Dossier pédagogique
Saison 2014-2015
Mascagni
L’amico fritz nouvelle production
En deux mots Fritz Kobus, bon vivant qui se vante auprès de ses amis de ne devoir jamais se marier, tombe sous le charme Suzel et finit par l’épouser.
Contacts Flora Klein • tél + 33 (0)3 88 75 48 54 • courriel • fklein@onr.fr Hervé Petit • tél + 33 (0)3 88 75 48 79 • courriel • hpetit@onr.fr Opéra national du Rhin • 19 place Broglie BP 80 320 • 67008 Strasbourg Photo Nis & For
du rhin
opéra d'europe
www.operanationaldurhin.eu
nouvelle production
Commedia lirica en trois actes de Pietro Mascagni Livret de P. Suardon (Nicola Daspuro) d’après le roman d’Erckmann-Chatrian Créé au Teatro Costanzi à Rome en 1891
STRASBOURG Opéra
ve 24 octobre 20 h di 26 octobre 15 h ma 28 octobre 20 h me 5 novembre 20 h ve 7 novembre 20 h
MULHOUSE La Filature
ve 21 novembre 20 h di 23 novembre 15 h Rencontre avec Paolo Carignani, Vincent Boussard et Christian Lacroix animée par François Wolfermann Strasbourg, Librairie Kléber je 23 octobre 18 h 30 • entrée libre
Direction musicale Paolo Carignani (sauf 21/11) Fabrizio Maria Carminati (21/11) Mise en scène Vincent Boussard Décors Vincent Lemaire Costumes Christian Lacroix Lumières Guido Levi Fritz Kobus Teodor Ilincai Suzel Brigitta Kele Beppe Anna Radziejewska David Elia Fabbian Hanezo Sévag Tachdjian Federico Mark Van Arsdale Chœurs de l’Opéra national du Rhin Orchestre philharmonique de Strasbourg Copyright et édition Casa Musicale Sonzogno di Piero Ostali, Milano
Langue : italien surtitré en français et en allemand Durée approximative : 2 h Conseillé à partir de 11 ans : collège et lycée
Brusquement célèbre, tout en étant fortement controversé, Pietro Mascagni, déterminé à persévérer dans la voie d’un art sortant des sentiers battus, écrit d’un jet, entre deux exécutions de Cavalleria rusticana, son deuxième opéra, L’Amico Fritz, tiré du roman alsacien d’Erckmann-Chatrian. Bien accueillie à Rome, et davantage encore à Vienne puis à Paris, cette « comédie lyrique » affirme des dons de fraîcheur et de spontanéité. Mascagni évolue entre l’idylle et la tragédie, entre les passions sanglantes et les sentiments délicats d’amours à l’eau de rose, sur des toiles de fond primitives ou bourgeoises, historiques ou exotiques.
Argument Acte I Fritz Kobus fête son anniversaire dans l’intimité de sa confortable salle à manger. Parmi les trois amis qu’il a invités à déjeuner figure le rabbin David Sichel, marieur invétéré, qui le « tape » de quelque argent pour une jeune fille sans fortune. Fritz se laisse faire, naturellement, car il aime à voir les gens heureux autour de lui et ne trouve aucun inconvénient au mariage... des autres. Au moment où les quatre hommes se mettent à table entre la jolie Suzel, fille d’un fermier de Fritz, qui lui présente un bouquet de violettes qu’accompagnent ses vœux d’anniversaire. Fritz, visiblement touché de cette attention, invite la jeune fille à partager leur repas. Un solo de violon en coulisse annonce l’approche du jeune tzigane Beppe, qui entre à son tour et chante les louanges du maître de céans, bienfaiteur des enfants et des pauvres. Suzel fait la révérence et s’éclipse. David, charmé par sa gentillesse, décide de lui trouver un mari et croit même pouvoir annoncer que ce sera Fritz. Celui-ci éclate de rire et parie une vigne qu’il mourra garçon. L’orphéon municipal défile sous les fenêtres, précédant une bande de gamins qui acclament leur généreux ami.
Acte II Dans la cour de la ferme des Mésanges, qui appartient à Fritz. C’est le printemps, que les villageois, dont Suzel, célèbrent par leurs chants. Puis Suzel, seule, chante une ballade tout en cueillant des fleurs pour le patron de son père. Paraît Fritz en personne. Elle lui annonce qu’elle a un cadeau pour lui : un panier de cerises bien mûres. David, Beppe et les deux autres amis arrivent en voiture de la ville et Fritz leur propose de leur faire visiter la ferme. David, prétextant la fatigue de la route, ne les suit pas. Il demande à Suzel un pichet d’eau fraîche et lui raconte l’histoire biblique d’Abraham en quête d’une épouse pour son fils lsaac. « Et toi, ajoute-t-il, ferais-tu la même réponse que Rebecca ? » À ce moment retentit la voix de Fritz et la jeune fille, se cachant le visage dans son tablier, rentre précipitamment dans la maison. David est désormais fixé : Suzel aime Fritz. Pour exciter la jalousie de son ami, David lui dit qu’il aura bientôt trouvé un mari pour Suzel. Fritz resté seul éprouve un trouble nouveau qu’il craint d’analyser. Serait-il à son tour pincé, pris au piège ? Appliquant à la lettre le principe de Napoléon, selon lequel la meilleure tactique en amour est la fuite, il repart pour la ville avec ses amis, laissant la pauvre Suzel en larmes.
Acte III Des chanteurs à l’extérieur annoncent les prochaines noces de la fille du fermier, ce qui plonge Fritz dans une profonde mélancolie. Beppe, le voyant dans cet état et en soupçonnant la cause, lui conte sa propre expérience d’un amour malheureux. Cette triste histoire ne console pas Fritz, mais l’éclaire sur ses propres sentiments : il ne peut plus se passer de Suzel ! C’est le moment que choisit le brave rabbin pour lancer sa grande offensive : il a arrangé le mariage de Suzel et vient solliciter, conformément à l’usage, l’autorisation du maître. Cette fois, Fritz l’envoie au diable et sort, furieux. Comme Suzel se présente avec un panier de fruits, l’air tout triste, David la réconforte et la persuade de prendre patience en attendant son retour. Mais la jeune fille n’y croit plus et se désespère. Comme Fritz revient, elle le supplie de ne pas permettre un mariage qui la livrerait à un inconnu qu’elle ne peut pas aimer. Plutôt mourir. Incapable de lutter davantage contre lui-même, Fritz lui déclare son amour et la prend dans ses bras : « Je t’aime ! ». Le malin David a gagné son pari ; mais la vigne qui en était l’enjeu, il la donne à Suzel en guise de dot.
