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EN PISTE POUR LES JEUX DE PÉKIN LE GRAND RÉCIT DE L’HIVER 2020-2021 80 PAGES SPÉCIALES
DE L’HIVER BIATHLON
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SAISON 2021-2022
LE GUIDE COMPLET DE L’HIVER PÉKIN 2022
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OCTOBRE 2021
SIMON DESTHIEUX RÉPOND À SANDRINE BAILLY UNE ÉQUIPE A-T-ELLE BESOIN D’UN LEADER ? L’HOMME QUI A CRÉÉ LA PISTE DES JEUX DE PÉKIN
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OCTOBRE 2021
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Simon Desthieux*, lors du « Samse Biathlon Summer Tour » et de l’inauguration du nouveau stade de biathlon aux Plans d’Hotonnes.
*Vice-champion du monde en 2021 - Sprint 10 km à Pokljuka/Slovénie Champion du monde en 2020 - Relais à Antholz-Anterselva/Italie
2 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
www.ain.fr
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Thibauti/NordicFocus
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Les Épilobes 300, chemin des Mouillettes 39260 Prémanon www.biathlonmagazine.com magazine@biathlonmagazine.com
SAS au capital de 5 000 € RCS Lons-le-Saunier Siret 538 166 166 Président : Franck Lacroix RÉDACTION 1, chemin du Moulin 39260 Martigna Directeur de la publication et de la rédaction : Franck Lacroix Ont collaboré à ce numéro : Sandrine Bailly, Thomas Bray, Florian Burgaud, Marie Le Bobinnec Paul Willems Merci à Isabelle Begon Photo de couverture : Christian Manzoni/NordicFocus PUBLICITÉ Corentin Jacquot : 06 33 43 35 78 publicite@nordicmag.info Impression Rotimpres Distribution www.mynordic.fr rubrique Boutique et magasins partenaires Création : Avril 2019 Dépôt légal : Octobre 2021 ISSN : 2677-6383 La reproduction, même partielle, des articles et illustrations parus dans Biathlon Magazine est interdite. Les Éditions du Jura déclinent toute responsabilité pour les documents remis.
Les Éditions du Jura publient aussi et
ÉDITO
RETROUVAILLES
On redoutait la pluie, elle n’est pas venue assombrir la grande fête du biathlon qu’a été le Martin Fourcade Nordic Festival, début septembre, à Annecy (Haute-Savoie). Il y avait foule ce jour-là. En temps normal, on aurait signalé le succès populaire de l’événement, mais on se serait surtout concentré sur les résultats sportifs. On aurait analysé les performances du Norvégien Sturla Holm Lægreid et de la Française Anaïs Chevalier-Bouchet. On aurait alors tiré des plans sur la comète, à l’aube d’une saison olympique. On aurait cherché des leçons à tirer, échafaudé des théories, ou plus honnêtement des pronostics. Bref, les spectateurs n’auraient été que le décor d’une compétition internationale comme savent les organiser les Scandinaves et les Allemands. Ils auraient assuré l’ambiance qui fait aussi la particularité de ces shows privés. Sauf que la période est particulière. Elle s’inscrit dans ce que l’on espère être la fin d’une crise sanitaire planétaire. La Covid-19 a bouleversé nos vies, elle a aussi enfermé le biathlon dans une bulle où le quidam, le fan, le passionné, le supporter n’avait plus sa place. Il a été exclu pour préserver
la caravane. Le prix à payer pour ne pas provoquer ce que l’on a appelé des « clusters ». Le speaker et la musique parfois kitsch des courses n’ont alors trouvé plus aucun écho dans les gradins tristement vides. Sur le Pâquier, le public a pu retrouver sa place. Certes, il lui a fallu présenter un pass sanitaire puis passer le contrôle Vigipirate. Mais il était bien présent, coloré, bruyant, agité, impliqué. Tous les biathlètes, sourire aux lèvres, ont apprécié. Ils étaient heureux de ces retrouvailles. Même les journalistes avaient plaisir à renouer avec leurs habitudes en zone mixte. La longueur des files d’attente pour obtenir un autographe de son idole témoigne de cette impatience et de cette joie. Celles-ci se sont ensuite renouvelées aux Plans d’Hotonnes, dans l’Ain, puis à Arçon, dans le HautDoubs. C’était comme si le coronavirus appartenait au passé. Sauf qu’au même moment, Pékin 2022 indiquait que les Jeux se dérouleraient avec les seuls Chinois continentaux dans les tribunes. Une annonce comme un coup de semonce pour nous prévenir que la prochaine saison serait encore particulière pour la famille biathlon.
Ce numéro est dédié à Christian Dumont. Il a été un fidèle compagnon de route de Nordic Magazine et Biathlon Magazine. Nous n’oublions pas sa bienveillance, son intérêt, sa disponibilité. Merci à lui [Lire page 114].
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 3
Manzoni/NordicFocus
LE GRAND RÉCIT SAISON 2020-2021
n Étape #1 KONTIOLAHTI • Le Boe jeu de Lægreid p.28 • Wierer gagne la première p.29 • La revanche du champion p.30 • La Suède joue devant p.31 n Étape #2 KONTIOLAHTI • Méfie-toi de tes amis p.32 • Anaïs Chevalier illumine la nuit polaire p.33 • Fabien Claude : J’en suis capable p.34 • Eckhoff is back p.36 n Étape #3 HOCHFILZEN • La riposte des Français p.38 • Fillon-Maillet impérial et libéré p.40 • Les Français tête haute p.41 • Le rebond de Julia Simon p.42 n Étape #4 HOCHFILZEN • Quatre à la suite p.44 • Le récital Jacquelin p.46 • La der de Peiffer p.48 n Étape #5 OBERHOF • La 50e hurlante de Johannes Boe p.50 Le tir décrypté par l’ordinateur p.6 En piste pour l’hiver p.14 L’homme qui a créé la piste des Jeux de Pékin p.16 Ils vont faire mal aux Français p. 18 Une équipe a-t-elle besoin d’un leader ? p.21 Le Grand-Bornand p.108 Christian Dumont p.114
4 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
• Tiril Eckhoff poursuit sur sa lancée p.52 • La leçon de biathlon de Simon et Jacquelin p.54 n Étape #6 OBERHOF • Boe vs Lægreid p.56 • Le relais français en plein dans le mille p.58 • Julia Simon triomphe p.60 n Étape #7 ANTHOLZ • Une dette en comté pour Chevalier p.62 • Je ne voulais pas être le dindon de la farce p.64 • La France avec panache p.66
CHAMPIONNATS DU MONDE DE POKLJUKA • Première médaille pour Desthieux p.70 • Anaïs Chevalier quatre ans après p.72 • Émilen Jacquelin double champion du monde p.74 • Deuxième médaille pour Anaïs Chavelier p.76 • Marketa Davidova mieux que Koukalova p.78 • Lægreid, successeur de Martin Fourcade p.80 • Un duo en or p.82 • Dixième titre mondial pour la Norvège p.84 • Soulagement et tragédie p.86
8 SIMON
DESTHIEUX 112
VÉRONIQUE CLAUDEL
n Étape #8 NOVE MESTO • Épisode à rebondissements p.88 • Le jour de gloire de Simon Desthieux p.90 • Réunion de famille chez les Boe p.92 n Étape #9 NOVE MESTO • Fillon-Maillet dans la lumière p.94 • Fillon-Maillet double la mise p.96 • Les Suédois gagnent sans leurs coachs p.98 n Étape #10 ÖSTERSUND • La fin de la pénitence de Lukas Hofer p.100 • Lægreid met la pression sur Johannes Boe p.102 • Boe triomple, Desthieux gagne p.104
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BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 5
DANS LA JUMELLE
LE TIR DÉCRYPTÉ PAR L'ORDINATEUR
MIS AU POINT À L’ORIGINE PAR LES ADEPTES DU TIR SPORTIF, LE SCATT ET SES DRÔLES DE GRAPHIQUES SONT APPARUS IL Y A QUELQUES ANNÉES À L’ENTRAÎNEMENT DES BIATHLÈTES.
U Manzoni/Nordic Focus
n drôle de gribouillis se dessine sur la cible. Il est digne d’un enfant de deux ans. Un coup à gauche, un détour par le haut, un virage à droite... Un filament vert est en mouvement perpétuel sur l’écran. Le tireur semble pourtant immobile. Mais l’impression est fausse. Ce que l’œil nu ne peut détecter, le SCATT permet de le visualiser avec une précision chirurgicale.
SCATT
Patrick Favre, entraîneur de tir de l’équipe de France masculine.
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Adepte de cet outil depuis de nombreuses années, l’Italien Patrick Favre, entraîneur de tir en équipe de France masculine, avait fait appel à cette technologie en amont des Mondiaux de Pokljuka (Slovénie) la saison passée. Le Vosgien Fabien Claude, dans le dur au tir couché et à la recherche d’explications, avait eu droit à sa séance assistée par ordinateur. À la conclusion, il y avait ces étonnantes courbes semblables à des encéphalogrammes. Elles racontent bien des choses sur le comportement des biathlètes face à la cible. À une distance de seulement cinq mètres, l’outil reproduit les conditions du tir à 50 mètres. Certaines nations l’utilisent aussi en situation réelle. Le capteur optique installé sur le canon de la carabine retranscrit sur l’écran d’un ordinateur et de manière amplifiée tous les mouvements du tireur. « C’est un bon moyen de comprendre son tir et les erreurs qu’on commet, appuie Fabien Claude. On voit qu’elle est la meilleure entrée en cible et si on lâche trop tard sa
balle après être pourtant passé sur la cible. » Autant de micro-détails que l’observation humaine perçoit difficilement. « Par-delà les mouvements de la carabine, le SCATT permet d’étudier la respiration des athlètes sur le pas de tir. On n’en a pas toujours conscience mais la moindre respiration fait bouger la carabine », complète Patrick Favre. « Je percevais les battements de mon cœur tellement la machine est précise », s’étonne encore Fabien Claude, au sujet de sa séance d’avant-Mondiaux. Au très haut niveau, le moindre mouvement parasite transforme une balle dans le mille en un aléatoire cordon. « Avec le SCATT, on a une idée précise du temps passé en visée. Chronomètre en main, on ne perçoit pas tous ces éléments. C’est plus facile de laisser un ordinateur calculer tout ça », prolonge Patrick Favre. Convaincu des bienfaits de cet équipement, Fabien Claude n’en perd pas sa lucidité pour autant : il ne peut pas résoudre tous les problèmes. Rien ne remplace les sensations éprouvées à l’effort. « Cela m’a permis de constater que je ne tirais pas de la même manière essoufflé et au repos. En revanche, cela n’a pas expliqué pourquoi j’envoyais autant de balles basses au couché, reconnaît le Vosgien. Il faut trouver le bon compromis entre le travail avec l’ordinateur et les séances ‘’normales’’, mais c’est pra-
Larisa Kuklina, double médaillée de bronze aux championnats d’Europe de 2021 à Duszniki-Zdrój en pleine séance avec le SCATT.
tique pour s’entraîner ‘’à la maison’’. C’est plus ludique que viser un point et n’avoir aucun retour. » Si le niveau de tir des biathlètes a fait un bond en avant ces dernières saisons, on ne leur demande pas de devenir des tireurs de précision. « Tu peux vite tomber dans l’envie de vouloir tout faire à la perfection. En biathlon, ce n’est pas le tir le plus beau qui marche, mais le plus efficace », prévient Fabien Claude. Autre inconvénient : le capteur installé sur le canon
pèse plusieurs dizaines de grammes. « Cela change ta perception du tir », abonde le Vosgien. « Certaines nations travaillent beaucoup le tir de cette manière, reconnaît Patrick Favre, mais ce n’est pas ma priorité du moment. C’est un instrument de travail parmi d’autres et une bonne alternative le jour où la météo est mauvaise. On l’utilise rarement sur le début de la préparation mais c’est un bon moyen de corriger des fautes pendant l’automne ou à l’approche de l’hiver. » Le SCATT oui, mais avec modération.
Une technologie développée en Russie
Le SCATT, du nom de l’entreprise qui le commercialise, a vu le jour en 1991 en Russie. Il a été développé par des spécialistes du tir sportif. L’outil devait uniquement servir à la progression des tireurs de l’équipe de la Fédération de Russie, mais son utilité a rapidement séduit de nombreux autres pays et le système a été commercialisé. La déclinaison
Manzoni/Nordic Focus
« Je percevais les battements de mon cœur tellement la machine est précise », confie le Vosgien Fabien Claude.
pour les biathlètes est apparue quelques années plus tard. Cet équipement, d’une grande précision, n’est pas à la portée de toutes les bourses. Si l’envie vous prend de vous exercer dans votre jardin, sachez que le SCATT biathlon vous coûtera entre 1 200 et 1 400 euros, selon la version (filaire ou Bluetooth). Le kit comprend notamment le capteur optique, la cible électronique et le logiciel. BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 7
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ZONE MIXTE
SIMON DESTHIEUX PAR SANDRINE BAILLY
Le biathlon, c’est un équilibre fragile
”
Q
uel hiver le discret Simon Desthieux a vécu. Médaillé d’argent aux Mondiaux de Pokljuka (Slovénie), le biathlète d’Hauteville (Ain) a terminé la saison par deux victoires en coupe du monde. « Pour la confiance, ça fait du bien, confiait-il le soir même. C’était une saison complètement atypique pour moi. » Avec sa compagne Célia Aymonier, retraitée des pas de tir depuis le printemps 2020, le sportif de 29 ans a depuis connu les joies de la paternité. Un petit Jules est venu agrandir le foyer. Pour Biathlon Magazine, il répond aux questions de Sandrine Bailly qui partage avec lui l’amour pour le Bugey qui les a vu naître. Un démarrage en douceur, mais une fin de saison comme un feu d’artifice. Raconte-nous tes émotions... Ce fut une saison pleine de rebon-
dissements, en effet. J’avoue avoir douté au début de l’hiver. Puis, je me suis reconstruit doucement pour arriver au mieux aux Mondiaux et là, j’ai vécu quelque chose d’incroyable au niveau des émotions. J’ai été très ému après le sprint car j’ai tellement attendu toute ma carrière que cela reste un moment gigantesque.
Non. Après le tir couché, je sais qu’il y a ensuite le debout et, après celui-ci, je suis toujours concentré sur mon dernier tour où il fallait envoyer pour avoir une chance de médaille. Je ne me suis pas dit que c’était mon jour, mais je me rappelle bien que Grégoire Deschamps [technicien, N.D.L.R.] me le criait sur le bord de la piste.
Après la médaille des Mondiaux, tu as expliqué savoir dès le matin de la course que vous alliez passer une belle journée. Pourquoi ? Il y a des jours comme cela. Dans le sport de haut niveau, tu peux sentir que cela va être une mauvaise journée. Là, je ressentais tout l’inverse. J’ai fait les choses facilement, les unes après les autres en vivant simplement le moment présent.
Ton palmarès en relais est impressionnant : champion olympique, champion du monde, victoires en coupe du monde... Ton objectif affiché était de traduire cette réussite de manière individuelle. As-tu le sentiment d’avoir brisé un plafond de verre ? Il est vrai que j’ai souvent brillé avec l’équipe. Au final, il m’aura fallu être patient pour vivre ces moments forts individuellement, mais je ne regrette rien car, au moins, je connais la valeur de ces résultats. C’est donc pour moi une immense satisfaction d’être parvenu à mes fins.
As-tu pensé à cela quand tu as vu que tu réalisais une belle course ?
IL M’AURA FALLU ÊTRE PATIENT POUR VIVRE DES MOMENTS FORTS INDIVIDUELLEMENT. BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 9
Manzoni/NordicFocus
À LA FIN DE L’HIVER DERNIER, LE BIATHLÈTE DE L’AIN A CASSÉ LA BARAQUE. C’EST DIRE QU’IL VA ABORDER LA SAISON OLYMPIQUE BIEN DIFFÉREMMENT QUE LA PRÉCÉDENTE.
Quand tu as gagné, à quoi as-tu pensé en premier ? C’est marrant, mais j’ai gagné ma première coupe du monde à l’endroit même où j’ai remporté ma première course internationale en junior. C’était déjà à Nove Mesto. Alors je me suis rappelé toute cette évolution, tout ce parcours effectué pour en arriver là. Et, comme quelques semaines auparavant, lors des Mondiaux, je me suis vu valider un rêve de gosse. Après tes victoires, tu as dû recevoir de nombreux messages. Quel est celui qui t’a le plus touché ? J’en ai reçu beaucoup, mais forcément celui de Célia [Aymonier] était le plus touchant car elle, autant que
moi, sait à quel point je rêvais de ce moment-là. Justement, de quoi rêve maintenant Simon Desthieux, 29 ans, médaillé mondial et double vainqueur individuel en coupe du monde ? Je rêve de continuer dans cet espritlà, de faire ce que j’ai fait sur la deuxième partie de l’hiver, mais sur une saison olympique. J’ai presque l’impression que j’en ai encore plus envie en individuel parce que je l’ai déjà fait en relais. Je sais ce que c’est. J’ai envie de le refaire, mais j’ai surtout envie d’illuminer ma carrière individuelle avec une médaille olympique. Est-ce ta dernière chance ? Ne te
Nordic Focus
À Pokljuka, Simon Desthieux devient vice-champion du monde sur l’épreuve du sprint grâce à un sans-faute au tir, derrière le Suédois Martin Ponsiluoma.
vois-tu pas en Italie en 2026 ? J’imagine que les Jeux de Pékin seront mes derniers JO. Je ne me vois pas continuer quatre ans de plus. Cela ferait beaucoup. C’est pour cela que j’ai envie de vivre pleinement cet événement. Personne n’arrive au sommet sans avoir connu de doutes. Quels ont été ou quels sont encore les tiens ? Le doute est permanent dans ma tête. C’est ce qui fait que je me remets en question en permanence et, grâce à cela, je suis plutôt régulier comme biathlète. De quelle manière ces remises en question se font-elles ? La remise en question est le propre
JE SUIS RAREMENT SATISFAIT DE CE QUE JE FAIS, CE QUI ME PERMET D’AVANCER. 10 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Benjamin Becker
Simon Desthieux aime à se ressourcer dans la nature. Le massif jurassien est son terrain de jeu.
Tu es donc un éternel insatisfait... Il le faut pour arriver à rester régulier. Je suis rarement satisfait de ce que je fais, ce qui me permet de toujours avancer dans un domaine. Je cherche l’excellence. Même si je fais un plein sur un tir, je vais vouloir faire mieux dans le suivant. On peut toujours s’améliorer, cela vaut le coup d’être intransigeant.
sports individuels qui ont, eux, contre-performé : « Ensemble, on arrive à fédérer des choses que parfois on n’obtient pas de manière individuelle. Quand on perd la moitié de son temps et de son énergie à se battre avec ses partenaires, c’est tout ce qui manque pour mettre contre ses adversaires ». De l’extérieur, j’ai le sentiment que vous avez bien compris cela au sein de l’équipe masculine. Comment gérez-vous les ego de chacun ? On se connaît beaucoup et on rigole ouvertement de tout avec les gars. On est tous très différents dans l’équipe et, pour autant, cela se passe très bien.
Aux JO de Tokyo cet été, le bilan des sports collectifs a été très positif. Claude Onesta, le manager de la haute performance, a eu des paroles franches quant à certains comportements d’athlètes des
Comment vous répartissezvous les rôles ? Au niveau des personnalités de chacun, on est tous très différents chez les garçons. Il y a tout type de personnages, mais, même en étant différents, avec des énormes travail-
de notre sport. Le jour où on se laisse aller un petit coup, cela ne marche plus du tout. Tout le monde le sait dans le biathlon. Dans les faits, cette remise en question, c’est à l’image de ce que je suis : rester humble, modeste dans ce que je fais et ce que je pense de ce que je fais.
leurs ou d’autres qui vivent plus de leurs qualités, l’ambiance est bonne. Cette année est décidément exceptionnelle car marquée par la naissance de ton premier enfant, Jules. Comment as-tu construit ton nouvel équilibre cet été ? Je crois que pour l’instant, je m’adapte à cette nouvelle situation. Je suis volontairement resté plus à la maison pour profiter de la nouvelle vie de famille. Célia est maintenant spectatrice du biathlon. Son recul sur ta vie de biathlète est-il un plus pour te sortir la tête du guidon parfois ? Oui, j’ai beaucoup de chance d’être avec Célia, qui connaît la discipline, le milieu et qui m’aide souvent à prendre du recul sur les choses. Elle m’aide beaucoup sur le plan mental. Comment ? C’est tout simplement son métier ! Célia est psychologue, elle a beaucoup bénéficié de formations dans ce domaine, comme en hypnose. Ce sont des choses
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Comment vas-tu organiser cette saison 2021/2022 avec le petit Jules ? Célia essayera de venir quelques fois si c’est possible avec Jules sur les coupes du monde... et j’en aurai besoin ! Pour tes troisièmes Jeux olympiques, tu seras forcément plus attendu que sur les précédents. Qu’est-ce que tu as mis en place pour appréhender au mieux cette quinzaine ? Je crois qu’au vu des conditions que nous aurons en Chine, il faudra être préparé à tout, car le vent et le froid sont déjà annoncés. Concrètement, que fais-tu ? Je travaille sur la gestion du vent. Dès qu’il y en a, j’en profite, même par grand vent. Je ne sais pas si cela
Fin septembre, Simon Desthieux gagne sur ses terres des Plans d’Hotonnes, dans l’Ain.
12 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
fera la différence, mais on a le mérite de travailler cet aspect. Concernant le matériel, on s’intéresse au poids de la carabine ou aux gants. Mon fournisseur Kinetixx va nous en fournir des chauffants, c’est important pour moi qui ai souvent froid aux doigts. C’est peu de chose, mais cela permet de me projeter sur les Jeux et, aussi, d’être rassuré. Sur l’aspect mental, cela peut faire la différence.
dans le tir que c’est difficile de savoir sur quoi miser. Jouer pour une trentième place ou pour la gagne, ce n’est pas la même chose. Je suis content d’arriver à encore progresser parce que ce n’est pas évident. Je connais mes lacunes et je sais sur quoi travailler. Les chiffres, ce n’est pas le plus important. On parle d’ailleurs assez peu des statistiques de tir avec les coachs.
Tes statistiques de tir sont en progression constante : 81% en 2017/18, 82% en 2018/19, 84% en 2019/20, 85% en 2020/21 As-tu cherché d’autres méthodes, d’autres approches pour rester motivé et continuer à progresser ? Pas forcément. Je continue à évoluer en cherchant toujours plus les détails et en apprenant toujours plus à mieux me connaître.
Physiquement, tu es l’« as » du dernier tour. As-tu le sentiment de pouvoir, là aussi, encore progresser ? J’essaye de progresser partout. Le biathlon, c’est un équilibre fragile. Je me rends compte avec les années que vouloir en faire toujours plus n’est pas forcément utile.
Que te manque-t-il pour approcher les 90 % de réussite derrière la carabine, sésame pour jouer le classement général de la coupe du monde ? C’est compliqué de répondre parce qu’il y a tellement de paramètres
Comment cherches-tu à trouver cet équilibre que tu décris comme fragile ? Globalement, l’état de forme m’a souvent sauvé dans ma carrière, mais je ne sais pas vraiment comment l’expliquer. Est-ce que je suis endurant et que j’arrive à en mettre un petit peu plus dans le dernier tour ? Mon souhait, maintenant, c’est
Jolypics/NordicFocus
hyper importantes dans ma gestion du mental pendant la compétition et dans la vie de tous les jours. C’est la personne la mieux placée pour me guider au quotidien dans des choix qui pourraient paraître anecdotiques de prime abord, mais qui ont toute leur importance.
d’être meilleur avant ce dernier tour. Mon but est d’être plus régulier sur les trois tours du sprint, l’exercice de référence. Quel regard portes-tu sur la nouvelle génération qui pointe le bout de son nez ? Il y a une belle densité chez les jeunes et ils ont de la chance car cette émulation les aidera pour la suite. Te revois-tu à leur âge ? Quand Éric Perrot a débarqué à Östersund et qu’il disait qu’il avait dix ans de moins qu’Antonin et moi, cela faisait un peu bizarre ! Moi, je suis arrivé très jeune dans un groupe qui était très expérimenté avec les superstars du moment. Je suis resté dans ce groupe en étant tout seul de ma génération quelques années avant que les autres me rejoignent. Eux, ils ont la chance de grandir ensemble. Ils sont bien entourés à Prémanon avec des coachs qui les suivent énormément. Parfois, je ne sais pas s’ils se rendent compte de
cette chance qu’ils ont d’être beaucoup plus accompagnés que nous par le passé. Mais il y a encore du boulot pour eux ! Cela ne se fait pas tout seul. Tu portes les couleurs de l’Ain, d’Hauteville et du plateau de Retord. Grâce en partie à tes résultats, le stade de biathlon des Plans d’Hotonnes a pu être rénové, les pistes agrandies. Le Summer Tour a repris ses quartiers dans ta région d’origine et l’histoire continue. Oui, c’est une chance d’avoir un stade fraîchement rénové aux Plans d’Hotonnes, je crois que c’est surtout bien pour les jeunes des clubs et du comité de l’Ain. C’est là qu’est née ma passion du biathlon, avec Olivier Niogret. Marie Dorin-Habert disait avec humour : « Simon, c’est le mec qu’il faut s’arracher le jour où la société se casse la gueule, il sait construire, il sait faire pousser, il sait tirer le gibier, mais le
souci, c’est qu’il est pris et que sa chérie a une carabine. » Raconte-nous ce qui t’anime quand tu rentres chez toi (en plus de ton petit bonhomme bien sûr) ? C’est sûr que j’ai beaucoup de passions, voire trop des fois, mais c’est ce qui me tient dans la vie. C’est mon équilibre. Entre le jardin, le travail du bois, la nature, il y a de quoi faire. L’avantage c’est que je ne m’ennuie jamais ! Quel est justement ton rapport à la nature ? Je suis presque une sorte de sauvage ! J’aime la tranquillité de la nature, les grands espaces, cette simplicité-là. Dans mon quotidien, je suis entouré de verdure à la maison. Comment t’imagines-tu dans cette future vie après le biathlon ? Pour l’instant, je n’en sais rien, je préfère prendre les années les unes après les autres. On verra en temps voulu !
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LIGNE DE MIRE
EN PISTE POUR L'HIVER
DEPUIS LA FIN DE LA DERNIÈRE SAISON, IL S’EN EST PASSÉ DES CHOSES SUR LA PLANÈTE BIATHLON. CIBLE 1
Augustin Authamayou/NordicFocus
Les Bleus à l’œuvre
En stage à Font Romeu.
Depuis la fin de l’hiver, l’équipe de France de biathlon n’a pas chômé. Elle a enchaîné les stages. Dans un premier temps, elle est restée en France : Chambéry (Savoie), Prémanon (Jura), Corrençon-en-Vercors (Isère) puis La Féclaz (Savoie). La situation sanitaire a longtemps laissé planer un doute sur son traditionnel voyage en Scandinavie, mais les tricolores ont pu s’envoler pour la Norvège. Ils ont d’abord séjourné dans les montagnes à Sirdal, avant de participer au très relevé et réputé Blink Festival, où ils ont pris le départ de la terrible montée du Lysebotn Opp avec les fondeurs, puis des compétitions de biathlon. Comme d’habitude, les Bleus n’ont pas disputé les championnats du monde d’été qui avaient lieu, cette année, à Nove Mesto (République tchèque). Ils
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sont en revanche passés par le Biathlon Contest de Bessans au moment d’un premier séjour en altitude en HauteMaurienne, et, pour quelques-uns d’entre eux, par le Martin Fourcade Nordic Festival d’Annecy. Julia Simon s’est aussi rendue au City Biathlon de Wiesbaden, en Allemagne. Juste après les poursuites du Samse Biathlon Summer Tour des Plans d’Hotonnes (Ain), mi-septembre, les biathlètes de l’équipe de France A de biathlon ont pris la direction de Font-Romeu (PyrénéesOrientales) pour un stage d’altitude de dix jours.
CIBLE 2 Parenthèse Jacquelin Lors du stage de l’équipe de France réalisé durant l’été en Norvège en marge du Blink Festival, le Dauphinois Émilien Jacquelin a chuté pendant une sortie à vélo. Résultat : fracture du radius et main gauche immobilisée plusieurs semaines, empêchant le double champion du monde de la poursuite de pouvoir s’entraîner au tir jusqu’à la mi-septembre. Il n’est pas resté inactif pour autant. Il a repris la course à pied seulement quatre jours après l’opération et le ski-roues, à un seul bâton, à la fin du mois d’août à Bessans (Savoie). Avec sa main droite disponible, il a
aussi tiré des balles avec un pistolet cinq coups semblable aux carabines de biathlon. L’arme a été conçue spécialement pour lui par son frère Clément, patron d’Athletics 3D, et le leader du marché, Recht, qui travaille avec la société Steyr.
CIBLE 3 Non renseigné Suspendu provisoirement le 11 mars dernier, le jour du sprint de Nove Mesto (République tchèque), pour trois défauts de localisation en douze mois, le biathlète letton Andrejs Rastorgujevs a été mis sur le banc de touche pour une durée dix-huit mois par la division antidopage du Tribunal arbitral du sport (TAS). Une sanction qui va durer jusqu’au 11 septembre 2022. Tous ses résultats obtenus depuis le 1er juillet 2020 ont été annulés, ce qui comprend son titre européen remporté à DusznikiZdrój (Pologne) l’hiver passé.
