Jeudi 26 juillet 2018 - N° 2265 - Hebdomadaire - 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX Prix : 0,80 euro
SPORT-BUSINESS CONTRE PLAISIR DU SPORT
Pourquoi le combat n'est pas (encore) perdu
SPORT-BUSINESS CONTRE PLAISIR DU SPORT. POU PARIS 2024 :
OLYMPISME
L’appel « pour le sport pour tous ! »
Libérer les Jeux !
Marie-George Buffet, ancienne ministre des Sports et 14 autres parlementaires ont lancé le 14 juin, un appel à l’Etat pour que les Jeux de Paris en 2024 soient une réussite populaire. « Les Jeux olympiques et paralympiques à Paris en 2024, cela peut et doit être une chance. Rappelons ainsi que Paris l’a emporté en revendiquant un projet de Jeux sobres, solidaires, durables et la promesse d’un héritage au bénéfice des populations. Lucides, nous mesurons que le défi est de taille : le plus difficile reste à faire. Car, dans notre pays, le mouvement sportif repose sur trois piliers fondamentaux : l’enseignement de l’éducation physique et sportive, l’engagement associatif et l’investissement des pouvoirs publics, notamment locaux. Nous n’opposons pas les athlètes de haut niveau au sport pour toutes et tous, puisque les deux sont étroitement liés : les premiers sont issus du second. En France, c’est le maillage de tout le territoire en sections, clubs et fédérations sportives associatives qui permet à l’immense majorité de s’émanciper collectivement par le sport, et à quelques-un-e-s d’être repéré-e-s et formé-e-s pour accéder à l’excellence. Il n’y a pas de podium olympique sans tournois du dimanche matin dans des stades de quartiers ; pas de médaille sans éducatrices, éducateurs ou dirigeant-e-s de clubs bénévoles. C’est là que le modèle sportif français se construit. Cela n’a pas de prix, mais un coût en temps, en énergie, et en soutien matériel et financier de la sphère publique. Les associations
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sportives regroupent 3,5 millions de bénévoles et 16 millions d’adhérent-e-s. En 2013, l’investissement public pour le sport représentait 18 Mds€, dont 12 provenant des communes. Nous constatons aussi une tendance nette au désengagement de l’État : pour 2017, les dotations du ministère des Sports étaient de 261 M€, soit moins de 1 % du budget de l’Etat, dont seulement 44 M€ dédiés à la promotion du sport pour le plus grand nombre. Les collectivités territoriales ne peuvent plus assurer seules les rénovations ou livraisons de nouveaux équipements sportifs, ni soutenir à la hauteur des besoins le mouvement associatif. L’héritage des JO parisiens se prépare dès maintenant. Une décision politique s’impose car ces JO ne seront un succès que s’ils font progresser la culture sportive dans notre pays. Et il y a désormais urgence. Nous en appelons donc solennellement à un engagement de l’Etat sur trois chantiers essentiels : 1. Le lancement d’un plan de construction-rénovation d’équipements sportifs de proximité. 2. Un plan d’aide aux associations sportives, particulièrement dans les villes et quartiers populaires. 3. Des moyens permettant de redonner toute sa place à l’EPS et au sport scolaire auprès de la jeunesse. Pour la réussite des Jeux olympiques et paralympiques, pour en faire une grande fête populaire, nous lançons cet appel : redonnons des couleurs au sport pour tou-te-s dans nos villes et nos quartiers ! »
Paris et la France se sont déclarées candidates pour accueillir /’édition 2024 de la plus importante compétition sportive au monde. « Une occasion à saisir pour redonner du sens aux principes de l’olympisme », estime l’élu communiste parisien Nicolas BonnetOuladj dans « Libérer le sport » (1), un petit ouvrage qui pense des outils pour remettre de l’humain dans le sport. Trop chère, trop polluante, trop élitiste … À l’heure où une partie de la population française se mobilise contre les « grands projets inutiles », la candidature de Paris pour accueillir les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 se heurte à une vague de scepticisme. L’idéal olympique a pourtant du sens. L’histoire