les détails dont parlait Sylvain Freiholz se sont additionnés. À commencer par un encadrement familial très sain. « Nous sommes une famille très sportive et nous avons soutenu Killian dans sa volonté de faire du saut, reprennent ses parents. Une fois sa scolarité terminée à La Sarraz, il est parti à Einsiedeln et a fait une formation d’employé de commerce à Zurich. » Pour Killian, « le soutien familial, l’encadrement sportif, la volonté personnelle représentent un tout qui [lui ont] permis d’arriver là. ». Killian Peier est conscient que rien n’est définitivement acquis et
DATES 28 mars 1995 : naissance à La Sarraz (VD) 28 juillet 2018 : premier podium en Grand Prix d’été à Hinterzarten 4 janvier 2019 : 7e du concours d’Innsbruck de la Tournée des Quatre Tremplins (10e du classement final) 23 février 2019 : médaillé de bronze du concours au grand tremplin des Mondiaux de Seefeld.
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’ qu’il sera attendu cet hiver. « Techniquement je suis sur la bonne voie, estime-t-il. Sur le plan mental, j’ai encore du travail pour gérer mon nouveau statut et rester calme et serein. Je ne me dis pas « il faut que », mais « je peux ». Ce qui n’est pas forcément simple car dans ma nature, je manque plutôt de confiance en moi. Quand je fais une erreur, j’ai trop tendance à me focaliser sur elle. Je dois encore apprendre à davantage regarder ce qui va bien. » n
Il n’est pas devenu riche La médaille de bronze des Mondiaux n’a pas fait de Killian Peier un homme riche. « J’ai même perdu un sponsor, celui que j’avais sur le casque, fait-il remarquer. J’espère en dénicher un pour la nouvelle saison car le casque est un endroit très visible. Heureusement, juste avant les Mondiaux, une marque horlogère de la vallée de Joux a décidé de me soutenir en s’affichant sur les skis. » Outre le fait qu’il est totalement pris en charge par Swiss-Ski d’un point de vue logistique durant les stages et les compétitions, le sauteur vaudois peut compter sur différents appuis. « Ma médaille m’a valu de recevoir de l’argent de Swiss Olympic. Je suis soldat sportif à l’armée. Je suis également soutenu par le Fonds du sport vaudois, le ski-club Vallée de Joux et la Fondation Paul-Edouard Piguet. Et j’espère continuer à percevoir quelque chose de l’Aide sportive suisse. J’ai une carte or maintenant. »
SUR LES TRACES DES FUTURS CHAMPIONS...
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Christian DUMONT Passion biathlon Actuel coordinateur des circuits nationaux, Christian Dumont a tout connu dans le biathlon. Personnage incontournable depuis plus de trente ans, il est de ces hommes qui marquent l'histoire d'une discipline.
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Christian Dumont et le biathlon, c'est une histoire d'amour dévorante. Une attraction presque instinctive qui prend ses racines dans le HautDoubs, plus précisément dans un petit village d'une centaine d'âmes : Fourcatier-et-Maison-Neuve. Nous sommes à quelques encablures du lac de Saint-Point, dans un environnement de gens de la terre. Janvier 1984, l'individuel de Falun couronne le Norvégien Odd Lihrus, Yvon Mougel empoche le premier podium de sa carrière et le dossard 33 est sur les épaules de ce jeune Jurassien de vingt ans. Les Jeux de Sarajevo arrivent trop tôt pour lui, ceux de 1988 à Calgary lui laissent un goût d'inachevé. Comme un symbole, le 1er janvier 1989 marque pour le biathlon français le début d'une nouvelle ère. Gilles Marguet, Thierry Gerbier
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et Hervé Flandin forment, avec Christian Dumont, le premier relais français victorieux en coupe du monde. Quelques mois plus tôt, un épique stage de préparation pour les Mondiaux de Minsk, dans la rudesse soviétique, a fait germer la lueur de la victoire dans les yeux des bleus. Au contact des Sergei Tchepikov, Valery Medvedtsev et autres Juri Kashkarov, Christian Dumont eut un déclic : « J'étais gonflé à bloc. Quand j'ai vu l'entraînement qu'ils suivaient, je me suis dit que j'étais capable de faire comme eux ». Sous l’œil et la poigne de David Moretti, le biathlète est en chemin. Sur l'individuel des championnats du monde de la future capitale de la Biélorussie, l'URSS de Tchepikov signait un quadruplé... stupéfiant et le tricolore prenait une belle 11e place. À cause d'un froid glacial, les épreuves se poursuivent finalement un mois plus tard à Oslo (Norvège) et Kontiolahti (Finlande). La France de Dumont glane donc une médaille de bronze en épreuve par équipe et une d'argent sur le relais. Les Jeux de 1992 arrivent à point nommé pour le jeune papa (d'un petit Romain) qui, à 29 ans, a complété sa collection de trophées avec deux podiums en coupe du monde. Mais ses problèmes récurrents de dos et les douteuses pratiques de ses adversaires le handicapent dans sa quête du Graal. 61
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••• L'histoire doit lui offrir une deuxième chance deux ans plus tard lors des Jeux de Lillehammer. Dans la forme de sa vie, Christian Dumont est devenu l'un des piliers du groupe aux côtés de Patrice Bailly-Salins, futur vainqueur du classement général de la coupe du monde de 1994. L'ancien skieur alpin, d'un an son cadet, est arrivé plus tardivement au biathlon : « Je n'avais qu'un an de moins que lui, mais quand je suis arrivé en coupe du monde, Christian faisait déjà partie des cadres ». Gilles Marguet se souvient, lui, « d'un beau skieur, propre techniquement et d'un bon caissu aussi ! » 1994 aurait pu être son année, mais la saison déraille. La faute à un canon bullé presque inutilisable ! De cela, il s'aperçoit trop tard, ratant le wagon pour les Jeux de Lillehammer. Un hiver raté qui précipite sa fin de carrière.
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Mais il n'est pas du genre à gamberger. Plutôt à rebondir vite... et haut. Après un jubilé haut en couleur chez Denis Sandona sur le stade de la Seigne (25), il accepte rapidement une proposition pour entraîner l'équipe militaire de ski. Le changement est brutal : plusieurs mois de formation à l'école militaire des sous-officiers de Saint-Maixent (79) où les formateurs font tout pour faire craquer les aspirants. Mais l'homme est pugnace. La famille Dumont déménage alors à Chamonix, siège de l’École nationale du ski et de l'alpinisme (ENSA). Nouvelle vie, nouveau rythme, nouveau départ. Presque un déracinement pour toute la tribu qui a vu l'arrivée d'un second fils, Clément, qui portera plus tard une carabine dans le dos. Le zéro pointé du biathlon français aux Mondiaux de 1997 puis surtout aux Jeux de Nagano en 1998, amène le changement. Au printemps 1998, Christian Dumont prend les commandes de l'équipe masculine, le regretté Pascal Étienne héritant des dames. Une nomination qui, avec le recul, est une évidence pour Gilles Marguet : « Christian était né pour entraîner ! Déjà quand il était athlète, il était beaucoup dans l'analyse, très attaché aux détails. Quand il était à l'EMHM, c'est lui qui m'a remis sur les rails ; il m'a beaucoup aidé sur le plan technique. » Avec Jean-Pierre Amat derrière la jumelle, l'alchimie est presque immédiate. Le Savoyard se souvient d'ailleurs bien de sa première rencontre avec celui avec lequel il partagera dix ans de médailles : « C'était en 1997 lors d'un stage à Tignes. Lui était entraîneur de l'équipe militaire et il est venu se présenter. » La discussion n'a pas mis longtemps à aborder les
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LE TEMPS DES RESPONSABILITÉS
Février 1992. Christian Dumont participe au 20 km des Saisies, lors des Jeux olympiques d'Albertville. Mars 2005. Aux Mondiaux d'Hochfilzen, Vincent Defrasne, Ferréol Cannard, Raphaël Poirée et Christian Dumont.
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Février 2010. Au club France des JO de Vancouver, avec Marie Dorin et Sandrine Bailly. Octobre 2018. Sur le stade d'Arçon, dans le Doubs, en discussion avec Thomas Bray, le commentateur du circuit national de biathlon.
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Il s'est dévoué corps et âme pour la discipline et il n'a pas compté son temps. Patrice Bailly-Salins, ex-biathlète
questions de l'entraînement au tir : « Tout allait dans le bon sens, il avait déjà une excellente vue d'ensemble, au niveau de la technique de tir et de l'entraînement. La trame était parfaitement juste ». La saison 1998/1999 s'ouvre donc avec un nouvel équipage à la tête de l'équipe de France. L'ambiance est décontractée, amicale, mais aussi professionnelle. C'est un changement profond qui s'opère. Autour d'eux : Jean-Paul Giachino, Stéphane Bouthiaux, Christophe Vassallo, Thierry Dusserre, Lionel Laurent font leurs gammes dans les comités, avant de gravir les échelons. La route sera parsemée de triomphes. Et de moments forts. Ainsi, la veille du relais hommes des Mondiaux de Pokljuka en 2001 qui doit clôturer l'événement, la France fait profil bas. Treizième nation mondiale, elle n'a pas les faveurs des pronostics. Mais le patron y croit. La causerie d'avant-course sera monumentale. Ceux qui y ont assisté l'ont encore en mémoire : « Il nous a galvanisés », se souvient Marguet. Pour Jean-Pierre Amat, « il s'est passé quelque chose de très particulier dans nos têtes ce soir-là. Ça a fait basculer le groupe ». Le lendemain, la France avec son dossard 13 montre les crocs, prend la tête du relais et s'offre le tout premier titre mondial de son histoire. Et lorsqu'il en reparle encore aujourd'hui, l'émotion dans les yeux de « Dudu » n'est presque pas atténuée.
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LES ATHLÈTES DE « DUDU » Dans ce quatuor champion du monde, aux côtés de Gilles Marguet, Julien Robert et Raphaël Poirée, Vincent Defrasne se construit un destin qui doit beaucoup à Dumont, celui-ci ayant très tôt décelé tout le potentiel du Pontissalien. « C'est l'entraîneur avec qui j'ai passé le plus de temps et je lui dois beaucoup pour toute l'aide qu'il m'a apportée. C'est quelqu'un qui a compté énormément pour moi, y compris en tant qu'homme. » Lorsqu'il devient champion olympique cinq ans plus tard sur la poursuite de Turin, le moment est intense pour le coach. Le lendemain, dans la voiture qui doit emmener le nouveau héros récupérer sa médaille d'or, il n'y a de la place que pour deux personnes supplémentaires. Et pour Vincent, ces deux personnes ne peuvent être que sa femme Catherine et son entraîneur de toujours : Dudu. Après une dizaine d'années passées à accompagner l'équipe masculine sur la piste du succès, il cède sa place à Stéphane Bouthiaux et prend le poste de directeur des équipes de biathlon. Il structure les circuits nationaux de compétition en nommant Corinne Niogret à leur gestion et veille au bon fonctionnement du système. Au printemps 2011, la direction technique nationale décide de supprimer ce poste pour en créer un plus transversal qui doit s'occuper de toutes les disciplines nordiques. Christian Dumont n'y croit pas : « Je n'ai évidemment rien contre le combiné, le saut ou le ski de fond,
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mais je n'ai jamais cru à la transversalité. Ce n'est pas mon job. Moi, je veux faire avancer le biathlon ». Il reprend l'emploi de Niogret, partie entraîner le groupe féminin de ski de fond.
