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Un cadre politique pour industrialiser via les chaînes de valeur mondiales : intégrer, concurrencer, monter en gamme, habiliter

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complémentarités afin de favoriser la production, les processus de transformation et les exportations à forte valeur ajoutée dans la région ; cela faciliterait également l’industrialisation par le biais des CVM. En outre, ces accords devront être conçus de façon à promouvoir, produire et exporter des produits manufacturés spécifiques au sein du marché régional, en se basant sur les avantages comparatifs spécifiques à chaque pays (Odijie, 2018). À cet égard, les pays de la région présentent des disparités et disposent de différents avantages comparatifs à exploiter afin de développer les chaînes de valeur régionales dans le secteur manufacturier.

Un cadre politique pour industrialiser via les chaînes de valeur mondiales : intégrer, concurrencer, monter en gamme, habiliter

Les perspectives d’industrialisation des pays africains dépendent de leur capacité à participer aux CVM du secteur manufacturier et à monter en gamme au sein de celles-ci. Elles varient forcément entre les pays selon leurs richesses naturelles, leur géographie et leur niveau de développement. Pour renforcer cette capacité, cependant, il faut disposer d’une panoplie adéquate de mesures industrielles associant politiques « douces » et politiques « dures ».

Les politiques industrielles dites « douces » visent à renforcer la croissance et la productivité de l’ensemble des secteurs de l’économie, tandis que les politiques dites « dures » se concentrent sur le développement de l’industrie manufacturière traditionnelle, en renforçant les secteurs liés d’une façon ou d’une autre à l’industrie manufacturière et en favorisant l’entrepreneuriat locale dans l’industrie manufacturière de petite envergure. La conception de ces dispositifs politiques doit prendre en compte les caractéristiques propres au pays et s’y conformer, en raison des grandes disparités existant entre les pays d’Afrique subsaharienne en matière de ressources, de revenus, de superficie et de niveau d’industrialisation.

Ainsi, les politiques et les stratégies industrielles des pays d’Afrique subsaharienne doivent tirer profit de leurs avantages comparatifs actuels, tout en développant des compétences afin de devenir compétitifs dans le cadre d’industries spécialisées exigeant de plus en plus de connaissances. En clair, les avantages comparatifs dynamiques doivent être au cœur des panoplies de politiques visant à industrialiser via les CVM.

Par ailleurs, certaines tendances de fond, telles que les bouleversements technologiques, les nouvelles formes que revêt la mondialisation, le changement climatique, ainsi que les pandémies, doivent être prises en compte dans la conception des politiques visant à promouvoir l’industrialisation8 .

Les stratégies politiques découlant de cette analyse devraient suivre des lignes directrices que l’on peut résumer en quatre piliers : Intégrer, Concurrencer,

Graphique O.9 Cadre stratégique : Intégrer, Concurrencer, Monter en gamme, Habiliter

Augmentation de la création d’emplois, croissance de la productivité et changements structurels

Impact sur les CVM

Stratégies politiques Intégration dans les CVM

• Réduire les restrictions commerciales • Favoriser les accords commerciaux • Tirer profit des avantages comparatifs • Soutenir les jeunes entreprises • Réduire les distorsions de marché • Encourager l’entrée de nouvelles entreprisess

Intégrer

Politiques encourageant la participation aux CVM ainsi qu’une intégration générale dans les économies régionales et planétaires par le biais du commerce et de l’investissement • Encourager une politique industrielle régionale, comme la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), afin de renforcer les économies d’échelles et les complémentarités dans la transformation de produits à forte valeur ajoutée destinés à l’exportation • Développer les CVR en réduisant les obstacles commerciaux au commerce inter- et intrarégional afin d’améliorer l’accès à l’importation d’intrants • Obtenir des accès aux marchés par le biais d’accords commerciaux avantageux (tarifs douaniers préférentiels, barrières non tarifaires moins contraignantes et simplification des règles d’origine) • Renforcer la fiabilité et l’efficacité de la logistique et des autres services de facilitation des échanges, notamment la gestion des douanes et des frontières, l’efficacité portuaire et les services de transport en commun • Chercher à initier et étendre les activités dans les marchés à forte croissance (par exemple en

Asie de l’Est)

Concurrencer

Politiques destinées à réduire les distorsions de marché afin de faciliter l’entrée, la survie et la croissance des entreprises et des secteurs industriels • Alléger les réglementations et les exigences d’entrée afin d’augmenter le taux d’entrée de nouveaux établissements et soutenir les établissements existants, tout particulièrement les jeunes entreprises • Réduire les distorsions de marché en réformant les entreprises publiques • Établir des réglementations sur le marché du travail afin de renforcer la mobilité des travailleurs ainsi que l’entrepreneuriat, par le biais de meilleures pratiques de recrutement et de licenciement, de formations efficaces et de programmes de renforcement des compétences • Améliorer l’environnement pour les entreprises via un accès facilité aux financements, la protection des droits de propriété, un marché réglementé, ainsi qu’un système juridique performant