le montre, il peut même porter en soi un nouveau projet de société. Quel meilleur exemple, en ce sens, que celui des Olympiades populaires de Barcelone ? Du 19 au 26 juillet 1936, grâce à leurs organisations sportives, communistes et socialistes mettent en place cette alternative aux Jeux traditionnels avec un but bien précis: défendre « le véritable esprit olympique » et s’opposer au IIIe Reich d’Hitler, sinistre organisateur, un mois plus tard, à Berlin, de la version officielle des Jeux olympiques. Parce qu’ils entendent dénoncer « l’esprit du national-socialisme, de l’esclavage, de la guerre et de la haine raciale » 6 000 sportifs convergent vers la Catalogne, dont un tiers en provenance de pays étrangers. Ironie de l’histoire, la guerre civile espagnole éclate dans la nuit du 18 au 19 juillet 1936 et empêche finalement cette Olimpiada popular de se dérouler, à seulement quelques heures de la cérémonie d’ouverture. Plutôt que de fuir le putsch du général Franco, plusieurs participants étrangers décident de rester sur place et d’intégrer les rangs des combattants. Précurseurs des brigadistes, les voilà donc, armes à la main, aux côtés des républicains espagnols. Au nom de l’antifascisme, de l’universalisme… et de l’olympisme. Le programme de cette Olympiade populaire reposait sur « un trait distinctif fort » : l’importance attaché au principe d’autodétermination des peuples. L’événement réunissait 18 Etats officiels (dont la France, les États-unis, l’Union soviétique et même, par le biais d’athlètes immigrés, l’Allemagne et l’Autriche) mais aussi des équipes régionales (Catalogne, Pays basque), ainsi que des « peuples soumis au colonialisme » (Algérie, Maroc espagnol et Maroc français). Cette Olimpiada autorisait aussi les athlètes juifs à concourir, soit au sein d‘une délégation composée d’émigrants, soit au sein de la délégation palestinienne. Les organisateurs aspiraient ainsi à dénoncer l’antisémitisme qui avait conduit le régime
nazi à écarter les athlètes juifs de ses équipes sportives comme du reste de la société. L’autre originalité de l’Olympiade populaire, et non la moindre, résidait dans la cohabitation entre athlètes professionnels et athlètes amateurs. Une décision révolutionnaire à l’époque, le Comité international olympique (CIO) proscrivait en effet la participation de sportifs professionnels, l’amateurisme caractérisant alors « le type de pratique sportive exercée par une élite sociale », De plus en plus obsolète, la référence obligatoire à l’amateurisme perdurera néanmoins jusqu’en 1981, date du congrès du CIO à BadenBaden. Un héritage à transmettre
Sur le papier, la charte olympique s’annonce prometteuse. Mais comment faire en sorte que les JO répondent enfin aux principes humanistes que défend ce texte et que l’Olimpiada popular avait tenté d’appliquer ? Comment faire en sorte qu’ils contribuent, malgré la profusion actuelle de sponsors et d’intérêts privés, au développement d’« une société harmonieuse » et du sport dans son ensemble ? Ce défi, Paris aura peut-être la responsabilité de le relever. Dans le sillage de Rome, Hambourg et Budapest (Boston s’étant finalement rétractée), la capitale de la France, déjà ville hôte en 1900 et 1924, a officialisé son acte de candidature le 23 juin 2015 pour accueillir l’édition 2024 des Jeux d’été. L’occasion rêvée de transformer en profondeur la compétition sportive la plus suivie au monde. Le CIO désignera la future ville hôte en 2017. En attendant, on connaît déjà le principal défi qui attend l’heureuse élue : prouver qu’il est possible de concevoir des Jeux olympiques sans tomber dans la surenchère et la démesure qui ont fait passer les récentes éditions pour des barnums coûteux et polluants plutôt que pour une fête du sport et de l’esprit humain. Même le Comité international olympique, du moins en public, incite les futures villes candidates à davantage de sobriété ! De belles paroles qu’il convient désormais de traduire en actes. Les partisans d’une candidature parisienne tablent sur un budget d’organisation au « coût réduit » : 6 milliards d’euros. Le secteur public apporterait une somme estimée à 1,5 milliards d’euros et tout le reste proviendrait de sponsors privés du CIO. Le risque principal ? Dépasser les prévisions. Londres, organisatrice des JO d’été en 2012, avait finalement fait exploser son budget : 5 milliards d’euros au départ, 12 milliards à l’arrivée. Sans parler des sommes qu’avait injectée, pour ses jeux d’hiver de 2014 la Russie de Vladimir Poutine. Au lieu des 8 milliards d’euros envisagés pour
