Dossier pédagogique
Saison 2014-2015
Mozart
la clemenza di tito nouvelle production
En deux mots Rome, Ier siècle après J.-C. Vitellia, fille de Vitellius détrôné, espère devenir l’épouse du nouvel empereur, Titus. Ce dernier lui préfère Bérénice, reine de Judée. De rage, Vitellia choisit Sextus, un patricien qui lui est tout acquis, pour ourdir un complot contre l’empereur.
Contacts Flora Klein • tél + 33 (0)3 88 75 48 54 • courriel • fklein@onr.fr Hervé Petit • tél + 33 (0)3 88 75 48 79 • courriel • hpetit@onr.fr Opéra national du Rhin • 19 place Broglie BP 80 320 • 67008 Strasbourg Photo Nis & For
du rhin
opéra d'europe
www.operanationaldurhin.eu
nouvelle production
Opera seria en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart Livret de Caterino Mazzolà d’après Metastasio
STRASBOURG opéra
ve 6 février 20 h di 8 février 15 h ma 17 février 20 h je 19 février 20 h sa 21 février 20 h
MULHOUSE La filature
ve 6 mars 20 h di 8 mars 15 h Conférence d’André Tubeuf Strasbourg, Librairie Kléber je 5 février 18 h 30 • entrée libre
Direction musicale Andreas Spering Mise en scène Katharina Thoma Décors Julia Müer Costumes Irina Bartels Lumières Olaf Winter Tito Benjamin Bruns Vitellia Jacquelyn Wagner Sesto Stéphanie d’Oustrac Servilia Chiara Skerath Annio Anna Radziejewska Publio David Bizic Chœurs de l’Opéra national du Rhin Orchestre symphonique de Mulhouse Bärenreiter-Verlag Kassel - Basel - London - New York - Praha
Langue : italien surtitré en français et en allemand Durée approximative : 2 h 30 Conseillé à partir de 12 ans : collège et lycée
Argument Acte I Vitellia prépare une conspiration contre l’empereur Titus, dont le père, Vespasien, a autrefois chassé du trône son père Vitellius. Titus ayant décidé d’épouser Bérénice, fille du roi de Judée, l’espoir qu’avait Vitellia de remonter sur le trône en tant qu’épouse de Titus s’est envolé et son amour pour Titus s’est changé en haine. Sextus, qui est amoureux d’elle, est aussi l’ami intime de Titus ; elle essaie de le pousser au meurtre en lui promettant amour et mariage. Il hésite d’abord, puis se déclare prêt à lui obéir. Lorsque Annius apporte la nouvelle du départ de Bérénice, Vitellia reprend espoir et suspend sa vengeance. Elle attend de Sextus une confiance aveugle. Annius prie Sextus d’intercéder auprès de Titus pour qu’il lui accorde la main de Servilia, la sœur de Sextus, ce mariage étant prévu depuis longtemps ; puis ils se confirment leur amitié réciproque. Le peuple fête Titus et demande aux dieux de protéger leur empereur et leur cité. Quand la foule s’est dissipée, Titus confie à Sextus et à Annius qu’il a décidé de prendre Servilia pour femme le jour même. Au plus grand étonnement de Sextus, Annius, loin de protester, félicite Titus de son choix. Par ce mariage, Titus entend aussi lier plus étroitement au trône son ami Sextus. Annius est envoyé par Titus auprès de Servilia pour lui annoncer qu’elle doit devenir impératrice. Ils affirment Titus Flavius Caesar Vespasianus Augustus encore une fois leur amour réciproque. Publius essaie d’attirer l’attention de Titus sur une liste de noms de conjurés, lorsque Servilia fait irruption et supplie Titus de renoncer à l’épouser, car son cœur appartient à Annius. Titus est enthousiasmé par le courage que prouve sa franchise. Vitellia, apprenant le prétendu bonheur de Servilia, veut à nouveau convaincre Sextus de tuer Titus : elle sera la récompense de son acte. Sextus ne peut lui résister, tant elle a de pouvoir sur lui. à peine Sextus a-t-il quitté Vitellia que Annius et Publius lui apprennent que c’est désormais elle qui est retenue pour devenir impératrice. Vitellia est au désespoir, elle ne peut plus rappeler Sextus, les conjurés contre Titus sont déjà en route. Sextus hésite encore à commettre le meurtre, mais les conjurés ont déjà mis le feu au Capitole et il ne peut plus reculer. Pendant que le feu se propage et que la clameur du peuple s’élève, Sextus vient dire à Vitellia qu’il a accompli sa tâche. Elle l’enjoint de se taire. Tous se lamentent sur les terribles événements.
