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Actu Outre-mer
RETOUR SUR LE COLLOQUE WEBINAIRE ORGANISÉ PAR LE SÉNAT : « BIODIVERSITÉS DE L’OCÉAN INDIEN, AU CŒUR D’UN NOUVEAU MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT »
Dernière étape d’un cycle de conférences sur les biodiversités ultramarines initié en 2017 par son ancien président Michel Magras, le colloque organisé le 20 mai par la Délégation sénatoriale aux outre-mer était consacré à l’océan Indien, après les deux précédentes éditions axées sur les bassins Pacifique (2018) et Atlantique (2019). Réalisé en partenariat avec l’Office français de la biodiversité (OFB) et ouvert par le président du Sénat Gérard Larcher, ce colloque a permis de mettre à l’honneur le patrimoine naturel exceptionnel des territoires français de cette région : La Réunion, Mayotte, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Située dans l’archipel des Mascareignes, l’île de La Réunion a fait le pari de l’alliance du tourisme et du patrimoine naturel, faisant ainsi de sa biodiversité un des leviers de son développement. Dans le canal du Mozambique, Mayotte abrite l’un des lagons les plus grands et les plus riches du monde et sa mangrove présente un écosystème remarquable d’une grande richesse. Quant aux TAAF, inhabitées de manière permanente, elles constituent un espace exceptionnel de biodiversité pour la recherche scientifique.
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Trois tables rondes ont ainsi réuni une vingtaine d’experts autour de la difficile mais indispensable conciliation entre la préservation d’écosystèmes fragiles et les enjeux du développement de ces territoires. Les intervenants ont présenté leurs actions concrètes portant notamment sur les aires marines, mangroves et habitats spécifiques, la mégafaune du canal du Mozambique, la situation aux îles Éparses ou encore la valorisation des ressources de la pêche et de la forêt indigène. Comme l’a rappelé l’ancien président Michel Magras aux intervenants :
Coïncidant avec le début de la présidence française de la Commission de l’océan Indien annoncée par Marcel Escure, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans cette zone, la manifestation a également souligné toute l’importance de la coopération régionale. La coopération franco-malgache relative à l’information et à l’évaluation environnementales pour la préservation de la biodiversité dans le sud-ouest de l’océan Indien peut être citée en exemple. Initiée par une volonté conjointe de l’Office national pour l’environnement (ONE) malgache et de la DEAL Réunion, elle se développe aujourd’hui autour des processus d’autorisation environnementaux, des démarches de mobilisation citoyennes, pour la mise en œuvre concrète de la séquence « Éviter, Réduire, Compenser » et des mécanismes de financements associés.
Le président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, Stéphane Artano, et le directeur général de l’OFB, Pierre Dubreuil, ont rappelé que les outre-mer étaient aux avantpostes des actions et expérimentations qui sont menées actuellement et qui seront un facteur clé dans la réussite du prochain Congrès mondial de la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) que la France accueillera à Marseille en septembre, en vue d’un nouveau cadre mondial en faveur de la préservation de la biodiversité.
