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Dossier pédagogique

Saison 2014-2015

Campo

Quai Ouest création mondiale nouvelle production

En deux mots Un homme qui a tout perdu se rend dans un endroit hors de son monde et y trouve la mort. Il y rencontre des âmes errantes qui s’entredéchirent et va, malgré lui, précipiter leurs destins.

Contacts Flora Klein • tél + 33 (0)3 88 75 48 54 • courriel • fklein@onr.fr Hervé Petit • tél + 33 (0)3 88 75 48 79 • courriel • hpetit@onr.fr Opéra national du Rhin • 19 place Broglie BP 80 320 • 67008 Strasbourg Photo Nis & For

www.operanationaldurhin.eu


création mondiale nouvelle production

Opéra en 30 séquences de Régis Campo Livret de Kristian Frédric et Florence Doublet D’après la pièce de Bernard-Marie Koltès

STRASBOURG Opéra

Sa 27 septembre 20 h Ma 30 septembre 20 h Je 2 octobre 20 h

MULHOUSE La Filature

ve 10 octobre 20 h Rencontre avec Régis Campo, Marcus Bosch et Kristian Frédric animée par Marc Clémeur Strasbourg, Opéra, salle Bastide ve 26 septembre 18 h 30 • entrée libre

Direction musicale Marcus Bosch Mise en scène Kristian Frédric Décors Bruno de Lavenère Costumes Gabriele Heimann Lumières Nicolas Descoteaux Maurice Koch Paul Gay Monique Pons Mireille Delunsch Cécile Marie-Ange Todorovitch Claire Hendrickje Van Kerckhove Rodolfe Christophe Fel Charles Julien Behr Fak Fabrice di Falco Chœurs de l’Opéra national du Rhin Orchestre symphonique de Mulhouse

Coproduction avec le Staatstheater Nürnberg Commande de l’Opéra national du Rhin et du Staatstheater Nürnberg Avec le soutien du Fonds de Création Lyrique Représentation du 27 septembre en partenariat avec Musica

Langue : français surtitré en français et en allemand Durée approximative : 1 h 40 sans entracte Conseillé à partir de 15 ans : collège et lycée


Contexte Koch a 60 ans. C’est un homme d’affaires ruiné. Il ne lui reste qu’un seul désir : mourir. Pour l’aider, il demande à Monique, sa secrétaire, de l’accompagner. C’est le soir, ensemble, ils se rendent au bord d’un fleuve, près d’un hangar désaffecté. Ce lieu, apparemment un no man’s land, est pourtant habité par des êtres errants, comme prisonniers de cet endroit, entre la vie et la mort. Certains d’entre eux veulent s’en échapper à tout prix.

Argument Dans un hangar désaffecté, qui donne sur un quai.

Première soirée Koch et Monique arrivent devant le hangar et rencontrent Charles. Koch est prêt à lui léguer tout ce qu’il possède – son briquet Dupont, des boutons de manchette en or, une bague, une Rolex – contre deux pierres à glisser dans ses poches, pour être sûr de bien couler au fond du fleuve, de bien mourir. Charles le guide à travers le hangar, pendant que Fak ramasse les objets abandonnés par Koch. Très vite, l’homme d’affaires remarque la présence tacite d’Abad et s’en inquiète. Charles et Abad s’entretiennent, Koch négocie le droit de mourir sur leur terrain. Pendant ce temps, un peu plus loin, Fak tente de convaincre Claire, la jeune sœur de Charles, de se défaire de sa virginité, mais la jeune fille résiste. Elle sait que perdre ce qui lui reste de pureté la condamnera à rester prisonnière de ce no man’s land. Elle craint aussi les représailles de son frère. L’arrivée de Monique interrompt leur entretien. Celle-ci croit avoir entendu le bruit d’un corps qui tombe à l’eau et les prie de bien vouloir l’aider. Elle est prête à tout leur donner en échange de leur bienveillance : de l’argent, la voiture. Fak l’attire dans le tunnel dans lequel il voulait entraîner Claire, quand Koch paraît, trempé, soutenu par Charles. Le jour se lève. Claire soupçonne son frère de vouloir s’enfuir avec Fak et de l’abandonner, sans protection. Pour mettre à exécution son dessein, Charles vend sa sœur à Fak et empoche en échange les clés de la Jaguar. Arrive Cécile, la mère de Claire et Charles. Elle aussi, veut sa part du gâteau : elle provoque Charles afin qu’il dépouille Koch. L’union faisant la force, Charles propose à Abad un marché pour s’associer, puis rejoint Monique, qui demeure auprès de Koch. Constatant rapidement que la tête de delco manque à la voiture, Monique accuse Charles de vouloir la duper. Celui-ci se rend compte qu’il s’est fait devancer par Fak dans sa tromperie. Plus loin, Fak donne à Claire la tête de delco et convient avec elle, résignée, d’un rendez-vous. Charles part à la recherche de Fak, bien décidé à quitter le hangar grâce à la voiture.

Deuxième soirée Début de soirée. La lumière commence à décliner. Claire rend la tête de delco à Koch et Monique, mais les pneus de la voiture sont crevés. Entre Cécile, qui leur offre son aide. Rodolfe, le mari de Cécile, retrouve Abad, lui confie un pistolet et lui demande de tuer Koch. Tous se retrouvent et se disputent pour retrouver la montre de Koch. Lorsque Monique et Koch tentent de partir, Abad surgit, un fusil à la main. Alors que l’aube pointe, Abad mène Koch à l’écart, sur la jetée. Ce dernier le supplie de l’abattre. Dans le hangar, pendant qu’Abad exécute Koch, Fak viole Claire avant de la frapper et de la laisser seule. Charles, quant à lui, s’apprête à faire ses adieux à son père Rodolfe, qui le rejette et nie toute filiation avec lui. Tous disparaissent progressivement. Reste Claire, qui déclare son amour et son dévouement à son frère. Plus loin, Abad tire sur Charles.


Des personnages pour une action intérieure

Monique Pons Référence à Ophélie dans Hamlet, à certaines femmes des films de Luis Buñuel – Cet obscur objet du désir, L’Ange exterminateur ou Le Charme discret de la bourgeoisie –, de Pedro Almodóvar ou bien encore une femme des Précieuses Ridicules de Molière. > Âge : 42 ans > Liens avec les autres personnages : secrétaire de Koch, peut-être sa maîtresse. > Portrait : elle est dévouée à Koch. C’est une femme terre à terre, au grand sens pratique, ancrée dans le matériel, du moins assez pour s’y connaître en mécanique. Elle vient d’un milieu modeste, mais se donne des airs de femme du monde. Son langage et sa gestuelle démesurée lui confèrent un côté comique. Sous ses apparences, elle est pourtant une femme en profonde détresse, seule. > Son aspiration : être une femme du monde. > Trajectoire dans l’œuvre : d’abord parée d’allures caricaturales de femme du monde, son costume et sa coiffure vont ensuite se disloquer et s’abîmer : une fois le vernis effrité, elle sera condamnée à errer dans ce lieu jusqu’à la fin des temps.