CIBLE 4 Au premier « Plans » Lors de la première partie des championnats de France de biathlon d’été qui se sont déroulés fin septembre aux Plans d’Hotonnes (Ain),
le titre en sprint court est revenu à Quentin Fillon-Maillet, qui conserve donc sa couronne, et Julia Simon. Cela faisait neuf ans que le stade de biathlon du Plateau de Retord n’avait pas accueilli l’élite nationale. Entretemps, il a été presque entièrement rénové. Un chantier qui a duré, au total, deux ans. « Tous les enrobés existants ont été repris, détaille Christophe Lebesgue, le directeur d’exploitation du site. Une extension de la piste, d’environ 700 mètres, a également été effectuée. La ciblerie a été remplacée et les bâtiments ont été agrandis avec la création de salles multifonction et de musculation. » L’équipement a également été orienté vers le handisport.
CIBLE 5
Nordic Magazine
Loïc Page en poste
Manzoni/NordicFocus
Julia Simon.
CIBLE 6 MFNF d’attaque La seconde édition du Martin Fourcade Nordic Festival a connu un grand succès. Durant trois jours, plus de 20 000 visiteurs ont fréquenté l’événement qui a débuté à Annecy (Haute-Savoie) par un concert de Gaëtan Roussel. Le samedi, les athlètes ont pu compter sur le soutien des 4 000 spectateurs présents en tribune et des 10 000 fans venus les acclamer le long du Pâquier. Anaïs Chevalier-Bouchet a livré une belle bataille avec la numéro 1 mondiale Tiril Eckoff et s’est imposée au bout du suspense, tandis que Sturla Holm Laegreid est devenu le nouveau tenant du titre remporté il y a deux ans par Martin Fourcade.
Loïc Page.
Loïc Page a succédé à Christian Dumont, décédé en août, au poste de coordinateur des circuits nationaux de biathlon qui vont s’internationaliser l’hiver prochain. « On va accueillir un peu plus de monde dans le cadre des Regional Events de l’IBU, révèlet-il. Des Belges, Andorrans, Britanniques ou encore Espagnols participeront ainsi à la coupe de France.
CIBLE 7 Bø bobo Lors du City Biathlon Wiesbaden (Allemagne), le Norvégien Tarjei Boe, victime de fixations de skis à roulettes défaillantes, a été victime de deux chutes spectaculaires. Résultat ? Une commotion cérébrale, des maux de
Deubert/NordicFocus
Jolypics/Nordic Focus
Le Norvégien Sturla Holm Lægreid a enthousiasmé le public français à Annecy.
Tarjei Boe.
tête, de la fièvre et un entraînement qui a été très difficile à reprendre. Le Norvégien a pu se consoler dans les bras de sa petite amie Gita Simonsen avec qui il s’est fiancé.
CIBLE 8 Sans interdit Le 29 mai dernier, par un vote du Conseil des sports adopté à 133 voix contre 30, les chambres à hypoxie ont de nouveau été autorisées en Norvège. L’Association nationale de biathlon militait pour la levée de l’interdiction. Un temps, Johannes Thingnes Boe a même envisagé d’équiper une pièce de sa maison, avant de renoncer.
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CIBLE 9 C6, mais pas C8 L’IBU va interdir dès le début de la prochaine saison une partie des farts contenant du fluor. Il s’agit de ceux à haute teneur en carbone, également appelés C8. Les produits C6 à chaîne basse, moins concentrés, restent autorisés. « Toutes les fédérations nationales et les entreprises de fartage accréditées sont tenues de signer une déclaration indiquant que leurs équipes suivront les règles (...) », indique la fédération internationale. Des analyses seront réalisées ponctuellement .
CIBLE 10
Manzoni/Nordic Focus
Simon Eder mieux que Julien Robert
MAX SAENGER, L'HOMME QUI A TRACÉ LA PISTE OLYMPIQUE À LA DEMANDE DU COMITÉ D’ORGANISATION DE PÉKIN 2022, L’AMÉRICAIN A CONÇU LA PISTE QUE VONT DECOUVRIR LES BIATHLÈTES EN FÉVRIER PROCHAIN.
E
n février prochain, Pékin deviendra la première ville de l’histoire à avoir organisé à la fois les Jeux d’été (2008) et ceux d’hiver. Pour le nordique, le rendez-vous est donné à Chongli, non loin de Zhangjiakou. Comme souvent pour les JO, un chantier titanesque a vu le jour, pour faire émerger les pistes et les stades sur lesquels les athlètes vont briller cet hiver. Du côté du biathlon, c’est l’Américano-suisse Max Saenger qui a été missionné par BOCOG (Comité d’orga-
nisation des Jeux 2022). Bien que Max Saenger soit délégué technique et arbitre de piste à l’IBU, ce n’est pas à ce titre qu’il intervient en Chine : « Je suis juste Max, expert engagé par BOCOG. Quand je suis en Chine, je dois ranger ma casquette de l’IBU », confie l’officiel. Cette mission est inédite pour lui, puisque c’est le premier stade qu’il conçoit entièrement seul. Le cinquantenaire n’en est toutefois pas à son galop d’essai et accumule une longue expérience dans ce domaine. « J’ai participé à l’élaboration des pistes
Simon Eder.
La saison dernière, le biathlète autrichien Simon Eder a réalisé une saison remarquable sur le pas de tir. Avec 93,33% de réussite dans l’exercice, il avait même été, honorifiquement, sacré meilleur tireur du circuit devant Sturla Holm Lægreid (92,62%) et Jakov Fak (90,71%). Ce que l’on ne savait pas à l’époque, c’est qu’en comparant avec les pourcentages de tir des biathlètes toutes saisons confondues, nos confrères d’Extra Runde se sont rendu compte qu’il s’agissait tout simplement du score le plus élevé de l’histoire de la coupe du monde de biathlon (pour un biathlète lâchant au moins 300 balles sur un exercice). Le vétéran autrichien détrône ainsi le Français Julien Robert de son piédestal (93,03% en 2005/2006). Pour la petite histoire, Lægreid est troisième, Martin Fourcade 7e.
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BULLE SANITAIRE Le 29 septembre dernier, le comité d’organisation des prochains Jeux olympiques a précisé les mesures qu’il avait prises par rapport à la crise de Covid-19. Il recommande fortement à tous les athlètes et les participants d’être vaccinés à leur arrivée en Chine. Ils pourront ainsi intégrer une bulle sanitaire. Les autres devront observer une quarantaine de 21 jours. Les sportifs qui peuvent fournir un justificatif d’exemption médicale verront leur cas examiné. À partir du 23 janvier et jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques, tout fonctionnera donc en vase clos. « Ce système de gestion en circuit fermé couvrira tous les domaines liés aux Jeux, notamment les arrivées et les
départs, le transport, l’hébergement, la restauration, les compétitions, ainsi que les cérémonies d’ouverture et de clôture », indique Pékin 2022. À l’intérieur, les participants ne seront autorisés à se déplacer qu’entre les sites liés aux Jeux, pour s’entraîner, participer aux compétitions et travailler. Tous les participants aux Jeux seront soumis à des tests de dépistage quotidiens. « Tous les vaccins reconnus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou les organisations internationales apparentées, ou approuvés officiellement par les pays ou régions concernés, seront acceptés », annonçaient encore les responsables.
Max Saenger a été contacté par BOCOG, le comité d’organisation de Pékin 2022. Le champion norvégien Ole Einar Bjoerndalen a dit apprécier la piste.
Pékin 2022
Son premier voyage sur le site olympique a lieu fin 2016, pour découvrir le terrain et commencer à imaginer un parcours. Le 9 juin 2017, le profil est tracé. Mais, il le souligne, sa volonté était de respecter l’environnement. « Je n’ai pas fait une piste, elle était déjà là. Moi j’ai juste dessiné où les athlètes vont skier. J’ai choisi comment j’allais organiser tout ça pour que ce soit intéressant. Je voulais une piste en accord avec la nature », insiste-t-il. Une fois son croquis réalisé, Max Saenger s’est rendu en Chine et a planté des centaines de piquets pour délimiter la piste. C’est ensuite BOCOG qui a pris le relais et entamé les travaux de construction. Travaux que le principal intéressé n’a pas pu suivre comme il le souhaitait à cause de la crise sanitaire. Sa dernière visite remonte à décembre 2019 et il n’en fera pas d’autres avant le grand rendez-vous de février. « J’avais un vol prévu mi-septembre mais, encore une fois, je n’ai pas pu y aller à cause de la Covid. J’aurais bien aimé voir comment ils ont construit la piste, parce qu’il y a forcément des petites choses qui doivent être différentes de ce que j’avais imaginé », déplore l’Américain. Max Saenger devrait se rendre à Chongli début décembre afin de tester la piste pour les techniciens. Sinon, il découvrira le stade comme tout le monde en février. Enfin presque tout le monde, car l’équipe de Chine, privée de coupe du monde l’hiver dernier à cause de la crise sanitaire, s’y est déjà entraînée à plusieurs reprises avec ses coachs Darya Domracheva et Ole Einar Bjoerndalen. L’occasion pour Max de recevoir des premiers retours sur son travail : « Les Chinois sont contents de la piste », se réjouit l’officiel de l’IBU. Et avec un entraîneur aussi exigeant que Bjoerndalen, si le Norvégien est content, normalement tout le monde le sera !
Manzoni/Nordic Focus
de Presque Isle et de Fort Kent dans le Maine [Nord-Est des États-Unis, N.D.L.R.] et j’ai retravaillé une bonne partie de celle de Pyeongchang pour les Jeux, parce qu’il y avait des descentes dangereuses », explique-t-il.
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Sebastian Samuelsson
Johannes Thingnes Boe
Benedikt Doll Tarjei Boe
Sturla Holm Lægreid
ILS VONT FAIRE MAL AUX FRANÇAIS(ES) ILS OU ELLES POURRAIENT CAUSER DES MISÈRES AUX TRICOLORES LORS DE LA PROCHAINE SAISON OLYMPIQUE. HOMMES 1. Johannes T. Boe Poussé dans ses retranchements par son Sturla Holm Lægreid, le numéro 1 mondial a conservé son gros globe pour la troisème saison d’affilée. Et il n’y a désormais guère que sur les Jeux olympiques que son palmarès est indigne de son talent. Voilà qui tombe bien, 2022 est une année olympique ! 2. Sturla H. Lægreid Premier surpris par ses performances, le jeune Norvégien a bien failli remporter le général de la coupe du monde. Impressionnant d’efficacité, il conclut une saison de toute beauté avec sept victoires en coupe du monde, quatre titres mondiaux et deux petits globes de cristal (individuel et poursuite).
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3. Tarjei Boe À 33 ans, l’aîné de la fratrie a décroché son onzième titre mondial avec ses copains du relais. Il remporte également son premier petit globe de cristal depuis plus de dix ans en s’adjugeant le classement de la mass-start. Il pourrait bien tirer sa révérence à l’issue de cette saison olympique et, s’il ne vise plus le classement général, il reste un candidat sérieux au podium sur chaque course. 4. Johannes Dale À 24 ans, le trapu Norvégien a gagné en régularité en ne sortant qu’une fois du top 30. Auréolé de deux médailles mondiales, il signe pas moins de six podiums cette saison alors qu’il était toujours resté au pied de la « boîte » jusqu’à présent. Il a peiné davantage en fin de saison.
5. Benedikt Doll L’Allemand sort d’une saison mitigée avec son pire classement mondial depuis six ans. Sans aucun podium l’hiver dernier (là aussi, une première depuis six ans), il ne semble plus pouvoir peser autant sur les courses. 6. Sebastian Samuelsson Vice-champion olympique de sprint à 22 ans, le Suédois a sorti une saison référence. Sixième mondial, le biathlète d’Östersund peut aussi compter sur un collectif national retrouvé. 7. Martin Ponsiluoma Autre grande révélation de l’hiver, le Suédois décroche l’or mondial sur le sprint de Pokljuka. Grand artisan de la réussite du relais, il a passé un cap physique et peut s’appuyer sur un tir debout solide.
Dorothea Wierer
Marte Olsbu Roeiseland
Nordic Focus
Tiril Eckhoff
Hanna Oeberg
Franziska Preuss
8. Alexander Loginov Après deux saisons de très haut niveau, le sulfureux Russe a été plus discret ces derniers mois. Moins à l’aise derrière la carabine, moins saignant sur les skis, il a repris l’entraînement avec l’équipe nationale après s’être préparé seul lors des dernières intersaisons. 9. Jakov Fak Redoutable lors des grands championnats, il a un peu manqué son rendez-vous lors de ses Mondiaux à domicile. Mais il signe sa meilleure saison depuis trois ans aux portes du top 10 mondial. Pas loin d’être le doyen de la caravane mondiale, le Slovène pourrait bien encore étoffer sa collection de médailles lors des Jeux de Pékin. 10. Lukas Hofer Toujours placé, l’Italien du Sud Tyrol semble moins étincelant, mais il s’est rappelé au bon souvenir des bookmakers avec trois podiums (dont une victoire), après deux hivers sans podium. À 31 ans, les Jeux italiens de 2026 semblent un peu loin pour lui, mais Pékin pourrait lui offrir une porte de sortie en or.
DAMES 1. Tiril Eckhoff La patronne du biathlon mondial c'est elle. À 31 ans, la Norvégienne allie une légendaire décontraction à une expérience à toute épreuve. Cet hiver, elle aura en ligne de mire son premier titre olympique en individuel, seul trophée qui lui manque. De quoi la détourner du gros globe de cristal ? Rien n'est moins sûr... 2. Marte O. Roeiseland Voilà trois saisons que la Norvégienne n'a pas quitté le top 5 du général de la coupe du monde. Régulière, polyvalente, expérimentée, son talent n'a pourtant pas encore été récompensé de cristal. Formidable sur les grands championnats (elle est onze fois championne du monde !), elle n'a jamais semblé aussi forte. 3. Franziska Preuss Auteure de sa meilleure saison avec la troisième place du général, l'Allemande est d'une régularité exemplaire (elle n'est sortie qu'une fois du top 30 l'hiver dernier !). Handicapée par un tir debout parfois friable, elle s'est néanmoins imposée comme la nouvelle leader de la Mannschaft.
4. Hanna Oeberg 5e mondiale en 2019, 4e l'année suivante, la Suédoise aurait pu encore progresser dans la hiérarchie mondiale. Porteuse du dossard jaune en décembre, elle fut en revanche presque transparente sur les deux dernières étapes de coupe du monde. Mais elle défendra avec ardeur son titre olympique de l'individuel. 5. Dorothea Wierer Après deux gros globes de cristal, la belle Italienne a vécu des hauts et des bas l’hiver dernier. Sans médaille mondiale à Pokljuka, elle aura à cœur de réussir ses derniers Jeux pour décrocher enfin une médaille individuelle après les deux en bronze en relais mixte en 2014 et 2018. 6. Lisa Teresa Hauser Longtemps placée, rarement gagnante, l'Autrichienne a changé d'envergure la saison dernière en empilant les podiums et en décrochant son premier petit globe de cristal (classement de l'individuel, qu'elle a partagé avec Dorothea Wierer). À l’aise sur tous les formats, la nouvelle championne du monde de la massstart peut encore passer un cap cette saison.
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8. Denise Herrmann Après une saison 2019/2020 étincelante, l'Allemande a connu quelques jours sans, derrière la carabine. À bientôt 33 ans, l'ancienne fondeuse est en revanche toujours aussi redoutable sur les skis. Quand les planètes sont alignées, elle devient presque imbattable. 9. Ingrid L. Tandrevold Incarnation de la relève du biathlon norvégien, elle a confirmé après une saison 2019/2020 pleine de promesses. Si elle pèche encore parfois au debout, elle a goûté aux joies d'une première victoire individuelle, d'un premier globe de cristal (mass-start) et est repartie de Pokljuka avec trois médailles mondiales autour du cou. 10. Marketa Davidova 14e mondiale à 23 ans, 11e la saison dernière, la Tchèque a gagné en régularité. Elle s'est également affirmée en remportant le titre mondial de l'individuel. Si son tir couché est très solide (89 %), son debout l'empêche encore de viser plus haut.
Sorti(e) du chapeau
L’an dernier, personne n’imaginait quel serait le parcours du Norvégien Sturla Holm Lægreid, quasi inconnu au début de la coupe du monde. La Biélorusse Dzinara Alimbekava n’avait pas non plus été sous les feux de la rampe. Peut-on s’attendre à pareilles découvertes ? Alors qu’un hiver olympique approche, les révélations tenteront de confirmer et les leaders de garder leur précieux trophées. Pour d’autres, les Jeux de Pékin pourraient offrir une porte de sortie dorée. Une chose est néanmoins certaine, les Bleus n’auront pas la partie facile.
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Multivers
7. Dzinara Alimbekava Véritable révélation de l'hiver dernier, la Biélorusse a déjoué tous les pronostics. Vainqueure du nouveau classement des moins de 25 ans, le plus dur arrive pour elle : confirmer ! Seuls bémols à une saison pleine : des championnats du monde difficiles et un tir couché perfectible.
À VOUS DE JOUER Et si vous organisiez une coupe du monde de biathlon dans votre salon ? C’est désormais possible grâce au jeu de société Biathlon Crystal Globe. Deux à douze concurrents peuvent ainsi s’affronter lors de sprints, poursuites et autres mass-starts. L’idée a germé dans la tête de Christophe Leclercq, ancien footballeur de Nevers, Gueugnon, Sète et Montceau entre 1975 et 1989, qui s’est pris de passion pour le sport dans lequel Martin Fourcade a excellé de nombreuses années. « C’est tout sauf un jeu de l’oie », précise d’emblée l’auteur natif de la Nièvre. Autrement dit, c’est le joueur et non le hasard qui décide des stratégies. Et le suspens est au rendez-vous, comme dans la vraie vie. « Cela m’a pris deux ans pour réussir à reproduire le suspens des compétitions », insiste Christophe Leclercq qui a réalisé de nombreux calculs statistiques très pointus. D’ailleurs, il a prévu trois niveaux de difficulté. À Annecy, au Martin Fourcade Nordic Festival, un peu plus de trois cents personnes ont découvert Biathlon Crystal Globe présenté dans le village des partenaires. « Les retours sont positifs », se félicite Didier Jacobée, le directeur de Multivers qui édite le jeu. Six mois ont été nécessaires pour mener à bien le développement, de la réalisation des illustrations à la conception des cartes et des dés. Quand il a découvert le projet de Christophe Leclercq, ce professionnel expérimenté a été séduit par le niveau de difficulté, ni trop simple, ni trop compliqué. Surtout, applaudit-il, les règles préservent « les sensations qu’on a en regardant le biathlon à la télévision », ce qui semblait indispensable. Tir couché ou tir debout, avec ou sans vent, il faudra ainsi choisir entre un tir rapide mais risqué ou un tir plus posé et plus sûr. Deux options bien différentes mais qui peuvent s’avérer gagnantes l’une comme l’autre. Et chaque tour de jeu réserve son lot d’imprévus, de prises de risque, d’alliances temporaires et d’opportunisme. Bref, on ne s’ennuie pas. Christophe Leclercq a réussi à réunir tous les ingrédients dans la boîte de jeu. « Quand j’ai une passion, j’essaie de la faire partager », confie l’homme qui n’en est pas à sa première expérience. « Il y a douze ans, j’avais créé un jeu sur le cyclisme, Leader 1 », rappelle-t-il.
49 € environ, parution début novembre. jeuxmultivers.com
UNE ÉQUIPE A-T-ELLE BESOIN D'UN LEADER ?
Manzoni/NordicFocus - Tumashov/NordicFocus
APRÈS LA DERNIÈRE COURSE DE MARTIN FOURCADE, LA BIATHLONSPHÈRE S’EST VITE DEMANDÉ À QUOI RESSEMBLERAIT LA DISCIPLINE SANS SON CHAMPION. LE BIATHLON TRICOLORE ALLAIT-IL PAYER SON ABSENCE ? LES RÉSULTATS SONT-ILS FORCÉMENT GUIDÉS PAR LA PRÉSENCE D’UN LEADER ET QUELLE RÉALITÉ SE CACHE DERRIÈRE CE TERME ? ENQUÊTE.
Simon Desthieux, Quentin Fillon-Maillet et Émilien Jacquelin, les trois têtes d’affiche de l’équipe de France de biathlon.
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Manzoni/NordicFocus
L
e biathlon est un sport individuel qui se pratique à plusieurs. Voilà une définition qui plaît aux biathlètes. Il n’est pas un relais sans qu’en zone mixte, on ne parle de « se battre pour le collectif » ou de « se dépasser pour les copains ». Et, dans un sport où le groupe est si important, il est utile de se poser la question de la place et du rôle d’un leader. Surtout après le règne sans partage de Martin Fourcade. Si l’on s’en tient à la définition du dictionnaire, le leader, c’est celui qui, à l’intérieur d’un groupe, prend la plupart des initiatives. Il mène les autres, leur montre le chemin. À l’opposé des sports collectifs où il a un rôle statutaire de capitaine, en biathlon, il s’impose de lui-même. Jean-Claude Banfi, préparateur mental et ancien entraîneur de la section sportive de Saint-Alban-Leysse (Savoie), a malgré tout défini des schémas de construction. Pour lui, l’homme ou la femme providentiel(le) ne tombe pas du ciel : « En préparation mentale, on intervient sur ce que l’on appelle les habiletés mentales. Parmi celles-ci, la notion de relation aux autres permet souvent de distinguer qui sont les leaders », indique-t-il. Il lui arrive d’utiliser un outil qui s’appelle le « sociogramme » : « Dans le cas du biathlon, on peut par exemple demander aux athlètes avec qui ils préfèrent courir en relais et on transpose leurs réponses par des flèches. Dans le diagramme, ceux qui sont capables de générer le plus de flèches et donc le plus de relations aux autres sont souvent les élus. » Il faudrait donc qu’il y ait adhésion. Mais est-ce indispensable de se ranger derrière un meneur pour réussir ? En 2016, Siegfried Mazet quitte la France pour rejoindre la Norvège. À l’époque, se souvient-il, « Ole Einar Bjoerndalen était présent. C’était un leader parce qu’il avait du charisme grâce à son palmarès et ses résultats, mais il n’était pas investi dans l’équipe. Il s’entraînait beaucoup en marge du groupe. Il me manquait alors quelqu’un... » Comme si la présence d’une figure de proue était un ingrédient indispensable à la réussite du clan. Pour le Drômois, cela ne fait aucun doute : « Dans le fonctionnement d’une équipe, c’est primordial. Une équipe de haut niveau, c’est une
L’hiver dernier, un surprenant Sturla Holm Lægreid est venu cabosser le leadership de son coéquipier Johannes Thingnes Boe.
meute. Le leader va endosser un rôle, une responsabilité pour le groupe, c’est lui que les médias vont venir voir, il va assumer une part plus grande de la pression, ce qui permet aux athlètes plus jeunes de s’affranchir un peu de ces contraintes, de ces attentes. » Après l’ogre Bjoerndalen, la Norvège n’a pas eu longtemps
à se chercher un leader en la personne de Johannes Thingnes Boe (juste après Emil Hegle Svendsen), comme l’explique son entraîneur de tir : « Pour moi, le déclic, c’est la saison 2017-2018, quand Johannes a commencé à gagner régulièrement [le Scandinave empochera dix victoires en coupe du monde cet hiver-là, N.D.L.R.]. Il a compris que
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Julia Simon aux championnats de France aux Plans d’Hotonnes.
c’était important pour lui d’assumer ce statut. C’est devenu naturel. » La France, après avoir vécu sous l’aura d’un champion hors norme durant sept ans, n’a pas connu cette passation de pouvoir immédiate. Aujourd’hui, Quentin Fillon-Maillet est certes un cran au-dessus grâce à sa présence dans le top 3 mondial, mais Stéphane Bouthiaux, le patron des Bleus, en convient : « Il n’y a pas de réel leadership aujourd’hui en équipe nationale, ou plutôt on peut dire que le leadership est partagé entre trois garçons avec Quentin, Simon [Desthieux] et Émilien [Jacquelin]. Eux ont grandi derrière Martin [Fourcade] qui prenait toute la place. Quelque part, ils ont gardé l’espace qui était le leur. Le groupe actuel a appris à vivre comme cela, tout en se donnant des objectifs très élevés », décrit le Jurassien. Une situation particulière qui a en
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La nature a horreur du vide. Quand Alexander Loginov pâlit, Eduard Latypov montre le bout de son nez.
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Malgré ses résultats, Bjoerndalen n’a jamais voulu jouer les meneurs d’hommes.
quelque sorte été celle vécue par la Russie la saison dernière. La lumière de sa star Alexander Loginov a quelque peu pâli et d’autres ont profité de cette obscurité pour briller : Eduard Latypov, Matvey Eliseev... Cette période de transition n’est pas toujours simple à gérer, comme l’explique Jean-Claude Banfi : « Il peut y avoir plusieurs leaders avec des compétences spécifiques qui se construisent l’un par rapport à l’autre, mais il peut aussi y avoir des leaders qui s’affrontent. » Et de prendre l’exemple de l’équipe cycliste Movistar lors du Tour de France de 2019. C’est en tout cas ce que montre un documentaire instructif sur Netflix. Il met en lumière l’opposition Mikel Landa/ Alejandro Valverde/Nairo Quintana. « Au bout d’un moment, le but devient juste d’être devant l’autre, et non plus de gagner le Tour de France. » Aussi, insiste-t-il, la prise en compte de ce statut est importante dans la gestion
du team « car le leader n’est pas forcément vu comme tel par les autres ». Reste que les « numéro un » se sont toujours construits dans l’adversité : les duels Poirée-Bjoerndalen, Fourcade-Svendsen, puis Fourcade-Boe ont nourri l’exceptionnel. Les premiers intéressés en conviennent très bien. Martin Fourcade disait de son rival scandinave qu’il l’avait rendu meilleur et le Norvégien tenait le même discours vis-à-vis du Catalan. Presque vingt ans plus tôt, les mêmes mots étaient échangés entre Ole Einar Bjoerndalen et Raphaël Poirée. Le cas de Quentin Fillon-Maillet est intéressant. Troisième mondial depuis trois saisons, le Jurassien endosse volontiers les habits, comme il l’expliquait à Nordic Magazine en août 2021 : « Ce statut, je le porte volontiers. Mes objectifs sont d’aller sur la première marche, donc ça va ensemble. » En juin, dans l’émission L’Équipe du Matin sur La Chaîne
sa première récompense individuelle en championnat du monde, ne veut pas voir figurer son nom en grosses lettres tout en haut de l’affiche : « Moi, je m’en fiche. Je suis loin de cela. Leader, cela veut tout et rien dire. Peut-être que certains aiment cela et en ont besoin pour avancer, moi pas. Le biathlon est un sport où, un coup on est devant, un coup derrière. Pour moi, être leader, cela n’a pas d’importance du tout. »
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Johannes Thingnes Boe et son coach Siegfried Mazet devant les cibles.
Anaïs Chevalier-Bouchet lors du stage de l’équipe de France dans les Pyrénées.
L’Équipe, Émilien Jacquelin disait ceci : « Si, dans quelques années, je veux vraiment prétendre à gagner le classement général, il faut que je m’y prépare en me mettant dans cette configuration dès cette préparation estivale. C’est pour ça que je préfère ne pas me cacher. Je commence non pas à prétendre au gros globe, mais à y penser. » Leader rime-t-il alors obligatoirement avec les premières places du classement ? Pour Siegfried Mazet, « le leader a cette capacité à mieux résister à la pression, donc oui, forcément, en biathlon, cela se traduit souvent par de meilleurs résultats ». Et ce ne sont pas Martin Fourcade ou Johannes Thingnes Boe qui contrediront cette affirmation. À l’inverse, le biathlon tricolore a souvent eu des athlètes dominateurs qui n’ont pas été des locomotives. Stéphane Bouthiaux se souvient de Raphaël Poirée. Le quadruple vainqueur
du général de la coupe du monde « tirait l’équipe du fait de ses résultats, mais n’avait pas d’influence directe sur le groupe. Malgré cela, il s’est toujours fait la peau dans les relais pour aller chercher des résultats ». Dans l’équipe féminine, Marie Dorin-Habert n’a jamais caché son refus d’être cheffe de file, comme elle l’expliquait encore en octobre 2018 lors de la traditionnelle présentation des équipes de France à la presse : « Être leader, c’est très bien, c’est un honneur. Mais c’est quelque chose qui est hyper pesant. Je n’ai pas vocation à donner l’exemple ou montrer comment il faut faire. Les autres Françaises sont toutes assez grandes. Il y a des gens qui aiment être sur le devant de la scène. J’aime bien gagner mais pas tout ce qui suit derrière. Donc voilà, s’il y en a d’autres qui le font pour moi, c’est parfait. » Même posture pour Simon Desthieux. Le biathlète de l’Ain, qui a pourtant gagné deux fois cet hiver et a glané
Il y a aussi des sportifs qui se révèlent quand d‘autres ont tiré leur révérence. Le départ de Sandrine Bailly a ainsi fait émerger MarieLaure Brunet, celui de Raphaël Poirée a mis Vincent Defrasne sur orbite. Les exemples sont pléthoriques. Pour autant, il serait faux de croire que le leadership n’est qu’une question de succession. Prendre la tête d’un groupe demande des qualités particulières et tous n’en sont pas capables. À vouloir être « calife à la place du calife », certains se sont brûlé les ailes, se trompant d’objectif. De plus, le biathlon, à l’image du cyclisme, est un sport où le premier du classement est identifié par un dossard distinctif. La quête effrénée de la tunique rouge, jaune ou bleue (classement des moins de 25 ans), l’indispensable calcul de points qui en résulte, l’obsession du résultat des autres peuvent alors devenir autant de mauvaises raisons de courir. Et même Johannes Thingnes Boe a été contesté par son jeune compatriote Sturla Holm Lægreid, auteur d’une saison phénoménale. Ce qui a obligé Siegfried Mazet à faire preuve de diplomatie : « Si je faisais l’erreur d’avoir un favori et de pousser plus pour l’un que pour l’autre, j’avais tout faux. Je ne pouvais pas me mettre dans cette position. [...] C’était une situation très difficile à gérer pour Johannes qui a souffert et a été mis à mal par Sturla. » Côté tricolore, si Julia Simon est parvenue à s’imposer en coupe du monde, Anaïs Chevalier-Bouchet finissait, elle, meilleure Française du général et médaillée mondiale, retournant à l’infini la question du leadership. Les biathlètes tricolores et étrangers n’ont visiblement pas fini d’être questionnés sur le sujet en zone mixte... ou ailleurs.
