NUMÉRO 39 NUMÉRO 6

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numéro Été 2021 numero39.com

JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN PIERRIC BAILLY

La rencontre

Magazine gratuit

Quentin

FILLON MAILLET Le Jura

aux JO de Pékin

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ÉRIC DE CHASSEY Le Jurassien qui confronte Napoléon à l'art contemporain DAVID LINARÈS Le football par plaisir du jeu LES JURASSIENNES DE L'AQUARIUS Mathilde Auvillain Émilie Satt Daphné Victor Sabine Grenard

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SKI

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JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN PIERRIC BAILLY

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ÉRIC DE CHASSEY Le Jurassien qui confronte Napoléon à l'art contemporain DAVID LINARÈS Le football par plaisir du jeu LES JURASSIENNES DE L'AQUARIUS Mathilde Auvillain Émilie Satt Daphné Victor Sabine Grenard

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numéro

39

résidence des Épilobes 300, chemin des Mouillettes 39220 Prémanon + 33 (0)6 85 96 90 94 magazine@numero39.com

SAS au capital de 5 000 € RCS Lons-le-Saunier 538 166 166 Président : Franck Lacroix } Rédaction 1, chemin du Moulin 39260 Martigna Directeur de la publication et de la rédaction : Franck Lacroix Ont collaboré : Armand Spicher, Samuel Cordier. Merci à Corentin Jacquot, Yves Perret. } Publicité Tél. : + 33 (0)6 24 85 36 20 Merci à nos partenaires annonceurs. } Distribution Liste complète des points sur www.numero39.com Retrouvez Numéro 39 sur www.numero39.com facebook.com/Numero39 La rédaction n’est pas responsable de la perte ou de la détérioration des textes et photos qui lui sont adressés pour appréciation. La reproduction, même partielle, de tout matériel publié dans le magazine est interdite.

Impression : Rotimpres Création : juin 2016 Dépôt légal : juillet 2021 ISSN : 2495-3393 Photo de couverture : Jérôme Martinet/ Nordic Magazine

Humilité au sommet P

ierric Bailly est un grand écrivain. Livre après livre, il construit une œuvre qui, dans quelques années, témoignera de ce qu'a été le Jura au début du XXIe siècle. Le Roman de Jim, son dernier roman paru chez son fidèle éditeur parisien POL, a plus qu'été salué par la critique. Il a reçu de très nombreuses louanges. La grande presse – comme on la nommait autrefois – a consacré des pages entières à l'histoire d'Aymeric et Jim, l'adulte et l'enfant. Et les compliments ont fusé. Pour Julien Rousset, de Sud-Ouest, « on pense à La Route de McCarthy » récompensé par le prix Pulitzer de la fiction en 2007 et source d'inspiration du célèbre jeu The Last of Us. L'histoire se déroule à Saint-Claude, au hameau des Trois cheminées à Bellecombe ou encore à la scierie abandonnée de Pont de la Chaux, près de Champagnole. Des paysages familiers que l'on ne retrouve pas sur les présentoirs de cartes postales pour touristes. Des paysages authentiques d'un Jura finalement universel. Qu'aurait pensé Bernard Clavel, monument de la littérature, des histoires de son cadet ? Personne ne peut répondre à cette question. L'auteur des Fruits de l'hiver, parti en 2010, n'a pas eu le temps de voir grandir celui qui a publié Polichinelle deux ans plus tôt. Il n'empêche, on ne peut s'empêcher d'imaginer une certaine filiation. Certes, les deux styles ne sont pas jumaux, l'époque n'est de toute façon pas la même. Mais tous deux sont nés dans ce Jura qu'ils ont convoqué dans leurs récits. Par évidence. En 1978, Jean-François Stévenin, aussi, a réalisé son film Passe Montagne dans le département qui l'a vu naître. L'acteur est un grand du cinéma français. À la jeune génération qui ne le connaît pas – mais que sait-elle de ce qui l'a précédée ? –, nous dirons qu'il a joué devant la caméra des plus grands, de François Truffaut à André Téchiné, en passant

par Jean-Pierre Mocky et Bertrand Blier. Il a donné la réplique à Carole Bouquet, Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Nathalie Baye, Alain Delon ou encore Vincent Cassel. Malgré cela, comme il se définit lui-même, il est resté le « p'tiot gars du Jura », celui qui, à cause de cela, n'a jamais osé inviter son ami Johnny Hallyday dans sa maison du Grandvaux. En 2014, quand la série Le Sang de la vigne a décidé de consacrer l'un de ses épisodes au célèbre vin jaune, c'est Jean-François Stévenin qu'elle a choisi pour incarner Jeff Marigny. Pour l'anecdote, des scènes ont été tournées à Frontenay où Bernard Clavel repose. Pierric Bailly ne doit pas l'ignorer, car il sait tout de Jean-François Stévenin. Il connaît sa carrière, a vu ses films. Quand Numéro 39 a imaginé une rencontre entre les deux hommes (à défaut de pouvoir réunir les trois grands Jurassiens), il ne s'est pas fait prier pour accepter. Il a été enthousiaste. Petites souris, un journaliste et un photographe ont assisté à leur discussion. Ils ont eu le sentiment de vivre un moment rare, unique, coloré, presque historique. Le grand comédien qui a joué dans des dizaines de films depuis La Chamade d'Alain Cavalier (c'était en 1968) et l'écrivain désormais quadra nous ont en effet livré un message des plus limpides. Ce Jura que l'on aime pour sa nature, à qui on s'attache pour ses habitants, que l'on déteste aussi quand il se referme comme une huître, ce Jura qui se méfie de ceux dont la tête dépasse, fier de ses champions mais prompt à se méfier des trop belles (et donc faciles) ascensions, chauvin et suspicieux, ce Jura-là sait aussi être une terre de culture, inspiratrice. Et à ceux qu'il a enfantés, il a transmis  l'humilité. Une valeur qui ne les a jamais quittés, malgré le succès, la notoriété, la reconnaissance, l'immortalité.

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Mizenboîte

BEN

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LYDIA Mizenboîte

MARIKA

Auguste & Léopold

MARTIN

Mizenboîte


COMMUNIQUÉ

Depuis le mois de mai, vous avez pu découvrir les premiers épisodes de la websérie Ma Terre, Mon caractère, par Comptoir de l’0urs Jura.

Quand les Jurassiens nous inspirent Le Jura vu par Comptoir de l’Ours Fondateur des magasins Comptoir de l’Ours spécialisés en peinture et décoration situés à Lons-le-Saunier, Louhans, et Champagnole, Cyril Cobo a toujours eu à cœur d’encourager les projets qui font sens aux yeux de son entreprise. Pour lui, soutenir et mettre en avant des personnes de tous horizons ou âges, qui se retrouvent dans des valeurs de travail, de recherche d’accomplissement et d’aventures humaines, est primordial. Retrouvez Ben, Marika, Lydia, Martin dans une websérie dédiée à ces quatre acteurs de la vie jurassienne. Marquées par un idéal commun d’engagement, de persévérance et d’authenticité, ces quatre personnalités audacieuses se retrouvent en une valeur fondamentale : cet attachement tout particulier à leur terre jurassienne. Leurs voyages à travers le monde, dans leurs passions respectives, comme dans leur vie professionnelle ou leurs combats, les ont toujours ramenés à cette région qu’ils affectionnent. Marika, ancienne sportive de haut niveau, puise son inspiration et sa créativité chères aux Comptoirs de l’Ours, dans les paysages de la nature jurassienne, dans sa vie personnelle et sa passion pour la photographie, comme dans son métier de directrice artistique. Le Jura, « sa maison ».

melage interactif entre des classes de France, Suisse et du Groenland, à bord de son voilier en immersion dans les mondes polaires. Pour lui « ces rêves polaires sont un support de transmission pédagogique et de sensibilisation. Une « rêv-olution » » Pour Martin, skieur déterminé, le Jura est une ancre : terre natale et d’entraînement, il affectionne particulièrement la région des lacs qui ne cesse de l’éblouir en toutes saisons et qui l’aide à se recentrer sur les valeurs essentielles en période de compétition. Son humilité et sa recherche de performance ont fait écho aux valeurs véhiculées par Cyril Cobo dans son entreprise. Tout comme la combativité de Lydia, jeune et fougueuse cavalière, qui n’a de cesse de gravir les échelons de la réussite dans le milieu équin, tout en gardant à cœur le respect du monde animal et de sa terre jurassienne…

« Lydia ne rêve pas ses objectifs, elle travaille dur  et s’accroche pour atteindre ses rêves » Maman de Lydia, Centre Équestre Jurasud

Un des credo de Ben :

« ne jamais se fixer de limites dans la vie » Tout comme l’enseigne Comptoir de l’Ours, cet amoureux des grands espaces a à cœur la transmission aux générations futures et leur sensibilisation. Porteur du projet pédagogique ATKA, il propose un ju-

RETROUVEZ-LES DANS CETTE WEBSÉRIE DISPONIBLE SUR LES PAGES FACEBOOK DES POINTS DE VENTE COMPTOIR DE L’OURS. @peinturechampagnole

@comptoirdelourslons

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17,5 M€ POUR L’ÉCOLOGIE

Réhabilitation de friches urbaines

Projets alimentataires territoriaux

Tremplin vers la transtion écologique

Protection de la biodiversité par le pâturage

Volet décarbonation de l’industrie

POUR LE SOUTIEN AUX TERRITOIRE Socle numérique dans les écoles élémentaires

Rénovation des commerces de centre-ville

Subventions exceptionnelles aux collectivités Inclusion numérique

Soutien aux personnes précaires

Economie circulaire Réemploi

Tourisme durable

Objectif Recyclage PLASTiques

35 M€ DE BAISSE D’IMPÔTS DE PRODUCTION POUR 3000 ENTREPRISES

Rénovation énergétique des bâtiments de l’État et logements sociaux 2M€ pour l’industrie du futur 5,3 M€ pour le soutien à l’investissement industriel

5,7 M€ pour la résilience des entreprises 2,5 M€ pour le secteur aéronautique 4,5 M€ pour le secteur automobile

28,5K€ pour la digitalisation des entreprises

20 M€ POUR LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES 6 numéro

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Electro-PJP

Tente roulettes polymères Bruandet

Moule Design Prototype

Inovyn France

IDMM IDMM Mahytec EURL Benetot Rénovation des commerces de centre-ville Secours populaire français

Entreprise Malenfer

Inclusion numérique

Réhabilitation de friches urbaines Salins-les-Bains Projet alimentaire territorial A rbois-Poligny-Salins les Bains Inclusion numérique Profil C Sarl

JMPG39 Marotte SA

ELCAM Diager Industrie

Réhabilitation de friches urbaines Mignovillard Etablissements Bourgeois

Erasteel Le Décolletage Jurassien Banque alimentaire

Projet alimentaire territorial Pays Lédonien Indoro Chocolaterie Pelen SKF Aérospace France Rénovation des commerces de centre-ville Inclusion numérique

M2GN LP Industrie

Lacroix Emballages

SJM Eurostat

Entreprise Bejean Hebert P VPI Laboratoire A.LU.TEC AHLB Maison Bourgeat Purelab Plastics (GILSON SAS) MPP Charvet RGF Plastiques

JB Tecnics Alain Andrey Développement du pâturage Petite Montagne - Revermont

Etablissement Rémy Pesse Ets René Poncet SCIT Grand-Perret Comtoise de Traitement de Surface Inclusion numérique Dalloz Frères Meynier et Fils Smoby Toys SAS Association Développement A ménagement

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Bienvenue à la Maison du Comté

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Mystérieux

Stéphane Godin

Le Comté n’est pas qu’un fromage, c’est un mystère. Ce n’est pas qu’une histoire millénaire, c’est un conte. Ce n’est pas que le labeur des hommes, c’est leur savoir-faire. Le Comté est un rêve humain devenu réalité.

Comme les gestes immuables ramenés du fond des siècles. Sur de grandes bornes producteurs, fromagers, affineurs expliquent la traite, la fabrication, l’affinage et de petits écrans décortiquent chaque geste.


Surprenant

Stéphane Godin

Comme les nids en épicéa où petits et grands viennent se lover pour jouer et découvrir ensemble. Un clin d’œil à l’habitat chaud et douillet des oiseaux de nos forêts.

Lieu de partage, de mémoire, de jeu et de découverte, la Maison du Comté s’inscrit dans son époque, dynamique et connectée. Les technologies numériques du XXIe siècle côtoient les traditions millénaires pour faire de ce lieu le temple d’un mythe qui défie le temps.

Stéphane Godin

Original

Délicieux

Comme la dégustation finale de différents Comté qui attend chaque visiteur. L’occasion de découvrir la palette infinie des arômes d’un fromage unique.

Comme le film d’animation hors du commun qui retrace les contes et légendes du Comté. Tout en courbes et en couleur, un voyage par l’image aux origines du massif et de son fromage fétiche.

Numéro 39

Numéro 39

Unique

Apaisant

Comme l’architecture de la charpente en bois du Jura aux lignes épurées. Le Comté vous accueille dans son univers de paix et de sérénité.

Maison du Comté 10 route de Lons 39800 Poligny Tél. 03 84 37 78 40 Ouverture en juillet et août : tous les jours de 9h30 à 18h30 non-stop. Boutique. Parc paysager.

www.maison-du-comte.com

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Échappez-vous en Suisse ! Cette année, l’Échappée Jurassienne joue à saute-frontière en proposant aux randonneurs une plongée depuis les Rousses jusqu’au lac Léman par Saint-Cergue et Gland. Un nouvel itinéraire de 45 km en trois étapes à travers le versant suisse du massif du Jura où tout est si différent et si semblable à la fois. Quelques gouttes d’exotisme dans un univers montagnard…

L’Échappée prend le large Le massif du Jura court sur la France et la Suisse. Quoi de plus naturel de voir l’un des plus grands itinéraires de randonnée pédestre de la région s’affranchir des frontières. Au tracé initial, créé en 2013 au départ de Dole pour finir à Saint-Claude, l’Échappée Jurassienne propose désormais une variante depuis le Haut-Jura -plus exactement Les Rousses - pour rallier Nyon par Saint-Cergue. Si ce tronçon de 45 km (avec 1 164 m de dénivelé positif et 1 884 m de dénivelé négatif) est une suite logique à l’itinéraire existant, il constitue néanmoins un dépaysement total avec la découverte du lac Léman et de La Côte vaudoise à la douceur de vivre légendaire dans un cadre époustouflant. Vous aimez vous dépasser… 352 km de distance totale, soit 18 jours de randonnée à faire en une seule fois ou par petits bouts, une vingtaine d’étapes et 11 000 m de dénivelé devraient répondre à vos attentes. Vous recherchez la paix des grands espaces… Lacs, rivières, cascades, forêts, combes, crêts vous tendent les bras avec leur flore et leur faune spécifiques. Vous préférez la culture et le patrimoine… Dole, Salins, Arbois, Poligny, Lons le Saunier, Morez, Saint-Claude, les Rousses et maintenant Prangins et Nyon vous racontent leur histoire. Vous recherchez les plaisirs gastronomiques… Vins, fromages, chocolat, charcuterie ponctuent le parcours. Enfin vous voulez laisser vagabonder votre imagination… Sources, gorges étroites, à-pic vertigineux vous entraînent dans un monde de légendes.


La montagne, version suisse Grimper à travers les alpages et contempler la chaîne des Alpes depuis le sommet de la Dôle à 1 677 m avec, à ses pieds le lac Léman, c’est le cadeau de cette première étape de 23,3 km avant la descente sur Saint-Cergue en passant par la Barillette (1 528 m). Et pour fêter l’événement, un petit verre de chasselas (vin blanc suisse) et quelques morceaux de gruyère. Benjamin Becker/JuraTourisme

NYON RÉGION TOURISME Avenue Viollier 8 · 1260 Nyon · Suisse T +41 22 365 66 00 info@nrt.ch

Nyon la romaine

Finie la grimpette, place à la descente. 20,4 km à travers bois, fermes et champs au cœur du Parc Naturel du Jura Vaudois jusqu’à l’ancienne chartreuse d’Oujon, détruite au XVI° siècle avant de rejoindre le sentier des Toblerones, ancienne ligne de défense de la seconde guerre mondiale et l’arrivée à la petite ville de Gland où la douceur du lac Léman se fait déjà sentir.

Une petite étape culturelle et historique pour achever l’itinéraire. Les 11,7 km en bord de lac passent par Prangins, petite ville qui a reçu le célèbre Prix Wakker de Patrimoine Suisse cette année et font découvrir son château (XVIIIe siècle) qui héberge le Musée National Suisse. Pour finir l’arrivée sur Nyon, ville fondée par les Romains il y a 2 000 ans, avec son château « franco-suisse », le musée du Léman, ses jardins et sa marina. Marie-France/NRT

Marie-France/NRT

Benjamin Becker/JuraTourisme

L’attrait du Léman

Benjamin Becker/JuraTourisme Benjamin Becker/JuraTourisme

Benjamin Becker/JuraTourisme

Marie-France/NRT

Un brin d’exotisme Si semblables, si différents (diaporama avec bateau sur le lac, NStCM, gruyère, vignoble de la Côte, vaches, fondue, parc naturel Jura vaudois, chocolat, végétation méridionale en bord de lac, rando dans les prés ou les bois) Franchir la frontière, c’est comprendre combien le Massif du Jura ne fait qu’un entre France et Suisse. Une même langue, mais des accents différents et des expressions colorées de part et d’autre ; les mêmes montagnes, mais des vaches aux robes différentes ; un même massif, mais deux parcs naturels ; un même fromage à pâte cuite qui s’appelle Comté d’un côté et Gruyère de l’autre ; une même tradition de la fondue, mais avec des recettes qui diffèrent ; un même travail de la vigne, mais d’un côté le plus petit vignoble de France et de l’autre le plus grand de Suisse, la Côte ; des cépages différents à base de chardonnay et Savagnin d’une part et de chasselas de l’autre ; le meilleur chocolat du monde en Suisse et celui d’un MOF arboisien en France ; le train de la ligne des Hirondelles en France et le petit train rouge entre Nyon et La Cure en Suisse ; les mêmes sentiers de randonnées, mais des signalétiques différentes ; le lac des Rousses à 1 000 m d’altitude et la mer intérieure que représente le lac Léman à 375 m...

www.lacote-tourisme.ch


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En automne, le grand lac d'Étival, à près de 800 mètres d'altitude. Cliché : Pierre-Victorien Compagnon

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b SOS MÉDITERRANÉE

Sommaire L'acteur Jean-François Stévenin reçoit l'écrivain Pierric Bailly dans sa maison du Grandvaux.

Jura Itinéraires

Les GUERRIÈRES jurassiennes de l'Aquarius Mathilde, Daphné, Émilie et Sabine au secours des migrants

Par Pierric Bailly

Jean-François

STÉVENIN

Bien sûr, elles ont toutes des liens très forts avec le Jura, mais c’est avec l’Aquarius, bateau symbole du sauvetage des migrants en Méditerranée qu’elles ont uni leurs destins. Journaliste, chanteuse, bénévole ou responsable de l’événementiel… toutes ces Jurassiennes ont choisi l’aide humanitaire. Rencontres avec des gens ordinaires plongés dans l’extraordinaire. Ü

Johnny, Stallone et moi...

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Isabelle Langlois, aujourd’hui l’une des créatrices de bijoux parmi les plus célèbres de la rue de la Paix, à Paris.

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Éric de Chassey est critique, commissaire d'exposition, auteur d'essais ou de livres d'histoire de l'art.

Isabelle

Éric

LANGLOIS

DE CHASSEY

La petite fille qui voulait créer des bijoux de princesse

Le Jura, un lieu de ressourcement Après avoir dirigé la Villa Médicis à Rome, l'historien de l'art qui aime à venir dans la maison familiale de Mirebel, est aujourd'hui à la tête de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Il est le commissaire de l'exposition « Napoléon ? Encore ! - Regards d'artistes contemporains » présentée actuellement aux Invalides, à Paris. Ü

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Elle est aujourd’hui une référence mondiale de la joaillerie. Ses bijoux colorés et sensuels sont inspirés des fleurs et des papillons qu’elle dessinait dans son enfance du côté des Moussières et de Lélex. Mais l’itinéraire d’Isabelle Langlois raconte aussi l’histoire du bijou tout au long du XXe siècle. Passionnant. Ü

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Quentin Fillon-Maillet est membre de l'équipe de France de biathlon. Il va participer aux prochains Jeux olympiques de Pékin, en Chine.

Mon Jura à moi

Quentin

David

LINARÈS

Depuis novembre dernier, David Linarès est entraîneur principal du groupe professionnel du club de football de Dijon. Un aboutissement pour l’ancien joueur professionnel qui tire sa force des valeurs et des racines jurassiennes qu’il a su préserver. Portrait.. Ü

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16 VICTOR GROS 20 CAROLINE DAVID 24 DAVIDE QUAYOLA 28 STÉVENIN-BAILLY 48 MATHILDE AUVILLAIN 54 ÉMILIE SATT 58 DAPHNÉ VICTOR #3 Juin 2018

GuiLLaume De menTHon - asLove - françois TruffauT - Haroun Tazieff

PIERRE-ALAIN de GARRIGUES

Porte-avions

Le Jurassien

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La rencontre

est Jurassien

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Magazine gratuit

Magazine gratuit

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06/06/2018 16:28

Alessandra

Le Pacha

Du Grand Bleu à Bienvenue chez nous

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EMMANUEL DELRAN Un Jurassien à la barre du géant des mers

Charles de Gaulle

aux

45 000 voix françois TruffauT Ü l'été 1971 dans le Jura Haroun Tazieff Ü expédition sur l'etna asLove Ü le tuBe de l’été

SUBLET Lettre

aux Jurassiens

21/06/2017 18:20

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Été 2021 numero39.com

JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN PIERRIC BAILLY

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ALExANdRE pASTEUR Le Tour de France de Sirod à France Télévisions

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LES INFIdèLES Dans le cœur des rockeurs

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Été 2020 numero39.com

YVES SAINT LAURENT Les souvenirs de Paule Monory

FRANçoISE boURdIN Le Jura inspire l'écrivain

Magazine gratuit

RAYMOND DEPARDON Ü mon jura intime DENIS FAVIER Ü sa Vie à la tête du GiGn J.-FRANçOIS chARNIER Ü créateur de musée

numéro

un cuisinier jurassien à Matignon

été 2019 numero39.com

Quentin

THAÏS VAUQUIÈRES L'humoriste pressée dans Les Tuches 4 MARION ROUSSE De retour dans le Jura avec le Tour de France PIERRIC BAILLY Le Jura intime de l'écrivain

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15/07/2020 16:27

Magazine gratuit

#2 JuIN 2017 ROMAIN BARDET - RAYMOND DEPARDON - DENIS FAVIER - DENIS TROSSAT - JEAN-FRANçOIS chARNIER

été 2018 numero39.com

MARIN KONIK

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conception-réalisation baltik.fr/kolza.biz. Images :D. Baileys- Powerofforever -N.Michel

www.espacedesmondespolaires.org

été 2017 numero39.com

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60 SABINE GRENARD 64 ISABELLE LANGLOIS 72 PERRINE CAMPANINI 80 ÉRIC DE CHASSEY 88 DAVID LINARÈS 96 QUENTIN FILLON-MAILLET

numéro numéro numéro numéro numéro 39 39 39

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un musée une patinoire un restaurant

STATION DES ROUSSES

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NOUVEAUTÉ 2017

RENDEZ-VOUS DANS L’ESPACE

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FILLON MAILLET PÉKIN EXPRESS

Le football, par plaisir du jeu

FILLON MAILLET Le Jura

aux JO de Pékin

ÉRIC DE CHASSEY Le Jurassien qui confronte Napoléon à l'art contemporain DAVID LINARÈS Le football par plaisir du jeu LES JURASSIENNES DE L'AQUARIUS Mathilde Auvillain Émilie Satt Daphné Victor Sabine Grenard

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b NUMÉRO 39

Jurassiens

Victor Gros

Opticien dans la galerie Vivienne, à Paris, Victor Gros préside l'association qui veille au respect de l'esprit et à l'histoire des lieux.

LE GARDIEN DE LA GALERIE VIVIENNE Arrivé à Paris en 2009, Victor Gros, lunetier jurassien, est devenu le gardien de la galerie Vivienne. Sa passion pour cette architecture commerciale issue du XIXe siècle le pousse même à conquérir l’Europe. Ü Dans sa boutique de la galerie Vivienne au cœur de Paris, Victor Gros vend les lunettes familiales « made in Jura ». Mieux vaut le préciser. Un monde coloré, design, fait de produits en acétate de cellulose vendus partout dans le monde. Luxe, raffinement… Tout dans ce petit espace tourne autour de l’esthétique et du bon goût. Et puisqu’on parle de bon goût, ce Jurassien est président de l’association de la galerie Vivienne. Il est aussi membre de l’Association des passages et galeries historiques en Europe, association créée en 2019 dont le siège est à Bruxelles. Cet « Oyonnaxien immigré dans le Jura » – comme il se plaît à le dire – a beaucoup bourlingué avant d’atterrir dans le deuxième arrondissement, à deux pas du Palais Royal [lire Numéro 39 n° 2]. Parti à l’âge de dix-huit ans faire ses études aux États-Unis, il rejoint ensuite l’entreprise de ses parents à Clairvaux-les-Lacs. C’était en 2003. On lui confie l’export : Asie, Amérique du Nord, Europe. Il n’arrête pas de bouger et s’installe même à demeure aux USA en 2006. Il fait de nouveau ses valises en 2009, date à laquelle il décide de rentrer au pays : « J’en avais ras le bol, mon père m’a proposé de tenir le magasin de la galerie Vivienne acheté quelques années plus tôt. J’avais trente ans, je suis

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retourné en cours pour passer un BTS option lunetier, obligatoire pour tenir un magasin. » Le temps a passé et, peu à peu, le charme du numéro 5 de la rue de la Banque a opéré. Victor Gros rejoint l’association de la galerie Vivienne. Depuis cinq ans, il en est le président : « C’était la belle endormie, le gestionnaire de l’époque ne s’occupait quasiment de rien. Or la galerie, ce sont trente-deux commerçants, une renommée internationale et près de 200 logements aux étages, uniquement des locations dont beaucoup relèvent de la loi de 1948. C’est enfin une galerie inscrite aux Monuments historiques qui fait partie du patrimoine parisien », énumère-t-il. Aussi l’association réclame-t-elle un droit de regard sur les dossiers concernant ce lieu pas comme les autres. Elle veut aussi être consultée sur le choix des nouveaux commerçants. « Nous avons affirmé notre volonté d’accueillir des créateurs. Jean-Paul Gauthier est resté ici, dans son atelier, jusqu’à l’arrêt de ses activités de prêt-à-porter en 2014, indique l'opticien. Nous voulions poursuivre dans cette voie. » Par chance, la SCI gestionnaire appartient à 80 % à l’Académie des Beaux-Arts (qui aide financièrement l'associa-Ü


NOS TEMPS FORTS Nouveauté : À partir de fin juin

RECONSTITUTION D’UNE CHAMBRÉE DE SOLDATS Du 10 juillet au 1er septembre

EXPOSITION

« CANTI. Vie remarquable des arbres et vie quotidienne »

©JPM Partner • jpm-partner.com • 04/2021 - Photo : David Lefranc

PLUS QU’UN LIEU, UNE EXPÉRIENCE

ÉTÉ 2021

Du 26 juillet au 8 août, tous les jours

ATELIER D’INITIATION À L’ESCRIME POUR LES ENFANTS (7-14 ans).