transformer la station balnéaire de Sotchi en station de sports d’hiver, sur demande présidentielle, il avait finalement fallu injecter la somme record de 37 milliards d’euros. Qu’on se rassure ! Pour éviter cette surenchère, Paris aurait un argument de poids : en Île-de-France, la plupart des installations requises pour les JO existent déjà. Parmi les infrastructures encore à bâtir, restent les chambres du village olympique et une piscine de 50 mètres de long. Des installations qui pourraient, sitôt la compétition achevée, se transformer en logements sociaux ou en équipements pour tous les Franciliens. Désireuse d’ « engager pleinement » la candidature parisienne, Anne Hidalgo a mis en avant cet héritage olympique que laisserait le passage des Jeux. Ces derniers auraient également le mérite d’accélérer les travaux prévus et ébauchés dans le cadre du Grand Paris (extension des lignes de métro, notamment). L’édile travaille de concert avec Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), lequel voit dans les Jeux « un accélérateur de prise de conscience sur le rôle essentiel du sport dans l’équilibre des sociétés modernes en matière de santé, d’ éducation, d’ intégration, d’ éducation, de lien social… », Un besoin de communion nationale que confirme Laura Flessel, ancienne championne olympique d’escrime (1996) : « Ce serait l’occasion de pousser les jeunes et les moins jeunes à s’écouter, se respecter, à créer ensemble. » La maire de Paris a toutefois prévu d’attendre 2016 pour lancer une « grande consultation » auprès des Franciliens. Sans pour autant préciser les contours de cette enquête censée faire entendre les attentes de la population. Et sans davantage envisager la mise en place d’un référendum. Faute de quoi, les Franciliens pourront toujours se consoler avec la profusion de sondages d’opinion qui risquent de s’abattre sur eux. Et si l’on concevait, à l’occasion des Jeux, une nouvelle loicadre sur le sport ?
La candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques de 2024 peut-elle insuffler un nouvel allant à l’olympisme et au sport français ? Oui, si la France se saisit de cette occasion pour instaurer une nouvelle loi-cadre sur le sport qui donnerait aux activités physiques et sportives une place centrale dans la société. D’ici à 2024, nous avons neuf ans devant nous. Cette ambition d’une nouvelle loi cadre pour le sport donnerait à la candidature parisienne un avantage déterminant sur ses concurrentes. Toutes les villes candidates rivaliseront d’arguments pour présenter des Jeux sobres (quitte à exploser leurs budgets par la suite). En revanche, la perspective d’inten-
URQUOI LE COMBAT N’EST (PAS ENCORE) PERDU. sifier et d’élargir l’accès aux pratiques sportives donnerait de la cohérence au projet olympique français. Concrètement, comment s’y prendre ? Pluriannuelle, cette nouvelle loi cadre placerait le sport au centre de la vie sociale. Il s’agirait de travailler à de nouveaux modes de financement, à la construction d’équipements de proximité – des piscines, des stades et des salles, et à bien d‘autres objectifs. À titre d’exemple : que l’ensemble de la génération qui aura dix ans en 2024 sache nager. Un défi de taille quand on sait que cette aptitude échappe encore à un Français sur cinq. Quels acteurs solliciter pour élaborer une telle loi ? Des comités locaux proposeraient les éléments essentiels à la dynamique de ce texte. Composés d’acteurs du sport et de citoyens volontaires, ils s’y attèleraient en présence d’élus, réunis au sein d’une instance de concertation, comme les offices municipaux des sports. Ces groupes de travail dresseraient également, dans le même élan, un cahier des charges de la candidature olympique de Paris. Dans la perspective d’éventuels Jeux olympiques en 2024 en Ile-deFrance, l’accueil sur place de sportifs de haut niveau venus du monde entier aurait de quoi constituer un moment d’échange privilégié avec les jeunes des lieux concernés ainsi qu’avec leurs éducateurs. Et s’agissant