Acte II Annius apporte la nouvelle que Titus a survécu à l’attentat. Lorsque Sextus avoue à Annius qu’il est le coupable, celui-ci lui conseille d’aller voir Titus et de lui dire son repentir. Vitellia, qui craint que son rôle dans le complot ne soit découvert, presse Sextus de fuir. Mais il est trop tard, Publius arrête Sextus pour l’emmener à l’interrogatoire devant le Sénat. Vitellia est déchirée entre le remords et ses craintes pour elle-même. Les patriciens et le peuple rendent grâces aux dieux d’avoir sauvé Titus. Titus ne veut pas croire à la culpabilité de Sextus, ce qui pour Publius n’est qu’une preuve de sa générosité excessive. Mais quand arrive la nouvelle que Sextus a tout avoué devant le Sénat et qu’on l’a condamné à mourir dans l’arène, Titus est obligé de voir la réalité en face. Annius essaie vainement de faire appel à la pitié de Titus envers la douleur des autres : l’infidélité, la trahison, le meurtre ont blessé trop profondément les sentiments d’amitié et d’amour. Pourtant il voudrait encore entendre lui-même Sextus avant de signer la sentence de mort. Lorsque les deux amis de naguère se retrouvent face à face, chacun cherche sur le visage de l’autre les traits de l’amitié perdue. Titus voudrait connaître, en tant qu’ami et non en tant que souverain, les raisons d’agir de Sextus, mais celui-ci ne veut pas trahir Vitellia et prend sur lui toute la responsabilité, ce que Titus interprète comme de l’entêtement et de l’ingratitude. Il l’envoie dans l’arène. Sextus n’a pas peur de mourir, mais il est torturé de remords insupportables. Une fois seul, Titus hésite entre le devoir et le sentiment ; la loi lui impose de signer l’arrêt de mort, mais c’est finalement sa nature qui l’emporte : il ne peut régner que si son pouvoir est fondé sur l’amour, une fidélité due à la peur n’a pour lui aucune valeur. Annius et Servilia supplient Vitellia d’user de son influence sur Titus en tant que future impératrice afin de demander grâce pour Sextus. Servilia lui reproche d’être cruelle et de se contenter de larmes qui ne sauraient sauver la vie de Sextus. Vitellia a la preuve que Sextus ne l’a pas trahie et qu’il est prêt à mourir pour elle si elle ne reconnaît pas sa faute. Elle fait ses adieux au mariage et au pouvoir qu’elle espérait. Le peuple acclame l’empereur et le compare aux dieux. Titus n’a pas encore eu le temps d’annoncer sa décision de gracier Sextus, que Vitellia s’accuse en public d’être l’instigatrice du complot. Titus, saisi par ce nouvel aveu d’infidélité, est en proie à un nouveau combat intérieur, mais il ne se laissera pas convaincre de se faire vengeance. Il fait donc grâce, non seulement à Sextus, mais à tous les conjurés. Au milieu de chants de louange, Titus prie les dieux de lui ôter la vie le jour où le bien de Rome ne sera plus son plus cher souci.