Samedi 21 août

SPECTACLE NOCTURNE (Cie Duende Flamenco)

15 juillet au 14 Août du jeudi au samedi

BALADES NOCTURNES «Voyage en utopies» (Cie ED&N)

TOUTE LA PROGRAMMATION SUR citadelle.com

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Jurassiens

tion) et à 20 % à des petits porteurs. Le courant passe. La rénovation lancée en 2014, mal engagée lors de la première tranche, s’achève en 2019 : « Tout était à refaire, excepté les mosaïques. La galerie devenait dangereuse, la verrière menaçait de s’effondrer. Nous avons été partie prenante », énumère-t-il. Après cinq années éprouvantes, l'endroit retrouve le lustre de ses débuts, en 1826 : « Nous avons tout connu : les travaux, la perte de clients, les attentats, les gilets jaunes, les grèves… et la Covid. Mais la rénovation a changé les choses pour ce lieu si particulier. » Un bonheur n’arrivant jamais seul, Victor Gros reçoit un jour un appel d’un certain Alexandre Grosjean qui n’est autre que le président des Galeries Royales SaintHubert de Bruxelles, et d’Olivier Hamal, président du Passage Lemonnier à Liège. Ces deux sites sont associés et ils voudraient que Paris les rejoigne pour atteindre une dimension européenne. L’idée d’un jumelage est évoquée et concrétisée, dans un premier temps avec la Galerie Saint-Hubert en 2018 à Bruxelles. Le 12 septembre

2019, au tour de la galerie Vivienne de recevoir en grande pompe : « Le 13 septembre 2019, le second acte a été la création de l’Association des passages et galeries historiques en Europe dans la salle des séances de l’Institut de France en collaboration avec l’Académie des Beaux-Arts, le ministère de la Culture et l’Union européenne. Hélas, constituée juste avant la pandémie, l’association est encore en stand-by », regrette le Franc-Comtois. Pourtant, avec un potentiel de 178 lieux répartis dans dix-huit pays et 119 villes, les projets ne manquent pas, à commencer par d'autres jumelages : « En Italie, il existe la galerie Vittorio Emmanuelle II à Milan, il y en a d’autres en Espagne, aux Pays-Bas... L’idée est de faire reconnaître tous ces lieux au patrimoine mondial de l’Unesco. Ce sont les ancêtres de nos centres commerciaux, ils datent pour la plupart du XIXe siècle. » Victor Gros, lui, s’occupe plus particulièrement de la France où les galeries et les passages sont également légion : le passage Pommeraye à Nantes, d’autres à Bordeaux, à Lyon… Le travail ne manquera pas.

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Galerie Vivienne : la bourgeoise

Pour Victor Gros, une galerie n'est pas un passage. On doit aimer y flaner.

Éric Fottorino célèbre les paysans du Jura

Mathieu Maysonnave imagine Dole en 2025

Philippe Guichard, gendarme trois étoiles

Journaliste et écrivain, Éric Fottorino publie en août un nouvel ouvrage chez Gallimard. Mohican raconte l’histoire d’une famille de paysans jurassiens en butte aux illusions de la modernité symbolisée par les éoliennes. Un hommage aux hommes de la terre, mais aussi à la majesté rude d’un monde qui refuse de mourir.

Ce professeur de mathématiques à Auxonne (21), Dolois depuis six ans, a reçu le Prix de la France des Villes Moyennes pour une nouvelle, Dole, mœurs de province. Avec d'autres textes, celle-ci a été publiée par La Fabrique de la Cité (accessible en PDF sur Internet). Originaire de Seine-et-Marne, l'auteur situe son récit en 2025, lorsque le rappeur Kanye West veut devenir maire de la sous-préfecture.

Lédonien d’origine, celui qui vient de passer trois ans à la tête de la gendarmerie de l’air à Velizy-Villacoublay (Yvelines), vient d’être promu au grade de général de division. Une troisième étoile pour de nouvelles fonctions comme chef de la division des audits et des expertises techniques à l’inspection générale de la Gendarmerie nationale (IGGN). Philippe Guichard a commencé sa carrière à Dole en 1985.

P Éric Fottorino, Mohicans, Gallimard, 288 pages, 19,50 €.

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Comme tous les passages de la capitale (il en reste dix-sept sur une centaine au début du XXe siècle), la galerie Vivienne répond à un souhait de la bourgeoisie. A l’époque, le goudron n’existe pas, les rues sont sales. Pas question d’aller se crotter pour faire ses achats en plein cœur de la capitale. L’idée de créer des lieux couverts où se concentreraient les boutiques de luxe. Les architectes se mettent au travail. La galerie Vivienne, de style néo-classique, est conçue par Delannoy. Elle ouvre en 1826. Sa verrière l’inonde de lumière, surtout à la mi-journée. Décorée de mosaïques aux couleurs chatoyantes, elle s’étend sur 176 mètres de longueur et trois mètres de largeur avec une grande galerie de 42 mètres qui débouche sur une rotonde surmontée d’une coupole en verre d’où part une seconde galerie dotée d’un petit passage qui offre ainsi une troisième sortie. Elle fait l’orgueil de ce quartier au cœur de la capitale. D’ailleurs, Victor Gros, président de l'Association de la galerie Vivienne, rappelle à qui veut l’entendre qu’un passage n’est pas une galerie. Dans le premier, on passe. Dans la seconde, on flâne…


www.station-metabief.com

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Fille d'un fromager qui a travaillé dans le Haut-Jura, l'artiste a beaucoup voyagé durant sa vie avant de poser son chevalet à Roubaix.

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Caroline David

DÉCODE BARRE Après vingt ans d’absence, Caroline David est revenue cet hiver aux Rousses, où l'artiste globe-trotter a présenté des œuvres surprenantes sur notre monde numérique. Ü Cassandre vous interpelle, mais l’entendez-vous ? Pourtant elle a tant de choses à dire sur la science qui transforme notre vie pour la rendre artificielle. Personnage double, cloné ou simple robot ? Electre vous observe, femme en transformation. Plus tout à fait naturelle, sans être encore complètement artificielle. Ce sont les portraits de l’an 2100, transhumanistes, des dernières toiles de Caroline David. La petite fille de cinq ans arrivée aux Rousses un beau matin de 1980 dans le sillage de ses parents fromagers a fait du chemin depuis : Budapest, Paris, Shanghai et,

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maintenant, Roubaix où elle a posé son atelier. Les senteurs du comté ont laissé la place à un univers froid, inodore, numérique où les codes-barres et les datas gérés par les machines, se jouent des humains. La jeune peintre autodidacte a donc quitté les frontières d’un monde qui semblait immuable pour un autre, globalisé et artificiel. Sa métamorphose a commencé par le pixel, symbole de cette transformation. Petits carrés multicolores qui, juxtaposés, composent un ensemble particulièrement cohérent : « J’ai commencé à travailler le pixel dans les années 2008/2009 en Hongrie. C’était pour moi la figuration picturale et esthétique évidente qui marquait l’ère du


numérique. » Elle se poursuit aujourd’hui avec les codesbarres et les données numériques qui disent tout de chacun d’entre nous. Ainsi propose-t-elle une femme prise dans l’obturateur d’un appareil photo, femme immergée dans un data lake (lac de données) : « Nous générons à chaque instant et à notre insu une multitude de datas avec nos smartphones. Cet univers du numérique où la machine prend de plus en plus de place porte en lui la perspective d’une innovation extraordinaire, en même temps qu’un côté obscur… » Caroline David ne juge pas. Ses peintures ne font que poser des questions. Le sens du trait, la chromatique des couleurs font le reste. Cette interrogation sur notre monde en perte de repères n’est au fond que le fruit d’une longue pérégrination à travers le monde : « Je suis partie vivre en Hongrie en famille, puis en Chine d’où nous avons dû fuir la pollution. » Tiens donc… Monde moderne, inhumain et tellement fascinant par sa démesure. C’est cet environnement-là que Caroline David, dont il n’est pas vain de préciser qu’elle a une solide formation en marketing et communication, a choisi de traduire : « J’avais suivi une formation de conseil en image à Paris et le travail de la couleur a été une véritable révélation. Un jour, à Budapest, j’ai acheté une toile, des pinceaux et des couleurs. » C’était en 2006. Ses premières peintures inspirées du cinéma racontent des ambiances autant que des personnages, de Nicole Kidman à Maggie Cheung. Des portraits pixélisés à base de peinture acrylique et de pastels. Mais c’est de retour d'Asie (où elle n’a pas réussi à créer) qu’elle fait une incursion dans une startup de Lille. Grisée d’algorithmes, d’intelligence artificielle, de data, elle en fait son univers : « Je me suis approprié ce monde et je l’ai transposé dans la matière. » Et maintenant ? Elle rêve du Jura… « Je suis très attirée par les couleurs de Guy Bardone, je sens que je vais utiliser sa palette dans un avenir proche. » Retour à la nature ? Pourquoi pas, mais sous une autre forme, peut-être des installations. Caroline David doit bien un peu de ce qu’elle est devenue à cette région qui l’a vue grandir : « Dans mes rêves, c’est ici que je reviens ! » Pwww.carolinedavideartcom

100 RIRES ! ELLE a 100 ANS ?

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Pierric Bailly BONNES CRITIQUES

Il occupe une place particulièr e dans le paysage littéraire français depuis Polichinelle, son pre 2008. Avec Le roman de Jim, jam mier ouvrage publié en reçu un tel accueil critique : « P ais un de ses livres n’aura ierric Bailly, l’écrivain des familles » (Le Monde), « L’éco le paternelle » (Libération), « un livre très important et très ém assumée d'un beau-parent » (Fr ouvant sur la parentalité édé ric Beigbeder dans Le Masque et la Plume). Le public est Le roman de Jim, c’est l’histoire au diapason. d’u enfant, Jim. Et aussi celle de Flo n homme, Aymeric, d’un rence, avec laquelle s’ouvre ce livre au Lycée Victor-Bérard de Morez. Dans ce récit, qui couvre une pér vingtaine d’années, Pierric Bai iode de plus d’une lly porte en fait un regard juste et sensible sur thème de la paternité. Et, à travers les trajectoires de ses personnages, il la réalité d'un territoire de mo évoque comme personne yen petites villes : le Jura. Pour Sylv ne montagne et de ses ie « l’auteur sait montrer le déterm Tanet des Inrockuptibles, dans le misérabilisme, et il n’y inisme social sans verser a portrait d’homme à la limite de jamais de clichés dans ce la marginalité. » « En s’installant une nouvelle fois dans son Jura natal, l’écrivain ne croit même plus en Il n’autorise pas son héros, ball l’apaisement de la nature. otté par les échecs et la solitude, à se défendre et le laisse sur le bas-côté, entre missions d’intérim et soirées bières ave c les copains », ajoute Christine Ferniot dans Télérama. Enfin, dans L'Obs, Jérôme Gar cin quée par un texte qu'il qualifie retient l'émotion provo– brut » : « Le sixième roman de excusez du peu ! – d'« art Pierric Bailly est un vrai mélodrame. Mais un mélo san s outrances ni emphase, en noir et blanc, où la bande-son est bois des Hautes-Combes et où celle du vent froid dans les un infortuné, conciliant, “le dernie homme gentil, candide, r à une irrémédiable solitude. » des glands”, est condamné

P Pierric Bailly, Le roman

de Jim, POL, 256 pages,

19,90 €.

b KOSTIA/AD OBE STOCK

« Pierric Bailly, l'écrivain des familles » pour Le Monde.

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Paul-Émile Victor SA BIOGRAPHIE ILLUSTRÉE Le rêve et l’action est le second ouvrage cosigné par Daphné Victor, la fille de Paul-Emile Victor, et Stéphane Dugast, journaliste et reporter. Il raconte la vie de l’explorateur jurassien depuis son enfance, quand il lisait dans le grenier familial les revues et les livres qui parlaient d’aventures et de mondes nouveaux. Encore éclaireur de France, il nourrissait déjà ce rêve qui peut paraître antagoniste des pôles et de la Polynésie. Sa vie l’amènera à connaître les deux… Officier de marine, pilote d’avion, il reprend dans un premier temps l’entreprise familiale de fabrication de pipes avant de rencontrer Charcot, médecin et explorateur polaire. Sa passion prend le dessus, il embarque avec lui en 1934 pour le Groenland qui le marque à jamais. Après la guerre, il crée les Expéditions polaires françaises, forme de jeunes scientifiques et multiplie les missions aux pôles Nord et Sud avant de terminer sa carrière dans les années 1970 en Polynésie. Les deux auteurs livrent ainsi la première biographie illustrée du célèbre explorateur. P Daphné Victor et Stéphane Dugast, Le rêve et l'action, Éditions Paulsen, 216 pages, 39,90 €.

Romain Weber VOUGLANS EN PODCASTS Désormais partie prenante de l’imaginaire jurassien, le lac de Vouglans n’en finit pas d’inspirer écrivains et metteurs en scène. Il y a eu André Besson et ses deux opus Le village englouti et le Barrage de la peur. En 2019, on a pu voir le téléfilm de France 3, « Meurtre dans le Jura ». Depuis le début de l’année, on peut ajouter les onze épisodes du podcast Les Disparus de Bas-Vourlans. Écrite par Romain Weber, jeune Parisien de 26 ans, producteur de documentaires, et mise en son par Laurence Courtois, réalisatrice de fictions sonores à Radio France, cette série se boit comme un verre de macvin. Détente et plaisir assurés. Histoire banale, pourtant, puisqu’après un été torride qui fait descendre les eaux du lac, apparaissent les vestiges de l’ancien village de Bas Vourlans et, avec eux, deux squelettes oubliés dans une maison. Le curé du coin, soutenu par deux jeunes locaux, va s’efforcer d’élucider ce mystère enfoui sous 45 mètres d’eau. Les dialogues sont colorés sans être caricaturaux et le son particulièrement évocateur. P www.franceculture.fr et les plateformes.


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b MARIA ELENA BRUGORA/QUAYOLA STUDIO

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Détail de la série Remains.

Davide Quayola

FORÊT NUMÉRIQUE Grâce à la puissance des ordinateurs, l'artiste italien a réalisé d'immenses panneaux qui permettent de découvrir la forêt haut-jurassienne comme jamais on ne l'a encore vue. Ü Exceptionnellement, nous avons choisi de parler d’une exposition dans laquelle on ne peut plus se rendre, mais qu’il est possible de découvrir sur Internet. Pourquoi ? Parce que la manière dont Davide Quayola montre les forêts de la vallée de Joux dans sa série Remains est incroyablement esthétique et perturbante. D’ailleurs, elle lui a valu, en janvier, le prix international de la Fondation Vasarely. Imaginez d’immenses panneaux représentant sur le mode digital l’univers quasi-sauvage des bois qui bordent la limite franco-suisse dans le Haut-Jura. Un univers fascinant de force brute, de mystère… et de beauté cachée. Transcrire des détails de troncs, de branches, de feuilles, d’écorces uniquement traités par ordinateurs sur la base de la technologie Lidar – souvent utilisée par le milieu archéologique pour révéler ce qui ne se voit pas à l’œil nu –, c’est le pari fou de ce créateur italien de quarante ans. Le résultat est bluffant. On se perd dans un monde de données data au service d’une expression artistique nouvelle : « Ce qui m’intéresse avec ce système, c’est de voir

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ce que les yeux ne voient pas », explique l'artiste. Chaque image a représenté quatre semaines de travail en studio : « J’ai eu beaucoup de temps pour contempler les paysages pendant que la machine faisait ses calculs complexes. Il se crée une intimité étrange entre l’homme et la technologie, les deux observent la nature, mais de manière différente. Bien que mon travail soit essentiellement digital, faire face à des écrans d’ordinateur dans mon studio et capturer physiquement les données constitue une source d’inspiration très forte. C’est la quête de l’homme pour observer et représenter la nature en sortant des traditions picturales classiques en s’accompagnant d’une aide technologique. » Cette série de la Vallée de Joux, commandée par l’entreprise Audemars-Piguet dans le cadre de l’exposition internationale Artbasel en 2018, a été montrée partout en Europe et au-delà. Elle se poursuit actuellement par une toute nouvelle série de travaux sur des paysages américains. À voir bientôt. P www.quayola.com


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Bruno Thomas

UNE SACRÉE BÊTE À BOIS Impossible de se tromper. Ses jeux ne ressemblent à rien de connu. Des bouts de planches avec des élastiques, des trous, des petites boules, des dominos… En fait, Bruno Thomas a un secret, il est resté gosse dans sa tête. Ses quarante-cinq ans n’y font rien, il a en lui la magie des enfants qui se fabriquent des jeux avec trois fois rien et beaucoup d’imagination, ses mains font le reste. « Le bois est de l’ordre de l’intime pour moi, j’ai eu envie de le travailler et je me suis formé seul. Il y a dix ans que je me suis posé à Arinthod. J’ai commencé par la menuiserie et, en même temps, j’ai imaginé des jeux pour mes deux filles. Ce sont elles qui m’ont montré le chemin pour allier l’imaginaire et la motricité, le plaisir de jouer à des jeux simples ensemble », confie-t-il. On retrouve ses jeux au château de Guédelon (Yonne), au château de Bonnemare (Eure), à la Maison de la Vache qui Rit à Lons-le-Saunier, au Palais Jacques Cœur à Bourges (Cher), en boutique dans le quartier du Marais à Paris et même à Hardmore, aux États-Unis : « L’année 2020 a été celle du Covid, mais également celle de la reconnaissance. Je n’arrive plus à suivre… Sans doute les reportages et le Prix de la Chambre des métiers y sont pour quelque chose. En tout cas, les projets ne manquent pas. » Il faut dire que le grand gosse de la Petite Montagne a su donner du sens à ses créations, s’il est capable de créer des modèles de voûtes géantes ou des compas, il assure aussi des animations dans les écoles et les EHPAD. Il vient

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Comment un papa d'Arinthod qui créa des jouets pour ses enfants en est-il venu à vendre ses productions dans les quartiers branchés de Paris et aux USA ? Ü

Bruno Thomas à l'ouvrage à Arinthod.

d’intégrer le réseau des psychomotriciens, un chemin étroit entre l’approche ludique et l’esthétisme naturel du bois : « Il faut que l’imaginaire s’impose. Je recherche toujours le plus simple qui, en fait, est le plus beau ». P www.beteabois.com

André Parant, un Jurassien ambassadeur en Tunisie...

.. et Christophe Leribault de la Vierge de Poligny

À 64 ans, c’est un Salinois d’origine qui a succédé depuis l’automne dernier à Olivier Poivre d’Arvor au titre très envié d’ambassadeur « extraordinaire et plénipotentiaire » de France en Tunisie. Après avoir fait des études secondaires à Chambéry, cet énarque a enchaîné presque quarante ans d’expérience dans l’ensemble du NordAfrique. Passé par le Maroc, la Belgique, la République centrafricaine, puis en poste à Paris, notamment comme conseiller à la cellule diplomatique de la présidence de la République, il a poursuivi au Sénégal, au Liban, en Algérie, puis en Égypte, après avoir assuré de 2009 à 2012 la fonction de conseiller Afrique du chef de l'État. Le voilà aujourd’hui chargé des relations entre la France et la Tunisie qui a connu il y a quelques années son Printemps arabe.

Comment voir des œuvres d’art en période de confinement ? Voici quelques mois, l’historien de l’art Christophe Leribault a partagé sur son compte Instagram des images de sa visite de la collégiale Saint-Hippolyte de Poligny avec le commentaire suivant : « Musées fermés mais églises ouvertes ! Merveilleuse collégiale de Poligny ». L’actuel directeur du musée du Petit Palais, à Paris, s’est notamment concentré sur une Vierge réalisée par Claus de Werve, un Hollandais connu pour avoir travaillé pour les ducs de Bourgogne au début du XVe. Pour mémoire, « La Vierge de Poligny », autre œuvre du célèbre sculpteur datant de 1415, figure en bonne place au Metropolitan Museum of Art (MET) de New York depuis les années 30.


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L'acteur Jean-François Stévenin reçoit l'écrivain Pierric Bailly dans sa maison du Grandvaux.

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Par Pierric Bailly

Jean-François

STÉVENIN

Johnny, Stallone et moi...

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Pierric Bailly est écrivain Il vient de publier Le Roman de Jim aux éditions POL. Il est aussi un grand fan de l'acteur Jean-François Stévenin, monument du cinéma français qui a tourné pour François Truffaut, Jacques Rivette, John Huston, Yves Boisset, Jean-Pierre Mocky ou encore récemment devant la caméra de Xavier Giannoli. Rencontre colorée entre deux « p'tiots gars du Jura ». Ü 30 numéro

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Jean-François Stévenin, 77 ans, joue dans le nouveau film de Xavier Giannoli, Illusions perdues.


J

JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN, C’EST UNE VOIX, UN TON, UNE GOUAILLE. C’est un corps agité, une démarche brinquebalante, et puis, c’est une gueule impossible à oublier, une moue boudeuse et des yeux d’aigle qu’on croise depuis plus de cinquante ans au cinéma : 170 films comme acteur, trois comme réalisateur. Pourtant, il dit luimême n’avoir jamais cessé de se voir comme un « p’tiot gars du Jura ». C’est justement sur le plateau du Grandvaux, dans cette maison qu’il possède en surplomb du lac de l’Abbaye, qu’il nous donne rendez-vous. On entre par la chambre, la sienne, où l’on s’installe face à un gros poêle flambant neuf. Dehors, ça souffle fort en ce jour de février et ça chuinte dans la cheminée – la bande-son d’un vieux western. Deux nouvelles bûches. Une première bouteille de macvin. Notre hôte s’allume une cigarette, toute fine, une Vogue. Claquement du Zippo en guise de clap : nous voilà parti pour quatre heures d’entretien avec un homme simple et généreux, drôle et captivant, qui ne s’est toujours pas remis de la mort de son grand ami, un certain Johnny Halliday.

