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La croissance de l’emploi dans la marge intensive guidée par la productivité
la croissance de l’emploi manufacturier est essentiellement le fait de nouvelles et jeunes entreprises.
Toutefois, au sein de ces économies, l’avantage que constituait pour le secteur manufacturier la capacité de recruter des employés supplémentaires à un taux de rémunération globalement constant s’est érodé, comme l’illustrent les tendances de la croissance de l’emploi ainsi que de la dynamique des salaires au sein de l’industrie manufacturière en Éthiopie. Lorsque les nouvelles et jeunes entreprises sont moins susceptibles d’être des forces motrices de la création d’emploi, les perspectives de croissance de l’emploi à venir doivent provenir d’activités qui améliorent les gains de productivité internes aux entreprises, telles que les innovations en matière de produits et de processus, l’adoption de technologies ou encore l’optimisation des pratiques managériales et de la structure organisationnelle. Dans la mesure où une croissance de la productivité soutenue est nécessaire afin de générer de meilleurs emplois et accomplir une transformation structurelle, quels sont les moteurs de la productivité de l’industrie manufacturière dans les pays d’Afrique subsaharienne?
Ce chapitre aborde cette question en s’appuyant sur des données issues en grande partie des pays d’Afrique subsaharienne, mais également d’autres économies développées et en développement. Ce chapitre cherche à déterminer les raisons pour lesquelles toute création d’emploi à venir au sein des entreprises pérennes se modèle sur leur dynamique de productivité, mais également à synthétiser les particularités de la croissance de la productivité au sein de différents secteurs et entre des entreprises de taille différente. En outre, on évoquera les sources potentielles de gains de productivité internes aux entreprises – soit la participation aux échanges commerciaux, l’ouverture aux investissements étrangers et les économies d’agglomération – ainsi que les différentes données sur lesquelles s’appuient ces analyses. Ce chapitre s’intéressera également brièvement aux facteurs susceptibles de nuire à la productivité – que ceux-ci soient spécifiques à une branche, à un secteur ou à l’ensemble de l’économie – notamment la structuration du marché, la politique concurrentielle, les réglementations d’entrée, et l’infrastructure. La conclusion du chapitre souligne les options stratégiques envisageables pour atteindre une création d’emploi soutenue et une croissance de la productivité solide.
La croissance de l’emploi dans la marge intensive guidée par la productivité
Dans l’industrie manufacturière d’Afrique subsaharienne, la disponibilité d’une main-d’œuvre bon marché a été le moteur de la croissance de l’emploi. Toutefois, les rémunérations ont augmenté, ce qui laisse supposer qu’à l’avenir, compte tenu de la perte de l’avantage que constituait la possibilité de recruter de la
main-d’œuvre supplémentaire à un niveau de rémunération à peu près constant, il sera nécessaire de compenser cette perte par une croissance de la productivité. À cet égard, la meilleure voie pour s’assurer des perspectives de croissance de l’emploi consiste à stimuler la productivité.
La croissance de la productivité se déroule principalement en deux phases1 . Lors de la première phase, les entreprises deviennent individuellement plus productives. Lors de la seconde, les ressources et les marchés sont accaparés par les entreprises les plus productives et s’écartent de leurs concurrents plus faiblement productifs. Les réallocations les plus radicales prennent la forme d’entrées sur le marché ou de sorties du marché. L’entrée de nouvelles entreprises productives et la sortie des moins productives ouvrent des possibilités supplémentaires pour la croissance de la productivité2. La productivité évolue ainsi dans le cadre d’un système évolutif composé de nouvelles entreprises qui entrent sur le marché, d’entreprises pérennes qui se développent ou se rétractent et d’entreprises peu efficaces qui quittent le marché.
Les données actuelles font état d’énormes disparités entre pays à l’échelle planétaire en matière de croissance économique et de niveaux de rémunération (cf. par exemple, Hall et Jones, 1999 ; Jones, 2016)3. À l’échelle nationale, on remarque également une hétérogénéité considérable entre les entreprises au sein de secteurs circonscrits4. Face à la dispersion de la productivité et aux différences de revenu, plusieurs hypothèses ont été avancées, la plus évidente d’entre elles étant une mauvaise allocation des ressources. Des estimations récentes révèlent que jusqu’à 60 % des écarts en matière de productivité globale des facteurs (PGF) entre pays riches et pays pauvres peuvent s’expliquer par une mauvaise répartition des ressources (Kalemli-Ozcan et Sorensen, 2012). La dispersion de la productivité reflète les frictions et les distorsions de marché qui empêchent la réallocation des ressources vers des entreprises à forte productivité (Haltiwanger 2015). Certaines de ces frictions et de ces distorsions sont le produit de politiques fiscales défavorables aux grandes entreprises (Gunner, Ventura, et Xu, 2008 ; Hopenhayn et Rogerson, 1993), de frictions des marchés financiers qui déséquilibrent la répartition des capitaux (Buera, Kaboski, et Shin, 2011), ou encore de politiques commerciales qui empêchent le nivellement de la productivité marginale entre les différentes entreprises (Eaton et Kortum, 2002 ; Eaton, Kortum, et Kramarz, 2011 ; Melitz 2003).
En outre la différenciation des produits, les coûts de transports et les imperfections des marchés afférents produisent des contextes dans lesquels les entreprises les plus productives ne prennent pas le contrôle du marché dans son ensemble. De telles imperfections engendrent une dispersion des marges et des prix entre les producteurs. Elles réduisent également l’ampleur de la sélection qui s’opère par l’évolution des parts de marché, ainsi que par l’entrée ou la sortie d’entreprises de certains secteurs (voir par exemple Melitz, 2003 ; Melitz et Ottaviano, 2008 ; Syverson, 2004a et 2004b).