Une quarantaine d’opéras pour un même livret Histoire intime de passion et de pouvoir, La Clémence de Titus nous plonge au cœur de multiples mensonges qui protègent, dupent ou accusent. Doté de compassion et de confiance, l’empereur Titus renonce en vain à ses désirs profonds : les trahisons déchirent sans cesse son propre entourage. Malgré trois couples d’amants recomposés à plusieurs reprises et un souverain exclu du jeu amoureux, bon sens et sérénité règnent en maître dans cette œuvre. Car Titus, préférant inspirer l’amour plutôt que la crainte, accorde son pardon aux traîtres et aux conjurés. Ecrit par Métastase à l’origine pour l’opéra de Caldara créé en 1734, le livret a un intérêt dramatique tel qu’il a inspiré, légèrement modifié, plus de quarante opéras – dont le dramma per musica en trois actes de Christoph Willibald Gluck (1714-1787) composé en 1752.
Les personnages, leurs relations publio / publius > Conseiller de Titus
bérénice > Promise à Titus
servilia Tito / titus
> Sœur de Sesto > Décline la proposition amoureuse de Titus
> Personnage central > Fils de Vespasien
vitellia > Fille de Vitellius > Veut être impératrice > Conspire contre Titus > Influence Sextus
sesto / sextus > Ami de Titus > épris de Vitellia > Tente d’assassiner Titus > Frère de Servilia
annio / annius > Confident de Titus > épris de Servilia
L’opera seria Aux débuts de l’histoire de l’opéra, les sujets mythologiques étaient quasiment les seuls abordés. Avec l’apparition des premiers théâtres payants à partir de 1637 à Venise, l’opéra devient un divertissement public. Les règles changent. Le réalisme, plus proche des spectateurs, est de mise. En 1642, L’Incoronazione di Poppea de Monteverdi sera le premier opera seria. Les sujets seront ensuite de préférence tirés de l’histoire antique, plutôt que de la mythologie. Métastase, qui écrit le livret de La Clémence de Titus, poursuit cette réforme et impose au livret un retour à la tragédie antique. Il met en place le sujet de l’opera seria, sur un thème moralisant, qui met en avant les justices des dieux ou des souverains. Une alternance de récitatifs, qui exposent l’histoire et font évoluer le propos, alternent avec des airs (arias) qui mettent en avant les sentiments. C’est Christoph Willibald Gluck qui signe la fin de l’opera seria avec Orfeo ed Euridice, créé le 5 octobre 1762. C’est le premier opéra « réformateur ». Cette action théâtrale en musique renouvelle la tradition de l’opera seria et de la tragédie en musique, réforme l’opéra en faisant prévaloir l’expression dramatique sur l’ornementation vocale, tout en équilibrant solistes et orchestre dans la partition. C’est l’opéra « moderne ». Gluck y rejette en effet les conventions de l’opera seria italien, le recitativo secco, sans accompagnement, et l’aria da capo (littéralement, « du commencement »), pièce de pure virtuosité vocale, au profit du sujet et de l’orchestre, auxquels il accorde une place importante. Il en résulte une œuvre qui réalise un équilibre extrêmement harmonieux entre les voix, la musique et une riche expression dramatique.