JEAN-FRANÇOIS STÉVENIN - J’étais aux obsèques, à la Madeleine. Læticia m’avait laissé un long SMS. Comme j’avais été à l’enterrement de Coluche, avec tous les motards de France qui klaxonnaient à fond, je m’attendais à la même chose pour Johnny. Mais là, c’était différent. Jamais vu ça. J’étais sur les marches de l’église, je voyais jusqu’à la Concorde : le calme absolu. Pas un bruit. T’aurais entendu une mouche voler. PIERRIC BAILLY - Ta première rencontre, ça remonte à quand ? La première fois que je l’ai vu, c’était au Palais des Sports, à Paris, en 1969. J’étais assistant sur Hair, la comédie musicale. Un jour, Johnny vient assister à une répétition. Mais, à l’époque, ce n’était pas mon truc, j’écoutais plutôt Eddy Cochrane, Bill Halley, Vince Taylor. Il invite toute la production de Hair à une avant-première de son concert. Au milieu du show, combat de boxe, les mecs installent un ring vite fait, Johnny a une véritable chorégraphie avec un type énorme, un grand boxeur. Ils se mettent des coups de partout, il a des capsules qui explosent dans la bouche, il finit le visage en sang et, alors là, un mec lui tend le micro et Johnny se remet aussitôt à chanter. Oh, la vache ! J’ai trouvé ça tellement puissant que j’y suis retourné vingt-et-une fois. Ton amitié date de cette époque-là ? Non, ça s’est fait quelques années plus tard, quand

je préparais mon deuxième film, Double Messieurs. Je voulais qu’il joue dedans. Il était marié avec une copine à moi, Nathalie Baye, et ils m’ont invité chez eux. Je m’étais bourré la gueule avant d’y aller. Quand t’es fan et ému, et que t’es un p’tiot gars du Jura… Je gare ma moto dans la cour, Johnny me lâche : « Tu m’excuseras, je ne suis pas du matin ». Bon, il était quatre heures de l’après-midi. Ça n’a pas marché pour ce film, mais on est restés proches. Et dix ans plus tard, tu as réussi à le faire jouer dans Mischka… Voilà. Été 2000. Une journée de tournage en Bourgogne. Johnny était en plein Olympia. Je voulais qu’il arrive en hélico, Johnny avait horreur de ça. On n’avait pas de plan de vol, pas d’autorisation, pas d’assurance. Camus, son producteur, n’était pas au courant. Le soir, il chan- Ü

Johnny Hallyday, il était marié avec une copine à moi, Nathalie Baye, et ils m’ont invité chez eux. Je m’étais bourré la gueule avant d’y aller. Quand t’es fan et ému, et que t’es un p’tiot gars du Jura… numéro 31 39


tait à 20 heures. À 11 heures du matin, il m’appelle [ JeanFrançois Stévenin imite Johnny François Stévenin imite Johnny Hallyday, N.D.L.R.] : « T’es là, l’Ours ? » Parce qu’il me surnommait l’Ours du Jura. « T’es là, l’Ours ? Tu tournes toujours ton truc, là ? Bah je suis à Marne, on arrive… » Sa première apparition dans le film, il est de dos, en train de pisser... Moi je me dis, naturellement, même si tu as seize ans et que c’est ton premier court-métrage, on te met une poire, tu presses dessus, ça fait un jet et ça y est. D’un seul coup, le Grand, il me dit : « On tourne quand, là ? Parce que j’ai vraiment envie de pisser. » J’ai cru qu’il rigolait. Mais non ! Il n’y a que lui pour faire des trucs comme ça. Il va dans le champ, il pisse pour de vrai, puis il revient vers Jean-Paul Bonnaire, qui est blessé à l’arcade. Il sort des petits sparadraps. Je lui avais dit de ne pas s’emmerder avec les sparadraps, mais il a fait ça impeccable, il lui a mis très précisément. À la fin de la prise, Bonnaire était tétanisé. Je lui demande comment ça s’est passé. Bonnaire me répond : « C’est comme si j’avais tourné avec De Gaule. »

Une super gonzesse nous a dit : « Les deux petites, là, vous savez qui c’est ? Ce sont les filles du Che. » Et moi, j’ai répondu : « Bah, vous savez, on vient d’arriver, on ne connaît pas encore tout le monde… » 32 numéro

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Avant de repartir, Johnny me dit : « S’il y a besoin, je reviens demain. » Quand il est remonté dans l’hélico, j’avais la larme. Et le soir, 23 août 2000, Olympia, super concert. C’est à partir de ce moment-là que j’ai intégré le cercle des amis proches, c’est-àdire avion privé, Gstaad, tout ça. Est-ce qu’il est déjà venu chez toi, dans le Jura ? Eh bien ça, tu vois, je n’ai jamais osé. J’en parlais avec mon pote Jimmy Reffas, qui a été son garde du corps pendant trente ans, et avec lequel j’écris un livre en ce moment. Je lui ai dit que j’aurais rêvé de faire un concert ici, devant la maison, dans le champ. Jimmy m’a dit qu’il serait venu, qu’il aurait adoré ça. Il a commencé à faire tout un plan : « La scène, on l’aurait installée là. On monte un parquet en bas, sur les marais. On aurait pu faire rentrer au moins 30 000 personnes… » Voilà, ça fait partie des grands regrets. Ta famille était jurassienne ? Non, ils viennent des Ardennes. Mon père était ingénieur des travaux publics de l’État et il s’est retrouvé affecté dans le Jura. Il a fait toute sa carrière à Lons-le-Saunier. C’est lui qui a planté tous les téléskis dans le Haut-Jura. L’ingénieur en chef s’appelait Albert Jouvent, d’où le nom de la station des Jouvencelles. D’ailleurs, j’ai servi de modèle pour le dessin d’une image publicitaire. C’est mon père qui l’a faite. Il a peint un petit bonhomme avec un manteau rouge en train de monter les Tuffes. Donc, tu passais beaucoup de temps dans le Haut ? Pas tant que ça, en vérité. J’ai grandi à Perrigny, près de Lons. Parents sérieux, sévères, et le peu de temps où j’avais le droit de sortir, j’allais dans les bois. Je rejoignais l’ancienne voie ferrée au-dessus de chez moi, c’était le début de l’aventure. Mes parents aimaient beaucoup le cinéma. Si j’avais de bonnes notes, je pouvais choisir le film. On voyait un film par semaine. Au lycée, entre midi et deux, on se réunissait tous sur un petit perron et, avec un pote, on racontait le dernier western, avec les bruitages et tout. Il y avait six ou sept mecs qui nous écoutaient. Un des premiers chocs, ça a été L’Homme des vallées perdues. Puis j’ai découvert Gabin, Brando. Après le lycée, mes parents m’ont envoyé en prépa HEC à Lyon. Là, je me faisais des faux bons de sortie, et j’allais au cinéma du samedi midi au dimanche soir. Je vois L’Arnaqueur, en VO. Là, mon vieux, Paul Newman en noir et blanc, la claque ! À ce moment-là, tu pensais déjà à en faire ton métier ? Ah non, c’est impossible. Un autre monde. Le cinéma était très important, mais seulement comme spectateur. Pendant HEC, à Paris, j’étais toujours fourré à la Cinémathèque. Je n’allais jamais en cours. J’avais un copain qui animait une cellule communiste à HEC et qui s’est tué en bagnole. Il devait partir à Cuba pour un stage et on m’a proposé d’y aller à sa place. Je me suis retrouvé là-bas avec un autre pote, tout nous emmerdait. On était tous les matins à la piscine, on passait la journée à boire des Cuba libre. Il y avait une super gonzesse avec deux enfants et, un jour, elle s’est approchée pour nous demander du feu. On lui a allumé sa cigarette. Elle nous a dit : « Les deux petites, là, vous savez qui c’est ? Ce sont les filles du Che. » Et moi, j’ai répon- Ü


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Jean-François Stévenin a débuté avec Catherine Deneuve et Michel Piccoli. Le film, La Chamade, était réalisé par Alain Cavalier.


du : « Bah, vous savez, on vient d’arriver, on ne connaît pas encore tout le monde… » Elle n’en revenait pas. Je n’étais pas du tout politisé, moi. À force de me faire chier là-bas, je suis allé à l’Institut de cinéma cubain, il y avait une milicienne avec une kalachnikov qui montait la garde et je lui ai dit : « Voilà ce qui se passe, le communisme je n’en ai rien à foutre, les flics partout, ça me gave, mais si j’avais la chance de pouvoir être pris sur un film pour porter des cafés, de l’eau, ça serait un bonheur ». Elle m’a dit : « Rentre à ton hôtel, ça ne m’étonnerait pas qu’on t’appelle. » Système cubain. Dix heures du soir, coup de fil. Le lendemain, je me retrouvais sur un tournage en pleine campagne, dans un petit village comme Les Piards. Le film s'appelait Les Aventures de Juan Quin Quin [une comédie de Julio Garcia Espinosa, sorti en 1967, qui a connu un gros succès populaire, N.D.L.R.]. C’était donc ta toute première expérience dans le cinéma. Exactement. Et en rentrant à Paris, j’ai écrit à tout le monde. J’ai fini par décrocher un stage grâce à Élisabeth Rappeneau que j’ai rencontrée le soir d’un concert de Jimmy Hendrix. Ce concert, je n’en suis toujours pas revenu, il m’a rendu complètement marteau. Et donc, j’ai atterri sur La Chamade d’Alain Cavalier, avec Deneuve et Piccoli. J’ai expliqué à Cavalier que je n’avais aucune expérience, mais il a voulu essayer quand même. Là je me suis dit, il faut que personne ne se rende compte que je n’ai jamais travaillé. Et personne n’a deviné. Ensuite, tu as enchaîné les films comme assistant-réalisateur… C’est ça. Je m’étais bien entendu avec Deneuve, alors elle a parlé de moi à Truffaut, qui m’a engagé sur La Sirène du Mississipi. J’ai fait sept films avec Truffaut comme assistant. Et c’est grâce à lui que je suis devenu acteur. Il m’a donné un petit rôle dans L’Enfant sauvage. Puis il y a eu La Nuit américaine. Là, c’était le principe, puisqu’il a pris toute l’équipe technique pour jouer. Un jour, il m’a proposé un premier rôle, c’était L’Argent de poche. Il m’a dit : « Ce sont mes petits souvenirs d’enfance, le film ne fera pas une vague… » Alors qu’il passe en boucle au Japon, aujourd’hui encore. Avant le tournage, j’en ai parlé avec le gros Gégé [Depardieu], que je connaissais déjà, et il m’a dit : « C’est une histoire avec des gamins, ça ? Eh ben, essaie de les intéresser. Oublie ta gueule. Ne pense pas à toi. Parce que ce sont eux qui comptent. » Il m’a dit aussi autre chose, dont je me suis toujours souvenu et qui me sert à chaque film : « Tu vas voir, avant la prise, la Truffe va te dire ça, untel va te dire ça, et toi tu dis “oui, oui, d’accord”, tu dis toujours d’accord. Et puis, quand il y a le clap, bah, tu fais ce que tu veux. » Après L’Argent de poche, tu as joué pour Techiné, Yves Boisset et même John Huston, sur le film À nous la victoire, dans lequel on retrouve au casting Sylvester Stallone, Michael Caine et le footballeur Pelé. Pelé, adorable. Le mec te disait bonjour tous les jours. Mais Stallone, un gros con, vraiment un gros con. Non mais, c’est vrai. Un jour, on devait tourner une scène dans une cuisine. Je devais aller chercher Stallone et, d’un seul coup, je l’ai vu qui sortait. Le type a ouvert la porte du studio, il a rejoint la Mercedes, il s’est taillé. On était à Budapest. L’autre, il était parti s’acheter des pompes à Londres, t’imagines ? Je regrette

Pelé, adorable. Le mec te disait bonjour tous les jours. Mais Stallone, un gros con, vraiment un gros con. Non mais, c’est vrai. Alors, l’acteur, le personnage, Rocky, Rambo, formidable, tout ce qu’on veut, mais humainement. encore de ne pas lui avoir foutu un coup de pied au cul magistral. Le mec, il était toujours avec ses lunettes noires, derrière ses deux gardes du corps. Moi je mangeais des tartines de fromage avec Pelé et Ardiles. Pelé, il signait des autographes à tour de bras. Il partait aux toilettes, on lui glissait un papier sous la porte. Ça ne s’arrêtait jamais. Les gens s’intéressaient beaucoup plus à Pelé qu’à Stallone. Et puis, un matin, qu’estce que je vois ? Pelé avait dédicacé une centaine de ballons de foot. Et Stallone qui remplit le coffre de sa bagnole avec tous les ballons. Il a piqué les ballons, ce gros naze. Alors, l’acteur, le personnage, Rocky, Rambo, formidable, tout ce qu’on veut, mais humainement… C’est en 1978 que tu as réalisé ton premier film, Passe montagne. Comment tu t’es lancé dans cette aventure ? Pendant la préparation des Deux Anglaises et le Ü

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Jean-François Stévenin se rappelle qu'à sa sortie, son film Passe Montagne n'avait pas été apprécié des Jurassiens. Aujourd'hui, l'œuvre est culte pour les cinéphiles.

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Pierric Bailly admire l'acteur né à Lons-le-Saunier. Il sait tout de lui. Les souvenirs s'enchaînent : Deneuve, Truffaut, Depardieu, Stallone, Hallyday...


On a tourné la moitié du film à La Frasnée. Tous les jours, on allait manger des truites au bleu au restaurant, au pied de la cascade.

sible, je ne suis pas comédien. » Trois semaines plus tard, il partait tourner pour Spielberg Rencontres du 3e type. Bon, d’accord, ce n’est pas la même chose. J’avais proposé le rôle à Pialat, aussi. Finalement je l’ai joué moi-même. J’avais dit à Villeret : « Là, je prends une énorme responsabilité. En plus, c’est moi qui fais le film, je t’en prie, si tu sens que je ne suis pas bon, faut me le dire, c’est important. » Une fois, j’ai vu Brando mauvais dans un film. S’il avait des acteurs mauvais en face de lui, Brando était mauvais. Alors j’avais demandé à Jacques de m’aider. Mais Villeret m’a répondu : « Ah, non, t’as voulu le faire, bah, faut le faire, tu te débrouilles. » Il ne m’a jamais rien dit. On n’a jamais parlé du film avec Jacques, jamais. Il m’a dit : « J’ai accepté le film à cause du début. Il y a un jour, on a fait çi, on a fait ça, on a juste envie de s’arrêter au bord de la route, pour respirer, pour voir, c’est tout. » Je ne sais même pas s’il a lu le scénario. Est-ce qu’on peut dire que le personnage principal du film, c’est la forêt ? Oui, totalement. Ce n’est pas un simple décor. Le paysage joue un rôle. Je plaçais les types dans l’image. Je disais : lui, il faut qu’il soit de profil sur la falaise. J’essayais de mettre les bonnes personnes aux bons endroits. Après, je les laissais vivre. Ils venaient avec leurs répliques, leur façon de parler. Fallait que ça soit spontané. Faut savoir capter ça. Quand le Kaempf il arrive, avec son œil de travers, je le guide à peine, il vient, il balance sa question, il s’en va, impeccable. Kaempf, c’était mon voisin. Sa mère habitait en face de chez moi, à La Frasnée. Sans blague.

continent de Truffaut [lire Numéro 39 n° 3], il manquait un décor, qui devait être un lac de montagne. Truffaut m’a demandé de faire des repérages. Je viens dans le Jura, je vois le lac d’Ilay. À l’époque, j’avais les cheveux longs, blouson de cuir, j’ai rencontré une vieille dame qui m’a emmené dans sa barque au milieu du lac, sur l’île. Il y avait du brouillard. J’ai fait des polaroïds. Quand Truffaut les a reçus, il a dit : c’est là. J’ai préparé le décor pendant trois semaines. Mais moi, le Haut-Jura, je ne connaissais pas bien, j’accompagnais mon père quand j’étais petit, mais je ne connaissais pas les gens. Et là, j’ai rencontré des bûcherons, des pêcheurs, des paysans, des hôteliers. J’ai fait la connaissance du père Piot, propriétaire du lac de l’Abbaye. Puis on a tourné ce film. Le temps passe. Et un jour, beaucoup plus tard, quand j’ai eu l’idée de réaliser mon propre film, je me suis dit : ben voilà, je vais le faire avec eux. Tu fais donc tourner les gens du coin, des « vrais Jurassiens », pourrait-on dire. J’avais été marqué par La Nuit américaine, et je me suis dit, je vais faire pareil, prendre les gens sur place. Ça n’a pas aidé pour trouver les financements. Au premier passage à l’avance sur recettes, Jacques Deray avait demandé : « Est-ce que ce seront les bûcherons qui tiendront la caméra ? » Il y a tout de même deux acteurs professionnels, toi et Jacques Villeret. J’avais proposé à Truffaut d’interpréter le rôle que j’ai finalement joué, il m’avait dit : « Vous savez, cela m’est impos-

Il s’est tué en bagnole peu de temps après le tournage. Un de ses frères était champion du monde de bras de fer. On a tourné la moitié du film à La Frasnée. Tous les jours, on allait manger des truites au bleu au restaurant, au pied de la cascade. C’est à cette époque que j’ai connu Claire, ma femme. Elle m’empêchait de dormir. On rentrait à quatre heures du matin, on faisait l’amour et quand je m’endormais enfin, j’entendais les mecs qui se levaient et qui allaient prendre le repas de midi. Moi j’avais la journée à faire. J’avais dormi deux heures. L’autre, elle n’en avait rien à foutre. Est-ce que le Jura de Passe montagne existe toujours, aujourd’hui ? Ah oui ! Certains disent que c’était mieux avant, il y avait le Casino des Chauvins, il y avait tout ça, mais il y a des mecs super, de partout. Je me souviens d’être allé au-dessus de Mouthe chez un mec qui fait des fondues jusqu’à une heure du matin. Il y a des gars formidables de partout, ce n’est pas que dans Passe montagne. Comment tu découvres le Casino des Chauvins ? Quand je suis venu pour écrire Passe montagne, on a passé trois semaines à essayer d’écrire un scénario avec un copain. On dormait au petit hôtel à Chaux-des-Prés et on n’arrivait à rien. On sortait sans arrêt. Un jour, on a planté un 4X4 dans la boue. Puis on est rentré à Paris. On n’avait rien écrit. Un jour, j’ai compris, j’ai dit, je vais mettre mot pour mot tout Ü

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ce qui nous est arrivé : On est là, on mange un truc, on va au Casino des Chauvins. On ne veut pas aller se coucher, l’aube se lève. Tel quel. J’ai écrit le film en deux jours.

Il y a un truc que je reproche à Obama. Quand il a chopé Ben Laden, il a appelé ça l’opération Geronimo, du nom du grand chef apache. Ça, ça m’a vachement déçu.

Tous les gens qui ont vu le film se souviennent de cette scène incroyable où Raymond Benoît fait chanter son chien… Raymond, c’était assez extraordinaire. Aucune direction d’acteur, pas de scénario, et ce qui m’a sidéré c’est qu’il n’y a pas une seule fois où il regarde la caméra. J’ai revu les rushs, pas un seul regard caméra. Villeret, avec ses beaux yeux bleus de kabyle, il se penche sur lui, il se niche comme un gros chien, et Raymond lui dit : « Ah, il est joli quand il est bien peigné… » Et le Villeret ne bouge pas. D’un seul coup Raymond chope son chien, il le caresse, le chien se met à chan ter : houhou…

Aujourd’hui, tu partages ta vie entre Paris et le Jura… On a fait rénover la maison récemment, je vais passer de plus en plus de temps ici. À Paris, j’ai un petit appart dans le XVIIIe, porte de la Chapelle. J’ai aussi une péniche à Meudon, que j’essaie de vendre. C’est un bordel… Comme on dit, une péniche, le plus beau jour, c’est quand tu l’achètes, et le deuxième plus beau jour c’est quand t’arrives à la revendre.

Quelle a été la réception du film par les Jurassiens, à l’époque ? Très mauvaise. On est des ivrognes, personne ne comprend ce qu’on dit, on parle une espèce de dialecte… Alors je leur ai dit : les gars, j’ai fait une tournée aux États-Unis avec le film, je suis arrivé à Portland, Oregon, on a diffusé le film sans sous-titres, les mecs pleuraient à la fin. Ils me disaient : « Mais c’est chez nous, ça. T’aurais pu tourner ici. Les sapins, les tracteurs, les grumiers… Les enterrements de vie de garçon, c’est tout pareil. » Je me suis dit, à 12 000 km, ils ont adoré, vous n'aimez pas, bah tant pis. John Boorman, le réalisateur de Délivrance, m’a écrit une lettre formidable, très détaillée. Il parlait de la rugosité âpre du son. Il parlait du mixage. Ça finissait comme ça : « Vous et moi avons en commun de nous sentir un peu étrangers sur cette Terre qui est pourtant la nôtre. » J’avais cette lettre dans ma poche. Je me disais, si je me fais éreinter par la critique, je sors ça. Aujourd’hui, c’est différent. Le film est culte chez les cinéphiles. On a fait une projection à Lons il y a deux ans, il y avait un peu de monde. Dans le film, ton personnage construit un oiseau en bois, qui est installé au sommet d’une falaise à La Frasnée. Qu’est-ce que tu en as fait, de cet oiseau ? Justement, ça, c’est un grand mystère. Un jour, le maire m’a dit que ça pourrait être dangereux de le laisser, alors on y est allés, et il n’y avait plus rien. Il a été démonté proprement, parce qu’on n’a pas retrouvé un bout de verre par terre. Il mesurait quarante mètres de large. Il n’a pas été massacré. Il est quelque part. J’ai longtemps espéré qu’un jour un mec me dise, bah c’est moi qui l’ai… Bizarre… Il est dans le film, mais là, aujourd’hui, il est quelque part… Passe montagne est dédié aux Indiens, mais c’est qui, pour toi, les Indiens ? C’est une façon d’appeler les Jurassiens, ou c’est les Indiens d’Amérique ? Ah non, c’est les Indiens d’Amérique. Ça, c’est mon grand truc. Je n’en reviens toujours pas. Un génocide réussi. Ça ne passe pas, ça. C’était avant-hier. La Winchester, l’alcool, les couvertures infestées de malaria. Les mômes, les femmes, ils ont massacré tout le monde. Quand j’ai tourné Les Chiens de guerre, un film avec Christopher Walken, on descendait les canyons, tout ça, j’avais dit à un copain : « Mais attends, il n’y a plus d’Indiens. » Il m’avait répondu : « Bah oui. T’es vraiment un Parisien, toi… »

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Meudon, c’est aussi chez Céline, dont tu as longtemps nourri le rêve d’adapter le roman Nord. Ah oui, Nord. Il y a tout dedans. Dérision, absurdité totale. Magnifiquement écrit. J’ai eu une grande amitié avec sa femme, Lucette, que j’ai rencontrée grâce à Marc-Édouard Nabe et Jacky Berroyer. La première fois, on s’est pointé avec un couscous. Je me suis dit, ça va être marrant, je vais apporter un couscous chez Céline, pour pas arriver avec une bouteille de vin, quoi. Couscous, gamelle, tout, on arrive devant le portail, 25 ter, route des Gardes. Les chiens qui déboulent… On Ü

Il y a un truc que je reproche à Obama. Quand il a chopé Ben Laden, il a appelé ça l’opération Geronimo, du nom du grand chef apache. Ça, ça m’a vachement déçu.


APPRÉCIÉ DEPUIS 900 ANS.

PROTÉGÉ DEPUIS 20 ANS PAR L’AOP. GRUYERE.COM/AOP

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Jean-François Stévenin partage son temps entre le Jura, un appartement parisien, porte de la Chapelle. Il a aussi une péniche à Meudon.

rentre dans la maison, le couscous fait un tabac, tout le monde se met à la préparation… On est plusieurs. Serge Perrault, le danseur, me dit : « Bah, tu vois, Céline il est mort sur la table, là… » On mange par terre, sur des coussins… D’un seul coup, Lucette me lance : « Pourquoi Nord, Stévenin ? » Moi j’explique un peu… Et à la fin de la soirée : « Qu’est-ce que vous faites mercredi, mon petit ? Vous avez qu’à revenir… » Ça a duré dix ans comme ça. Elle est venue dans le Jura, je l’ai fait marcher sur le lac gelé. Elle vient de disparaître, à 107 ans. La question qu’on t’a le plus posée ces vingt dernières années : à quand un nouveau film de Stévenin ? Je traîne un vieux projet qui s’appelle : Une fée dans le

Je peux tourner demain avec De Niro, ça ne va pas m'impressionner. 40 numéro

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rétro. Un tournage sur deux ans. Été, hiver. France, Allemagne. Il y a des bouts de Nord, en me disant que c’est inadaptable, et moi j’ai écrit des trucs à la place de Céline. Mais même si j’avais le pognon… Tu vois, j’ai 76 ans… Non, je n’aurais plus la force. Stop. Je préfère me balader. Et jouer, alors là, sans limite. Moi qui suis maladroit dans la vie, je suis super adroit dès qu’il y a une caméra. Tu as donc réalisé trois films. Mais est-ce que tu sais dans combien de films tu as joué ? Cent soixante-dix, il paraît. Téléfilms compris. Et je me souviens de tout. Des pires comme des meilleurs. Des souvenirs très précis à propos de chaque projet : où était la script, où était la caméra… J’ai tourné quelques conneries... oui, mais je suis tombé aussi sur des Laetitia Masson, des Xavier Giannoli, des Christophe Gans. Le Pacte des loups, excellent souvenir. Tous les matins, c’était une joie de revenir sur le plateau, pour tout le monde, toute l’équipe. Avec Giannoli, je viens de tourner un film formidable, qui va sortir à l’automne, Illusions perdues, d’après Balzac. Depuis le premier jour, je suis sûr qu’il va être nominé aux Oscars. Deux cents figurants par jour, des calèches, des effets spéciaux, de la fumée, etc. Il a réussi à faire tenir tout ça en 2 h 30. Je viens de tourner aussi avec Édouard Baer, un film qui va taper très fort, avec Poelvoorde, Arditi, Berroyer, Prévost. Avant ça, de 64 à 74 ans, on m’a très peu appelé. J’ai eu plein de maladies, mais personne n’était au courant. C’est Giannoli qui m’a redonné la confiance. Je peux tourner demain avec De Niro, ça ne va pas m’impressionner.


Le Jura

COMMUNIQUÉ

Nicolas Gascard/JuraTourisme

au naturel

Vélo Rando Balade Découvertes

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COMMUNIQUÉ

Le Jura à vélo

Un incontournable de votre été Quel que soit votre niveau, le Jura vous surprendra à chaque coup de pédale par la variété de ses paysages et la beauté de ses parcours vélo. Une offre d’itinéraires à faire aussi bien à vélo électrique (VAE) qu’à vélo musculaire ! Le Jura à Vélo, c’est la promesse de vivre de petites et de grandes aventures, le nez au vent, à la rencontre des Jurassiens, à la découverte des savoir-faire locaux et des produits régionaux tout en évoluant autour des plus beaux sites du Jura !

Véloroutes et voies vertes du Jura

Le département du Jura s’est lancé depuis quelques années dans une politique vélo ambitieuse ayant permis la réalisation de 150 km de véloroutes et voies vertes principalement en site propre. Six itinéraires cyclables, accessibles à tous, sont ainsi réalisés ou en cours de réalisation, soit autant d’expériences vélo à vivre pour quelques heures ou quelques jours…

Maison natale de Louis Pasteur à Dole

Maison de la Vache Qui Rit à Lons-le-Saunier

La maison qui a vu naître Louis Pasteur à Dole représente le point de départ de l’incroyable destinée du plus célèbre des savants français.

La célèbre vache rouge fête cette année ses 100 ans, de nombreuses animations sont organisées pour l’occasion.

terredelouispasteur.fr

lamaisondelavachequirit.com

Jura Tourisme

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À voir le long de la Véloroute

Jura Tourisme

h L’EuroVelo 6 (Atlantique – Mer Noire) qui chemine autour de Dole et tout au long de la vallée du Doubs, h La Voie des Salines qui relie les Salines (classées Unesco) de Salins-les-Bains et d’Arc-et-Senans, h La Voie PLM (ancienne voie ferrée de la société Paris-Lyon-Méditerranée) qui monte sur le plateau depuis Lons-le-Saunier pour rejoindre Champagnole en passant par le lac de Chalain, h La Voie Bressane entre Lons-le-Saunier et Chalonsur-Saône permettant de rejoindre le réseau de la Bourgogne à vélo, h La Voie de la Bresse Jurassienne qui reliera à terme Lons-le-Saunier et Dole. h La Voie Grévy entre Dole et Mont-sous-Vaudrey qui sera inaugurée en septembre 2021


Le Cartoguide vélo pour toujours retrouver sa route !

