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Fondation des mers australes - publi-communiqué

IDENTIFIER LES ÉCORÉGIONS DE LA MER DUMONT D’URVILLE À PARTIR DE LA FAUNE BENTHIQUE

Ci-dessus : la faune benthique – benthos signifie « profondeur » en grec – peut être fixée au substrat, ou mobile au fond de l’eau. © AAD-MNHN

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Chercheur au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) et représentant de la France auprès du Comité scientifique de la CCAMLR – Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique – le Docteur Marc Éléaume travaille depuis de nombreuses années sur les milieux antarctiques. Il s’intéresse notamment à la faune benthique – qui vit au fond de l’eau – en mer Dumont d’Urville.

La Fondation des mers australes a soutenu en 2019 l’organisation, au MNHN de Concarneau, des groupes de travail de la CCAMLR alors accueillis pour la première fois par la France. Marc Éléaume, chercheur au Muséum, en était l’organisateur. Rencontre avec ce Maître de conférences et spécialiste des crinoïdes, un groupe d’animaux marins appartenant aux échinodermes. Les travaux actuels du chercheur, en collaboration avec son doctorant Alexis Martin, visent à délimiter des « écorégions » dans la mer Dumont d’Urville, soit des étendues marines caractérisées par des communautés d’espèces et des conditions environnementales particulières.

Sa zone d’étude : une portion de l’océan Austral de 400 kilomètres sur 200 bordant la Terre Adélie, et qui constitue l’une des trois zones d’un projet d’aires marines protégées dans l’Antarctique de l’Est devant être examiné par la CCAMLR. En effet, l’océan Austral abrite une biodiversité unique nécessitant protection et gestion, d’autant que les environnements extrêmes des régions polaires sont les plus sensibles aux effets du changement climatique. Affiner le savoir sur l’abondance et la distribution des communautés marines antarctiques aidera ainsi à comprendre comment le climat affecte les écosystèmes de la région.

Marc Éléaume

© Lenaïg Hemery | IPEV

« Nous souhaitons améliorer l’état de ces connaissances en vue in fine de faciliter la mise en place par la CCAMLR d’une aire marine protégée dans l’Antarctique de l’Est, futur outil de protection et de gestion de ces milieux marins. Dans ce cadre, nous allons essayer de publier cette année l’écorégionalisation de la mer Dumont d’Urville. Pour cela, nous combinons des données taxonomiques, mais aussi environnementales à travers 17 paramètres, dont : la salinité, la température de l’eau au fond de l’océan, la vitesse et la direction du courant au fond, la couleur de l’eau, la concentration de glace, ou encore les types de sédiments. Ces paramètres permettent de détailler l’enveloppe environnementale des animaux benthiques connus et décrits par la science, soit 400 taxons, c’est-à-dire espèces ou groupes d’espèces. Dans notre zone d’étude, nous avons ainsi identifié six écorégions », annonce Marc Éléaume.

Communauté benthique dominée par les ascidies (qui ressemblent à des champignons blancs), les bryozoaires (toutes petites formes jaunes),avec au centre une belle éponge siliceuse en forme de ballon.

© AAD-MNHN

Dans chaque écorégion, les cohortes d’espèces et les conditions environnementales ont donc tendance à se différencier des espaces voisins. Cependant, la zone retenue par l’étude étant assez restreinte à l’échelle de l’océan Austral, les variations entre les six écorégions s’avèrent relativement subtiles.

« Nous avons mis en évidence par exemple des écorégions sous l’influence des icebergs vêlés par les glaciers de la zone, comme le Mertz et l’Astrolabe. Ces icebergs, qui dépassent parfois 500 mètres sous la surface de l’eau, sont des laboureurs naturels du plateau continental. En détruisant une partie du fond, ils favorisent aussi le recrutement d’espèces pionnières, autrement dit capables de coloniser en premier un milieu, dans des conditions peu propices aux autres espèces. Plus l’iceberg est passé il y a longtemps, plus les communautés benthiques ont eu le temps de se structurer, de se développer et de se transformer... et ces successions vont déterminer des communautés particulières.

D’autres écorégions sont sous l’influence, non pas des icebergs, mais de la glace de mer ou banquise, et là c’est notamment la sédimentation par des algues qui poussent sous la glace ou dans les anfractuosités de la banquise qui va structurer les communautés », explique le chercheur.

Autre paysage de la mer Dumont d’Urville dévoilant une communauté benthique dominée par des cnidaires (animaux aquatiques invertébrés couverts de cellules urticantes, comme la méduse) et des crinoïdes (échinoderme, comme l’étoile de mer) nageurs.

© AAD | MNHN

Ces travaux sont le fruit de la récolte de milliers de spécimens benthiques (éponges, étoiles de mer, poissons, mollusques, crinoïdes...) pendant la campagne océanographique CEAMARC – à laquelle avait participé L’Astrolabe – conduite par la France, l’Australie et le Japon lors de l’Année polaire internationale de 20072008. L’objectif était de mieux connaître l’Antarctique, y compris sa faune benthique.

« L’effort entrepris visait à mettre en place une connaissance de base suffisante en prévision d’une future aire marine protégée », rappelle Marc Éléaume, dont le travail d’écorégionalisation benthique prend en compte « seulement » les espèces décrites par la science. Or « de très nombreuses espèces dites cryptiques ont, durant cette expédition exceptionnelle, été recueillies.

Ce sont des espèces potentiellement nouvelles, semblables aux espèces connues d’un point de vue morphologique, mais qui sont génétiquement très différentes ». Un autre immense panel de connaissances encore à explorer...

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