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La Norvégienne Tiril Eckhoff à Pokljuka, en février 2021.
LE
GRAND RÉCIT
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SAISON 2020-2021
BIA BIATHLON THLONMAGAZINE MAGAZINE••N° 3 N°3 | 27
LE BOE JEU DE LÆGREID
M
artin Fourcade a quitté la caravane du biathlon. Celui qui, durant dix années, a écrit les plus belles pages de l’histoire de son sport, n’allait dès lors plus pouvoir donner des migraines à son dernier grand rival, vainqueur de la précédente coupe du monde, Johannes Thingnes Boe. En ce début d’hiver marqué par la pandémie de coronavirus, le Norvégien a donc la préférence des bookmakers. Mais ce n’est pas lui qui, le premier, allait endosser le dossard jaune après l’individuel d’ouverture à Kontiolahti (Finlande). Avec un 20/20 devant les cibles, Sturla Holm Lægreid, son jeune compatriote âgé de 23 ans, pour sa cinquième course en coupe du monde seulement, lui a en effet volé la vedette. Il a signé une performance d’autant plus remarquable que son aîné s’est incliné à 19/20 avec le meilleur temps de ski. Derrière les deux Scandinaves, mais au pied du podium à cause de l’Allemand Erik Lesser, Quentin Fillon-Maillet, candidat déclaré au gros globe de cristal, ne cachait pas sa déception. S’il avait manqué, lui aussi, une balle (la dernière du premier debout), il était resté extrêmement concentré et engagé tout au long de la course. Comme en mission, il s’était dépouillé. « Je suis un peu déçu parce que, normalement, je me bats pour la victoire », déclarait le Grandvallier devant les caméras de télévision. « Il va y avoir de la bagarre tout l’hiver », ajoutaitil, prémonitoire.
PODIUM Individuel 20 km = 1 Sturla Holm Lægreid 2 Johannes Thingnes Boe 3 Erik Lesser 4 Quentin Fillon-Maillet 8 Émilien Jacquelin 9 Antonin Guigonnat 15 Simon Desthieux 70 Martin Perrillat-Bottonet 72 Fabien Claude 28 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Dès la première course de l’hiver, le Norvégien Lægreid montre qu’il va falloir désormais compter avec lui.
Manzoni/NordicFocus
Kontiolahti
28 NOVEMBRE 2020
STURLA EST LÀ Sturla Holm Lægreid, c’est la personne qui n’est pas invitée à un déjeuner et qui sonne à la porte au moment où les convives se mettent à table. Forcément, on ajoute un couvert. Intégré au groupe élite norvégien au printemps dernier après de belles performances sur les coupes du monde de Nove Mesto (République tchèque) et Kontiolahti (Finlande) en fin d’hiver passé, le jeune homme de 23 ans allait, à partir de Kontiolahti, réussir des performances incroyables, inespérées même.
« C’est quelqu’un qui a beaucoup profité d’une saison 2018/2019 off à cause d’une mononucléose, indique Siegfried Mazet, son entraîneur de tir, à Nordic Magazine. Il s’est posé beaucoup de questions, a fait un cheminement personnel sur son tir. » Au point de terminer la saison avec un taux de réussite de 92,62 % (deuxième derrière l’Autrichien Simon Eder, à 93,33 %). Devant les cibles, « il a la maturité d’un Martin Fourcade, tranche son coach. C’est vraiment le garçon avec qui je peux le comparer. C’est de cet acabit-là. »
Pour débuter la nouvelle saison, l’équipe de France, qui a déclaré un cas positif à la Covid-19 sans qu’une quarantaine ne lui soit imposée, a accueilli Martin Perrillat-Bottonet. Déjà, durant l’été et l’automne, le Cluse s’est entraîné avec le groupe coupe du monde. Il était alors présenté comme le sixième homme, celui appelé à incarner la relève du biathlon tricolore. Mais sa saison allait se révéler très compliquée, loin de ses ambitions. Après seulement deux courses en Finlande – 70e de l’individuel puis 90e du sprint –, il rentrait en France. Après un passage par l’IBU Cup d’Arber (Allemagne), il disparaissait ensuite des radars. « C’est un passage de ma vie que je n’oublierai jamais, confie-t-il, en mars dernier, à Nordic Magazine. C’était vraiment dur. » Durant quatre semaines, le jeune homme n’a carrément pas touché à sa carabine, ni à ses skis. Avant de reprendre, à son rythme, l’entraînement puis des compétitions nationales. À Kontiolahti, il dit avoir vécu un « enfer » : « Le tir, c’était bien, mais à ski, c’était un vrai cauchemar ! », précise-t-il.
C
’est à une véritable guerre de tranchées, sur une neige extrêmement molle et brassée, à laquelle les biathlètes ont participé. À ce petit jeu, les Norvégiennes ont été vite éjectées de la course à la victoire (14 erreurs combinées pour le trio Tiril Eckhoff, Marte Olsbu Roeiseland, Ingrid Landmark Tandrevold), alors que deux femmes se détachaient : Dorothea Wierer, la reine de la précédente saison, et Denise Herrmann, l’ancienne fondeuse allemande. L’Italienne, porteuse du dossard jaune, Dorothea Wierer toujours très rapide derrière sa carabine, réalisait le 20/20 et sortait du dernier tir avec 35 secondes d’avance sur sa rivale du jour. L’ultime boucle, en revanche, se révélait un calvaire pour la Transalpine qui, à bout de forces, s’imposait pour... seulement huit dixièmes. « Franchement, je ne pensais pas gagner, avouait-elle à La Chaîne L’Équipe. Mais finalement je termine juste devant et c’est génial [Rires] ! À vingt mètres près, je perdais... » Derrière, avec cinq athlètes dans le top 15, la Suède faisait déjà sensation. L’individuel avait été disputé sans la dernière recrue, l’ex-sprinteuse Stina Nilsson qui n’avait pas été sélectionnée. Elle n’allait l’être que pour les finales d’Östersund (Suède). Par contre, dans le camp français, après 623 jours sans course inter-
Martin Perrillat-Bottonet.
nationale, Anaïs Chevalier-Bouchet renouait, ce 28 novembre, avec le circuit. Après une grossesse et quelques mois à s’occuper de sa petite fille prénommée Emie, la Dauphinoise avait repris le chemin de l’entraînement ce printemps pour revenir au plus haut niveau. Pour ses retrouvailles, elle signait une jolie neuvième place (18/20) à moins de deux minutes de Wierer. Trois places devant, se trouvait une rayonnante Anaïs Bescond (19/20) qui avait joué le podium jusqu’à l’ultime tir.
Grande prêtresse du bilan mondial l’hiver dernier, l’Italienne Dorothea Wierer débute la nouvelle saison avec une victoire.
PODIUM
Manzoni/NordicFocus
Manzoni/NordicFocus
WIERER GAGNE LA PREMIÈRE
Enfer
Individuel 15 km = 1 Dorothea Wierer 2 Denise Herrmann 3 Johanna Skottheim 6 Anaïs Bescond 9 Anaïs Chevalier-Bouchet 19 Caroline Colombo 22 Julia Simon 39 Chloé Chevalier 44 Justine Braisaz-Bouchet
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 29
Kontiolahti
29 NOVEMBRE 2020
LA REVANCHE DU CHAMPION
A
u lendemain d’un individuel où il a terminé à la deuxième place derrière son jeune compatriote Sturla Holm Lægreid, Johannes Thingnes Boe a remis les pendules à l’heure lors du premier sprint de l’hiver. En signant un sansfaute derrière sa carabine, le double tenant du gros globe de cristal, mordant et efficace sur les skis malgré un départ prudent, a largement pris la tête de la course, dossard n° 13 sur le dos. Plus rien ne pouvait dès lors priver le Scandinave d’un 24e succès sur ce format, coupe du monde et Mondiaux cumulés. Du même coup, il (re)prenait les commandes du classement général. À lui le dossard couleur soleil porté par le jeune Lægreid, rentré dans le rang ce dimanche, malgré un 9/10 (18e à 1 min 27). « Deuxième et premier pour commencer la saison, c’est presque trop parfait », expliquait-il, satisfait, en zone mixte. Sur le podium, le nouveau leader du classement général n’est pas entouré par les anoraks de l’équipe de France, comme souvent l’hiver
précédent. Derrière Boe, on retrouvait déjà deux Suédois. Sebastian Samuelsson (9/10) et Martin Ponsiluoma (9/10) accrochaient le top 3 à… plus de 40 secondes. C’est la première fois depuis six ans que deux Suédois montaient sur un même podium de coupe du monde. Dans le camp tricolore, c’était un peu la soupe à la grimace. « On a très peu de jours de ski par rapport aux Scan-
dinaves et on voit qu’ils sont très en forme », constatait Émilien Jacquelin, après sa huitième place. À quelques semaines de cette ouverture de la coupe du monde au niveau de la mer, Norvégiens et Suédois avaient bénéficié de conditions optimales d’entraînement quand les hommes de Vincent Vittoz avaient dû aller chercher la neige à Bessans (Savoie), à 1 700 mètres d’altitude.
3 554 JOURS APRÈS Au lendemain d’un individuel terminé à la septième place après deux erreurs hâtives, la Suédoise Hanna Oeberg, performante lors des courses de présaison disputées à Idre Fjäll, a offert un véritable récital ce dimanche après-midi sur les pistes de Kontiolahti (Finlande). À l’image de ses compatriotes Sebastian Samuelsson et Martin Ponsiluoma, elle avait une vitesse de déplacement incroyablement élevée. La plus âgée des deux sœurs Oeberg a, pour couronner le tout, réalisé le 10/10 parfait derrière la carabine. De
quoi lui assurer, largement, une première victoire. Elle devient du même coup leader du classement général, une première pour le royaume depuis 2011. 3 554 jours après Helena Ekholm. Une éternité. Derrière elle ? La Norvège avec Marte Olsbu Roeiseland (10/10) et Karoline Knotten (10/10). L’Iséroise Chloé Chevalier, parfaite sur le pas de tir, enregistrait le huitième chrono. « Elle égale son meilleur résultat en coupe du monde, c’est super », félicitait Anaïs, battue pour la première fois par sa benjamine.
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En remportant le sprint de Kontiolahti, Johannes Thingnes Boe retrouve Le dossard jaune.
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LA SUÈDE JOUE DEVANT PODIUM Sprint 10 km = 1 Johannes Thingnes Boe 2 Sebastian Samuelsson 3 Martin Ponsiluoma 6 Quentin Fillon-Maillet 8 Émilien Jacquelin 17 Simon Desthieux 25 Fabien Claude 26 Antonin Guigonnat 90 Martin Perrillat-Bottonet Sprint 7,5 km = 1 Hanna Oeberg 2 Marte Olsbu Roeiseland 3 Karoline Offigstad Knotten 8 Chloé Chevalier 11 Justine Braisaz-Bouchet 12 Anaïs Chevalier-Bouchet 42 Caroline Colombo 44 Anaïs Bescond 58 Julia Simon
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a saison dernière, la Suède avait décroché, au total, sept podiums. Six pour la seule Hanna Oeberg et un pour Linn Persson. Rien pour les hommes en individuel, de pâles sixièmes et quatrièmes places à la coupe des nations et un zéro pointé, hormis le bronze d’Oeberg, lors des Mondiaux d’Antholz (Italie). Le bilan était maigrelet. En ce début d’hiver, la dynamique semble avoir radicalement changé. Oeberg portera la tunique jaune de leader du général lors du second sprint de Kontiolahti (Finlande). Chez les hommes, Sebastian Samuelsson, numéro deux mondial, se place comme le principal adversaire de Johannes Thingnes Boe en ce début d’hiver. La première raison du succès suédois, c’est tout simplement l’émulation créée par les individualités du groupe
national : Sebastian Samuelsson, Martin Ponsiluoma, Hanna et Elvira Oeberg... « Tout le monde s’entraîne ensemble à Östersund maintenant, ils peuvent s’y affronter toute l’année. C’est la clé du succès », décrypte Bjoern Ferry, ancien biathlète et expert pour la SVT. Il avance une autre raison : le très étoffé encadrement. « Il est meilleur que jamais. Lorsque Wolfgang Pichler était le coach, il s’occupait de tout, se rappelle le champion. Aujourd’hui, vous avez des spécialistes pour chaque domaine. » Il ne faut pas non plus occulter que les Suédois s’entraînent sur neige, à basse altitude (Östersund est à 312 mètres au-dessus du niveau de la mer, peu ou prou comme Kontiolahti), depuis de longues semaines. À la différence des Européens, plutôt en difficulté sur les skis.
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On attendait les Français pour concurrencer la Norvège, mais c’est la Suède qui montre les dents, à l’image de Sebastian Samuelsson.
MÉFIE-TOI DE TES AMIS
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n début de saison, les observateurs du biathlon mondial cherchaient le rival de Johannes Thingnes Boe du côté de la France, avec Émilien Jacquelin et Quentin Fillon-Maillet, de la Russie, avec Alexander Loginov, ou de la Suède, avec Sebastian Samuelsson. Après trois courses, les ennemis du double vainqueur sortant du gros globe viennent tous de son propre camp. Six jours après la victoire de Sturla Holm Lægreid sur l’individuel d’ouverture et avant Johannes Dale quelques jours plus tard, c’est son grand frère Tarjei qui remportait le deuxième sprint de Kontiolahti (Finlande). « J’ai envoyé un message au monde à qui je montre que je suis encore en forme et capable de gagner des courses », expliquait celui-ci en zone mixte. Il venait de réaliser le tir parfait. Pour la première fois sur ce format, les deux frères réalisaient un « Boedium » avec Tarjei sur la première marche et le benjamin sur la troisième. Entre les deux, on retrouvait l’Allemand Arnd Peiffer, champion olympique de la spécialité. Quant à l’équipe de France, elle ne pouvait pas rivaliser. Elle n’intégrait d’ailleurs même pas le top 10. Une première depuis le 25 mars 2018 lors de la mass-start de Tyumen (Russie). C’est Fabien Claude, onzième avec un 9/10, qui signait la meilleure performance alors que Simon Desthieux (9/10), le jour de ses 29 ans, occupait le douzième rang.
PODIUM Sprint 10 km = 1 Tarjei Boe 2 Arnd Peiffer 3 Johannes Thingnes Boe 11 Fabien Claude 12 Simon Desthieux 21 Antonin Guigonnat 30 Quentin Fillon-Maillet 39 Émilien Jacquelin
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Tarjei Boe et son petit frère Johannes avant le second sprint de Kontiolahti.
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Kontiolahti
3 DÉCEMBRE 2020
« Pour l’instant, oui, c’est un retour réussi. Mais jusqu’à quand, c’est l’inconnu », confiait la Dauphinoise aux journalistes.
ANAÏS CHEVALIER ILLUMINE LA NUIT POLAIRE
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lle est revenue pour ça. Moins de quatorze mois après avoir mis au monde sa fille Emie, Anaïs Chevalier-Bouchet s’offre un podium lors du sprint de Kontiolahti (Finlande). Du même coup, la Dauphinoise permet à la France de coller une première gommette dans le camion des farteurs. Pour y parvenir, elle n’a pas lésiné sur les efforts durant tous les mois de préparation. « Elle le mérite. Pour moi, c’est un bel exemple, elle peut être fière de tout ça », félicitait sa coéquipière Caroline Colombo sitôt le podium acté. Bien sûr, Anaïs Chevalier-Bouchet n’a pas gagné ce jeudi, battue par une incroyable Hanna Oeberg. Mais cette deuxième place, obtenue grâce à un efficace 10/10 qui a fait bondir de joie le responsable du tir de l’équipe féminine, Jean-Paul Giachino, dans sa zone technique, sonnait comme une victoire pour la biathlète de vingt-sept ans. « J’ai fait la course parfaite, alors peu importe si j’avais terminé douzième, cela revenait au même », expliquait-elle à Nordic Magazine. Elle faisait aussi cette autre confidence : « Ce matin, j’ai eu mon petit coup de barre, je n’ai pas pu voir ma fille avant qu’elle aille chez la nounou. Alors je me suis dit qu’il fallait illuminer un peu cette journée car c’était un peu triste. »
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PODIUM Sprint 7,5 km = 1 Hanna Oeberg 2 Anaïs Chevalier-Bouchet 3 Elvira Oeberg 15 Anaïs Bescond 37 Justine Braisaz-Bouchet 42 Caroline Colombo 56 Julia Simon 59 Chloé Chevalier BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 33
FABIEN CLAUDE : J'EN SUIS CAPABLE
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Fabien Claude termine à la deuxième place de la poursuite de Kontiolahti.
u cours de la saison 20202021, Fabien Claude est monté à deux reprises sur le podium. La première fois, c’est au début de l’hiver, lors de la poursuite de Kontiolahti (Finlande). Avec une deuxième place, le biathlète de Basse-sur-le-Rupt (Vosges) signe même son meilleur résultat en carrière. Il termine derrière le Suédois Samuelsson [lire ci-contre], mais devant la star norvégienne Johannes Thingnes Boe. C’est dans la dernière bosse, sentant ses adversaires en difficulté, qu’il a tout donné. « Je me suis dit que si j’avais un peu d’avance sur la relance, ils ne me reverraient plus », confie-t-il à Nordic Magazine après la cérémonie des fleurs. Le jeune homme est un redoutable finisseur, « le pire athlète avec qui se retrouver dans un dernier tour », selon le numéro un mondial. Un compliment que Fabien Claude reçoit avec d’« autant plus de plaisir » que « Johannes est un énorme champion ». Un an plus tôt, c’est à Pokljuka que le biathlète avait poussé les portes du top 3. Il venait d’apprendre le décès accidentel de son père. Qu’il récidive ainsi le rassure « J’arrive à rentrer dans mes objectifs, à me prouver que j’en suis capable. C’est important pour moi de continuer à bien faire les choses », assure-t-il. Le 11 décembre, il continue sur sa lancée avec une troisième place au terme du sprint d’Hochfilzen
PODIUM Poursuite 12,5 km = 1 Sebastian Samuelsson 2 Fabien Claude 3 Johannes Thingnes Boe 8 Émilien Jacquelin 10 Quentin Fillon-Maillet 15 Simon Desthieux 29 Antonin Guigonnat 34 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
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Kontiolahti
5 DÉCEMBRE 2020
”
Jamais encore le Suédois Sebastian Samuelsson n’avait gagné en coupe du monde.
Argent content
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(Autriche). Une semaine plus tard, il porte le dossard rouge de leader du classement de la poursuite à Hochfilzen (Autriche). La machine semble lancée. Mais le second chapitre ne sera pas du même niveau. La faute à un mauvais choix de préparation des championnats du monde de Pokljuka (Slovénie) et à ses difficultés au tir couché. « Sur le coup, ma non-sélection pour le relais des Mondiaux m’a détruit », avoue-til dans les colonnes de Vosges Matin. La prochaine étape sera une victoire individuelle. « Je ne me suis jamais projeté. Il faut que tout soit là au bon moment. Si ça vient, ça vient », dit-il. Le succès, il le connaît le 15 janvier 2021 avec le relais masculin d’Oberhof (Allemagne) en compagnie de Simon Desthieux, Quentin FillonMaillet et Émilien Jacquelin. Au final, le jeune homme de 26 ans termine à la 19e place de la coupe du monde.
Dix-sept ans jour pour jour après Corinne Niogret, Christelle Gros, Julie Carraz et Sandrine Bailly, l’équipe de France féminine de biathlon remontait sur un podium de relais à Kontiolahti (Finlande). En 2003, le 5 décembre donc, c’était la dernière fois qu’une épreuve collective était organisée dans la station de Carélie du Nord. Visiblement, Anaïs Bescond, Anaïs Chevalier-Bouchet, Chloé Chevalier et Justine BraisazBouchet étaient portées par le souvenir remarquable de la troisième place de cette dream team du début des années 2000. Le tout pour aller décrocher une magnifique deuxième place. La dernière fois, les Françaises avaient été battues, après une course abracadabrantesque, par la Norvège de Liv Grete Poirée, vainqueure, et la Russie d’une Olga Zaïtseva alors âgée de 25 ans. Cette fois, la bande emmenée par les sœurs Chevalier, ultra-solides en milieu de course après un départ prudent d’Anaïs Bescond, n’a rien pu faire contre la Suède.
SAMUELSSON AUX ANGES des courses de préparation réussies à Idre Fjäll. Sa victoire sur la poursuite de Kontiolahti (Finlande) s’est jouée sur un dernier tir, face à Johannes Thingnes Boe qui pouvait lui aussi franchir en vainqueur la ligne d’arrivée. Lors de la dernière salve, les deux hommes manquaient leur première balle. Mais, contrairement à ce qu’il aurait pu faire par le passé, le Suédois n’est pas sorti de son schéma, alors que le Norvégien ratait une nouvelle fois sa cible. Du même coup, il offrait sur un plateau un premier succès au porteur du dossard bleu du meilleur moins de 25 ans. Cela faisait depuis 2014 que la Suède n’avait pas triomphé. Le héros s’appelait alors Bjoern Ferry.
L’équipe de France dames deuxième du premier relais de l’hiver.
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Pour beaucoup de monde, Sebastian Samuelsson est un biathlète confirmé, triple médaillé olympique en Corée du Sud en 2018 et même titré avec ses coéquipiers du relais. Sauf que le biathlète de 23 ans, connu des journalistes pour son franc-parler, n’avait jamais vraiment confirmé en coupe du monde. Souvent irrégulier, le natif de Katrineholm, ville d’un peu plus de 20 000 habitants, située dans le sud-est du royaume scandinave, n’était effectivement monté qu’à une seule reprise sur un podium avant le début de cette saison. Mais, à l’image de toute l’équipe de Suède, Sebastian Samuelsson a débuté l’hiver le couteau entre les dents, porté par la confiance
PODIUM Relais 4 x 6 km = 1 Suède 2 France 3 Allemagne
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 35
« Ça fait mal »
Les Français ont vécu un petit cauchemar à Kontiolahti (Finlande). Favoris du premier relais de l’hiver, au même titre que les Norvégiens, Suédois et Allemands, les champions du monde en titre ne sont pas parvenus à se hisser sur le podium. L’espoir n’a duré que trois tours. Le temps d’un bon départ signé Émilien Jacquelin, sorti dans les premiers du tir couché et rapide sur les skis avant le debout. Mais c’est précisément cette seconde salve du Dauphinois qui fut fatale aux Bleus en ce jour de l’indépendance finlandaise. Trois pioches et trois tours de pénalité, c’en était trop ! « Je suis désolé, expliquait Jacquelin en zone mixte quelques minutes après la fin de son calvaire. Ça fait mal, mais je vais essayer d’en tirer quelque chose. »
ECKHOFF IS BACK
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La Norvégienne a attendu la dernière course de Kontiolahti pour renouer avec la victoire.
À
la bagarre pour le gros globe de cristal avec Dorothea Wierer jusqu’au dernier tir de la dernière course de l’hiver précédent, la Norvégienne Tiril Eckhoff n’arrivait cependant pas à retrouver son niveau depuis le début de la saison. 67e de l’individuel d’ouverture avec un terrible 13/20 au tir, puis 43e du sprint le week-end dernier, elle s’était tout de même rassurée en prenant la huitième place du second sprint en Finlande. Sauf qu’elle avait enchaîné avec la déconvenue du relais lors duquel elle s’était manquée sur le tir debout, tournant à trois reprises. C’est donc revancharde qu’elle se présentait au départ de la poursuite. Elle a dû batailler pour remonter des places. Comme toujours rapide sur les skis, elle n’a pas flanché sur les debout, son habituel talon d’Achille. Lors du premier, elle réussissait le plein pour recoller au duo de tête
36 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Hanna Oeberg/Marte Olsbu Roeiseland coupable d’une faute. Le dernier passage derrière la carabine était donc une bataille à trois, sans droit à l’erreur. À la sortie du pas de tir, elle était la seule à ne pas prendre la direction de l’anneau de pénalité. Cette adresse derrière la carabine retrouvée, seul 20/20 avec la Suédoise Johanna Skottheim, lui offrait la victoire sur la dernière course finlandaise.
PODIUM Poursuite 10 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Marte Olsbu Roeiseland 3 Hanna Oeberg 10 Justine Braisaz-Bouchet 17 Julia Simon 21 Anaïs Chevalier-Bouchet 27 Anaïs Bescond 33 Caroline Colombo 43 Chloé Chevalier
Avec un premier relais raté d’Émilien Jacquelin, la France avait peu de chance de briller.
Manzoni/NordicFocus
Kontiolahti
5 DÉCEMBRE 2020
PODIUM Relais 4 x 7,5 km = 1 Norvège 2 Suède 3 Allemagne 8 France
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 37
LA RIPOSTE DES FRANÇAIS
T
erminée la morosité de Kontiolahti. En passant des courses nocturnes finlandaises au soleil autrichien d’Hochfilzen, l’équipe de France s’est de nouveau transformée en patrouille de France. Elle voyait trois de ses hommes assister à la cérémonie des fleurs récompensant les six premiers du sprint. Comme aux plus belles heures de l’hiver passé, quand un certain Martin Fourcade figurait encore dans ses rangs et que le podium était garni de doudounes bleues. Si c’est le jeune Norvégien Johannes Dale qui s’imposait, pour la première fois de sa carrière, il était accompagné sur la boîte par Quentin Fillon-Maillet et Fabien Claude. Tous deux n’avaient rien pu faire face à un Scandinave imbattable avec un impressionnant 10/10 derrière sa
carabine et largement détenteur d’un meilleur chronomètre sur les skis. Le Jurassien (10/10), qui s’invitait pour la première fois de la saison dans le top 3, échouait à 17 secondes 1. « Je suis content de ma course, je me suis vraiment fait plaisir. Il était temps que ce podium arrive », commentait le Grandvallier, tout sourire derrière son masque après sa performance. Et d’ajouter, dans un entretien accordé à Nordic Magazine : « J’étais vraiment dans l’attente de faire une bonne course. » La veille, il avait reçu un message du patron du biathlon tricolore, Stéphane Bouthiaux : « Pas de pression, fais ce que tu sais faire », lui avaitil dit. « Il faut oublier les pensées parasites par rapport aux résultats », concédait le jeune homme. À la sixième place, avec un tir à deux
Quentin Fillon-Maillet réconforté.
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erreurs, on retrouvait enfin le Dauphinois Émilien Jacquelin, supersonique sur les planches. « Ça fait vraiment du bien », se réjouissait pour sa part Vincent Vittoz, soulagé de voir ses ouailles reprendre des couleurs, au micro de La Chaîne L’Équipe. « Enfin une photo de groupe », exultait Fabien Claude en félicitant les techniciens pour le gros boulot effectué.
PODIUM Sprint 10 km = 1 Johannes Dale 2 Quentin Fillon-Maillet 3 Fabien Claude 6 Émilien Jacquelin 14 Antonin Guigonnat 43 Simon Desthieux 82 Oscar Lombardot
Second podium de la saison pour Fabien Claude.
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Hochfilzen
12 DÉCEMBRE 2020
Cartes rebattues
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Oscar Lombardot, le biathlète d’Arçon.
L’histoire retiendra que la Biélorusse Dzinara Alimbekava, championne olympique du relais en 2018 avec la légende Darya Domracheva, s’est imposée pour la première fois en coupe du monde le 11 décembre 2020 lors du sprint d’Hochfilzen (Autriche). Impériale derrière sa carabine et sur les skis, la porteuse du dossard bleu de meilleure biathlète de moins de 25 ans, gagnait une épreuve qui rebattait les cartes dans le peloton des prétendantes au gros globe de cristal. Hanna Oeberg, en fusion sur le stade de Kontiolahti (Finlande), ne pouvait que constater les dégâts. En signant un 8/10, elle prenait une inhabituelle 29e place. Au général, la Suédoise ne possédait plus que cinq longueurs d’avance sur Alimbekava et Marte Olsbu Roeiseland, quatrième.