BOUCLE 7

Lajoux - Les Molunes P Départ de Lajoux 21,1 km – 252 m D+ - facile (vert)

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Une petite boucle familiale de 21 km, accessible à tous dans les Hautes Combes, au pied des Monts-Jura. Le circuit paresse entre les combes où s'égrènent de vieilles fermes typiques, bardées de tavaillons. De vastes étendues d'herbe rase, des biefs, des pessières, des troupeaux de montbéliardes et une vue incroyable sur la chaîne des Monts-Jura à portée de main. Tout un programme…

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museedelabbaye.fr

Vincent Edwell/JuraTourisme

Jura Tourisme

À voir à proximité

Musée de l'Abbaye à Saint-Claude

Il s’agit d’une carte au 100 000e de l’ensemble des parcours et infrastructures vélo du Jura comprenant 150 km de véloroutes et voies vertes, 26 boucles locales, 11 ascensions, 3 grands itinéraires, la matérialisation des services utiles aux cyclistes et des sites touristiques incontournables… Un incontournable pour les cyclistes jurassiens !

Maison du Parc à Lajoux

w 6 euros Disponible dans les Offices de Tourisme ou en ligne sur www.jura-tourism.com / rubrique l'essentiel du Jura

parc-haut-jura.fr

BOUCLE 17

Vallée du Suran

En balade près de La-Tour-du-Meix.

P Départ de Saint-Julien

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Ce petit parcours labélisé Vélo & Fromages depuis 2019, à faire en famille, permet de suivre le ruisseau du Suran, au cœur de la Petite Montagne Jurassienne. Une région pleine de surprises ponctuée de fruitières à Comté, fermes et dégustations des fromages emblématiques du Jura (Comté, Morbier, Bleu du Haut-Jura…)

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22,7 km – 301 m D+ - Facile (vert)

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Abbaye de Gigny

Stéphane Godin/Jura Tourisme

lacaborde-jura.fr

Jura Tourisme

Aire Viticulturelle de la Caborde à Orbagna

Jura Tourisme

À voir à proximité


COMMUNIQUÉ

Jura, la randonnée Une seconde nature

Le charme du Jura c’est d’abord sa nature, préservée, diversifiée, généreuse… Quel meilleur moyen que la randonnée pédestre pour le découvrir ? Partez, chaussures aux pieds, sur près de 5 000 km de sentiers balisés, accessibles gratuitement. Quelles que soient vos envies : balade de quelques heures, petite randonnée à la journée (PR) ou grande randonnée (GR® et GRP®), vous trouverez toujours un chemin pour vous emmener vers de nouveaux horizons.

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Plus de parcours, liste des accompagnateurs et informations balisage sur jura-tourism.com/ vivre le Jura/Pratiquer

Vues sur les Alpes lors d'une étape de l'Échappée jurassienne.

Les cartoguides du Jura, le compagnon idéal pour vos balades Une carte papier incontournable qui répertorie l’ensemble des parcours de randonnée à faire à pied, à VTT, à cheval ou même en trail sur une carte au 25 000e (base IGN) sur une partie du Jura. Particulièrement pratique, il indique aux randonneurs tous les services utiles et

permet de réaliser ses randonnées « à la carte » autour des plus beaux sites du Jura ! Belvédères, lacs, cascades, villages pittoresques, forêts séculaires… Le Jura n’aura plus de secret pour vous ou presque

w5 à 7 euros 13 cartoguides disponibles en Offices de Tourisme ou en ligne sur www.jura-tourism.com / rubrique l’essentiel du Jura Benjamin Becker/Jura Tourisme

Dans le Jura, les randonneurs itinérants ne sont pas en reste avec l’Échappée Jurassienne permettant de partir à la découverte d’une terre d’exception, ou avec la Grande Traversée du Jura qui vous mènera à l’assaut des Montagnes du Jura à deux pas de la Suisse voisine…


IDÉE 1

Le pic d'Oliferne Vue du lac de Coiselet depuis le château d'Oliferne

P Départ de Boutavant 8 km – 260m D+ - facile (bleu)

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Une randonnée relativement facile sur les traces du château d'Oliferne, construit au XIIIe siècle, 500 m au-dessus de la vallée de l'Ain. Aujourd’hui en ruine, le pic sur lequel le château reposait offre un panorama incroyable sur le Lac de Coiselet et toute la vallée de l’Ain. À ne pas manquer !

Jura Tourisme

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atelierdessavoirfaire.fr

musee-du-jouet.com

Le barrage de Vouglans.

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Musée du Jouet de Moirans-en-Montagne

Vincent Edwell/JuraTourisme

Atelier des Savoirfaire de Ravilloles

Jura Tourisme

À voir à proximité

IDÉE 2

Salins-les-Bains et le Mont Poupet P Départ de Salins-les-Bains

Salins-les-Bains depuis le belvédère du Mont Poupet

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15.5 km – 680 m D+ - Difficile (noir)

Jura Tourisme

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Ce parcours un peu sportif propose une ascension du célèbre Mont Poupet (850 m) offrant une vue imprenable sur le relief jurassien, la vallée de la Loue et de la Furieuse. Une randonnée idéale pour découvrir la région de Salins-les-Bains, son histoire, son relief et ses espaces naturels et sauvages.

salinesdesalins.com

Thermes de Salins-les-Bains

thermes-salins.com

Maison du Comté à Poligny

Stéphane Godin/Jura Tourisme

NOUVEAU

Thermes de Salins

Grande Saline de Salins-les-Bains (UNESCO)

Stéphane Godin/Jura Tourisme

À voir à proximité

maison-du-comte.com


Jura Itinéraires

Les GUERRIÈRES jurassiennes de l'Aquarius Mathilde, Daphné, Émilie et Sabine au secours des migrants Bien sûr, elles ont toutes des liens très forts avec le Jura, mais c’est avec l’Aquarius, bateau symbole du sauvetage des migrants en Méditerranée qu’elles ont uni leurs destins. Journaliste, chanteuse, bénévole ou responsable de l’événementiel… toutes ces Jurassiennes ont choisi l’aide humanitaire. Rencontres avec des gens ordinaires plongés dans l’extraordinaire. Ü

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b SOS MÉDITERRANÉE

Samedi 27 janvier 2018, l'Aquarius sauve 83 migrants lors d’une opération en Méditerranée, mais deux femmes décèdent et « de nombreuses personnes sont portées disparues et présumées noyées ».

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Du Vatican à l'Aquarius Il est des itinéraires de vie étranges. Celui de Mathilde commence dans la ferme familiale de Saint-Maur, petit village perché au-dessus de Lons et se termine une quinzaine d’années plus tard, dans le village de Macornay, plus bas au pied du Revermont. À peine la distance d’une balade à pied. Et pourtant… Ü

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b ANTHONY JEAN/SOS MÉDITERRANÉE

b COLLECTION PERSONNELLE

Mathilde AUVILLAIN


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Avant de s'engager dans l'humanitaire, Mathide Auvillain a été journaliste.

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on ne l’imagine pas sac au pied, toujours partante pour le scoop. Plutôt l’inverse. On perçoit une réserve, une pudeur, une recherche du mot juste. Du parler vrai : « journaliste, c’est un état d’esprit, une façon de regarder les choses, de voir plus loin. En ce sens, je reste journaliste, mais je ne vois pas où je pourrais désormais exercer ma profession pour que je m’épanouisse. J’ai un peu bifurqué. J’ai voulu passer à l’action, je me suis tournée davantage vers la communication pour des ONG. Quand on a fait ce choix, je crois qu’il est difficile de revenir en arrière. Je suis passée de l’autre côté. » Il est des itinéraires de vie étranges. Celui Et pourtant, le journalisme, c’était de Mathilde commence dans la ferme familiale son rêve. Elle a tout donné pour en faire son métier au plus haut niveau, ou de Saint-Maur, petit village perché au-dessus presque. C’est d’ailleurs sur le chemin de Lons et se termine une quinzaine d’années sinueux des hauts diplômes qu’elle a pris plus tard, dans le village de Macornay, plus bas pour la première fois conscience de son ancrage rural : « Mes parents ont repris au pied du Revermont. À peine la distance une ferme laitière à Saint-Maur, on habid’une balade à pied. Et pourtant… Ü tait au-dessus de l’école, j’ai grandi au Ü

Mathilde Auvillain à bord de l'Aquarius, le navire de l'association SOS Méditerranée qui a secouru 30 000 migrants, avant d'être immobilisé et remplacé en juillet 2019 par un nouveau navire, l'Ocean Viking.

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b COLLECTION PERSONNELLE

IL Y A EU LONDRES, BRUXELLES, PARIS, ROME, CATANE ET SURTOUT L’AQUARIUS, le bateau mythique de SOS Méditerranée… Autant d’escales qui ont jalonné la vie de Mathilde Auvillain, Jurassienne aux rêves de grand journalisme, de voyages et de rencontres. Elle est là, assise sur le canapé, presque étonnée… On la croirait sage, mais peut-on parler véritablement de sagesse ? Plutôt de sagacité. À 38 ans, elle n’a rien d’une baroudeuse,


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milieu des bottes de foin carrées, des petits veaux. Je n’ai jamais vécu en ville, on était des ruraux, des crotteux et c’était dur à porter quand il a fallu choisir ma vie. Mon père est devenu journaliste à Voix du Jura, je le suivais, je voyais les clavistes, j’étais presque en stage et, en seconde, j’ai voulu en faire mon métier, mais pas pour lui faire plaisir. Je voulais faire les grandes écoles, mais il faut passer des concours et entrer en compétition avec des urbains préparés sociologiquement. Quand j’ai préparé khâgne à Dijon, j’ai compris que ce système très élitiste était réservé à une certaine partie de la population. »

L’AQUARIUS, UN SYMBOLE Laissons de côté les dix années de journalisme pour le bateau orange de SOS Méditerranée, symbole de l’aide aux migrants. La rencontre a lieu à l’automne 2016. C’est un choc alors que Mathilde Auvillain a décidé de se poser quelque temps en Sicile après de sinueuses pérégrinations médiatiques. À ce moment-là, dans sa tête, est-elle encore journaliste ? Sans

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b SOS MÉDITERRANÉE

Mathilde Auvillain à bord de l'Aquarius.

doute pas. En pleine réflexion, elle vient de coécrire un premier livre, Visages de la crise, une série de portraits d’Européens du Sud, « pauvres et fainéants. » Elle a vécu Lampédusa, le déshonneur de l’Union européenne qui abandonne les migrants à leur sort. Elle ne veut plus regarder, elle veut agir : « J’ai décroché un CDD de chargée de communication. Mon rôle était de faire en sorte que tout ce qui se passait à bord et avec l’Aquarius soit dit à l’extérieur. Plus qu’un job, c'était un engagement où je pouvais mettre au service de ces gens tout ce que je savais faire après dix ans d’expérience à Rome et dans les médias internationaux. » La première mission dure six mois. Des centaines de vies sauvées, mais des morts aussi. Beaucoup de morts. Une aventure humaine qu’elle fera connaître au monde entier. Après cet épisode, alors qu’elle s’apprête à rentrer en France, l’association lui propose un emploi en CDI. Évidemment, elle accepte : « C’était artisanal, une équipe de cinq ou six personnes liées par des valeurs très simples, mais l’Aquarius avait atteint un tel degré de visibilité qu’on a commencé à être


ÊTRE LÀ OÙ ÇA SE PASSE 2018, année très forte. À Agrigente, Mathilde Auvillain donne naissance à la petite Nuhr. Avec son mari Hassan, elle revient alors dans le Jura : « Ma famille, c’est ici. C’est stable, j’y ai mes racines. » Mais quelques mois plus tard, Médecins Sans Frontières la contacte pour une mission de six mois à Tunis pour gérer la communication de la mission humanitaire auprès des migrants enfermés dans les centres de détention en Libye. Démission de SOS Méditerranée et départ avec un bébé de six mois. La jeune mère y reste presque un an : « Ce n’était pas aussi simple que je le pensais, je n’ai pas pu aller en Libye et quand j’ai été sur le point d'obtenir un visa, il y a eu la pan-

b SOS MÉDITERRANÉE

En 2018, les marins de l'Aquarius au secours de naufragés en mer Méditerranée.

démie. Je suis restée confinée à Tunis, Hassan était à Marseille. On a pu rentrer en France en juin 2020 et on s’est posés dans une petite maison à Macornay. » Et avant ? Retour sur une belle expérience journalistique. Mathilde Auvillain a échoué aux concours de Sciences Po, mais son rêve est intact : devenir correspondante pour France Info à Bruxelles. Elle a vingt ans et part pour la faculté de Lyon, elle en sort avec une maîtrise de sciences politiques. Son stage, elle le fait à RCF (Radios Chrétiennes en France) sur la colline de Fourvières. Premier job en contact permanent avec Radio Vatican, la « maison mère ». Son niveau d’anglais est insuffisant ? Elle va passer neuf mois à Essex, « un campus des années 1960, loin de Londres, au fond de nulle part ». Ensuite, petit bond à Bruxelles pour un DESS de journaliste européen avec un stage qui l’amène six mois à Paris : « J’avais un copain là-bas, mais je n’ai jamais beaucoup aimé cette ville, j’avais pris goût à l’étranger… » Après, tout va très vite. Un poste se libère à Radio Vatican. La Jurassienne connaît la rédactrice en chef, Ü

Après des années à raconter la marche du monde, la Jurassienne est passée à l'action.

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b ANDREA/MATHILDE/MAX FERRY/SOS MÉDITERRANÉE/MSF

instrumentalisés. J’ai pu voir le cynisme de la politique, des médias, des ONG et du public. En juin 2018, Matteo Salvini, alors Premier ministre italien, a fermé les ports, l’Aquarius a été détourné sur Valence par des bateaux militaires. J’étais à saturation, j’habitais la Sicile et j’ai pu voir monter la bête noire du racisme, de la xénophobie, de l’extrême droite. »


Émilie Satt

UNE CHANSON POUR MERCY

Dans le Jura, le refuge d'Émilie Satt, chanteuse du duo « Madame, Monsieur », est à Saint-Maurice-Crillat.

Ancrée par sa famille et ses racines dans le Jura, Émilie Satt, la chanteuse du duo Madame, Monsieur a écrit la chanson Mercy à l’occasion de la naissance de la petite fille nigériane sur le bateau Aquarius en 2017. Cette chanson a représenté la France à l’Eurovision. Ü

NUMÉRO 39 - Émilie Satt, qui êtes-vous ? ÉMILIE SATT - Je chante, écris et compose et je suis la moitié du duo « Madame Monsieur » avec mon mari Jean-Karl Lucas. Je suis également maman depuis peu. Nous vivions en région parisienne, mais le confinement a eu raison de notre vie citadine et nous avons déménagé pour plus de vert dans l’Oise. J’ai grandi principalement dans le sud de la France, à Vence. Et le Jura dans tout ça ? Mes arrière-grands-parents étaient Jurassiens et, même s’ils ne sont plus là, nous avons gardé depuis plusieurs générations comme un refuge leur maison à Saint-Maurice-Crillat. Elle réunit la famille et les amis, hors du monde et du temps. Elle est remplie de souvenirs ramenés de voyages par mes grands-parents, de photos de nos ancêtres et d’objets en formes de vaches. Un grand billard usé trône au milieu du dortoir et la cheminée tire hiver comme été. C’est notre télé locale. Quelle est votre relation avec ce village ? Tout petits, mon père et mon grand-père fréquentaient l’école du village, quand il y avait encore des cafés et des petits commerces. J’ai aussi une cousine et une petite-cousine qui sont toujours Jurassiennes. Cette maison de village est très chère à mon cœur puisqu’en plus de tous les souvenirs d’enfance, de Noël sans fin, de liberté dans la nature environnante et de pâtisserie avec ma grand-mère, nous nous sommes mariés à SaintMaurice il y a cinq ans, à la mairie et à l’église, entourés de tous nos amis. J’aimerais que rien ne change jamais dans cette maison. Est-ce une source d’inspiration ?

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Nous y allons dès que possible, même pour quelques jours, en toute saison. On y a nos habitudes, nos lacs préférés, celui de Bonlieu et de Vouglans, nos adresses fétiches, comme le restaurant La Fontaine à Clairvaux-les-lacs, brocante à La bifurcation… sans oublier l’incontournable fruitière à Comté de Saint-Maurice-Crillat et les cascades du Hérisson et de la Frasnée. Le Jura que j’aime est vrai, il sent bon et son paysage accidenté me donne toujours l’impression qu’un dinosaure va débarquer entre deux falaises ! C’est important pour vous ce retour aux sources ? Énormément ! Pour la petite histoire, nous avons tourné deux clips dans cet environnement magnifique, mon tout premier à la Frasnée* il y a maintenant treize ans et un plus récent** pour Madame Monsieur dans les hauteurs de Saint-Maurice. Deux versions totalement opposées du Jura qui illustrent bien toutes les facettes de sa nature ! Comment est née votre rencontre avec SOS Méditerranée et l’Aquarius ? Le 21 mars 2017, Jean-Karl et moi étions en studio à Paris pour écrire et enregistrer de nouvelles chansons. Au hasard de Twitter, je suis tombée sur une improbable nouvelle qui m’a coupé le souffle. Le

Cœurs abîmés, le nouveau single du duo « Monsieur Madame ».


proposé de candidater pour représenter la France, on a dit oui, mais avec cette chanson-là ! Et je dois dire honnêtement que nous avons été surpris de voir que les Français avaient choisi Mercy pour les représenter devant l’Europe et le monde, extrêmement touchés et quelque part, rassurés. La chanson a vécu sa vie et rempli sa mission. Nous avons touché le cœur des enfants du monde entier qui continuent de nous envoyer des messages et dessins, de mots de parents et de professeurs qui nous racontent que, grâce à cette chanson, ils peuvent aborder le thème de la migration d’une façon apaisée. Mercy est d’ailleurs depuis devenu un livre illustré pour enfants. Les bénéfices sont destinés à la petite fille et sa maman dont nous sommes proches depuis quatre ans maintenant.

b CHARLOTTE STEPPÉ

Que faites-vous aujourd’hui ? Vos projets ? Cœurs abîmés, notre nouveau single vient de sortir et, en 2020, nous avons fait un album de 25 chansons, Tandem, composé et interprété en duo avec des artistes qui nous sont chers : Jérémy Frérot, Christophe Willem, Youssoupha, Oxmo Puccino. La vie continue.

journaliste Gregory Leclerc de Nice Matin, alors en reportage à bord de l’Aquarius, venait de publier la photo d’une petite fille tout juste née, emmitouflée dans une serviette-éponge jaune et coiffée d’un minuscule bonnet de laine. La légende disait « Mercy est née sur l'Aquarius, à l'instant où nous entrions dans le port de Catane. » Quel symbole ! J’étais tellement bouleversée par ce message et toute la symbolique qu’il véhiculait que nous avons immédiatement décidé de raconter l’histoire de cette petite fille en chanson. Nous y parlons aussi beaucoup de la force de la fraternité qui anime les équipes de SOS Méditerranée et de l’équipage de l’Aquarius et de la volonté sans faille d’un parent à offrir à son enfant une vie loin de la violence. Pourquoi en faire une chanson ? Qu’attendiez-vous avec ce titre ? L’écriture de cette chanson a été pour nous spontanée, urgente. Elle est donc elle aussi née ce fameux 21 mars 2017. Nous n’attendions rien de cette chanson, si ce n’est une prise de conscience humaine et douce, à travers le miracle d’une naissance, de la réalité crue qui pousse une maman à tenter l’impossible pour l’avenir de son enfant. Une prise de conscience aussi du fait que chaque jour et chaque minute, embarqués sur l’Aquarius ou l'Ocean Viking aujourd’hui, des anonymes sauvent la vie de parfaits inconnus et rendent un peu de son honneur à l’humanité.

b PATRICK BAR

Et ce titre vous a propulsé jusqu’à l’Eurovision… L’Eurovision est arrivée plus tard et quand on nous a

Mercy, dans les bras de sa maman. Son histoire sera connue du monde entier grâce à la chanson la France numérode55 à39 l'Eurovision.


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Sa coque orange est connue dans le monde entier. L'Aquarius a été l’élément fort qui a déclenché l’engagement de Mathilde, de Sabine, de Daphné et d’Émilie dans l’aide aux migrants. De février 2016 à décembre 2018, ce bateau, affrété par l’ONG SOS Méditerranée, est devenu le symbole du sauvetage des migrants en mer. Surmédiatisé, il a été au cœur d’une énorme campagne politique, administrative et judiciaire, à tel point que l’association a préféré s’en séparer pour le remplacer, l’été suivant, par l’Ocean Viking, toujours en activité, même au ralenti. Si l’Aquarius a connu un tel succès, c’est parce qu’il a démontré qu’une mobilisation pouvait sauver les vies de ceux qui fuient leur pays. Tout a commencé le 3 octobre 2013 avec le naufrage aux abords de l’ile de Lampédusa, au sud de l’Italie, d’un chalutier transportant plus de 500 personnes. Bilan : 366 morts. L’émoi fut tel que le gouvernement italien engagea l’opération Mare Nostrum qui a permis de sauver 150 000 personnes en moins d’un an. Mais celle-ci fut stoppée en octobre 2014 à la suite de violentes critiques au sein de l’Union européenne. D’autres opérations – Triton, Thémis et Sophia – allaient prendre le relais en juin 2015, mais pas dans l’objectif d’aller au-devant des embarcations en détresse. L’obligation légale deÜ porter secours permit néanmoins de sauver 45 000 personnes de juin 2015 à mars 2019. Depuis, l’Europe a cessé ses activités navales en Haute Méditerranée. Pourtant, les naufrages se poursuivent dans les trois grandes zones de migration en partance des côtes marocaines, libyennes et turques. Entre 2014 et août 2019, plus de 18 000 personnes ont disparu en mer.

Aujourd'hui, Mathilde Auvillain poursuit son combat depuis le Jura où elle habite.

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b SUZANNE FRIEDEL/SOS MÉDITERRANÉE

elle postule et décroche la place avec un coup de pouce d'un évêque, ami de la famille. À Rome, à partir de juillet 2006, sa vie se transforme. Partie avec deux valises pour un CDD de deux ans, elle va en passer six : « J’étais dans la rédaction française, c’était une pépinière de jeunes journalistes et on était assez libres. J’ai appris le respect de la religion des autres et, en même temps, j’ai découvert l’institution qu’est l’Église catholique romaine avec tout ce que cela comporte de politique. » Mais l’actualité la rattrape, le séisme dans les Abruzzes en 2008 l’amène à travailler en free-lance pour les médias français à la recherche de correspondants : Radio France, RFI, BFM… En plus de son job au Vatican. Et puis, en 2010, sa maman décède à la suite d’une longue maladie : « Quelque chose a changé, je me suis demandé ce que je faisais là, c’était comme une invitation à vivre ma vie. J’avais fait le tour du monde poussiéreux du Vatican, j’ai démissionné en 2012 alors que je venais de signer mon premier CDI et j’ai pris le pari de vivre en free-lance ! » Initiative judicieuse. Six mois plus tard, en 2013, Benoît XVI démissionne, Mathilde multiplie les directs pour BFM et Radio France, c’est aussi la condamnation de Berlusconi et les naufrages des migrants à Lampedusa et, là, c’est le choc : Ü

L'Aquarius bateau de la vie


L’anniversaire de Chloé

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b LAURIN SCHMID/SOS MÉDITERRANÉE

Après l'Aquarius, Mathilde Auvillain a travaillé pour MSF. Aujourd'hui, elle assure la communication de « Demain », une entreprise solidaire.

Daphné Victor

LA COLÈRE AU QUOTIDIEN NUMÉRO 39 - Vous avez voué une grande partie de votre vie à la mémoire de votre père. Existe-t-il un lien entre lui et votre engagement dans le bénévolat à SOS Méditerranée ? DAPHNÉ VICTOR - Je suis “fille de”, mais pas que… Tout ce qui touche à la mémoire de mon père – le fonds de dotation, les projets, les conférences, les livres, etc. – constitue presque 90 % de mon activité et de mon temps, mais ma personnalité profonde prend le pas sur le côté “fille de”. En 2016, j’étais en train de dîner quand j’ai vu un reportage à la télévision sur les réfugiés mourant en Méditerranée et là, devant mon assiette, je me suis dit : « Si, en 1943, on avait vu à la télé les trains partant pour les camps de concentration en sachant comment ça finissait, qu’aurions-nous fait ? » Ce fut un choc, une prise de conscience, j’ai décidé de soutenir ce combat, comme donatrice d’abord, parce que c’était le plus simple.

Et vous avez voulu aller plus loin. Pourquoi ? Parce que donner, c’est bien, c'est très utile, mais je voulais aider de façon concrète. J’étais trop âgée pour partir en mer et, dans le cadre de mon travail autour de mon père, je suis souvent allée chercher de l’argent, je savais faire, j’aurais pu recommencer, mais je n’avais pas envie. Par contre, je travaille depuis longtemps sur ordinateur et, en 2019, quand j’ai fait la Course des Héros, j’ai rencontré Sabine Grenard (une autre Jurassienne) qui travaille à SOS Méditerranée. Dans une discussion, je lui ai demandé comment être utile concrètement, et c'est à la suite de cela que je suis devenue bénévole, avec ce que je sais faire et mon expérience.