Erckmann-Chatrian Ce nom de plume a été adopté par Émile Erckmann, né à Phalsbourg en 1822 et mort à Lunéville en 1899, et Alexandre Chatrian, né à Grand Soldat (Soldatenthal), près d’Abreschviller en 1826 et mort à Villemomble en Seine Saint-Denis en 1890. Les romanciers français ont été associés de 1847 à 1889, soit plus de quarante ans. Leur collaboration reposait sur un principe simple. Erckmann écrivait, Chatrian corrigeait et suggérait, puis recherchait les journaux et les éditeurs muni du manuscrit. Lorrains tous les deux, ils sont limitrophes de l’Alsace et leur œuvre est profondément imprégnée des idées et de l’univers de l’Alsace. Elle reflète cette « province attachante » dont ils se sentaient si proches : nombre de leurs personnages, Alsaciens en chair et en os, vivent dans des paysages typiquement régionaux.
Émile Erckmann Le plus alsacien des deux est évidemment Erckmann, dialectophone. Issu du côté paternel d’une famille d’instituteurs calvinistes de la région de Lixheim, entre Sarrebourg et Phalsbourg, et du côté maternel de l’Alsace Bossue, luthérienne (sa mère, Juliana Weiss, était la fille d’un cultivateur, maire de la Petite-Pierre), dernier né, il vit à Phalsbourg des années d’enfance heureuses au milieu de ses parents, frères et sœurs. Il adorait son père, grand libéral qui lui inspira les traits de plusieurs personnages de ses romans. Il fréquentait presque quotidiennement son voisin de palier, le Rabbin Heymann, dont il fera le Rabbin David émile Erckmann à gauche et Alexandre Sichel dans son Ami Fritz et il cherchait la compagnie du capitaine Chatrian qui se prend pour Napoléon Florentin qui le promenait au milieu de vieux compagnons d’armes des armées de la République et de l’Empire, aimant à raconter leurs actes de bravoure et leurs coups d’éclat. Ce sont ces hommes qui ont considérablement contribué à former l’esprit et à nourrir l’imagination du conteur en herbe. Lorsqu’à la mort prématurée de sa mère il est envoyé, à l’âge de dix ans, pour des raisons familiales, en pensionnat au Collège de Phalsbourg, proche de sa maison natale, il souffre de cette semi-claustration, d’autant plus qu’auprès des siens il avait jusque-là goûté la liberté, la joie et le bonheur : le garçon insouciant et enjoué qu’il était se replie progressivement sur lui-même. Après ses études secondaires, il passe son baccalauréat à Nancy, en 1841. Son père, qui voulait lui éviter les aléas d’une carrière littéraire, essaye de l’orienter vers le barreau et l’envoie à Strasbourg, puis à Paris faire des études de droit. Mais la vie des grandes villes ne convient guère au jeune homme « campagnard » qui ne se sent vraiment à l’aise qu’au terroir où il connait tout et tout le monde. Il vit à Phalsbourg, après l’Annexion à Lunéville, et ne se rend à Paris que pour parachever son travail avec Chatrian qu’il avait installé dans la capitale comme « commissionnaire ».
Alexandre Chatrian Il est le fils de Jean-Baptiste Chatrian, propriétaire d’une verrerie à Grand-Soldat qui fait faillite en 1843. Connu à ses débuts sous le prénom de Gratien, il va à l’école primaire d’Abreschviller. Pendant sa jeunesse, son oncle le capitaine Bertholin, et le caporal Labadie, un vieux grenadier de la Garde, lui content des histoires. à 12 ans, il est confié à l’Abbé Thony, vicaire à Dabo qui le fait entrer au Collège de Phalsbourg en « classe industrielle ». Il poursuit sa vie près de Liège et devient comptable à la cristallerie du Val-Saint-Lambert. Mais il se dispute avec les ouvriers et rentre à Phalsbourg où il devient maître d’études en préparant son baccalauréat en 1847. Il écrit à cette époque plusieurs contes à la manière d’Hoffmann : Le Bourgmestre en bouteille, Rembrandt, et fait la connaissance d’émile Erckmann, de retour dans sa ville natale pour échapper à une épidémie de typhoïde et qui, de son côté, a déjà écrit deux drames et deux comédies. Les deux jeunes auteurs passent l’été ensemble dans les Vosges. Après la Révolution de 1848, ils commencent à publier ensemble des feuilletons, sans grand succès. Chatrian est embauché en 1852 comme employé de bureau à la compagnie des chemins de fer de l’Est. La notoriété débute en 1859 : les contes et les nouvelles fantastiques attirent de nombreux lecteurs. Erckmann et Chatrian s’installent à Paris, près de la Gare de l’Est, à proximité de leur Lorraine natale, dans laquelle ils reviennent régulièrement. Chatrian achète une propriété au Raincy, dont il est maire pendant 6 mois en 1878. Il y emménage en mai 1869 avec Adélaïde Riberon avec qui il a deux enfants. Après 1872, Chatrian écrit plutôt du théâtre et Erckmann des romans. En 1884, ayant pris sa retraite des chemins de fer, Chatrian se retire à Villemomble. Il abandonne le théâtre en 1885 et s’installe à Saint-Dié. Il tombe malade et sa santé mentale décline. Il meurt en 1890 à Villemomble où il est inhumé.
