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TAAF

ENTRETIEN AVEC LE CHEF DE DISTRICT DE LA TERRE ADÉLIE, OU « DISTA »

En Antarctique, continent érigé en « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science », la terre Adélie forme un secteur angulaire de 432 000 km2 – soit près de 70 % de la France hexagonale – de calotte glaciaire culminant au pôle Sud géographique et baigné par la mer Dumont d’Urville. Rencontre avec Geoffrey Houpert, le chef de ce district hors du commun.

INTERVIEW

GEOFFREY HOUPERT, INGÉNIEUR GÉNÉRALISTE ET CHEF DE DISTRICT DE LA TERRE ADÉLIE, TERRES AUSTRALES

Geoffrey Houpert
© Antoine Carrara 
• Comment s’est passée votre rencontre avec l’Antarctique ?

- Tout d’abord, la navigation à bord de notre briseglace, L’Astrolabe, qui traverse le pack – de la banquise brisée – est un moment à part ! L’Astrolabe a fini par être bloqué à 33 kilomètres de la base, nous poussant à débarquer par un vol en hélicoptère, et ainsi admirer pour la première fois le continent blanc par les airs, un moment magique…

Pendant plusieurs jours après mon arrivée, le décor me paraissait irréel, peut-être encore plus beau et impressionnant que ce que j’avais pu imaginer.

La première fois que j’ai eu la chance d’admirer un manchot empereur fait partie des moments marquants : ces animaux à la fois majestueux et très curieux s’approchent de vous pour vous scruter sous tous les angles ; des moments inoubliables qui nous remettent aussi face à nos responsabilités quant à leur protection.

Sur l’île des Pétrels, la base Dumont d’Urville, ou DDU, porte le nom du premier Français à avoir foulé l’Antarctique en 1840. Ouverte en 1956, la station scientifique abrite une cinquantaine d’installations : lieux de vie, laboratoires de recherche et locaux techniques.
© Geoffrey Houpert 
• Quelles sont vos principales missions en tant que « dista », chef de district de la terre Adélie ?

- En terre Adélie, où je suis arrivée en novembre 2023 pour 12 mois de mission, je représente la préfète des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et suis chargé d’assurer la bonne application de la politique d’administration et de gestion du territoire. En pratique, être chef de district c’est être en charge de la gestion d’une base scientifique et de son personnel, avec une attention particulière aux aspects de sécurité, au vu du contexte de milieu très hostile dans lequel nous évoluons ! Sachant qu’en terre Adélie la recherche scientifique est coordonnée par l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV).

La fonction de chef de district nous investit également des fonctions d’officier de police judiciaire, douanier ou encore d’officier d’état civil, qui peuvent amener à de beaux moments, comme le premier PACS de l’histoire des TAAF honoré en décembre dernier !

Les hivernants de la 74e mission en terre Adélie, qui a débuté en novembre 2023. Le chef de district est en bas au centre.
© Geoffrey Houpert
• Quels sont les travaux de recherche en cours ?

- Ici, c’est un peu comme un laboratoire géant ! On pratique notamment la biologie marine et diverses sciences de la Terre et de l’Univers : glaciologie, météorologie, sismologie, géomagnétisme pour ne citer qu’elles… L’étude des oiseaux marins est évidemment très importante avec la présence, d’octobre à mars sur les rochers aux en virons de la base, de colonies de manchots Adélie, et bien sûr des emblématiques manchots empereurs de mars à décembre.

Colonie de manchots empereurs au lever du soleil.
© Geoffrey Houpert
Le faisceau laser vert du Lidar et la Voie lactée au-dessus de la base. Le Lidar (Light Detection and Ranging) mesure les aérosols dans la stratosphère entre 15 et 35 kilomètres d’altitude. 
© Geoffrey Houpert
• Comment se passe la vie collective sur la base de DDU au quotidien ?

- Malgré les conditions extrêmes, il n’est pas aussi inconfortable que ce qu’on pourrait croire de vivre sur une base scientifique en Antarctique ! En revanche, notre environnement est particulièrement inhospitalier durant l’hiver, c’est-à-dire en ce moment ! Le froid glacial, avec des températures ressenties de -40 ° C, les vents catabatiques dépassant parfois les 200 km/h ou encore la nuit polaire sont autant d’éléments qui nous forcent à nous confiner dans notre base. Une sorte de microsociété s’installe ainsi, dans laquelle les personnes ont des métiers différents tout en étant de générations et milieux sociaux variés. Cette diversité source de richesse peut aussi complexifier la gestion.

Fort heureusement, nous avons la chance d’avoir un groupe exceptionnel dans cette 74 e mission, et les choses se déroulent à merveille… Pourvu que ça dure !

Basé à La Réunion, le patrouilleur polaire L’Astrolabe, fruit d’un partenariat Marine nationale – Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) – TAAF est ici au mouillage sur l’île du Lion.
© Geoffrey Houpert
UN RENDEZ-VOUS AVEC L’ESPACE

« Thomas Pesquet a passé cinq jours avec nous sur la base en décembre dernier aux côtés d’Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur pour les pôles et enjeux maritimes. Thomas a été très à l’aise dans ce mode de vie polaire qui comporte beaucoup de similitudes avec son environnement. Il a animé une soirée lors de notre classique “jeudi de la connaissance” : de beaux moments de partage avec notre astronaute national ! », se remémore Geoffrey Houpert.

Rédaction et interview : Lucie Labbouz
 Iceberg flottant dans la mer Dumont d’Urville.
© Geoffrey Houpert
Magnifique spectacle d’aurore australe. 
© Geoffrey Houpert
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