Depuis cette époque vous gérez donc à distance les données de SOS ? Oui, mais je ne suis pas seule, on est toute une équipe. Je saisis chaque fin de mois les virements des donateurs Daphné Victor est la fille de Paul-Émile Victor, fondateur et patron des expéditions polaires françaises décédé en 1995. sur la base de données de l'association ; En 2016, elle a décidé de rejoindre SOS Méditerranée quand j'y trouve des doublons ou des manques, je les corrige. Ça correspond comme bénévole. Pas de campagne en mer, pas de contact direct bien à mon perfectionnisme… En plus, avec les migrants, mais la volonté d’apporter sa pierre c’est une manière d’éviter de gaspiller à l’édifice d’une cause juste. Ü

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ATTENTATS ET BATEAU ORANGE Retour en Italie et ultime CDD pour l’AFP. Elle décide de se poser en Sicile pour souffler, mais à Catane, la coque orange de l’Aquarius lui fait signe…. Elsa, son amie d’enfance, journaliste elle aussi, a toujours admiré son courage : « C’est une fille tout à l’écoute, très engagée et très curieuse des gens. Elle n’a jamais eu peur de prendre des risques et elle a tout quitté pour l’Aquarius, ce n’est pas courant dans notre métier », confie-t-elle. Mais aujourd’hui, dans son canapé, Mathilde Auvillain

de l’argent. Je ne suis donc pas une militante au sens physique du terme, mais c'est certain, je milite et j'en parle beaucoup autour de moi. Vous parlez d’une prise de conscience. Est-ce le seul moteur de votre engagement ? J’ai aussi pas mal de colère en moi parce qu'il y a des choses sur lesquelles on ne transige pas. Mon père disait : « Fais coller ta vie à tes idées, sinon tu risques de faire le contraire. » Nous avons des idées superbes en France, des idées qui valent le coup qu’on se batte pour elles. Je sais bien qu’il existe des peurs (sociales, politiques ou électoralistes), mais la situation est humainement catastrophique. Des gens se noient tous les jours et toutes les nuits en Méditerranée. L’urgence absolue, indiscutable, c’est de les sauver. C’est tout. Colère, mais pas résignation ? Je dirais plutôt : colère, mais pas impuissance ! J’en reviens à mon père, il détestait les «  aquoibonnistes  », c'est-à-dire tous ceux qui haussent les épaules en disant « à quoi bon ? ! ». La résignation est souvent une autre forme de la lâcheté. Je suis en colère contre l’Union européenne : quand on a un niveau économique tel que le nôtre, on ne peut pas faire si peu, on n’a pas le droit. Ce manque de courage ne passe pas, je suis vraiment en rage et je

est songeuse, elle vient de terminer une mission pour MSF sur le projet « recherche et sauvetage de migrants en Méditerranée » assurée en télétravail depuis son bureau à Macornay. Une occasion de faire le point : « J’ai eu un enfant, c’est un retour à la réalité. Ce que j’ai vécu sur l’Aquarius m’a beaucoup touché, ma vie était tellement intense qu’elle m’a échappé. Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas sauver le monde, il est possible de sacrifier beaucoup de choses, mais à un moment on est submergé. Ce n’est pas à moi de me sentir responsable de la vie de ces gens, ce serait plutôt aux États de le faire. » Aujourd’hui elle a décidé de poursuivre le combat depuis Lons-le-Saunier. Elle a intégré le groupe « Demain », une entreprise solidaire dont elle assure la communication : « C’est une aventure nouvelle en cohérence avec ce que j’ai fait avant, je suis en phase avec mes valeurs. » Pourtant, quelque chose au fond de son regard reste lointain : « Je suis inquiète, j’ai vu ce qui pousse les gens à migrer. Bientôt, les effets du réchauffement vont obliger des millions de gens à se déplacer. L’indifférence des États et des dirigeants par rapport à ces problèmes est très inquiétante. On a perdu beaucoup d’humanité. »

ne comprends pas. Je ne vois pas quoi faire d’autre que militer et me rendre un peu utile… sauf si, un jour, lors d'un événement officiel, j’arrive à alpaguer Emmanuel Macron… J’ai appris de mon père à rester indépendant vis-à-vis de tous les pouvoirs. Vous êtes inquiète pour l’avenir ? Comment ne pas l’être quand on voit les prétextes invoqués pour ne rien faire. Que la lâcheté et le confort soit érigés en règles nationales ou européennes, ça me fait bouillir. Les réfugiés, l’écologie sont des sujets d’une importance capitale, ils devraient être absolument prioritaires, « quoi qu'il en coûte ». Il faut être lucide sur la situation et sur soi : si l'on ne change pas de mentalité, avec lucidité et courage, alors les choses risquent de déraper très vite et très fort.

b TALOS BUCCELLATI

« Voir tous les politiques dire : plus jamais ça et ne rien faire. C’était trop ! » Crise ? Remise en question ? Saturation ? En tout cas, la Franc-Comtoise veut faire une pause. Retour en France et CDD à l’AFP pour gérer les réseaux sociaux. Mais l’actualité la rattrape encore une fois. Le 13 novembre 2015, elle prend en pleine tête les attentats à Paris : « En Italie, j’avais couvert des manifestations qui tournaient mal, le naufrage du Concordia, des tremblements de terre, mais là, c’était des scènes de guerre et on me demandait d’aller au bureau ! Je me suis demandé si je n’arrivais pas à la limite de ce que je pouvais endurer et donner pour ce métier. »

Vous ne ressentez pas la saturation dans ce combat incessant ? Non, je ne suis pas saturée  ! Pendant sept ans j’ai fait de l’alphabétisation, pendant trois ans j’ai été aux Restos du Cœur. Passer à autre chose, pourquoi pas ! De toute façon, il y a encore beaucoup à faire, partout et dans quelque domaine que ce soit, et il ne faut pas attendre. Il faut s'engager pour pouvoir, humainement, se regarder dans la glace sans baisser les yeux. La vie m’a appris qu’en cinq minutes on peut ne plus être là, alors je préfère vivre le présent le mieux possible.

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Sabine Grenard travaille pour SOS Méditerranée. Sa mission : promouvoir l'association et trouver des fonds pour financer les actions.


Sabine Grenard

PORTE-VOIX D'UNE TRAGÉDIE

B

Regard clair, posé, Sabine Grenard a vu sa vie basculer un jour de septembre 2015 quand elle a fait le choix de s’engager avec l’ONG SOS Méditerranée en offrant son expérience acquise pendant quinze ans dans le milieu artistique. Ü

BÉNÉVOLE DES PREMIÈRES HEURES, CETTE SANCLAUDIENNE ISSUE DE LA TRADITION PIPIÈRE, a aujourd’hui la responsabilité de l’événementiel à SOS Méditerranée au siège à Marseille. Pour faire court, Sabine Grenard a la charge de faire connaître l’association et de trouver des fonds pour financer les opérations de sauvetage en Méditerranée centrale. Pas simple par les temps qui courent. C’est en 2014, grâce à un copain de lycée du temps où elle était interne à Dole, que la jeune femme fait la connaissance de Sophie Beau, l’inspiratrice de SOS Méditerranée en France. En septembre, elle franchit le pas : « Je n’étais ni marin, ni humanitaire, mais une professionnelle de la culture avec l’évidence de devoir m’engager avec eux. Je leur ai proposé de mettre à disposition mon réseau et mon savoir-faire. C’était un acte citoyen. Face aux milliers de naufragés et à l'absence de réponse des États qui ont la responsabilité de les secourir, le projet de SOS Méditerranée était terriblement concret : se mobiliser pour financer un bateau citoyen et sauver des vies en mer. »

JE N’ÉTAIS PAS MARIN, PAS HUMANITAIRE…

Les médias vont faire le reste, personne n’a oublié le corps d'Aylan, cet enfant retrouvé mort le 2 septembre 2015 sur une plage turque, ballotté par les vagues : « Tout est parti très fort et très vite, surtout à Marseille où de nombreux bénévoles nous ont rejoints. Dès septembre, une campagne de financement participatif a été lancée et, en 45 jours, l’association a reçu 275 000 € de dons ». De là, l’espoir d’affréter un bateau de sauvetage se concrétise. Klaus Vogel, cofondateur de SOS Méditerranée en Allemagne, en déniche un répondant aux contraintes d’intervention. L’Aquarius entre dans le port de Marseille le 17 février 2016 pour accueillir les équipes et lancer la première campagne de sauvetage. Amarrée devant le Mucem, le Musée des civilisations d’Europe et de Méditerranée, une journée publique est organisée le 20 février et 1 300 visiteurs se pressent pour découvrir ce navire qui deviendra, malgré lui, le symbole de la crise de la politique migratoire européenne. À l’époque, Sabine Grenard a encore un pied dans le Jura. Après quinze années passées à programmer des spec-

tacles et des tournées, elle sature un peu et, bien sûr, c’est à Saint-Claude qu’elle revient : « Mon frère a repris l’entreprise familiale et a déménagé l’ancienne usine dans un bâtiment moderne où il a voulu créer un espace d’exposition autour de la pipe de bruyère et de son savoir-faire. Il m’a proposé de me charger de la gestion de ce petit musée et magasin d’usine pour son ouverture en mai 2016. Parallèlement, j’animais bénévolement le pôle événementiel de l’association depuis le Jura en programmant des concerts de soutien, des présences dans des festivals, des projections-débats... En décembre, j’ai reçu un coup de fil de Sophie Beau pour me proposer de rejoindre la petite équipe de salariés au poste de responsable de l’événementiel. Je n’ai pas hésité. »

SAUVER, PROTÉGER, TÉMOIGNER Ce sont des mois d’effervescence. SOS Méditerranée est littéralement portée par la vague de compassion née dans l’opinion publique, d’autant que l’Aquarius commence ses missions et sauve des milliers de vies. Au fil des mois, les médias multiplient les reportages et l’association reçoit plusieurs distinctions internationales. Mais les ONG de sauvetage en mer inquiètent les autorités européennes. Le bateau est très visible, trop visible pour certains. À terre, Sabine Grenard est au four et au moulin pour témoigner de l’urgence de la situation : festival de films en partenariat avec la Fondation Abbé Pierre, expositions photo, concerts de soutien, formation des bénévoles... Chaque année, elle organise de grands événements avec des lieux partenaires comme le théâtre La Criée et le Mucem à Marseille, l’Odéon et l’IMA à Paris, etc. : « L’objectif, c’est de relancer l’appel à mobilisation, de donner la parole à ceux qui font SOS Méditerranée et, bien sûr, de trouver des fonds. Plus de 90 % de notre financement provient de dons privés et chaque jour en mer coûte 14 000 €. Notre rôle est d’imaginer sans cesse de nouveaux projets pour sensibiliser de nouveaux publics, d’où la multiplication de partenariats et des actions avec des personnalités des milieux du sport, de la culture, de la recherche, de l’économie… » Ourida Yaker, productrice de spectacles et amie de longue date, dit d’elle qu’elle fait tout avec passion : « C’est quelqu’un de très entier, mais qui sait garder du recul en Ü

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Sabine Grenard à Saint-Claude où son frère a repris la fabrique de pipes familiale.

toute chose. Elle a un côté rock’n’roll et un autre très pragmatique, c'est quelqu’un d’intègre qui ne craint pas la difficulté. » Heureusement, parce qu’en six ans, la Jurassienne a en a vu de toutes les couleurs… Depuis les larmes de joie en voyant l’Aquarius entrer dans le port de Marseille pour la première

fois jusqu’à l’attaque en 2019 des bureaux de l’association par un commando de Génération identitaire, en passant par l’accusation par les politiques de collusion avec les passeurs, la grande manifestation la « vague orange » dans soixantedix villes d’Europe pour demander un pavillon à l’Aquarius : « Une expérience comme celle-là vous plonge au fond des choses. On ne peut pas rester à la surface, on touche à des sujets d’une très grande violence. Il faut vivre au quotidien avec des enjeux humains d’une fragilité inouïe pour les rescapés, comme pour nos équipes à bord. Les choses évoluent sans cesse, les crises se succèdent, il faut sans arrêt s’adapter. » De ce côté-là, Sabine Grenard a été servie avec, en prime, l’arrivée de la Covid-19 en mars 2020 qui est venue bouleverser la donne : « La pandémie a des conséquences sur notre organisation, nous avons dû déployer un nouveau protocole sanitaire à bord et, pour chaque rotation, les équipes doivent subir une quarantaine avant d’embarquer et de débarquer. Le temps d’intervention sur la zone de sauvetage est, de fait, réduit. L’incidence est également importante sur la mobilisation citoyenne. En 2020, nous avons dû annuler ou reporter quasiment tous les événements qui devaient célébrer les cinq ans de notre combat. » Mais pas question pour autant de changer de job : « J’ai appris énormément, vécu beaucoup de grandes émotions. Je suis obligée d’être optimiste quand je vois le travail considérable de nos équipes et de nos bénévoles à terre. J’ai appris à être moins fragile peut-être. Notre rôle est de sauver, de protéger et de témoigner. Nous n’attendons qu’une chose, que les États prennent leurs responsabilités pour mettre en place des opérations de sauvetage à la hauteur de l’urgence de la situation afin que notre mission ne soit plus nécessaire. »

Une famille de pipiers Sabine Grenard grandit au milieu des pipes. Son père est maître-pipier à SaintClaude et sa mère secrétaire de la Confrérie, c’est dire l’attachement familial au petit ébauchon de bruyère. Aujourd'hui, Chapuis-Comoy et Cie (Chacom) est la dernière entreprise de pipes de SaintClaude et c’est son frère qui la reprend il y a quatorze ans. Il la transplante en 2016 à l’Essard, un petit village sur les hauteurs de Saint-Claude. À l’intérieur du bâtiment moderne que l'on remarque lorsqu'on s'approche des lacets de Septmoncel, on trouve même un musée-magasin d’usine. Sabine Grenard suit un tout autre sillage. Après le collège, elle part en internat à Dole et, après le bac, réussit le concours d'entrée de l’École du Louvre à Paris. Le vieil établissement dispense un ensei-

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gnement en histoire de l'art, archéologie, épigraphie, histoire des civilisations, anthropologie et muséologie. Elle suit en parallèle une faculté d’histoire de l’art et passe un Deug d’italien : « Je fais partie de la génération qui a mal été orientée ». En quittant l'école fondée en 1882 pour former « les conservateurs, les missionnaires et les fouilleurs », elle s’offre trois mois de voyages, travaille à Paris dans le milieu socioculturel, fait ses premières armes dans la promotion de plasticiens et de conteurs, monte des projets avec l’Albanie, le Soudan ou encore l’Algérie. Elle passe six mois dans une galerie d’art : « Ça m’a convaincue que ce n’était pas ma voie », dit-elle. Elle commence alors à travailler pendant six ans chez un tourneur, Accentonic, puis, en indépendante, produit des tournées internationales

de groupes de musiques du monde et de polyphonies, dont l’ensemble corse A Filetta : « C’était le démarrage d’une longue et belle aventure qui a duré quinze ans. Je me suis arrêtée car c’est un métier passionnant mais usant, qui demande une énergie et une disponibilité intenses. De plus, je ne me retrouvais plus très à l’aise dans ce secteur qui a beaucoup évolué. La dimension commerciale et ses contraintes prenaient le dessus sur l’artistique. Je n’avais sans doute plus la foi ! », expliquet-elle. C’est donc vers le Jura qu’elle se tourne (retourne) pour un retour aux sources, une pause : « Je voulais faire quelque chose qui corresponde davantage à mes aspirations… », assure-t-elle. Et ses aspirations avaient un très fort goût de bénévolat humanitaire.


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Isabelle

LANGLOIS

La petite fille qui voulait créer des bijoux de princesse Elle est aujourd’hui une référence mondiale de la joaillerie. Ses bijoux colorés et sensuels sont inspirés des fleurs et des papillons qu’elle dessinait dans son enfance du côté des Moussières et de Lélex. Mais l’itinéraire d’Isabelle Langlois raconte aussi l’histoire du bijou tout au long du XXe siècle. Passionnant. Ü

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Isabelle Langlois, aujourd’hui l’une des créatrices de bijoux parmi les plus célèbres de la rue de la Paix, à Paris.


Isabelle Langlois dessine chacun de ses bijoux vendus dans le monde entier.

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Si Isabelle Langlois est l’une des joaillières les plus réputées de la rue de la Paix, à Paris, elle est aussi la petite-fille de René Grospiron, célèbre lapidaire de la région des Moussières. Et bon sang ne saurait mentir, le Haut-Jura reste ancré en elle. De cet environnement champêtre sont nées ses créations colorées, très fortement inspirées des motifs floraux qui ont bercé son enfance.

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NUMÉRO 39 - Vos collections de bijoux sont vendues dans vingt-cinq pays. Vous avez une boutique rue de la Paix à Paris et vous travaillez avec les plus grands noms de la joaillerie. Quelle est la « patte » Langlois ? ISABELLE LANGLOIS - Les couleurs. J’ai la chance de pouvoir travailler sur une gamme de 70 000 gemmes, toutes classées. Les bijoux que je dessine sont joyeux, je fais des bijoux de princesse, comme quand on est gamine et qu’on rêve devant les perles. J’essaie de leur faire exprimer la joie de vivre, la féminité. Je veux qu’ils soient glamours. Mais ce sont également des joyaux colorés, précieux, chers qui donnent à ceux qui les possèdent le sentiment de posséder un trésor.

vient d’une famille où l’on a toujours taillé des pierres. Ils sont passés d’un hameau à côté de Chézery (Ain) à Lélex (Ain) en passant par Les Moussières ( Jura) . Six siècles pour faire cinq kilomètres... L’histoire raconte que la taille des pierres remonte à Calvin. La Réforme interdisait les signes de richesses. Alors les lapidaires catholiques de Suisse ont traversé les montagnes pour s’installer à l’abri dans les montagnes du Jura. Ils auraient rencontré les moines de l’abbaye de Saint-Claude qui, eux, travaillaient le buis. Mais n’oublions pas que chez les lapidaires, le buis est la matière du bâton sur lequel on colle la pierre. Quant à mon père, Daniel Piat, il est Lyonnais, mais amoureux du Jura et du métier par sa femme.

N’est-ce pas aussi l’expression d’un travail familial ? Mes frères sont lapidaires, je dessine les modèles et ils taillent les pierres, l’un dans son atelier à quelques centaines de mètres de ma boutique, à Paris. Il a trente ans de métier derrière lui. L’autre est à Bangkok (Thaïlande). Ce sont des gens qui savent ce qu’est un bijou bien fait. Vous savez, les pierres ne sont plus guère travaillées en France, beaucoup sont façonnées en Asie.

Mais votre histoire à vous débute avec votre grand-père René Grospiron ? Oui, je lui dois beaucoup. Il a appris la taille de la pierre à Lélex. À l'époque, celle-ci se pratiquait dans toutes les fermes. Il s'est formé à l'âge de 14 ans et il est devenu par la suite meilleur ouvrier de France, il a même présidé le jury des MOF, section "lapidaire". Sa famille vivait dans la vallée de la Valserine et avait ouvert un duty free où, jusqu’en 1926, on vendait même des machines à coudre. À l’âge de vingt-etun ans, il a touché son héritage, est monté à Paris et a ouvert une entreprise de négoce de pierres fines. La crise de 1929 Ü

Comme eux, vous êtes née avec des pierres dans les mains... C’est à peu près cela. Je suis Jurassienne par ma mère qui

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dit de sortir la moindre pierre du coffre de la banque centrale. La couronne a bien été fabriquée, sertie dans les coffres de la banque d’État, mais c'est une copie qui a été utilisée pour la cérémonie. Personne n’en a rien su. En fait, celle-ci a été conçue à partir de pierres en verre que possédait ma grand-mère dans un coffre et c’est avec celles-ci que je jouais quand il pleuvait pendant les vacances. Je faisais des assemblages de toutes les couleurs. De là vient peut-être chez moi l’envie de créer des bijoux pour les petites filles qui rêvent de devenir princesse… En tout cas, à douze ans, je savais que je ferai ce métier.

l'a laissé sur la paille, mais il a rebondi et a créé en 1931 une autre société où l'on procédait aussi à de la taille. En vingt ans, dans les années soixante-dix, celle-ci comptait parmi les vingt plus importantes d’Europe. Il avait comme clients Van Cleef & Arpels, Cartier, Chaumet… Il a pris des risques et s’est développé. Vous avez vu le jour à Paris, mais vous auriez pu naître en Amérique du Sud ? Oui parce que la fille de René Grospiron – ma mère, Denise, donc – s’est amourachée d’un Lyonnais vendeur de vélos, ils voulaient partir tous les deux au Brésil. Mais mon grand-père n’a pas voulu. Il a alors dit à son gendre de venir travailler avec lui. C’est ainsi que mon père, Daniel Piat, a commencé une vie incroyable. Une vie de roman… Des années soixante aux années quatre-vingt, il a été chasseur de pierres précieuses. J’ai grandi bercée de ses aventures dans les mines, des dangers qu’il a connus. Lors de cette enfance, toutes les vacances, on les passait à Lélex. Toute petite, je jouais dans les graviers avec des petites pierres de couleur…

Un métier qui, à vos débuts, ne laissait guère de place aux femmes ? La joaillerie était un métier d’hommes, mais les femmes jouaient un rôle important. Personnellement, j’adorais le dessin, mais j’ai fait des études de commerce. Tous mes stages, je les faisais dans des maisons du « métier », notamment chez Vassort, un atelier de très haute joaillerie dont la fille Catherine a épousé mon oncle. Je rêvais de travailler chez elle, c’était une maison d’excellence et tout ce qui touchait aux bijoux passait alors par Paris. Mais mes oncles ont refusé parce que c’était une de leurs clientes. Du coup, j’ai travaillé pour le magazine Vogue comme directrice du développement jusqu’au jour où elle m’a dit de la rejoindre, elle est passée outre la décision de son mari. J’y suis restée cinq ans.

Et l’impératrice Farah Diba, telle une fée dans un conte des frères Grimm, s’est penchée sur votre histoire ? Cette anecdote secrète explique beaucoup de choses dans ma vie. La couronne du sacre de Farah Diba comme impératrice d'Iran a été commandée à la maison Van Cleef, mais une loi promulguée par le shah lui-même, son époux, a inter-

b LIKEAB

La collection   Princesse Mathilde revisite les codes ultra-classiques de la bague Pompadour, appelée également   Marguerite.

C’était la belle époque du bijou ? Grâce aux pays arabes. On n’arrivait pas à répondre à leur demande au fur et à mesure, on fabriquait des diadèmes, des parures… Les bijoux font partie de leur culture. Au départ, ils avaient leurs propres goûts, mais ils ont vite élargi leur horizon. Avec de l’argent, on a vite bon goût ! C’était l’époque du faste. J’apprenais tous les jours, je découvrais le dessin, la joaillerie… C’était une concentration d’excellence, tout était grisant. J’étais commerciale, j’avais pour client Hermès, Van Cleef, Perrin, Puiforcat… Il y avait un côté entre-soi, mais il fallait de l’intuition, de l’envie aussi. Et puis, à la fin des années quatre-vingt, tout s’est renversé. La crise est arrivée, les acheteurs arabes se sont diversifiés. L’entreprise de ma tante n’allait pas bien et j’ai décidé de partir parce que jamais elle ne m’aurait licenciée. Dans l’univers du bijou, tout peut aller très vite… Une crise générale peut aussi représenter une opportunité. Cela n'a-t-il pas été le cas pour vous ? Tout dépend, j'aurais pu rejoindre un autre atelier, mais je ne voulais pas retrouver un emploi dans une maison de la place, je suis allée deux ans chez Vogue, jusqu’en 1990, et c’est à ce moment-là que j’ai décidé de monter ma première entreprise. Sur un coup de tête ? J’étais souvent invitée à des soirées chez des gens où des bijoux étaient vendus en fraude, je me suis dit que je pouvais en commercialiser légalement avec des bijoux que je créerais… Seulement, aller chez des particuliers vendre sa propre collection, c’est difficile car justement on n’est pas chez soi. Je l’ai tout de même fait pendant deux ans et, un jour, on m’a proposé un job chez Pranda dans le plus grand atelier au monde, une entreprise thaïlandaise. Je suis devenue responsable Ü

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« Toujours le temps »

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Champs de narcisses Narcissus fields Narzissenfelder

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du stylisme, du dessin et de l'analyse marketing. Cela a duré pendant cinq ans. J’ai été présente à tous les salons, rencontré beaucoup de gens et appris de nouvelles choses. J’étais bien, ma chef était une femme top !

rés à une époque dominée encore par le tout diamant. Depuis lors, je ne cesse de creuser mon sillon. Les autres sont morts, pas moi. Je me suis peut-être développée plus lentement que les autres, mais je suis toujours là.

Mais la suite de votre carrière vous a conduit à retrouver votre famille ? Oui, avec mon frère. Nous avons à l’époque une quarantaine d’années et on s'est lancé. En 1999, j’ai monté mon entreprise telle qu’elle est aujourd’hui, je dessinais les bijoux, choisissais les pierres ; il les taillait.

Et votre secret pour durer, quel est-il ? Je me positionne dans le faste, le non raisonnable. Et puis j’ai toujours voulu rencontrer les vendeuses, elles sont en contact avec leurs clientes, elles savent ce que celles-ci recherchent. C’est important de les écouter. La première question à leur poser, c’est savoir les couleurs qu’elles portent, ce qu’elles aiment. Je ne m’intéresse pas aux vibrations, mais un cristal, c’est une quantité d’énergie qui a décidé de se concentrer pour des raisons magiques. C’est grisant… Je suis moins attirée par le diamant. Un gros solitaire, c’est un carnet de chèques sur la main, c’est l’anti-bijou. Moi, ma pierre préférée, c’est le saphir padparadscha, rose et orange à la fois. Il me met en joie, j’adore aussi le violet. Ce sont les couleurs d’Yves Saint Laurent. Chaque femme est différente… Quant aux hommes, ils n’ont pas de bijoux, je vais commencer à dessiner des bracelets, des bagues car, dans tous les pays, ils portent des bijoux, sauf en France.