OSCAR LOMBARDOT DANS LA COUR DES GRANDS mondiale en décembre à Hochfilzen. « C’est un rêve qui se réalise, c’est incroyable, je suis encore surpris ! », confiait-il à Nordic Magazine avant les épreuves. Du coup, indiquait-il, il arrivait sans repère, ni objectif. Il allait seulement disputer les deux sprints, finissant 82e et 87e avec à chaque fois 8/10. « En faisant deux fautes, je ne me faisais pas d’idées », analysait-il après son séjour en Autriche. « Il était là pour apprendre », expliquait Vincent Vittoz, le coach des Bleus. « Il doit continuer de travailler. Il ne repart pas déçu, mais heureux d’avoir vécu cette expérience », ajoutait-il. « J’aurais aimé apprendre un peu plus en faisant les poursuites, mais j’ai noté des choses qu’on ne voit pas forcément à la télévision en regardant les coupes du monde. C’est aussi une atmosphère spéciale. Il faut le vivre », commentait le jeune homme de vingt ans impatient de revenir à si haut niveau.
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Frédéric Guyon, qui l’avait sous son aile dans ses années avec le comité du massif Jurassien, en convenait : « Il a franchi les étapes année après année. Il a toujours été sérieux, il a la tête sur les épaules. C’est un bosseur. En même temps, il est très détendu et pas si introverti que cela ! C’est un garçon très intelligent qui suit des études d’ingénieur en parallèle. » Intégré au groupe Jeunes/Juniors coaché par Simon Fourcade et Claire Breton, Oscar Lombardot a gagné en régularité, notamment face aux cibles. « Il a toujours été doué en tir, il a un vrai instinct pour ça. Mais il était capable de faire de belles craquantes ! » « Sur la piste, c’est un tueur, il n’a pas de complexe, ajoutait l’entraîneur. Il me fait penser à Quentin Fillon-Maillet, c’est un peu la même approche de la compétition. » Doté d’un gros mental, et d’un bon moteur, le biathlète d’Arçon (Doubs) a donc fait ses armes parmi l’élite
En terminant sixième à 20 secondes de la première place Julia Simon se rassurait.
PODIUM Sprint 10 km = 1 Dzinara Alimbekava 2 Tiril Eckhoff 3 Franziska Preuss 6 Julia Simon 30 Anaïs Bescond 34 Anaïs Chevalier-Bouchet 35 Caroline Colombo 43 Justine Braisaz-Bouchet 97 Chloé Chevalier
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 39
FILLON-MAILLET IMPÉRIAL ET LIBÉRÉ
C
’est avec les poings levés dans le ciel d’Hochfilzen (Autriche) que Quentin a franchi la ligne d’arrivée de la poursuite. Après avoir fait le travail sur la piste et le pas de tir, signant un incroyable et maîtrisé 20/20, le Jurassien pouvait profiter. C’est que celui qui annonce depuis des mois viser le gros globe de cristal, remportait sa première course de l’hiver – la première aussi pour les tricolores – et s’imposait sur le circuit de la coupe du monde après un début d’exercice compliqué à Kontiolahti (Finlande). « C’est que du bonheur », lâchait, radieux, le Grandvallier en zone mixte. Il faut dire qu’il attendait ce succès depuis longtemps, se demandant course après course quand celui-ci allait arriver. Ce n’est pas seulement le skieur de Saint-Laurent-en-Grandvaux qui brillait sous la neige tyrolienne mais toute l’équipe de France, bel et bien redevenue une patrouille aux performances (presque) parfaites, comme
aperçu la veille lors du sprint. Des quatre 20/20 de la course, trois étaient signés par des hommes en bleu : Quentin Fillon-Maillet, donc, mais aussi Émilien Jacquelin, magnifique deuxième, et Antonin Guigonnat, neuvième à l’arrivée. Dans cette compétition qui s’est
transformée en une immense bataille de snipers franco-norvégiens, les élèves de Patrick Favre ont pris le dessus sur ceux de Siegfried Mazet, dépassés. Même Johannes Thingnes Boe, si supérieur en début d’hiver, a craqué, fautif à trois reprises. Il terminait une nouvelle fois quatrième à près d’une minute. Finalement, Fabien Claude (17/20) prenait la cinquième place pour confirmer ses énormes progrès et héritait du dossard rouge de la spécialité.
PODIUM Poursuite 12,5 km = 1 Quentin Fillon-Maillet 2 Émilien Jacquelin 3 Johannes Dale 5 Fabien Claude 9 Antonin Guigonnat 36 Simon Desthieux
Manzoni/NordicFocus
Hochfilzen
12 DÉCEMBRE 2020
Cette victoire, Quentin Fillon-Maillet 40 | BIA THLON MAGAZINE • N°3 l’espérait depuis le début de l’hiver.
LES FRANÇAISES TÊTE HAUTE DANS UN RELAIS DE FOLIE Manzoni/NordicFocus
C
omme à Ruhpolding (Allemagne) et Canmore (Canada) au début de l'année 2019, le quatuor français Anaïs Bescond, Julia Simon, Justine Braisaz-Bouchet et Anaïs Chevalier-Bouchet montait sur le podium d'un relais de coupe du monde. À croire que cette composition, toujours médaillée, porte bonheur. Pourtant, rien n'a été facile pour les protégées de Frédéric Jean et Jean-Paul Giachino. Après le premier relais d'Anaïs Bescond, les Bleues pointaient à quasiment une minute de la tête de course, la faute à six pioches, trois dans chaque salve. Malgré le plus mauvais tir du plateau, la Jurassienne avait eu le mérite de ne pas aller visiter l'anneau de pénalité pour limiter la casse. Mais c'est ensuite que la course est devenue folle avec des erreurs à gogo parmi les favorites. Finalement, à mi-course, après le parcours d'une Julia Simon en mode kamikaze sur le debout, la France, relancée, n'était plus qu'à 20 secondes des premières. C‘est alors que Justine Braisaz-Bouchet entrait en scène. D’une rare rapidité sur les skis, l’Hautelucienne piochait deux fois au couché et une fois au debout, portée par une nouvelle approche. « J’ai engagé mon debout parce que j’ai tiré les leçons de mon tir du sprint où je me suis retenue », révélait-elle en zone mixte. En fin de course, la Norvège, revigorée une semaine après un relais cauchemardesque, prenait un avantage irrémédiable mais, derrière, Anaïs Chevalier-Bouchet remportait la bataille de l’argent contre l’Allemande Denise Herrmann, finalement battue par la Suédoise Elvira Oeberg. Avant cela, que de pioches ! Pas moins de seize pour les Françaises, neuf pour l’Allemagne et la Suède (avec un tour de pénalité en prime), quatorze pour les Tchèques (+3
tours) ou douze pour la Suisse (+1 tour). La Norvège, avec six balles de réserve utilisées, mais un tour de pénalité, limitait la casse et s’imposait donc.
PODIUM Relais 4 x 6 km = 1 Norvège 2 France 3 Suède
Le carré magique de l’équipe de France dames.
LE DISCOURS QUI A REMOBILISÉ LES FRANÇAISES Au lendemain d’un sprint marqué par de nombreux échecs derrière la carabine, l’équipe de France féminine a pris la médaille d’argent du relais d’Hochfilzen (Autriche). Pour en arriver là, Frédéric Jean, le coach du groupe féminin avec Jean-Paul Giachino pour la partie tir, a dû remobiliser ses troupes. « J’étais intérieurement énervé, mais je l’ai gardé pour moi », expliquait le Drômois. Ce n’est que lors du briefing de veille de course qu’il a parlé à ses biathlètes. Sans hausser le ton, précisait-il : « Je leur ai simplement dit qu’elles avaient
toutes un rôle à jouer pour le relais, qu’elles savaient ce qu’elles avaient à faire. » La rigueur et la manière : voilà ce qu’il leur demandait. Si, d’ordinaire, il passe dans la cabane le matin glisser un mot à ses biathlètes sur l’état de la piste sur laquelle il vient de skier, le coach physique n’a pas fait l’effort ce samedi : « Je ne voulais pas gâcher ce que je leur avais dit hier. J’avais vraiment envie qu’elles se retrouvent face à ellesmêmes, face au rôle qu’elles avaient à jouer dans ce relais », retraçait-il. Visiblement, le message est passé.
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 41
Hochfilzen
13 DÉCEMBRE 2020
LE REBOND DE JULIA SIMON
A
près avoir passé deux semaines compliquées à Kontiolahti (Finlande) où elle ne faisait pas partie de la composition du relais, la biathlète des Saisies Julia Simon faisait son retour parmi l’élite du biathlon mondial à Hochfilzen (Autriche). Elle terminait troisième de la poursuite, malgré un 17/20 derrière la carabine, mais avec un 10/10 sur le debout. Il s’agissait de son quatrième podium en carrière, le premier de la saison, mais aussi depuis son éclatante victoire le jour où les légendes Martin Fourcade et Kaisa Mäkäräinen, annonçant leur retraite, avaient éclipsé son exploit. « Ce qu’il faut retenir, c’est mon rebond derrière avec des debout libérés et une belle bataille disputée sur la piste », commentait la jeune femme. À l’arrivée, elle prenait d’ailleurs le coach spécifique du tir Jean-Paul Giachino, dans ses bras. « Il m’apporte de la sérénité et du calme dans son discours », expliquait la biathlète des Saisies.
La biathlète des Saisies montait sur le podium de la poursuite.
42 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Manzoni/NordicFocus
PODIUM Poursuite 10 km = 1 Marte Olsbu Roeiseland 2 Dzinara Alimbekava 3 Julia Simon 16 Justine Braisaz-Bouchet 20 Anaïs Bescond 22 Anaïs Chevalier-Bouchet 31 Caroline Colombo
Manzoni/NordicFocus
Nouvelle craquante d’Émilien Jacquelin.
Quel skieur es-tu ? skate
La France fâchée avec le relais
Un copier-coller. Comme à Kontiolahti (Finlande) une semaine plus tôt, le relais masculin français ne parvenait pas à rester dans le match jusqu’au bout. Et, comme dans le grand nord, puis à Oberhof au début de l’année 2020 et à Nove Mesto en mars (1 tour et 2 minutes de pénalité après avoir oublié de tirer une balle de pioche), c’est Émilien Jacquelin qui craquait sur le tir debout. Les Bleus faisaient pourtant partie du groupe de tête lorsque le Dauphinois prenait le relais du Haut-Savoyard Antonin Guigonnat. Sur le couché, tout se passait bien, mais le debout se transformait de nouveau en chemin de croix avec un terrible 1/5, avant d’entamer les balles de pioche. Finalement, le double champion du monde allait tourner à deux reprises, engageant Fabien Claude en onzième position à près d’une minute de la tête. « Le problème est mental. Une fois, on peut le comprendre mais pas deux... J’ai envie de dire que le prochain relais sera sans moi », lâchait Jacquelin à la télévision. Quentin Fillon-Maillet, qui concluait la course allait lui aussi visiter l’anneau de pénalité sur le couché. Les tricolores finissaient à la sixième place. Loin, très loin de la première.
classique
randonnée nordique
PODIUM Relais 4 x 7,5 km = 1 Suède 2 Norvège 3 Allemagne 6 France
7, rue Mervil - 25300 PONTARLIER
www.sportetneige.fr BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 43
(de g. à d.) : Lægreid, Dale, Johannes Boe, Christiansen
QUATRE À LA SUITE
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epuis le début de la saison, presque chaque biathlète norvégien a eu son heure de gloire : Sturla Holm Lægreid sur l’individuel de Kontiolahti (Finlande), les frères Boe lors des deux sprints disputés dans le même stade, et enfin Johannes Dale lors du sprint d’Hochfilzen (Autriche). Mais jamais l’équipe nationale du royaume scandinave n’avait réalisé un tel coup de force collectif. Lors du sprint d’Hochfilzen (Autriche), elle a réalisé un incroyable quadruplé. Un quatre à la suite qui doit beaucoup à ses temps de ski imbattables (rien que des Norvégiens jusqu’au sixième rang où l’on retrouvait Quentin Fillon-Maillet). « Mes skis allaient trop vite pour
44 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
moi ! » Cette boutade de Vetle Sjaastad Christiansen, lancée au micro de La Chaîne L’Équipe, faisait mal aux oreilles des Français. « Les temps de ski des Norvégiens sont un coup de massue », constatait Émilien Jacquelin. Les Bleus n’avaient pourtant
PODIUM Sprint 10 km = 1 Sturla Holm Lægreid 2 Johannes Dale 3 Johannes Thingnes Boe 7 Quentin Fillon-Maillet 8 Émilien Jacquelin 12 Fabien Claude 18 Simon Desthieux 43 Antonin Guigonnat 87 Oscar Lombardot
pas à se plaindre de leur glisse, ce que confirmaient tous les tricolores en zone mixte. « Mais là, ce sont vraiment les Norvégiens qui se sont détachés des autres nations. », notait l’entraîneur des Bleus, Vincent Vittoz. Ce que confirmait le coach de tir des Norvégiens, Siegfried Mazet : « Il y avait un sacré plus ». Pour remporter la course, il fallait, bien sûr, aussi blanchir les cibles. Ce qu’ont également fait Lægreid, en pleurs au micro de l’IBU avant le podium, Johannes Thingnes Boe et Christiansen. C’est la toute première fois que la Norvège accomplissait une pareille prouesse depuis le sprint des Mondiaux de 2009 à Pyeongchang (Corée du Sud).
Gepa / Panoramic
Hochfilzen
17 DÉCEMBRE 2020
RETOUR AU PREMIER PLAN DE ECKHOFF/TANDREVOLD
Manzoni/NordicFocus
Tiril Eckhoff et Ingrid Landmark Tandrevold à Pokljuka.
Tiril Eckhoff.
Manzoni/NordicFocus
Lors du second sprint d’Hochfilzen (Autriche), la France du biathlon vibrait au rythme de la course de Chloé Chevalier. Avec son dossard 100, la Dauphinoise n’est en effet pas passée loin de signer son meilleur résultat en carrière. Parfaite sur le couché, celui-là même qui lui avait coûté très cher une semaine plus tôt, elle arrivait au debout avec le podium au bout de la carabine. Malheureusement, la jeune femme de 25 ans craquait par deux fois, terminant placée pour la poursuite du lendemain. « Je suis satisfaite de cette vingtième place par rapport à ce qu’il s’était passé la semaine dernière. Glo-
43e du sprint). Depuis, la native de Bærum s’est refait la cerise. Du côté de Tandrevold, le problème n’était pas physique mais mental. La biathlète de 24 ans terminait deuxième. « J’aurais voulu gagner ma première coupe du monde mais, s’il fallait quelqu’un devant moi, c’est bien que ce soit Tiril », commentait Ingrid Landmark Tandrevold. Bonne copine.
Manzoni/NordicFocus
Pour la première fois depuis la poursuite d’Antholz (Italie) en 2002, les Norvégiennes sont parvenues, lors du sprint d’Hochfilzen (Autriche), à privatiser le podium d’une coupe du monde de biathlon. Si cet exploit a pu être rendu possible, c’est grâce au retour au premier plan de Tiril Eckhoff et d’Ingrid Landmark Tandrevold, au-dessus du lot. Les deux copines de club, qui s’éclatent régulièrement dans un podcast commun appelé Kant Ut, n’arrivaient pas jusque-là à enchaîner les belles performances. Certes, Eckhoff, après un triomphe lors de la poursuite de Kontiolahti (Finlande) début décembre, signait un deuxième succès cette saison. Son septième en sprint sur le circuit mondial, comme Tora Berger. En fait, rien n’a été simple pour elle durant l’automne, oscillant entre problèmes au cou et soucis respiratoires. À quelques jours du début de la compétition, elle ne savait d’ailleurs pas si elle pourrait s’aligner. Finalement, elle avait obtenu le feu vert médical, mais avait réalisé un premier weekend désastreux (67e de l’individuel,
Les espoirs de Chloé Chevalier
balement, il y a beaucoup de positif », confiait-elle à Nordic Magazine, non sans admettre un peu de « frustration ». Quand elle franchissait la ligne d’arrivée, elle constatait que trois Norvégiennes étaient devant. « Je me suis dit : “Oh non, ce n’est pas vrai, ça se répète [rires]” », racontait Chloé Chevalier qui avait assisté au triomphe de leurs homologues masculins depuis le lit de sa chambre d’hôtel.
PODIUM Sprint 7,5 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Ingrid Landmark Tandrevold 3 Marte Olsbu Roeiseland 12 Anaïs Chevalier-Bouchet 14 Justine Braisaz-Bouchet 20 Chloé Chevalier 32 Anaïs Bescond 36 Caroline Colombo 49 Julia Simon BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 45
Manzoni/NordicFocus
Hochfilzen Avec sa deuxième place, Émilien Jacquelin reprend le dossard rouge de leader de la poursuite à Fabien Claude.
19 DÉCEMBRE 2020
LE RÉCITAL JACQUELIN
U
ne semaine après une nouvelle déconvenue en relais, Émilien Jacquelin, champion du monde de la poursuite, a offert sur ce format qu’il affectionne un vrai récital. Il est remonté de la huitième à la deuxième place sur les pistes d’Hochfilzen (Autriche). Aidé d’un magistral 20/20 sur le pas de tir, distillant rapidement ses balles lors de l’ultime salve, le Dauphinois, à la bagarre avec le dossard jaune Johannes Thingnes Boe, Vetle Sjaastad Christiansen et le Suédois Martin Ponsiluoma dans le dernier tour, a déposé ses concurrents dans une montée finale de pure folie. « Je prends beaucoup de plaisir quand il y a un finish comme ça. Quand le biathlon est comme ça, il est vraiment plus beau », confiait-il à
46 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Nordic Magazine. Il reprenait du même coup la tunique rouge de leader du classement à Fabien Claude. Devant, l’incroyable Sturla Holm Lægreid faisait honneur à sa réputation de serial killer. Avec trois victoires, il s’imposait comme le biathlète du mois de décembre.
PODIUM Poursuite 12,5 km = 1 Sturla Holm Lægreid 2 Émilien Jacquelin 3 Johannes Thingnes Boe 8 Quentin Fillon-Maillet 11 Simon Desthieux 14 Fabien Claude 16 Antonin Guigonnat
Eckhoff récidive
Avec une confiance revenue et un physique de nouveau au top, Tiril Eckhoff n’a pas laissé s’échapper la victoire, signant le doublé sprint/poursuite, comme Lægreid, lui aussi natif de Bærum, plus tôt.
PODIUM Poursuite 10 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Hanna Oeberg 3 Elvira Oeberg 14 Julia Simon 15 Justine Braisaz-Bouchet 17 Chloé Chevalier 28 Anaïs Chevalier-Bouchet 37 Anaïs Berscond 40 Caroline Colombo
Le cœur de Somfy bat pour l’équipe de France de biathlon. BONNE SAISON !
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 47
20 DÉCEMBRE 2020
Hochfilzen
LA DER DE PEIFFER
Manzoni/NordicFocus
L
ors de la première mass-start de l’hiver, la victoire était acquise à Sturla Holm Lægreid. Jusqu’au dernier tir, le biathlète de 23 ans, dossard bleu de meilleur jeune sur le paletot, faisait en effet honneur à sa réputation de meilleur tireur du circuit. Mais, lors de son dernier passage devant les cibles, il commettait une erreur, laissant Arnd Peiffer et Martin Ponsiluoma s’envoler vers la ligne d’arrivée. Au sprint, c’est l’Allemand qui s’imposait. Trois mois plus tard, soit mi-mars, Arnd Peiffer surprenait une nouvelle fois son monde en annonçant la fin de sa carrière d’athlète de haut niveau. « Ce n’est pas une décision facile à prendre, écrivait-il sur Facebook, mais je savais que cette fin de saison était le moment idéal pour m’arrêter. » Au calendrier, il restait encore les finales d’Östersund (Suède). Mais le biathlète d’outre-Rhin n’allait pas y participer. À un an seulement des Jeux olympiques de Pékin, où il aurait pu défendre son titre sur le sprint, le retrait de l’homme aux 366 départs en coupe du monde était « immédiat », comme l’indiquait la Fédération allemande de ski dans un communiqué. Si l’homme de 34 ans quittait la scène aussi abruptement, c’est qu’il ne voulait pas d’une tournée d’adieu. Avec Arnd Peiffer, c’était tout un chapitre de l’histoire du biathlon allemand qui se refermait. Médaillé à dix-sept reprises aux Mondiaux en onze participations, il se retirait après treize hivers passés au sein de l’équipe nationale et trois médailles décrochées aux Jeux olympiques. Sur les réseaux sociaux, plusieurs champions lui rendaient un hommage appuyé. À l’exemple de l’Italienne Dorothea Wierer (« Tout le meilleur pour le futur ») ou du fondeur Tobias Angerer (« Félicitations pour sa carrière impressionnante »).
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Durant sa dernière saison, Arnd Peiffer n’allait pas faiblir. Après sa victoire à Hochfilzen (Autriche), il allait de nouveau monter sur le podium lors d’un sprint à Oberhof (Allemagne) le 13 janvier, puis d’un autre sprint à Nove Mesto (République tchèque) le 6 mars. En République tchèque, il allait être victorieux avec le relais qu’il partagerait avec Erik Lesser, Benedikt Doll et Philipp Nawrath. C’était juste après les championnats du monde de Pokljuka (Slovénie) où il allait décrocher une médaille d’argent sur l’individuel. En fait, à chaque fois qu’il a participé à des Mondiaux, le biathlète a enrichi son palmarès. Arnd Peiffer, qui a terminé à quatre reprises à la quatrième place du classement général de la coupe du monde, est le biathlète allemand le plus titré.
Boucle bouclée
L’année 2020 s’est terminée comme elle avait débuté. Vainqueure du sprint d’Oberhof (Allemagne) au début du mois de janvier, la Norvégienne Marte Olsbu Roeiseland, entre-temps intronisée reine de son sport lors des Mondiaux d’Antholz (Italie) avant que le coronavirus ne vienne tout bouleverser, a remporté la mass-start d’Hochfilzen (Autriche), dernier événement du calendrier. Si elle a commis un impair lors du second tir couché, la porteuse du dossard jaune, qu’elle confortait avec cette victoire, n’a rien laissé à ses adversaires lors des tirs debouts. Sur les skis, elle signait le meilleur chrono. Les Bleues, elles, n’ont malheureusement que très peu pesé sur la course.
Avant la têve de Noël, Arnd Peiffer remportait la mass-start à Hochfilzen. Trois mois plus tard, il annonçait la fin de sa carrière.
PODIUM Mass-start 15 km = 1 Arnd Peiffer 2 Martin Ponsiluoma 3 Tarjei Boe 5 Émilien Jacquelin 9 Quentin Fillon-Maillet 25 Simon Desthieux 26 Fabien Claude 28 Antonin Guigonnat Mass-start 12,5 km = 1 Marte Olsbu Roeiseland 2 Tiril Eckhoff 3 Dorothea Wierer 7 Julia Simon 11 Justine Braisaz-Bouchet 18 Anaïs Bescond 22 Anaïs Chevalier-Bouchet 27 Chloé Chevalier
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 49
7-8 JANVIER 2021
D
ans le temple d’Oberhof (Allemagne), pour la première course de 2021, le biathlète norvégien Johannes Thingnes Boe rugissait de plaisir pour la cinquantième fois de sa carrière. Le leader du classement général s'imposait dans le sprint. Cerise sur le gâteau, il devançait son frère Tarjei et Sturla Holm Lægreid, toujours impressionnant en cette nouvelle année avec un nouveau 10/10. Après la coupure de Noël, le Jurassien Quentin Fillon-Maillet espérait une meilleure reprise. Malheureusement, un gros grain de sable venait l’en empêcher : lors du couché, il manquait deux cibles, mais ne tournait qu’une seule fois sur l’anneau de pénalité thuringien. Une erreur entraînant un sérieux malus. « Je ne vois qu’une seule faute sur ce tir... Aujourd’hui, ce sont les trente ans de ma copine, j’aurais voulu faire
Manzoni/NordicFocus
Johannes Thingnes Boe remporte le sprint d’ouverture de l’étape d’Oberhof.
50 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
une meilleure course », expliquait-il, en larmes, au micro de La Chaîne L’Équipe. Avec un 6/10, il terminait finalement au fond du classement et était privé de poursuite. Heureusement, la famille Claude redonnait le sourire au clan tricolore avec Fabien (9/10) huitième, à 56 secondes, et, surtout, Émilien, 33e, avec un incroyable 10/10, le seul de la journée pour la France.
La révolte des Françaises
PODIUM Sprint 10 km = 1 Johannes Thingnes Boe 2 Tarjei Boe 3 Sturla Holm Lægreid 7 Simon Desthieux 8 Fabien Claude 14 Émilien Jacquelin 22 Antonin Guigonnat 33 Émilien Claude 84 Quentin Fillon-Maillet
Julia Simon.
« L’idée, c’est vraiment d’être tout de suite présents », expliquait Frédéric Jean, le responsable du groupe féminin français, à Nordic Magazine. Ses biathlètes lui donnaient raison. Avec cinq filles dans le top 20 du sprint d’ouverture, la France réalisait la meilleure performance collective. En première de cordée, Julia Simon, après un premier tir couché frustrant à 3/5, s’était bien reprise pour faire le plein au debout et terminer la course en trombe, signant le quatrième temps de ski à cinq secondes de la première, Tiril Eckhoff, large vainqueure. Finalement, la biathlète des Saisies terminait au pied du podium après le passage de l’Autrichienne Lisa Theresa Hauser, plus rapide de quatre secondes.
PODIUM Sprint 7,5 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Hanna Oeberg 3 Lisa Theresa Hauser 4 Julia Simon 9 Justine Braisaz-Bouchet 10 Anaïs Chevalier-Bouchet 12 Anaïs Bescond 18 Chloé Chevalier 35 Caroline Colombo
Manzoni/NordicFocus
Oberhof
LA 50 e HURLANTE DE JOHANNES BOE
Manzoni/NordicFocus
Les trois frères Claude lors du sprint d’Oberhof, le 8 décembre 2020.
UN TROISIÈME CLAUDE EN COUPE DU MONDE L’histoire retiendra que c’est sur un sprint à Oberhof (Allemagne) que les trois frères Claude se sont retrouvés en coupe du monde. Après l’aîné, Florent, 30 ans en fin d’année, qui court pour la Belgique depuis l’été 2017, après le cadet, Fabien, 26 ans, installé en équipe de France et avec déjà plusieurs podiums à son palmarès, voici venir Émilien, 22 ans. « Si on nous avait dit il y a troisquatre ans qu’on allait monter tous les trois en coupe du monde, on n’y aurait pas cru », confiait-il, en mars, à Nordic Magazine. L’officialisation de sa sélection était faite après ses performances enregistrées à Préma-
non (Jura) par la Fédération française de ski le 24 décembre. Comme un cadeau de Noël pour le trio alors réuni à Basse-sur-le-Rupt (Vosges) autour de leur maman. Aujourd’hui, le benjamin peut être fier de lui. Il n’a pas raté son atterrissage. « Une belle entrée en matière », selon l’entraîneur des Bleus, Vincent Vittoz. « C’est important que des jeunes montrent qu’ils ne sont pas si loin du reste du groupe », ajoute-t-il. D’entrée de jeu, le Vosgien récoltait des points lors du sprint (33e) et de la poursuite (39e) d’Oberhof. De quoi gagner le droit de prolonger son séjour où il a continué sur sa lancée.
Durant l’hiver, le benjamin de la fratrie bassuroise a dès lors éclaté aux yeux du grand public. D’autant plus qu’aux Mondiaux juniors d’Obertilliach (Autriche), il a raflé trois médailles d’or et une de bronze. À son palmarès, il faut ajouter l’argent gagné aux championnats d’Europe seniors de Duszniki Zdroj (Pologne) avec Caroline Colombo dans le relais mixte. De quoi nourrir de grands et beaux rêves. « Mes ambitions ne sont pas d’être le sixième homme, c’est de performer en coupe du monde », assurait-il. Et pourquoi pas aller aux Jeux de Pékin. En tout cas, c’est certain, il va travailler pour.
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 51
TIRIL ECKHOFF POURSUIT SUR SA LANCÉE
A
près Le Grand-Bornand (Haute-Savoie) et Ruhpolding (Allemagne) l’année précédente, et Hochfilzen (Autriche) un peu plus tôt dans l’hiver, Tiril Eckhoff réalisait à Oberhof (Allemagne) le doublé sprint/poursuite sur la coupe du monde de biathlon. La Norvégienne, largement dominatrice lors du sprint de la veille, partait certes avec une marge d’une trentaine de secondes d’avance. Matelas qui est devenu encore plus douillet dès le premier tir et l’erreur d’Hanna Oeberg, finalement huitième après un 16/20. Mais la course est devenue un peu plus tendue pour la leader ; toujours très rapide sur la piste, elle manquait sa dernière balle couchée pendant que Marte Olsbu Roeiseland, sa rivale, et l’Autrichienne Lisa Theresa Hauser, belle surprise de ce début d’année, ne se loupaient pas. Avant l’ultime debout, la sextuple championne du monde ne comptait donc plus qu’un joker d’avance qu’elle allait devoir utiliser : après avoir mis du temps à engager son tir, elle manquait, encore une fois, la dernière balle. Derrière, Olsbu Roeiseland, royale avec son dossard jaune et rouge, enchaînait les balles et réalisait le 20/20. Son premier en coupe du monde depuis... la poursuite d’Östersund en 2015 ! Un scénario qui allait placer les deux Norvégiennes au coude à coude jusqu’à la fin.