Cécile > Âge : 60 ans > Liens avec les autres personnages : mère de Charles et Claire, femme de Rodolfe. > Portrait : originaire d’Amérique du Sud, des grands plateaux des Andes, elle a un côté tragédienne et est excessive. Usée par sa vie faite de petites combines, elle fume, elle crache, elle s’est sans doute prostituée par le passé. Elle est probablement malade : la tuberculose, un cancer, une maladie sans nom. Elle est nostalgique, parle de l’avant, de son pays, de sa jeunesse. Elle craint d’être exclue par les autres et épie sans cesse, reste à l’affut. Elle a un langage très imagé. Elle croit en Dieu, mais par superstition. > Sa plus grande peur : l’abandon. > Trajectoire dans l’œuvre : elle finit par maudire Dieu, avant de mourir.

Rodolfe Maurice Koch > Âge : 60 ans > Liens avec les autres personnages : patron de Monique. > Portrait : c’est un homme d’affaires, un homme du monde, ruiné. Il n’a aucun sens pratique, n’accorde plus aucune importance à l’argent, ne sait pas conduire. Il possède la panoplie complète de la richesse, mais s’en défait sans remord. Il a un langage de grand bourgeois, manie le subjonctif avec aisance, mais ne retient pas sa vulgarité. Il se montre parfois capricieux, immature, comme un enfant gâté. Il peut se montrer condescendant. > Son aspiration : la mort. > Trajectoire dans l’œuvre : son arrivée va précipiter le destin des autres personnages, il est le déclencheur de tout.

Référence à Fernando Rey dans French Connection > Âge : 58 ans > Liens avec les autres personnages : mari de Cécile, père de Charles, ce qu’il renie, peut-être de Claire. > Portrait : ancien soldat, il fait plus que son âge et boite, à cause de la Kalachnikov qu’il dissimule sous ses vêtements. Il est le plus droit de tous, celui qui paraît sans masque. Un monstre, lâche, sans apparat. En adoubant Abad et en le poussant à tuer deux hommes, il représente le véritable bras armé de l’œuvre. > Trajectoire dans l’œuvre : il est le déclencheur de l’arme.


charles Référence à Dustin Hoffman dans Macadam Cowboy > Âge : 28 ans > Liens avec les autres personnages : fils de Cécile et Rodolfe, frère de Claire > Portrait : il vit de petites magouilles, croit qu’il est plus malin que les autres, s’habille de façon miséreuse. Il est toujours dans la parole, mais jamais dans l’action. Il est un empêché, impuissant face au monde, aux femmes. Il n’a pas encore tout à fait conscience qu’il est condamné. Il cherche la reconnaissance de son père. > Son aspiration : quitter cet endroit. > Trajectoire dans l’œuvre : il est condamné à mourir, tué par Abad et se pare au fur et à mesure de l’allure de Koch : sa veste, sa silhouette, son ironie, sa fatalité, son rire, ses expressions.

fak Référence à Marlon Brando dans Apocalypse Now (avec des plaques militaires) ou à Bruce Lee. > Âge : indéterminé. > Liens avec les autres personnages : aucun. > Portrait : animal à sang froid, il est rapide, instinctif, habile, il calcule pour survivre, il agit sans état d’âme. Il accorde de l’importance au matériel et prend tout ce qui est à prendre : le briquet, les clés, la tête de delco et la virginité de Claire. Il complote et parle peu. > Son aspiration : rafler les mises. > Trajectoire dans l’œuvre : il fait partie intégrante du lieu et est sans doute le seul qui pourrait y vivre pour l’éternité.

abad Référence à Roberto Zucco dans la pièce éponyme de Bernard-Marie Koltès et à Charon, personnage mythologique. > Âge : indéterminé. > Liens avec les autres personnages : aucun. > Portrait : il est noir et passe inaperçu, telle une ombre. Sa présence est permanente, mais on ne sait ni d’où il vient, ni comment il se nomme réellement. Il est mystérieux, dégage une force impressionnante, ne parle pas, ou ne le fait que par le seul intermédiaire de son double et confident, Charles. Il est le passeur du lieu, le révélateur des âmes et est le seul qui n’a pas peur des chiens. > Trajectoire dans l’œuvre : il se fait double de chacun des personnages, au fur et à mesure qu’ils se révèlent à lui.

le lieu Un personnage à lui seul, et d’ailleurs le personnage principal. > Âge : éternel. > Portrait : une sorte d’entité chargée d’un vécu, d’événements passés. Les âmes y passent, y meurent, l’histoire se répète en tous temps : on vient dans ce lieu pour mourir. Tous les personnages y trouvent leur fin. > Trajectoire dans l’œuvre : il est le seul qui demeure, se dresse et impose son existence dans une intemporalité implacable.

le décor Bruno de Lavenère, décorateur, a conçu un lieu à la fois ouvert – de passage – et fermé – puisqu’on y trouve sa propre fin. La structure est modulable et peut s’apparenter à un labyrinthe ou à une machine. La scénographie utilise des procédés cinématographiques (plan, cadre). Les matériaux utilisés apportent du réalisme à ce dispositif abstrait : acier, fer, rouille, bois, béton, pierres. Nicolas Descoteaux, éclairagiste, a créé un jeu entre ombre et lumière, qui donne écho au sens du livret.


Les personnages, leurs relations

MONIQUE

Protection Relation amoureuse ?

FAK

Récupère ses affaires

Complicité Transaction de Claire

Désir Viol

claire

Frère Sœur

Mère

koch

Secours

charles

Mère

cécile Père

Maquettes de décors de Bruno de Lavenère

Meurtre

ABAD

Meurtre

Père renie son fils

rodolfe

Relation


Notes d’intention Régis Campo, compositeur

Quai Ouest, opéra pour sept chanteurs, chœur mixte, un danseur et orchestre Mon souhait a été de rencontrer le metteur en scène, l’adaptateur du livret ou encore le scénographe dès le début du projet afin de rejoindre l’esprit de troupe de théâtre que j’ai connu lors de mes études au Conservatoire de Paris avec des amis comédiens du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris dans les années 1990. Ainsi, ma collaboration avec le metteur en scène Kristian Frédric a débuté avant même d’avoir commencé une seule note de musique. La question de l’adaptation de la pièce Quai Ouest s’est tout de suite posée et j’ai assisté avec joie à ce travail opéré par Kristian et Florence Doublet. Nous avions le désir tout en gardant le style de Koltès toujours présent (aucun mot étranger à la pièce n’est ajouté, seule une découpe chronologique a été faite) de finalement accoucher d’un grand livret d’opéra rassemblant les codes que le genre inspire et impose. Plusieurs indications primordiales de la dramaturgie chez Koltès nous sont apparues : à la fois les basculements ambigus entre le sombre et la lumière, entre un rythme vif proche de la comédie et le temps statique des monologues, menant ainsi l’aventure de Quai Ouest vers un opéra quasi « sacré » où chacun des sept personnages-chanteurs vit son destin inexorablement. Le caractère très cinématographique de la pièce (et souvent référencé à Pasolini, notamment à son film Théorème) m’a alors donné de nouvelles directions dans tous les « dialogues » de la pièce que l’on retrouve abondamment dans le livret. Ce sont des scènes de rues, nerveuses, rapides qui donnent le ton des scènes de l’opéra. Cet opéra Quai Ouest est un grand enjeu pour un compositeur : proposer aujourd’hui une nouvelle direction esthétique à la prosodie française, et un choix de mise en musique de la langue koltésienne. J’ai toujours en mémoire les indications de mise en scène de Bernard-Marie Koltès pour cette pièce : « tout langage est ironique (…) Le pire enfin qui peut arriver à la pièce, c’est qu’on la fasse sentimentale, et pas drôle (...) Ce sont des scènes de commerce, d’échange et de trafic ». C’est cette ironie « tragique » dans l’art de Koltès avec le souci de fuir l’emphase, d’échapper à un « sérieux » là où une scène demande à être drôle, qui me semble si proche de ma musique et de mon tempo personnel.