Mais avec un concept très personnel… J’ai voulu faire de la joaillerie accessible aux femmes qui vont dans des boutiques classiques. Il a fallu convaincre les joailliers qu’ils avaient dans leur clientèle des femmes qui voulaient des choses différentes avec des prix basés sur le prix des vêtements de chez Kenzo. Ils ont finalement cru en moi et j’ai fait des salons où j’amenais mes propres meubles. On ne ressemblait à personne avec un côté traditionnel et chaleureux. Cela a bien marché. Je concevais des bijoux de toutes sortes avec beaucoup de couleurs sans avoir de boutique, mais la crise de 2007 est arrivée… Encore une fois. Comment l'avez-vous affrontée ? Des Indiens ont racheté beaucoup d’entreprises et le bijou diamant est devenu courant et pas cher. J’avais des émeraudes, des saphirs, des rubis, des pierres fines. J’ai décidé d’avoir ma propre boutique rue de la Paix. Je l’ai eu en 2010, les locaux étaient vides à cause de la crise. Je les ai loués pas cher, j’ai aménagé avec rien. Je voulais développer le be to be avec la volonté de monter une marque tout en autofinancement. Il fallait vraiment y croire, mais j’avais une niche de bijoux colo-

Un nouveau challenge. Justement, quels sont vos projets ? Mon métier m’a donné la chance d’avoir une vie où le monde est mon terrain de jeu. Il m’a rendue joyeuse, ma vie m’enchante, je suis très gâtée, mais je n’ai pas laissé passer ma chance. Ma prochaine étape est de trouver un partenaire qui a les épaules larges car j’ai des clients dans le monde entier et il existe un énorme potentiel de développement dans le bijou. Je me vois bien faire ce métier encore dix ans et si, par malheur, ma boutique devait chuter, alors je pourrais toujours devenir conseillère en couleurs.

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Le métier de joaillier et la taille des pierres font partie de l’ADN familiale.


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Perrine

CAMPANINI

Amazone et femme d'affaires

La petite brunette de Martigna passait son enfance à cheval. Aujourd’hui, Perrine Campanini est championne internationale de courses équestres d’endurance sous les couleurs de l'Italie et propriétaire d’un haras d’une trentaine de chevaux de course. Ü

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Amoureuse des chevaux depuis l'âge de huit ans, Perrine Campanini a fait de sa passion son métier.


Perrine Campanini marie deux carrières de front : athlète de haut niveau et patronne d'une société d'élevage de chevaux de course.

L

LES CHEVEUX NOIRS TOMBENT EN FRANGE SUR LE FRONT, DÉGRINGOLENT SUR LES ÉPAULES. TOUT DE NOIR VÊTUE, LE REGARD ITALIEN, SOMBRE, PERÇANT. Long nez droit, bouche fine, visage étroit à la Modigliani, menton volontaire. Mi-parcours entre le top-modèle et la danseuse. Pas vraiment l’idée que l’on peut se faire de la cavalière. Comment dire, trop aérienne… Et puis, il y a le sourire, généreux et le rire haut perché, sans faux-semblants. Martigna, son petit village natal perché entre vallées de la Bienne et de l'Ain – il s’offre dès lors le toupet d’embrasser un panorama sur le Crêt de la Neige et le Colomby de Gex –, semble loin tout à coup. Perrine Campanini reste pourtant la petite fille du pays. En même temps, elle est si lointaine… Peut-être la distance de ceux qui

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ont bourlingué et s’étonnent presque de voir leur terre natale si belle, si enchanteresse. « Ici, c’est un endroit unique. Depuis chez moi je contemple un paysage de fou et je prends un bol d’air chaque fois que je reviens. C’est un endroit entre la terre et l’eau, entre les montagnes où je grimpe parce que j’aime voir loin, et le lac de Vouglans qui m’apaise. Je ne pourrais pas vivre sans revenir régulièrement. Mais ce cadre oblige à rester humble et rester humble, c’est ce qui permet d’arriver au plus haut niveau. » Alors, parlons de ce haut niveau… Le nom Campanini est intimement lié aux courses internationales d’endurance à cheval. Rien à voir avec le tiercé, le trot ou le galop, ou même le saut d’obstacles. L’endurance est l’une des sept disciplines équestres mondiales agréées par la fédération internationale.


NELLE LECTION PERSON b HERVÉ DUVERT ET COL

Perrine Campani ni et Sati de l'Étoile .

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a son caractère, ses faiblesses. Il faut le sentir, faire corps avec lui, le comprendre. Voilà pourquoi, depuis que je monte à cheval, j’ai accumulé les expériences et les formations dans tous les domaines liés au cheval… Et je continue. » Parlons un peu palmarès... Mais avant, donnons la parole à Mathilde, de six ans la cadette de Perrine, elle aussi cavalière émérite, sans avoir voulu revêtir un dossard : « Ma sœur est une battante, c’est peu de dire qu’elle a du caractère, mais, si elle est exigeante, ce ne sera jamais au détriment du Ü

C’est un marathon, une course de fond pratiquée à cheval en pleine nature sur une longue distance, des épreuves étalonnées entre 20 et 160 km à faire par étapes en un jour sur des terrains variés, une compétition chronométrée à réaliser le plus rapidement possible tout en conservant une monture en parfait état. Des contrôles vétérinaires obligatoires sont effectués tout au long du parcours et, si le cheval ne paraît pas en bonne santé, il est disqualifié.

LES GALOPS D’ESSAI L’effort de l’animal doit donc être maîtrisé. On touche ici à l’ADN de la Jurassienne qui n’est pas simplement une cavalière, mais aussi – et peut être avant tout – une spécialiste équine : « Chaque cheval est un athlète de haut niveau, mais il

La filière du Bon Coin

C’est une histoire de fous et, pourtant, c'est la pure vérité. La jument qui a boosté la carrière internationale de Perrine Campanini, la magnifique Véga du Clos, a été trouvée sur le Bon Coin, où elle était mise en vente par son propriétaire : « J’ai proposé qu’il me la confie et il a accepté. » Le cheval a trusté les récompenses avec une magnifique seconde place par équipes aux championnats d’Europe à Bruxelles. Ce n’est pas tout, c’est également sur le célèbre site de petites annonces qu’a été déniché Pintor des Pins, offert à sa sœur Mathilde pour ses dix-huit ans. Il était à troquer contre… des moutons : « Finalement, je l’ai échangé contre un autre cheval, il a participé à bon nombre d’épreuves internationales et au pré-ride des championnats. » Avis aux amateurs…

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b SPORT ENDURANCE EVO

La cavalière de Martigna et Vega du Clos lors du championne d'Europe à Bruxelles, en 2017.

Perrine, Catherine et Mathilde Campanini.

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cheval, elle est trop respectueuse pour cela. Elle veut sans cesse apprendre pour tout maîtriser et ses efforts payent. » Et c’est vrai. Depuis ses débuts au niveau international, en 2011, Perrine Campanini a constitué toute une collection de trophées parmi lesquels le titre de championne de France des chevaux de quatre ans en 2020, vice-championne d’Europe d’endurance à Bruxelles par équipes, 9e en individuel en 2017, une participation aux Jeux équestres mondiaux en 2018 et des résultats dans d’innombrables compétitions. Pourtant, l’essentiel n’est pas dans cette litanie de succès, mais plutôt dans la lente conversion de la sportive en femme d’affaires. C’est une histoire rocambolesque qui nous ramène au milieu des années cinquante. Avec sa femme calabraise, son grand-père, Bergamote, atterrit à Saint-Claude pour trouver du travail comme des milliers d’autres Italiens. Une génération plus tard, François Campanini épouse sa mère Catherine Lacroix, conseillère en banque. Puis naissent Perrine et Mathilde. Détail à retenir, les deux filles ont la double nationalité franco-italienne. S’ensuivent les années d’enfance à Martigna où habite la famille. Perrine jongle entre le piano, le judo, le handball et l’équitation qu’elle débute à l’âge de huit ans à la ferme équestre de Massiat (Ain) où elle passe ses premiers galops (échelons) avant de poursuivre chez Marielle Maradan (qui vient de nous quitter) à Écrille, où elle se forme au galop d’obstacles. Elle achève sa formation au centre équestre de Doucier : « Vers dix-huit ans, j’avais toutes les bases… » Tout commence donc vraiment avec Occitania, la jument pur-sang arabe que lui offre la famille pour sa majorité. Elle ira la choisir elle-même dans un haras à Uzès, sur les conseils de son amie Audrey Acquistapace : « C’était un très beau cadeau, la jument coûtait cher. Ensemble, on a fait des stages pour les jeunes à Brazeyen-Plaine (21) avec Jean-Louis Leclerc, ancien manager de l’équipe de France, et j’ai débuté la compétition. C’est elle qui m’a fait connaître dans le milieu de l’endurance. » Mais pas question pour autant de tout miser sur le même cheval… Ü

Les Amazones de Martigna Chez les Campanini, le cheval est une affaire… de filles. Ou presque. À commencer par Catherine, la maman, qui a toujours assuré l’intendance jusqu’au circuit international : « J’ai passé des week-ends entiers à faire l’assistance, à manier les bidons, les ravitaillements. J’ai même pris des congés pour partir avec elle. » Mathilde, la cadette, a elle aussi arpenté les circuits pour suivre sa sœur et l’épauler : « J’étais en faculté quand elle a commencé la compétition. Après, je suis devenue assistante puéricultrice et j’ai un peu décroché, mais j’ai toujours autant de plaisir à la suivre. » Dans son aventure, la Jurassienne a également embarqué sa marraine Claudine : « Elle me suit dès qu’elle le peut et m’aide à me remettre en question. Avec maman, en retraite maintenant, je les amène un peu partout avec moi. Ça leur fait des vacances… » Quant à son père, il suit toute cette agitation de loin : « Je lui dois mon attrait pour le sport, il a fait du football pendant des années. C’est lui qui m’a construit mes premiers box à Martigna et fait les clôtures des parcs pour que je puisse me lancer. »

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La Jurassienne passe un BTS en gestion touristique : « J’ai toujours su que je voulais être dans les chevaux, sans savoir quand exactement… » À vingt-deux ans, cap sur Aix-en-Provence (13) à la célèbre écurie JPF, membre de l’équipe de France, où elle décroche un emploi de six mois après avoir pris elle-même le téléphone pour vendre ses mérites : « Jean-Philippe Francès a toujours un coup d’avance, je me suis formée sur les jeunes chevaux. J’ai travaillé la cadence et l’entraînement au galop sur piste. Je suis restée deux ans dans le sud dans une autre écurie d’endurance, des chevaux m’ont été confiés et c’est à cette époque que j’ai attaqué le haut niveau. »

CHAMPIONNE ET CHEF D’ENTREPRISE Mais l’idylle nouée sur place prend fin… Retour dans le Jura, travail à l’écurie de Louvarel et bouchées doubles pour se perfectionner en endurance, notamment avec Franck Laousse et Audrey Acquistapace, entraîneurs de chevaux des Émirats arabes unis. Et, en 2016, c’est le grand saut : elle se met à son compte et lance l’écurie Perrine Campanini : « Mes deux juments, Occitania Larzac et Sati de l’Étoile, qui ont eu des prix à l’international, ont constitué ma base de poulinières. J’entraîne, élève et valorise les jeunes chevaux de quatre ans et plus que je commercialise, j’en ai une trentaine aujourd’hui. »

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2016, une année particulière puisque la Thaïlande lui demande de devenir l’entraîneuse de son équipe nationale. Un job qu’elle exerce trois ans avec de nombreux succès. Mais ce n’est pas tout : la petite Franco-italienne décide, en 2017, de changer de licence et de concourir sous les couleurs de la fédération transalpine. Elle passe les présélections et décroche des podiums, notamment avec Silmar et sa jument Véga du Clos qu’elle a trouvée… sur le Bon Coin [lire par ailleurs] : « J’ai préféré courir en professionnel pour l’Italie et garder la France pour les épreuves amateur avec des jeunes chevaux. Je trouve l’approche italienne plus conforme à ma vision de la compétition. » Depuis, les concours se sont enchaînés avec des surprises douteuses comme aux Jeux Équestres Mondiaux de 2018 à Tryon, en Caroline du Nord, où elle a préféré abandonner tant l’organisation était défaillante. C'était avant que l’épreuve ne soit finalement annulée. Mais aussi des bonnes comme l’invitation à la plus grande course des Émirats arabes unis : la Sheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum Endurance Cup, à Dubaï, en janvier 2018.

LE PARI DES COURSES DE PLAT Et maintenant ? Perrine Campanini a un objectif : participer à un championnat du monde ainsi qu’aux plus grosses compétitions étrangères et, en parallèle, améliorer la qualité


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À Martigna, près de Moirans-en-Montagne et du lac de Vouglans, Perrine Campanini est aux petits soins avec ses chevaux, ce dont profite Silmar.

de l’élevage en ayant une base de poulinières ayant performé parmi l'élite mondiale. Tout est dit ou presque : élever et aguerrir les chevaux des autres, faire naître, entraîner et vendre ses propres animaux. Et parcourir le monde. Faire des rencontres. Mettre ses champions dans les avions. Veiller sur eux. Prospérer… Le viatique d’une chef d’entreprise jeune, moderne, entêtée que les fractures et les chutes n’arrêtent pas, qui n’a de cesse d’apprendre encore et encore, mais qui garde la tête sur les épaules : « La Covid m’a permis de réfléchir, les compétitions se sont arrêtées d’un coup, l’argent n’est plus rentré. J’ai refait du marketing pour passer le cap. Maintenant, il faut rebondir. Avec mon compagnon, on s’est demandé ce qu’on allait faire si la crise sanitaire persistait et on a décidé de reprendre un haras de chevaux de course de plat. Ceux qui ne seront pas bons en plat, on les fera courir en endurance. » Aujourd’hui, l’entreprise Perrine Campanini a un pied dans le Sud-Ouest et un autre à Martigna. La fille du pays aurait bien aimé trouver une vingtaine d’hectares au milieu de ses montagnes pour y installer ses chevaux, mais impossible. Du coup, elle a porté son regard ailleurs. Pour l’instant, elle s’interroge plutôt sur elle : « Ces derniers temps, j’ai beaucoup pensé à ma carrière. À terme, je veux continuer le sport, mais aussi superviser et coacher les jeunes cavaliers prometteurs. Mais j’ai aussi une vie privée et le temps passe. Il faut que je m’affole. Penser à avoir des enfants… »

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Éric de Chassey est critique, commissaire d'exposition, auteur d'essais ou de livres d'histoire de l'art.

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Éric

DE CHASSEY Le Jura, un lieu de ressourcement Après avoir dirigé la Villa Médicis à Rome, l'historien de l'art qui aime à venir dans la maison familiale de Mirebel, est aujourd'hui à la tête de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Il est le commissaire de l'exposition « Napoléon ? Encore ! - Regards d'artistes contemporains » présentée actuellement aux Invalides, à Paris. Ü

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Éric de Chassey en 2019, dans les jardins somptueux de la Villa Médicis, à Rome.


NUMÉRO 39 - L’année 2021 marque le bicentenaire de la mort de Napoléon à Saint-Hélène. Vous êtes le commissaire de l’exposition « Napoléon ? Encore ! - Regards d'artistes contemporains », que l'on verra aux Invalides, à Paris, jusqu'au 30 janvier 2022. Quelle était votre feuille de route ? ÉRIC DE CHASSEY - Le principe était ouvert. J'ai invité des artistes contemporains en leur demandant simplement de réagir à l’anniversaire et au lieu. Au départ, je me disais que j’allais plutôt fonctionner en prenant des œuvres déjà existantes, qui pouvaient avoir une résonance avec le thème ou le lieu, comme je l’ai fait par exemple pour Marina Abramović, mais la plupart d’entre eux ont finalement travaillé spécialement pour l’exposition. Il y a quand même deux artistes auxquels j’ai passé une commande plus précise : Pascal Convert dans le dôme des Invalides, et Ange Leccia pour une commande autour de Saint-Hélène.

D DEPUIS PLUSIEURS SIÈCLES, LA FAMILLE DE CHASSEY EST PRÉSENTE SUR LE PREMIER PLATEAU DU JURA, plus précisément dans le village de Mirebel. C’est dans ce village que Benoît de Chassey et son épouse Brit se sont installés voici plusieurs décennies, en s’investissant dans la défense du patrimoine et plus particulièrement du château de Mirebel. Éric de Chassey, l’un de leurs enfants, est l’actuel directeur général de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Devant une importante collection de disques vinyl, il évoque son parcours, au cours duquel il a notamment dirigé la villa Médicis, et le Jura où il se ressource régulièrement.

Deux cents ans après la disparition de Napoléon, le lieu et le thème inspirent-ils toujours ? J’avais en tête l’idée que cette invitation à des artistes permettrait de poser un certain nombre de questions contemporaines. C’est peut-être une façon plus forte et dialectique, moins univoque, d’intervenir sur la façon dont on peut aujourd’hui célébrer ou commémorer un personnage historique, la période dans laquelle il a vécu et son héritage aujourd’hui. Il s’agissait pour moi de proposer des expériences esthétiques fortes en même temps que d’apporter de la complexité dans une situation que je trouvais particulièrement simpliste. Les semaines qui ont précédé l’exposition, avec la polémique autour de l’œuvre de Pascal Convert qui n’existait pas encore [le plasticien a reconstitué le squelette de Marengo, le cheval préféré de Napoléon Bonaparte, au-dessus de son tombeau. Il ne s'agit pas du squelette réel, qui est conservé au National Army Museum de Londres, mais d'une reconstitution en 3D, faite en matériau composite, N.D.L.R.], sont très caractéristiques de cette simplification permanente, de cette vision de l’histoire comme un tout indissoluble, comme si elle n’avait jamais évolué. Les Invalides sont un lieu très intéressant de ce point de vue, parce qu’il est marqué par des discours très contradictoires, des discours de pouvoir, mais aussi de faiblesse et de guérison. Comment devient-on historien d’art et commissaire d’exposition ? Quelle est l’origine de cette vocation quand on est né à Pittsburgh (États-Unis) et que l'on a des racines jurassiennes ? C’est difficile de le dire exactement. Il y a sans doute une sensibilité visuelle particulière qui a fait que je me suis toujours intéressé à des objets, des lieux ou encore des bâtiments singuliers. Quand j’étais enfant, je demandais sans cesse à mes parents d’aller au musée et à la bibliothèque. Peut-être était-ce parce que j’étais très mauvais en sport et que je voulais quelque chose pour impressionner les filles ? Bon, cela n'a jamais vraiment marché. De façon concrète, quand j’étais au lycée, j’ai longtemps hésité entre m’occuper d’art ou travailler dans l’administration. Et finalement, mon éducation m’a conduit à plutôt privilégier la deuxième possibilité. Quand je suis entré à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, à Paris, c’était très clairement avec l’idée d’en faire une première étape vers l’École Nationale Ü

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Éric de Chassey photographie l'une des œuvres de l'exposition « Napoléon ? Encore ! - Regards d'artistes contemporains » présentée au Musée de l'Armée.

d’Administration. Mais je me suis rendu compte que j’étais plus intéressé par l’histoire de l’art. J’ai finalement raté le concours d'entrée à l’ENA. Je crois que c’est une grande bénédiction. Parallèlement, j’ai préparé une maîtrise d’histoire de l’art puis un DEA. Et je me suis retrouvé à travailler en docto-

Napoléon dans le Jura En 1800, Bonaparte et son armée seraient passés à La Faucille pour livrer la bataille de Marengo, en Italie. Les troupes ont été réunies autour de Dijon dès le printemps, lorsque le Premier consul a acquis la certitude que ses offres de paix conditionnelles seraient rejetées par l’Angleterre et l’Autriche. Cette troisième armée, dite « armée de réserve », était composée de deux corps d’armée, de la cavalerie de Murat et de la garde consulaire. C’est ainsi que 55 000 hommes ont été rassemblés en secret en Côte-d’Or, pour se rendre en Italie. « Le trajet suivi n’est jamais spécifié dans le détail dans les ouvrages classiques, qui ne commencent à en parler qu’à partir de la Suisse, mais le passage par Genève [le 8 mai, en pleine nuit, N.D.L.R.] est certain », indiquait en 2013 le responsable du Souvenir napoléonien dans le Jura, Romuald Fayon. En chemin, il aurait fait étape à Champagnole, chez le maître des forges Muller. On trouve ensuite trace de son passage à Chaux-duDombief. Son buste figure encore aujourd’hui sur la fontaine. Après la victoire de Marengo, Napoléon repasse à Dijon le 30 juin.

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rat sur la réception de l’œuvre d’Henri Matisse aux États-Unis, donc grosso modo sur les rapports franco-américains après la guerre. C’est ensuite que j’ai été rattrapé par l’administration. Et le commissariat d’expositions ? J’avais vu une exposition de Jean-Pierre Pincemin (1944-2005) dans une galerie. Je connaissais cet artiste comme étant abstrait, géométrique et, tout d’un coup, je voyais des tableaux figuratifs. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait et je l’ai donc dit à Philippe Dagen, maître de conférences à la Sorbonne à l’époque. Et il m’a conseillé d’en faire mon sujet de maîtrise. À partir de ce moment-là, j’ai commencé à fréquenter des artistes vivants. Tout était très lié, les choses ont fonctionné de façon parallèle. J'ai terminé ma thèse et, en rentrant des États-Unis, j’ai rencontré Bernard Ceysson. Il était à l’époque directeur du musée d’Art Moderne de SaintÉtienne et avait une curiosité pour les gens qui fréquentaient son musée. Un jour, il m’a proposé de me lancer. C’est ainsi que j’ai dirigé une exposition qui s’appelait « Abstraction, abstractions ». Mais je ne l’ai pas fait tout seul, je me suis associé avec Camille Morineau. J’aime bien me retrouver dans un processus de discussion quand je réfléchis à des projets. Vous êtes critique, commissaire d'exposition, auteur de livres d'histoire de l'art. Séparez-vous vos différentes activités ? Mon métier d’historien d’art est un tout, je ne fais pas de différence fondamentale entre mes activités. Peut-être mets-je de côté mon activité de programmateur ou d’organisateur. En général, quand on pense à l’histoire de l’art, on pense d’abord écriture de livres, ce que je fais. Je suis plutôt du genre polygraphe, et j’ai la chance de pouvoir écrire de façon répétée


sur certains artistes. C’est une expérience assez extraordinaire que cette sorte d’accompagnement. Mais monter des expositions, c’est tout autant faire de l’histoire de l’art, selon moi. C’est une autre manière de réfléchir – avec les œuvres. Les expositions les plus fécondes sont pour moi celles qui ont posé le plus de questions : elles comptent plus que les réponses, d’une certaine manière. À ce propos, comment vous êtes arrivé à la Villa Médicis qui accueille à Rome des artistes et des chercheurs ? Par hasard. J’avais participé à un colloque à la Villa Médicis et j’avais évidemment trouvé l’endroit extraordinaire, mais je ne travaille pas spécialement sur l’art italien donc je n’avais pas de vocation première à y travailler. Comme j’ai toujours eu une pratique de l’histoire de l’art très engagée, je me suis retrouvé un jour membre du jury de sélection des pensionnaires. Le directeur d'alors était Frédéric Mitterrand. Nous nous sommes pas mal disputés. Mais, quand il a été nommé ministre de la Culture quelques mois après, j’ai eu la grande surprise qu’il me fasse venir pour un petit-déjeuner. Il m’a proposé la direction de la Villa Médicis, en me demandant de dire oui ou non tout de suite ! J’ai quand même pris le temps de réfléchir, mais j'ai évidemment accepté. Et cela a été, je dois dire, un bonheur extrême pendant six ans.

Votre escapade fraîcheur

Comment vous avez appréhendé la charge dans ce lieu mondialement connu ? Avec la possibilité de réconcilier des aspects que jusqu’à présent dans mon travail j’avais été obligé de séparer : l’engagement auprès d’artistes vivants et de toutes les disciplines, l’histoire de l’art plus ancien et le patrimoine. Tout d’un coup, je me suis retrouvé à organiser officiellement des concerts ou des rencontres littéraires ou de cinéma. Mettre en place un programme de restauration qui prenne en compte aussi bien la partie Renaissance du bâtiment et ses décors que sa transformation par Balthus dans les années 1960, en faisant en sorte que ce travail se déroule avec l’intervention d’historiens de l’art, a également été une expérience que j’ai initiée. Quitter ce lieu n’a pas dû être facile ? C’est un des endroits les plus beaux au monde, donc je ne boude pas le plaisir d’y avoir été tous les jours pendant six ans. Cela dit, si je n’ai pas souhaité être renouvelé pour un troisième mandat, c’est parce que j’avais le sentiment que j’allais m’habituer à cette situation d’exception. Au bout de neuf ans, j’aurais eu beaucoup de mal à partir. Et l’on m’avait garanti que ma succession serait organisée et que tout ce que j’avais mis en place serait prolongé et préservé. Bon, à l'avenir, je ne serai plus aussi confiant quand on me fera cette promesse. Mais je ne regrette pas du tout d’en être parti même si, concrètement, la villa Médicis me manque. Le premier plateau du Jura vous manque-t-il aussi ? C’est difficile à dire. D’abord, même si ma famille est dans cette région depuis longtemps, comtoise depuis toujours, et jurassienne depuis la Restauration, je n’ai pas vécu dans le Jura quand j’étais enfant. Mon père a repris une maison qui appartenait à une de ses grands-tantes quand j’avais déjà quatorze ans. Donc, je n’y suis pas venu petit, ce qui me différencie fortement de mes frères et sœurs. En revanche, j’y ai des Ü LESROUSSES.COM Crédits photos : S. Godin, B. Becker / Station des Rousses, Baltik

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souvenirs d'adolescent. Et je crois que ce qui m’importe dans le Jura, c’est la beauté de la nature et cette forme de rudesse accueillante de ses habitants. Je ne sais pas comment le dire autrement. Je pense que cela se voit dans le relief, avec cette alliance de rochers et de végétation, avec ces gris assez durs et les arbres qui viennent jouer avec. Mais quand on prend le temps, quand on s’engage, c’est un lieu et des gens qui valent extraordinairement la peine. Il y a des lieux que vous affectionnez particulièrement ? Je ne vais pas dire quelque chose d’une originalité folle, mais je pense d’abord à Mirebel. Je préfère continuer à appeler le village ainsi plutôt que l’horrible nom que désormais ce lieu a pris suite à un regroupement de communes. Mon père, qui était au conseil municipal du village, aurait été désespéré ! Le château est un endroit exceptionnel ; je trouve qu’il a très bien été mis en valeur avec une impulsion et un engagement remarquable des habitants du premier plateau. Après, je vais à Arbois et Poligny régulièrement, à la fois pour le vin, le fromage et le chocolat, même si je n’ai pas forcément besoin d’aller jusque-là pour en trouver. J’aime particulièrement la « Vierge à l’enfant à la tige de fleur », vraisemblablement flamande qui est dans l’église Saint-Juste à Arbois. Sinon, j’aime beaucoup la route jusqu’à Genève que je fais souvent. Les paysages autour des Rousses sont magnifiques. Mais quand je suis dans le Jura, c’est surtout pour la vie de famille et c’est un lieu de ressourcement. L’essentiel de ce que je fais à Mirebel, c’est lire sur une des terrasses avec le paysage devant moi, puisque la maison est un peu en hauteur. C’est une forme d’imprégnation plutôt qu’autre chose.