REFUGE EN PROVENCE Un choix qu'il va ensuite coupler à un autre, plus personnel celui-là. Il ouvre un gîte en Provence avec son épouse Françoise : « Pour nous, c'était une décision forte de quitter Chamonix et l'univers du ski. Je suis fier de ce que j'ai accompli, mais j'ai un regret. Je n'étais jamais chez moi, j'ai tout donné pour le biathlon et je n'ai pas vu grandir mes fils. Alors j'aimerais au moins pouvoir voir grandir mes petits-enfants ! » Le président de la Fédération française de ski, Michel Vion, connaît et apprécie l'homme : « Christian ? C'est une vie passée à rendre service aux autres, dit-il. Un vrai passionné. Quand une fédération a des gens comme lui, c'est très positif ». Bailly-Salins abonde volontiers : « Il s'est dévoué corps et âme pour la discipline et il n'a pas compté son temps. Le biathlon français lui doit un grand coup de chapeau. Oh, il n'a jamais hésité à taper du poing sur la table, notamment pour défendre le budget du biathlon ! ». Doté d'une personnalité entière, l'homme va droit au but, mais l'entraîneur sait choisir ses mots : « Bien sûr qu'il était exigeant avec nous, se souvient Marguet, mais c'était un bon communicant, il savait nous mettre en confiance ». Une gestion en bon père de famille. Un personnage incontournable du biathlon bleu-blanc-rouge. « Pour moi, c'était la pierre angulaire du système, analyse Amat. Il a eu tous les postes. Quand tu le voyais sur une course, tu savais que les Français étaient là. Dudu, c'est le fil rouge du biathlon français. » Aujourd'hui encore, la passion est vivace et sa volonté de transmettre intacte. Il s'implique ainsi avec la jeune génération lors des FOJE, des Jeux olympiques de la jeunesse ou du Programme National Jeune (PNJ) avec Christophe Vassallo. À l'image de Camille Bened, la relève goûte son ouverture aux autres : « c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup, il est proche de nous, à l'écoute. Dans ses briefings d'avant-course on sent qu'il y a de l'expérience, il sait nous mettre en confiance », atteste la Chablaisienne, multiple médaillée sur les rendez-vous internationaux. Épicurien assumé, mais sérieux à la tâche, Christian Dumont a gardé l’œil avisé de ceux que l'expérience a construits. Chevalier de l'Ordre national du mérite, l'homme ne court plus après les médailles ; il aspire maintenant à d'autres bonheurs, mais jamais bien loin du biathlon. n
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Février 1990. Christian Dumont et sa carabine : une attention de tous les instants, un sens du détail qui a marqué sa carrière d'athlète et d'entraîneur. Janvier 1994. À Antholz, en Italie, où doivent se dérouler les prochains Mondiaux.
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Septembre 2011. Michèle Alliot-Marie, ministre des Sports, honore le directeur technique national de l'équipe de France de biathlon à l'Hôtel de la Marine, à Paris. Mars 2017. Son fils Clément, lors des championnats de France à Bessans. Il a aujourd'hui quitté les stades pour suivre des études de kinésithérapeute.
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Aristide BÈGUE
Self made man Originaire de l'Oise, Aristide Bègue s'est épanoui à Font-Romeu et dans le biathlon qui lui a offert des émotions très contrastées. Atypique dans sa préparation, le Pyrénéen sait désormais ce qu'il veut : réussir à sa façon.
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Du village de Sommereux dans l'Oise, où il est né en 1994, Aristide Bègue ne garde pas le souvenir de la jolie église datant de 1911 construite en briques, ornée de hautes fenêtres et d'un joli balcon blanc. Ni du point culminant du bourg, le lieu-dit Le Moulin, perché à... 186 m d'altitude ! Non, ce qui a marqué le jeune homme qui a quitté l'ex-Picardie à l'âge de six ans, ce sont surtout l'amitié pour Quentin et Anaïs qu'il ne voulait pas quitter, ainsi que les deux poneys Rookie et Gélinotte qu'il montait joyeusement dans les prés qui entouraient la maison familiale. Une ancienne ferme que son papa André avait retapée durant de longues années. « On faisait même du vélo dans la maison tellement elle était grande », se souvient, amusée, sa sœur Myrtille, de deux ans et demi sa cadette. « J'ai aussi l'image de notre voiture arrêtée au bord de la route, tombée en panne le jour du déménagement ! », s'amuse le jeune homme alors promis à une nouvelle vie dans les PyrénéesOrientales, destination du voyage.
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C'est en Occitanie, où résidaient déjà des cousins, que M. Bègue, conseiller principal d'éducation, a demandé sa mutation et où la maman allait devenir institutrice. Direction Font-Romeu donc, un des temples du sport en France.
INSPIRÉ PAR SIMON FOURCADE Au cœur de la Cerdagne entre Mont-Louis et Bourg-Madame, le garçon trouve un terrain de jeu exceptionnel, à la mesure de sa boulimie d'efforts physiques. « Il avait un grand besoin de se dépenser », note Sophie, sa maman. « Avant de déménager, j'étais entraîneur de foot et de tennis de table dans l'Oise », encourage le papa pour mieux souligner l'importance de la pratique sportive dans l'éducation. Hébergé avec sa famille au cœur du Centre national d'entraînement d'altitude qui jouxte le collège et le lycée de la station pyrénéenne, Aristide Bègue assouvit sa passion pour le sport. Tous les sports. Il passe par la gymnastique, l'athlétisme, l'équitation, 67
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la course d'orientation, la natation et découvre les joies des sports d'hiver avec le ski alpin, le patinage artistique, le ski de fond... La venue en stage de l'athlète Paula Radcliffe, la femme la plus rapide du monde sur le format marathon, reste un souvenir fort de sa jeunesse. « Mon jardin, c'était la piste d'athlétisme et ma salle de jeux, le terrain d'entraînement ! », résume-t-il, en soulignant que l'ultratraileur Kilian Jornet, Martin Fourcade et bien d'autres immenses champions ont usé leur fond de culotte sur les bancs de l'école pyrénéenne. Les nageuses Laure Manaudou et Christine Caron, le patineur Philippe Candeloro [lire Nordic Magazine n° 30] et, plus tôt, la championne olympique du 400 m à Mexico, Colette Besson, ont également fréquenté la structure. Plus récemment, les vedettes du ski de fond suédois et norvégien ont trouvé, dans les Pyrénées-Orientales, un terrain d'altitude idéal pour préparer les Jeux de Pékin 2022. « À Font-Romeu, on s'habitue à croiser des champions. J'ai échangé avec Vincent Luis [sacré champion du monde de triathlon fin août, N.D.L.R.] dernièrement, ou des gens qu'on voit à la télé comme Mo Farah [légende du demi-fond / quatre fois champion olympique 5 000 m et 10 000 m] et Yohann Diniz [triple champion d'Europe du 50 km marche], résume Myrtille. On discute beaucoup chez le kiné et c'est marrant de constater que beaucoup sont fans de biathlon. » Mais c'est bien l'enfant de La Llagonne, Simon Fourcade, qui va mettre le biathlon dans la vie d'« Ari » : « Tout le club de FontRomeu s'était réuni pour suivre sa course. Je me suis dit : “c'est ça que je veux faire !” ». « Tout ce qui a trait à l'exemplarité par le sport et pour les jeunes, a toujours été important pour moi. Je suis ravi qu'on puisse s'identifier
à moi pour construire son parcours, même si je ne me considère pas comme une idole, loin de là », se réjouit l'aîné des Fourcade, nouvel entraîneur de la relève du biathlon tricolore.
AU FOND DU TROU Précis derrière la carabine, plutôt à l'aise sur les skis de fond, Bègue se construit autour de sa passion. « Quand il a signé un podium sur sa première course de ski, vers huit ou neuf ans, je lui ai dit que s'il travaillait, il pourrait y arriver. Il n'est pas le plus talentueux des skieurs, mais sans doute un des plus appliqués. Avec le temps, il a aussi travaillé de profondes ressources mentales », note, sans fierté mal placée, le paternel. Le fiston décroche ses premières médailles internationales. Et sans s'en rendre compte, se laisse griser par le succès. « En rentrant des mondiaux juniors avec une médaille au lycée, j'étais une star. Sur le moment, j'en tirais de la satisfaction, mais pas de la joie. Comme si je faisais les choses pour les autres, sans les vivre moi-même. J'étais devenu arrogant. Jusqu'au jour où mon groupe de proches amis m'a remis à ma place en me disant que j'avais changé ! » Il encaisse et poursuit son bonhomme de chemin vers la compétition de haut niveau. Sa première sélection coupe du monde à Nove Mesto en 2017 se solde par un échec. Le jeune homme se met trop de pression. « Ari est excessif en tout : très content ou très mécontent, il n'y a pas de demi-mesure chez lui, il est entier », décrit la petite sœur. « Le biathlon me définissait en tant qu'homme ; sans ce sport, j'avais l'impression de n'être rien », lâche-t-il. Là aussi, une similitude partagée avec Simon Fourcade. « J'ai traversé aussi ce moment difficile : j'en occultais tout ce qui se passait autour, témoigne le jeune retraité du circuit mondial. Ce n'est pas la partie la plus rayonnante de ma vie, même si c'est la période où j'ai fait beaucoup de sacrifices pour mon sport. Je me suis rendu compte que cette façon d'évoluer était
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Aristide Bègue, le 23 mars dernier, lors de la poursuite de la coupe du monde d'Oslo.
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Le biathlon me définissait en tant qu'homme. Sans, j'avais l'impression de n'être rien.
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SA PROPRE ROUTE Sur le coup, la pilule est difficile à avaler, d'autant que ses précédents partenaires de groupe, Antonin Guigonnat ou Émilien Jacquelin, performent sur le circuit majeur. « Il était au fond du seau, n'avait plus le goût à rien », se souvient André Bègue qui lui propose alors de l'accompagner mentalement via la sophrologie dans laquelle il s'est formé. De son côté, Vincent Losserand, entraîneur au pôle France de Font-Romeu, s'occupe de la préparation physique. « Avec sa maman, on a pris du temps pour l'aider à se reconstruire. Progressivement, je suis passé du rôle de spectateur joyeux à celui d'une béquille dans les moments compliqués. Les choses se sont faites naturellement », développe le papa. Jusqu'à trouver un équilibre convenable pour tous. Une psychologue bienveillante complète ce triptyque qui porte rapidement ses fruits : « J'ai compris que j'étais trop centré sur moi, qu'il n'y avait pas que le biathlon dans la vie, en m'investissant dans le quotidien du club, en allant aux matchs de l'Usap. Autant de petites étincelles de bonheur précieuses ». « Travailler pour se faire plaisir et progresser » est son nouveau credo. Et ça fonctionne : un dernier hiver plein couronné de victoires en IBU Cup et d'une participation, notamment, à la mythique coupe du monde d'Oslo, lui permet de retrouver le collectif de l'équipe de France A ce printemps 2019. Aux côtés de Martin Fourcade, il profite de précieux conseils mais, là encore, Aristide Bègue trace sa propre route, en accord avec le directeur du biathlon français, Stéphane Bouthiaux. « Les entraînements allaient trop vite pour moi, je n'y trouvais pas mon compte... J'ai préféré poursuivre la préparation en solo chez moi », éclaire ce passionné de vidéo. Une terre où il se ressource en grimpant au sommet du Pic Carlit avec sa sœur, en sillonnant les routes du secteur comme le col du Calvaire à vélo et en ski-roues. Un choix pas si surprenant finalement pour un athlète qui a peut-être fini par trouver sa voie vers... le bonheur ? n
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©Alexis Boeuf - Nordic Focus - Fotolia *Toujours pus légère, toujours plus rapide
très néfaste car on se met des œillères et on se ferme aux autres ! » Confiant dans l'optique d'une participation aux Jeux olympiques de Pyeongchang, le Pyrénéen tombe dans le surentraînement lors de sa préparation. Il vit une nouvelle désillusion quand il est exclu des collectifs de l'équipe de France en mai 2018 après, pourtant, une saison « pleine en termes d'implication, mais exempte de gros résultats ». « Cette annonce m'a fait du mal, même si, avec le recul, elle m'a été bénéfique ». Il tombe dans une dépression qui ne dit pas son nom. « Le voir exclu des groupes m'a fait aussi relativiser sur la fragilité du sportif de haut niveau. Personne n'est protégé et seul le travail compte », analyse Myrtille qui partage bon nombre de sorties d'entraînement avec lui.