Au sujet de La Clemenza di Tito Gérard Condé, extrait du programme de la production de 2000-2001 à l’OnR : « Aujourd’hui que nos oreilles se sont à nouveau familiarisées avec les opera seria authentiques, que nous accordons aux castrats, et aux rôles écrits à leur intention, le respect artistique qui leur est dû, il est plus facile de situer La Clemenza di Tito sur le même plan que Die Zauberflöte ou Don Giovanni, et de reconnaître qu’elle a aussi peu de points communs que ces derniers avec tel opera seria de Hasse ou Jommelli. Elle s’éloigne même sensiblement des modèles de Gluck (dans les opéra « réformés ») ou d’Idomeneo. Par opportunisme (un roi est supposé conservateur) ? Par lassitude (l’épuisement physique de Mozart est évident en cette fin d’année 1791) ? Par manque de temps pour mûrir le geste artistique ? Rien de tout cela. Mozart aborde un sujet différent (mais proche, parfois de celui de Die Zauberflöte) opposant la maîtrise de soi (Tito) avec ses limites et ses possibles excès au débordement des passions vers la faiblesse coupable (Sesto) ou l’hystérie ravageuse (Vitellia) avec, en contrepoint de ces deux amants bien/mal appariés, l’abnégation d’Annio et la droiture de Servilia, autre couple chez qui le sens du devoir n’étouffe pas la force des sentiments. Le sixième personnage, Publio, capitaine de la garde prétorienne, représentant de l’ordre, apparaît comme le double de Tito, l’image de ce que serait l’Empereur s’il était juste seulement. Car la grandeur de Tito est de voir au-delà de la justice ; pas seulement en despote éclairé mais en homme : quand la clémence est meilleure que le châtiment, fut-il juste, il faut en user. »
L’écriture de l’œuvre À l’occasion des fêtes du couronnement de l’empereur Léopold II, Mozart écrit La Clemenza di Tito sur le livret de Métastase. Il y trouve les thèmes du pardon et de la liberté. Titus traverse les épreuves pour atteindre un plus grand degré d’humanité. Il apparaît comme un ami, un amant, et non comme un maître au milieu d’êtres humains faibles et passionnés, qui réalisent chacun un parcours initiatique. Les initiés côtoient les non-initiés ou les initiés en déroute aux accents de la sémantique musicale maçonnique. En résumé Titus vient de monter sur le trône impérial : il a rappelé à Rome Bérénice, à laquelle il est amoureusement lié. Vitellia, qui voit ainsi lui échapper la place d’impératrice, pousse Sextus à fomenter un complot. Sextus hésite, partagé entre son amour pour Vitellia et son amitié pour Titus, puis cède, au moment même où Titus, ayant renoncé à Bérénice, « barbare » aux yeux des romains, puis à Servilia, qui en aime un autre, choisit Vitellia pour épouse. Regrets ou remords, Vitellia comme Sextus veulent arrêter le complot : trop tard, le Capitole brûle. Titus, qui a échappé à la mort, accorde à tous son pardon.
Extrait du livret
Acte II
Numéro 17 - Air ANNIUS Tu as été trahi ; il mérite la mort, mais le cœur de Titus permet cependant d’espérer. De grâce, Seigneur, prends conseil de ton cœur : daigne voir notre douleur. Récitatif accompagné TITUS Quelle horreur ! Quelle trahison ! Quelle infâme déloyauté ! Feindre l’amitié ! Être toujours à mes côtés, à tout moment exiger de mon cœur quelque preuve d’amour et en même temps préparer ma mort ! Et je suspendrais encore le châtiment ? Et je ne signerais pas encore la sentence ? Ah oui, qu’il meure, le scélérat ! Qu’il meure... Mais sans l’entendre j’enverrais Sextus à la mort ? Oui, le Sénat l’a suffisamment entendu. Et s’il avait quelque secret à me révéler ? Holà ! Entendons-le, puis qu’il aille au supplice. Qu’on m’amène Sextus. Qu’il est donc triste, le destin de ceux qui règnent ! À nous est refusé ce qui est accordé aux plus humbles. Au milieu des bois ce pauvre paysan, ce mendiant revêtu de laine grossière, n’ayant pour se protéger des injures du ciel qu’une masure informe, dort d’un sommeil paisible, passe des jours tranquilles. Il demande peu : il sait qui le hait et qui l’aime : en compagnie ou seul il retourne en sûreté dans la forêt, dans la montagne et il lit le cœur de chacun sur son visage.