Le témoignage du président Stéphane Artano :
« Je tiens à saluer tous les intervenants (1) à ce colloque qui, par leurs exposés précis, documentés et passionnants, nous ont montré la valeur de l’action et de la culture du résultat. Je remercie aussi mes collègues Nassimah Dindar, Viviane Artigalas, Vivette Lopez, Thani Mohamed Soilihi et Guillaume Chevrollier qui ont manifesté un soutien indéfectible au projet initié par mon prédécesseur Michel Magras. Le sujet de la protection des biodiversités ultramarines est porté par la Délégation sénatoriale aux outre-mer depuis la COP 21 sur le climat et la Conférence de Paris. La contribution des outre-mer à la biodiversité nationale est telle qu’elle nous oblige à la fois vis-à-vis de nos territoires et des générations futures. Nous avons achevé notre cycle de conférences sur les bassins océaniques mais notre travail va se poursuivre ! Nous allons d’abord publier les actes de ce colloque, car la qualité des contributions présentées en fera des documents de référence. Ils seront ainsi disponibles pour les grands rendez-vous des prochains mois. En particulier, pour le Congrès mondial de la nature de l’UICN qui se tiendra en septembre à Marseille. Ce Congrès rassemblera la communauté mondiale de la conservation de la nature, y compris les meilleurs experts internationaux en sciences, politiques et pratiques dans ce domaine. Nous pensons que ce sommet sera une étape clé pour l’émergence d’un nouveau cadre mondial pour la biodiversité. Notre pays se doit d’être pionnier sur la voie des évolutions nécessaires pour protéger la planète. Les outre-mer seront – soyez-en sûr – aux avant-postes de ce combat. »
(1) La liste des intervenants au colloque du 20 mai au Sénat : - Karine Pothin, directrice de la Réserve naturelle marine de La Réunion ; - Michel Charpentier, président des Naturalistes de Mayotte ; - Vincent Boullet, président du conseil scientifique du Conservatoire botanique national de Mascarin ; - Vincent Ridoux, professeur à l’université de La Rochelle, chercheur à l’observatoire Pelagis ; - Charles Giusti, préfet, administrateur supérieur des TAAF ; - Christophe Fontfreyde, directeur délégué du Parc naturel marin de Mayotte (voir par ailleurs son interview p. 23) ; - Éric Legrigeois, président du directoire du Grand port maritime de La Réunion ; - Florent Ingrassia, ingénieur divisionnaire de l’agriculture et de l’environnement (IDAE), chef du service forêt et milieux naturels de la direction régionale de l’ONF pour La Réunion ; - Pascal Hoarau, directeur de la régie RNNESP, organisme gestionnaire de la Réserve naturelle et du site Ramsar de l’Étang de Saint-Paul ; - Anne-Gaëlle Verdier, directrice de l’environnement par intérim des TAAF ; - Pierre Valade, directeur de projets « Études et recherche » et membre fondateur de OCEA Consult (Réunion) et de Magnirike (Madagascar) ; - Jean-Marc Gancille, responsable communication, sensibilisation, développement de l’association Globice ; - Jean-Philippe Delorme, directeur du Parc national de La Réunion ; - Jean Roger Rakotoarijaona, directeur de l’intégration environnementale et du développement durable, Office national pour l’environnement de Madagascar (ONEM) ; - Jérôme Dulau, chef du service connaissance, évaluation et transition écologique de la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) de La Réunion.
LA FRANcE S’APPRÊTE À ACCUEILLIR LE PLUS GRAND ÉVÉNEMENT MONDIAL SUR LA BIODIVERSITÉ
Du 3 au 11 septembre, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) organisera, au Parc Chanot à Marseille, le Congrès mondial de la Nature, une première en France pour ce rendez-vous incontournable en matière de sauvegarde de la biodiversité, qui a lieu tous les quatre ans et avait dû être reporté en raison de la pandémie de Covid-19 (1). La cité phocéenne va ainsi accueillir un événement de la plus haute importance dans le domaine environnemental, qui va réunir comme l’annonce le Comité français de l’UICN :
(1) En raison de la situation sanitaire, le Congrès est programmé dans un format hybride, entre participation présentielle et à distance.
COMMENT SE PORTENT NOS ÉCOSYSTÈMES (RÉCIFS CORALLIENS, MANGROVES ET HERBIERS MARINS) ? L’IFRECOR PUBLIE UN NOUVEAU BILAN DE LEUR ÉTAT DE SANTÉ
À l'occasion de la journée mondiale des Océans du 8 juin, l'Ifrecor et ses partenaires révèlent les chiffres clés d'une étude (1) au long cours s'appuyant sur cinq années de suivis des récifs coralliens, herbiers et mangroves dans l'outre-mer français.
(1) L’étude s’intitule "État de santé des récifs coralliens, herbiers marins et mangroves des outre-mer français, Ifrecor, 2020".
RARES ET INDISPENSABLES...
Répartis sur moins de 1 % de la surface des océans, les récifs coralliens sont l’un des écosystèmes les plus anciens, les plus beaux et les plus riches de la planète. Avec près de 60 000 kilomètres de récifs coralliens, soit 10 % de la surface mondiale, répartis dans les trois océans, Atlantique, indien et Pacifique, la France est le 4ème pays corallien au monde.