Le duo Erckmann-Chatrian
Lamartine, qui jugeait les livres d’Erckmann-Chatrian « miraculeux », a écrit dans un commentaire de l’Histoire d’un conscrit de 1813 : « Un phénomène, c’est-à-dire un nouveau genre de beauté en littérature inventé comme par accident, sorti du néant, ne répondant à rien de ce qui a été conçu jusqu’ici, n’ayant été ni prédit, ni annoncé, ni vanté d’avance, mais né de soi-même comme un instinct irréfléchi, et s’emparant de l’attention comme par une force de la nature, vient de se produire inopinément parmi nous. Nouveauté et vérité sont les noms de ce chef-d’œuvre. Le genre littéraire vieillissait, il va rajeunir ! »
Les débuts de leur collaboration sont laborieux, mais, petit à petit, les bases de leur action s’affirment : leur conception novatrice du conte et du roman, qu’ils veulent « nationaux et populaires », leur permet de réaliser une œuvre monumentale dont le succès est un des plus retentissants de l’histoire littéraire française. Leurs premiers travaux, Le Sacrifice d’Abraham et Le Bourgmestre en bouteille, parus dans le « Démocrate du Rhin », nouvellement fondé, passent inaperçus, de même que deux essais dans le genre dramatique, Les Chasseurs des reines et L’Alsace en 1814, qui ne sont pas mis en scène. C’est le roman L’Illustre Docteur Mathéus (1859) publié dans « La Revue nouvelle » qui assure leur percée. Puis ils volent de succès en succès avec chaque nouvel ouvrage. Nombre de ces histoires se situent en Alsace ou dans le Palatinat. La peinture réaliste des mœurs alsaciennes s’y trouve alliée au charme des vieilles légendes. On y trouve de belles descriptions, beaucoup de détails bien observés, des personnages pleins de relief, un humour franc et sain, une aimable bonhomie, des idées nouvelles, libérales, républicaines. Tout cela témoigne d’un solide talent de conteur. Les œuvres écrites après 1870, c’est-à-dire après l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne, sont animées, encore plus que certaines des précédentes, par un vif sentiment patriotique par endroits chauvin, voire germanophobe, ce qui explique en partie leur popularité dans une France humiliée, revancharde. Leurs œuvres théâtrales sont également chaleureusement applaudies. L’œuvre d’Erckmann-Chatrian comporte une centaine de contes et romans avec quelque mille personnages, de braves gens de toutes les classes de la société, particulièrement du peuple, le tout illustrant, dans un style clair et simple, cent ans d’histoire de France. Après le succès des grands romans de 1864, Erckmann, sûr de son talent, affirme crânement : « À chaque nouveau livre, je fais en progrès dans l’opinion publique. Cela marche lentement mais toujours, et d’ici deux ou trois ans, j’ai tout lieu de croire que nous serons à la tête d’un mouvement littéraire. » Sa prédiction s’accomplit avec le succès éclatant du Blocus et de l’Histoire d’un paysan.
La fin d’un duo Chatrian négocie une nouvelle convention avec leur éditeur en 1886, qu’Erckmann refuse de signer. L’année suivante, il révèle à Erckmann qu’il rémunérait des « nègres » avec leurs fonds communs : c’est la fin de leur association et de leur amitié.
Bibliographie Contes de la montagne (1860), Maître Daniel Rock (1861), Contes des bords du Rhin (1862), Le joueur de clarinette (1863), Madame Thérèse (1864), L’Histoire d’un conscrit de 1813 (1864), Waterloo (1865), Histoire d’un homme du peuple (1865), La Maison forestière (1866), La Guerre (1866), Le Blocus (1867), Histoire d’un paysan (4 volumes, 1868-1870), Histoire d’un sous-maître (1869) Après l’Annexion de l’Alsace par l’Allemagne : L’Histoire d’un plébiscite, racontée par un des 7 500 000 Oui (1872), Le Brigadier Frédéric (1874), Maître Gaspard Fix (1876), Souvenirs d’un chef de chantier à l’isthme de Suez (1876), Contes vosgiens (1877), Le Grand-père Lebigre (1880) Œuvre théâtrale : Le Juif polonais, drame (1869) ; L’Ami Fritz, remanié en comédie pour la scène (1877) ; Alsace, drame (1881) ; Les Rantzau, comédie (1882) ; La Taverne des Trabans, opéra-comique (1882) ; Masséna et Souvarof (1885) ; Contes et Romans nationaux et populaires (1866)
Naissance de L’Ami Fritz Publié à Paris en feuilletons dans Le Temps et en volume chez Hachette en 1864, le projet du livre vient de Erckmann, dont L’Ami Fritz transpose certaines aventures sentimentales : depuis un amour de jeunesse jusqu’à un mariage manqué par timidité à l’âge justement qu’il donne à son personnage principal. D’autres figures du roman seront inspirées par des modèles vivants, des connaissances d’Erckmann à Phalsbourg dont la topographie est en gros celle du village de Hunebourg, malgré le déplacement de l’action depuis l’Alsace jusqu’en Bavière. Les biographes précisent aussi la tendresse de l’auteur pour un tableau du Louvre au sujet voisin, L’Accordée de village de Greuze. L’ouvrage, proposé aux Débats de Bertin, sera finalement publié par Le Temps de Nefftzer. Une adaptation théâtrale par le seul Chatrian est acceptée par la Comédie-Française où elle triomphe en 1876, malgré certaines polémiques politiques.
À de nombreuses reprises, il est question dans le roman de nourriture et de boisson : Fritz Kobus contemple les bouteilles de sa cave, il se rend à sa ferme pour voir pousser les produits de la terre que son fermier lui apporte, jolis radis ou cerises savoureuses ; on va de jambons en bières, de pâtés en kougelhopfs et en « küchlen ». Cette abondance a une explication : elle constitue une certaine forme de plaisir vital et participe à l’euphorie épicurienne qui en fait le charme. À cette nuance près, cependant, qu’on peut opposer sur ce point, le début de l’histoire à sa fin, dans la mesure où l’amour inquiète cette gourmandise et la remplace presque. C’est que le célibat gourmand de Fritz, où l’on peut voir une figure autobiographique d’Erckmann, est en fin de compte un égoïsme rabougri, comme le note bien d’ailleurs le rabbin David, en une philosophie qui est celle du judaïsme : le mariage est au contraire un accomplissement qui s’inscrit dans ces renouvellements naturels auxquels Fritz est incité par tous les amours qui l’environnent. Et le lieu choisi pour cette « démonstration » est une campagne idyllique, loin des grandes villes et de l’industrie : les paysages y sont riants, les servantes fidèles et bonnes cuisinières, les fermiers travailleurs, les maquignons presque honnêtes et les riches accessibles à la pitié. L’atmosphère du livre est un peu celle de cette universelle bienveillance : dans cet équilibre d’ensemble, l’amour est moins une passion qu’une adhésion à la vie. D’après A. Preiss, in Dictionnaire des littératures de langues françaises, œuvres Ed. Bordas
L’Accordée de Village et la « nouvelle lecture morale » Ce tableau de Jean-Baptiste Greuze de 92 × 117 cm est actuellement conservé au Musée du Louvre. Présenté au salon de peinture de 1761, il y reçut un accueil unanimement élogieux de la part des critiques et du public, notamment de la part de Diderot. La lecture en est simple, immédiate et ne laisse aucune ambiguïté. Le titre complet du tableau est : « Un mariage, et l’instant où le père de l’accordée délivre la dot à son gendre ». Cette première œuvre de ce type proposée par Gueuze devient un leitmotiv illustrant la peinture dite morale. Celle-ci répond à une aspiration à un retour à une société plus vertueuse. En 1761, la publication des Contes moraux de Marmontel amorce cette nouvelle lecture morale. La « République des Lettres et des Arts » tient salon chez Mme Geoffrin, et Greuze y retrouve entre autres Diderot, d’Alembert, La Live de Jully et Grimm.