Numéro 18 - Trio SEXTUS (C’est là le visage de Titus ! Ô ciel, où s’est enfuie sa douceur accoutumée ? Il me fait trembler à présent !) TITUS (Dieux éternels ! C’est là l’aspect de Sextus ! Oh, comme un crime peut transformer un visage !) PUBLIUS (Mille sentiments contraires se livrent bataille en Titus. S’il éprouve un tel déchirement, c’est qu’il continue à l’aimer.) TITUS Approche ! SEXTUS (Oh, cette voix est comme un coup sur mon cœur !) TITUS N’entends-tu point ? SEXTUS (Ô Dieu, je me sens baigné de sueur !) TITUS, PUBLIUS (Il tremble, le traître, et n’ose pas lever les yeux.) SEXTUS (Ô Dieu ! Un mourant ne peut pas souffrir davantage.) TITUS (Et pourtant, il me fait pitié.) Publius, gardes, laissez-moi seul avec lui. SEXTUS (Non, je n’ai pas la force de soutenir la sévérité de ce visage.) TITUS Ah, Sextus, c’est donc vrai ? Ainsi tu veux ma mort ? En quoi t’offensa ton Prince, ton Père, ton Bienfaiteur ? Si tu as pu oublier Titus l’empereur, comment ne t’es-tu pas souvenu de Titus l’ami ? SEXTUS Ah, Titus, toi le plus clément des princes, finissons-en ; si tu
pouvais voir ce misérable cœur parjure, ingrat, il te ferait pourtant pitié. J’ai tout devant les yeux, toutes mes fautes ; je me remémore tous tes bienfaits. Je ne puis supporter ni l’idée de ma propre personne, ni ta présence. TITUS Écoute-moi, ô Sextus ; nous sommes seuls ; ton souverain n’est pas là. Ouvre ton cœur à Titus ; confie-toi à l’ami. Je te promets qu’Auguste n’en saura rien. De ton crime dis-moi le mobile profond. Cherchons ensemble un moyen de t’excuser. Je m’en réjouirais peut-être plus que toi-même. SEXTUS Ah, ma faute n’admet pas d’excuse. TITUS Ainsi tu te tais ? Il ne répond pas ? Ah, comment peux-tu abuser à tel point de mon affection ? SEXTUS Seigneur... Sache donc... (Que fais-je ?) TITUS Poursuis. SEXTUS (Quand mes tourments prendront-ils donc fin ?) TITUS Parle cette fois : que voulais-tu me dire ? SEXTUS Que je suis l’objet de la colère des dieux, que je n’ai plus la force d’endurer mon sort ; que je m’avoue traître, me nomme impie, que je mérite la mort et qu’ardemment je la désire. TITUS Ingrat ! Tu l’auras. Gardes, éloignez le coupable de ma vue. SEXTUS Laisse-moi baiser une dernière fois cette main invincible. TITUS Va, il n’est plus temps, à présent je suis ton juge. SEXTUS Ah, Seigneur, que ce soit là ton ultime don.
Numéro 19 - Rondo SEXTUS De grâce, pour cet instant seulement rappelle-toi ton ancienne tendresse. Ton dédain, ta rigueur me font mourir de douleur. Je suis certes indigne de pitié, ne puis inspirer que l’horreur. Pourtant tu serais moins sévère si tu voyais ce cœur. C’est désespéré que je vais à la mort, mais mourir ne m’effraie pas. L’unique pensée qui me tourmente, c’est de t’avoir trahi ! (Se peut-il qu’un cœur ressente tant de chagrin sans mourir de douleur !) Récitatif TITUS Où vit-on jamais plus d’acharnement dans la déloyauté ? Ma clémence fut ignorée, méprisée, je lui dois vengeance. Vengeance !... Le cœur de Titus est-il capable d’un tel sentiment ?... Qu’il vive alors... Les lois parlent-elles donc en vain ? C’est ainsi que je les exécute, moi qui en suis le gardien ? Titus ne saurait oublier Sextus, son ami ?... Faisons taire à présent tout autre sentiment d’amitié, de tendresse. Sextus est coupable. Que Sextus meure ! Mais je fais ainsi tellement violence à mon cœur. Serai-je au moins sûr de l’approbation des autres ? Ah, n’abandonnons pas la voie coutumière... Que l’ami vive, bien qu’infidèle !