des équipements encore à construire – essentiellement la piscine et le village olympique, donc –, plutôt que des partenariats public-privé (les fameux « PPP »), certes indolores sur le court terme mais extrêmement coûteux pour l’État sur le long terme, plutôt que des structures démontables revendues à l’issue des Jeux, ce texte prévoirait l’édification d’équipements publics qui laisseraient une trace olympique dans le paysage urbain et qui bénéficieraient à l’ensemble de la population locale. À travers le monde, cette nouvelle loicadre enverrait également un signal fort : la volonté de libérer le sport de l’argent roi, de rebâtir un idéal universel pour un monde de paix et de solidarité dans lequel le sport jouerait un rôle essentiel de formation des citoyens du monde. Il est plus que temps de dépasser la crise profonde qui secoue le mouvement olympique. D’olympiade en olympiade, l’écart s’accentue entre, d’un côté, les valeurs de l’olympisme, la perspective de vivre une fraternité et une solidarité planétaires à la faveur d’une trêve olympique de trois semaines et, de l’autre, les manœuvres d’argent qui trahissent cet idéal ou le rendent captif de sponsors peu regardants sur l’éthique et de droits audiovisuels devenus la principale manne du CIO.
Laisser le sport aux mains de l’affairisme reviendrait peu à peu à abandonner l’organisation des Jeux à des États et des oligarques passés maîtres dans l’art de corrompre et d’acheter leur réputation à grands coups d’événements. Une pensée à ce propos pour les futures Coupes du monde de football en Russie (2018) et au Qatar (2022) … S’il n’enraye pas cette tendance, l’olympisme subira une déchéance telle qu’il deviendra un simple produit dérivé, une vulgaire marque, bien loin de son idéal émancipateur et fraternel. (1) Libérer le sport, Nicolas Bonnet-Ouladj, éditions de l’atelier, 2015.
TÉMOIGNAGE
Qu’est-ce qui nous fait courir ? La politique et le sport ne font pas toujours bon ménage. Questions de valeur éthique, d’argent roi ou d’esprit de compétition. C’est probablement pour cela que je n’ai jamais eu de coéquipier engagé politiquement dans mes différents clubs de football ou cyclistes (sauf à Bègles évidemment). Et pourtant, un club c’est une microsociété à lui tout seul. Tenez ! Mon Burdigala Vélo Club compte des pompier, kiné, consultant, militaire, médecin, publiciste, cheminot, graphiste, directeur de banque, agent d’assurance, retraités ou non, âgés de 40 à 68 ans. Un melting-pot étonnant qui aime à se retrouver tous les dimanches pour enfiler un même maillot et parfois s’identifier aux coureurs du Tour de France. Le vélo est notre passion et, avec nos équipements dont nous sommes fiers, nous avons écumé bon nombre de cyclosportives un peu partout en France et en Espagne, montagneuses de préférence. Et nous avons bien l’intention d’en découvrir d’autres. Mais nous aimons également les aventures humaines et sportives qui nous ont amenés à traverser les Alpes de Thonon à Menton, le Massif Central de Clermont Ferrand à Sète, les Pyrénées entre Océan et Méditerranée et bientôt se frotter au Mont Ventoux en partant de Bordeaux. Souffrir ensemble, s’émerveiller ensemble des paysages et de notre capacité à les conquérir est ce qui nous donne envie de nous retrouver chaque semaine. À chaque fois, une opportu-
nité de se découvrir, soi et l’autre. Une occasion de trouver le dénominateur commun qui nous fait avancer vers un même but, au-delà des différences (voire divergences). Du sport quoi ! Et la politique dans tout cela ?