L’Accordée de village de Jean-Baptiste Greuze, Musée du Louvre
Le vérisme Le vérisme désigne à l’origine un courant littéraire italien du XIXe siècle, influencé par le naturalisme français de Zola, Balzac ou Flaubert, qui se veut représentatif de la réalité des classes sociales les plus défavorisées : petits ouvriers, prostituées, alcooliques sont autant de personnages que mettent en scène les auteurs appartenant à ce courant. Chez les Italiens, on croise plutôt des petites gens du milieu rural, à la forte identité régionale. Père du vérisme italien, Giovanni Verga (1840-1922) est reconnu pour sa nouvelle Cavalleria rusticana (1880), adaptée à l’opéra par Mascagni en 1890. En ce qui concerne l’opéra vériste, les compositeurs italiens veulent s’affranchir de l’influence du grand Verdi ainsi que de celle de Wagner, toutes deux considérées comme trop éloignées du génie italien. Ils souhaitent aussi toucher un public plus large en lui racontant des histoires proches de son quotidien, dans un style accessible, qui délaisse récitatifs et ornements du bel canto au profit d’airs populaires, de chœurs villageois et de chants syllabiques bien articulés et donc intelligibles.
Extrait du livret, Acte I CATéRINa Monsieur, Suzel, la fille du fermier, vient d’arriver… Elle voudrait vous saluer. Elle a des fleurs pour vous… FRITZ Faites-la rentrer. SUZEL Voici quelques fleurs, de pauvres violettes, voici le souffle d’avril au doux parfum ; et c’est pour vous que je les ai volées au soleil… Si elles pouvaient parler, vous les entendriez murmurer : « Nous sommes les filles, timides et pudiques du printemps, nous sommes vos amies ; nous mourrons ce soir, et nous serons heureuses, de vous dire, à vous qui aimez les malheureux : que le ciel vous accorde tous les bienfaits que l’on peut espérer ! » Et mon cœur ajoute cette parole, modeste mais sincère : Que votre vie, qui embellit celle des autres, soit un éternel printemps… Tenez, veuillez accepter tout ce que je puis vous offrir ! Suzel offre son bouquet. FRITZ Tu es tout à fait gentille, le doux parfum de tes fleurs me plaît infiniment. Je te remercie. Allons prendre place parmi nous, à mon côté… (Suzel hésite) Tu te troubles, et pourquoi ?
SUZEL (timidement) Oh... non… FRITZ Petite fille (Suzel s’assied) HANEZO (bas) Qu’elle est jolie ! FEDERICO (bas) Quelle candeur ! HANEZO C’est une fleur des champs. FRITZ Et ton papa, comment va-t-il, pauvre vieil homme ? SUZEL Papa va bien, il attend votre venue. FRITZ Je viendrai, c’est certain. Dis-moi… comment va la campagne ? SUZEL Tout est radieux, le ciel resplendit, l’air est doux et léger et le pré est en fleur.
« Erckmann-Chatrian voyagent en arrière tout à leur aise, dit Jean-Jacques Pauvert. Visionnaires du passé, ils ont réussi à faire revivre la France et l’Europe, mais surtout l’Alsace, sous la Révolution, l’Empire et la République à travers le peuple qui fut leur élément et leur vrai personnage. » Extrait de Encyclopédie de l’Alsace, Ed. Publitotal, 1983, vol 5.
La nouvelle Le Violon du pendu, Erckmann-Chatrian Karl Hâfitz avait passé six ans sur la méthode du contre-point ; il avait étudié Haydn, Gluck, Mozart, Beethoven, Rossini ; il jouissait d’une santé florissante, et d’une fortune honnête qui lui permettait de suivre sa vocation artistique ; en un mot, il possédait tout ce qu’il faut pour composer de grande et belle musique, excepté la petite chose indispensable : l’inspiration. Chaque jour, plein d’une noble ardeur, il portait à son digne maître Albertus Kilian de longues partitions très fortes d’harmonie, mais dont chaque phrase revenait à Pierre, à Jacques, à Christophe. Maître Albertus, assis dans son grand fauteuil, les pieds sur les chenets, le coude au coin de la table, tout en fumant sa pipe, se mettait à biffer l’une après l’autre les singulières découvertes de son élève. Karl en pleurait de rage, il se fâchait, il contestait ; mais le vieux maître ouvrait tranquillement un de ses innombrables cahiers et, le doigt sur le passage, disait : « Regarde, garçon ! » Alors Karl baissait la tête et désespérait de l’avenir. Mais un beau matin qu’il avait présenté sous son nom, à maître Albertus, une fantaisie de Boccherini variée de Viotti 1, le bonhomme jusqu’alors impassible se fâcha. « Karl, s’écria-t-il, est-ce que tu me prends pour un âne ? Crois-tu que je ne m’aperçoive pas de tes indignes larcins ? Ceci est vraiment trop fort. » Et le voyant consterné de son apostrophe : « Écoute, lui dit-il, je veux bien admettre que tu sois dupe de ta mémoire, et que tu prennes tes souvenirs pour des inventions, mais décidément tu deviens trop gras, tu bois du vin trop généreux, et surtout une quantité de chopes trop indéterminée. Voilà ce qui ferme les avenues de ton intelligence. Il faut maigrir ! – Maigrir ! – Oui !... ou renoncer à la musique. La science ne te manque pas, mais les idées, et c’est tout simple : si tu passais ta vie à enduire les cordes de ton violon d’une couche de graisse, comment pourraient-elles vibrer ? » Ces paroles de maître Albertus furent un trait de lumière pour Hâfitz : « Quand je devrai me rendre étique, s’écria-t-il, je ne reculerai devant aucun sacrifice. Puisque la matière opprime mon âme, je maigrirai ! » Sa physionomie exprimait en ce moment tant d’héroïsme, que maître Albertus en fut vraiment touché ; il embrassa son cher élève et lui souhaita bonne chance. Dès le jour suivant Karl Hâfitz, le sac au dos et le bâton à la main, quittait l’hôtel des Trois Pigeons et la brasserie du Roi Gambrinus, pour entreprendre un long voyage. Il se dirigea vers la Suisse. Malheureusement, au bout de six semaines son embonpoint était considérablement réduit, et l’inspiration ne venait pas davantage. « Est-il possible d’être plus malheureux que moi ? se disait-il. Ni le jeûne, ni la bonne chère, ni l’eau, ni le vin, ni la bière, ne peuvent monter mon esprit au diapason du sublime. Qu’ai-je donc fait pour mériter un si triste sort ? Tandis qu’une foule d’ignorants produisent des œuvres remarquables, moi, avec toute ma science, tout mon travail, tout mon courage, je n’arrive à rien. Ah ! Le ciel n’est pas juste, non, il n’est pas juste ! » Tout en raisonnant de la sorte, il suivait la route de Brück à Fribourg ; la nuit approchait, il traînait la semelle et se sentait tomber de fatigue. En ce moment il aperçut, au clair de lune, une vieille masure embusquée au revers du chemin, la toiture rampante, la porte disjointe, les