Florence Doublet et Kristian Frédric Notes sur le livret

C’est la première fois que l’on adapte pour l’opéra une des grandes pièces du dramaturge Bernard-Marie Koltès, aussi, pour nous koltésiens dans l’âme, mais librettistes, la tâche nous a semblé titanesque. Qu’avait-on le droit d’enlever, de cette langue si travaillée, si musicale qu’est la langue de Koltès ? Que pouvait-on supprimer à ce texte dense, sans perdre le fil de l’histoire ? Ni appauvrir l’immense poésie des monologues de chacun des personnages ? Nous sommes donc partis du texte, didascalie après didascalie, mot après mot, en nous posant chaque fois la question de l’essentiel : raconter la même histoire en conservant la structure, garder le plus possible du langage de cette écriture, tout en l’adaptant à la fois à la dramaturgie de l’opéra et aux possibilités techniques de la musique et du chant. Cet atelier a été réalisé à deux, avec toujours et de manière régulière au cours du travail, une discussion constructive avec le compositeur Régis Campo. Ainsi, on a pu par exemple conserver ou non certaines répétitions fondamentales du texte original, adapter de longs monologues à des arias, ou créer pour certaines scènes, des ensembles de voix sans contradiction avec l’esprit de la pièce. Ce chantier, à trois, permet de ne pas écrire d’un côté le texte, de l’autre la musique, mais d’avoir une vision d’ensemble.


Notes et intentions de Kristian Frédric, metteur en scène Un homme (Koch) qui a tout perdu, va dans un endroit, hors de son monde, pour y trouver sa mort. Il entraîne dans son voyage sa secrétaire (Monique). C’est un endroit qui pourrait se situer entre la vie et la mort. Une sorte de no man’s land où les êtres qui s’y trouvent sont condamnés à errer. Nous sommes peut-être au bord du fleuve des enfers où chacun ne peut esquiver son destin. Certains d’entre eux pourtant veulent y échapper à tout prix, sans jamais pourtant y parvenir. Ils ne comprennent pas pourquoi, mais ils sont ancrés à cet endroit du monde. Il y a quelque chose qui peut nous faire penser à L’Ange exterminateur de Luis Buñuel. Malgré lui, Koch sera le déclencheur. Sa venue précipitera le destin de chacun. Chacun apparaîtra en plein jour, ils se dévoileront et seront tous happés alors par leur destin. N’est-ce pas Charles qui nous prévient en disant à Koch lors de leur première rencontre : « Vous ne découvrirez rien ici. Il ne reste plus rien, même pas le moindre rêve, nulle part. Il n’y a que de la sagesse, partout. » On assiste à une parabole mystique où le déclencheur est d’abord un désir de mort. Il faut donc ancrer cette mise en scène dans cette vision-là. C’est pourquoi j’ai de suite pensé qu’Abad (celui qui n’a pas besoin de mots) était l’âme de ce lieu et qu’il en deviendrait le passeur. Abad, celui qui aidera à guider les âmes égarées et son chien qui sera là pour l’accompagner à devenir ce qu’il est au fond de lui-même : ce psychopompe, qui guidera l’homme dans la nuit de la mort. Abad et le chien ne feront qu’un, leurs destins seront liés. Comme seront liées les trois femmes de l’histoire (Monique, Claire et Cécile) par un transfert symbolique qui s’effectuera tout au long de l’opéra. Monique débarrassée de ces dernières reliques deviendra par sa silhouette et sa coiffure, une nouvelle Cécile. Claire violée par Fak et abandonnée au milieu du monde deviendra à son tour une nouvelle Monique. Tandis que Cécile sera, dans sa mort, mangée par le lieu même. Elle n’aura jamais pu s’extraire de cet endroit. Koch, lui, y trouvera sa mort, tandis que Charles prendra sa veste, sa silhouette, son ironie, sa dérision, sa fatalité, jusqu’à son rire même et ses expressions : « foutaises ». Il comprendra lui aussi qu’il ne pourra pas lui échapper, qu’il sera condamné à franchir ce fleuve sans jamais rester dans le souvenir de quelqu’un. N’est-ce pas là, la dernière requête qu’il formulera à Rodolfe (son père) : « Je veux rester dans le souvenir de quelqu’un, comme tu m’as appris qu’il fallait rester dans le souvenir de quelqu’un pour ne pas mourir. » Ce père trop vieux trop foutu, qui pourtant reste le personnage le plus ancré dans l’histoire. Porteur de l’arme, il en deviendra son déclencheur. Aussi monstrueux que lâche, il sera le bras armé du destin en adoubant Abad. C’est lui qui le poussera aux meurtres en lui confiant sa mission : « Si tu n’as tué qu’un seul homme, ta mort ne laissera aucune trace. Il faut en avoir tué deux, pour la gagner. » On ne peut s’empêcher de penser à la rencontre, dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, entre le colonel Walter E. Kurtz et le capitaine Benjamin L. Willard. Ce qui est passionnant chez Bernard Marie Koltès, c’est la Faculté qu’il a de nous ramener à chaque fois au plus profond de nous-mêmes. Il érige devant nous un miroir, pour que puissent s’y refléter nos propres peurs, nos propres manques et surtout notre besoin effréné de vouloir y laisser une trace. Plus qu’une histoire c’est une fable que nous nous proposons de déployer devant vous à travers cet opéra de Régis Campo.


Un hangar désaffecté qui donne sur un quai.

Le décor fermé

Maquettes de décors de Bruno de Lavenère

Côté jardin : La structure / ossature d’un hangar (fait d’acier, de fer et d’IPN). Certaines parties sont encore pleines (acier rouillé…). Sur d’autres, on ne voit que l’ossature d’acier. C’est une structure à deux étages, dont on n’aperçoit que le début du deuxième (le reste se perd dans les cintres). Cette partie du décor restera fixe, tout au long du spectacle. Il y a un escalier en acier qui va du sol au premier. Derrière, des passerelles donnent aux chanteurs des espaces de jeu. Au lointain : le quai et la présence du fleuve. Différents pilotis de bois permettent de donner de la perspective, mais aussi une possibilité de jeu. Il y a dans les dessous un bassin d’eau. Sur le quai (peut-être à cour), des pierres cubiques sont entassées (type pavés de chantier). Au loin, un cyclo peut être éclairé ou non. Côté cour : un mur plein métallique (fait de poutrelles et d’acier). Ce mur, sur une longueur d’environ six mètres, pourra se désolidariser de sa base. Il pourra aussi lors du spectacle se diviser en deux parties distinctes. Le reste du mur restera fixe en avant-scène cour. Le sol est en béton gris, patiné en différents reliefs.

