INTERCO’ OUTRE-MER LANCE UNE PLATE-FORME D’EXPRESSION INTERCOMMUNALE SUR LE FONCIER
PUBLI-COMMUNIQUÉ
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Dans les départements ultramarins, la pression foncière s’accentue et le besoin de visibilité à long terme s’affirme. Interco’ Outre-mer appelle ainsi ses adhérents, et toutes les intercommunalités d’outre-mer, à participer dans ce domaine à l’élaboration d’une plate-forme d’observations et de propositions.
À la sortie de la loi Climat, le foncier est au premier plan des préoccupations politiques nationales comme locales. Elle renvoie pêle-mêle à l’objectif de « zéro artificialisation nette », aux exigences de sobriété foncière dans les documents d’urbanisme, au recyclage des friches, à la mobilisation des fonciers complexes (faible accessibilité, pollution...), à la renaturation d’espaces imperméabilisés, à la densification urbaine y compris des tissus pavillonnaires, à la préservation des espaces agricoles et naturels, aux risques naturels, aux enjeux de submersion marine et d’érosion côtière, à la production agricole périurbaine, au devenir des zones commerciales périphériques…
Ces enjeux résonnent tout particulièrement dans les territoires d’outre-mer, au regard des nombreuses spécificités locales qui affectent les capacités d’interventions foncières des collectivités. En effet, ces territoires sont aujourd’hui confrontés à de véritables défis sociaux et démographiques. Associés aux impératifs environnementaux – alimentation en eau, biodiversité, sauvegarde des espaces agricoles… – ainsi qu’à des contraintes physiques singulières, les injonctions à agir sont nombreuses, mais parfois contradictoires…
Dans ce contexte, Interco’ Outre-mer a décidé d’engager un plan de mobilisation afin d’aboutir, fin 2022, à la rédaction d’une « plate-forme d’observations et de propositions des intercommunalités d’outre-mer sur la problématique foncière », qui sera le fruit d’un travail concerté des intercommunalités dans chacun des 5 territoires : Guyane, Mayotte, La Réunion, Martinique et Guadeloupe.
L’idée n’est pas de faire une étude sur le foncier en outremer, mais de permettre aux élus de s’approprier la question foncière et d’exprimer leurs regards et propositions sur cet enjeu majeur. Il s’agira ainsi de : 1. Faire connaître et reconnaître la particularité des sujets fonciers des territoires d’outre-mer ; 2. Exposer l’attente politique des élus d’outre-mer quant à la gouvernance du foncier ; 3. Proposer des pistes concrètes 1 au « spectre large » ; 4. Rappeler la diversité des situations entre territoires.
SAÏD OMAR OILI, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE PETITE-TERRE À MAYOTTE ET MAIRE DE DZAOUDZI-LABATTOIR 1
Saïd Omar Oili
Saïd Omar Oili a présidé le Conseil général de Mayotte de 2004 à 2008. En plus de son mandat de maire, il est professeur au lycée.
• Quelle est l’importance de la question du foncier dans votre intercommunalité et pourquoi ?
C’est simple, le foncier est l’enjeu principal dans la communauté de communes de Petite-Terre et, plus largement, pour Mayotte demain. Notre département s’étend sur seulement 374 km 2 . Il héberge la plus grosse maternité de France et se distingue au niveau national par une densité incroyable de population. Quand nous prenons en compte aujourd’hui les équipements publics indispensables qu’il faudra réaliser pour la population d’ici 10 à 20 ans – écoles, aménagements pour l’eau, les déchets... – les études montrent qu’ils vont occuper plus de 50 % à 60 % de la superficie de Mayotte. C’est phénoménal.
Le Code de l’aménagement du territoire est repoussé ici par la réalité du terrain. Du fait de l’étroitesse de notre foncier, nous sommes condamnés à trouver, je dirais même à inventer, des moyens pour éviter de ne plus avoir de place pour les futurs espaces publics. Depuis 1977, il n’y a jamais eu à Mayotte de politique de réserve foncière. Le problème que nous avons, c’est que les terrains sont « présumés » appartenir à l’État ou à la Collectivité. Ils sont pour la plupart occupés depuis des générations par des personnes sans titres de propriété, ce qui fait obstacle à toute expropriation. Et bien sûr, si on fait partir les personnes qui ont un titre de séjour, nous devons faire en sorte de les reloger.
• Fort de ce constat, quelles propositions pourriez-vous formuler sur la plateforme d’Interco’ Outre-mer ?
Je dirais tout d’abord que chaque territoire est différent et que son foncier doit être pensé et géré de manière adaptée. La géographie est têtue, elle est toujours là !
Ensuite, nous sommes éligibles au Contrat de convergence et au Plan de Relance. Or nous n’avons pas assez de foncier pour réaliser ces équipements. Il n’y a presque plus de terrains, même sur la Grande-Terre. Nous avons appliqué le droit de préemption un peu partout dès que quelqu’un veut vendre, mais nous n’avons pas de trésorerie pour acheter ces terrains. En effet, le peu de foncier disponible est très cher, avec un minimum de 200 euros par m 2 . C’est un combat de tous les jours. C’est pourquoi je préconise que l’État crée un fonds spécial, pour ajouter aux coûts des projets d’équipements de quoi nous permettre d’acquérir les quelques terrains encore mobilisables.
N’est-il pas déjà trop tard pour un aménagement harmonieux du territoire ? Dans ma commune, j’ai été obligé de construire des logements jusqu’à 20 mètres de hauteur, du jamais vu ! D’une part, cela ne correspond pas à notre mode de vie à Mayotte. Et d’autre part, je constate que dans ces logements, on finit par habiter les uns sur les autres et que cette cohabitation est source de conflits au quotidien. Mais aujourd’hui, par manque de place, nous devons densifier au maximum et reloger les gens dans des immeubles. Le pire c’est que nous sommes conscients que toutes ces tours que nous allons ériger, deviendrons des quartiers difficiles...
La réalité, c’est que le foncier à Mayotte est lié à la question démographique, qui elle-même est nourrie par l’immigration. Mayotte représente la porte d’entrée en Europe de toute la sous-région : Comores, Madagascar, Afrique des Grands Lacs... Par exemple, en Petite-Terre, nous sommes environ 30 000 habitants recensés, mais près de 40 000 en comptant les personnes non régularisées. Avec les Comores, nous formons une même culture, une même histoire. Quand vous lisez l’histoire de l’humanité, pourquoi les peuples se déplacent-ils depuis la nuit des temps ? Ils le font pour le confort et la sécurité. Et cela ne va pas s’arrêter aujourd’hui. Le développement de nos îles sœurs est une priorité. Je plaide depuis longtemps pour cela.
• Qu’en est-il de la sauvegarde des espaces naturels ?
C’est très compliqué, car il y a un conflit d’usage. Doiton privilégier les captages d’eau, les écoles, les lieux de commerce, de services, de loisirs, ou les espaces verts ? Malheureusement, l’homme est en train de détruire l’environnement. Il a déjà son empreinte partout. La population est telle que la préservation de la nature est reléguée en arrière-plan. Ici, on voit des plantations de bananes... dans la mangrove ! Pourquoi ? Parce que là où on cultivait avant, on a fait des constructions.
Il ne faut pas oublier que 87 % de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté. Essayez de parler d’écologie à cette population, elle ne vous entendra pas. Elle vous répondra qu’elle a besoin de couper du bois pour la cuisson, etc. Elle ne comprendra pas pourquoi on lui interdit ce qui était possible avant, ou ce qui lui permet aujourd’hui de survivre.