petites vitres effondrées, la cheminée en ruine. De hautes orties et des ronces croissaient autour, et la lucarne du pignon dominait à peine les bruyères du plateau, où soufflait un vent à décorner des bœufs. Karl aperçut en même temps, à travers la brume, la branche de sapin flottant au-dessus de la porte. « Allons, se dit-il, l’auberge n’est pas belle, elle est même un peu sinistre, mais il ne faut pas juger des choses sur l’apparence. » Et, sans hésiter, il frappa la porte de son bâton. « Qui est là ?... que voulez-vous ? » fit une voix rude de l’intérieur. « Un abri et du pain. » « – Ah ! ha ! bon... bon !... » La porte s’ouvrit brusquement, et Karl se vit en présence d’un homme robuste, la face carrée, les yeux gris, les épaules couvertes d’une houppelande percée aux coudes, une hachette à la main. Derrière ce personnage brillait le feu de l’âtre, éclairant l’entrée d’une soupente, les marches d’un escalier de bois, les murailles décrépites ; et, sous l’aile de la flamme, se tenait accroupie une jeune fille pâle, vêtue d’une pauvre robe de cotonnade brune à petits points blancs. Elle regardait vers la porte avec une sorte d’effroi ; ses yeux noirs avaient une expression de tristesse et d’égarement indéfinissable. Karl vit tout cela d’un coup d’œil, et serra instinctivement son bâton. « Eh bien !... entrez donc, dit l’homme, il ne fait pas un temps à tenir les gens dehors. » 1. Giovanni Battista Viotti (1755-1824). Le violoniste le plus important, avant Paganini, pour l’évolution de l’instrument.
Alors lui, songeant qu’il serait maladroit d’avoir l’air effrayé, s’avança jusqu’au milieu de la baraque et s’assit sur un escabeau devant l’âtre. « Donnez-moi votre bâton et votre sac », dit l’homme. Pour le coup, l’élève de maître Albertus tressaillit jusqu’à la moelle des os ; mais le sac était débouclé, le bâton posé dans un coin, et l’hôte assis tranquillement près du foyer, avant qu’il fût revenu de sa surprise. Cette circonstance lui rendit un peu de calme. « Herr Wirth’, dit-il en souriant, je ne serais pas fâché de souper. – Que désire monsieur à souper ? fit l’autre gravement. – Une omelette au lard, une cruche de vin, du fromage. – Hé ! hé ! hé ! Monsieur est pourvu d’un excellent appétit... mais nos provisions sont épuisées. – Vous n’avez pas de fromage ? – Non. – Pas de beurre, pas de pain, pas de lait ? – Non. – Mais, grand Dieu ! qu’avez-vous donc ? – Des pommes de terre cuites sous la cendre. » Au même instant Karl aperçut dans l’ombre, sur les marches de l’escalier, tout un régiment de poules : blanches, noires, rousses, endormies, les unes la tête sous l’aile, les autres le cou dans les épaules ; il y en avait même une grande, sèche, maigre, hagarde, qui se peignait et se plumait avec nonchalance. « Mais, dit Hâfitz, la main étendue, vous devez avoir des œufs ? – Nous les avons portés ce matin au marché de Bruck. – Oh ! mais alors, coûte que coûte, mettez une poule à la broche ! » À peine eut-il prononcé ces mots, que la fille pâle, les cheveux épars, s’élança devant l’escalier, s’écriant : « Qu’on ne touche pas à mes poules... qu’on ne touche pas à mes poules... Ho ! ho ! ho ! qu’on laisse vivre les êtres du bon Dieu ! » L’aspect de cette malheureuse créature avait quelque chose de si terrible, que Hâfitz s’empressa de répondre : « Non, non, qu’on ne tue pas les poules. Voyons les pommes de terre. Je me voue aux pommes de terre. Je ne vous quitte plus. À cette heure, ma vocation se dessine clairement. C’est ici que je reste, trois mois, six mois, enfin le temps nécessaire pour devenir maigre comme un fakir ! » Il s’exprimait avec une animation singulière, et l’hôte criait à la jeune fille pâle : « Genoveva !... Genoveva !... regarde... L’Esprit le possède... c’est comme l’autre !.. » La bise redoublait dehors ; le feu tourbillonnait sur l’âtre et tordait au plafond des masses de fumée grisâtre. Les poules, au reflet de la flamme, semblaient danser sur les planchettes de l’escalier, tandis que la folle chantait d’une voix perçante un vieil air bizarre, et que la bûche de bois vert, pleurant au milieu de la flamme, l’accompagnait de ses soupirs plaintifs. Hâfitz comprit qu’il était tombé dans le repaire du sorcier Hecker ; il dévora une douzaine de pommes de terre, leva la grande cruche rouge pleine d’eau, et but à longs traits. Alors le calme rentra dans son âme, il s’aperçut que la fille était partie, et que l’homme seul restait en face de l’âtre. « Herr Wirth, reprit-il, menez-moi dormir. » L’aubergiste, allumant alors une lampe, monta lentement l’escalier vermoulu ; il souleva une lourde trappe de sa tête grise et conduisit Karl au grenier, sous le chaume. « Voilà votre lit, dit-il en déposant la lampe à terre, dormez bien et surtout prenez garde au feu !... » Puis il descendit, et Hâfitz resta seul, les reins courbés, devant une grande paillasse recouverte d’un large sac de plumes. Il rêvait depuis quelques secondes, et se demandait s’il serait prudent de dormir, car la physionomie du vieux lui paraissait bien sinistre, lorsque, songeant à ses yeux gris clair, à sa bouche bleuâtre entourée de grosses rides, à son front large, osseux, à son teint jaune, tout à coup il se rappela que sur la Golgenberg se trouvaient trois pendus, et que l’un d’eux ressemblait singulièrement à son hôte... qu’il avait aussi les yeux caves, les coudes percés, et que le gros orteil de son pied gauche sortait du soulier crevassé par la pluie. Il se rappela de plus que ce misérable, appelé Melchior, avait fait jadis de la musique, et qu’on l’avait pendu pour avoir assommé avec sa cruche l’aubergiste du Mouton d’or, qui lui réclamait un petit écu de convention. La musique de ce pauvre diable l’avait autrefois profondément ému. Elle était fantasque, et l’élève de maître Albertus enviait le bohème ; mais en ce moment, revoyant la figure du gibet, ses haillons agités par le vent des nuits et les corbeaux volant tout autour avec de grandes clameurs, il se sentit frissonner ; et sa peur augmenta beaucoup, lorsqu’il découvrit, au fond de la soupente, contre la muraille, un violon surmonté de deux palmes flétries. Alors il aurait voulu fuir, mais dans le même instant la voix rude de l’hôte frappa son oreille : « Éteignez donc la lumière ! criait-il. Couchez-vous, je vous ai dit de prendre garde au feu ! » Ces paroles glacèrent Karl d’épouvante, il s’étendit sur la grande paillasse et souffla la lumière. Tout devint silencieux.