Il en est plus souvent question qu’on ne le pense, mais plutôt au travers de thèmes concrets. La fermeture de la piste cyclable du pont F. Mitterrand est l’occasion de parler de la circulation automobile imposée par les flux domicile/travail, de l’engorgement dû aux poids lourds et… du fret ferroviaire. Les difficultés au boulot avec les restrictions budgétaires, les restructurations, l’inquiétude du lendemain professionnel. Ou bien passer aujourd’hui un test d’effort à Bagatelle, c’est dériver sur le non-sens de la fermeture de Robert Piqué ou de celle des urgences de St André. Certes, le sport reprend vite ses droits, mais lui aussi n’échappe pas à la réflexion politique au travers des questions d’argent fou, de dopage (eh, oh, y a pas que le vélo !!!), d’éducation. Je fais du sport pour m’entretenir, bien sûr, et parce que je suis tombé dedans tout petit, mais également pour m’immerger dans un autre monde, côtoyer les gens à partir d’un autre angle que le militantisme… Poser les valises militantes de temps en temps, même si le naturel revient vite au galop. À moins que ce soit aussi cela, militer ! Jean-Jacques Bordes
FÉMININES
Championnes en secret… Elles ont toutes en commun de ne pas avoir fait la une des journaux, même pas la couv’ des suppléments Sport. Toutes pourtant, rugbywomen, handballeuses et hockeyeuses de l’agglomération bordelaises, sont championnes de France ! Dans des conditions souvent pas faciles – les hockeyeuses étaient « sans terrain fixe » il y a deux ans encore – les sportives se démènent pour bien peu de reconnaissance. Si on leur consacrait un-huitième du temps de médias qui a été consacré au transfert d’un Neymar, on mettrait peut-être d’autres valeurs en lumière… Question de choix.
SAM Hockey sur Gazon Champion de France Nationale 1 La réserve Elite du Stade Bordelais, championnes de France
Les Nouvelles 26 juillet 2018 • 3
SPORT-BUSINESS CONTRE PLAISIR DU SPORT. POURQUOI LE COMBAT N’EST (PAS ENCORE) PERDU. À PROPOS DU FAIRPLAY
BORDEAUX SOLIDAIRE
Ma pauvre maman chérie
Un nouveau club de rugby va mêler migrants, SDF et jeunes des quartiers
Vers la fin des années 60, le poète Jorge Enrique Adoum rentra chez lui en Equateur, après une longue absence. Dès son arrivée, il se plia au rite obligatoire de la ville de Quito : il alla au stade, voir jouer l’équipe de l’Aucas. C’était un match important, le stade était archicomble. Avant le coup d’envoi, il y eut une minute de silence à la mémoire de la mère de l’arbitre, morte la veille du match. Tout le monde se leva, tout le monde se tut. Un dirigeant prononça un discours où il souligna l’attitude exemplaire de celui qui allait arbitrer cette rencontre. Un homme qui accomplissait son devoir dans les circonstances les plus tristes. Au centre du terrain, l’homme en noir, tête basse, reçut les applaudissements nourris du public. Adoum cligna des yeux, se pinça le bras : il ne pouvait le croire. Dans quel pays était-il ? Les choses avaient bien changé. Naguère, les gens ne s’intéressaient à l’arbitre que pour le traiter de fils de pute ! Et le match commença. À la 15e minute, le stade explosa :
but de l’Aucas. Mais l’arbitre l’annula, pour un hors jeu, et la foule évoqua illico la défunte qui lui avait donné le jour : orphelin de pute ! rugirent les tribunes… Eduardo Galeano, Football, ombre et lumière, éditions Lux, 1998.
Les fondateurs d’Ovale Citoyen (SB/Rue89 Bordeaux)
L’association Ovale citoyen, qui vient d’être lancée à Bordeaux, ambitionne d’initier au rugby et de mettre en place une politique d’insertion ou de réinsertion de jeunes migrants, SDF, et d’habitants des quartiers sensibles. Premier entraînement en septembre, avec ou sans terrain.