Le décor ouvert


Quai Ouest, la pièce de théâtre L’auteur Bernard-Marie Koltès est né à Metz le 9 avril 1948. Il suit des études secondaires au Collège Saint Clément et des études de piano puis d’orgue auprès de Louis Thiry. Il s’installe à Strasbourg en 1969 où il assiste à une représentation de Médée de Sénèque, mise en scène par Jorge Lavelli avec Maria Casarès à la Comédie de l’Est. C’est le déclic : Koltès veut écrire pour le théâtre. Il entre alors pendant quelques mois au Théâtre National de Strasbourg dans la section régie avant de fonder une troupe, le Théâtre du Quai. Il écrit et met en scène des pièces telles que Les Amertumes (1970), La Marche et Procès ivre (1971) ou Récits morts (1973). Il se fait remarquer par Hubert Gignoux, directeur du TNS, qui deviendra son principal interlocuteur. Parallèlement à ses projets, il voyage beaucoup, se rend en URSS (Allemagne de l’Est, Kiev, Moscou, Saint-Pétersbourg), en Amérique latine, en Afrique et à New York. En 1977, il s’installe à Paris et écrit La Nuit juste avant les forêts, sa dernière mise en scène, jouée dans le cadre du Festival Off d’Avignon. Reprise par Pierre Audi en 1981 au Festival d’Edimbourg, cette pièce le fera connaître en France et en Europe. En 1979, il rencontre Patrice Chéreau qui, à partir de 1983, crée au théâtre Nanterre-Amandiers la majorité de ses textes, parmi lesquels Combat de nègre et de chiens, qui avait été monté en 1981 au théâtre de la Mamma (New York) par François Kourilsky. Il rencontre également Claude Stratz, l’assistant de Patrice Chéreau, qui devient dès lors son lecteur et interlocuteur privilégié. C’est entre 1983 et 1985 qu’il écrit Quai Ouest sur une commande de la Comédie de l’Est. La pièce est créée en 1986 à Amsterdam avant d’être mise en scène par Chéreau à Nanterre et d’être montée dans toute l’Europe, puis dans le monde. Il s’essaie au cinéma en 1985 et écrit un scénario, Nickel Stuff. Il rêve de confier le premier rôle à John Travolta, mais son projet sera abandonné. Dans la solitude des champs de coton, mise en scène d’abord par Chéreau en 1987 à Nanterre, sera jouée sur les cinq continents. Sa dernière pièce, Roberto Zucco, écrite en 1988, est créée à la Schaubühne de Berlin par Peter Stein (1990) puis montée par Bruno Boëglin au T.N.P de Villeurbanne (1991) avant d’être interdite à Chambéry. Elle reste sans doute sa pièce la plus jouée dans le monde. Bernard-Marie Koltès meurt, victime du sida le 15 avril 1989 à Paris.

« J’ai toujours détesté un peu le théâtre, parce que le théâtre c’est le contraire de la vie, mais j’y reviens toujours parce que c’est le seul endroit où l’on dit que ce n’est pas la vie. » Bernard-Marie Koltes dans Un Hangar, à l’Ouest

Ses textes, traduits dans une trentaine de langues, font aujourd’hui de lui un des dramaturges les plus joués dans le monde. Si Koltès aborde des thèmes tout à fait contemporains de son époque, tels que les difficultés de communication entre les hommes, la tragédie de l’être solitaire et de la mort, il ne s’inscrit pas pour autant dans le courant du théâtre de l’absurde. Il choisit plutôt de se tourner vers des fondements plus classiques et s’inspire de Shakespeare, Marivaux, Rimbaud ou Claudel.

Le propos de la pièce « Je mettrai deux lourdes pierres dans les poches de ma veste ; ainsi, mon corps collera au fond comme un pneu dégonflé de camion, personne n’y verra rien. » Koch

« En ce moment, j’écris une pièce dont le point de départ est aussi un lieu. à l’ouest de New York, à Manhattan, dans un coin du West End, là où se trouve l’ancien port, il y a des docks ; il y a en particulier un dock désaffecté, un grand hangar vide, dans lequel j’ai passé quelques nuits, caché. C’est un endroit extrêmement bizarre – un abri pour les clodos, les pédés, les trafics et les règlements de comptes, un endroit pourtant où les flics ne vont jamais pour des raisons obscures. Dès que l’on y pénètre, on se rend compte que l’on se trouve dans un coin privilégié du monde, comme un carré mystérieusement laissé à l’abandon au milieu d’un jardin, où les plantes se seraient développées différemment ; un lieu où l’ordre normal n’existe pas, mais où un autre ordre, très curieux, s’est créé. Ce hangar va bientôt être détruit ; le maire de New York, pour sa réélection, a promis de nettoyer tout ce quartier, probablement parce que, de temps en temps, un cadavre y est jeté à l’eau.

Photo Elsa Ruiz

Les origines


J’ai eu envie de parler de ce petit endroit du monde, exceptionnel et, pourtant, qui ne nous est pas étranger ; j’aimerais rendre compte de cette impression étrange que l’on ressent en traversant ce lieu immense, apparemment désert, avec, au long de la nuit, le changement de la lumière à travers les trous du toit, des bruits de pas et de voix qui résonnent, des frôlements, quelqu’un à côté de vous, une main qui tout à coup vous agrippe. » Bernard-Marie Koltès

« On aurait tort de penser que les personnages de Quai Ouest sont des ratés » B-M.K. « À moins de croire naïvement qu’un raté est un homme qui n’a pas réussi au sens le plus vulgaire du terme, on aurait tort de penser que les personnages de Quai Ouest sont des ratés. Il y a sans doute beaucoup de « ratés » qui n’ont jamais subi d’échec ; de toute façon, c’est une notion qui n’a pas beaucoup de sens en soi. L’échec, c’est tout autre chose. Charles, par exemple, accumule une série d’échecs ; or il meurt, si je puis dire, satisfait ; ou le plus satisfait possible. L’échec, ce n’est pas l’impuissance à satisfaire un désir, c’est un aspect de la complexité d’un désir ; c’est un désir qui existe en soi. Et, pour le faire exister, Charles ne manque ni d’habileté, ni de courage, ni de cohérence. On pourrait d’ailleurs se dire cela de tous les personnages ; l’avantage des histoires qu’on raconte, c’est de pouvoir en inventer la meilleure fin possible. On peut donc partir du principe que chacun accomplit absolument ce qu’il voulait ou avait à accomplir ; le nombre de morts et de blessés ne change rien à l’affaire. » Un Hangar, à l’Ouest, in Roberto Zucco, éditions de Minuit, 2001, p. 131.