Montée en gamme dans les CVM

Créer un avantage comparatif

• Soutenir l’innovation • Renforcer les connaissances • Développer les compétences • Renforcer l’infrastructure numérique • Améliorer l’infrastructure physique

Mettre à niveau Habiliter

Politiques qui encouragent la montée en gamme industrielle et facilitent les transferts en matière d’emploi et de création de valeur ajoutée d’un secteur à l’autre ou au sein d’un même secteur • Développer des programmes de formation spécifiques à chaque secteur afin de favoriser la montée en gamme au sein des secteurs d’activité • Promouvoir la migration des travailleurs qualifiés aux niveaux intra- et interrégionaux afin de faciliter le transfert de technologie / de compétences et ainsi se positionner dans des industries hautement qualifiées • Accompagner la montée en gamme des entreprises vers de nouvelles activités au sein d’un secteur (par exemple, la transformation agroalimentaire) ou bien vers un nouveau secteur présentant un potentiel de montée en gamme et de création de valeur ajoutée • Investir dans des secteurs transversaux et porteurs tels que l’infrastructure numérique, l’énergie, la finance ainsi que les transports et la logistique • Réduire le fossé en matière d’infrastructures, en augmentant les investissements publics et en adoptant des systèmes de gestion adéquats dans le secteur public • Fournir un accompagnement afin d’améliorer les pratiques de gestion des ressources humaines • Faciliter l’apprentissage ainsi que l’acquisition et le transfert de compétences technologiques • Rationaliser le cadre d’incitations fiscales pour encourager l’adoption et le transfert des technologies de production

Source : Graphique spécialement créé pour cette publication. Note : CVM = chaîne de valeur mondiale ; CVR = chaîne de valeur régionale.

Monter en gamme et Habiliter (ICUE, soit « Integrate, Compete, Upgrade, and Enable ») (graphique O.9). • Intégrer. Le pilier relatif à l’insertion désigne les politiques promouvant la participation aux CVM ainsi qu’une intégration plus générale dans les économies régionales et internationales par le biais du commerce et des IDE.

Ces politiques intègrent dans leurs mesures la libéralisation du commerce, la diversification des liens commerciaux de façon à s’orienter vers les économies des marchés émergents, ainsi que les accords commerciaux régionaux. • Concurrencer. Le pilier relatif à la compétitivité désigne le groupe de politiques visant à réduire les distorsions de marché par le biais d’une réforme des entreprises publiques et des marchés de crédit, ainsi que par l’amélioration du climat d’investissement ; elles visent également à alléger les exigences réglementaires afin de faciliter l’entrée, la survie et la croissance des nouvelles et des jeunes entreprises. • Monter en gamme. Le pilier relatif à la montée en gamme englobe les politiques qui favorisent une montée en gamme à la fois au sein de l’industrie et des CVM, tout en facilitant les transformations de l’industrie sur le plan des parts d’emploi et de la création de valeur ajoutée. La montée en gamme industrielle désigne la croissance rapide – en termes relatifs – et la redistribution de l’emploi et de la valeur ajoutée vers des industries exigeant de plus en plus de connaissances (par exemple, les domaines du matériel électronique et des machines, ou encore le matériel de transport), en se détachant des industries basées sur l’agriculture qui exigent beaucoup de main-d’œuvre (aliments et boissons, textiles et habillement, bois et papier) ainsi que des industries minières à forte intensité capitalistique (produits chimiques, métaux et non-métaux). La montée en gamme dans une CVM désigne le mouvement de la main-d’œuvre vers des fonctions commerciales plus sophistiquées : par exemple, lorsque des entreprises d’un secteur cessent de réaliser des tâches d’assemblage pour passer à des activités de conception et de re-conception, de logistique, de service après-vente et de réparation.

Parmi les stratégies qui favorisent la montée en gamme, on peut citer les subventions accordées à la recherche et au développement, l’innovation, le soutien aux pratiques de gestion des ressources humaine, ainsi que la mise à profit de l’urbanisation et le développement de pôles de compétitivité. • Habiliter. Le pilier « habiliter » désigne un ensemble de politiques qui soutiennent et favorisent les investissements dans des secteurs porteurs tels que l’infrastructure, l’énergie, la finance, les transports et la logistique, ainsi que le renforcement des compétences. Ces secteurs transversaux peuvent permettre d’améliorer les capacités de production et d’absorption dans l’agriculture et les services, de renforcer les liens de ces secteurs avec l’industrie manufacturière et de soutenir une création d’emplois plus inclusifs et de meilleure qualité.

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