Il y a un an, Éric de Chassey a été reconduit par le président Macron, pour un deuxième mandat, à la direction générale de l’Institut national d’histoire de l’art.

Quelle est la mission de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) que vous dirigez actuellement ? C’est assez simple. Cela fait très longtemps qu'en France, il existe un déficit de communication et de travail en commun entre les milieux universitaires et les musées. Ce compartimentage est nocif. Il n’est pas propre à notre pays, mais il est renforcé chez nous par les questions institutionnelles et de statut. La naissance de l’INHA il y a vingt ans a été portée par

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l’idée qu’il fallait faire collaborer ces deux mondes de façon structurelle dans des projets de recherche. C’est d’abord cela qui m’a intéressé dans le fait de diriger cette institution.

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Avec Frédéric Mitterrand, alors ministre de la Culture, qui lui avait proposé la direction de la Villa Médicis.

Vous travaillez encore dans un cadre magnifique. C'est vrai, j’ai beaucoup de chance. Après la villa Médicis, je dirige aujourd’hui un endroit qui a peut-être la plus belle bibliothèque du monde avec la salle Labrouste. Ces endroits magnifiques me nourrissent quotidiennement. La transmission et la diffusion de l’histoire de l’art figurent parmi vos priorités. En quoi ce combat est-il nécessaire en ce début de XXIe siècle envahi par les réseaux sociaux et le numérique ? En général, l’histoire de l’art est perçue comme réservée à un petit nombre de personnes. Très peu savent ce que c’est. Et pourtant, même si l’on voit bien pourquoi il faudrait lutter contre l’analphabétisme en ce qui concerne l’écrit, ne pas combattre ce que j’appellerais analphabétisme visuel, c’est-àdire l’incapacité à comprendre les images qui vous entourent, est particulièrement dommageable dans un pays comme la France où celles-ci sont omniprésentes. Du coup, l’idée d'utiliser l’histoire de l’art comme un instrument citoyen est fondamental pour moi. Nous nous sommes notamment engagés dans une politique de collaboration active avec le ministère de l’Éducation nationale pour créer des outils qui puissent fonc-


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Cent Ans et toute sa tête tionner, notamment autour du patrimoine de proximité. Cette incapacité à comprendre les images qui nous entourent représente-t-elle une menace ? D’une certaine manière, oui. Si on ne le fait pas, je pense que l’on n'aura plus personne dans les musées dans une dizaine d’années, parce que tout le monde sera phagocyté par les réseaux sociaux et les algorithmes. Ils leur laisseront penser qu’ils sont libres mais, en réalité, ils leur dicteront leur choix et leur environnement visuel pour ensuite les instrumentaliser. Quand on n’est pas éduqué aux images, on dit n’importe quoi. Et cela peut conduire à tuer un enseignant, des dessinateurs, des gardiens de musée comme ce fut le cas au musée du Bardo. Je travaille sur un autre grand projet qui a à voir avec cette question. Nous avons initié l'écriture d'une histoire de l’art à l’échelle européenne, en collaboration avec 47 institutions représentant les 47 pays du conseil de l’Europe. En juillet 2019, vous avez été reconduit par le président de la République pour un deuxième mandat de trois ans. Et après ? Où vous voyez-vous dans quelques années ? Si je peux, je suis encore à l’INHA pour longtemps. J’ai encore possiblement cinq ans devant moi. Je compte bien les utiliser complètement si on renouvelle encore mon mandat, car cela ne dépend pas uniquement de moi. Mais je n’ai aucune envie de faire autre chose, je suis au bon endroit.

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David

LINARÈS

Le football, par plaisir du jeu Depuis novembre dernier, David Linarès est entraîneur principal du groupe professionnel du club de football de Dijon. Un aboutissement pour l’ancien joueur professionnel qui tire sa force des valeurs et des racines jurassiennes qu’il a su préserver. Portrait.. Ü

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David Linarès a grandi dans le village d'Arlay, près de Lons-le-Saunier.

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« UN PORTRAIT DE DAVID, C’EST LE BON CHOIX POUR NUMÉRO 39 » CONFIE MARYLINE LINARÈS, SA SŒUR. L'ancien footballeur professionnel termine sa première saison à la tête du Dijon Football Côte-d'Or (DFCO). Une année difficile pour le club relégué en Ligue 2 et une confiance à retrouver. Pourtant, cet entraîneur réputé proche de ses joueurs, n’a peut-être jamais autant appris sur lui-même et sur les autres. Voix posée, mots précis, le Jurassien égrène un chapelet de mots pour définir le haut niveau : humilité, exigence, ténacité, rigueur, excellence. Hasard ou coïncidence, si l'on ne prend que les premières lettres apparaît alors le nom d'un arbre qu’il affectionne. Pour David Linarès, tout commence à Arlay, un village du Jura où serpente la Seille. « Tout vient de mon grand frère Laurent qui jouait au foot au village, j’ai voulu faire comme lui et je me suis pris de passion pour ce sport. Et comme je me débrouillais pas mal, que c’était gratifiant, j’ai continué,

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David Linarès lors d'un entraînement du Dijon Football Côte-d'Or.

uniquement guidé par le plaisir du jeu ». Et c’est en regardant l’équipe de Mulhouse dans une émission sportive diffusée le dimanche matin sur TF1 que le déclic a lieu : « Mon frère m’a expliqué qu’un joueur, Jean-Michel Peuget, était du Jura [Le Moirantain a joué au FC Mulhouse et au Racing Besançon. Il est le père d'Alexi Peuget, qui évolue actuellement au poste de milieu défensif au GFA Rumilly-Vallières, N.D.L.R.]. À partir de là, j’ai compris que c’était un métier possible ». Quand sa grand-mère, correspondante du journal local, lui demande quel sera son métier plus tard pour un article qu'elle doit écrire, il répond alors « footballeur ». Mais elle lui réplique que ce n’était pas une profession. « Il était furieux, se souvient Maryline. Mon frère a toujours été très persévérant, même gamin. Depuis Arlay, il a tout fait pour réussir cette carrière. Il est parti jeune de chez nous, ce n’était pas si simple. Mais cette volonté lui a permis de devenir qui il est, malgré l’éloignement ». Le jeune homme passe par Dole-Tavaux, en sport


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David Linarès (au centre), entouré de Grégory Coupet et Jérôme Monier.

Le 22 novembre, lors d'une rencontre opposant Dijon à Lens.

études pendant une année, puis par Besançon et, à l'âge de quatorze ans, il débarque au centre de formation de l'Olympique Lyonnais. Travailleur et discret, il franchit toutes les étapes vers le haut niveau et dispute sa première rencontre de Ligue 1 contre Lille en novembre 1996. Avec l’OL, David Linarès remporte la coupe de la Ligue de 2001 et le titre de champion de France de Ligue 1 en 2002. « J’ai suivi un parcours classique et ce qui m’a guidé a toujours été la passion pour le jeu. Pour moi, le foot, ce sont d’abord des émotions partagées. Les années lyonnaises, ce sont aussi les souvenirs de Champions League ou de la Coupe de l’UEFA ».

À LYON AVEC GRÉGORY COUPET Cela semble simple, mais la détermination ou le talent ne peuvent suffire pour expliquer une telle trajectoire. Grégory Coupet, qui a partagé l’aventure des Gones avec lui et reste l’un de ses meilleurs amis, le confirme : « il y a beaucoup de valeurs dans la famille de David. Il a toujours eu Ü

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b ALEXIS REAU/PRESSE SPORTS

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En 2002, sous les couleurs de l'OL, lors d'un match de championnat contre le PSG.


les pieds bien ancrés dans le sol, tout en vivant dans un monde incroyable et parallèle. À Lyon, avec Philippe Violeau, ils formaient une paire avec une belle intelligence de jeu ». Ce que confirme sa sœur : « il n’a pas perdu la tête, il est toujours dans la raison. C’est la base de l’éducation que nous avons reçue. La valeur travail a toujours été là aussi, nous avons toujours vu travailler notre père. À Lyon, il a été repéré pour ses qualités physiques, il bossait pour le collectif. Et, aussi, il a horreur de l’échec, il hait la défaite ! ». « Je suis issu du milieu du bâtiment, poursuit l'ex-footballeur. Mon père était charpentier, mon grand-père menuisier, mon oncle aussi. Je retiens ces valeurs d’entraide, de solidarité, qui existent entre les ouvriers du bois ». Entre Saône et Rhône, David Linarès rencontre également sa future épouse : « nous nous sommes connus au lycée et nous ne nous sommes plus quittés. J’ai la chance d’avoir quelqu’un qui me comprend » et qui deviendra la mère de leurs deux enfants, Maeva et Noa. « Ils sont le vrai pilier dans sa vie, poursuit son aînée. Sa famille lui apporte de la stabilité, je le dis sans prétention. » « Ma grande sœur Lydia est aussi importante pour moi, confirme David, elle fait partie de mon équilibre. Sa gentillesse et son soutien me tranquillisent beaucoup dans les moments difficiles ». Après la capitale des Gaules, le Jurassien a poursuivi sa carrière à Troyes (Aube) notamment, avant de poser ses valises de manière définitive à Dijon, en 2005. Et quand il arrête sa carrière de joueur en 2010, à l’âge de 35 ans, il bascule progressivement vers le métier d’entraîneur. Encore joueur professionnel, il a pu passer certains diplômes, notamment le

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C'est en découvrant que Jean-Michel Peuget, un Jurassien, faisait carrière dans le football, que le gamin d'Arlay s'est dit que c'était aussi possible pour lui.

brevet d'entraîneur formateur de football, « un diplôme très important pour moi, car il m’a permis de basculer dans le métier et comprendre les exigences fédérales », dit-il. David Linarès raccroche les crampons en 2010 après quatre belles saisons en Ligue 2. « Quand j’ai arrêté, je crois que j’avais une bonne image auprès du président [Olivier Delcourt, N.D.L.R.]. Il m’a proposé de basculer vers le métier d’éducateur. J’ai commencé par l’équipe féminine pendant deux ans. Ce fut une remise en question, ce n’est pas le même jeu. Ensuite, je me suis occupé de l’équipe C. Après l’équipe de N3, je suis ensuite devenu entraîneur-adjoint de l'équipe 1. » En 2020, il en prend les commandes. « Il y a eu des concours de circonstances, mais j’ai un parcours linéaire, ce qui m’a permis de suivre la carrière des joueurs que j’entraîne aujourd’hui », explique-t-il.

JOUEUR PUIS ENTRAÎNEUR DU CLUB DE DIJON « On recrute ensemble, on travaille ensemble, on a mis un nouveau système à 4, comme avant, il n'y a pas de raison que ça ne fonctionne pas. À sa place, il y en a plus d'un qui serait parti, c'est un compétiteur. Il va relever le défi [c'est-àdire remonter en Ligue 1, N.D.L.R.], assure Olivier Delcourt chez nos confrères de France 3. La pression est pour tout le monde, le coach, les joueurs et les dirigeants. » « Quand je suis venu à Dijon en 2020 pour entraîner les gardiens, c’est en partie pour David, explique Grégory Coupet, ex-footballeur international français qui a porté les couleurs de l'AS Saint-Étienne, de l'OL, de l'Atlético Madrid et du PSG. La dimension humaine du projet du DFCO me Ü


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ARLAY, SA BOUFFÉE D'OXYGÈNE Humilité, goût de l’effort, esprit collectif. David Linarès accorde de l’importante à la cohésion de groupe, à la force que peut avoir le sport dans le lien humain. « La base de mon métier, ce sont les relations humaines, il n’existe pas beaucoup de jobs qui procurent autant d’émotions. Je mesure la chance que j’ai de vivre dans cet environnement. Les années de formation difficiles me donnent aujourd’hui les diplômes nécessaires pour continuer à m’épanouir dans ce milieu, le plus longtemps possible j’espère ». Ces derniers mois, il a eu moins d'occasions de venir dans le Jura. « Il est passé rapidement la semaine dernière », glisse sa sœur. Mais sa terre d'enfance reste importante. « Il est très fier de son village. Il a l’habitude d’offrir du vin de paille à ceux qui ne connaissent pas. Quand il est à Arlay, il m’envoie par téléphone des photos de la rivière [la Seille, N.D.L.R.] où il pêche », confie Grégory Coupet. Depuis peu, David Linarès s’est mis au vélo et explore les bois du côté de Quintigny, Lavigny ou Pannessières. « Même si le collectif a toujours été son truc, il pratique depuis peu ce

sport où l’on est seul face à soi, et il ne peut pas s’empêcher de se fixer des objectifs », constate, en souriant, sa sœur. « Il sait d’où il vient, il a gravi les échelons tranquillement et il a la faculté de s’améliorer tout le temps », ajoute-t-elle. « C’est ma bouffée d’oxygène. Dès que je peux, je viens dans le Jura, je retrouve des personnes qui me connaissent depuis toujours. Je redeviens le fils de, ou le frère de, un gars d’Arlay. Cela fait partie de mon sas de décompression. Je suis parti tôt de la maison, mais ce n’est pas un handicap. Pour revenir, il faut partir tôt ».

« David n'est pas qu'un gentil, il a aussi du caractère », décrit Grégory Coupet, ancien gardien de but de l'équipe de France.

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plaît. Cette saison, le fait que David ait dirigé l’équipe tout en passant son diplôme d’entraîneur [en fait, le Brevet d'entraîneur professionnel de football (BEPF), le plus haut diplôme français en la matière, N.D.L.R.] – un diplôme difficile – a suscité l’admiration du staff et des joueurs, il m’a impressionné ». C'est que, ajoute Maryline Linarès, « il ne fait rien à moitié. L’année qu’il vient de passer n’a pas été simple ». En fait, le Jurassien s’inscrit dans le long terme. « Il a une vraie intelligence du poste, il défend ses joueurs tout en arrivant à faire passer ses messages sans monter la voix, je crois qu’il a pris cela de Jacques Santini, notre entraîneur à Lyon. Mais j’ai un message à leur faire passer : David n’est pas qu’un gentil, il a du caractère. Et quand il commence à hausser le ton, c’est qu’il est déjà trop tard », poursuit l’ancien gardien de l’équipe de France.

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Avec son équipe, le Jurassien travaille déjà à un retour de Dijon en Ligue 1.

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Mon Jura à moi

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FILLON MAILLET PÉKIN EXPRESS

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Quentin Quentin Fillon-Maillet Fillon-Maillet est estun membre Grandvallier. de l'équipe C'est dans de sonFrance Haut-Jura de biathlon. qu'il vit. Il va participer aux prochains Jeux olympiques de Pékin, en Chine.


Quentin Fillon-Maillet est membre de l'équipe de France de biathlon. Il a disputé sa première course internationale en 2012. il compte deux médailles mondiales et six victoires en coupe du monde.

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Aux prochains Jeux olympiques d'hiver, en février prochain, le Jurassien Quentin Fillon-Maillet représentera en Chine une chance de médailles pour la France. Ü

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QUENTIN FILLON-MAILLET EST L'UN DES MEILLEURS BIATHLÈTES DE LA PLANÈTE. Originaire de Saint-Laurent-en-Grandvaux, le numéro trois mondial va participer, en février prochain, aux Jeux olympiques de Pékin (Chine). NUMÉRO 39 - Troisième de la coupe du monde cette année, gros espoir de médailles aux prochains Jeux olympiques de Pékin, en février 2022, et vous restez farouchement jurassien. Pourquoi ? QUENTIN FILLON-MAILLET - Parce que je suis de Saint-Laurent. C’est là que j’ai débuté dans la vie, que j’ai tout appris. J'y vis, ma famille aussi. Je m’y plais. Enfant, j’habitais à 150 mètres de l’école maternelle et primaire et, même si je n’ai jamais été un élève assidu, même si ce n’était pas mon rêve de partir chaque matin pour l’école, j’en ai gardé d’excellents souvenirs. Je retrouvais les copains, on allait construire des cabanes dans les bois, on faisait du vélo sur les parkings après l’école, on jouait sur les tremplins de ski. Beaucoup étaient inscrits au ski-club de Saint-Laurent, ce sont des amis avec lesquels j’ai gardé un contact particulier. Parlez-nous de cette époque où vous étiez un gosse des champs ? C’est vrai que je n’ai jamais eu de console. J’ai tou- Ü

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Denis Trossat a été le trésorier de Fédération française de football. Un poste qui ne l'a jamais éloigné des petits clubs. Ici, avec les enfants de Macornay.

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jours eu une passion pour l’extérieur. J’en avais aussi une pour les legos. Mais dès que j’avais du temps, j’étais dehors avec les copains, j’allais jouer à côté de la maison, dans l’ancien atelier de mon père où j’ai fait pas mal de bêtises. Je fabriquais des arbalètes, j’ai toujours aimé faire des choses avec mes mains. Même plus tard, dans l’entreprise familiale à Saint-Pierre, on avait installé, avec mon cousin Boris, un stand de tir sur la pelouse et, quand il pleuvait, je tirais à plat ventre sur un tapis depuis le camion. C’est là que j’ai fabriqué ma première crosse. Une passion du travail manuel qui est allée jusqu’à motiver le choix de vos études ? J’ai choisi l’école microtechnique de Morez jusqu’au bac. Après, j’aurais pu rejoindre une section sport-études à Pontarlier, mais j’ai choisi de rester à Morez avec plusieurs copains de collège et, quand j’ai véritablement choisi le métier de biathlète, j’ai intégré le pôle national de Prémanon pour une formation Conception industrielle microtechniques (CIM), ce qui m’a permis d’aménager mes cours pour lier le sport et les études. C’était difficile, les entraînements font perdre beaucoup d’heures de cours, mais j’ai retrouvé du plaisir à étudier. Et puis je voulais à tout prix mon diplôme. J’ai loupé de peu la première année. Du coup, j'ai fait le parcours en trois ans.

Un diplôme pour assurer vos arrières ? Une carrière sportive peut être très courte. Si les performances ne viennent pas, il faut faire autre chose. Je voulais me garantir une certaine sécurité. Cette filière me donnera peutêtre un métier après ma vie de biathlète. Peut-être que je travaillerai dans l’entreprise de mon père [Laurent Fillon-Maillet dirige une société spécialisée dans la fabrication et la pose de menuiserie en aluminium, N.D.L.R.], je n’ai rien décidé pour le moment. En tout cas, cette formation a fait de vous un sportif particulier puisque vous fabriquez vous-même les crosses de vos carabines… D’autres l’ont fait par le passé, mais je voulais pousser les choses encore plus loin et avoir la plus belle carabine du circuit. Une crosse demande beaucoup de réglages, j’ai mis six mois pour mettre au point la première, avec l’aide de Franck Badiou [médaillé d'argent à la carabine à air comprimé

à 10 mètres aux JO d'été de 1992, il est l'armurier des Bleus, N.D.L.R.]. J’en ai conçu quatre au total. C’est quelque chose de très pointu qui m’a demandé des heures de travail. Je me revois dans ma chambre d’hôtel, avec mon pied à coulisse. Il y a eu des échecs, mais j’évolue depuis dix ans avec ces crosses. Elles sont très personnelles. À 28 ans, que signifie la famille pour vous ? Ce sont toutes les personnes qui m’ont inculqué les valeurs de travail, de volonté, de respect et de plaisir aussi... Grâce à elles, j’ai pu m’exprimer dans les sports de plein air, me dépasser, progresser. À la maison, nous sommes quatre enfants et mes parents ont donné beaucoup de leur temps pour m’emmener en compétition, je leur dois un merci infini. Mes deux frères, plus jeunes que moi, ont fait eux aussi du biathlon, jusqu’à la sélection en équipe de France pour Jason et un peu moins loin pour Rémi. Je suis bien conscient que, certaines fois, c’est difficile pour eux d’avoir un grand frère qui marche bien et je regrette qu’ils soient trop souvent « les frères de ». Mais on s’entend bien et on a passé beaucoup de temps ensemble, mes parents avaient un camping-car et on a fait plein de randonnées à vélo. Et dans votre vie privée actuelle, vous parvenez à un équilibre ? Avec de longues absences, mon rythme de vie est très différent de celui de la plupart des Français. Je peux être dans le Jura deux semaines puis partir trois semaines. C’est très difficile pour les gens avec qui on vit. Ma compagne aimerait, bien sûr, que mes absences ne soient pas trop longues, mais elle est partie prenante de ce que je fais et je l’aide du mieux que je peux. Quand je rentre, on se retrouve. Il n’y a pas de lassitude. C’est quoi pour vous un champion ? C’est quelqu’un qui a du caractère pour se défendre en compétition, mais aussi tout au long de sa préparation. Champion, c’est un travail à plein temps. C’est aussi tenir le stress et avoir d'importantes qualités physiques. Une saison représente plus de quarante courses en quatre mois et il y a les déplacements qui vont avec. Cela fait donc trois courses par semaine… Avec les années, on développe des dispositions pour récupérer plus vite ; on travaille la nutrition, la relaxation avec des préparateurs mentaux. Moi, c’est l’expérience qui me fait avancer. J’ai la capacité de ne plus avoir peur. La façon de me rassurer, c’est de me dire que j’ai donné 110 % de moi dans mon entraînement. Je crois que c’est ce qui me permet d’atteindre les plus grandes performances en compétition. Peut-on rester fidèle à ses valeurs quand on est un champion de très haut niveau ? Pour moi, la principale valeur, c’est l’humilité. C’est ce que j’essaie de partager en équipe de France pour que chacun garde les pieds sur terre, notamment avec les jeunes qui commencent, mais aussi dans la vie de tous les jours. Je me sens bien avec les gens simples. Le succès m’a permis de prendre confiance, d’avoir davantage d’ambition, il m’a fait grandir. Je n’ai pas vraiment de patron, je suis mon seul maître, je décide de m’investir ou pas. Parfois, je ne suis pas motivé pour aller m’entraîner, mais j’y vais quand même. Il y a des sacrifices Ü

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Le biathlète au pic de l'Aigle, au-dessus du lac d'Ilay, sur la commune de La Chaux-du-Dombief

En famille, avec Laurent et Sylvie, ses parents.

Au fort des Rousses, « le véritable symbole du Haut-Jura : solide, un peu froid, mystérieux », décrit Quentin Fillon-Maillet.

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b COLLECTION PERSONNELLE

Le Grandvallier n'est pas souvent chez lui. La vie de biathlète, ce sont quarante courses en quatre mois et les déplacements qui vont avec.


dans ce genre de vie, mais la récompense est là. Sans travail, on n’obtient rien. Je m’estime chanceux, j’ai des capacités physiques et mentales, un bon environnement. Je vis dans le Jura qui est une terre de biathlon et j’ai ma famille auprès de moi. J’essaie de rester moi-même. Pourtant, vous vivez une extrême médiatisation. Comment gérez-vous cela ? Je n’y étais pas préparé. Le milieu de la coupe du monde est impressionnant. Tout est filmé, pris en photo. Les premières années, j’étais très loin de tout cela. On n’applaudit pas un boulanger quand il fabrique ses pains. Moi, vingt mille personnes m’applaudissent quand je cours ! C’est bizarre de me dire que je fais le sport que j’aime et que des millions de personnes dans le monde me soutiennent devant leurs écrans ou sur le bord des pistes. Cela a changé ma vie. Comment faites-vous pour rester concentré sur votre sport ? Je n’ai jamais demandé à être autant reconnu ! À la télé, il faut peser ses mots et je ne le fais pas en permanence, je prends la médiatisation à cœur, mais elle n'est pas ma première source de motivation. Moi, je suis avant tout sportif, je fais mon métier de biathlète à 100 % et je préserve avant tout ma performance. Pour la médiatisation, je travaille avec un attaché de presse et je suis présent sur les réseaux sociaux. Quel est aujourd’hui votre rêve ? Être champion olympique, c’est tellement grand à aller chercher ! Je me donne tous les moyens pour y accéder, je m’en approche grâce aux victoires en coupe du monde qui sont en elles-mêmes des rêves que j’ai réalisés. Mais par la suite, je

reviendrai à une vie normale : être papa, avoir une maison. Le biathlon m’a amené à réfléchir à tout ça. Je ne dis pas non au cinéma ou autre, mais pas pour le moment. Ce sport me permet d'avoir certaines opportunités hors du commun, comme faire de belles rencontres, avoir des sponsors généreux… Des choses que je n'aurais pas pu faire sans le biathlon, c'est une vraie chance. Quentin le modeste… Je ne dis pas cela, je ne rêve pas d’une vie tranquille, j’ai plein d’envies, de secrets, mais j’essaie de rester humble. J’ai trop vu de sportifs perdre la tête et faire des choses pas très plaisantes. Je veux montrer l'image d'un sportif modeste en ce sens que je n’ai aucune raison de vouloir une vie de paillettes. J’essaie de me contenter de choses simples. Je n’ai pas besoin d’une Lamborghini pour être heureux. Je recherche mon bonheur, je n’éprouve pas le besoin de montrer aux autres que je réussis, pas le besoin de dire que je suis champion de biathlon… Aujourd’hui, quel est votre statut ? Je suis un biathlète rémunéré par l’État par le biais des Douanes. Je représente la France au plus haut niveau, mais je ne suis pas douanier pour autant. Certains pensent que je ne m'entraîne pas durant l'été et que les courses se gagnent facilement, mais l'investissement est énorme. La préparation dure sept mois, elle commence début mai et dure jusqu'aux premières courses sur ski en novembre. Cette période estivale ne me garantit pas le succès durant l’hiver. Les médias nous mettent la pression, mais c’est justement ce qui me plaît, chaque échec fait que la victoire est belle...