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Monsieur JOJ
Vallée de Joux Il est le responsable du site hôte de la Vallée de Joux pour les Jeux olympiques de la jeunesse Lausanne 2020. Portrait de Dominique Rochat, un meneur d'hommes qui aime faire la différence.
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Mercredi 4 septembre, en gare du Sentier, au cœur de la Vallée de Joux (Vaud). Un commando pacifique aux couleurs de Vallée de Joux Tourisme se déploie dans un wagon affrété par l'organisation des Jeux olympiques de la jeunesse Lausanne 2020. Objectif : créer une petite surprise en servant café et croissants aux chefs de mission de chacune des cinquante-neuf nations concernées par l'événement venus repérer les lieux ! « Ce genre d'attention, c'est du Dominique Rochat tout craché », lâche Cédric Paillard. Le directeur de l'office de tourisme a appris à connaître le bonhomme au fil des innombrables réunions de préparation des JOJ. En qualité de responsable du site hôte pour les épreuves de ski de fond, l'homme s'est rendu incontournable. Depuis de nombreux mois, il soigne méticuleusement les petits détails, notamment dans l'accueil des visiteurs. « On sait que notre région n'a pas la notoriété des Diablerets, relativise Paillard. Alors il cherche toujours le petit truc qui fera la différence. Il ne laisse aucune place à l'improvisation ! »
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Rochat, voilà un nom bien connu dans la vallée réputée dans le monde entier pour ses montres de prestige. Pourtant, il n'y a pas véritablement grandi, si ce n'est lors de séjours familiaux sur les terres de l'arrière-grand-père. C'est du côté de Meyrin, à deux pas de l'aéroport international de Genève, qu'il a passé son enfance. Et s'est découvert une passion sans bornes pour le sport : « J'aime vraiment tous les sports : le pratiquer ou le regarder à la télévision. Depuis toujours, j'adore suivre les grands événements sportifs », témoigne l'intéressé. Cet intérêt n'a rien d'héréditaire à l'écouter présenter sa famille : « un papa facteur et sportif du dimanche dans le bon sens du terme, une maman qui s'occupait de nous à la maison et pratiquait hebdomadairement la gym au village. Et aussi une petite sœur absolument pas sportive. » Jusqu'à l'âge de vingt ans, Dominique Rochat aime quant à lui enfourcher son vélo de route lors de modestes compétitions. Sans ambitions particulières.
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Dominique Rochat préside le ski-club de la Vallée de Joux depuis six ans.
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PERFECTIONNISTE Le début de sa mandature au ski-club coïncide avec le choix du Comité de candidature de Lausanne 2020 pour l'organisation des Jeux olympiques de la jeunesse de retenir la Vallée de Joux comme terrain de jeu pour le ski de fond [le biathlon, le saut à ski et le combiné nordique se retrouveront au stade des Tuffes, à Prémanon]. Les Grandes-Roches où auront lieu les courses ont été testées l'hiver dernier à l'occasion d'une coupe d'Europe. Le stade a été jugé difficile par les meilleurs fondeurs et fondeuses du vieux continent. Dans moins de trois mois, les trois pistes homologuées par la FIS seront donc le théâtre de joutes olympiques. Une idée qui réjouit le passionné... tout en l'inquiétant un peu : « Tout ce qui a trait aux Jeux olympiques implique beaucoup de protocoles très stricts, il faut tout formaliser et cela prend énormément de temps. »
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Il se met un peu plus tard au ski de fond sur les pistes de la Thomassette et du Marchairuz qui surplombent la Vallée de Joux. « J'ai très vite adoré le côté populaire de ce sport, en particulier sur les courses longues distances où élites et amateurs se côtoient dans un bon esprit. » En quelques décennies, Dominique Rochat, désormais informaticien chez Skyguide à l'aéroport genevois, a accroché de nombreuses épreuves références à son palmarès de fondeur : dix départs sur La Transjurassienne, dont huit terminées, la Marcialonga, la Vasaloppet, la König Ludwig Lauf, Toblach-Cortina... Le sport lui a permis de trouver l'amour : « On s'est connu en camp de moniteurs Jeunesse et Sport Vélo, raconte sa femme Emmanuelle, originaire du Jura suisse, au nord du massif. D'ailleurs, on roulait déjà souvent dans la vallée à cette époque ». Installé sur la commune de Le Vaud, Dominique Rochat devient occasionnellement gardien du refuge Les Pralets, planté sur la montagne jurassienne entre la Grivine et le Marchairuz. Rapidement, les trois filles du couple chaussent les skis et débutent la compétition ! Après son installation dans la Vallée de Joux, il décide de s'investir dans le ski-club local qu'il préside depuis six ans. « Il a toujours donné du temps aux autres », explique son épouse. « Avec trois filles qui faisaient de la compétition, cela m'a paru normal », justifie l'intéressé. Qui épate déjà par son côté mobilisateur. « Dans la lignée de son prédécesseur François Aubert, Dominique a su entretenir et fédérer les liens entre les clubs du Brassus, du Lieu ou des Charbonnières en allant au-delà des querelles de clochers pour rassembler les acteurs nordiques de la Vallée, note William Trachsel, président de Jura Ski Events, coordinateur des JOJ côté français. Ça en dit beaucoup sur le personnage, sur sa capacité à faire émerger un consensus grâce à son bon relationnel. »
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Le futur site olympique des Grandes-Roches a été testé l'hiver dernier. Il a été jugé « difficile » par les compétiteurs de la coupe d'Europe.
Heureusement, l'organisateur est réputé perfectionniste à souhait. « Certes, sourit-il sur la défensive, mais je me dis que tout ce qui peut être planifié à l'avance doit l'être. Je fais en sorte de rester maître du temps ». Et méthodique. « Il travaille essentiellement avec des bénévoles, un rôle qui demande une gestion délicate. Alors il montre l'exemple. C'est un très bon capitaine d'équipe », salue Cédric Paillard. « Rassembler les gens autour d'un projet commun lui tient à cœur. Et comme il aime voyager, ce projet qui concerne plein de pays lui apporte beaucoup », ajoute sa femme. D'ailleurs, toute la famille a été mobilisée. Mme Rochat assurera en binôme la gestion des bénévoles du site, sa première fille se chargera d'accueillir les guests, la seconde des réseaux sociaux quand la plus jeune donnera un coup de main aux croissants le matin ! « On voit que cette mission le passionne et participer à l'organisation à ses côtés est une belle aventure pour nous toutes », témoigne Jessica, sa cadette. Dominique Rochat attend maintenant impatiemment de voir le drapeau olympique flotter près du bâtiment des Grandes-Roches : « Ce sera un moment exceptionnel et très fort. Beaucoup de gens dans la Vallée ne semblent pas encore s'en rendre compte ». Ce fervent ambassadeur de son bout de massif jurassien voit pourtant au-delà de ce rendez-vous. « Ce qui m'importe, c'est ce qui en restera pour les générations à venir. » D'où l'importance notamment de former des jeunes en tant que délégués techniques et de conserver les pistes FIS pour replacer la Vallée de Joux sur la carte européenne du nordique. Du 9 au 22 janvier 2020, le rayonnement ira bien au-delà. Il sera planétaire. n
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Les voyages d'Iris Pessey
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y a deux ans, ma carrière de fondeuse « à temps plein » s’est achevée aux États-Unis. Depuis, j’en profite pour faire tous les voyages qu'il m’était impossible de réaliser quand j’essayais d'être une compétitrice. De belles opportunités certes, mais il y a beaucoup d’aspects de ma vie d’athlète dont je suis nostalgique. Comme entendre un coach te dire : « Mais pourquoi tu irais disputer cette course ? Non, ce n’est pas un vrai objectif ! ». Fin de la discussion. Comme la reine des neiges, me voilà enfin libérée, délivrée… Moi seule décide si je dois participer ou pas à l'Arctic Circle Race. Cette course de 160 km au nord du Groenland est réputée pour être la plus dure et extrême de la planète. Ce challenge m’a toujours fait rêver et cauchemarder à la fois. Moi qui déteste – le mot est faible – la poussée, je m’attendais à passer une éternité sur les bras. Ben oui, le Groenland, c’est plat non ? Tant pis, j'étais prête à relever le défi. Laissez-moi vous raconter ce qui m’attendait en réalité… Le Groenland, c’est le genre de pays, tu sais qu’il existe, mais tu ne t'es jamais trop penché sur la question. Dans le petit village organisateur de la course, les habitants font apparemment tous sécher leur linge dehors sur les balcons par -30 °C. Eh oui, l’air y est tellement froid qu’il devient sec, les habits finissent par geler et toute l’humidité s’en échappe. Dans les rues, peu de voitures, mais des scooters des neiges de partout, et des chiens de traîneaux en liberté par dizaines. De
quoi vouloir tous les caresser. Mais attention, la plupart d'entre eux ne sont pas de simples huskys ; ils sont croisés avec des loups. Mieux vaut ne pas trop les énerver ! Le matin de la course est enfin arrivé. Nous sommes 400 compétiteurs sur la ligne de départ, par -20 °C et un vent à 60 km/h. Les plus méritants sont les 500 bénévoles qui nous assisteront durant les trois prochains jours sur le parcours ou lorsque nous dormirons sous tente à 50 kilomètres au nord du village. 50 à 60 km par jour, ça fait trois fois La Transjuclassic, non ? Rien d’affolant jusque-là. Ce que je n’ai pas vraiment réalisé, c’est qu’il n’y a pas de réelle trace. À mi-parcours, la piste de ski se transforme en chemin tracé au scooter. De toute façon, il neige tellement lors de la première étape que nous nous enfonçons jusqu'à mi-mollets. Des conditions très lentes donc. Le lendemain, c'est l'étape qui traverse les fjords. À condition de quitter ma tente dont la fermeture Éclair a gelé. Panique à bord ! Heureusement, le départ est décalé à cause du vent (100 km/h). Quelques heures plus tard, nous voilà enfin lancés dans un vent plus clément. La journée aurait dû être plus courte et le profil plus roulant. Première descente, on me demande de déchausser les skis. Et puis quoi encore ? La saison des trails n’a pas encore commencé ! Ceci dit, je comprends vite pourquoi en voyant la pente : 65 %. Presque une falaise, avec un chemin très étroit. Je commence donc à dévaler, entourée des motoneiges et chiens de traîneau. Vivement que je rechausse les skis et puisse à nouveau glisser ! Ah non ? Le fjord étant de l’eau salé gelée, les skis ne
Au pays des Inuits
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IRIS PESSEY
Iris Pessey a remporté cette course réputée comme la plus dure au monde.