Au-delà du réservoir de biodiversité qu’ils représentent, qui contribue à faire vivre plus du quart des espèces marines, et de l’attrait touristique de leurs paysages, ces écosystèmes rendent d’immenses services à l’homme : chaque année, c’est l’équivalent de 1,3 milliard d’euros apporté aux économies de neuf collectivités d’outre-mer, soit 12 000 sociétés, 50 000 emplois et plus de 175 000 ménages concernés.
Récifs coralliens, mangroves et herbiers marins : pourquoi nous sont-ils si utiles ?
Protection côtière :
Les écosystèmes coralliens absorbent une grande partie (97 %) de l’énergie des vagues, réduisant les dommages sur les aménagements littoraux lors des événements météorologiques extrêmes.
Sécurité alimentaire :
Dans le monde, la pêche dans les récifs coralliens fait vivre quelque six millions de personnes et représente une valeur de 6,8 milliards de dollars par an.
Recherche médicale :
La moitié de la recherche sur les médicaments contre le cancer est basée sur les organismes marins. Ils sont également utilisés dans le traitement de maladies comme le paludisme ou la dengue. Extrait d’une éponge des récifs de la Caraïbe, l’AZT est un médicament utilisé contre le VIH.
Séquestration et stockage du carbone :
Les mangroves et les herbiers jouent un rôle important dans la régulation du climat.
DE PLUS EN PLUS MENAcÉS
Dans le monde, environ 50 % de la surface de corail vivant a disparu depuis les années 1870 et près d’un tiers des coraux sont actuellement menacés (2).
(2) Source : Ipbes 2019.
Dans nos outre-mer, plus de 200 stations ont permis de suivre l’état des récifs : la situation la plus préoccupante se situe dans les territoires soumis à une forte pression démographique : dans les Antilles françaises et dans l’océan Indien (Mayotte, La Réunion). La majorité (62 %) des récifs évalués sur ces territoires sont dégradés, contre seulement 30 % dans les territoires moins densément peuplés du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française) et dans les îles Éparses de l’océan indien.
Pourquoi une telle dégradation ?
Le réchauffement climatique et la pollution sont les deux principales causes : de plus en plus vulnérables aux événements climatiques répétés, les récifs perdent leur capacité de résilience, et n’ont plus le temps de se reconstituer après un épisode de dégradation. S’y ajoutent les activités humaines (pollutions, pêche, sédimentation...) qui exercent une pression directe sur les récifs, réduisent leur résilience et amplifient leur destruction.
Les études internationales mettent en avant que pratiquement tous les récifs coralliens tropicaux vont subir un recul notable de leur superficie : déclin de 70 à 90% si le réchauffement est de 1,5 °C, et de plus de 99 % s’il est de 2 °C (3). Au cours du 21ème siècle, 99% des récifs coralliens du monde devraient connaître un blanchissement important dû au stress thermique (4).
(3) Rapport IPCC 2019 - IPCC Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate. | (4) Gattuso et al, 2018.
LES PROTÉGER EST VITAL
La France s’est engagée à protéger 100 % des récifs coralliens dans les outre-mer français d’ici à 2025 ; 67 % le sont aujourd’hui, notamment dans les aires marines protégées. L’étude montre que les zones de protection les plus fortes ont déjà apporté des effets bénéfiques notables sur les populations de poissons et l’état des écosystèmes.
La réduction des pressions issues des activités humaines à terre et en mer reste la principale marge de manœuvre pour sauver les récifs et maintenir les services qu’ils procurent : traitement des eaux usées, gestion des aménagements, promotion d’une agriculture respectant l’environnement, pêche durable…
Il faudra également pérenniser, renforcer et améliorer la cohérence des différents réseaux de suivi des écosystèmes, poursuivre l’acquisition des connaissances et les efforts d’éducation et de sensibilisation de tous les citoyens. En accord avec la communauté scientifique internationale (5), l’Ifrecor (Initiative française pour les récifs coralliens) rappelle que :
(5) Kleypas et al, 2021.