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b NUMÉRO 39

Dans l'entreprise familiale du Grandvaux. « À Saint-Laurent, on est autant du Haut-Jura que du bas. On parle de moi sur les skis, mais j’aime aussi les tropiques jurassiens que sont les lacs avec leurs teintes turquoise qu’on ne voit que dans des endroits de rêve », confie le jeune sportif.


x u a v ISIS d n a r Le G . . . e l i o v é d se Espace

Photos : J. Cortinovis et B. Leroy

Pierre

Aquaparc

Piscine

LÉO LAGRANGE

OUVERT TOUTE L’ANNÉE

www.haut-jura-grandvaux.com Suivez-nous

Office de tOurisme 03 84 60 15 25

numéro 103 39


b PEXELS-PIXABAY

Agenda

Récits polaires et mots givrés Où : Prémanon Quand : jusqu'en juin 2022

L'exploration des pôles a engendré toute une littérature aujourd'hui très recherchée.

Les récits réels ou imaginaires ne manquent pas pour parler des pôles. Ces espaces fascinent, inquiètent parce qu’ils sont extrêmes et que, a priori, l’homme n’y a pas sa place. Mais des aventuriers, des scientifiques, des poètes, des curieux s’y sont risqué, repoussant les dangers et ils ont écrit des récits souvent extraordinaires : contes, légendes, mythes, écrits humoristiques, réalistes, caricaturaux… Toute cette production fait partie de l’histoire polaire. C'est ce dont témoigne l’Espace des mondes polaires qui propose aux visiteurs une exposition temporaire forte et poétique.

b NICOLAS LOGEROT

Pwww.espacedesmondespolaires.org

La chartreuse de Vaucluse Où : Lons-le-Saunier Quand : jusqu’en novembre 2022

Il était une fois la vallée de l’Ain qui sillonnait le Jura. Il était une fois, au VIe siècle, une chartreuse où vivait une communauté de moines venus chercher le calme, l’isolement et la prière dans un désert vert. Le temps a passé, l’abbaye a essuyé les affronts des siècles pour disparaître aux yeux des hommes en 1968 sous les eaux du barrage de Vouglans. Quel était ce lieu aujourd’hui entré dans la légende ? Qui vivait là, comment ? Retour sur une incroyable épopée dans le hall du Conseil départemental du Jura, rue Rouget-de-Lisle. Pwww.jura.fr

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La Cathédrale du Comté Visite guidée des caves d’affinage du Comté Marcel Petite. Toute l’année sur réservation

Renseignements : 03 81 49 14 34 - Réservations : 03 81 69 31 21

Saint-Antoine - à 5 mn de Métabief

La Crèmerie Marcel Petite Comtés Petite, Fromages et produits régionaux, épicerie fine, vins... Renseignements : 03 81 39 09 50 cremerie@comte-petite.com

Pontarlier - Centre ville - 1 rue Sainte-Anne

www.comte-petite.com

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Agenda

Henri Cueco persiste à Dole Après une longue hibernation, le musée des Beaux-Arts de Dole a décidé de prolonger l’exposition dédiée à Henri Cueco, « journal d’un peintre », pendant tout l’été. C'est tant mieux parce que celleci n’a été ouverte au public que deux semaines. Henri Cueco, c’est un peu le noyau central du fonds d’art contemporain du musée et ses œuvres présentées sous forme de thématiques (dessin, peintures, images empêchées, le réel nu, autoportraits, bestiaire, paysages, dimension politique…) retracent toute une vie de défis, de combats, mais aussi de découvertes. Henri Cueco est un artiste dans son époque, il a touché à tout avec bonheur… et talent.

b DAVID CUECO

Où : Dole Quand : jusqu’au 12 septembre

Manifestation au couple d’amoureux, huile et émail à froid sur toile

Pwww.sortiradole.fr

b DR

Un jardin poétique en Haute Seille

Où : Maison de la Haute Seille à Château-Chalon Quand : jusqu’en septembre

D’abord, il y a le lieu : le Froid Pignon, à Château-Chalon, perché sur son rocher. C’est l’ancienne demeure du confesseur des abbesses, transformé aujourd’hui en Maison de la Haute Seille, pôle oenotouristique, patrimonial et culturel. Dans le jardin qui jouxte cette bâtisse, une dizaine de plasticiens ont décidé de créer un jardin poétique au sous-titre évocateur : « Demain le soleil brillera ». Allusion bien sûr à la période difficile que nous venons de traverser, au besoin d’évasion, de poésie, de douceur et d’humour que nous éprouvons. La peinture, la sculpture et la céramique de Benoît Jaillet, Danielle Lequin, Éric Mourez, Philippe Marchenay, Alain Plaisiat sont autant de clins d’œil pour oublier la morosité des mois passés.

La Vache qui Rit se marre pour ses 100 ans Où : Lons-le-Saunier Quand : jusqu’en décembre 2022

La vache rouge au sourire emblématique fête cette année ses 100 ans et, bien évidemment, la Maison de la Vache qui Rit à Lons-leSaunier, créée sur les lieux du premier atelier de fabrication de ce fromage légendaire, célèbre l’événement à travers une exposition basée sur le rire. Il n’y a pas d’âge pour rigoler et s’amuser. Toutes les générations sont invitées (c’est mieux à plusieurs…) pour s’habiller avec la Vache qui rit, découvrir son histoire à travers une BD géante et des lunettes en carton, jouer à cache-cache, réinventer sa légende depuis la préhistoire à travers une exposition archéologique… Images, vidéos, sons, réalité augmentée, anamorphose, image lenticulaire, illusion d’optique : un festival technologique attend le visiteur. Ce n’est pas tout, les 11 et 12 septembre, une fête foraine écologique accueillera le public au Parc des Bains. Pwww.lamaisondelavachequirit.com

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b MATHIEU JEAN-LOUP

Pwww.tourisme-chateauchalon.fr


b NAOKI NOMURA

Comme c’est Biz’Art Où : Le Vaudioux Quand : jusqu’au 30 septembre

Toujours sur le pont la galerie d’art contemporain du Vaudioux, à côté de Champagnole ! Cet été, elle met à l'honneur des gens comme Carl Alessi, Patrik Evereus, Jérôme Galvin, Hector, Naoki Nomura, Françoise Sablons, Christopher St. John, Marie-Françoise Valois. Un sculpteur taiwanais et cinq dessinateurs japonais d'un même groupe complètent cette édition 2021 : Yuhi Fukuta, Mana Iwamoto, Maco Matsushita, Kota Sekogushi, Kenshin Sugita et Wen-Hung Wang. Sculpture, peinture, céramique, dessins, collages… il y en a pour tous les goûts. Ouvert tous les jours de 14 h à 19 h, le matin sur rendez-vous pour les groupes.

b PIERRE-YVES VIDELIER, ATELIER SCÈNE DE PAPIER

Pwww.bizart-bizart.com

Clairvaux et Chalain au néolithique Où : Lons-le-Saunier Quand : jusqu’en novembre

Il faut remonter à peu près 6 000 ans en arrière pour imaginer les villages lacustres de Clairvaux et Chalain, aujourd’hui classés au Patrimoine mondial de l’Unesco. Les habitants de l’époque ont laissé des traces : objets de la vie quotidienne, parures, armes, outils... Et c’est ce patrimoine incroyable que présente le musée des BeauxArts de Lons-le-Saunier durant l’été et une partie de l’automne. Un regard intime sur la vie de ces lointains ancêtres. Pwww.lonslesaunier.fr/les-musees LES SCÈNES DU JURA SONT SUBVENTIONNÉES PAR : LE MINISTÈRE DE LA CULTURE / DRAC DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ, GRAND DOLE COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION, ESPACE COMMUNAUTAIRE LONS AGGLOMÉRATION, LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU JURA, LE CONSEIL RÉGIONAL DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ, LA VILLE DE DOLE, LA VILLE DE LONS-LE-SAUNIER, LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES CHAMPAGNOLE NOZEROY JURA, LA VILLE DE MOREZ - COMMUNE NOUVELLE DES HAUTS DE BIENNE, LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES CŒUR DU JURA, LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES PORTE DU JURA, LA VILLE DE POLIGNY, LA VILLE DE SALINS-LES-BAINS. AVEC LE SOUTIEN DE L’ONDA, DE LA SACEM ET DU CLUB DES MÉCÈNES. CRÉATION GRAPHIQUE : © CAPUCINE DOLE. SIRET N° 413 401 373 000 19 / APE : 9001 Z - LICENCE L.D.19.405

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Le peintre d’Ornans a souvent été « croqué », dessins humoristiques, mais également sarcastiques, présentées dans la ferme familiale de Flagey. b © DONATION JARDOT MUSÉES DE BELFORT © SUCCESSION PICASSO, 2021

Agenda

Pablo Picasso, Dora Maar ou Femme dans un fauteuil 1941 huile sur toile, 92 × 65 cm Belfort, musée d’Art moderne

L'été Courbet TROIS LIEUX, TROIS EXPOSITIONS

Quand Picasso rend visite à Courbet

Celui qui était considéré comme le meneur de la génération des peintres réalistes au XIXe siècle a souvent été « croqué » par les caricaturistes de l’époque : Cham, Quillenbois, Daumier. Sa barbe, sa palette, son visage, ses sabots, sa blouse… tous les attributs de cette « gueule » ont concouru à l’immortaliser. Au siècle du journal papier, l’homme avait très bien compris comment promouvoir son image…

Après s’être refait une santé, le musée Courbet attaque fort l’été avec une confrontation magistrale entre le maître d’Ornans et… Picasso. Le premier considérait le second comme le père de l’art moderne et du mouvement. Picasso, qui a découvert Courbet en 1900, le voyait comme l’initiateur de l’impressionnisme et du cubisme. Il a même réinterprété à sa manière la toile de Courbet « Demoiselles des bords de la Seine ».

Où : Flagey (25) Quand : jusqu’au 17 octobre

Où : Ornans (25) Quand : jusqu’au 18 octobre

Pwww.doubs.fr

Pwww.museeourbet.fr

Et la colonne Vendôme

Où : Saint-Claude Quand : jusqu’au 31 décembre

C’est la bonne nouvelle de cette année 2021 : le musée de l’Abbaye prolonge jusqu’à la fin de l’année l’exposition consacrée à Gustave Courbet sur l’École de la nature. Mieux, l’expo est complétée par de nouvelles œuvres sur un événement qui défraya la chronique sociale de l’époque puisqu’il s’agit de l’affaire d’État qui mêla le peintre comtois à la mise à bas de la colonne Vendôme pendant la Commune. Il est vrai que Courbet était aussi un citoyen très engagé dans la politique de son époque. À découvrir…

b H. BETRAND/MUSÉE DE LA GRANDE SALINE

b © COPYRIGHT PIERRE GUENAT1

Monogramme de Charles Vernier (1831-1887) Portrait charge de Courbet, La Commune n° 3, 1871

Le prophète caricaturé

Pwww.museedelabbaye.fr

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Gustave Courbet, La roche pourrie, 1864 Huile sur toile, 59,7x73 cm


Le musée du jouet la joue sportif Où : Moirans-en-Montagne Quand : jusqu'au 20 janvier 2022

Et si on parlait de la place du jouet dans le monde sportif ? Si on s’interrogeait sur son rôle dans les notions d’excellence, de vie en commun, d’échange ? Jouet et sports font très bon ménage, sauf si le jouet est détourné et mis au service de courants de pensée. Jusqu’au 22 janvier 2022, une exposition, réalisée en partenariat avec le laboratoire C3S pour « culture, sport, santé, société » de l’Université de Franche-Comté, propose de découvrir les liens entre ces deux mondes, grâce notamment à un « parcours-défis » pour les familles, accompagné de nouveaux ateliers, d’une visite guidée, de spectacles, rencontres, conférences et débats. b FANNY-ANAÏS D.

Pwww.musee-du-jouet.com

Lamy aux mains d’argent, Landolt l’excentrique

Quand le Jura conquiert la France entière

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DELPHINE CLAUDEL L’hiver de tous les possibles

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Une course populaire au temps de la Covid

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LE GRAND RÉCIT • HIVER 2019-2020

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Un média jurassien Une audience nationale JOHANNES H. KLÆBO • DELPHINE CLAUDEL • CHRISTOPHE VASSALLO • STINA NILSSON FÉVRIER 2021

C’est une saga que présente le musée de la lunette de Morez en exposition temporaire, celle d’une des plus importantes dynasties moréziennes dont l’aventure a débuté en 1820 avec Pierre-Hyacinte Lamy et s’est poursuivie sur quatre générations sous la marque Fidela. Une soixantaine de pièces sont présentées. Autre exposition temporaire jusqu’au 22 mai 2022, « l’excentrique collection de M. Landolt », un lynétaphile suisse. Acquise par donation, elle est composée de 1 400 items : lunettes, instruments d’optique et gravures couvrent quatre siècles d’histoire, du XVIIe au XXe. Surprenant…

nordic Magazine #35

b VILLE DE MOREZ

Où : Morez Quand : jusqu’au 1er septembre et au 22 mai 2022

2021 ÉtéÉté 2021 numero39.com numero39.com

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Le Jura

LeJOJura aux de Pékin aux JO de Pékin

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ÉRIC DE CHASSEY Jurassien ÉRICLeDE CHASSEY qui confronte Le Jurassien quiNapoléon confronte à l'artNapoléon contemporain à l'art contemporain DAVID LINARÈS Le football DAVID LINARÈS parLeplaisir du jeu football par plaisir du jeu LES JURASSIENNES L'AQUARIUS LESDEJURASSIENNES Mathilde Auvillain DE L'AQUARIUS ÉmilieAuvillain Satt Mathilde Daphné Victor Émilie Satt Sabine DaphnéGrenard Victor Sabine Grenard

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A lire aussi sur

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b JB MILLOT

Où : Frontenay Quand : 20 et 21 août

Voilà un beau concept qui consiste à allier un site unique, le château de Frontenay, des concerts de jazz et des artistes reconnus ou en devenir, à raison de quatre concerts par soirée pendant deux jours. Cette année, au menu, le vendredi soir, Vladimir Torres Trio, Anne Ducros Trio, Lionel Martin-Sangoma Everett et Cissy Street. Le samedi, Caloe, Jacky Terrasson, Charlotte Planchou Quartet Feat et Robinson Khoury avec son orchestre Frame of Mind. De quoi se régaler… Pwww.frontenayjazz.fr

Anne Ducros

De bouche à oreille tout l’été

b DR

Agenda

Du jazz et un château

Où : dans toute la Petite Montagne Quand : du 16 juillet au 25 septembre

Elina Jones, ex-ingénieure en chimie, est une chanteuse autodidacte d’origine malgache. En 2016, elle quitte le confort d’une vie de jeune cadre dynamique, pour se consacrer entièrement à sa passion : la musique afro-américaine (Soul, Blues et, Funk) des années 50 à 70.

Le festival de Bouche à Oreille (BAO) a opté pour une programmation étalée sur l’ensemble de l’été. Elle permettra aux visiteurs de découvrir de beaux villages du sud jurassien et des groupes culturels originaux, le tout dans une ambiance de kermesse. Au menu du mois de juillet, le 16, pique-nique musical à la pierre Enon, à Arinthod, avec un concert d'Elina Jones & The Fireflies ; le 20, guinguette à Clairvaux-les-Lacs avec un concert Dyslexic Swing et The Silent Brocoli ; le 21, musique baroque avec les Kasper’Girls à l’église de Gigny ; le 22, journée contes à la Chailleuse avec Mapie Caburet, à Saint-Laurent la Roche ; le 27, musique fado avec Carla Pires à l’église d’Orgelet et, le 28, spectacle Plouf et Replouf par la Cie Super Super sous l’orme à Orgelet. En août, le festival continue le 1er avec un voyage culinaire versus Emmanuel Perrodin à Vescles. En septembre, montée au château d’Oliferne le 12 et, le 25, rock avec le groupe Wheobe et Gliz à Moirans-en-Montagne. Pwww.festival-jura.com

b STUDIO M

La Paille fait des détours Où : Haut-Doubs (25) Quand : de juillet à septembre

Le Festival de la Paille est annulé pour la deuxième année consécutive, mais la musique continue avec une nouvelle formule itinérante qui se décline dans les lieux emblématiques du Haut-Doubs. À l’affiche tout au long de l’été : Zerolex et Païkan, concerts électro à la source du Doubs ; Nikola et Elio, pour du hip-hop aux Hôpitaux-Neufs et plus précisément à bord du Coni’Fer, le petit train mythique ; Bigger et Johnny Mafia (rock) au tremplin de saut à ski de Chaux-Neuve ; Mystically et Eméa pour de la musique du monde au sommet du Morond, à Métabief. Avec ou sans public, les concerts seront filmés et diffusés en différé sur les réseaux sociaux du Festival de la Paille. Pwww.festivalpaille.fr

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Mystically, duo féminin soul reggae mêlant diverses influences.


L'été des Nuits bressanes Où : Louhans (71) Quand : du 27 au 29 août

Pas question de baisser pavillon ! Les organisateurs des Nuits Bressanes qui ont dû renoncer pour la deuxième année consécutive à leur rendez-vous au stade de Bram, proposent, au cœur de Louhans, sur la place de la Libération, un nouveau festival sur trois soirées et en format assis pour chanter, mais aussi rire. Au programme, vendredi 27 août : Bénabar et Julien Clerc ; samedi 28 août, Maxime Gasteuil et Ary Abittan ; dimanche 29 août, Patrick Fiori et Michel Jonasz (en version groove). b KB STUDIO

Pwww.lesnuitsbressanes.fr

Feu ! Chatterton Où : Dole Quand : 19 octobre

Comment dire ? C’est de la musique. C’est un groupe. C’est du rock. C’est aussi de la pop. C’est du Slam. C’est du texte. C’est un show. C’est ensorceleur. Le groupe Feu ! Chatterton s’invite à la Commanderie de Dole sous la houlette des Scènes du Jura en coproduction avec le Moulin de Brainans et Musik Ap’Passionato pour un concert surprenant à l’occasion de la sortie de leur dernier album Palais d’Argile.

b ANTOINE HENAULT

Pwww.scenesdujura.com - www.lefruitdesvoix.com

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Agenda

Les adieux provisoires de Pierre Perret Où : Lons-le-Saunier Quand : 24 octobre

86 ans, cinq musiciens et un concert de deux heures à Juraparc, à Lons-le-Saunier, avec, bien sûr, tous ses succès. Pierre Perret sera l’hôte du festival Le Fruit des Voix en partenariat avec le Moulin et Musik Ap’Passionato. Ce pourrait être le concert de ses adieux, mais comme il a beaucoup d’humour et qu’il est prudent, l’ami Pierre préfère parler d’adieux provisoires. On aime mieux ça… - www.lefruitdesvoix.com b PIERRE PERRET

Pwww.moulindebrainans.com

Où : Dole Quand : du 1er au 3 octobre

Après une interruption l’an dernier, il revient le célèbre chat perché pour un nouveau week-end gourmand. Cette fois, c’est reparti pour faire du centre-ville un gigantesque marché gastronomique où des dizaines de producteurs locaux proposeront leurs produits. Pour le côté gastronomique pur, une équipe de chefs va concocter des menus et des plats à déguster sur place, notamment grâce au pass dégustation. Pour le volet festif, des concerts, des animations, des visites… sont programmés. Et comme région invitée d’honneur, c'est l’Alsace et Chablis en Bourgogne qui seront célébrées.

b YVES REGALDI

Vraiment perché ce chat…

b DR

Pwww.weekend-gourmand-dole.fr

L’affaire des poisons à la Citadelle Où : Besançon Quand : jusqu’au 26 septembre

Plusieurs protagonistes de la célèbre affaire des poisons qui fit scandale sous Louis XIV se sont retrouvés incarcérés à la citadelle de Besançon. Sombre histoire d’adultères, de complots, de sorcières et de sacrifices humains autour de la Montespan, maîtresse du roi Soleil… Bref, de la belle et bonne histoire de France revue et visitée dans un escape game proposé tout l’été où les joueurs (par groupes de six maximum) enfermés dans une pièce auront une heure, pas plus, pour résoudre l’énigme. De quoi passer un bon moment… Pwwww.citadelle.com g

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Le Tour du Jura et Classic Grand Besançon Doubs Où : dans le Jura et à Besançon Quand : 3 et 4 septembre

Le Tour du Jura et le Classic Grand Besançon Doubs initialement prévus au mois d’avril avaient été reportées, devinez pourquoi… La Covid-19 bien sûr et le troisième confinement ! Mais qui dit report, ne signifie pas annulation. Les deux courses auront lieu les 3 et 4 septembre. Si l’on ajoute, le 5 septembre, le Tour du Doubs, c’est un week-end d’enfer qui se profile avec notamment la présence de Thibaut Pinot, Nans Peters et Alexis Vuillermoz.

Cet été

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Ideklic célèbre la planète Où : Moirans-en-Montagne Quand : 12 au 15 juillet

b LUDIVINE RAFROIDI

Le festival destiné aux spectateurs de 6 mois à 16 ans a choisi de rendre hommage à la beauté du monde en mettant en avant la nature… et les humains. Une cinquantaine de représentations réparties sur quatre jours évoqueront la flore, la faune, les lacs, les montagnes, les forêts… Bref, un univers de beauté, de mystères et de magie. Il proposera aussi plein d’ateliers pour que chacun puisse participer à la fête, quel que soit son âge.

10, rue Baronne Delort - CHAMPAGNOLE 03 84 52 09 78

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Pwwww.ideklic.fr

Ça bouge au château Où : Gevingey Quand : 27 au 29 août

Poésie, cirque, chanson, jeux, musique, danse, fanfare, mais aussi guinguette et rire. Le château de Gevingey va faire une nouvelle fois beaucoup de chahut pour ce dernier week-end d’août. Au menu, les compagnies « Lève un peu les bras », « les pêcheurs de rêves », « Dela Praka », « les Dégingandés », « Couleurs de Chap », « Duo Hands some feet », one man show de Salim Nalajoie, « Manuel, le laveur de mains », « Wow » de Chloé Lebert, Blackvoices Combo, Jim Murple Memorial, Cognuss, Oumar Kouyate… Pour petits et grands, en famille, sans manières. b LOÏC LEDOUX ET THIERRY LAROCHE

Pwww.chahutauchateau.com

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et célèbres...

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1. Cette Jurassienne est l'une des six femmes ayant été Compagnon de la Libération 2. Officier légionnaire, ce Dolois a participé à l’expédition de Narvik durant la campagne de Norvège 3. Né à Nozeroy, ce secrétaire particulier d'Érasme a écrit des fables, dont certaines inspireront La Fontaine 4. Son nom s'est affiché sur des panneaux à travers toute la France 8. Il fut chroniqueur radio, pamphlétaire, parfois acteur et de son propre aveu « cabot » 9. Au cinéma, il fut Éric Lemonnier dans Le Grand Pardon d'Alexandre Arcady 10. Ce Dolois a été surnommé « Mon petit Michel-Ange » par son professeur de dessins 12. Prix Goncourt en 1968, il refusa par deux fois la Légion d'honneur

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Tricher n'est pas jouer

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Solution

Vertical

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5. Ce danseur et chorégraphe haut-jurassien a collaboré avec Philippe Decouflé 6. Président de la République, il dut démissionner en raison du scandale des décorations 7. Son premier album studio « Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir » date de 1978 11. Ce général né à Villevieux a été blessé lors de la bataille de Waterloo 13. Cet Arboisien, archevêque, a pour devise « Sagesse-Humilité » 14. Natif de Fraisans, ce dessinateur industriel fut l'un des premiers Jurassiens à s'engager dans la France libre 15. Écrivain, il a tenu un journal pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale

L L E R E T N A I V E S S O N L

Horizontal

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carré magique

Ils sont Jurassiens

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03 84 52 43 67

NOZEROY

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FONCINELEHAUT

73 GRANDE RUE 39460 FONCINELEHAUT

champagnolenozeroyjura numéro 115 39


C’est simple : vous achetez votre Pass Découverte dans un office de tourisme, dans un lieu de visite adhérent ou sur internet en choisissant la durée qui vous convient : trois, sept jours ou un an. Grâce au Pass Découverte, visitez les sites, pratiquez les activités parmi celles proposées par les adhérents (accès gratuit ou à prix réduit) : châteaux ou zoos, musées ou abbayes, dégustations, maisons paysannes ou de personnages illustres, balades à vélo ou en rosalie, visites à pied en suivant un guide ou encore tablette ou audioguide en main… Retrouvez les offres du Pass Découverte sur pass.bourgognefranchecomte.com

Tarifs adultes : 3 jours : 30 € 7 jours : 45 € 1 an : 80 €

116 numéro

39

Tarifs enfants : 3 jours : 15 € 7 jours : 22 € 1 an : 40 €

Avec le soutien financier de


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