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IRIS PESSEY
Dans les rues, des dizaines de chiens en liberté.
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glissent pas du tout. Autant avoir des raquettes aux pieds ! Ajoutons à cela un vent à décorner un bœuf. J'ai l'impression de faire du sur place et perds patience, alors que je n’en suis même pas à un tiers du parcours. À ce moment-là, je me dis : « mais quelle idée as-tu eue là ma petite ? » Une fois le fjord traversé, il va bien sûr falloir remonter par la même descente par laquelle nous étions venus. Moi qui adore les montées raides, me voilà servie : ce n’est ni du ski, ni de la course à pied, mais quarante-cinq minutes de pas de canard qui vont suivre. Je comprends pourquoi l'organisateur nous a dit que la Fédération internationale de ski leur avait refusé d'homologuer la course. Dernière étape. Enfin une journée sans vent ni neige, des conditions parfaites pour filer jusqu'au village où tous les habitants sont venus applaudir les participants. Un retour qui fait chaud au cœur et au corps. En levant les bras sur la ligne d'arrivée pour la victoire, je me rends compte qu’au fond, ce n'était pas une si mauvaise idée. On y retournera l'année prochaine ? Au total, nous avons parcouru 160 kilomètres, pour 7 000 m de dénivelé positif. Me voilà prête à rentrer à la maison et retrouver des conditions printanières normales. Encore raté ! Nous restons bloqués trois jours supplémentaires dans la tempête. Aucun avion ne peut atterrir, ni décoller. Mais je suis bien heureuse de rester quelques jours supplémentaires pour me familiariser avec les chiens de traîneau, en apprendre un peu plus sur la culture Inuit et regarder les aurores boréales ! n
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Le Norvégien Johannes Hoesflot Klaebo a remporté son deuxième gros globe de cristal consécutif à l'âge de 22 ans.
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COUPE DU MONDE Nouvelle saison
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MODICA/NORDICFOCUS
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L'agenda nordique
mag.info
La coupe du monde se vit avec www. 14 DAVOS 15 DAVOS DAVOS 21 PLANICA 22 PLANICA
Ski de fond
DÉCEMBRE 1er RUKA RUKA 7 LILLEHAMMER 8 LILLEHAMMER
Poursuite 15 km FT H Poursuite 10 km FT D Skiathlon H D Relais H D
L'équipe de France, médaille de bronze du relais aux Mondiaux de Seefeld.
Suisse. Naturellement.
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TOUR DE SKI
MODICA/NORDICFOCUS
Sprint CT HD 15 km CT H 10 km CT D
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NOVEMBRE 29 RUKA 30 RUKA RUKA
Sprint FT HD 15 km FT H 10 km FT D Sprint FT HD Team sprint H D
28 LENZERHEIDE LENZERHEIDE 29 LENZERHEIDE 31 TOBLACH TOBLACH
Mass-start 15 km FT H Mass-start 10 km FT D Sprint FT HD 15 km FT H 10 km FT D
JANVIER 1er TOBLACH TOBLACH 3 VAL DI FIEMME VAL DI FIEMME 4 VAL DI FIEMME 5 VAL DI FIEMME
Poursuite 15 km CT H Poursuite 10 km CT D Mass-start 15 CT H Mass-start 10 CT D Sprint CT HD MS Val Cermis HD
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SPRINT TOUR
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14 QUÉBEC 15 QUÉBEC 17 MINNEAPOLIS
Sprint CT HD Sprint FT HD Sprint FT HD
11 DRESDE 12 DRESDE 18 NOVE MESTO NOVE MESTO 19 NOVE MESTO NOVE MESTO 25 OBERSTDORF 26 OBERSTDORF
Sprint FT HD Team sprint FT HD 15 km CT H 10 km CT D Poursuite 15 km CT H Poursuite 10 km CT D Skiathlon HD Sprint CT HD
FÉVRIER 8 FALUN 9 FALUN FALUN
Sprint CT HD 30 km FT H 15 km FT D
SKI TOUR 2020
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15 OSTERSUND OSTERSUND 16 OSTERSUND OSTERSUND 18 ARE 20 STORLIEN-MERAKER 22 TRONDHEIM 23 TRONDHEIM TRONDHEIM
15 km FT H 10 km FT D Poursuite 15 km CT H Poursuite 10 km CT D Sprint FT HD M.-Start 38 km FT HD Sprint CT HD Poursuite 30 km CT H Poursuite 15 km CT D
29 LAHTI LAHTI
15 km CT H 10 km CT D
MARS 1er LAHTI 4 DRAMMEN 7 OSLO 8 OSLO
Relais HD Sprint CT HD M.-Start 30 km CT D M.-Start 50 km CT H
Mass-start 15 km FT H Mass-start 10 km FT D Poursuite 15 km CT H Poursuite 10 km CT D Relais mixte HD
}Jeux olympiques de la jeunesse Lausanne 2020 du 9 au 22 janvier }Mondiaux juniors à Oberwiesenthal du 18 février au 8 mars
Biathlon NOVEMBRE 30 OSTERSUND OSTERSUND
Relais mixte simple HD Relais mixte HD
DÉCEMBRE 1 OSTERSUND OSTERSUND 4 OSTERSUND 5 OSTERSUND 7 OSTERSUND 8 OSTERSUND 13 HOCHFILZEN HOCHFILZEN 14 HOCHFILZEN HOCHFILZEN 15 HOCHFILZEN HOCHFILZEN
Sprint 10 km H Sprint 7,5 km D Individuel 20 km H Individuel 15 km D Relais 4 x 7,5 km H Relais 4 x 6 km D Sprint 7,5 km D Sprint 10 km H Poursuite 12,5 km H Relais 4 x 6 km D Poursuite 10 km D Relais 4x7,5 km H C'est en Viking conquérant que Johannes Boe a dominé le biathlon mondial.
MANZONI/NORDICFOCUS
Richard Jouve lors du Tour de Ski à Toblach. Il obtient une deuxième place dans le sprint, derrière Klaebo et devant son coéquipier Lucas Chanavat.
20 CANMORE CANMORE 21 CANMORE CANMORE 22 CANMORE
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MODICA/NORDICFOCUS
FINALE
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La coupe du monde se vit avec www. 19 GRAND-BORNAND 20 GRAND-BORNAND 21 GRAND-BORNAND GRAND-BORNAND 22 GRAND-BORNAND GRAND-BORNAND
Sprint 10 km H Sprint 7,5 km D Poursuite 10 km D Poursuite 12,5 km H Mass-Start 12,5 km D Mass-Start 15 km H
JANVIER 9 OBERHOF 10 OBERHOF 11 OBERHOF OBERHOF 12 OBERHOF OBERHOF 15 RUHPOLDING 16 RUHPOLDING 17 RUHPOLDING 18 RUHPOLDING 19 RUHPOLDING RUHPOLDING 23 POKLJUKA 24 POKLJUKA 25 POKLJUKA POKLJUKA 26 POKLJUKA POKLJUKA
Sprint 7,5 km D Sprint 10 km H Relais 4 x 7,5 km H Relais 4 x 6 km D Mass-Start 12,5 km D Mass-Start 15 km H Sprint 7,5 km D Sprint 10 km H Relais 4 x 6 km D Relais 4 x 7,5 km H Poursuite 10 km D Poursuite 12,5 km H Individuel 20 km H Individuel 15 km D Relais mixte simple HD Relais mixte HD Mass-start 15 km H Mass-start 12,5 km D
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MANZONI/NORDICFOCUS
L'hiver dernier, Quentin Fillon-Maillet a mis un coup d'arrêt à l'hégémonie de Johannes Thingnes Boe le 27 janvier lors de la mass-start d'Antholz.
Aussi
pour les
fondeurs.
Suisse. Naturellement.
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L'agenda nordique FÉVRIER
CHAMPIONNATS DU MONDE 13 14 15 16 18 19 20 22 23
ANTHOLZ-ANTER. ANTHOLZ-ANTER. ANTHOLZ-ANTER. ANTHOLZ-ANTER. ANTHOLZ-ANTER. ANTHOLZ-ANTER. ANTHOLZ-ANTER. ANTHOLZ-ANTER. ANTHOLZ-ANTER. ANTHOLZ-ANTER. ANTHOLZ-ANTER. ANTHOLZ-ANTER.
MARS 5 NOVE MESTO 6 NOVE MESTO 7 NOVE MESTO NOVE MESTO 8 NOVE MESTO NOVE MESTO 12 KONTIOLAHTI 13 KONTIOLAHTI 14 KONTIOLAHTI KONTIOLAHTI 15 KONTIOLAHTI KONTIOLAHTI 20 OSLO OSLO 21 OSLO OSLO 22 OSLO OSLO
Relais mixte HD Sprint 7,5 km D Sprint 10 km H Poursuite 10 km D Poursuite 12,5 km H Individuel 15 km D Individuel 20 km H Relais mixte simple HD Relais 4x6 km D Relais 4x7,5 km H Mass-start 12,5 km D Mass-start 15 km H
Sprint 7,5 km D Sprint 10 km H Relais 4 x 6 km D Relais 4 x 7,5 km H Mass-start 15 km H Mass-start 12,5 km D Sprint 10 km H Sprint 7,5 km D Poursuite 10 km D Poursuite 12,5 km H Relais mixte simple HD Relais mixte HD Sprint 7,5 km D Sprint 10 km H Poursuite 10 km D Poursuite 12,5 km H Mass-start 12,5 km D Mass-start 15 km H
21 RAMSAU 22 RAMSAU
Gund. HS98/10 km H Gund. HS98/10 km H
JANVIER 10 VAL DI FIEMME 11 VAL DI FIEMME 12 VAL DI FIEMME 25 OBERSTDORF 26 OBERSTDORF 31 SEEFELD
Gund. HS134/10 km H Gund. HS134/10 km H HS134/team sprint H HS140/relais 4x5 km H Gund. HS140/10 km H Gund. HS109/5 km H
FÉVRIER 1er SEEFELD 2 SEEFELD 8 OTEPÄÄ 9 OTEPÄÄ 22 TRONDHEIM 23 TRONDHEIM 29 LAHTI
Gund. HS109/10 km H Gund. HS109/15 km H Gund. HS100/10 km H Gund. HS100/10 km H Gund. HS138/10 km H Gund. HS138/10 km H HS130/team sprint H
MARS 1er LAHTI 7 OSLO 14 SCHONACH 15 SCHONACH
Gund. HS130/10 km H Gund. HS134/10 km H Gund. HS106/10 km H Gund. HS106/15 km H
}Jeux olympiques de la jeunesse Lausanne 2020 du 9 au 22 janvier }Championnats du monde jeunes/juniors Oberwiesenthal du 18 février au 8 mars
Joséphine Pagnier en Russie.