Or, malgré sa résolution de ne pas fermer l’œil, à force d’entendre le vent gémir, les oiseaux de nuit s’appeler dans les ténèbres, les souris trotter sur le plancher vermoulu, vers une heure du matin, Hâfitz dormait profondément, quand un sanglot amer, poignant, douloureux, l’éveilla en sursaut. Une sueur froide couvrit sa face. Il regarda et vit dans l’angle du toit un homme accroupi : c’était Melchior le pendu ! Ses cheveux noirs tombaient sur ses reins décharnés, sa poitrine et son cou étaient nus. On aurait dit, tant il était maigre, le squelette d’une immense sauterelle : un beau rayon de lune, entrant par la petite lucarne, l’éclairait doucement d’une lueur bleuâtre, et tout autour pendaient de longues toiles d’araignée. Hâfitz, silencieux, les yeux tout grands ouverts, la bouche debout derrière les rideaux de son lit, quand la grande heure est proche. Tout à coup le squelette étendit sa longue main sèche et saisit le violon à la muraille ; il l’appuya contre son épaule, puis, après un instant de silence, il se prit à jouer. Il y avait, dans sa musique, des notes funèbres comme le bruit de la terre croulant sur le cercueil d’un être bien-aimé, solennelles comme la foudre des cascades traînées par les échos de la montagne, majestueuses comme les grands coups de vent d’automne au milieu des forêts sonores, et parfois tristes... tristes comme l’incurable désespoir. Puis, au milieu de ces sanglots, se jouait un chant léger, suave, argentin, comme celui d’une bande de gais chardonnerets voltigeant sur les buissons fleuris. Ces trilles gracieux tourbillonnaient avec un ineffable frémissement d’insouciance et de bonheur, pour s’envoler tout à coup, effarouchés par la valse, folle, palpitante, éperdue : amour, joie, désespoir, tout chantait, tout pleurait, ruisselait pêle-mêle sous l’archet vibrant ! Et Karl, malgré sa terreur inexprimable, étendait les bras et criait : « Ô grand... grand... grand artiste !... Ô génie sublime !... Oh ! que je plains votre triste sort... Être pendu !... pour avoir tué cette brute d’aubergiste, qui ne connaissait pas une note de musique... Errer dans les bois au clair de lune... N’avoir plus de corps et un si beau talent... Oh ! Dieu !... » Mais comme il s’exclamait de la sorte, la voix rude de l’hôte l’interrompit : « Hé ! là-haut, vous tairez-vous, à la fin ? Êtes-vous malade, ou le feu est-il à la maison ? » Et des pas lourds firent crier l’escalier de bois, une vive lumière éclaira les fentes de la porte, qui s’ouvrit d’un coup d’épaule, laissant apparaître l’aubergiste. « Ah ! Herr Wirth, cria Hâfitz, Herr Wirth, que se passe-t-il donc ici ? D’abord une musique céleste m’éveille et me ravit dans les sphères invisibles, puis voilà que tout s’évanouit comme un rêve. » La face de l’hôte prit aussitôt une expression méditative. « Oui, oui, murmura-t-il tout rêveur, j’aurais dû m’en douter... Melchior est encore venu troubler notre sommeil... Il reviendra donc toujours !... Maintenant notre repos est perdu ; il ne faut plus songer à dormir. Allons, camarade, levez-vous. Venez fumer une pipe avec moi. » Karl ne se fit pas prier, il avait hâte d’aller ailleurs. Mais quand il fut en bas, voyant que la nuit était encore profonde, la tête entre les mains, les coudes sur les genoux, longtemps il resta plongé dans un abîme de méditations douloureuses. L’hôte venant de rallumer le feu ; il avait repris sa place sur la chaise effondrée au coin de l’âtre, et fumait en silence. Enfin le jour grisâtre parut, il regarda par les petites fenêtres ternes ; puis le coq chanta, les poules sautèrent de marche en marche. « Combien vous dois-je ? » demanda Karl en bouclant son sac sur ses épaules et prenant son bâton. « Vous nous devez une prière à la chapelle de l’abbaye Saint-Blaise, dit l’homme d’un accent étrange, une prière pour l’âme de mon fils Melchior, le pendu... et une autre pour sa fiancée : Genoveva la folle ! » – C’est tout ? – C’est tout. – Alors, adieu ; je ne l’oublierai pas. » En effet, la première chose que fit Karl en arrivant à Fribourg, ce fut d’aller prier Dieu pour le pauvre bohème et pour celle qu’il avait aimée. Puis il entra chez maître Kilian, l’aubergiste de La Grappe, déploya son papier de musique sur la table, et s’étant fait apporter une bouteille de Riquewihr il écrivit en tête de la première page : « Le Violon du pendu ! » et composa, séance tenante, sa première partition vraiment originale.