Une forme classique « Quai Ouest est une tragédie comme les tragédies anciennes : les personnages parlent à cœur et à cerveau ouverts […] ; unité de lieu, unité de temps ; à la fin, il y a la mort, les morts, qui jonchent la scène. Chez les anciens, les histoires sont des histoires de famille, Labdacides – ceux qui s’entretuent par trop d’amour – ou Atrides – ceux qui vont jusqu’aux extrêmes de la haine. Aujourd’hui, plus de familles royales ; plus de rois, d’ailleurs, dans nos pièces contemporaines. La tragédie n’est pas le fait de destins exceptionnels. Il y a partout des Andromaque, à chaque journal télévisé nous les voyons ces 18 femmes déchues, ces familles détruites par la guerre ou par la misère. Ce n’est plus à l’intérieur d’une même famille que se joue la tragédie. Et c’est peut-être cela la nouvelle conscience du XXIe siècle et de cette pièce de Koltès : il y a bien une mondialisation. Désormais l’humanité est une grande famille. Ce n’est pas celle rêvée par les Lumières, dans le sens d’une grande famille protectrice et fraternelle. Cette grande famille, c’est la famille des Atrides, celle dont on tue et dont on dévore les enfants. Et, en effet, ces enfants, Claire et Charles, la deuxième génération, ceux qui sont nés ici de parents émigrés, sont pris en étau par la génération des aînés. D’un côté une société, représentée dans Quai Ouest par les riches, Koch et Monique, qui ne leur renvoie que du mépris et de la haine, qui ne les traite que de « miteux » ; de l’autre côté la malédiction des parents qui trouvent que leurs enfants renient leurs origines, manquent de fierté et de dignité, ne s’attachent nullement à perpétuer des valeurs essentielles pour eux, les parents, mais somme toute archaïques. Koltès raconte ainsi très précisément la tragédie de cette deuxième génération déracinée et incapable de s’intégrer. » Adel Hakim, « L’argent comme purgatoire. à propos de quai ouest », Europe revue littéraire mensuelle, novembre-décembre 1997, p. 74-79.


Le chien, un passeur d’âmes La figure du chien est souvent présente dans les pièces de Koltès : les personnages les évoquent au cours de leurs conversations et les relations entre les hommes sont parfois envisagées sous l’angle de problèmes de territoires, comme il en existe entre chiens et chats. Dans Quai Ouest, Kristian Frédric a choisi de mettre en avant cet animal, qui symbolise un passeur d’âme. Dans les mythes et légendes de nombreuses cultures, le chien est celui qui guide les âmes des morts. La mythologie grecque fait de Cerbère le gardien de l’entrée des Enfers : il empêche ceux qui passent le Styx de pouvoir s’enfuir. Ici, le chien représente le compagnon d’Abad, être mystérieux, qui ne parle jamais et dont personne ne connaît la véritable identité. Ce personnage incarne l’âme du lieu et est celui qui tue deux hommes. En cela il est semblable à Charon, ce vieillard chargé de faire traverser le Styx (ou l’Achéron, selon les versions) aux défunts, moyennant un péage. « [Le chien] est lié à la trilogie des éléments : terre, eau, lune ; qui est fondamentale tout aussi bien pour le concept de conscient que pour celui de l’inconscient. Sa fonction est celle de psychopompe, il guide l’homme dans la nuit de la mort, après avoir été son compagnon dans le jour de sa vie. Dans notre histoire culturelle occidentale, il a prêté son visage à tous les grands guides des âmes comme Anubis, Cerbère, Thot, Hécate et Hermès. Ici ce chien est là pour accompagner Abad à devenir ce qu’il est au fond de lui-même : le passeur des âmes. Abad et lui ne font qu’un. Leurs destins sont liés. » Kristian Frédric

Abad et son chien comme Charon et Cerbère Charon, dans la mythologie grecque, est un vieillard à l’aspect impassible, négligé et caractériel mais suffisamment robuste pour transporter les morts qui lui sont confiés d’une rive à l’autre du Styx. Il ne se laisse pas apitoyer par ceux qui n’ont pas de quoi payer leur transport. Coiffé d’une cagoule, il choisit ses passagers parmi ceux qui sont sur la rive. Il faut mériter son enterrement et pouvoir payer le voyage : entre une obole et trois oboles. La coutume veut qu’on place une obole sous la langue du mort avant son enterrement. Pour ceux qui ne payent pas, c’est l’errance sur les bords de la rivière pendant cent ans. Quant à Cerbère (Kérberos), il est le chien qui garde l’entrée des Enfers, empêchant ainsi ceux ayant passé le Styx de s’enfuir. Achille tuant un prisonnier troyen devant Charon (à droite), cratère en calice étrusque à figure rouges, fin IVe-début IIIe siècle avt J.-C., Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France

Le récit au cœur de la réalité de l’Histoire Le lieu de l’action, une friche industrielle abandonnée dont la construction date de la grande industrialisation, est le théâtre – c’est bien le cas de le dire – de règlements de comptes qui mènent jusqu’au meurtre. La mort que choisit Koch, cet homme ruiné qui est prêt à tout abandonner, argent, voiture, montres, tous ces symboles du « bling-bling » comme on les nomme aujourd’hui, en échange de sa mort, tant il ne croit plus en rien. Cette mort comme celles d’autres acteurs de ce drame, se tient dans les restes de ce port très actif à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Cette aire post-industrielle a accouché notamment des personnages de Quai Ouest et nourrit leurs péripéties. La pointe de Manhattan et le port dans l’Hudson River (Quai Ouest) à gauche et l’East River à droite


Extraits du livret de Kristian Frédric et Florence Doublet Séquence 5 Trois personnages : Koch, Charles et Abad (silencieux) La jetée. Au-dessus du fleuve flotte une légère lumière blanche. Éclairage de lune. Abad assis, au loin. KOCH (bas) J’ai peur. CHARLES Tu as ton arme ?

Je cherchais un endroit qui me ressemble. Je veux seulement qu’on me laisse approcher du fleuve, qu’on me laisse ramasser deux pierres. CHARLES Est-ce que tu es venu seul ?

CHARLES Un flic ne viendrait pas sans son arme.

KOCH Oui. Sauf une femme. (à lui-même pendant que Charles se dirige vers Abad) Elle conduit la voiture. Elle est encore là-bas, sûrement. Abad et Charles se parlent, longuement, à l’oreille. La tension monte.

KOCH Je ne suis pas un flic.

CHARLES (à Koch) Il ne veut pas. Il dit qu’un mort ici attirerait la police.

CHARLES Quoi, alors ?

KOCH Foutaises.

KOCH Rien, normal, un particulier.

CHARLES (bas) Qu’est-ce que tu me donnes, en échange ?

CHARLES Tu as raison d’avoir peur.

KOCH Je vous ai déjà tout donné.

KOCH (en direction d’Abad) Qui est-ce ?

CHARLES Je ne ramasse pas, moi.

CHARLES Qui ?

KOCH Prenez la voiture.

KOCH Celui-là, dans l’ombre, qui me regarde.

CHARLES Tu ne m’as pas donné d’argent.

CHARLES (plus bas encore) Ne t’énerve pas. Est-ce que tu as une arme ?

KOCH (Koch s’énerve, hôte sa veste et la tend à Charles.) Prenez ma veste si vous le voulez, et fichez-moi la paix avec votre argent de sauvages. Charles ne réagit pas, regarde Abad. Koch s’approche de l’eau, ramasse deux pierres de chantier. Charles l’arrête par la voix.