PODIUM Poursuite 10 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Marte Olsbu Roeiseland 3 Lisa Theresa Hauser 5 Anaïs Chevalier-Bouchet 11 Justine Braisaz-Bouchet 15 Julia Simon 20 Anaïs Bescond 35 Chloé Chevalier 44 Caroline Colombo 52 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Tiril Eckoff, pourtant partie avec une belle avance, a eu chaud, avec Olsbu Roeiseland à ses trousses.
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Oberhof
9 JANVIER 2021
Lægreid sur le dos des frères Boe
À Oberhof, où le traditionnel brouillard avait (enfin) fait son apparition, les frangins Boe, après la faute initiale de Johannes lors du premier couché, se retrouvaient, sur la piste, en ouvreurs de cette première poursuite de l’année 2021. On a alors pensé que cette course allait se résumer à une histoire de famille. Mais pas du tout. Les masses d’air sournoises de Thuringe sont venues s’en mêler et, tour à tour, Johannes, quatre erreurs lors du premier debout et finalement huitième, et Tarjei, trois fautes sur la dernière salve, étaient victimes de surprenantes craquantes. Comme par magie, Sturla Holm Lægreid, le meilleur tireur du plateau en embuscade toute la course, n’avait plus qu’à cueillir la victoire à 18/20. Johannes Dale, fautif à deux
reprises sur son ultime debout, terminait deuxième devant un Tarjei déçu de l’issue de la course. Parfait sur les couchés, Fabien Claude échouait, lui, au pied du podium après avoir manqué deux balles lors du premier debout. Mais c’est son tir parfait en fin de course qui lui permettait de se relancer et de sortir en quatrième position. Une place qu’il ne lâchait pas pour conforter sa place dans le top 10 mondial.
PODIUM Poursuite 12,5 km = 1 Sturla Holm Lægreid 2 Johannes Dale 3 Tarjei Boe 4 Fabien Claude 9 Simon Desthieux 13 Émilien Jacquelin 37 Antonin Guigonnat 39 Émilien Claude
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 53
LA LEÇON DE BIATHLON DE SIMON ET JACQUELIN
L
ors du relais mixte simple d’Oberhof (Allemagne), Émilien Jacquelin et Julia Simon ont été intraitables avec la concurrence. Les Français se sont montrés offensifs sur la difficile petite boucle thuringienne et, surtout, sur le pas de tir où ils n’ont manqué que trois balles en huit salves. La Norvège était anesthésiée. La Villaraine Julia Simon faisait d’ailleurs complètement craquer Tiril Eckhoff. Dans le dernier relais, avec trois tours de pénalité dans les jambes, la Scandinave confiait son sort à Johannes Thingnes Boe. Mais cinquante secondes de retard, ce n’était pas facile à remonter, d’autant plus que le rival dauphinois allait signer un impressionnant 20/20 derrière sa carabine et donc offrir la victoire à l’équipe de France, comme en janvier 2020 à Pokljuka (Slovénie), lieu du dernier relais mixte simple disputé en coupe du monde. « On sait qu’on a ce tir rapide comme point commun avec Julia. Cet engagement est nécessaire pour briller sur ce format », expliquait Émilien Jacquelin à Nordic Magazine. Ce n’était donc pas une compétition de série B qui venait d’être disputée. « C’est vrai que c’est une petite fierté de faire partie des relais. Ce sont des courses qui donnent envie », souriait Julia Simon qui, avec son acolyte, avait offert, selon Vincent Defrasne, consultant pour La Chaîne L’Équipe, « une leçon de biathlon dans toutes ses dimensions. »
Manzoni/NordicFocus
Oberhof
9 JANVIER 2021
Julia Simon devant les cibles du stade d’Oberhof.
PODIUM Relais mixte simple == 1 France 2 Suède 3 Norvège Relais mixte == 1 Russie 2 Norvège 3 France
54 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Anaïs Chevalier-Bouchet.
Justine Braisaz-Bouchet.
Manzoni/NordicFocus
Merci Quentin
La revanche du champion. Quatre-vingt-quatrième du sprint disputé deux jours plus tôt sur les pistes de l’Arena am Rennsteig d’Oberhof (Allemagne), le Jurassien Quentin Fillon-Maillet, absent de la poursuite dominée par Sturla Holm Lægreid, était relancé par le staff à l’occasion du relais mixte, seule répétition grandeur nature avant les Mondiaux de Pokljuka (Slovénie). Placé en position de finisseur, le vice-champion du monde du sprint avait la responsabilité de terminer le travail. Et il l’a parfaitement réalisé, bien qu’il n’ait pu offrir la victoire à la nation championne olympique. Après un excellent 10/10 derrière la carabine, il était en effet sorti en tête du pas de tir avant de se faire devancer par le Russe Eduard Latypov et le Norvégien Sturla Holm Lægreid. « Actuellement, j’ai du mal à terminer les courses », avouait le biathlète qui voyait ses rêves de gros globe s’éloigner.
Fabien Claude.
Quentin Fillon-Maillet.
Manzoni/NordicFocus
Le Dauphinois Émilien Jacquelin réussissait le 20/20.
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 55
Manzoni/NordicFocus
13-14 JANVIER 2021
BOE VS LÆGREID, LE DUEL DE L'HIVER
C
’est le grand duel de l’hiver. Alors que le Jurassien Quentin Fillon-Maillet avait été annoncé comme le principal rival de Johannes Thingnes Boe pour l’obtention du gros globe, c’était finalement le compatriote du numéro un mondial Sturla Holm Lægreid qui se battait avec lui pour le dossard jaune. Inconnu en tout début de saison, celui-ci impressionnait les observa-
teurs course après course grâce à sa capacité à faire tomber les cibles de façon quasiment automatique. Lors du sprint ouvrant la seconde semaine d’Oberhof (Allemagne), il était le premier des favoris à s’élancer. Et, comme attendu, et malgré quelques rafales de vent, il signait le 10/10, tuant quasiment la course d’entrée avec son dossard 22. Un seul homme, son compatriote Johannes Thingnes
SIEGFRIED MAZET, ÉLEVEUR DE CHAMPIONS
« C’est un gars qui m’a bousculé mentalement », confiera Johannes Thingnes Boe à propos de Lægreid.
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Le Français Siegfried Mazet.
Manzoni/NordicFocus
« Il y aura de l’émulation dans notre équipe, mais il va falloir qu’elle reste saine. Ce sera clairement le défi de l’hiver prochain. » Le Français Siegfried Mazet est l’entraîneur de tir des Norvégiens. Il s’occupe donc des meilleurs biathlètes du monde, dont Johannes Thingnes Boe et Sturla Holm Lægreid. Jusqu’à la dernière course qu’il allait remporter, conservant son statut de numéro un mondial, le premier n’a cessé de subir les assauts de son coéquipier. « Le globe n’était pas la propriété de Johannes avant la dernière course, tout le monde est concurrent et a le droit à sa chance. Sturla, cette saison, a amené sa pierre à l’édifice. Quand on l’a pris l’année dernière avec nous, on savait que c’était un très bon tireur qui pouvait donner un haut niveau de tir à l’intérieur de l’équipe. Avec le recul, on voit que notre stratégie a été la bonne », analyse le coach au printemps pour Nordic Magazine. Quand il arrivait que l’un boive la tasse et doute (pour preuve, ses hésitations quant à sa carabine qu’il
a modifiée à plusieurs reprises, à s’en prendre la tête), l’autre surfait sur la vague. « Avec deux-trois courses un peu moins bonnes, son moral n’aurait pas été le même. C’est plein de petites choses mises bout à bout qui ont fait qu’il a tenu », indique Siegfried Mazet. Nul doute que Lægreid commencera la saison 2021-2022, avec des Jeux olympiques de Pékin en février, avec un statut bien différent qu’un an auparavant.
PODIUM Sprint 10 km = 1 Johannes Thingnes Boe 2 Sturla Holm Lægreid 3 Arnd Peiffer 8 Quentin Fillon-Maillet 14 Émilien Jacquelin 26 Antonin Guigonnat 27 Simon Desthieux 67 Émilien Claude 73 Fabien Claude
En terminant quatrième et cinquième du sprint d’Oberhof (Allemagne), Justine Braisaz-Bouchet et Anaïs Chevalier-Bouchet ont fait du bien au camp français. « Techniquement, elles ont tout. Ce sont des petits détails à régler, vraiment rien du tout », expliquait Frédéric Jean à Nordic
Manzoni/NordicFocus
Des Bouchet en chocolat
Manzoni/NordicFocus
Boe, venait finalement le devancer. Pour s’offrir sa 51e victoire en coupe du monde, la 26e en sprint, il avait également dû réaliser le tir parfait. Avec le meilleur temps de ski, le Norvégien devançait son coéquipier d’un peu plus de 12 secondes. Cette victoire intervenait un an jour pour jour après la naissance de son fils Gustav. « Je voulais vraiment gagner aujourd’hui, expliquait-il une fois sa victoire actée, le sourire aux lèvres, à la NRK. Gustav a pu manger un gâteau aux muffins pour la première fois aujourd’hui, donc il est probablement plus heureux que moi. » Quarante-sept points séparaient désormais Boe de Lægreid au général. Les Norvégiens continuaient donc à jouer les premiers rôles chez les hommes. Les Français, eux, ne parvenaient plus à les challenger comme lors des années Fourcade. Ils devaient se contenter de deux places dans le top 15 grâce à Quentin Fillon-Maillet (9/10), huitième, et Émilien Jacquelin (9/10), quatorzième. « La Norvège est toujours une nation très forte. Un athlète part à la retraite et deux autres très bons arrivent. On le voit cette année, avec Lægreid et Dale qui font des résultats exceptionnels. Ensuite, il y a les frères Boe qu’on connaît très bien, et Christiansen », décryptait le Jurassien pour Nordic Magazine. Pour expliquer les succès de cette machine de guerre, il faut ajouter une stabilité dans l’encadrement et un savoir-faire exceptionnel de ses huit techniciens. « Ils ont fourni des skis au top tout le temps, il n’y a pas eu une course où cela n’a pas été bon. Cela a permis aux biathlètes d’exprimer pleinement leur potentiel physique », confirme le coach de tir, Siegfried Mazet.
Justine Braisaz-Bouchet.
Magazine. Offensives derrière la carabine et rapides sur les skis malgré un dernier tour compliqué, les deux biathlètes ont visiblement trouvé les clés pour se placer dans le top 5 du second sprint thuringien. « Je suis arrivée éclatée dans l’aire d’arrivée. » Justine Braisaz-Bouchet espérait toutefois mieux, après avoir tout donné pour monter sur un podium qui lui échappe en coupe du monde depuis le 20 décembre 2019 quand elle avait fait chavirer de bonheur le public du Grand-Bornand (Haute-Savoie). « Sentiment mitigé » donc.
PODIUM Sprint 7,5 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Dorothea Wierer 3 Lisa Theresa Hauser 4 Justine Braisaz-Bouchet 5 Anaïs Chevalier-Bouchet 14 Anaïs Bescond 26 Caroline Colombo 59 Julia Simon 65 Chloé Chevalier
Sturla Holm Lægreid, inconnu au début de l’hiver.
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Oberhof
15-16 JANVIER 2021
LE RELAIS FRANÇAIS EN PLEIN DANS LE MILLE
E
n remportant le relais d’Oberhof (Allemagne) sur les pistes de l’Arena am Rennsteig, les Bleus se replaçaient sur l’échiquier du relais mondial à un peu plus d’un mois de l’épreuve des championnats du monde de Pokljuka. C’était alors de bon augure, surtout après trois courses terminées loin des podiums (quinzième à Nove Mesto en fin de saison précédente, huitième à Kontiolahti et sixième à Hochfilzen). Le quatuor était composé de Simon Desthieux en lanceur, devant Quentin Fillon-Maillet, Fabien Claude et Émilien Jacquelin, finalement à l’aise dans cette position de finisseur. Coupable de deux terribles craquantes en Finlande puis en Autriche, le Dauphinois n’a cette fois pas failli. Ce qui lui a permis de panser ses blessures. « Je me suis beaucoup remis en questions après cela, ce qui est normal », confiait le héros d’Oberhof. Les discussions avec les coachs et les autres garçons de l’équipe lui ont fait prendre un peu de recul. « On lui a demandé son relais favori, c’était le dernier, expliquait le Jurassien à Nordic Magazine. Simon se voyait bien partir devant et ça s’est fait comme ça, en fonction des envies de chacun. On a trouvé le petit truc en relais. » « Je me suis bien senti dans ce rôle de quatrième relayeur, confirmait le biathlète du Vercors qui jugeait avoir gagné en maturité. Mais d’autres sont capables de le faire. » De l’avis de tous, cette victoire faisait le plus grand bien. « On l’apprécie à sa juste valeur », confirmait Fabien Claude.
PODIUM Relais 4 x 7,5 km = 1 France 2 Norvège 3 Italie 58 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Le quatuor français sur le podium.
Simon Desthieux.
Fin de série pour la France
Quentin Fillon-Maillet.
Fabien Claude.
Manzoni/NordicFocus
Émilien Jacquelin et Fabien Claude.
Alors que les biathlètes de l’équipe de France féminine avaient, jusqu’à la sixième salve, réalisé un début de relais de haute voltige, manquant seulement trois cibles et pointant en tête de la course, l’Hautelucienne Justine Braisaz-Bouchet renversait le château de cartes. Sur son debout, la skieuse des Saisies ne parvenait effectivement pas à mettre ses balles dans le noir, sortant du pas de tir les poches chargées de trois pioches et deux tours de pénalités. « J’avais les doigts gelés, expliquait-elle, à chaud et dans le froid thuringien, au micro de La Chaîne L’Équipe. Je suis passée à côté de mon tir (...). Je suis désolée pour les filles. » Après ce tir manqué, les Bleues se retrouvaient à quasiment une minute de la tête, alors occupée par la Biélorussie, championne olympique à Pyeongchang en février 2018. Avec une Denise Herrmann supersonique sur les skis, l’Allemagne revenait avant le dernier passage, avant de s’imposer grâce à un 10/10 de Franziska Preuss. Finalement, la France, après le relais de Julia Simon, terminait à la cinquième place, derrière la Russie et à quasiment deux minutes de la victoire. « C’est frustrant parce que les deux premières [Anaïs Bescond et Anaïs Chevalier-Bouchet, N.D.L.R.] avaient fait du bon travail », regrettait la Villaraine en zone mixte. Les tricolores, qui restaient sur quatre podiums lors des cinq derniers relais, descendaient donc de la boîte à un mois des Mondiaux de Pokljuka (Slovénie).
PODIUM Relais 4 x 6 km = 1 Allemagne 2 Biélorussie 3 Suède 5 France BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 59
Oberhof
17 JANVIER 2021
JULIA SIMON TRIOMPHE AU BOUT D'UN DERNIER TOUR DE FOLIE
U
n dimanche après-midi béni pour le biathlon français. La Savoyarde Julia Simon offrait à la France sa première victoire individuelle féminine de la saison. Le scénario, comme souvent, n’était pas écrit d’avance. Après un sprint manqué dans les grandes largeurs et un relais terminé en cinquième position la veille, la biathlète des Saisies se rachetait de la plus belle des manières en gagnant pour la deuxième fois en coupe du monde. Cette fois, la dernière course (et victoire) de l’ogre Martin Fourcade et la retraite de Kaisa Mäkäräinen n’allaient pas venir mettre un voile sur son succès. Celui-ci éclatait en pleine lumière. Avec un 17/20, mais surtout un tir parfait lors de la dernière salve, Julia Simon sortait en tête du pas de tir, profitant des nombreuses erreurs de ses adversaires. Sauf qu’il y avait Franziska Preuss. « Vincent Vittoz me dit que c’est la gagne qui se joue et j’ai eu un sursaut d’orgueil pour m’accrocher et revenir », racontait la Villaraine. L’Allemande, affamée, prenait l’avantage dans la première bosse. Combative et résiliente, Simon revenait dans son sillage avant l’ultime montée. À bout de forces, la Française trouvait tout de même les ressources pour prendre le dessus et
PODIUM Mass-start 12,5 km = 1 Julia Simon 2 Franziska Preuss 3 Hanna Oeberg 9 Justine Braisaz-Bouchet 22 Anaïs Bescond 30 Anaïs Chevalier-Bouchet 60 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
s’imposer. Avant de s’effondrer dans l’aire d’arrivée. Le sourire aux lèvres. « J’étais au bout du rouleau. Je ne pouvais pas faire un mètre de plus. J’étais à deux doigts de jeter le pied sur la ligne pour faire passer le transpondeur sans que mon corps ne la franchisse. C’était dur, c’est une piste tellement exigeante. J’ai eu du mal à me relever, j’étais vidée de toute énergie », confiait-elle plus tard à Nordic Magazine. En montant dans la cabine du camion de fartage de l’équipe de France, emporté par ce qu’il venait de vivre, son coach Frédéric Jean
Tarjei Boe, dix ans après
Une course comme seul le biathlon peut en offrir. La mass-start d’Oberhof (Allemagne), la deuxième de l’hiver, devrait longtemps rester dans les annales du sport. Il y a tout eu pendant cette ultime compétition de la semaine : de la dramaturgie, des favoris en difficulté, une chute, un bris de carabine et, au final, la victoire d’un Tarjei Boe rayonnant. Comme le 9 janvier 2011, le Norvégien remportait la mass-start. À l’époque, celui qui allait soulever le gros globe de cristal en fin de saison avait devancé Emil Hegle Svendsen, Ivan Tcherezov, Martin Fourcade et Michael Greis. Cette fois, le Norvégien n’a pas eu à batailler avec les cadors puisqu’ils ont tous été (quasiment) éliminés avant le dernier tir. Son petit frère Johannes a
lançait dans un large sourire : « C’est la magie du biathlon ! » En quelques mots, le Drômois avait parfaitement résumé la situation. Le jeudi précédent, effectivement, sa protégée était au fond du trou, se posant des questions sur son avenir dans le biathlon, après un sprint terminé à la 59e place à cause d’un 5/10 au tir. Trois jours après, elle gagnait dans La Mecque du biathlon. « J’ai pris beaucoup de plaisir dans la douleur, c’était assez fou », concluait une Julia Simon rassurée, désormais dossard rouge de leader de la spécialité sur les épaules.
commis une erreur sur chaque passage derrière la carabine, Sturla Holm Lægreid, d’habitude si précis, terminait avec un 18/20 qui ne lui ressemblait pas. Émilien Jacquelin, auteur d’un incroyable 10/10 sur les couchés, était en tête lors de la troisième boucle de ski de fond. Malheureusement, dans la descente, il tombait et cassait sa carabine. Obligé de prendre l’arme de réserve sur le pas de tir, il terminait finalement quatorzième.
PODIUM Mass-start 15 km = 1 Tarjei Boe 2 Felix Leitner 3 Benjamin Weger 9 Simon Desthieux 10 Quentin Fillon-Maillet 14 Émilien Jacquelin 23 Antonin Guigonnat 26 Fabien Claude
Manzoni/NordicFocus
« Je ne pouvais pas faire un mètre de plus. J’étais à deux doigts de jeter le pied sur la ligne pour faire passer le transpondeur sans que mon corps ne la franchisse. »
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Antholz
UNE DETTE EN COMTÉ POUR CHEVALIER
Manzoni/NordicFocus
21_22 JANVIER 2021
O
n avait laissé Anaïs Chevalier-Bouchet dépitée après la mass-start d’Oberhof (Allemagne). Embêtée par une hausse défectueuse, la biathlète du Dauphiné n’avait pu tirer correctement et avait terminé l’ultime course de l’étape en trentième et dernière position à plus de six minutes de Julia Simon, brillante vainqueure. Dans le décor enchanteur d’Antholz (Italie) où la caravane du biathlon venait de s’installer, la Française rebondissait pour terminer troisième du deuxième individuel de l’hiver. Entre les deux, son arme avait été révisée chez Fortner à Rosenheim, juste à côté de Ruhpolding (Allemagne). « Là-bas, ils l’ont regardée et fait ce qu’il y avait à faire, soit pas mal de boulot. C’est Franziska Preuss, rentrée chez elle à Ruhpolding dimanche soir, qui l’a récupéré mardi matin avant de rejoindre Antholz. Elle me l’a donné à 13 heures pour que je puisse tirer avec sur le pas de tir. Je lui dois quelques kilos de Comté », rapportait la jeune maman. En signant le 19/20 – elle ne lâchait qu’une seule balle lors de l’ultime debout –, Anaïs Chevalier-Bouchet se retrouvait à 1 minute 4 secondes de Lisa Theresa Hauser. À 27 ans, également fautive à une seule reprise, l’Autrichienne, s’imposait pour la première fois en coupe du monde, confirmant ses excellents résultats du début d’année 2021. Entre les deux venait se nicher l’Ukrainienne Yuliia Dzhima.
PODIUM Individuel 15 km = 1 Lisa Theresa Hauser 2 Yuliia Dzhima 3 Anaïs Chevalier-Bouchet 19 Anaïs Bescond 22 Caroline Colombo 43 Justine Braisaz-Bouchet 62 Julia Simon 64 Chloé Chevalier
62 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
« L’objectif, pour moi, avant les championnats du monde, est d’engranger de la confiance au tir », confie la Française.
Manzoni/NordicFocus
Quentin Fillon-Maillet dans le brouillard d’Antholz.
Fillon-Maillet de justesse
La pièce est tombée du bon côté pour Quentin Fillon-Maillet. Habité par l’idée de monter sur le podium pour la première fois depuis sa victoire obtenue lors de la poursuite d’Hochfilzen (Autriche) en décembre, le Jurassien, avec un 18/20 derrière la carabine, réussissait à terminer troisième de l’individuel de l’hiver disputé sous le brouillard d’Antholz (Italie). « Sur le troisième tir, il y a eu une masse de brouillard qui m’a fait perdre du temps pour chercher les cibles », racontait le Jurassien. Dans les derniers mètres, le Grandvallier donnait tout et devançait l’Italien Lukas Hofer (18/20) d’un dixième. Un podium décroché pour un souffle après quasiment 50 minutes d’effort. C’est le Russe Alexander Loginov, au tir parfait, qui s’imposait. Malgré un bris de canne à la sortie de son dernier passage au pas de tir, le champion du monde du sprint gagnait sa troisième course en carrière, la première sur ce format et la deuxième de suite sur la piste italienne.
PODIUM Individuel 20 km = 1 Alexander Loginov 2 Sturla Holm Lægreid 3 Quentin Fillon-Maillet 21 Simon Desthieux 22 Antonin Guigonnat 25 Émilien Jacquelin 54 Fabien Claude 80 Émilien Claude
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 63
Antholz
Julia Simon avec son dossard rouge de leader de la mass-start. Une tunique qu’elle espère alors conserver jusqu’à la fin de l’hiver.
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23-24 JANVIER 2021
JE NE VOULAIS PAS ÊTRE LE DINDON DE LA FARCE
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Un podium pour le 50e relais d’Anaïs Bescond.
Manzoni/NordicFocus
queure de l’individuel quarante-huit heures plus tôt, résistaient tant bien que mal. Sur les bords de la piste, Frédéric Jean et Vincent Vittoz encourageaient leur athlète à serrer à droite dans le stade pour ne pas laisser s’engouffrer Oeberg. Ce qu’elle faisait à merveille pour s’imposer, au bout du bout, juste devant celle-ci, Hauser complétant le podium. « Je ne voulais pas être le dindon de la farce avec le retour des filles pour finir quatrième ou cinquième », déclarait la Savoyarde à Nordic Magazine. Elle confiait aussi aimer ces courses où il faut se frotter à la concurrence. Une victoire avec le dossard rouge de leader de la spécialité n’avait pas de prix. C’était magique. Surtout après un individuel terminé à la 62e place jeudi dernier.
PODIUM Mass-start 12,5 km = 1 Julia Simon 2 Hanna Oeberg 3 Lisa Theresa Hauser 9 Anaïs Bescond 14 Justine Braisaz-Bouchet 16 Anaïs Chevalier-Bouchet
En plus de la victoire de Julia Simon, qui devenait ainsi la première Française à remporter deux mass-starts en coupe du monde de biathlon, Anaïs Bescond (18/20), neuvième, retrouvait le top 10 depuis la première course de l’hiver, l’individuel de Kontiolahti (Finlande).
Un podium pour le 50e relais de Bescond « Cinquante ! Ça me donne les frissons rien que d’y penser. » C’est ainsi qu’Anaïs Bescond a réagi, au micro de La Chaîne L’Équipe, quand il lui a été annoncé qu’elle venait de prendre part à son cinquantième relais féminin sur le circuit international. Pour cette Jurassienne, championne olympique du mixte, qui chérit tant l’exercice collectif, cette barre symbolique constitue une fierté. Et elle allait monter sur le podium, le troisième cet hiver.
PODIUM Relais 4 x 6 km = 1 Russie 2 Allemagne 3 France
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Manzoni/NordicFocus
ais où diable va-t-elle chercher les ressources mentales ? Comme le dimanche précédent à Oberhof (Allemagne), Julia Simon, avec trois fautes au tir avant le dernier debout, remportait la mass-start grâce à une ultime salve parfaite. Cette fois, ce n’est pas à un mano a mano auquel elle a dû se livrer, mais à une bataille rangée face à quatre biathlètes. Ses adversaires : Hanna Oeberg (19/20), Lisa Theresa Hauser (19/20), Franziska Preuss (19/20) et Marketa Davidova (19/20). La biathlète de Villard-sur-Doron (Savoie) prenait tout de suite la course à son compte, ne lâchant pas la tête dans un dernier tour mené à un train d’enfer. Davidova puis Preuss, sous les coups de boutoir de la Française, craquaient les premières, tandis que la Suédoise et l’Autrichienne, vain-
Manzoni/NordicFocus
Antholz
Émilien Jacquelin devant Johannes Thingnes Boe. Antonin Guigonnat.
Simon Desthieux Quentin Fillon-Maillet.
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23-24 JANVIER 2021
LA FRANCE AVEC PANACHE
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PODIUM Relais 4 x 7,5 km = 1 France 2 Norvège 3 Russie
LA CONFIDENCE DE TARJEI « C’était une belle journée de biathlon ! » L’Aindinois Simon Desthieux affichait un large sourire. C’est qu’après la victoire de Julia Simon lors de la mass-start [lire page 64], les relayeurs s’imposaient au bout d’une course de folie terminée par le sprint victorieux d’Émilien Jacquelin devant Johannes Thingnes Boe. « Ce qui est frustrant, c’est qu’on n’avait pas d’écrans et pas tellement d’infos lors du dernier tour, reprenait le biathlète d’Hauteville pour Nordic Magazine. On n’a même pas eu l’info quand Émilien est passé devant. Il est
passé au bon endroit stratégique, il a été malin et a su attaquer quand il le fallait. » Antonin Guigonnat, lui, s’était placé de sorte à voir quelques images. À ses côtés, Tarjei Boe. Il lui expliquait qu’il n’avait jamais gagné en relais et que les Norvégiens pouvaient faire un geste. « Il me répond que dans un duel entre Johannes et Émilien, la France a 90 % de chances de gagner. J’étais surpris qu’il me dise cela par rapport à son petit frère qu’il chérit tant. Mais il avait raison », rapportait le tricolore.
Johannes Boe devant Fillon-Maillet
Déjà troisième du dernier individuel, Quentin Fillon-Maillet récidivait en terminant deuxième de la mass-start, derrière un Johannes Thingnes Boe retrouvé. Le Norvégien, offensif sur les skis, ne laissait à personne le loisir de mener la course sur la piste et, avec un 19/20, s’imposait au bout d’une semaine compliquée. Fillon-Maillet, à une dizaine de secondes avant le dernier tir, aurait pu profiter de la seule erreur du champion du monde en titre de l’exercice. Mais le Franc-Comtois manquait sa première balle et laissait filer la victoire, avant d’atteindre les quatre autres cibles pour verrouiller sa place de dauphin.
Manzoni/NordicFocus
rois cent quarante-deux jours s’étaient écoulés depuis le titre mondial de la poursuite décroché par Émilien Jacquelin dans la Südtirol Arena d’Antholz (Italie). Ce 16 février 2020 béni, le Dauphinois avait battu le Norvégien Johannes Thingnes Boe dans l’emballage final, sous les hourras de milliers de spectateurs. Ce 23 janvier 2021, au terme du relais masculin disputé dans le HautAdige, le Dauphinois refaisait le coup au numéro un mondial, offrant un deuxième relais de suite à la France. Tout en panache. Une victoire acquise avec Antonin Guigonnat, dont c’était le premier succès en coupe du monde dans la discipline, Quentin Fillon-Maillet et Simon Desthieux. Pourtant, rien ne semblait acquis à la mi-course quand la Russie pointait en tête. Alexander Loginov prenait le témoin. Mais le champion du monde du sprint craquait sur le debout, ouvrant la porte aux Bleus et à l’Allemagne. Avec un retour supersonique de Johannes Thingnes Boe, la Norvège, d’abord plombée par un mauvais debout de Johannes Dale, venait se mêler au festin des rois avant l’ultime salve. Elle possédait même une dizaine de secondes de marge tant le leader du général était supérieur sur les skis. Mais il perdait une balle pendant qu’Émilien Jacquelin réalisait le sans-faute pour sortir du pas de tir à moins de cinq secondes. Vite revenu dans les skis du Scandinave, le Villardien ne lâchait pas sa proie jusqu’à la doubler en entrant dans le stade. Tout cela pour offrir aux copains une victoire, la deuxième de suite.