}Jeux olympiques de la jeunesse Lausanne 2020 du 9 au 22 janvier }Calendrier IBU Cup et Junior Cup championnats du monde jeunes/juniors et championnats d'Europe dans le supplément de Biathlon Magazine.
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Gund. HS142/5 km H Gund. HS142/10 km H
DÉCEMBRE 1er RUKA 7 LILLEHAMMER 8 LILLEHAMMER
Gund. HS142/10 km H HS98/relais 4x5 km H Gund. HS140/10 km H
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NOVEMBRE 29 RUKA 30 RUKA
TUMASHOV/NORDICFOCUS
Combiné
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La coupe du monde se vit avec www.
Saut à ski NOVEMBRE 23 WISLA 24 WISLA 30 RUKA
Team HS134 H HS134 H HS142 H
DÉCEMBRE 1er RUKA 7 NIZHNY TAGIL LILLEHAMMER 8 NIZHNY TAGIL LILLEHAMMER 14 KLINGENTHAL KLINGENTHAL 15 KLINGENTHAL 21 ENGELBERG 22 ENGELBERG
HS142 H HS134 H HS98 D HS134 H HS140 D Team HS 140 H HS140 D HS140 H HS140 H HS140 H
TOURNÉE DES QUATRE TREMPLINS Le Japonais Ryoyu Kobayashi a tout gagné.
11 SAPPORO VAL DI FIEMME 12 SAPPORO VAL DI FIEMME 17 ZAO 18 ZAO TITISEE-NEUSTADT 19 ZAO TITISEE-NEUSTADT 25 ZAKOPANE RASNOV 26 ZAKOPANE RASNOV
HS137 D HS135 H HS137 D HS135 H HS102 D Team HS102 D HS142 H HS102 D HS142 H Team HS140 H HS97 D HS140 H HS97 D
FÉVRIER 1er SAPPORO OBERSTDORF 3 SAPPORO OBERSTDORF 8 HINZENBACH WILLINGEN 8 HINZENBACH WILLINGEN 15 TAUPLITZ/BAD M. 16 TAUPLITZ/BAD M. 21 RASNOV 22 RASNOV LJUBNO 23 LJUBNO 29 LAHTI
HS137 H HS137 D HS137 H HS137 D HS90 D HS145 H HS90 D HS145 H HS235 H HS235 H HS97 H HS97 H Team HS94 D HS94 D Team HS130 H
MARS 1er LAHTI
HS130 H
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NORDICFOCUS/EXPA/JFK
RAW AIR ET RUSSIA TOUR
28 OBERSTDORF 29 OBERSTDORF 31 GARMISCH-PART.
HS137 Q H HS137 H HS142 Q H
JANVIER 1er GARMISCH-PART. 3 INNSBRUCK 4 INNSBRUCK 5 BISCHOFSHOFEN 6 BISCHOFSHOFEN
HS142 H HS128 Q H HS128 H HS142 Q H HS142 H
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7 OSLO 8 OSLO OSLO 10 LILLEHAMMER LILLEHAMMER 12 TRONDHEIM TRONDHEIM 14 NIZHNY TAGIL VIKERSUND 15 NIZHNY TAGIL VIKERSUND
Team HS134 H HS134 D HS134 H HS140 D HS140 H HS138 D HS138 H HS97 D Team HS240 H HS97 D HS240 H
21 CHAIKOVSKY CHAIKOVSKY
HS102 D HS140 D
}Jeux olympiques de la jeunesse Lausanne 2020 du 9 au 22 janvier }Championnats du monde jeunes/juniors Oberwiesenthal du 18 février au 8 mars }Championnats du monde de vol à ski à Planica du 20 au 22 mars 81
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nordic.fr
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L'agenda nordique
Biathlon
Le retour des Plans d'Hotonnes sur le circuit national
A
près plusieurs étapes du championnat de France U17 les années passées, Les Saisies accueilleront le lancement de la coupe de France de biathlon. Les 7 et 8 décembre, la station olympique organisera les deux premiers sprints de l'hiver avec toutes les catégories (de U17 à seniors). Des courses toujours importantes pour définir les premières sélections pour les courses internationales (IBU Cup et IBU Junior Cup). Elles permettront également aux athlètes nés en 2002 et 2003 de marquer les premiers points pour la sélection des JOJ de début janvier. Une sélection (4 garçons et 4 filles) qui sera complétée la semaine suivante sur des courses à Prémanon. Début janvier, le Samse National Tour posera ensuite ses valises à Bessans pour la deuxième étape. Une étape de trois jours (sprintsprint-poursuite) sur laquelle on retrouvera également la deuxième étape du championnat de France U17.
Après sept années d'absence, le site des Plans d'Hotonnes sera de retour sur la scène nationale. Rénové l'an dernier, avec 1,2 million d'euros investis [lire Nordic Magazine n° 29], le stade du plateau de Retord sera le théâtre des premières mass-starts et relais de l'hiver. Sur les terres de Corinne Niogret, Sandrine Bailly et Simon Desthieux, le Samse National Tour retrouvera un site qui a longtemps animé le calendrier national. La coupe de France mettra ensuite le cap vers le Col de Porte, puis Arçon, avant de jouer les dernières courses en Savoie, à Peisey-Nancroix. De leur côté, les U17 termineront leur championnat de France à Corrençon-en-Vercors. Début mars, cette étape organisée par le club des sports de Villard-de-Lans accueillera également le rassemblement national U15.
LES SAISIES
07|12
ÜSprint ÜSprint 08|12 ÜSprint ÜSprint
ÉTAPE 1
7,5 km = 10 km = 7,5 km = 10 km =
BESSANS
ÉTAPE 2
PLANS D'HOTONNES
ÉTAPE 3
COL DE PORTE
ÉTAPE 4
ÜSprint 7,5 km = ÜSprint 10 km = 04|01 ÜSprint 7,5 km = ÜSprint 10 km = 05|01 ÜPoursuite 10 km = ÜPoursuite 12,5 km = 03|01
ÜMass-start 10 km = ÜMass-start 12,5 km = 19|01 ÜRelais = ÜRelais = 18|01
ÜSprint 7,5 km = ÜSprint 10 km = 02|02 ÜPoursuite 10 km = ÜPoursuite 12,5 km = 01|02
ARÇON
ÉTAPE 5
ÜSprint 7,5 km = ÜSprint 10 km = 16|02 ÜMass-Start 10 km = ÜMass-Start 12,5 km =
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YVES PERRET MÉDIAS
15|02
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PEISEY-NANCROIX
BIATHLON
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ÉTAPE 6
ÜSprint 7,5 km = ÜSprint 10 km = 22|03 ÜPoursuite 10 km = ÜPoursuite 12,5 km = 21|03
Tous les calendriers à retrouver dans le hors-série de
SAISON 2019-2020
Le GUIDe COMPLeT De L’HIver Les équipes Le caLendrier
Grand-Bornand MondIaUX d'anTHoLZ TOuT Le prOGraMMe
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hors série
OCTOBRE 2019 Biathlon_Fascicule.indd 1
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18/09/2019 12:02
L’Absinthe L'IBU Cup en trois questions
comme à l’époque
OÙ AURONT LIEU LES COURSES ?
L
1 2 3
e circuit international de l'IBU Cup, véritable antichambre de la coupe du monde de biathlon, débutera sa saison sur la neige norvégienne de Sjusjoen. Deux sprints et une poursuite seront au programme de cette première étape. La caravane du circuit B mondial mettra ensuite le cap vers Val Ridanna (Italie) et Obertilliach (Autriche) pour les premiers relais et individuels de la saison. En janvier et février, pas moins de quatre étapes à Osrblie (Slovaquie), Duzsniki Zdroj (Pologne), Arber (Allemagne) et Martell (Italie). Des étapes au cours desquelles on retrouvera les mass-starts à soixante et les super-sprints. Des formats désormais installés dans le paysage du biathlon mondial. Après avoir accueilli les championnats du monde juniors en 2018, le site estonien d'Otepää servira de théâtre d'opérations aux championnats d'Europe. Enfin, c'est en Biélorussie que le rideau se baissera sur la saison IBU Cup, sur le stade de Minsk.
QUELLES CHANCES POUR LES FRANÇAIS ?
A
près une très belle saison 2019, Aristide Bègue et Caroline Colombo tenteront de se faire une place durable en coupe du monde. Tout comme le Vosgien Fabien Claude ou la Dauphinoise Chloé Chevalier qui n'a pu s'exprimer pleinement l'hiver dernier à cause de soucis de santé. Encore en apprentissage l'hiver dernier, on attend en revanche beaucoup du duo Hugo Rivail - Martin Perrillat-Bottonet, et de Myrtille Bègue qui entameront leur deuxième année chez les seniors. Champion du monde juniors de l'individuel et médaillé d'argent en poursuite, Martin Bourgeois-République emmènera la jeune génération (avec Émilien Claude) qui s'était confrontée au circuit juniors l'an passé. Une relève incarnée côté féminin par Gilonne Guigonnat, Lou JeanmonnotLaurent ou encore les Haut-Savoyardes Camille Bened et Sophie Chauveau.
QUI SONT LEURS PLUS DANGEREUX ADVERSAIRES ?
F
ace aux Bleus, on retrouvera les nations fortes du biathlon mondial. Allemands, Russes, Norvégiens seront tous au rendez-vous pour tenter de glaner les globes de cristal. L'hiver dernier, la Russie avait réalisé le doublé avec Victoria Slivko et Anton Babikov. Sur les onze globes distribués, elle avait réalisé une véritable razzia. Seuls manquaient au palmarès les globes de l'individuel remportés par l'Ukrainienne Yuliia Zhuravok et l'Autrichien Sven Grossegger. Quatrième nation chez les hommes, la saison féminine fut en revanche plus compliquée pour les Françaises. Sans Enora Latuillière, avec une Chloé Chevalier diminuée et une Caroline Colombo en coupe du monde, les Bleues terminaient la saison à un petit septième rang mondial.
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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ 83 À CONSOMMER AVEC MODÉRATION
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SANDRA ÅHS- SIVERTSEN/WSPORTSMEDIA
Le 6 avril dernier, Mikael Gunnulfsen remporte l'une des plus belles courses du circuit : la Reistadlopet, en Norvège.
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LONGUE DISTANCE
TREMBLEMENT DE TERRE La FIS Worldloppet Cup qui se saborde, la Visma Ski Classics qui fixe la nouvelle règle du jeu... Le paysage des grandes courses populaires de la planète a radicalement changé ces derniers mois. Et ce n'est pas fini.