KOCH Une arme ? Non. Pourquoi ?

KOCH (s’énervant) Non, je vous l’ai dit, non. CHARLES Tu as la tête fêlée, mon vieux. Charles se dirige vers Abad. Ils se parlent à l’oreille. Charles revient vers Koch. CHARLES (à Koch) Il veut savoir qui vous cherchez. KOCH Personne. CHARLES Qu’est-ce que vous êtes venu faire ici, alors ?

CHARLES (à Koch) Tu as tout ce que tu veux, tu peux partir où tu veux. Pourquoi tu ferais cela ? KOCH (se retournant vers lui) Foutaises. CHARLES Et les clés ? Et la femme ? Et tes chaussures ?

KOCH Mourir, je suis ici pour mourir.

KOCH Les clés, elles sont sur la voiture. La femme, débrouillez-vous avec elle. Mes Weston, je les garde.

CHARLES (bas) Qui c’est qui veut ta mort ?

NOIR SEC

KOCH Personne. Moi. Une histoire d’argent. (un temps)


Séquence 21 7 Personnages (septuor) : Claire, Monique, Cécile, Fak, Charles, Koche et Rodolfe Dans le hangar plongé dans l’obscurité, sauf des rayons de lune passant par les trous du toit. Entre Charles, Cécile soutient Koch. Accélération de la tension dramatique.

CHARLES (à Rodolfe) Il n’y a que moi qui le comprends, Plus bas encore. Dis-moi où il est, vieux fou.

CÉCILE (se précipitant sur Charles) à Koch C’est lui, à Charles C’est toi, Charles, mon Charlie !

CÉCILE Ne parle pas comme cela de ton père. Où est ta sœur ? Où est ma petite Claire ? Elle pleure.

KOCH (à Cécile) Ce n’est pas lui qui m’a sorti de l’eau. Elle lui baise la joue. CÉCILE (à Koch) Si, c’est lui, bien sûr que c’est lui. CÉCILE (à Charles) Ouvre ta gueule, larve. KOCH (à Cécile) Je veux ma montre. CÉCILE (à Charles) Cherche la montre, aide monsieur à marcher, bouge-toi, bon à rien. KOCH (à Charles) Je l’avais posée par là. Koch, maintenant soutenu par Charles, se heurte à Fak qui guide Monique par la main. CÉCILE (à Rodolfe, qui est arrivé, en aparté) El negro, machorron ? MONIQUE (à Koch) Ce monsieur a bien voulu me guider. Elle prend Koch des bras de Charles. C’est ici que vous l’avez posée ? Seigneur ! CHARLES (à Rodolfe, bas) Qu’est-ce qu’il t’a dit ? RODOLFE (à Cécile) Cécile, dis-lui de me foutre la paix. KOCH (à Monique) Vous n’avez pas perdu les clés de la voiture ? MONIQUE (à Koch) Votre voiture, votre montre, vos conneries !

KOCH (à Charles) Aidez-moi donc, vous, plutôt. Koch passe des bras de Monique à ceux de Charles. RODOLFE (à Cécile) No llores, cabecita negra CÉCILE (à Rodolfe) Ils s’asseyent côte à côte Abandones, machorrôn. RODOLFE Arrête de te plaindre. Cache tes jambes, putasse. Il tire sur les jupes de Cécile. MONIQUE (à Fak) Dites-moi ce que vous aviez à me dire. FAK J’ai dit là-haut que je te le dirai. MONIQUE Quand j’aurai retrouvé la montre, je monterai là-haut. FAK (Il tend la montre dans sa main.) Tu l’as retrouvée. MONIQUE Donnez-la-moi. FAK Là-haut je te la donnerai. MONIQUE Ne soyez pas dégoûtant, Seigneur ! KOCH (à Charles) Foutaises. L’argent, tel que vous l’aimez, ce sont les miettes qu’on jette aux chiens. L’argent n’existe pas. Les affaires existent, c’est tout. Je préfère rentrer. Laissez-moi. Il se détache de Charles et trébuche. Monique !


Séquence pédagogique par Laurence Grauwet, professeur chargée de mission DAAC auprès de l’OnR

Les personnages et leurs tessitures Maurice Koch Monique Pons Cécile Claire Rodolfe Charles Fak

60 ans Secrétaire, 42 ans 60 ans Fille de Cécile, 14 ans Mari de Cécile, 58 ans 28 ans, fils de Cécile et Rodolfe 22 ans

Abad

La trentaine

Baryton-basse Soprano lyrique Mezzo-soprano lyrique Soprano léger colorature basse Ténor Contre-ténor Rôle muet Accessoire : harmonica diatonique (en ut)

Chœurs

La composition de l’orchestre Cinquante-neuf musiciens

Cordes

10 violons 1 8 violons 2 6 altos 5 violoncelles 4 contrebasses

Harmonie

2 flûtes jouant chacune du piccolo 2 hautbois 2 clarinettes, la deuxième jouant de la clarinette basse 2 bassons, le deuxième jouant du contrebasson 4 cors en Fa 2 trompettes 2 trombones Tuba 1 timbalier 3 percussionnistes : vibraphone + 2 archets, glockenspiel à pédale + archet, waterphone + archet, crotales, grosse caisse, éoliphone, 3 tuyaux harmoniques (do, mi, sol), maracas, petits gongs thaïlandais, 1 grand gong, 3 bols chinois, tam-tam, cymbale suspendue, deux triangles, papier de verre 2 synthétiseurs (2 pianistes) : 2 claviers MIDI reliés à 2 ordinateurs portables où seront chargés les sons 1 harpe 1 guitare électrique (+ archet de violoncelle) 1 guitare basse (+ archet de violoncelle)


Présentation en quelques mots > Opéra en trente séquences comprenant des « airs » de solistes, des ensembles du duo au septuor, des chœurs, des interludes orchestraux dynamiques. > Orchestration : recherche sur la couleur, variété des modes de jeu. > Répétitions obstinées (voix, livret, orchestre) créant une atmosphère particulière, souvent en tension et en attente. > Atmosphères visuelles « cinématographiques » : différences de densité, de rythme, nappes sonores, ostinatos suggérant des situations d’angoisse et d’attente. > Technique d’écriture aléatoire employée pour certains passages orchestraux (choix du pianiste entre différents motifs, dans un motif, jouer les notes en variant leur ordre d’apparition, etc.). > Bruitages : moteur de voiture, chien, etc. > Mise en scène : importance des jeux de lumière, éclairage de la lune, personnages qui sortent de l’ombre.