Quentin Fillon-Maillet.
PODIUM Mass-start 15 km = 1 Johannes Thingnes Boe 2 Quentin Fillon-Maillet 3 Jakov Fak 11 Émilien Jacquelin 18 Fabien Claude 22 Simon Desthieux 27 Antonin Guigonnat BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 67
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POKLJUKA BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 69
Manzoni/NordicFocus
CHAMPIONNATS DU MONDE
Pokljuka
10-12 FÉVRIER 2021
PREMIÈRE MÉDAILLE POUR DESTHIEUX
C
omme un an auparavant à Antholz (Italie), le sprint des championnats du monde offrait du grand spectacle. Et au terme de cette course, la France arrachait deux places sur le podium. L’Aindinois Simon Desthieux, avec un incroyable 10/10, était pour la première fois à la fête sur des Mondiaux. Il décrochait l’argent. Après avoir enfoncé le portillon de départ en 62e position, il avait en fait signé la course parfaite. Au micro de La Chaîne L’Équipe, il se laissait
70 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
prendre par l’émotion : « C’est que du bonheur. » À ses côtés se tenait Émilien Jacquelin. Coupable d’une erreur sur son couché, le Dauphinois avait ensuite réalisé une très belle deuxième partie d’épreuve pour remporter sa troisième médaille mondiale. À ce moment-là, beaucoup le voyaient en position de force pour défendre son titre sur la poursuite. Mine de rien, avec cinq breloques mondiales, le jeune homme de 25 ans n’en finissait pas de se construire un solide palmarès. « C’est parce
que je n’ai pas eu peur, que j’ai osé entreprendre certaines choses. Cinquième médaille mondiale, c’est énorme. Je suis très fier de mon parcours et j’espère que ce n’est pas la dernière », déclarait-il, prémonitoire à Nordic Magazine. Fait suffisamment rare pour être souligné, les Norvégiens, vainqueurs des six premiers sprints de l’hiver, étaient éjectés du top 3. Johannes Dale échouait à la quatrième place, juste devant Johannes Thingnes Boe, fautif à deux reprises sur le couché, tandis que Sturla Holm Lægreid
se classait septième et Tarjei Boe neuvième. Pendant ce temps, un autre homme écrivait l’histoire. Martin Ponsiluoma, avec le dossard 6 et, surtout, un 10/10 imparable combiné à une très bonne vitesse de déplacement, était intouchable en ce vendredi après-midi. Celui qui avouait vivre « le plus beau jour de sa vie », offrait à la Suède son premier titre mondial individuel depuis... 1958 et le sacre d’Adolf Winklund, premier champion du monde de l’histoire de son sport à Saalfelden (Autriche). « C’est le meilleur jour de ma vie. Je ne connaîtrais peut-être pas un autre jour comme celui-ci », s’enthousiasmait le Scandinave sur la SVT. Jusqu’ici, le jeune homme de 25 ans évoluait dans l’ombre de son leader, Sebastian Samuelsson, et son palmarès ne comportait aucune ligne marquante avant son arrivée en Slovénie.
Anaïs Chevalier-Bouchet.
Pas de médaille en entrée
Thibaut/NordicFocus
PODIUM Sprint 10 km = 1 Martin Ponsiluoma 2 Simon Desthieux 3 Émilien Jacquelin 6 Quentin Fillon-Maillet 14 Antonin Guigonnat 41 Fabien Claude
Simon Desthieux.
de réussite et, aujourd’hui, c’était comme dans un rêve, tout s’est enchaîné, tout allait bien. Je l’ai senti dès le matin », ajoutait-il.
Manzoni/NordicFocus
COMME DANS UN RÊVE Simon Desthieux, 29 ans, était un homme heureux au soir du sprint des Mondiaux de Pokljuka (Slovénie). Pour la première fois de sa carrière, le biathlète d’Hauteville prenait place sur un podium des championnats du monde en individuel. En terminant deuxième du sprint derrière le Suédois Martin Ponsiluoma, il entrait dans le cercle fermé des biathlètes français médaillés aux Mondiaux. « C’est tellement d’effort et de travail que le jour où ça arrive, on est juste très heureux parce qu’on se bat toute l’année pour aller chercher des moments pareils. Aujourd’hui ça paye, c’est ça qui est chouette », confiait-il d’emblée à Nordic Magazine. « J’ai toujours dit que je manquais
Manzoni/NordicFocus
Avec un 10/10 devant les cibles, Simon Desthieux signait la course parfaite.
« On a une équipe qui est forte, on veut commencer les Mondiaux de la meilleure des manières. » Deux jours avant le début des Mondiaux, la Dauphinoise Anaïs Chevalier avait posé clairement les ambitions françaises pour le relais mixte d’ouverture. Si les biathlètes tricolores avaient effectivement les moyens de leurs ambitions, et étaient deuxièmes derrière la Norvège après les bons passages d’Émilien Jacquelin et de Quentin Fillon-Maillet, ils ne sont pas parvenus à gérer toutes leurs émotions sur le pas de tir pour y parvenir (un tour et dix pioches). Notamment Anaïs Chevalier, victime d’une craquante sur la dernière cible au debout. Alors que la jeune maman avait l’occasion, en cas de 5/5 de revenir sur Tiril Eckhoff en tête de course, elle butait sur son dernier tir, manquant le noir à quatre reprises et allant visiter le tant redouté anneau de pénalité. « J’ai voulu jouer, j’ai perdu... Je suis déçue parce que s’il y avait un relais à ne pas planter, c’était celui-là », regrettait-elle en zone mixte.
PODIUM Relais mixte == 1 Norvège 2 Autriche 3 Suède 5 France
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 71
ANAÏS CHEVALIER QUATRE ANS APRÈS
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u lendemain de son anniversaire (elle a 28 ans), Anaïs Chevalier-Bouchet réalisait l’une des meilleures courses de son hiver. Avec un solide 9/10 sur le pas de tir – une seule balle debout lui échappant – et le meilleur temps de ski de ce sprint des Mondiaux de Pokljuka (Slovénie), la Dauphinoise s’offrait logiquement une belle médaille d’argent. Sa cinquième dans des championnats du monde, sa seconde en individuel après le bronze du sprint en 2017 à Hochfilzen (Autriche). Après avoir mis au monde son premier enfant en octobre 2019, la Dauphinoise était revenue à la compétition en fin d’année dernière avec un seul objectif : jouer le haut
Après sa maternité, 72 | BIATHLON MAGAZINE • N°3 la Dauphinoise a réussi son retour au haut niveau.
du classement. Elle remplissait donc son objectif haut la main. « Je ne me rends pas trop compte de ce que j’ai fait », confiait-elle à Nordic Magazine. En fait, depuis Östersund 2019 et le bronze de Justine Braisaz lors de l’individuel, aucune Française n’était installée sur une marche du podium. C’est dire que la partition jouée par l’Iséroise faisait plaisir à tout son groupe de filles qui a, parfois, éprouvé quelques complexes par rapport aux garçons. En plus du devoir accompli, Anaïs Chevalier-Bouchet apparaissait soulagée : « Quoi qu’il arrive, au moins j’en ai une. Mais c’est mal me connaître que de dire que je vais m’arrêter en si bon chemin. » Elle
ignorait encore que, le lendemain, elle allait ajouter une autre « breloque » à sa collection. Une seule biathlète faisait mieux qu’elle : la Norvégienne Tiril Eckhoff, qui enchaînait une quatrième victoire de suite sur le format et un deuxième titre mondial dans l’exercice, après celui décroché en 2016 à Holmenkollen (Norvège).
PODIUM Sprint 7,5 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Anaïs Chevalier-Bouchet 3 Hanna Sola 25 Justine Braisaz-Bouchet 28 Julia Simon 34 Anaïs Bescond
Manzoni/NordicFocus
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BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 73
Pokljuka
14 FÉVRIER 2021
ÉMILEN JACQUELIN DOUBLE CHAMPION DU MONDE
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sourdie. Une autre légende du biathlon scandinave, Emil Hegle Svendsen, déclarait être en état de choc : « Il est rare de voir des tirs aussi bons et rapides. Aujourd’hui, Jacquelin est allé incroyablement vite ». Liv Grete Skjelbreid n’en croyait pas ses yeux : « Je n’ai jamais vu personne gagner en faisant deux séries de tirs en 17 secondes. C’est incroyable. » « Lorsqu’on prend du plaisir, c’est plus fort que la peur. Mais peur de quoi ? Je n’avais peur de rien. Pour gagner il faut accepter de pouvoir perdre », répondait l’intéressé, moins impressionné que les observateurs qui n’en revenaient pas de l’avoir vu lâcher ses balles plus vite que l’ombre de Lucky Luke. C’était tout simplement parce qu’il avait
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certain Martin Fourcade (2011, 2012 et 2016, 2017). Trois légendes du sport qui ont fait rêver l’Isérois dans ses jeunes années. « La poursuite est la course où je prends le plus de plaisir à jouer, disait-il encore avant la course. Parfois, bêtement, je dis jouer avec mes adversaires, mais non, je joue avec moi-même, mes capacités. » « On n’avait aucune chance de gagner face à Émilien aujourd’hui, je suis vraiment impressionné par sa course. C’est une des courses les plus solides que j’aie jamais vues. Un tir aussi rapide, c’est incroyable. C’est probablement le plus beau tir qu’on ait jamais vu en biathlon », rendait d’ailleurs hommage Johannes Thingnes Boe en zone mixte. En fait, toute la Norvège était aba-
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n véritable triomphe. Troisième à s’élancer dans cette poursuite des Mondiaux de Pokljuka, Émilien Jacquelin, orné de son dossard doré de champion du monde en titre, venait de tenir son rang. Et de quelle manière ! Avec un niveau de ski très élevé et des tirs de folie, il s’imposait haut la main et sans contestation possible. Le Dauphinois n’avait tout simplement pas laissé ses adversaires espérer, ne serait-ce qu’un instant, une ouverture. Après sa médaille de bronze sur le sprint, il avait confessé plus que des ambitions : « Je serais très satisfait d’être sur le podium, mais j’ai des rêves et j’aimerais réaliser le doublé de la poursuite, avait-il déclaré deux jours plus tôt à Nordic Magazine. Ce serait quelque chose d’incroyable » Le biathlète du Vercors en a fait une réalité sur le stade slovène en offrant, donc, un récital comme peu de ses collègues peuvent en donner. C’était d’ailleurs la première fois qu’un athlète conservait son titre mondial sur ce format après... Ole Einar Bjoerndalen (quadruple vainqueur en 2005, 2007, 2008 et 2009), l’Allemand Ricco Gross et un
Émilien Jacquelin n’est que le quatrième biathlète à réussir le doublé sur la poursuite.
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PODIUM Poursuite 12,5 km = 1 Émilien Jacquelin 2 Sebastian Samuelsson 3 Johannes Thingnes Boe 4 Quentin Fillon-Maillet 5 Simon Desthieux 12 Fabien Claude 21 Antonin Guigonnat
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rempli son rôle : « J’ai fait des tirs qui étaient engagés, mais pour ma part, j’ai simplement fait ce que je sais faire. » Dorénavant, les habits d’Émilien Jacquelin sont ceux d’un super-héros, d’un tireur d’élite, bref d’un grand monsieur, double champion du monde de la poursuite s’il vous plaît.
Pokljuka
14 FEVRIER 2021
DEUXIÈME MÉDAILLE POUR ANAÏS CHEVALIER
A
près sa belle médaille d’argent décrochée lors du sprint, Anaïs ChevalierBouchet obtenait le bronze dans la poursuite des Mondiaux de Pokljuka (Slovénie). Partie douze secondes après la Norvégienne Tiril Eckhoff, la Française pointait même en tête du classement après le premier couché, où elle réalisait le plein contrairement à la Scandinave. Au passage suivant devant les cibles, les rôles s’inversaient avec une Eckhoff parfaite et une Chevalier fautive, ce qui redonnait la tête à la leader mondiale. Plus rapide sur les skis, cette dernière, malgré une nouvelle faute sur le premier debout – ce qui replaçait la Dauphinoise sur le devant de la scène –, prenait
quelques secondes d’avance à l’aube de la dernière visite du pas de tir. Aucune erreur ne venait noircir son tableau, à la différence de l’Iséroise, finalement dépassée par Lisa Theresa Hauser, grâce à un 19/20. L’Autrichienne offrait du même coup une deuxième médaille féminine à son pays dans des championnats du monde, après Andrea Grossegger, bronzée lors du sprint en 1984. Une autre compétitrice retenait l’attention. Il s’agissait de Dorothea Wierer. Rayonnante dans son dossard doré de championne du monde en titre, l’Italienne signait une époustouflante remontada. Partie en vingtième position, la Transalpine, avec un tir parfait, finissait au quatrième rang à quelques secondes du
bronze que s’octoyait Anaïs Chevalier-Bouchet pour douze secondes. Avec cette seconde médaille, celle-ci contraignait son entraîneur Frédéric Jean à respecter son pari. Il avait promis que si ses biathlètes parvenaient à remporter deux distinctions individuelles, il se lancerait dans un marathon autour du lac de Bled. Ce fut chose faite dès le lendemain, en 3 h 34.
PODIUM Pourtsuite 10 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Lisa Theresa Hauser 3 Anaïs Chevalier-Bouchet 22 Julia Simon 30 Justine Braisaz-Bouchet 36 Anaïs Bescond
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« J’ai tenu mon rang, c’est très bien », confie la Dauphinoise.
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DU 14 AU 16 JANVIER 2022 COUPE DU MONDE DE SKI DE FOND STATION DES ROUSSES
LESROUSSES.COM
Crédits photos : S. Godin - B. Becker / Station des Rousses - Baltik
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MARKETA DAVIDOVA MIEUX QUE KOUKALOVA
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arketa Davidova est la nouvelle championne du monde de l’individuel. Mardi, elle a été titrée à Pokljuka (Slovénie). Depuis les Mondiaux d’Hochfilzen, en 2017, et le sacre de Gabriela Koukalova, aucune Tchèque n’avait récolté de l’or. De quoi enthousiasmer tout un pays. La joie est d’autant plus grande que cette nation n’a guère brillé jusque-là. À commencer par Davidova elle-même qui avait terminé 44e du sprint, 32e de la poursuite. « C’est un immense soulagement pour tout le monde », admettait le président de la fédération, Jiri Hamza, également vice-président de l’Union internationale de biathlon (IBU), à la télévision.
« Je n’arrive pas à y croire, a pour sa part confié la vainqueure à nos confrères de Ceská televize après avoir franchi la ligne d’arrivée. J’ai eu beaucoup de chance aujourd’hui. » « C’était incroyable. Elle a presque le meilleur temps de ski [en fait, le deuxième, N.D.L.R.], elle a tiré sans commettre de faute. C’est une vraie championne », a résumé son coach, le Norvégien Egil Gjelland. Et celui qui s’occupe de ces filles depuis l’été 2018 d’ajouter : « C’est important pour tout le monde, pour tout le biathlon tchèque. Quand vous obtenez une telle performance et remportez l’or à des championnats du monde, c’est incroyable. Cela montre à tout le pays qu’il a des athlètes de haut niveau. » Marketa Davidova réussissait là où
Koukalova avait toujours échoué. Vicechampionne du monde de l’individuel en 2015 et 2017, la biathlète de Jablonec, également vainqueure du gros globe de cristal en 2016, n’était jamais parvenue à décrocher le Graal dans cette discipline. À son palmarès, Davidova compte déjà une médaille d’or. Mais c’était en 2018 en juniors, au terme d’une poursuite.
PODIUM Poursuite 10 km = 1 Marketa Davidova 2 Hanna Oeberg 3 Ingrid Landmark Tandrevold 18 Anaïs Bescond 27 Anaïs Chevalier-Bouchet 63 Justine Braisaz-Bouchet
Un petit globe en partage
Quand la victoire de Marketa Davidova enthousiasme toute une nation.
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L’individuel des championnats du monde de biathlon de Pokljuka (Slovénie) était la dernière course de ce format de cet hiver 2020/2021. Il était donc déjà l’heure de faire les comptes. On s’attendait à une bagarre serrée pour le gain du globe de cristal de la spécialité, on n’allait pas être déçu. L’Autrichienne Lisa Theresa Hauser et l’Italienne Dorothea Wierer comptaient en effet toutes les deux 103 points. En 2016, c’est Johannes Thingnes Boe et Martin Fourcade qui s’étaient partagé le trophée.
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NordicFocus
Pokljuka
16 FEVRIER 2021
ARÇON Stade Florence Baverel
16 & 17 octobre 21
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Pokljuka
17 FEVRIER 2021
STURLA HOLM LÆGREID SUCCESSEUR DE MARTIN FOURCADE
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usqu’à ce 17 février 2021, Martin Fourcade, présent en Slovénie, était le tenant du titre planétaire de l’individuel. Également médaillé d’or en 2013, 2015 et 2016, le Catalan était tout simplement le roi de l’exercice. Son successeur pourrait s’appeler Sturla Holm Lægreid. À 23 ans, le Norvégien, qui n’en était qu’à sa première saison complète sur le circuit de la coupe du monde, avait remporté l’individuel d’ouverture de Kontiolahti (Finlande) – ce qui lui avait permis de revêtir le dossard jaune – avant de terminer deuxième à Antholz (Italie), seulement battu par le Russe Alexander Loginov. Avec son dossard 66, le Scandinave se présentait donc en grand favori, et dernier de cordée des gros bras de la start-list, sur ce format inscrit au programme des championnats du monde de Pokljuka. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à trois jours de son 24e anniver-
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saire, il n’allait pas décevoir. Avec un 20/20, il décrochait l’or. Encore plus fort, il devenait le premier Norvégien, depuis Tarjei Boe en 2011, à gagner un 20 km mondial. Pour le dossard bleu de meilleur jeune de la coupe du monde, il s’agissait aussi de sa première médaille en solitaire. « Aujourd’hui, il a la maturité d’un Martin Fourcade au tir, confiait son entraîneur Siegfried Mazet à Nordic Magazine. C’est vraiment le mec avec qui je peux le comparer. C’est de cet acabit-là. » Le Français acquiesçait : « Sa
PODIUM Individuel 20 km = 1 Sturla Holm Lægreid 2 Arnd Peiffer 3 Johannes Dale 4 Quentin Fillon-Maillet 13 Émilien Jacquelin 28 Simon Desthieux 41 Fabien Claude
maturité est assez impressionnante. C’est peut-être la première fois dans l’histoire du biathlon qu’on voit cela à cet âge-là. C’est un tireur complet sachant s’adapter. Il a un jeu extrêmement complet et sait s’en servir au moment opportun. S’il progresse sur les skis, il sera très difficile à aller chercher. » Avec sa victoire, Sturla Holm Lægreid remportait également le petit globe de cristal de la spécialité. À la quatrième place, derrière l’Allemand Arnd Peiffer, titré en 2019 à Östersund, grâce à son 20/20, et Johannes Dale, comme lors de la poursuite, se plaçait le Jurassien Quentin Fillon-Maillet. « C’est frustrant », réagissait le Franc-Comtois, à chaud, en zone mixte. C’est que le Grandvallier, depuis le début des championnats du monde de Pokljuka (Slovénie), tournait autour du podium. Or, il le savait, « aux Mondiaux, ce sont les médailles qui comptent. »
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Il était presque inconnu en début de saison et, pourtant, quelques mois plus tard, Lægreid est sacré champion du monde de l’individuel à Pokljuka.
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Pokljuka
Antonin Guigonnat et Julia Simon se connaissent bien. Ils ont déjà disputé de nombreux relais mixte simple ensemble.
18 FEVRIER 2021
UN DUO EN OR LA SURPRISE DU CHEF Antonin Guigonnat avait d’abord été surpris. Le biathlète pensait qu’il allait disputer l’individuel, mais le staff lui avait préféré le Vosgien Fabien Claude. En même temps, on lui avait annoncé qu’il courait le relais mixte simple quand tout le monde attendait Émilien Jacquelin. Ce qui ne manqua pas de susciter des débats (et des critiques) sur les réseaux sociaux. C’était oublier un peu vite que le Morzinois apprécie le format et qu’il le connaît bien. Deux ans auparavant, il avait d’ailleurs son rond de serviette avec Julia Simon. « On a fait nos débuts ensemble en IBU Cup », rappelait la Savoyarde. C’était avant que cette course ne trouve grâce aux yeux des cadors du circuit mondial. Quand il se présentait sur la piste, Antonin Guigonnat avait répété sa partition, en bon élève, conscient qu’il ne fallait pas rester sur ses acquis. « Je me suis entraîné pendant
plusieurs jours, notamment pour faire des tirs rapides et engagés et gérer le stress particulier de ce format court et intense », confiait-il à Nordic Magazine. D’ailleurs, après la pioche qu’il commettait d’entrée de jeu, le jeune homme sut rester calme et ne pas perdre pied. Pendant le dernier tour de sa camarade, ce fut une autre affaire. Bien que confiant dans ses possibilités, son rythme cardiaque s’accélérait. Sur le podium, tandis que retentissait La Marseillaise, Antonin Guigonnat était fier de procurer de la joie à tout son camp et ses supporters plantés devant leur téléviseur. « Je ne saute pas au plafond, je ne pleure pas de joie, mais je sais que c’est quelque chose d’énorme », confiait-il. « Ce n’est pas quelqu’un qui montre ses émotions », confirmait Julia Simon. Elle avouait même que cette sérénité l’inspirait.
gardé pour cette boucle finale. Aussi prenait-elle le dessus sur la Scandinave dans la partie montante du parcours. Dès lors, celle-ci ne pouvait plus revenir dans la descente et Julia Simon offrait à la France et à son coéquipier Antonin Guigonnat le titre mondial du relais mixte simple. Le premier de leur carrière, le pre-
mier pour la France dans la discipline. Avec seulement cinq pioches.
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L
e relais mixte simple est apparu au programme des championnats du monde en 2019. À Pokljuka, il tombait dans l’escarcelle de la France. Jusqu’ici, seule la Norvège, avec le duo Johannes Thingnes Boe/Marte Olsbu Roeiseland, avait été sacrée. En Slovénie, c’était donc au tour d’Antonin Guigonnat et de Julia Simon de se parer d’or. Dans une course, comme toujours, menée tambour battant dès le départ, la paire bleu-blanc-rouge a su garder son sang-froid et ménager sa monture en vue du money time. Alors que Johannes Thingnes Boe, cette fois associé à Tiril Eckhoff, se perdait sur le pas de tir, allant jusqu’à piocher à trois reprises sur son ultime couché, les Français eux, menaient parfaitement leur barque. « On a une grande confiance en Antonin et Julia », avait confié le patron Stéphane Bouthiaux pour expliquer l’absence d’Émilien Jacquelin, abonné au format. En fait, cette nouvelle composition n’était pas le fruit du hasard. Les deux biathlètes se connaissent depuis longtemps et parviennent à se bonifier. « C’est une vraie chance de médaille, on a l’intention de la jouer », avait pronostiqué le patron du biathlon tricolore. Cette année, la conclusion était confiée aux dames. Quand Julia Simon, Tiril Eckhoff et Dorothea Wierer se présentaient sur le pas de tir pour l’ultime salve de cette course, l’Italienne, gâchette reconnue, réalisait un joli tir... jusqu’à buter sur la dernière cible. Elle craquait et allait tourner sur l’anneau de pénalité, offrant le bronze à la Suède d’Hanna Oeberg et Sebastian Samuelsson. Pendant ce temps-là, la Norvégienne et la Savoyarde sortaient ensemble pour s’offrir un dernier tour de pure folie. Comme à Oberhof et à Antholz (Italie) lors des mass-starts qu’elle a remportées, Julia Simon en avait
PODIUM Relais mixte simple = 1 France 2 Norvège 3 Suède
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DIXIÈME TITRE MONDIAL POUR LA NORVÈGE
C
’était la combinaison gagnante. Pourtant, le choix de placer Johannes Thingnes Boe en troisième relayeur et Vetle Sjaastad Christiansen, sans course de haut niveau depuis bientôt un mois, en finisseur, avait été largement commenté en Norvège. Mais l’équipe scandinave faisait taire les critiques en réalisant une véritable démonstration lors du relais des championnats du monde de biathlon. Sur le pas de tir, avec huit pioches en huit salves, et sur la piste du Triglav Stadium, les hommes de Siegfried Mazet dominaient l’épreuve, jusqu’à remporter leur dixième titre mondial. En début de course, Sturla Holm Lægreid, le jour de ses 24 ans, et Tarjei Boe avaient parfaitement lancé la machine quand le Jurassien Quentin Fillon-Maillet, après un bon lancement d’Antonin Guigonnat, se
manquait au debout, allant tourner sur l’anneau de pénalité. Sur le dernier debout, Émilien Jacquelin jouait pourtant encore la médaille de bronze, voire d’argent, mais il manquait la première cible avant de piocher à trois reprises. Si Sebastian Samuelsson était désormais inaccessible, le Russe Eduard Latypov, en difficulté sur les skis, aurait pu être prenable. Malheureusement, l’Isérois, pas très en jambes comme il l’avouait en zone mixte, ne parvenait pas à revenir. La France perdait son titre. « On reste soudés », réagissait Simon Desthieux.
PODIUM Relais 4 x 7,5 km = 1 Norvège 2 Suède 3 Russie 4 France
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Johannes Thingnes Boe passe le relais à Vetle Sjaastad Christiansen.
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Mauvaise glisse des Françaises
Chloé Chevalier.
Bis repetita. Comme en février, sur les pistes de la Südtirol Arena d’Antholz (Italie), le podium du relais féminin des championnats du monde est composé de la Norvège, de l’Allemagne et de l’Ukraine. Comme dans le Trentin-HautAdige, aussi, les Françaises n’ont pas été invitées au festin des reines. Si le tir avait pêché il y a quasiment un an jour pour jour, c’est la glisse qu’il manquait aux Bleues de Frédéric Jean. « Ça fait partie du jeu », lâchait le coach tandis que ses protégées témoignaient de leurs difficultés à progresser : « J’étais arrêtée sur le fond de la piste où il y a une neige de printemps », indiquait Anaïs Chevalier-Bouchet. Dommage car, avec seulement cinq pioches, soit le meilleur total de toutes les équipes engagées, ex æquo avec l’Allemagne, la France avait fait le travail sur le pas de tir.
PODIUM Relais 4 x 6 km = 1 Norvège 2 Allemagne 3 Ukraine 8 France
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Pokljuka
20 FEVRIER 2021
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 85
SOULAGEMENT ET TRAGÉDIE
A
u bout de lui-même. Lors de la mass-start de Pokljuka, Quentin Fillon-Maillet, proche du podium depuis le début des Mondiaux avec, notamment, trois quatrièmes places, venait enfin cueillir une médaille mondiale. Frustré et énervé par ses performances réalisées sur le sol slovène, il avait tout évacué lors de cette course des rois. Fautif sur chacun de ses tirs couchés, le Franc-Comtois aurait pu sombrer et complètement lâcher prise, à la manière d’un Émilien Jacquelin à 0/5 lors de son deuxième couché et finalement trentième à plus de sept minutes. Mais le besogneux Jurassien remettait l’ouvrage sur le métier en seconde partie de course. Et le biathlète, né à Champagnole (Jura) il y a vingt-huit ans, réalisait un tir debout parfait. Un sans-faute qui le replaçait dans le match pour la médaille à l’aube d’un dernier tour de ski de fond. « Je suis content même si ce n’est pas la couleur de médaille que j’étais venu chercher », réagissait-il en zone mixte. Il ajoutait : « Je suis quand même content, mais il y a un petit goût de déception parce que je ne passe pas loin de choses qui auraient pu être exceptionnelles. » Pour l’or, le roi du jour – et des Mondiaux – s’appelait Sturla Holm Lægreid. Déjà vainqueur de l’individuel, mais aussi du relais et du mixte, le jeune Norvégien, qui disputait ses premiers Mondiaux, gagnait une quatrième médaille d’or.
PODIUM Mass-start 15 km = 1 Sturla Holm Lægreid 2 Johannes Dale 3 Quentin Fillon-Maillet 13 Simon Desthieux 17 Antonin Guigonnat 30 Émilien Jacquelin 86 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Émilien Jacquelin termine sept minutes après le vainqueur Lægreid.
Agence Zoom/Zoom/Presse Sports
Pokljuka
21 FEVRIER 2021
JACQUELIN DÉVASTÉ Dimanche avait lieu la dernière course des championnats du monde de biathlon à Pokljuka, en Slovénie. Les espoirs français reposaient, bien entendu, sur Quentin Fillon-Maillet, mais également sur Émilien Jacquelin, double champion du monde de la poursuite. Parti dans un bon tempo avec les meilleurs fondeurs du circuit, celui-ci se présentait sur son premier tir couché en tête. Grâce à un 5/5, il débutait le deuxième tour à l’avant de la course. C’est après que les soucis arrivaient. En effet, le Français ne parvenait pas à blanchir une seule cible lors de son deuxième passage sur le pas de tir. Incompréhension totale. Surtout pour le biathlète. Conséquence, celuici devait effectuer cinq tours dans l’anneau de pénalité, avant de poursuivre la compétition, très loin de ses adversaires. « J’ai quand même voulu
finir, j’ai soigné mes statistiques au tir debout (10/10) », allait raconter le lendemain le Dauphinois dans L’Équipe. Il finissait trentième à plus de sept minutes du vainqueur norvégien, Sturla Holm Lægreid. Dans un premier temps, Émilien Jacquelin apparaissait très énervé, puis très attristé. Les techniciens de l’équipe de France ainsi que Fabien Claude s’étaient, tour à tour, relayés au bord de la piste pour essayer de réconforter le meilleur Bleu de la quinzaine. Bien sûr, tout le monde attendait des explications. Mais devant les caméras de la télévision française, l’émotion prenait le dessus. Avec une voix tremblotante, Émilien Jacquelin déclarait : « Je suis dévasté. J’y ai mis tout mon cœur... » Le jeune homme ne pouvait alors plus retenir ses larmes.