Ambiance bordelaise où le match France – Argentine, en 8 e de finale de la Coupe du monde 2018, s’est aussi joué sur les terrasses. Photo Laurent Theillet pour Sud Ouest
« Si la société s’inspire des valeurs du rugby c’est bien. Si le rugby s’inspire des valeurs de la société, on est dans la merde ! » Cette expression a « pété à la gueule » de Raphaël Poulain. L’ancien ailier du Stade Français, retiré des terrains depuis 10 ans, et devenu consultant, notamment pour Eurosport, n’a donc mis que quelques minutes à accepter la proposition de parrainer Ovale Citoyen. Cette association présentée à Bordeaux par d’anciens joueurs, dont Jean-François Puech (dit Jeff), ambitionne de constituer un XV formé de migrants, de SDF, de jeunes des quartiers, d’anciens prisonniers et de personnes « insérées ». Le recrutement vient de démarrer, s’appuyant sur l’aide d’ONG comme ATD Quart Monde auprès des sans-domicile, ou de collectifs aidant les migrants, notamment La Ruche. « On sait que ce sera compliqué, notamment dans certains coins où même dans le rugby fusent les insultes racistes,
et c’est pour moi difficile à admettre, indique Jeff. Mais si on arrive à sortir un seul jeune du pétrin, comme on l’a fait à Pessac avec un jeune Ivoirien sans domicile et joue désormais en fédérale 3 à Mérignac, on aura gagné. » Objectif saison 2019/2020
Ovale Citoyen ambitionne en effet de proposer un accompagnement pour l’insertion de ces jeunes, notamment médical grâce au partenariat de la Fondation Bagatelle. L’association vise un premier entraînement à la rentrée, et un engagement en championnat la saison suivante. Après le refus de plusieurs clubs de l’agglomération de les héberger, Ovale Citoyen cherche un terrain avec des vestiaires. « Si on n’en a pas, vous serez quand même invités à notre premier entrainement, sur les quais de Bordeaux », prévient Jeff. L’idée de ce « raffut contre l’exclusion », le slogan du club, est née lors d’une soirée au Squid, un squat autogéré qui offrait un toit à des étrangers et des français à la rue, raconte Jeff : « On veut rendre au rugby ce qu’il nous a donné. Les vraies valeurs d’entraide et d’ouverture de ce sport ne sont peut-être pas celles du Top 14 actuel. Et c’est un sport de combat : ce qu’on apprend sur le terrain peut donner des armes pour gagner aussi ce combat dans la vie, trouver des papiers, un logement, du boulot… »
S’il se place dans l’esprit de Alma de Africa, équipe de foot espagnole constituée de migrants, ou de Sankt Pauli, club allemand de Hambourg marqué à gauche, les fondateurs d’Ovale Citoyen assurent qu’aucune association équivalente n’existe en France. « Il y a énormément d’associations sur Bordeaux, mais les projets autour du sport restent uniquement sportifs, poursuit Jeff. Nous si on ne devait proposer que du rugby, on ne serait pas là. » « Les héros sont ici »
Approuvé par la fédération française de rugby (FFR), le projet a reçu le soutien d’élus de tous bords, notamment Alexandra Siarri, adjointe au maire de Bordeaux en charge de la cohésion sociale, Philippe Poutou ou les conseillers municipaux d’opposition, Vincent Feltesse et Pierre Hurmic. Mais aussi de plusieurs personnalités, comme le chanteur HK, l’ancien international Serge Betsen et, donc Raphaël Poulain. Après des années de galère suite à sa carrière, relatées dans son autobiographie « Quand j’étais Superman », l’ex Stadiste, « fils d’une assistante sociale », se sent lui aussi redevable envers son sport : « Le rugby a fait de moi un homme intègre. J’ai connu la dépression, le burn-out, et aujourd’hui je sais que je suis un homme bien parmi des gens bien. Et j’ai envie de défendre des valeurs comme l’esprit d’équipe et le respect de la différence. (…) La réussite humaine à 37 ans, c’est de me comporter de moins en moins comme un connard, d’être un bon père, un bon mec, et d’aider les mecs en galère. Les héros fantasmés ne sont pas ceux qui font 30 placages par match, ils sont là ! » Par Simon Barthélémy, le 23/06/18, sur rue89bordeaux.com
SOUSCRIPTION 2018
La solidarité financière pour faire grandir nos combats communs
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changement pour porter l’ambition d’une alternative à l’austérité en gagnant dans les mobilisations des avancées concrètes, démocratiques, sociales et environnementales. Le Parti communiste vit des cotisations de ses adhérents, du rever-
sement des indemnités de ses élus, de ses initiatives financières et de la souscription qui permet à chacun de contribuer à faire grandir nos combats communs. Sébastien Laborde
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