1891 Année de la création de l’œuvre Histoire, politique et société > 27 juillet : accord diplomatique franco-russe > Le scandale de Panama (1891-1893) compromet de nombreux parlementaires. > L’Encyclique Rerum novarum promulguée par le Pape Léon XIII relative à la condition des ouvriers est une véritable charte du catholicisme social. > Convention anglo-italienne sur l’Abyssinie
Sciences, techniques, découvertes > Brevet du moteur Diesel. > En Russie, début de la construction du chemin de fer transsibérien (1891-1917). > Exploration de l’Érythrée et de l’Arabie du Sud par l’Allemand Georg August Schweinfurth. > Début des fouilles archéologiques de Delphes. > Geogre Johnstone Stoney nomme « électron » le corpuscule élémentaire d’électricité, dont il a postulé l’existence dès 1874, et tente d’en calculer la charge. > Premières expériences de vol à voile par Otto Lilienthal. > Première automobile à moteur à essence, construite par Louis-François-René Panhard et Émile Levassor. > Invention par Édouard Michelin du pneu démontable pour bicyclette. > Découverte du pithécanthrope de Java.
Beaux-Arts > Redon, Rops, Gauguin et Munch au banquet du symbolisme. > Paul Gauguin en Océanie : Femmes sur la plage, Sous les Pandanus. > Paul Cézanne : Madame Cézanne dans la serre. > Claude Monet : Les Nymphéas ; Les Meules, fin de l’été à Giverny. > Toulouse-Lautrec : Le Bal du Moulin-Rouge, affiche ; La Goulue au Moulin-Rouge. > Georges Albert publie : Le Symbolisme en Peinture. > Mort de Seurat qui laisse Le Cirque inachevé.
Littérature, philosophie > Paul Verlaine : Bonheur, Chansons pour elle. > André Gide : Traité du Narcisse, Les Cahiers d’André Walter. > Paul Valéry : Narcisse parle. > Huysmans : Là-bas. > Émile Zola : L’argent. > Jules Renard : L’écornifleur. > Oscar Wilde : Le portrait de Dorian Gray. > Immense succès pour Un scandale en Bohême de Conan Doyle, où réapparaît le personnage de Sherlock Holmes. > Mort à New York de Herman Melville, à l’âge de 72 ans. > Mort à Marseille d’Arthur Rimbaud, âgé de 37 ans.
Théâtre > Paul Fort fonde le Théâtre d’Art. > Maurice Maeterlinck : Les Aveugles, Le Cantique des cantiques. > Ibsen : Le Canard sauvage. > Porto-Riche : L’Amoureuse avec Lucien Guitry et Réjane (grand succès à l’Odéon).
Musique > Piotr Ilitch Tchaïkovski inaugure le Carnegie Hall, salle de concert new-yorkaise. > Johannes Brahms : Quintette pour clarinette et cordes. > Emmanuel Chabrier : exécution triomphale de l’Ode à la musique aux Concerts Colonne. Et aussi : Bourrée fantasque. > Ernest Chausson : Symphonie en si bémol majeur. > Anton Dvorak : 4e trio pour piano et cordes « Dumky », Requiem. > Gabriel Fauré : IIIe Valse-caprice, La Bonne Chanson. > Jules Massenet : création de son opéra Le Mage à l’Opéra de Paris. > Bruneau-Emile Zola : Le Rêve, opéra-comique. > Gustav Mahler devient premier chef permanent de l’Opéra de Hambourg. > Cosima Wagner met en scène Tannhäuser pour la première fois à Bayreuth. > Première représentation à Paris de Lohengrin de Richard Wagner. > Le nouvel Opéra de Zurich est inauguré avec Lohengrin de Richard Wagner. > Naissance de Sergei Prokofiev. > Décès de Léo Delibes.
En Alsace Pendant cette période d’Annexion, c’est à un Alsacien originaire de Guebwiller, Franz Stockhausen (1839-1926), directeur de la Société de Chant sacré et de la musique de la Cathédrale, qu’est confiée pour trente-cinq ans la direction du Conservatoire de Strasbourg et de l’Orchestre municipal. Sa double formation – française et allemande – le prédestinait à ces fonctions. La marque de sa personnalité est indéniable, aussi bien dans le recrutement du corps professoral que dans la programmation des concerts : « Nous ne devons laisser aux Allemands que ce que nous ne pouvons faire nous-mêmes », écrit-il au Conseil municipal. Il consacre une place importante à la musique contemporaine. Quant au théâtre, dès sa reconstruction en 1873, il est le fief des allemands. Pris en régie directe par la Ville, il dispose d’une troupe dramatique, d’une troupe lyrique d’une vingtaine de chanteurs, d’un chœur important, de l’orchestre et d’un ballet. La saison d’opéra s’étend du 15 septembre au 15 mai et le nombre des représentations est considérable. Pietro Mascagni y dirige un concert à la tête de l’orchestre de la Scala le 18 octobre 1899. On signale à cette occasion que Cavalleria Rusticana, dont la première à Strasbourg est le 15 octobre 1891, totalise 48 représentations. L’Ami Fritz y a également obtenu un grand succès...
Pietro Mascagni
Compositeur
Il naît le 7 décembre 1863 à Livorno. En 1876, il commence ses études musicales avec Alfredo Soffredini. Il écrit en 1879 la Sinfonia en do mineur. En 1881, il compose sa première cantate, In Finlanda, avec laquelle il gagne le premier prix à un concours musical à Milan. C’est dans cette ville qu’il rencontre les compositeurs Arrigo Boito et Amilcare Ponchielli. En 1882, il compose Cantate Alle Gioia, sur un texte de Schiller, La stella di Garibaldi, pour voix et piano et La tua stalla. Il passe un examen d’entrée au Conservatoire de Milan où il s’installe et y rencontre notamment Giacomo Puccini. En 1885, Mascagni dirige plusieurs œuvres et quitte le Conservatoire pour partir en tournée en tant que chef d’orchestre, puis intègre une compagnie qu’il quitte en 1887 pour devenir professeur de musique et de chant du nouvel orchestre philharmonique de Cerignola. Le 7 février 1888, Pietro et Lina se marient et ont un premier enfant en 1889. En mai de cette même année, il achève la Cavalleria Rusticana dont la première a lieu le 17 mai 1890. Son succès est immédiat, l’œuvre est présentée à Rome, Florence, Turin, Palerme, Milan, Gênes, Naples, Venise et Trieste. En décembre, Gustav Mahler dirige l’œuvre à Budapest, qui est jouée aussi à Monaco, Hambourg, Saint Pétersbourg, Dresde, Buenos Aires puis Vienne… En 1891 naît Dino Mascagni, et c’est la première de L’Amico Fritz au Teatro Costanzi de Rome. En 1892 naît leur troisième enfant, Emi, et le compositeur dirige la première de son ouvrage I Rantzau. En 1894, il écrit Silvano et Guglielmo Ratcliff, créés tous deux à la Scala de Milan. « Je transcris la La même année, il accepte la direction du Liceo Rossini de Pesaro. musique comme En 1900, il est en tournée à Moscou et Saint Pétersbourg. En 1901 est créé Le Maschere. La même année, il dirige le Requiem de Verdi, qui vient de décéder. En 1902, il compose la musique je la ressens. Ma pour la pièce de Henri Hall Caine, The Eternal City, créée à Londres. En 1902-1903, il fait une musique s’adresse tournée aux États-Unis. Il quitte Pesaro et est nommé directeur de la Scuola Musicale Romana aux cœurs bons et à Rome. En 1905, Amica est créé, et, en 1908, Le Maschere. En 1909, il est nommé directeur du je ressens un tel Teatro Costanzi pour une saison. bonheur intérieur En 1911, après avoir démissionné de la Scuola Musicale Romana, il part pour Buenos Aires, entame une tournée de sept mois en Amérique du Sud. Le 2 juin, c’est la première d’Isabeau à en l’écrivant ! » Buenos Aires, dont la création italienne en 1912 se déroule simultanément à la Scala, à Rome, Pietro Mascagni et à la Fenice de Venise. En mars, il s’installe près de Paris pour travailler. Il y compose Parisina, créé en 1913 à Milan. En 1915, il écrit la musique du film de Nino Oxilia Rapsodia Satanico et Lodoletta en 1917 à Rome. En 1919, c’est la première à Rome de son opérette Sì puis en 1921 de Il piccolo Marat. En 1922, il débute une tournée en Amérique du Sud. En 1927, il s’installe à l’Hôtel Plazza à Rome, où il vit jusqu’à sa mort. 1931 salue la création de Il Maschere à la Scala de Milan. En 1932, il adhère officiellement au PNF, le parti fasciste de Mussolini. En 1935 est donné Nerone à Milan, puis à Livourne. En 1940, on célèbre les 50 ans de Cavalleria Rusticana. 1943-1944 est la dernière saison de Mascagni à l’Opéra de Rome. Il meurt à Rome le 2 août 1945.