C
C’est un véritable coup de tonnerre qui s’est abattu sur la planète ski de fond le 17 juin dernier. L’assemblée générale annuelle de la Worldloppet, regroupant une vingtaine de courses populaires sur tous les continents, a annoncé la fin de la FIS Worldloppet Cup, la coupe du monde des longues distances. « J’étais pour l’arrêt », déclare Quentin Lebas qui siège au sein de l'organisation internationale pour La Transjurassienne. La FIS Worldloppet Cup, anciennement FIS Marathon Cup, est née en 2005. La dernière édition a été remportée chez les hommes par le Français Damien Tarantola, et chez les dames par la Suédoise Maria Gräfnings. Mais, reconnaît la Haut-Savoyarde Marie Kromer, le milieu s'y attendait un peu : « Il y avait une baisse de régime avec un peu moins de concurrence et de densité. » Le prestige s'était émoussé. En 2011, un autre circuit à étapes a vu le jour : la Ski Classics [Visma
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Ski Classics depuis 2015], qui appartient à W sportsmedia, une société suédoise dirigée par David Nilsson [49 %], et deux courses populaires, la Birkebeinerrennet et la Vasaloppet [51 % à elles deux]. Pour exister, il a adopté des méthodes très différentes de sa consœur. Comme pour le Tour de France dans le vélo, ce sont des teams professionnels qui sont inscrits et qui animent la saison. Dans l'Hexagone, trois teams participeront à la dixième saison [lire page 89]. Ensuite, la « Visma » a joué à fond la carte de la médiatisation. Ses courses sont retransmises, le plus souvent en intégralité, à la télévision. À chaque pays son diffuseur. En Pologne par exemple, c'est la télévision publique TVP ; en Suède Kanal 9 et Eurosport Player... En France, les droits ont été acquis par La chaîne L’Équipe pour deux ans encore. On peut aussi suivre les coureurs sur Internet après s'être acquitté d'un abonnement comme on le ferait pour Netflix. 85
L'agenda nordique,
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••• De quoi attirer l'élite du ski de fond et ses sponsors en mal de visibilité. L'hiver dernier, ce sont 32 équipes, représentant quatorze nations différentes, qui ont participé. Soit 276 compétiteurs, dont 76 femmes. Et de plus en plus de non-Scandinaves. Un record. « On est arrivés au constat que c’était un non-sens d’avoir deux circuits avec, d’un côté, la Visma qui marche fort et, de l’autre, la FIS Worldloppet Cup qui périclitait », résume Quentin Lebas. « Là où la Worldloppet a fait des erreurs, c’est qu’elle n’a pas su imiter la Visma dans son développement. Aujourd’hui, si on veut attirer des partenaires, des teams performants, des sponsors, il faut de la médiatisation », analyse Guillaume Bonnafond, ancien cycliste professionnel et ex-manager du défunt Team Jobstation [lire notre article page 8]. Bref, la Visma Ski Classics a séduit les meilleurs collectifs de la planète… et donc les meilleurs coureurs, et, logiquement, a donné des envies aux meilleures courses. Un cercle vertueux. « Je pense que c'est une très bonne chose », applaudit Alban Gobert, manager du e-liberty Ski Team. À condition que la Visma Ski Classics continue d'évoluer. En clair, il espère une ouverture au skating. Un essai a d'ailleurs été fait, l'hiver dernier, avec la prestigieuse Engadine suisse. Les athlètes, longtemps obnubilés par la coupe du monde, regardent désormais d'un autre œil ces longues distances en pleine mutation. Jusqu'ici, la plupart des fondeurs présents étaient des « recalés » du système traditionnel. À l'exemple de Roxane Lacroix, Alexis Jeannerod, le meilleur Français, ou encore Marie Kromer, étonnante septième de la Vasaloppet. Comme le rappelle Alban Gobert, « la longue distance permet aux athlètes de poursuivre une carrière un peu plus longtemps que ceux qui sont mis sur la touche. » La prochaine étape voudrait qu'elle suscite des vocations auprès des jeunes. Mais l'enjeu n'est pas que sportif. Il est aussi financier. Les courses populaires d'Europe centrale qui veulent jouer en première division ont besoin des pratiquants scandinaves. D'autant plus qu'ils détiennent un fort pouvoir d'achat. Pour les séduire, tout est mis en œuvre. Jusqu'aux tour operators qui entrent dans le jeu, à l'exemple de ce que l'on observe à la Marcialonga dont les inscriptions s'arrachent comme des petits pains.
Le calendrier de la Visma Ski Classics 29|11 01|12 14|12 11|01 18|01 26|01 01|02 09|02 01|03 21|03 28|03 04|04
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ÜLivigno Pro Team Tempo ÜLivigno Prologue ÜLa Venosta ÜKaiser Maximilian Lauf ÜLa Diagolena ÜMarcialonga ÜToblach-Cortina ÜJizerska Padesatka ÜVasaloppet ÜBirkebeinerrennet ÜReistadløpet ÜYlläs-Levi
CT CT CT CT CT CT CT
15 km 35 km 45 km 60 km 65 km 70 km 42 km
CT CT CT CT CT
50 km 90 km 54 km 50 km 70 km
12:00 = 14:00 = 11:00 = 09:30 = 10:30 = 09:00 = 09:00 = 08:45 = 09:30 = 09:20 = 08:00 = 07:50 = 09:00 = 08:30 = 09:00 = 08:45 = 08:00 = 08:05 = 08:00 = 07:45 = 10:30 = 10:00 = 08:00 = 07:25 =
Avec Les Belles Combes et La Savoyarde, La Transjurassienne a intégré le calendrier Visma Ski Classics Challengers qui a vu le jour au printemps.
Une recette qui fonctionne à condition de proposer des prestations de qualité, notamment au niveau des infrastructures hôtelières. C'est, avec la concurrence qui s'est installée entre les différents acteurs, une évidence. Aujourd'hui plus que jamais, les baronnies sont attaquées de toutes parts par des candidats désireux d'intégrer le Pro Tour. Les cartes pourraient d'ailleurs être rebattues d'ici l'hiver 20202021. La Visma Ski Classics s'engage pour trois ans avec les courses... et les contrats arrivent à échéance.
LA VISMA CRÉE UN NOUVEAU CIRCUIT... Parce que la nature a horreur du vide, la « Visma » a aussi créé au printemps un second circuit, appelé Challengers. Ainsi, elle profite de l’arrêt de la FIS Worldloppet Cup. « Ce circuit va être vu un peu comme une chance pour des épreuves de grandir avant d’intégrer, peut-être un jour, le Pro Tour », explique Guillaume Bonnafond. Dans l'Hexagone, La Transjurassienne, mais aussi Les Belles Combes – déjà en pourparlers avec la « Visma » avant le sabordage – et La Savoyarde ont sauté le pas. « Comme c’est nouveau, la Visma Ski Classics Challengers est une belle opportunité, indique Kirsten De Stryker, responsable des Belles Combes. C’était maintenant ou jamais. On espère pouvoir bénéficier de cette bonne dynamique. » Quentin Lebas, pour La Transju’, ne dit pas autre chose. L'ambition est réelle du côté de la plus fameuse des courses françaises de ski de fond : « A court ou moyen terme, on ne s’interdit pas, pourquoi pas, de rattraper le peloton et intégrer le Pro Tour. » Le Pro Tour apparaît donc aujourd'hui comme le saint Graal du ski de fond longue distance mondial, le lieu de tous les possibles, l’endroit où se retrouve le gotha. « Si tu veux avoir l’élite, il faut la Visma ; si tu veux avoir le populaire, il faut la Worldloppet », réplique Quentin Lebas pour qui les deux entités ne sont pas incompatibles. Selon lui, elles doivent juste trou-
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ver un terrain d’entente pour que le ski de fond glisse enfin sur ses deux jambes. « J'ai milité pour un rapprochement des deux circuits », Runni_Cycles_2019_V1 copie rappelle Alban Gobert. L'hiver dernier, son team a d'ailleurs prouvé qu'il était possible de se concentrer sur les plus belles épreuves de la planète, sans distinction de circuit. Il estime que c'est la Visma Ski Classics qui a aujourd'hui l'avantage. Une position qui perdurera si elle opère, d'ici deux-trois ans, les bons choix : « Les Scandinaves aiment le classique, mais les Français ou les Italiens s'en iront si une dose de skating n'est pas ajoutée », répète-t-il.
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20/09/2019
... ET LA WORLDLOPPET UN CALENDRIER MONDIAL « La Worldloppet n'a peut-être pas dit son dernier mot », avance pour sa part Florent Millet, président de l’Amicale Sportive des Moussières. En septembre dernier, elle a publié un grand calendrier réunissant l'agenda des Worldloppet, Euroloppet, Russialoppet, American Ski Marathon Series, Visma Ski Classics... Un serpent de mer dont la tête sort enfin de l'eau. En France, seule La Transjurassienne y figure à ce jour, mais d'autres épreuves de l'Hexagone peuvent s'inscrire moyennant une adhésion. Le prochain étage de la fusée consistera à instaurer un classement mondial. À l'exemple de l'Association of Tennis Professionals (ATP) inaugurée en septembre 1972 par les joueurs de tennis Donald Dell, Jack Kramer et Cliff Drysdale. Chaque fondeur, quel qu’il soit, marquerait des points selon ses performances. Ceux-ci serviraient notamment à organiser les lignes de départ. Des mathématiciens se sont déjà penchés sur la question. « Le futur du ski de fond reste les longues distances, parce que c’est populaire », conclut Florent Millet. Sauf qu'elles doivent maintenant évoluer dans un environnement qui n'a plus rien à voir avec ce qui existait hier encore. La mutation ne fait que commencer. n
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L'agenda nordique
Ski de fond
Terres de jeu pour les Français
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e coup d'envoi de la saison de fond spécial sera donné le 13 décembre à Arvieux. Le niveau s'annonce d'ores et déjà relevé car, tout comme l'étape de La Féclaz début février, ces premières courses sont labellisées FIS. Ce sera l'occasion pour les coureurs de gagner de précieux points et, sans doute, de se frotter à quelques étrangers. Le circuit du Samse National Tour passera ensuite par Méaudre, Le Markstein, La Féclaz donc, Chez Liadet à Mouthe, avant une finale disputée à l'Alpe d'Huez. L'hiver dernier, le classement général avait été remporté par Laura Chamiot-Maitral chez les dames et par le Chamoniard Martin Collet [absent du circuit cet hiver, N.D.L.R.] chez les hommes. Le challenge national U15 est programmé les 29 février et 1er mars au Larmont, sur les hauteurs de Pontarlier. À noter qu'il devient spécifique à chaque discipline. Ainsi, pour le ski de fond, il y aura le samedi un sprint en libre et le dimanche une individuelle en classique. Après Les Fourgs, les championnats de France des clubs qui attirent un public toujours nombreux auront lieu le 15 mars à La Bresse. Les championnats de France longues distances quittent quant à eux l’Étoile des Saisies pour des courses spécifiques en style classique aux Glières. Les championnats de France U17 ne se feront plus sur un classement général à étapes, mais lors d'épreuves dédiées. Le sprint sera disputé à Méaudre (SNT2) et la mass-start aux Contamines à l'occasion des championnats de France de fin de saison. Du 27 au 29 mars, ceux-ci auront pour cadre les pistes des Contamines. Au programme, une mass-start skate, des sprints en classique et les toujours très disputés relais en clôture.