L’Autriche a le sourire d’Hauser
Quentin Fillon-Maillet a dû attendre la dernière course pour décrocher une médaille individuelle.
À l’occasion de la dernière épreuve féminine des Mondiaux de Pokljuka, l’Autrichienne Lisa Theresa Hauser s’est installée sur la plus haute marche du podium de la massstart. Et pour son pays, c’est une première. Le grand public a appris à connaître la Tyrolienne au cours de la saison 2020/2021. Pour autant, la biathlète n’est pas nouvelle sur le circuit. Cela fait huit ans qu’elle concourt aux côtés des meilleures mondiales. Mais pendant sept ans, aucun podium à son actif. Sa nationalité ne l’a pas aidée. Pour cause, le biathlon autrichien n’accorde pas une place importante aux féminines. À l’été 2019, elle a été contrainte de s’entraîner avec les hommes. Ce n’est qu’au printemps 2020 qu’un entraîneur, Markus Fischer, a été nommé pour encadrer les dames. Quant à Julia Simon, 16e, elle laissait s’éloigner son globe de cristal de la mass-start.
Lisa Theresa Hauser.
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PODIUM Mass-start 12,5 km = 1 Lisa Theresa Hauser 2 Ingrid Landmark Tandrevold 3 Tiril Eckhoff 16 Julia Simon 23 Anaïs Bescond 27 Anaïs Chevalier-Bouchet 28 Justine Braisaz-Bouchet
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 87
ÉPISODE À REBONDISSEMENTS
D
ans l’éditorial du premier numéro de Biathlon Magazine, nous comparions le biathlon à une série Netflix. Le relais féminin de Nove Mesto (République tchèque), disputé sous le soleil couchant de Moravie sur les pistes de la Vysocina Arena, était assurément l’un des épisodes les plus intéressants de l’hiver. C’est que les rebondissements n’ont pas manqué. Prenez la jeune tricolore Chloé Chevalier, bien lancée par Anaïs Bescond et Justine BraisazBouchet. Elle craquait lors de son couché. Mais au debout, la Dauphinoise était parfaite et cédait sa place à Julia Simon, vêtue d’un tee-shirt à cause de la chaleur tchèque, à une petite quarantaine de secondes de la tête. Celle-ci était occupée par la Suède, pourtant onzième après le premier relais. Au bout d’un homérique duel mené face à la Biélorussie
d’Elena Kruchinkina, Elvira Oeberg, au sprint, offrait la victoire et le globe de la spécialité à son pays. Quant aux tricolores, grâce à un dernier tir de Lucky Luke de Julia Simon, elles arrachaient la troisième place devant l’Ukraine et la Norvège, pourtant favorite avec une équipe XXL composée de Tiril Eckhoff, Marte Olsbu Roeiseland, Ingrid Landmark Tandrevold et Ida Lien. Le podium des Bleues faisait du bien à tout un groupe qui, malgré l’absence d’Anaïs Chevalier-Bouchet, avait fait oublier la huitième place des Mondiaux.
PODIUM Relais 4 x 6 km = 1 Suède 2 Biélorussie 3 France
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« Cela fait du bien à tout le monde de remonter sur le podium en équipe, je ne vais pas cacher ma joie », s’enthousiasme Anaïs Bescond.
88 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
La France plombée par Jacquelin
Émilien Jacquelin
Il y a des jours où rien ne va. Pour le Dauphinois Émilien Jacquelin, c’est tombé lors du relais masculin de la coupe du monde de Nove Mesto (République tchèque). Pour sa course de reprise, le double champion du monde de la poursuite allait tourner à quatre reprises sur l’anneau de pénalité, alors que ses coéquipiers Antonin Guigonnat, Quentin Fillon-Maillet et Simon Desthieux avaient placé la France large deuxième, trente secondes derrière l’Allemagne, incroyable d’efficacité sur la Vysocina Arena. Le cauchemar se répétait en Moravie. « On fait un sport compliqué », réagissait Antonin Guigonnat en zone mixte. Devant, l’Allemagne, après sa déroute des championnats du monde, se refaisait une santé avec le quatuor Erik Lesser, Benedikt Doll, Arnd Peiffer et Philipp Nawrath.
PODIUM Relais 4 x 7,5 km = 1 Allemagne 2 Russie 3 Norvège 5 France
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Nove Mesto
4-5 MARS 2021
Copyright Vauhti Speed OY / Anette Andersson
3 Rue du Hohneck 88250 LA BRESSE BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 89 03 29 25 68 05 www.sports-passion.fr
LE JOUR DE GLOIRE DE SIMON DESTHIEUX
C
’est une longue quête qui prenait fin pour Simon Desthieux. À 29 ans, le Bugiste triomphait pour la première fois en coupe du monde. Pour son 243e départ dans l’élite du biathlon, Carlito – comme on le surnomme – faisait exploser le plafond de verre avec la manière. Dans le sprint de Nove Mesto (République tchèque), il signait un 10/10 de champion. Un mois plus tôt, l’Aindinois, médaillé d’argent dans la spécialité à Pokljuka (Slovénie) lors des championnats du monde, avait déjà été envahi par l’émotion. À Nordic Magazine, il expliquait qu’il avait fallu du chemin pour en arriver là. Il ignorait alors qu’il n’avait pas encore atteint le climax de sa saison. Le biathlète d’Hauteville faisait en effet encore plus fort en Moravie, devenant le onzième tricolore à lever les bras en tant que vainqueur. Il s’en était fallu de peu pour qu’il n’en soit pas ainsi. Après le tir debout, ils étaient encore cinq en deux secondes ! Mais Simon Desthieux, de
nouveau excellent finisseur, montrait plus de rage que ses adversaires dans les ultimes hectomètres. « J’ai été bien renseigné et j’avais le dossard 19 avec le plus gros des favoris devant », expliquait-il après la course. Il y avait pourtant de solides gaillards : Sebastian Samuelsson (10/10, + 2 sec 4) et Arnd Peiffer (10/10, + 4 sec 4) allaient le rejoindre sur le podium, au détriment des Norvégiens Sturla Holm Lægreid (9/10) et Tarjei Boe (9/10). Avec cette victoire, Simon Desthieux touchait enfin du doigt « un rêve, une ambition de toujours ».
PODIUM Sprint 10 km = 1 Simon Desthieux 2 Sebastian Samuelsson 3 Arnd Peiffer 7 Quentin Fillon-Maillet 8 Émilien Jacquelin 13 Antonin Guigonnat 51 Fabien Claude
COMME DANS UN RÊVE (BIS) Un jour, Simon Desthieux faisait une étonnante confidence à son coéquipier Antonin Guigonnat. « Je ne gagnerai jamais », lâchait-il. C’est dire que le biathlète du Bugey, dans l’Ain, a beaucoup attendu le jour où il pourrait enfin prendre place sur la plus haute marche du podium. Parfois, il s’en est approché. « J’ai souvent fait deuxième, à moins de dix secondes de la gagne. Mais, ces dernières années, la première place a souvent été prise par Martin Fourcade et Johannes Thingnes Boe. Quentin Fillon-Maillet a réussi à s’y
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glisser un paquet de fois, mais les opportunités qu’ils ont laissées n’ont pas souvent été là. » D’ailleurs, après avoir franchi la ligne d’arrivée, bien que son nom apparaisse tout en haut du classement, il a attendu que tout le monde ait terminé avant de vraiment croire à sa victoire. « Il peut toujours y avoir une surprise », explique-t-il. C’est qu’il en a connu des retournements de situation sur les sprints. Avec ce succès (le premier de l’hiver), Simon Desthieux était un homme heureux, il réalisait enfin « un objectif de carrière ».
Première coupe du monde pour Lou Jeanmonnot.
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Nove Mesto
6 MARS 2021
Cinq à la suite pour Eckhoff
La Norvégienne Tiril Eckhoff était l’immense favorite de ce sprint de Nove Mesto (République tchèque). Championne du monde de la spécialité à Pokljuka (Slovénie), la numéro un mondiale a confirmé sur ce format souvent considéré comme le baromètre des biathlètes. Pour elle, donc, tout allait bien puisqu’elle enchaînait une cinquième victoire de suite après Hochfilzen (Autriche), Oberhof (Allemagne) à deux reprises et Pokljuka (Slovénie). Du côté de la France, Justine Braisaz-Bouchet (9/10) signait une des meilleures courses de sa saison.
PODIUM Sprint 7,5 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Yuliia Dzhima 3 Lisa Vittozzi 9 Justine Braisaz-Bouchet 15 Anaïs Chevalier-Bouchet 26 Anaïs Bescond 30 Lou Jeanmonnot 35 Julia Simon 41 Chloé Chevalier
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Pour sa première victoire, Simon Desthieux aurait aimé entendre la clameur BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 91 de la foule dans le stade.
Nove Mesto
7 MARS 2021
RÉUNION DE FAMILLE CHEZ LES BOE
S
i la France ne triomphait pas une seconde fois en Moravie, vingt-quatre heures après l’incroyable victoire de Simon Desthieux sur le sprint, l’Aindinois accrochait malgré tout, grâce à un immense dernier tour et un incroyable finish, la troisième place de la poursuite. En deux jours, le biathlète d’Hauteville avait décidément bien grandi. « Je suis resté sur mon petit nuage de plaisir et de satisfaction de la veille et j’ai réussi à surfer là-dessus », confiait-il. En franchissant la ligne d’arrivée, contrairement à la veille, il avait goûté son plaisir, même si la famille Boe, qui avait privatisé les deux premières positions pour la douzième fois en coupe du monde, avait été plus forte. C’est Tarjei, auteur d’un très bon 19/20 sur le pas de tir, qui devançait Johannes (18/20).
Son compatriote et rival Sturla Holm Lægreid occupait quant à lui le cinquième rang du classement, après avoir été battu par le Français et Jakov Fak dans l’emballage final. Le quadruple champion du monde de Pokljuka (Slovénie) était virtuellement dépossédé de son dossard jaune (si l’on rayait d’un trait les quatre plus mauvais résultats), récupéré par le double tenant du gros globe pour... deux points.
PODIUM Poursuite 12,5 km = 1 Tarjei Boe 2 Johannes Thingnes Boe 3 Simon Desthieux 6 Quentin Fillon-Maillet 7 Émilien Jacquelin 21 Antonin Guigonnat 49 Fabien Claude
COMMENT DESTHIEUX EST-IL REDEVENU « CE QU’IL ÉTAIT » ? À la fin de l’hiver, Simon Desthieux est comme entré dans une nouvelle dimension. En remportant le sprint puis en terminant troisième de la poursuite de Nove Mesto derrière les frères Boe, avant de gagner la dernière mass-start du calendrier à Östersund, le biathlète d’Hauteville a montré qu’il avait retrouvé son meilleur niveau. Au fil des derniers mois compliqués qu’il a vécus, si ses adversaires avaient peut-être oublié qu’il pouvait mordre, ce n’était plus le cas depuis les Mondiaux de Pokljuka (Slovénie), où il avait remporté sa première médaille individuelle. « Je me suis perdu à un moment donné. Pen-
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dant presque une année, je n’étais plus ce que j’étais physiquement (...). Depuis le mois de janvier, je m’amuse de nouveau, parce que j’ai la force, l’énergie et tout ce qui va bien pour suivre, prendre le lead et attaquer quand il le faut. Pour moi, la différence est énorme entre ces deux Simon », confiait-il joliment à Nordic Magazine après son podium en République tchèque. De quoi lui redonner de l’appétit : « Mes résultats me font penser plus que jamais que j’ai envie d’aller chercher un titre ou une médaille individuelle sur ces prochains Jeux. Pour aller au bout des choses et compléter mon palmarès. »
Eckhoff sur le sentier de la gloire
Tiril Eckhoff était bel et bien la meilleure biathlète de la planète cet hiver. Même le vent qui tournicotait sur le stade de Nove Mesto (République tchèque) n’a pas eu raison de son talent. La Norvégienne était audessus, tant et si bien que l’Allemande Denise Herrmann, deuxième à 19/20, aurait pu faire sienne la célèbre réplique du cycliste Maurice Diot, deuxième de Paris-Roubaix en 1950 : « J’ai gagné ! Fausto Coppi était hors-concours. » Avec ce sixième doublé sprint/ poursuite de suite, une première dans l’histoire du biathlon, Tiril Eckhoff se dirigeait vers un premier gros globe de cristal. Un trophée qui lui avait échappé un an plus tôt à Kontiolahti (Finlande) au terme d’une poursuite mémorable remportée par Julia Simon. L’Italienne Dorothea Wierer avait triomphé une seconde fois. Cette fois, Marte Olsbu Roeiseland, sa plus sérieuse rivale, troisième du jour, n’était plus en mesure de l’empêcher de devenir la reine de biathlon mondial.
PODIUM Poursuite 10 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Denise Herrmann 3 Marte Olsbu Roeiseland 8 Anaïs Bescond 10 Anaïs Chevalier-Bouchet 19 Julia Simon 20 Justine Braisaz-Bouchet 35 Lou Jeanmonnot 48 Chloé Chevalier
Pour la seizième fois, Tarjei Boe partageait un podium avec son frère Johannes.
UNE LOU DANS LA BERGERIE
Lou Jeanmonnot.
Manzoni/NordicFocus
Manzoni/NordicFocus
Samedi 6 mars, Lou Jeanmonnot, avec le dossard 97, réalisait ses grands débuts en coupe du monde. Et de belle manière. À 22 ans, elle réalisait l’un des sept seuls 10/10 du sprint et terminait à une excellente trentième place. De quoi lui permettre de marquer des points dès sa première course parmi l’élite. Si la Jurassienne avait pu découvrir l’Olympe du biathlon, c’est qu’à 22 ans, elle occupait la deuxième place du classement général de l’IBU Cup, le niveau inférieur, grâce à une éclatante régularité. L’hiver précédent, ce n’avait pas été du tout le cas. Elle avait d’ailleurs quitté la scène avant la fin de la représentation. Cette fois, elle ne décevait pas les espoirs que le staff tricolore – dont Frédéric Jean qui avait été son coach dans le Jura lorsqu’elle était cadette – avait placé en elle. En résumé, elle allait se qualifier pour les trois poursuites de Nove Mesto (République tchèque) et Östersund (Suède). Notamment grâce à un tir qui impressionnait son voisin de massif, Quentin Fillon-Maillet. « La prochaine fois, j’aimerais pouvoir aller gratter un top 20 », annonce déjà Lou Jeanmonnot qui a pour seule ligne directrice de se faire plaisir sur les skis.
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Nove Mesto
11 MARS 2021
FILLON-MAILLET DANS LA LUMIÈRE
U
n grand sourire. Après avoir disputé un sprint parfait – 10/10 devant les cibles et deuxième meilleur temps de ski –, Quentin Fillon-Maillet avait la conviction d’avoir bien fait son travail. C'est que, pour la quatrième fois seulement de l'hiver, le Jurassien offrait à ses fans un tir sans faute, comme lors de la poursuite d'Hochfilzen (Autriche) en décembre dernier. Une épreuve qu'il avait d'ailleurs remportée. « Aujourd’hui, je fais une course parfaite », soufflait le Franc-Comtois en recherche depuis le début de l’hiver. Il s’était fixé des objectifs élevés et il progressait juste en-dessous. Durant plusieurs semaines, il avait pesté contre cette balle de trop en dehors de la cible. Enfin, sous le soleil couchant, les planètes s’étaient enfin alignées. « C’est dur de se dire qu’on est si près du but, mais qu’on ne le touche pas, comme lors des Mondiaux avec mes trois quatrièmes places », expliquait-il à Nordic Magazine. Pour la cinquième fois de sa carrière, mais la première sur un sprint, le Français imposait donc sa loi. Derrière, on retrouvait Tarjei Boe qui, avec son dossard 2, avait également réalisé une très grande course, devant l’Italien Lukas Hofer.
PODIUM Sprint 10 km = 1 Quentin Fillon-Maillet 2 Tarjei Boe 3 Lukas Hofer 4 Émilien Jacquelin 6 Antonin Guigonnat 21 Simon Desthieux 22 Fabien Claude 46 Émilien Claude
94 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Tiril Eckhoff, telle Athéna, guerrière imbattable de la mythologie grecque, a encore triomphé sur le reste du biathlon mondial. À Nove Mesto (République tchèque), la quadruple championne du monde de Pokljuka (Slovénie) a enchaîné une sixième victoire de suite sur l’exercice du sprint, une première dans l’histoire de son sport. Si(x) impressionnant quand on sait ses difficultés passées avec son tir debout, si décisif sur les sprints. Pourtant auteure d’une erreur derrière sa carabine, lors de son deuxième passage sur le pas de tir, justement, la reine de l’hiver s’imposait devant Denise Herrmann (10/10), sa dauphine en cheffe depuis deux courses, et Dorothea Wierer (10/10). Elle gagnait son douzième sprint en coupe du monde, soit un de moins que la légende suédoise Magdalena Forsberg, et son onzième bouquet de vainqueure de l’hiver, comme sa compatriote Tora Berger en 2012/2013.
PODIUM Sprint 7,5 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Denise Herrmann 3 Dorothea Wierer 12 Justine Braisaz-Bouchet 19 Anaïs Chevalier-Bouchet 20 Julia Simon 30 Chloé Chevalier 36 Anaïs Bescond 48 Lou Jeanmonnot
Pour la cinquième fois de sa carrière, Quentin Fillon-Maillet s’impose en coupe du monde à l’occasion du sprint de Nove Mesto.
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 95
Manzoni/NordicFocus
Le nouveau récital de Tiril Eckhoff
Nove Mesto
13 MARS 2021
QUENTIN FILLON-MAILLET DOUBLE LA MISE
U
ne fin de saison comme dans un rêve. En réalisant le doublé sprint/poursuite à Nove Mesto (République tchèque), Quentin Fillon-Maillet montrait à la face du monde le grand biathlète qu’il est. En s’élançant en tête de cette poursuite, le Jurassien, pour la première fois à pareille fête, ne savait pas tellement où il mettait les pieds. Pourtant, il gérait bien son effort face à une meute de prétendants affamés composée d’Émilien Jacquelin, Sturla Holm Lægreid, Lukas Hofer, Johannes Thingnes Boe ou encore Antonin Guigonnat. Bref, du lourd, du costaud, du solide. Face à cette adversité exacerbée, le champion du monde 2020 du relais élevait son niveau, comme lors du sprint du jeudi précédent. En signant un tir parfait sur les debout, il se
dégageait la voie vers la victoire, sa troisième de l’hiver, sa sixième en carrière. « J’aurais bien aimé remporter ces deux courses sur les Mondiaux, mais c’est aussi très bien en coupe du monde », indiquait Quentin FillonMaillet, jamais vraiment satisfait par ses performances. Également sur le podium, Émilien Jacquelin, avec le Jurassien dans le dernier tour mais dans le dur physiquement, n’avait pu tenir le rythme. Le Dauphinois avait même été
dépassé par Johannes Thingnes Boe (18/20), encore une fois deuxième d’une poursuite en Moravie.
PODIUM Poursuite 12,5 km = 1 Quentin Fillon-Maillet 2 Johannes Thingnes Boe 3 Émilien Jacquelin 7 Antonin Guigonnat 12 Simon Desthieux 16 Fabien Claude 43 Émilien Claude
« Ce n’était pas une course gagnée d’avance, explique-t-il à Nordic Magazine. J’avais du stress à l’approche de cette course parce que je ne connaissais pas cette position de numéro un ».
96 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Manzoni/NordicFocus
UN GROS GLOBE DE CRISTAL POUR ECKHOFF Après la seconde poursuite de Nove Mesto, les superlatifs commençaient à manquer pour qualifier les performances de Tiril Eckhoff. Course après course, la Norvégienne ne quittait tout simplement pas son nuage, où tout se déroulait parfaitement pour elle, que ce soit sur la piste de ski de fond ou sur le pas de tir. Après avoir signé une sixième victoire de suite en sprint, elle réalisait son septième doublé sprint/poursuite de rang et levait les bras pour la douzième fois cette saison, à deux bouquets du record de la Suédoise Magdalena Forsberg datant de 2000/2001. L’IBU faisait les comptes. En retirant
les quatre plus mauvais résultats, nouvelle règle mise en place cette saison par l’instance internationale, Tiril Eckhoff ne pouvait plus être mathématiquement rattrapée par sa compatriote Marte Olsbu Roeiseland. Avant les trois dernières courses d’Östersund (Suède), elle était donc assurée de soulever le gros globe de cristal, succédant ainsi à Dorothea Wierer, vainqueure du précieux trophée ces deux dernières années. Un an plus tôt, l’Italienne avait vaincu la Scandinave lors du dernier passage devant les cibles d’un hiver à suspens. Désormais triomphante, la biathlète de Bærum vivait une des plus belles saisons de l’histoire de son sport.
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La dernière danse d’Ondrej Moravec
Avant même le week-end en Suède, Tiril Eckhoff était certaine de garder son dossard jaune.
Après 410 départs en coupe du monde, le Tchèque Ondrej Moravec, 36 ans, venait de disputer sa dernière course en individuel. Triple médaillé olympique en 2014 à Sochi (Russie) et sextuple médaillé aux Mondiaux, dont l’or du relais mixte en 2015 à Kontiolahti (Finlande), le natif d’Usti nad Orlici a traversé plusieurs époques. Après avoir réalisé ses débuts en coupe du monde en 2003 à un moment où la rivalité entre Ole Einar Bjoerndalen et Raphaël Poirée battait son plein, il a ensuite connu le règne de Martin Fourcade et a été contemporain de biathlètes comme Emil Hegle Svendsen, Johannes Thingnes Boe, Michael Greis, Bjoern Ferry, Ivan Tcherezov, Michal Slesingr ou Lars Berger. Vainqueur à une seule reprise en coupe du monde – c’était lors de la mass-start d’Holmenkollen (Norvège) en 2013 –, il allait disputer, le dimanche, une ultime course, un relais mixte simple avec Lucie Charvatova (ils allaient terminer à la 17e place). Après avoir accéléré une dernière fois ce jour-là à l’entrée dans le stade morave, il était accueilli dans l’aire d’arrivée par sa femme et ses enfants. Un final émouvant pour un biathlète attachant et apprécié sur le circuit. Ondrej Moravec et sa famille.
Poursuite 10 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Dzinara Alimbekava 3 Franziska Preuss 9 Anaïs Chevalier-Bouchet 11 Justine Braisaz-Bouchet 17 Julia Simon 18 Anaïs Bescond 26 Lou Jeanmonnot 31 Chloé Chevalier
Manzoni/NordicFocus
PODIUM
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 97
LES SUÉDOIS GAGNENT SANS LEURS COACHS
C
’est la belle histoire du weekend, dans un contexte sanitaire si particulier. Dimanche matin, après un test positif à la Covid-19, les entraîneurs suédois étaient placés à l’isolement dans leur hôtel de Nove Mesto (République tchèque). C’est donc sans leurs coachs que les biathlètes du royaume scandinave participaient aux derniers relais mixtes de l’hiver. Avec succès puisque Linn Persson et Sebastian Samuelsson, avec Mona Brorsson et Gabriel Stegmayr derrière la jumelle, avec le renfort d’Hanna Oeberg et Ingela Andersson enlevaient la dernière course tchèque de la semaine. Une victoire acquise aux forceps grâce aux immenses qualités de finisseur de Samuelsson, qui a mangé le Norvégien Sturla Holm Lægreid – qui faisait équipe avec Ingrid Landmark Tandrevold – dans
La démonstration
les derniers mètres. Derrière, le duo américain Susan Dunklee/Sean Doherty prenait la dernière place sur le podium, devant l’Autriche de Simon Eder et Lisa Theresa Hauser. La France, qui alignait la doublette championne du monde Julia Simon/ Antonin Guigonnat, devait se contenter de la sixième place. Après un très bon début de course, le biathlète de Morzine-Avoriaz (Haute-Savoie) avait craqué sur son premier debout, tournant à deux reprises sur l’anneau de pénalité. Dès lors, c’est la Norvège qui empochait le globe de cristal.
Johannes Thingnes Boe.
PODIUM Relais mixte simple == 1 Suède 2 Norvège 3 États-Unis 6 France
Manzoni/NordicFocus
Les biathlètes Gabriel Stegmayr et Mona Brorsson remplacent les coachs positifs au coronavirus.
98 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Les biathlètes norvégiens étaient tout simplement seuls au monde sur la piste et le pas de tir de Nove Mesto (République tchèque). Seuls au monde dans l’immensité de ce stade vidé de ses spectateurs par un virus qui avait stoppé le circuit un an jour pour jour sur un dernier récital de Martin Fourcade. Lors d’un relais mixte à quatre petites pioches, Tiril Eckhoff, Marte Olsbu Roeiseland, Tarjei Boe et Johannes Thingnes Boe magnifiaient la citation de l’historienne Chantal Thomas : « La promenade est essentiellement une manière de converser avec soi. » C’est que, dès le premier tir, Eckhoff, tout juste couronnée reine de l’hiver, prenait ses aises en tête de course. Un leadership que la formation scandinave n’allait jamais lâcher, augmentant son avance de manière exponentielle jusqu’à l’emporter avant même que la deuxième nation ne passe au dernier intermédiaire.
PODIUM Relais mixte == 1 Norvège 2 Italie 3 Suède 4 France
Manzoni/NordicFocus
Nove Mesto
14 MARS 2021
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Östserind
19 MARS 2021
LA FIN DE LA PÉNITENCE DE LUKAS HOFER
L
a persévérance finit toujours par payer. Après avoir tourné autour du podium depuis le début de la saison, Lukas Hofer s’imposait sur le sprint des finales d'Östersund (Suède). Sa deuxième victoire en coupe du monde, 2 618 jours après le sprint d’Antholz (Italie) du 17 janvier 2014. Ce jour-là, malgré un 9/10, il s’était imposé ex æquo avec Simon Schempp. Dans le top 10, on trouvait alors Dominik Landertinger, Martin Fourcade, Jean-Guillaume Béatrix, Brendan Green, Krasimir Anev et Henrik L’Abee-Lund. Rien que des biathlètes retirés du circuit. C’est dire si de l’eau avait coulé sous les ponts. Mais la persévérance du Transalpin avait été la plus forte et cette longue période de pénitence prenait fin. Auteur d’un fabuleux 10/10, l’Italien, supersonique sur les skis, s’imposait devant le Suédois Sebastian
Samuelsson (10/10) et le Norvégien Tarjei Boe (10/10). Derrière, un autre match se jouait. On ignorait encore qui allait remporter le gros globe de cristal. Johannes Thingnes Boe, fautif à deux reprises sur son tir couché, n’était pas serein. Le biathlète de 27 ans venait d’ailleurs de procéder à un nouvel ajustement sur sa carabine, déjà modifiée en profondeur la semaine précédant les championnats du monde de Pokljuka (Slovénie). Finalement, il terminait septième à 8/10 et 46 secondes. Soit une place et 15 secondes derrière Sturla Holm Lægreid, son grand rival. « Quand il se battait face à Martin [Fourcade], c’était le challenger face au numéro un », décryptait Émilien Jacquelin. Désormais, il était l’homme à battre. La lutte pour le général n’était pas terminée. Beaucoup annonçaient le dénouement lors de la mass-start dominicale, spécialité dont Johannes
Thingnes Boe et Sturla Holm Lægreid sont les deux derniers champions du monde. « C’est un super beau duel », constatait le Français. Plus loin, Fillon-Maillet, Desthieux, Guigonnat et donc Jacquelin, tous auteurs d’un 5/5 au couché, avaient joué le podium sur leur debout, mais des fautes étaient ensuite venues gâcher la fête. Sauf pour le Bugiste, quatrième.
PODIUM Sprint 10 km = 1 Lukas Hofer 2 Sebastien Samuelsson 3 Tarjei Boe 4 Simon Desthieux 5 Quentin Fillon-Maillet 24 Émilien Jacquelin 41 Antonin Guigonnat 47 Fabien Claude 67 Émilien Claude
Manzoni/NordicFocus
Lukas Hofer a désormais deux victoires à son palmarès.
100 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Anaïs Chevalier à une balle près
Manzoni/NordicFocus
Anaïs Chevalier-Bouchet.
Manzoni/NordicFocus
Stina Nilsson.
LA PREMIÈRE DE STINA NILSSON À l’occasion du sprint des finales, Stina Nilsson, championne olympique en titre de sprint en ski de fond, commençait son histoire avec la coupe du monde de biathlon dans son fief d’Östersund (Suède). Jusqu’alors, elle s’était fait les dents sur le circuit de l’IBU Cup. « Je vis mon rêve. Le chemin pour atteindre un objectif, c’est cela qui compte. Pour le moment, j’apprends », expliquait-elle déjà en janvier dernier dans les colonnes de Nordic Magazine. En tout cas, la conversion de la jeune femme intéressait les médias. « Dans le bus du retour à l’hôtel, j’enchaînais les interviews au téléphone quand celles qui entraient dans le top 6 n’en avaient aucune. C’était tellement bizarre », confiait-elle au quotidien Expressen.