Biographies Paolo Carignani
Direction musicale
Après ses études de composition, orgue et piano au conservatoire de Milan, il étudie la direction musicale avec Alceo Galliera. Il est invité à diriger sur les principales scènes lyriques internationales, Vienne, Berlin, Munich, Londres, Paris, Zurich, Amsterdam, New York, Barcelone, Bruxelles, Anvers et Oslo, ainsi qu’aux festivals de Spoleto, Pesaro, Glyndebourne, Schleswig-Holstein… Il dirige avec le même bonheur les grands orchestres symphoniques et philharmoniques européens ainsi que ceux des radios telles la RAI, SWR, NDR, ORF. Il est Directeur musical de l’Opéra de Francfort de 1998 à 2009. Il a dirigé notamment Nabucco au Met, Le Duc d’Albe à Anvers, e Convenienze ed inconvenienze teatrali et Otello à Zurich, Cavalleria Rusticana et I Pagliacci au Japon, Tosca à Paris, Guillaume Tell à Amsterdam, La Traviata et Macbeth à Munich, Tosca à Barcelone, Andrea Chénier à Vienne, ainsi que plusieurs opéras au Met. Récemment, il a dirigé plusieurs productions à Vienne, ainsi qu’à Munich et Barcelone. Il a dirigé Rigoletto à l’OnR en 2013-2014.
Vincent Boussard Mise en scène
Après des débuts en 1999 au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Vincent Boussard se consacre principalement à l’opéra. Il a collaboré avec le Staatsoper Berlin, le Bayerische Staatsoper, l’Opéra de Francfort, le Festival Haendel à Halle, l’Opéra de Graz, le Festival d’Innsbruck de Musique Ancienne, l’Opéra Royal de Stockholm, La Monnaie de Bruxelles, l’Opéra de Marseille, le Festival international d’Aix-en-Provence, la Brooklyn Academy of Music à New York et l’Opéra de San Francisco. En 2012-2013, il met en scène Madama Butterfly à Hambourg, Radamisto au Theater an der Wien. Cette saison, il aborde Ezio de Gluck à l’Opéra de Francfort, La Favorite à Toulouse ainsi que Grandeur et Décadence de la ville de Mahagonny au Staatsoper Berlin. Parmi ses projets, Un ballo in maschera, La Fanciulla del West, La Traviata, Manon et Norma. À l’OnR, il a mis en scène Frühlings Erwachen de Benoît Mernier en 2008, Louise de Charpentier en 2009, Hamlet de Thomas en 2011 et Les Pêcheurs de Perles en 2013.
Prolongements pédagogiques Arts du son
> Une comédie lyrique au caractère bucolique et printanier : chansons, marches, chœurs d’enfants > Airs de solistes virtuoses mis en valeur par l’orchestre, écriture vocale délicate et inspirée > Utilisation de thèmes populaires (chanson alsacienne par exemple) > La citation dans les œuvres musicales > Clins d’œil à la musique d’Europe centrale (violon tzigane) > Les Bandas, orchestres de scène (ou de coulisses), une institution dans les opéras italiens au XIXe siècle > Le vérisme
Arts du langage
> Un opéra en italien > L’Ami Fritz, un roman populaire à la trame simple > La naissance du théâtre alsacien (inauguration du Théâtre alsacien de Strasbourg en 1898 avec D’r ami Fritz) > Représentation idéale d’un village où toutes les religions et opinions sont acceptées > Erckmann et Chatrian : deux romanciers associés d’origine lorraine
Arts du visuel
> Bande dessinée : L’Ami Fritz (éditions du Signe) > Paysages et villages alsaciens, peintres et photographes inspirés par l’Alsace > Les illustrations de Jean-Jacques Waltz (dit Hansi) > Jeux de cartes et paris dans les œuvres d’art > Les cerises (Acte 2) > Gravures et tableaux sur le rituel du mariage à la campagne (ex : Joseph Bellange, Une Noce en Basse-Normandie)
Arts du quotidien
> Visites de musées d’arts et de traditions populaires alsaciens > Les fêtes populaires en Alsace : les noces de l’ami Fritz à Marlenheim (15 août) ; en EPS, danses populaires d’Alsace > La gastronomie alsacienne
Arts de l’espace
> Technologie, mathématiques, arts plastiques : imaginer et concevoir une maquette de décor, en lien avec le livret de l’opéra
Histoire
> L’Alsace et son histoire > Que se passe-t-il en 1891 (politique, société, sciences et techniques, découvertes) ? > Histoire de la sociabilité villageoise
Sciences de la vie et de la terre
> Le souffle, le fonctionnement des cordes vocales > L’éco-système alsacien