Ouverture en deux parties Repères 1. Première partie, rideau baissé > Phrase mélodique descendante jouée par une flûte et une flûte piccolo, vibraphone, synthétiseur (sons de célesta) et reprise cinq fois en crescendo agogique (noires… triolets de noires, croches… triolets de croches, doubles croches) :

> écriture orchestrale : mouvements déferlants / descendants en entrées successives (bois aigus, entrées des cordes de l’aigu au grave) contrastant avec des nappes de sons tenus (guitares avec archet, cordes en trémolos, cuivres, bois graves, deuxième synthétiseur). 2. Deuxième partie, lever du rideau > Motif ascendant et répété de quatre notes, commençant dans le grave puis s’élargissant vers l’aigu en s’amplifiant (entrées en imitation sur le motif), pour aboutir à des intervalles plus grands, en arpèges :

Notions à aborder > Eléments de langage de l’Ouverture, entre consonance et dissonance : accords dissonants obtenus parfois par juxtaposition d’éléments mélodiques et intervalles récurrents se référant souvent à la tonalité (notes pivots, intervalles de quinte des violoncelles, arpèges, répétitions rythmiques et mélodiques évolutives). > Le timbre (ostinato des gongs joués avec des battes de triangle par exemple), le phrasé, l’accumulation progressive d’instruments et de notes, les mouvements vers l’aigu ou le grave, l’intensité qui commence pppp et aboutit ff à la fin de l’Ouverture.


Consignes > Repérer les éléments mélodiques > Jeux d’écoute et de pratique vocale : consonance / dissonance, phrasé, accumulation par entrées successives > Réservoir de mots pour s’approprier le vocabulaire musical > écouter, connaître les percussions présentes dans Quai ouest

Rapport texte et musique Dans Quai ouest, le chant, souvent proche du rythme parlé, suit la prosodie. Régis Campo s’appuie entre autres sur : > la technique « en Parlando » > le parlé chanté où la voix devient timbre (séquence 24 : phrases de Rodolfe) > des indications de débit vocal libre à effectuer dans un temps donné. Lors des passages non mesurés, « le rythme de la voix doit être naturel et non strictement métrique ». L’accompagnement de l’orchestre, Colla Parte, doit alors s’adapter à la voix soliste (rythme, tempo, expression), à l’exemple de la séquence 2. > parfois des glissandos entre deux notes > l’écriture des chœurs : pas de texte, mais émission des notes sur des voyelles permettant des effets de timbre :

Séquence 25

« A/O » en entrées successives, ascendante, clustérisant (grappes sonores dissonantes), « A/E », « A/O » pour la séquence 26 Chœur de femmes : sur « A », note pivot « La »

Séquence 28 (épilogue)

Chœurs invisibles commençant bouche fermée puis sur « AO » en notes tenues

Séquence16

Séquence 21, septuor de solistes : Cécile, Koch, Monique Charles, Rodolfe, Fak, Claire Repères > Après une introduction orchestrale, les voix solistes entrent progressivement en cinq phases. > Les répétitions entêtées et l’accumulation de motifs mélodiques sur des mots ou phrases du livret (évoluant vers la fin). > Cristallisation dramatique : A. Lignes vocales s’enchaînant parfois en dialogue ou se superposant avec une forme d’indépendance (personnages finalement isolés « dans leur bulle »). B. Langage cru du livret, tension et violence de certains personnages. 1. Motif des personnages de Cécile et Koch

Cécile (se précipitant sur Charles) Charles, mon Charlie (x3) Ouvre ta gueule, ouvre, ouvre ta gueule. Cherche la montre de Monsieur.

Koch Ce n’est pas lui qui m’a sorti de l’eau (x2) Ma montre.


2. Motif du personnage de Monique

Monique (à Koch)

Cécile (à Rodolfe)

Koch

Ce monsieur a bien voulu me guider (x2) El negro, machorron ? (x2) C’est ici que vous l’avez posée ?

Ma montre (x2) Et les clefs… (x3)

3. Motif des personnages de Rodolfe et Charles

Charles (à Rodolfe, bas)

Cécile

Qu’est-ce qu’il t’a dit ? (x2) Dis-moi. Dis-moi où il est, vieux fou. (x2)

Monique

C’est ici que vous l’avez posée ? El negro, machorron ? Votre voiture, Où est, où est ma votre montre, petite Claire ? Ma petite Vos conneries ! (x2) Claire ? (Elle pleure) Dites-moi ce que vous avez à me dire.

Rodolfe (à Cécile)

Dis-lui de me foutre la paix (x3) No llores, cabecita negra.

Koch (à Monique)

… de la voiture ? Et les clefs de la voiture ? (x2) Aidez-moi, vous ! (x2)

4. Motif du personnage de Fak

Rodolfe (à Cécile) Cache tes jambes, putasse. (x2)

Koch (à Charles) Aidez-moi, vous ! Aidez-moi !

Charles (à Rodolfe) Dis-moi où il est, vieux fou !

Fak (à Monique) J’ai dit là-haut que je te le dirai. Là-haut je te la donnerai.

Cécile (à Rodolfe) Abandonnes, machorron, machorron.

Monique Quand j’aurai la montre, quand j’aurai la montre. Ne soyez pas dégoutant, Seigneur !


5. Motif du personnage de Claire Celle-ci apparaît sur scène après le moment où Koch désigne Abad : « C’est lui ! ». En appel lumineux et dynamique, ce motif est repris jusqu’à la fin de la séquence, avec quelques changements de hauteurs. La fin de la scène est chantée à mi-voix par les solistes.

Monique Seigneur ! (x2) Il va tous nous tuer. (En voyant Koch s’éloigner, désespérée) : Maurice ! (x6)

Koch C’est lui ! Foutaises (x3) (à Abad) Pas devant eux. Pas devant ces gens.

Claire

Venez (x 5) le jour revient (x2) Le jour revient Revient (x4)

Cécile

Qu’ils crèvent !

Fak (à Monique)

Là-haut (x 6)

Rodolfe

Putasse, putasse. (x5)

Pratique musicale > Jeux de rôles à partir des cinq phases de la scène en variant le débit vocal, l’intonation, l’intensité, en juxtaposant ou non les répliques (dialogue ou superposition). Il est possible d’expérimenter les techniques du Parlando et du chanté parlé. > Chanter le premier motif en variant la vitesse des phrases.

Consignes > Repérer, chanter les motifs en les attribuant aux personnages. > Connaître les voix et les tessitures des personnages. > écouter des extraits du Pierrot lunaire de Schönberg (sprechgesang).


Biographies Régis Campo

Compositeur

Né en 1968 à Marseille, ce compositeur partage sa création musicale entre la musique vocale, de concert, d’opéra et de film. Après des études d’écriture et de composition auprès de Georges Boeuf au conservatoire de sa ville natale, ainsi que de philosophie à la faculté de Lettres d’Aix-en-Provence, il poursuit ses études au CNSM de Paris avec Gérard Grisey où il obtient un Premier prix de composition en 1995. Il reçoit en 1996 le prix hollandais de la Fondation Gaudeamus pour son œuvre Commedia. De 1999 à 2001, il est pensionnaire à la Villa Médicis, Académie de France à Rome. Son premier ouvrage lyrique, Les Quatre Jumelles, opérabouffe d’après la pièce de Copi est créé en 2009 à la Maison de la musique de Nanterre et repris en tournée. Invité du festival d’Auvers-sur-Oise en 2009, il compose Éden pour violon créé par Laurent Korcia et Hommage à Georges Cziffra pour piano. En 2010, invité à la Folle Journée Chopin à Varsovie, il compose Sept Humoresques pour chœur mixte à l’attention de la Camerata Silesia. La ville de Marseille en 2012 lui commande une œuvre pour orchestre Color!. Son catalogue comprend plus de 200 œuvres dont Commedia pour 19 musiciens (1995), le Concerto pour violon (1997, révisé en 2001), le Livre de Sonates (1997-1999) pour orgue, le Concerto pour piano et orchestre (1998-1999), le Livre de Fantaisies pour violoncelle (1999), Faërie (2000-2001) pour orchestre, Lumen pour orchestre (2001) ; Premier Livre pour piano (2000-2002), Pop-Art pour six musiciens (2002), Ouverture en forme d’étoiles (2004) pour orchestre, les Cris de Marseille (2005), le quatuor à cordes n°3 Ombra Felice (2007), Livre des caractères pour orgue (2010), Color! (2011) pour orchestre, le quatuor à cordes n°5 Fata Morgana (2012).