ARVIEUX
13|12 14|12
15|12
ÉTAPE 1
ÜSprint FT == ÜIndividuel 10 km FT = ÜIndividuel 15 km FT = ÜIndividuel 5 km CT = ÜIndividuel 15 km CT =
MEAUDRE
28|12 29|12
ÉTAPE 2
ÜSprint CT ÜIndividuel 10 km FT = ÜIndividuel 15 km FT = ==
LE MARKSTEIN
11|01
12|12
ÉTAPE 3
ÜMass-Start 10 km CT = ÜMass-Start 15 km CT = ÜIndividuel 5 km FT = ÜIndividuel 10 km FT =
LA FECLAZ
01|02 02|02
ÉTAPE 4
ÜSprint FT ÜIndividuel 10 km FT = ÜIndividuel 15 km FT = ==
MOUTHE
22|02 23|02
ÜSprint FT ÜMass-Start 10 km FT = ÜMass-Start 15 km FT =
ALPE D'HUEZ
07|03
08|03
ÉTAPE 5
==
FINALE
ÜIndividuel 5 km FT = ÜIndividuel 10 km FT = ÜMass-Start 5 km CT = ÜMass-Start 10 km CT =
AGENDA SUISSE Voici les dates des championnats suisses de l'élite 2019/2020 : n Saut à ski et combiné nordique 11 au 13 octobre 2019 Vallée de Joux / Prémanon n Ski de fond 1er et 2 février : Realp (départ individuel, poursuite) 27 au 29 mars : Realp (sprint, longue distance, relais) n Biathlon 28 et 29 mars 2020 à Prémanon
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Le championnat de France des clubs se révèle une grande fête du ski de fond.
Trois teams tricolores chez les Pro Les Isérois disputeront quelques courses du Pro Tour et les étapes françaises du nouveau circuit Challengers (La Transjurassienne, Les Belles Combes et La Savoyarde). Sur la piste, ils côtoieront leurs compatriotes du Team Nordique Crédit Agricole Franche-Comté, estampillé ProTeam lui aussi. En particulier Thomas Joly, Alexandre Pouyé, Anouk Faivre-Picon et Paul Goalabré qui a rejoint les Grenouilles en même temps que Claire Moyse, Julien Bellabouvier et Paul Combey. Ce premier hiver permettra aux fondeurs du collectif de prendre leurs marques.
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TEAM NORDIQUE CRÉDIT AGRICOLE FRANCHE-COMTÉ
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es skieurs du e-liberty Ski Team ne seront pas les seuls Français à disputer les courses de la Visma Ski Classics. Après le forfait de Jobstation suite à la défection de son sponsor [lire page 8], deux autres équipes tricolores ont été labellisées Pro Team. D'abord, le team Vercors Isère dont le groupe longues distances est à ce jour composé de Simon Perruche, Thibault Mondon, Yan Belorgey, Baptiste Lorier et Robin Duvillard. Clément Arnault et Louis Schwartz pourront venir grossir l'effectif en fonction de leur agenda OPA/ coupe du monde.
MARATHON SKI TOUR 12|01 ÜMarathon de Bessans 19|01 ÜLes Belles Combes 26|01 ÜLa Foulée Blanche
02|02 09|02 23|02 01|03 08|03 15|03
ÜL'Envolée nordique ÜMarathon du Forez ÜLa Transjurassienne ÜMarathon du Grand Bec ÜTraversée du Massacre ÜLa Savoyarde ÜMarathon des Glières
SWISS LOPPET 29|12 12|01 18|01 19|01 26|01 02|02 09|02 16|02 23|02 01|03 0803
ÜAttraverso Campra ÜPlanoiras Volkslanglauf ÜLa Pachifica ÜRothenthurmer Volksskilauf ÜSurselva Marathon ÜSki Marathon de Kandersteg ÜMarathon d'Einsiedeln ÜFranches Nordique ÜGommerlauf ÜLa Mara ÜL'Engadine
SWISS-CUP 30|01-1er|12 4-5|01 1er-2|02 29|02-1er|03
ÜGoms/Ulrichen ÜCOC Campra ÜSM Realp ÜKlosters 27-29|03 ÜSM Realp 4|04 ÜLangis (Finale)
Les championnats du monde Masters auront lieu du 5 au 14 mars 2020 à Cogne.
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COURSES POPULAIRES 5|01 5|01 11|01 12|01 12|01 12|01 18|01 19|01 19|01 25|01 26|01 26|01 26|01 26|01 1|02 1|02 2|02 2|02 8|02 9|02 16|02 16|02 16|02 23|02 23|02 29|02 1|03 1|03 1|03 8|03 8|03 15|03 21|03 22|03 5|04
ÜAlpe d'Huez Ski Marathon 10-30 km FT 10-30 km FT ÜRonde des Cimes 15-30 km CT ÜMarathon de Bessans 10-21-42 km FT ÜMarathon de Bessans ÜTraversée de la Hte-Joux 21-42 km FT 21-42 km FT ÜTrace Vosgienne 20 km FT ÜLes Belles Combes 20-40 km CT ÜLes Belles Combes ÜMarathon de Font d'Urle 21-42 km CT-FT 25 km CT ÜLa Foulée Blanche 21-42 km FT ÜTraversée du Queyras 42 km FT ÜLa Foulée Blanche 21-42 km FT ÜNordique des Crêtes 25-42 km FT ÜL'Envolée Nordique 15-42 FT/15 CT ÜMarathon des Neiges 15-21 km FT ÜLa Bornandine 21-42 FT/21 CT ÜMarathon du Forez 11-22 FT ÜTour de Sagnard 21-56 km CT ÜLa Transju'Classic 25-48-68 km FT ÜLa Transjurassienne 21-42 km FT ÜMarathon du Mezenc 30 km FT/CT ÜLa Royale 10-30 km FT ÜFranches Nordique ÜMarathon du Grand Bec 25-48-68 km FT ÜMarathon Mtgne Ardéch. 20-42 km FT 12-22-42 km FT ÜLa Mara 12-22-42 km CT ÜLa Mara 53 km FT ÜTransvercors Nordic 21-42 km FT ÜTraversée du Massacre 21-42 km FT ÜLa Savoyarde ÜTrophée du Marchairuz 15-30 km FT 22-30-42 km FT ÜMarathon des Glières 24h de ski ÜSki 24 24h de ski ÜSki 24 21-42 km FT ÜL'Etoile des Saisies 89
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KEVIN CHARBONNIER/TEAM VALOCHE
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I bobil i Norge À la fin de l'hiver, le sprinteur de l'équipe de France est parti en Norvège en camping-car avec son amie. Un voyage improvisé... dont la destination finale était les Lofoten, archipel situé au large de Bodø, au nord du cercle polaire. Récit. 90
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Malgré une vie déjà estampillée « en transit » et constamment de passage, j’ai toujours gardé une envie de prendre le large.
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Avant ce voyage, nous avions une expérience quasi inexistante de la vie en camping-car. À la fin, avec ma « belle amie », nous nous sentions simplement prêts à vivre plusieurs mois de cette façon.
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BAPTISTE GROS
Nous avons voyagé au gré de nos envies, tantôt à profiter d’une montagne pour une sortie de ski alpin au couchant, tantôt à visiter une ville, ou s’arrêter dormir au bord d’une rivière.
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Loin de moi l’idée de me sentir comme un vieux de la vieille, mais à l’aube de la trentaine et après une dizaine d’années assez similaires dans l’entraînement et la compétition, le besoin de changement est venu me taper sur l’épaule. Sans mentir, le ski à haut niveau demande déjà une belle habileté à défaire et refaire des sacs de voyage. Mais, malgré une vie déjà estampillée « en transit » et constamment de passage, j’ai toujours gardé une envie de prendre le large. Déjà quelque peu engagé dans la « #vanlife », le choix s’est fait de lui-même. Je voulais tout avoir à la fois : le maximum de variété dans les sports, les plus beaux paysages, un minimum de confort et le tout, en évitant de dépenser le budget de l’émirat qatari. Je savais donc comment je voulais voyager et surtout où je voulais voyager. Ma saison de ski terminée, j’ai retourné les sites de petites annonces et je m’en suis allé dégoter mon premier camping-car. Les clefs à peine en main, j’ai embarqué Clara (ma belle amie), des skis en tous genres, un kayak, des cannes à pêche... et on a mis les voiles sans plus attendre en direction d’un des plus beaux endroits sur terre : Les Lofoten.
Narvik
Reine
Trondheim NORVÈGE
Oslo
Lillehammer SUÈDE
Puttgarden DANEMARK
Berlin
ALLEMAGNE
FRANCE
Annecy
SUISSE
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my Nous avancions petit à petit, au point même que nous nous sommes surpris à franchir le cercle polaire, n’imaginant pas être autant au nord.
à petit pour laisser place aux immenses étendues danoises et les kilomètres s’enchaînent plus tranquillement. L’incroyable pont de l'Øresund franchi, les paysages se « scandinavisent » et nous voilà maintenant bercés par le charme des côtes et des fjords suédois. Finalement, deux jours et demi dont 24 heures de conduite plus tard, nous entamons nos premiers tours de roues norvégiens.
ÉTAPE 2 JANTELOPPET
Après un court passage par Oslo et Holmenkollen (Mecque du nordique et visite à des amis obligent), nous avons rejoint Lillehammer et les plateaux de Hafjell pour la partie « sport intensif » de notre périple. Là-bas, notre hôte, un certain Peter Northug, nous avait invités pour la dernière bagarre de l’hiver : les 100 m et 30 km de la Janteloppet. Petit bonus pour Clara qui, en plus d’hériter glorieusement du fameux pseudonyme de miss Gros Gros, s’offre une place devant Bjorn Daehlie sur la grille de départ.
Quelques jours, quelques courbatures et une fiesta plus tard, nous étions de retour sur la route pour la suite du périple. La Norvège est un pays immense, la traverser est aussi long que d’y arriver depuis chez nous. Pour monter là-haut, les choix d’itinéraires se limitent à l’immense nationale E6 et pourtant… la diversité des paysages est incroyable. Le cheminement y est calme, paisible, sauvage. Nous avons voyagé au gré de nos envies, tantôt à profiter d’une montagne pour une sortie de ski alpin au couchant, tantôt à visiter une ville, ou s’arrêter dormir au bord d’une rivière. Nous avancions petit à petit, au point même que nous nous sommes surpris à franchir le cercle polaire, n’imaginant pas être autant au nord.
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ÉTAPE 3 LILLEHAMMER – ARCTIC CIRCLE - NARVIK
••• ÉTAPE 1 ANNECY-OSLOLILLEHAMMER Si vous ne le saviez pas, le camping-car n’est pas un foudre de guerre. Avec un 0 à 100 en 37 secondes, faire le choix entre rester à 60 derrière un 35 tonnes ou mettre les roues dans la file où les BMW rentrent à 250 km/h dans nos rétros, ce n’est pas si évident. Heureusement, une fois traversée la frénésie des autoroutes allemandes, les paysages se dégagent petit 92
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On ne compte pas les fois où l'on a eu les larmes aux yeux devant la beauté de certains paysages. VOYAGER EN NORVÈGE ¢ Il est possible de se ravitailler en eau gratuitement dans presque toutes les stations essence, il suffit de demander avec le sourire. ¢ La Norvège possède un droit universel d’accès à la nature. Pour une nuit, il est possible de se garer ou de planter sa tente, presque n’importe où, tant que l’on se trouve à plus de 150 m d’une habitation et que l’on est en dehors d’une réserve naturelle. Sur un terrain privé et si vous voulez rester une deuxième nuit, il faut demander l’accord du propriétaire. ¢ L’influence de l’océan est importante et la météo est plus capricieuse et changeante. Dans les Lofoten, il n’est pas rare de passer du soleil à la pluie, au vent ou au brouillard en l’espace de quelques heures. ¢ Les laveries automatiques sont extrêmement rares, regardez bien à l’avance et anticipez. La vie sans slip propre est nettement moins belle ! ¢ Le tri sélectif n’est pas aussi développé que chez nous. Si dans certaines régions, les gens ont leurs propres poubelles de tri, dans d’autres, il est presque impossible de jeter ses déchets. ¢ Pour ceux qui se poseraient la question, on peut partir en Norvège avec un camper, sans trop planifier. Durant mon premier voyage, presque rien n’a été prévu et c’est au final ce qui m’a le plus plu.
