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Ifremer - interview
PREMIÈRE CAMPAGNE DE L’ANTEA
Directrice de Recherche à l’IRD, Sophie Cravatte est océanographe physicienne experte en dynamique équatoriale et en variabilité climatique dans le Pacifique tropical. Avec Frédéric Marin, océanographe physicien à l’IRD, ils organisent les missions Swotalis sur l’Antea, navire de la Flotte océanographique française opérée par l’Ifremer, nouvellement déployé en Nouvelle-Calédonie.
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INTERVIEW
SOPHIE CRAVATTE, CHEFFE DE MISSION DE SWOTALIS
• Que ressentez-vous en étant la première cheffe de mission de l’Antea en Nouvelle-Calédonie ?
- Je ressens une certaine fierté d’inaugurer une série de campagnes océanographiques sur ce navire qui succède à l’ Alis dans le Pacifique, mais surtout de l’appréhension. Nous sommes toute une équipe de scientifiques et d’ingénieurs à préparer cette mission depuis plusieurs années. Il y a eu beaucoup de travail, de moyens engagés et d’attentes. Or des aléas climatiques (c’est la saison cyclonique), des soucis techniques ou humains peuvent toujours mettre en péril les opérations prévues… Je me sentirai plus rassurée à la fin de l’année, quand nous aurons récupéré les instruments et engrangé des données à analyser pour les années à venir.
• Quels sont les objectifs de Swotalis et quels équipements vont être mis en œuvre à bord de l’Antea ?
- Les campagnes Swotalis (il y en aura quatre cette année) ont lieu dans le cadre d’une collaboration internationale, en phase avec le lancement en décembre 2022 du satellite franco-américain SWOT. Celui-ci va observer le niveau de la mer avec des détails jusqu’alors inaccessibles. Plusieurs équipes à travers le monde organisent simultanément des campagnes en mer, sous les traces de ce satellite, pour mieux comprendre ce qui, sous la surface de l’océan, explique les variations à fine échelle spatiale de la hauteur de l’océan. Au sud de la Nouvelle-Calédonie, dans la région des monts sousmarins, ce sont en grande partie les « ondes de marée internes », des mouvements verticaux des couches de l’océan créés lorsque les courants de marée rencontrent un obstacle comme un mont sous-marin ou une dorsale océanique, que l’on va observer avec SWOT. Pour mieux les caractériser, nous allons déployer trois lignes de mouillages instrumentés du fond de l’océan jusqu’à -40 mètres. Ces mouillages, qui vont rester ancrés huit mois, jusqu’à leur récupération pendant Swotalis-4, vont enregistrer toutes les 20 minutes les variations de courants et de densité sur toute la colonne d’eau. Nous allons aussi utiliser des instruments novateurs : le RapidCast/ecoCTD, qui réalise des profils de densité de l’océan en continu pendant que le navire fait route à faible vitesse, associé à une nappe GPS qui, traînée derrière l’Antea, mesurera simultanément le niveau de la mer avec une grande précision. Nous allons également mesurer le mélange dans l’océan induit par ces ondes avec un profileur vertical de microstructures, et prélever de l’eau toutes les trois heures pour comprendre comment ces ondes impactent la présence de nutriments dans la couche de surface de l’océan, et le plancton dans cette région de grande biodiversité.
• Avec l’arrivée de l’Antea dans le Pacifique, que deviennent désormais les perspectives d’exploration sur ce territoire marin gigantesque ?
- L’arrivée de ce navire permet de ne pas interrompre la dynamique de campagnes organisées jusqu’alors sur l’Alis. L’Antea embarque neuf à 10 scientifiques et a des laboratoires plus grands, en vue, nous l’espérons, de campagnes en haute mer plus ambitieuses. Il permettra de continuer à explorer les compartiments physiques, chimiques et biologiques de l’océan Pacifique, autour de la Nouvelle-Calédonie, mais aussi en Polynésie Française, à l’équateur, ou au Vietnam…