Marcus Bosch

Direction musicale

Après des études musicales à Heidelberg et Mannheim, il mène une carrière de chef invité et se produit à aux Opéras d’Osnabrück, Wiesbaden, Halle et Saarbrücken où il se forge son répertoire allant du baroque au contemporain. Il a été directeur musical de l’Opéra d’Aachen de 2002 à 2011, et est directeur musical de l’Opéra de Nuremberg depuis la saison 2011-2012. Il est invité à diriger les grands orchestres européens tels que l’Orchestre national de Belgique, Staatskapelle de Dresde, les orchestres de Munich, Berlin, Göteborg, Rai de Turin… Il est invité régulièrement à l’Opéra de Hambourg (Fidelio, Der fliegende Holländer, Le Maître et Marguerite). Au cours de la saison 2013-2014, il dirige à Nuremberg La Traviata, Die Walküre, Arabella, Cosi fan tutte... Ses engagements futurs comprennent les concerts avec les orchestres de la radio de Berlin, l’Orchestre philharmonique de Stuttgart, du Rheinland-Pfalz, d’Athènes et de Gran Canaria.

Kristian Frédric

Mise en scène

Comédien, auteur, metteur en scène, animateur radio, journaliste, technicien de théâtre et depuis quelques années scénographe. Il dirige la compagnie Lézards Qui Bougent depuis 1989. Il y a produit de nombreuses créations et mises en scènes en France, Canada, Suisse, Pologne, Luxembourg, République Tchèque et Allemagne. Il s’engage également dans la promotion des auteurs contemporains. Il a mis en place dans sa région à Bayonne différents festivals tels « Paroles à ma tribu » et « Rencontres Improbables ». Il a, entre autres, mis en scène de La Nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès, qui fut présentée à l’Usine C en mai 2004. Lauréat de la Villa Médicis Hors Les Murs 2005, il a enseigné le théâtre à l’École Nationale de théâtre du Canada à Montréal (2007) et le fera à l’Université de l’UQAM à Montréal en 2015. Sa dernière mise en scène : Andromaque 10-43 d’après Jean Racine en 2014, présenté en France, Suisse et Québec.


Bibliographie d’ouvrages autour de B. M. Koltès disponibles au Théâtre National de Strasbourg > Bernard-Marie Koltès, Les Nouveaux Cahiers de la Comédie Française, Avant-scène Théâtre, mars 2007. > BIDENT, Christophe, Bernard-Marie Koltès, généalogies, Paris : Farrago - Les Belles lettres, 2000. > BOGUMIL, Sieghild, DUQUENET-KRÄMER, Patricia, Bernard-Marie Koltès au carrefour des écritures contemporaines, Centre d’études théâtrales. > BON, François, Pour Koltès, Besançon : Les Solitaires Intempestifs, 2000. > Europe : Bernard-Marie Koltès, Paris : Europe, revue littéraire, 1997. > GAUTHIER, Roger-François, LALLIAS, Jean-Claude, BENHAMOU, Anne-Françoise, Koltès : Combats avec la scène, Paris : Centre national de documentation pédagogique, 1996. > JOB, André, Koltès : La rhétorique vive, Paris : Hermann, 2008. > KOLTèS, Bernard-Marie, Lettres, Paris : Les éditions de Minuit, 2009. > L’école du TNS 1954-2006, une école dans un théâtre, Revue Outrescène, mai 2006, n°7-8. > PATRICE, Stéphane, Koltès subversif, Paris : Descartes & Cie, 2008. > SALINO, Brigitte, Bernard-Marie Koltès, Paris : Stock, 2009. > SEBASTIEN, Marie-Paule, Bernard-Marie Koltès et l’espace théâtral, Paris : L’Harmattan, 2001. > UBERSFELD, Anne, Bernard-Marie Koltès, Paris : Actes Sud, 1999. Source : Centre de documentation, Théâtre National de Strasbourg > Contact : D.Pasquali@tns.fr


Les thèmes > L’errance, la solitude, les gens venus d’ailleurs, des personnages hors du temps ou parfaitement de leur temps > La création d’un opéra > L’importance de la composition contemporaine pour le genre opéra : le processus, l’impact d’une création dans une maison d’opéra qui vit au rythme de modifications de la partition, de l’adaptation de la musique aux chanteurs le cas échéant.

Les liens avec le cinéma Les personnages > Monique Pons se rapproche de certaines femmes des films de Luis Buñuel dans Cet obscur objet du désir, L’Ange exterminateur, Le Charme discret de la bourgeoisie ou de Pedro Almodóvar > Rodolfe : référence à Fernando Rey dans French Connection > Charles : référence à Dustin Hoffman dans Macadam Cowboy > Fak : référence à Marlon Brando dans Apocalypse Now avec des plaques militaires ou à Bruce Lee > Abad : référence à Roberto Zucco de la pièce éponyme de Bernard-Marie Koltès et Roberto Succo, film de Cédric Kahn > Le chien : dans La Grande Bouffe de Ferreri, un chien annonce la mort Le travail de la lumière Théorème de Pasolini (travail de la lumière ; thèmes de la vraie nature des gens, du « vernis qui se casse »)

Prolongements pédagogiques Arts du son

> Régis Campo, compositeur contemporain tourné vers la musique vocale, d’opéra, de concert et de film > Quai Ouest : un orchestre classique associé à des instruments « rock » : guitare, guitare basse, batterie, synthétiseur > Un univers artistique souvent ludique, teinté d’humour > Voix et écriture contemporaine, l’opéra en devenir

Arts du langage

> La différence, l’exclusion, les personnages de Quai Ouest en retrait des codes de la société : « Mes personnages ont envie de vivre et en sont empêchés ; ce sont des êtres qui se cognent contre les murs. » > Koltès inspiré par des scènes de trafic dans un hangar désaffecté, sur les docks de New York > Abad, personnage central du livret, l’ange, l’intercesseur, le passeur > La pièce de Koltès : entre le tranchant de la langue parlée et le plus grand raffinement littéraire > Une œuvre en huis clos

Arts du spectacle vivant

> La mise en scène de Kristian Frédric, auteur et scénographe > Quai Ouest et sa création mondiale : de la conception à la réalisation… le spectacle d’opéra et ses multiples facettes artistiques et techniques

Document audio

> Mireille Delunsch, chanteuse lyrique


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