Avant sa première compétition, Stina Nilsson se gardait d’ailleurs bien d’avoir des objectifs précis. Tout juste disait-elle avoir la volonté d’accrocher le top 60 qualificatif pour la poursuite. Pour cela, elle devait régler un tir qu’elle n’arrivait à maîtriser que très partiellement depuis ses débuts dans ce sport. L’apprentissage n’était pas terminé. Avec un très joli 9/10, soit tout simplement le meilleur tir de sa carrière de biathlète en compétition internationale, elle faisait taire les mauvaises langues. Vingt-sixième, elle entrait directement dans les points et allait s’élancer à 56 secondes de la tête lors de la poursuite où elle allait finir 22e. « J’aime dire que c’est à ce momentlà que je suis vraiment devenue une biathlète », confessait-elle.
Au bout d’elle-même. Vêtue de son habituel dossard jaune et rouge, Tiril Eckhoff, déjà assurée de remporter le gros globe de cristal, se donnait comme rarement pour remporter son septième sprint de suite sur le circuit de la coupe du monde. Avant elle, aucun biathlète dans l’histoire n’avait réalisé cette prouesse. C’est dire si la biathlète norvégienne domine le biathlon féminin mondial et si la supériorité de la sextuple médaillée des Mondiaux de Pokljuka (Slovénie) est totale depuis le début de l’année 2021. Au debout, malgré une erreur, elle ne s’était pas déconcentrée et était sortie en deuxième position, à cinq secondes de l’Italienne Dorothea Wierer. À une balle près, pourtant, c’est la Dauphinoise Anaïs Chevalier qui remportait ce sprint d’Östersund (Suède). Auteure d’une seule faute sur le pas de tir – « de peu, précisait-elle, c’est d’autant plus frustrant » –, elle échouait à la quatrième place, à 15 secondes 4 de la lauréate et juste derrière la Norvégienne Ingrid Landmark Tandrevold, une nouvelle fois sur le podium. « J’ai rarement terminé une saison aussi bien et j’ai rarement tenu sur la durée d’un hiver sans vraiment avoir de gros trous physiques. Je suis contente d’avoir enfin trouvé dans mon entraînement ce qu’il me fallait pour tenir une saison complète à très haut niveau sur les skis », se réjouissait malgré tout la Dauphinoise.
PODIUM Sprint 7,5 km = 1 Tiril Eckhoff 2 Dorothea Wierer 3 Ingrid Landmark Tandrevold 4 Anaïs Chevalier-Bouchet 12 Chloé Chevalier 22 Julia Simon 25 Anaïs Bescond 56 Lou Jeanmonnot 58 Justine Braisaz-Bouchet
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 101
LÆGREID MET LA PRESSION SUR JOHANNES BOE
Q
ue de rebondissements. Si le vent soufflait moins fort sur le pas de tir d’Östersund (Suède) que lors de la poursuite féminine [lire ci-contre], il n’en était pas moins dangereux pour la course masculine. Avec le triple enjeu de la victoire en coupe du monde, du général et du petit globe, il fallait avoir la tête bien accrochée pour tout suivre en même temps. Alors que Sebastian Samuelsson avait pris une option en début de course, c’était ensuite Lukas Hofer, finalement troisième, puis Johannes Thingnes Boe, grâce à un grand 15/15 dans le vent du Jämtland, qui semblait se diriger vers la victoire et ainsi signer un gros coup pour le général. Malheureusement, le double tenant du gros globe de cristal fautait à trois reprises sur son dernier tir debout. Un écueil ouvrant la porte à un certain Sturla Holm Lægreid.
Auteur de deux fautes lors de ses trois premiers passages derrière la carabine, le métronome scandinave avait, cette fois-ci, réglé la mire pour s’envoler vers sa septième victoire de l’hiver. Un triomphe qui lui offrait le petit globe de la poursuite. Désormais, le rookie norvégien menait virtuellement le général pour un seul point. Comme prévu depuis quelques jours déjà, la mass-start du lendemain s’annonçait décisive.
Le chocolat pour Julia Simon
Julia Simon.
PODIUM Poursuite 12,5 km = 1 Sturla Holm Lægreid 2 Johannes Thingnes Boe 3 Lukas Hofer 9 Simon Desthieux 14 Émilien Jacquelin 17 Fabien Claude 27 Quentin Fillon-Maillet 57 Antonin Guigonnat
Les sept dernières fois que Tiril Eckhoff avaient remporté un sprint sur le circuit mondial, elle avait ensuite gagné la poursuite, signant une impressionnante série de doublés. Sauf que le vent ne s’était pas invité dans la partie comme ce samedi midi à Östersund (Suède). Dans les impressionnantes bourrasques balayant le comté de Jämtland, il fallait une immense Marte Olsbu Roeiseland pour faire tomber la reine au milieu des 359 fautes cumulées. Pour la troisième fois en trois courses disputées sur les pistes de la Swedish National Biathlon Arena, la France mangeait du chocolat. Après Anaïs Chevalier et Simon Desthieux lors des sprints, c’était au tour de Julia Simon.
La veille de la dernière course de l’hiver, un point sépare les deux Norvégiens.
Manzoni/NordicFocus
PODIUM
102 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Poursuite 10 km = 1 Marte Olsbu Roeiseland 2 Tiril Eckhoff 3 Hanna Sola 4 Julia Simon 29 Chloé Chevalier 32 Anaïs Chevalier-Bouchet 36 Justine Braisaz-Bouchet 42 Lou Jeanmonnot 56 Anaïs Bescond
Manzoni/NordicFocus
Östserind
20 MARS 2021
S MAX SKATE POUR LES FONDEURS EN RECHERCHE DE PROGRESSION RAPIDE
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 103
Östserind
21 MARS 2021
BOE TRIOMPHE, DESTHIEUX GAGNE
L
e feu d’artifice final de l’hiver a été grandiose. Avec le triple enjeu de la victoire de la massstart, du gros globe de cristal et du classement de la spécialité, la dernière course de la saison s’annonçait palpitante sur la piste et le pas de tir d’Östersund (Suède). Malmené par son compatriote Sturla Holm Lægreid lors des tirs couchés, Johannes Thingnes Boe, un temps repoussé à la seizième place, redressait la barre sur les debout pour finalement terminer à la troisième place. Devant Lægreid. Il poussait un grand cri de joie en franchissant la ligne d’arrivée. Cette place sur le podium devant son rival lui permettait donc de rester le roi du biathlon masculin une saison de plus. Pour la troisième fois de suite, l’ancien meilleur ennemi de Martin Fourcade remportait le gros globe de cristal de vainqueur du classement général. Sturla Holm Lægreid, meilleur moins de 25 ans de l’hiver, avec deux erreurs sur le dernier tir, terminait à la huitième place et numéro deux mondial pour sa première saison complète en coupe du monde. Devant Johannes Thingnes Boe, on trouvait le Russe Eduard Latypov (18/20) mais surtout Simon Des-
104 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
thieux (18/20). Le Bugiste, deux jours après sa quatrième place du sprint, gagnait sa deuxième course en coupe du monde. Sorti du pas de tir à 6 secondes du Russe, il terminait, comme à son habitude, très fort pour l’emporter en solitaire. « Gagner un sprint, c’est bien, mais c’est autre chose de remporter une mass-start. C’est une autre émotion, une autre satisfaction personnelle », confiait le biathlète d’Hauteville à Nordic Magazine. Concernant le petit globe de la poursuite, il était pour Tarjei Boe, sixième à 16/20 après un dernier tour de pure folie. Quentin FillonMaillet (15/20), qui jouait cette précieuse récompense, manquait ses tirs couché et prenait la douzième place juste derrière Antonin Guigonnat (15/20).
PODIUM Mass-start 15 km = 1 Simon Desthieux 2 Eduard Latypov 3 Johannes Thingnes Boe 11 Antonin Guigonnat 12 Quentin Fillon-Maillet 14 Émilien Jacquelin 23 Fabien Claude
Tandrevold prive Simon de cristal
La mass-start des finales d’Östersund (Suède) est remportée par le Bugiste Simon Desthieux, auteur d’un magistral 18/20 derrière sa carabine.
PODIUM Mass-start 12,5 km = 1 Ingrid Landmark Tandrevold 2 Dzinara Alimbekava 3 Franziska Preuss 17 Justine Braisaz-Bouchet 25 Anaïs Bescond 28 Anaïs Chevalier-Bouchet 30 Julia Simon BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 105
Manzoni/NordicFocus
Le bouquet final de la saison féminine 2020/2021 n’a pas déçu. Disputée sous la colère d’Éole, la mass-start d’Östersund (Suède) offrait un scénario inattendu. Tiril Eckhoff et Marte Olsbu Roeiseland, les grandes dames de l’hiver, n’allaient pas peser, comme la Suédoise Hanna Oeberg, invisible à domicile et dépassée sur le poteau par l’Allemande Franziska Preuss, troisième de la course et du général final. Dans ce marasme, la Norvégienne Ingrid Landmark Tandrevold, née dans la pépinière de Bærum, comme Tiril Eckhoff et Sturla Holm Lægreid, il y a 24 ans, raflait tout. Vainqueure à 15/20 après avoir mangé et digéré la Biélorusse Dzinara Alimbekava, meilleure moins de 25 ans cette année, dans le dernier tour, elle s’imposait en solitaire et remportait le premier trophée cristallin de sa jeune carrière. Partie à l’assaut de cette ultime course de la saison avec le dossard rouge de leader de la spécialité, la Savoyarde Julia Simon, forte de ses succès d’Oberhof (Allemagne) et d’Antholz (Italie), avait une petite marge de manœuvre. Malheureusement, en signant quatre fautes dès le premier couché, elle ne commençait pas la course de la meilleure des manières. Et la suite allait être du même acabit pour celle qui s’était réveillée fiévreuse. Au bout d’un calvaire à 5/20, elle se classait trentième et dernière de cette mass-start et laissait donc s’échapper le petit globe.
106 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Manzoni/NordicFocus
Johannes Thingnes Boe remporte une nouvelle fois le classement général de la coupe du monde de biathlon.
HOMMES 1 2 3 7 9 19 20 86
PTS
Johannes Thingnes Boe Sturla Holm Lægreid Quentin Fillon-Maillet Emilien Jacquelin Simon Desthieux Fabien Claude Antonin Guigonnat Émilien Claude
1052 1039 930 812 724 477 473 10
DAMES 1 2 3 9 13 15 18 40 56 72
PTS
Tiril Eckhoff Marte Olsbu Roeiseland Franziska Preuss Anaïs Chevalier-Bouchet Julia Simon Justine Braisaz-Bouchet Anaïs Bescond Chloé Chevalier Caroline Colombo Lou Jeanmonnot
1152 963 840 677 575 511 442 180 92 32
LE
GÉNÉRAL Norvège
France
Johannes T. Boe Sturla Holm Lægreid
Tarjei Boe
Sturla Holm Lægreid Johannes Quentin T. Boe F. Maillet
SPRINT
Allemagne
Relais
POURSUITE
Allemagne
Suisse Norvège Norvège France
Hanna Marte Olsbu Oeberg Roeiseland Tiril Eckhoff Sturla Holm Lægreid Johannes Alexander T. Boe Loginov
Marte Olsbu Roeiseland
Tiril Eckhoff Tarjei Boe
Johannes T. Boe
Allemagne
Franziska Preuss
Nations
Quentin F.-Maillet France
Allemagne Norvège
INDIVIDUEL
MASS-START
Norvège France
Hanna Dorothea Oeberg Wierer Lisa Theresa Hauser
Franziska Preuss
Ingrid L. Tandrevold
Julia Simon
Allemagne
Relais
mixte
BIATHLON MAGAZINE • N°3 | 107
GÉOGRAPHIE
LE GRAND-BORNAND : LE « MONACO » DES BIATHLÈTES PRIVÉS DE LA MANCHE FRANÇAISE DE COUPE DU MONDE LA SAISON PASSÉE EN RAISON DE LA CRISE SANITAIRE, LES TRICOLORES ONT LE RENDEZ-VOUS D’ANNECY-LE GRAND-BORNAND ET SON AMBIANCE UNIQUE DANS LE VISEUR.
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Les biathlètes avaient ainsi pu être isolés dans des bulles sanitaires par séquences de quinze jours. Ne pas retrouver les Aravis avait été un crève-cœur pour l’équipe de France et la caravane en général, tant cette ‘’jeune’’ étape, organisée pour la première fois en décembre 2013, a pris une place à part dans la saison. Cet hiver, neuf sites figurent au calendrier international, dont Le GrandBornand. À l’inverse d’Oslo (Norvège) ou Ruhpolding (Allemagne), après trois éditions, la Haute-Savoie ne fait pas encore figure de passage quasiincontournable, mais elle pèse de plus en plus lourd.
Manzoni/Nordic Focus
stersund pour une double étape en ouverture fin novembre, Hochfilzen, puis viendra le tour d’Annecy - Le Grand-Bornand. Si la crise sanitaire ne bouscule pas à nouveau le calendrier de l’IBU, après la Suède et l’Autriche, la France accueillera donc la quatrième étape de la coupe du monde de biathlon. Le rendez-vous est fixé du 16 au 19 décembre. La saison dernière, il était passé à la trappe. La Fédération internationale, sous la contrainte de la pandémie de la Covid-19, avait réduit le nombre de sites devant accueillir les épreuves.
Il ne fait pas beau ce 22 décembre 2019 au Grand-Bornand. Mais Émilien Jacquelin peut compter sur le soutien du public pour gravir les marches du podium de la mass-start.
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« Nous sommes très content d’y revenir après l’annulation de l’année dernière », assure Felix Bitterling, directeur sportif à l’IBU. Le stade Sylvie-Becaert est en tout cas le seul du pays à disposer de la licence A, sésame indispensable pour prétendre recevoir la crème de la crème. « C’est un site particulier, souffle Quentin FillonMaillet. Les étrangers apprécient cette ambiance avec le public tout au long de la piste. Le stade ressemble à une arène qui fait beaucoup de bruit. On retrouve aussi cette ferveur à Ruhpolding et Nove Mesto (République tchèque), mais, là-bas, les spectateurs ne sont pas présents partout. » Auteur de trente-quatre podiums, championnats et coupe du monde confondus depuis ses débuts, le Jurassien avait été le héros en 2019. « Au Grand-Bornand, les émotions sont décuplées. Dans le dernier tour, quand tu sais que tu vas être sur le podium, c’est un régal. Mes podiums [troisième du sprint et deuxième de la poursuite, N.D.L.R.] font partie des émotions fortes de ma carrière. » Par-delà le risque d’une seconde annulation si la situation sanitaire l’exige, les Bleus n’imaginent pas évoluer dans un stade Sylvie-Becaert privé des fans. « On s’attend encore à de nombreuses contraintes, anticipe le Jurassien, mais on espère un minimum de public pour profiter des sensations. Je n’ai pas envie de revivre la situation de la saison pas-
Thibaut/NordicFocus
À e. Ce qui fait la particularité de l’étape française, c’est qu’elle se déroule au cœur même de la station.
sée où, lors des cérémonies, on faisait seulement face à une cinquantaine de photographes et cameramen. » En cette année olympique, les tricolores ont un besoin viscéral d’adrénaline sur la route de Pékin. « Du biathlon sans spectateurs, on a vu ce que ça donne à la télé la saison passée. Il n’y avait pas la chaleur habituelle, observe Yannick Aujouannet, le coordinateur général de la coupe du monde d’Annecy-Le Grand-Bornand. On a un stade particulier, très compact et semblable à un chaudron. Organiser cette étape à huis clos n’aurait pas de sens. » Plusieurs Bleus ont déjà sorti le
grand jeu dans la station bornandine pour enthousiasmer la foule. Dans les Aravis, il y a de la magie dans l’air. Il se passe toujours quelque chose ! En 2013, Martin Fourcade, en route vers le deuxième de ses sept gros globes de cristal, avait pris la troisième place du sprint, mais surtout eu la confirmation qu’un Norvégien aux cheveux roux serait son grand rival des années à venir. Johannes Thingnes Boe, impérial sur les sprint et poursuite, avait justement obtenu les deux premiers succès de sa carrière en coupe du monde, à seulement vingt ans. En 2017, le match entre les deux hommes avait mis le feu au stade.
Que ce soit sur le sprint, la poursuite ou la mass-start, les deux premières places ne leur avaient pas échappé. Au Scandinave les deux premières épreuves, et au Français la dernière. « Ma victoire était sans doute une de mes plus grandes émotions de sportif », confie le grand champion. Toujours en 2017, Antonin Guigonnat avait relancé sa carrière avec sa troisième place sur le sprint et la mass-start avait permis à Justine Braisaz d’inaugurer son palmarès en très haut niveau. « Ça ressemblait à ma dernière sélection en coupe du monde et à une fin de carrière que j’ai réussi à transformer pour faire une meilleure carrière », sou-
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Ces derniers ont hâte de retrouver l’ambiance surchauffée des trois opus précédents. L’annulation de la saison passée n’a pas frustré que les athlètes. Présente en 2013, 2017 et 2019, Marie, étudiante en journalisme à Tours, veut enclencher la quatrième. « En décembre 2011, la première édition de la coupe du monde d’Annecy-Le Grand Bornand avait déjà été annulée, mais c’était en raison du manque de neige. Cela avait été une grosse désillusion car j’avais mes billets », se souvient la jeune femme. Deux ans plus tard, elle avait vu de près le gratin mondial. « J’avais des étoiles plein les yeux. J’avais pris 1 500 photos par jour ! » C’est dire que Le Grand-Bornand a un cachet qui n’appartient qu’à lui. « Cette étape a la chance d’être située en ville et pas perdue au milieu de nulle part, décrit-elle. Quand tu te promènes le soir, tu peux croiser des athlètes, comme Sebastian Samuelsson. En 2019, l’hôtel des Suédois était situé sur la place du village. » « On n’est pas un stade comme Hochfilzen qui est une caserne militaire et peut vivre en vase clos, prolonge Yannick Aujouannet. Notre particularité, c’est l’imbrication du stade avec les habitations et les voies d’accès. » Le Jurassien Oscar Lombardot, 21 ans, fera peut-être partie des tricolores en lice en décembre. L’athlète a découvert la coupe du monde la saison passée lors de la double étape de Hochfilzen, qui s’était substituée… au Grand-Bornand. « Sur le coup, je n’y avais pas pensé, mais en rentrant d’Autriche avec un kiné, il m’avait fait remarquer qu’on aurait dû être au Grand-Bornand à cette période ! » Le rendez-vous de mi-décembre est dans un coin de sa tête : « Tous les athlètes du groupe B pensent à cette
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Dans les tribunes, les spectateurs sont emportés par les exploits des athlètes.
sixième place en coupe du monde, qu’on a occupé à tour de rôle la saison passée [c’est-à-dire avec Émilien Claude et Martin Perrillat-Bottonet, N.D.L.R.]. Celui qui l’occupera au Grand-Bornand sera chanceux, mais aura surtout réalisé un sacré début de saison ! » En 2017, Oscar Lombardot était de l’autre côté de la barrière. Il avait assisté à la poursuite en famille. « L’ambiance était incroyable. Cela m’a rappelé celle du Summer Tour d’Arçon (Doubs) en puissance dix. Sur le pas de tir, il n’y avait pas le moindre bruit entre chaque balle et tout d’un coup, les cris du public résonnaient dans la vallée. » La ferveur entourant l’étape française n’est pas sans rappeler celle du Tour de France dans les cols alpins ou pyrénéens. Un parallèle évoqué il y a quelques semaines par Quentin Fillon-Maillet avec Aurélien Paret-Peintre et Benoît Cosnefroy, cyclistes professionnels chez AG2R-Citroën. À l’invitation de
la Chaîne L’Équipe, les trois hommes s’étaient retrouvés pour pratiquer et échanger sur leurs disciplines. « Ils m’ont raconté l’émotion qu’ils vivent aux sommets des cols avec le public très proche d’eux. Cela m’a rappelé ce qu’on vit au Grand-Bornand », précise Quentin Fillon-Maillet. Proche de ses fans, le Jurassien a hâte de renouer avec ce climat électrique qui lui a tant manqué depuis l’apparition du coronavirus, même s’il faudra encore jongler entre l’aspect sportif et les sollicitations extérieures. « Tout le monde veut un petit bout des champions français. Entre les photos et les autographes, les sollicitations des partenaires, des médias et de la fédération, nos plannings sont très chargés. On essaie d’anticiper pour ne pas être débordés et se focaliser sur nos performances. C’est avant tout cela qui fait parler de nous. » Il y a quelques mois, l’IBU, qui planifie ses saisons longtemps à l’avance, a validé la présence des meilleures biathlètes de la planète en France en décembre 2022, 2024 et 2025.
Thibaut/NordicFocus
lignait, en amont de l’édition 2019, Antonin Guigonnat, natif d’Ambilly, à une quarantaine de kilomètres du Grand-Bornand. Enfin, il y a deux ans, en plus des exploits de Quentin-Fillon-Maillet, Émilien Jacquelin s’était glissé entre les frères Johannes et Tarjei Boe sur le podium de la mass-start, une semaine après son premier top 3 en coupe du monde sur la poursuite de Hochfilzen (3e). Avant Noël, à qui le tour de faire battre le cœur des fans ?
Département de la Haute-Savoie. Photo ©LR Photographie.
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Alain Landrain/Presse Sports
Juste après leur victoire sur stade de biathlon des Saisies, les trois Françaises championnes olympiques.
Alain Landrain/Presse Sports
VINTAGE
Pour Véronique Claudel (à gauche, aux côtés de Corinne Niogret et Anne Briand), l’émotion la plus forte a été la remise de médailles au village olympique.
VÉRONIQUE CLAUDEL
« C’ÉTAIT UN ÉTAT DE PLÉNITUDE »
14 FÉVRIER 1992. AUX JEUX D’ALBERTVILLE, CORINNE NIOGRET, VÉRONIQUE CLAUDEL ET ANNE BRIAND SONT SACRÉES CHAMPIONNES OLYMPIQUES.
C
ette photo a été prise juste après le relais. Je ne me souviens pas vraiment de ce que j’ai ressenti sur ce podium d’après course, parce que l’émotion la plus forte, c’est quand on a eu la médaille après, au village olympique. Sur le site, il y avait des gens de mon village, de La Bresse, donc je l’ai d’abord vécu avec eux. Et après, une fois qu’on s’est retrouvées entre nous, avec Coco [Corinne Niogret] et Nanou [Anne Briand], on s’est dit « on l’a fait ! », et c’était super sympa. Quand on est sportive, ce qu’on veut le plus, c’est déjà d’aller aux Jeux. Alors, avoir une médaille, c’est vraiment le comble. Mais on n’avait pas l’impression vraiment que c’était les Jeux olympiques puisque c’était en France et que tout le monde parlait français. Je pense qu’on l’a plus vécu comme une médaille de la France plutôt qu’une médaille à nous trois. On avait un peu de pression en arrivant aux Jeux, parce qu’on avait gagné un relais quinze jours avant en coupe du monde, donc on savait
qu’on pouvait faire un podium et que la gagne était possible. À l’échauffement je n’ai pas changé mes habitudes, mais il y avait un petit stress. Et puis on était sollicitées par des gens qu’on connaissait. C’est difficile de rester dans sa bulle quand on comprend tout ce qui se passe autour. On a fait la course comme on devait la faire. On n’a pas dû lutter contre quelque chose. Coco devait bien lancer l’équipe et elle est revenue aux avant-postes. Moi, j’avais les meilleures dans mon relais, donc je devais rester à peu près au contact et ne pas trop décrocher. Et puis Nanou a fini. Sur son dernier tir, elle est sortie derrière l’Allemande. Mais on savait que Nanou skiait plus vite. Donc au pire, on savait qu’on était médaillées. Avoir une médaille olympique, c’est déjà bien, donc tout ce qu’il pouvait y avoir en plus n’était que bonus. Et quand on a vu qu’elle partait très peu derrière après le dernier tir, on s’est dit « c’est bon ! », on savait que c’était gagné quoi ! Quand on a vu Nanou arriver, c’était
un sentiment particulier. Ce n’est même plus être contentes ou satisfaites, c’est plus fort que tout cela. C’est un état de plénitude. Il y a une phrase qu’on retiendra toujours, c’est celle que nous a dite le directeur des équipes de France à l’époque, David Moretti : « Elles nous l’ont fait, les salopes ! » C’était très amical, dans un sens où c’était tellement fort pour lui et tellement incroyable qu’on le fasse qu’il était bluffé. Et puis voir notre coach Francis [Mougel, N.D.L.R.] qui pleure, alors là c’était le summum. Cette médaille a fait découvrir le biathlon au grand public. Le fait qu’on soit des filles a aussi, je pense, changé l’image du biathlon. Des filles avec une arme, ce n’est pas pareil que des gars avec une arme. Il y a beaucoup de filles qui se sont mises au biathlon après. Et depuis, il y en a plein qui ont repris le flambeau. J’espère que les filles vont être titrées aussi cet hiver. On verra si au bout de trente ans, elles partagent à nouveau la médaille sur le relais. Ce serait génial !
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HOMMAGE
1963-2021
CHRISTIAN DUMONT
L
Christophe Vassallo
Nordic Magazine
e 6 août 2021, Christian Dumont a perdu la vie et le biathlon tricolore a vu partir un guide. Vainqueur du premier relais en coupe du monde, coach, directeur des équipes de France, « Dudu » était le coordinateur du circuit national de biathlon depuis 2010. Personnage incontournable de la discipline, il a marqué des générations d’athlètes, d’entraîneurs, de bénévoles. Grand artisan du succès du biathlon, ceux qui ont croisé sa route ont tenu à lui rendre un hommage appuyé.
Mathieu Garcia Jeune biathlète Christian, c’était pour moi, comme pour beaucoup de coureurs sur le circuit jeunes-juniors, un grand personnage. C’était LE grand monsieur du circuit national ! Quand j’ai commencé le biathlon, j’admets qu’il me faisait un peu peur. Après, sur des événements internationaux, j’ai découvert un homme rempli d’attention et surtout de bonté. Il m’a beaucoup appris en peu de temps... et je ne suis pas le seul !
Guy Magand Délégué technique FFS, FIS et IPC Dudu vibrait à chaque course pour ses biathlètes, qu’ils soient olympiques ou en lutte pour des sélections. Dernièrement, pour les Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2020 à Prémanon, il courait et encourageait les Français comme un enragé bondissant. Son plus grand moment d’émotion fut probablement la victoire de Vincent Defrasne aux JO de 2006. Un moment que nous avons revu plusieurs fois ensemble
et systématiquement il bouillonnait d’énergie et de plaisir.
Thomas Bray Speaker circuit national Christian avait des convictions fortes sans pour autant perdre son sens de l’écoute. Sur le circuit national, c’était LUI le patron, au sens noble du terme. Tantôt paternel, tantôt directif, il avait la science du management d’hommes et ne perdait jamais de vue que le succès des uns se comprenait souvent dans le travail des autres. Dévoué, pugnace, travailleur, il mettait un point d’honneur à réussir sans jamais perdre de vue que l’homme est un animal social. Dudu savait manier le sourire aussi bien que la grande claque dans le dos, et la convivialité était une de ses valeurs cardinales. Dudu, c’était un tourbillon souriant, parfois bougon mais toujours juste.
Coordinateur national biathlon Dudu, c’est mon compagnon de chambrée et de route, mon compagnon de discussions interminables sur les évolutions de notre discipline de cœur. Mais pas que. Une amitié qui démarre en 1986 lorsque j’entre en équipe de France Juniors et découvre cette ambiance familiale exceptionnelle où champions confirmés et petits jeunes se côtoient sans barrières. Notre complicité n’a fait que grandir au fil de toutes ces années. Nous partageons une vision similaire de notre discipline et des évolutions nécessaires à son développement. Et quand on aborde le sujet, la nuit est longue ! Dudu est pour moi un être exceptionnel, complètement autodidacte, capable de nous faire déplacer des montagnes. Un savant mélange de passion, d’énergie inépuisable, d’exigence et de rigueur qu’il communique avec son regard pétillant, son sens de la convivialité et son grand sourire rassembleur. Aussi un sens inné de l’observation, d’écoute et d’analyses pertinentes des situations, un puits sans fond d’idées innovantes. Enfin un sens de la famille et de l’ambiance, choses pour lui essentielles et véritables clés de la réussite.
Joël Pourchet Président Ski-Club Montbenoît C’était vraiment le top du top de travailler avec lui. Christian savait écouter et prendre en considération nos demandes d’organisateurs de compétitions. Lui aussi en suggérait. Il était toujours en avance pour amener de nouvelles idées et les mettre en place. Il était très organisé, professionnel. Il avait une vision du biathlon.
CHRISTIAN DUMONT A ÉTÉ L’ARTISAN DU SUCCÈS DU BIATHLON EN FRANCE 114 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
www.agence-esprit-nomade.com • Crédits photos : Stéphane Godin/Jura Tourisme, Benjamin Becker/Jura Tourisme
PUR
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AU THE N TI Q U E
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