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Presque deux semaines après avoir quitté la maison et au détour d’un tunnel, nous y étions. Une véritable barrière de montagnes sortant d’un océan brumeux, se dressait au loin. Nous faisions enfin face aux îles Lofoten.
ÉTAPE 4 TRAVERSÉE DES LOFOTEN / NARVIK – Â De la même manière que je me suis limité en ne consultant que quelques photos et informations avant de céder à la tentation de faire ce road-trip, je ne souhaite réellement pas rentrer dans les détails et « spoiler » ceux qui voudraient entreprendre ce voyage. Que ça soit sur les skis de fond, les skis de rando, en kayak, en course à pied, la canne à pêche dans les mains ou encore au volant du « pingcar », on ne compte pas les fois où on a eu les larmes aux yeux devant la beauté de certains paysages. Il y avait tout, de la neige et des sommets à grimper « à vue », des plages de surf perdues entre les montagnes, des pistes de ski de fond au milieu des forêts… Un seul souvenir désagréable reste marqué. Dans l’ensemble, nous n’avions ramassé que quelques déchets laissés par inadvertance ou bêtise. Il y a juste eu cette plage, un petit paradis accessible uniquement après des heures de marche, que l’on a trouvée recouverte de milliers 93
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d’ordures en tout genre apportées par les courants. Les Lofoten se trouvent en bout de course du Gulf Stream. Cela implique une étonnante faune aquatique, une météo à l’humeur changeante, mais aussi d’être exposées aux déchets d’une bonne partie du monde qui dérivent sur l’océan.
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ÉTAPE 5 Â – MAISON
L’histoire des Lofoten est fortement liée à l'ère Viking. D'ailleurs, au Musée Viking de Lofotr, vous pourrez découvrir la vie des Vikings telle qu’elle l’était vraiment. À Borg, des archéologues ont découvert la plus grande maison viking jamais mise au jour de cette époque. Le bâtiment mesure 83 mètres de long et a été aménagé en musée vivant.
je me sens plus frais mentalement. Même si j’ai dû adapter mon entraînement et parfois faire des concessions pour la récupération, je me suis prouvé que rien n’est figé en termes de préparation. Au bout de dix ans de ski à haut niveau, il y a toujours de la nouveauté à explorer et on ne cesse d’apprendre sur soi-même. n
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Un mois après le départ, la « vraie vie » reprend progressivement ses droits. La reprise imminente des stages, les rendez-vous, la paperasse officielle... bref, les obligations viennent crever la petite bulle qui nous entourait et nous poussent sur le chemin du retour. On n’y était pas si mal, à deux dans nos quelques mètres cubes. L’écosystème de notre petit cocon sur roulettes était bien rodé. Il résistait à la neige, aux tempêtes, aux kilomètres de routes bosselées, au manque d’intimité et même aux étendages de lessive clandestins. Avant ce voyage, nous avions une expérience quasi inexistante de la vie en camping-car, nous appréhendions la conduite, l’autonomie, les aléas climatiques, le minimalisme et l’accueil que nous pouvions trouver. À la fin, nous nous sentions simplement prêts à vivre plusieurs mois de cette façon. Ma première réaction en rentrant de ce voyage a été d’en planifier d’autres. Les quatre mois qui ont suivi se sont scindés entre les stages, quelques plus petites excursions et un second mois de cavale en Norvège. Énormément de choses positives se sont dégagées de ces road-trips. En plus des souvenirs et d’une expérience personnelle enrichissante,
Les Lofoten se trouvent en bout de course du Gulf Stream. Cela implique une étonnante faune aquatique, une météo à l’humeur changeante... 94
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Énormément de choses positives se sont dégagées de ce road-trip. Je me sens plus frais mentalement. nordic
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Spot nordique
UN FILM Fight Club, ce n'est pas mon film préféré mais il remet en question la société dans laquelle on vit, basée sur la possession. Il ne véhicule pas forcément la bonne manière pour le faire mais c'est un film à voir.
J
eune retraité du biathlon après quinze années passées en équipe de France, SIMON FOURCADE est devenu entraîneur de la relève tricolore au printemps. L'athlète, excellent danseur, n'est jamais avare de bons conseils. La preuve !
UN LIVRE
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NETFLIX
Champion dans la tête de François Ducasse et Makis Chamalidis, un livre qui m'a beaucoup marqué. Je m'y suis souvent replongé tout au long de ma carrière, notamment sur des périodes de doute.
Playlist
UNE SÉRIE TV
coute La chanson quuxemj’é motiver e quand je ve y en tout cas ! J'aime le rap depuis
Rock Ce n'est pas la BO de côté US ou titres un peu rythmés allant de 2Pac, s de ut rto s tout petit. Su nte ére siques très diff français. J'écoute des mumily, PNL, Nekfeu, Booba... Fa Dr. Dre, Iam, Fonky
que j'écoute La chanson co nforter pour me ré au vaise coursn e m e n ur Rós, après u rement. J'aime bie Sig
Narcos. On va me prendre pour un délinquant [rires], mais j'ai toujours aimé les films sur les trafics et les courses-poursuite / enquêtes entre flics et voyous !
UNE ÉMISSION TÉLÉ Je regarde beaucoup plus internet que la télévision. En tout cas, je ne proposerai aucun divertissement. Plutôt des documentaires sur l'environnement, l'économie verte ou les beaux paysages.
CHRISTOPHE ABRAMOWITZ/RADIO FRANCE
culiè Non, je n'en ai pas parti j'apprécie beaucoup le côté planant, nt do ais nd Radiohead. un groupe isla n. Ils ont travaillé avec lee sp de nts me mo s de lors
« ringarde » La chanson éc uter l avec que j’aimenon auocu ne ! J'ai beaucoup de ma
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es en musique Non franchement, s, à part quelques daub des chansons ringarde électronique.
UNE ÉMISSION RADIO J'écoute beaucoup France Inter, surtout le 7-9 de Nicolas Domorand. J'aime aussi Guillaume Meurice qui me fait bien marrer avec son humour de gauchiste engagé.
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MANZONI/NORDICFOCUS
@SIMON FOURCADE
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#SELFSKI
MES APPL
Blablacar, car j'aim ICATIONS pour ne pas voyage e bien partager les trajets Et c'est bon pour r tout seul. la planète.
LE RÉSEAU
SOCIAL Instagram car j'y pa temps. On voit de sse beaucoup de be courte descriptio lles photos avec une n pour suivre l'act ualité de diverses personna lit est devenue plus és. Une photo pa aujourd'hui et le fo rlante qu'un texte nctionnement d'In me plaît bien. sta
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Marie-Laure Brunet
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'hiver frémit et la nature ralentit son rythme pour plonger tout doucement dans la somnolence. On pense journée de ski entre potes, soirée au coin du feu et pot-au-feu fumant. Pour les athlètes nordiques, c’est une autre musique qui résonne. Après avoir encaissé de gros volumes d'entraînement depuis le printemps, le rythme s'accélère à l'approche du coup d'envoi de la saison 2019-2020 avec un chiffre en dénominateur commun : huit... comme huit mois de fastidieuse et intense préparation pour quatre mois de compétition. Les courses d'été permettent de valider et de consolider les points de progression. Pour autant, les interrogations sur l'état de la forme physique tentent de s'immiscer dans l'inconscient, la tension augmente, l'envie d'en découdre devient de plus en plus présente. Plus le portillon de départ se rapproche, plus grand est le besoin d'être rassuré. L'automne est LA période charnière. C'est cette fameuse dernière ligne droite qu'il faut négocier avec détermination et intelligence. Le temps paraît plus long, la météo est capricieuse et, dans les frimas d’un matin de novembre, lorsqu’il faut chausser les ski-roues ou distinguer la cible dans la brume, le moral baisse d’un coup. Pourtant, c'est précisément à ce moment-là que les derniers réglages d'un mécanisme de haute précision se font. Garder la détermination et l'implication sur chaque séance. Athlète, en 2011, avant le départ en Scandinavie pour le dernier
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dans laquelle on fait des hypothèses, on envisage plusieurs possibilités avant de valider celle qui semble la plus plausible. En soumettant ces dernières au test de l'analyse et de l'expérimentation, il nous est possible d'aller de l'avant, d'explorer des parties méconnues de notre être et d'accroître notre champ d'apprentissage et donc nos compétences. C'est par le biais de ces mécanismes que les athlètes progressent saison après saison. Bien évidemment, il y a des périodes qui sont propices au doute et à la remise en question, notamment au printemps et durant l'été. Il permettra de donner de nouvelles orientations à la préparation physique et mentale. À l'approche de la saison, il me paraît nécessaire de prendre conscience des compétences acquises afin de les ancrer et de les rendre accessibles et disponibles pour être performant dès les premières compétitions. Quoi qu'il en soit, le doute est là tel un compagnon de vie. Le reconnaître, c'est déjà accepter qu'il puisse être utile à notre développement et à notre cheminement. « Le doute suit l'âme comme l'ombre suit le corps. » Julien Green
La confiance a sa part dans le processus vertueux construit à partir du doute. Elle permet de commencer et/ou poursuivre sa quête audelà du doute, étape par étape avec méthode, suivi et courage. Du doute naissent l'expérience et la performance… À méditer et à appliquer pour nos nordiques… n
« Le doute est là aussi longtemps que l'on est. Il est là en même temps que la pensée. » Pendant longtemps, je l’ai assimilé à une marque de faiblesse, une sorte de porte d’entrée vers le non-accomplissement, voire le renoncement. En réalité, nous sommes en permanence à son contact dès que nous avons à prendre des décisions et à faire des choix. Un processus doit le transformer en une onde positive. Dans le sport de haut niveau comme au quotidien, il permet à tout un chacun d'être dans un état d'esprit d'ouverture, une dynamique 98
Marie-Laure Brunet est double médaille olympique de biathlon, coach mentale.
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stage de préparation qui est à la fois un entraînement et une sorte de rite initiatique, je commençais à gamberger. Je suis allée seule sur le pas de tir à Bois Barbu dans le Vercors. Je me suis alors imaginée au coude à coude avec Tora Berger, Andrea Henkel and Co. Pendant ma séance de tir, j'ai mis en place un système de confrontation imaginaire pour me préparer au jour du « vrai » duel. Seule face aux cibles, j’essayais de me déstabiliser avec des scénarios de course créés de toutes pièces. Inconsciemment, j'étais en train de me renforcer mentalement en donnant à mon cerveau l'information que j'étais capable de tirer dans l'adversité sans me laisser submerger par le doute ou l’émotion. D’où cette question qui a hanté ma vie de biathlète : comment laisser sa juste place au doute pour se donner toutes les chances de performer ? Dans notre culture, le doute est négatif. Il naît d’émotions autour de la peur et de la crainte. Pourtant, il peut être créateur. Il fait simplement partie de la condition humaine.
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Chouette, je doute !
Emmanuel Jonnier, ancien fondeur français, fait aujourd’hui partie de la “cellule glisse” de l’équipe de France.
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