Racine, Bérénice Acte IV, scène 5 (extrait) Bérénice Ah ! cruel ! est-il temps de me le déclarer ? Qu’avez-vous fait ? Hélas ! je me suis crue aimée. Au plaisir de vous voir mon âme accoutumée Ne vit plus que pour vous. Ignoriez-vous vos lois Quand je vous l’avouai pour la première fois ? À quel excès d’amour m’avez-vous amenée ? Que ne me disiez-vous : « Princesse infortunée, Où vas-tu t’engager, et quel est ton espoir ? Ne donne point un cœur qu’on ne peut recevoir. » Ne l’avez-vous reçu, cruel, que pour le rendre, Quand de vos seules mains ce cœur voudrait dépendre ? Tout l’empire a vingt fois conspiré contre nous. Il était temps encor : que ne me quittiez-vous ? Mille raisons alors consolaient ma misère : Je pouvais de ma mort accuser votre père, Le peuple, le sénat, tout l’empire romain, Tout l’univers, plutôt qu’une si chère main. Leur haine, dès longtemps contre moi déclarée, M’avait à mon malheur dès longtemps préparée Je n’aurais pas, Seigneur, reçu ce coup cruel Dans le temps que j’espère un bonheur immortel, Quand votre heureux amour peut tout ce qu’il désire, Lorsque Rome se tait, quand votre père expire, Lorsque tout l’univers fléchit à vos genoux, Enfin quand je n’ai plus à redouter que vous. Titus Et c’est moi seul aussi qui pouvais me détruire. Je pouvais vivre alors et me laisser séduire ; Mon cœur se gardait bien d’aller dans l’avenir Chercher ce qui pouvait un jour nous désunir. Je voulais qu’à mes vœux rien ne fût invincible, Je n’examinais rien, j’espérais l’impossible. Que sais-je ? J’espérais de mourir à vos yeux,
Avant que d’en venir à ces cruels adieux. Les obstacles semblaient renouveler ma flamme, Tout l’empire parlait, mais la gloire, Madame, Ne s’était point encor fait entendre à mon cœur Du ton dont elle parle au cœur d’un empereur. Je sais tous les tourments où ce dessein me livre, Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre, Que mon cœur de moi-même est prêt à s’éloigner, Mais il ne s’agit plus de vivre, il faut régner. Bérénice Eh bien ! régnez, cruel, contentez votre gloire : Je ne dispute plus. J’attendais, pour vous croire, Que cette même bouche, après mille serments D’un amour qui devait unir tous nos moments, Cette bouche, à mes yeux s’avouant infidèle, M’ordonnât elle-même une absence éternelle. Moi-même j’ai voulu vous entendre en ce lieu. Je n’écoute plus rien, et pour jamais : adieu... Pour jamais ! Ah, Seigneur ! songez-vous en vous-même Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ? Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ? Que le jour recommence et que le jour finisse, Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice, Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ? Mais quelle est mon erreur, et que de soins perdus ! L’ingrat, de mon départ consolé par avance, Daignera-t-il compter les jours de mon absence ? Ces jours si longs pour moi lui sembleront trop courts.
1791, année de la création de l’œuvre > L’architecte et ingénieur français Pierre Charles L’Enfant conçoit la ville de Washington, capitale fédérale des États-Unis. > Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges. > Droits de l’Homme de Thomas Paine, diffusé à 200 000 exemplaires. > Justine ou les Malheurs de la vertu du marquis de Sade. > La Révolution française, livre prophétique de William Blake. > Le 20 février naît Carl Czerny, compositeur et pianiste autrichien. > Le 5 septembre naît Giacomo Meyerbeer, compositeur franco-allemand. > Nicolas Leblanc invente un procédé permettant d’obtenir de la soude à partir d’eau de mer. Avec la collaboration du chimiste Michel Jean Dizé et l’apport financier du duc d’Orléans, il monte l’usine de production de soude de Saint-Denis. > Mise en place d’une loi sur le théâtre en France : « Tout citoyen pourra élever un théâtre public et y faire représenter des pièces de tous les genres, en faisant, préalablement à l’établissement de son théâtre, sa déclaration à la municipalité des lieux. » > Le 18 septembre, proclamation de la Constitution. > Le 20 juin, Louis XVI et sa famille fuient. Ils sont arrêtés à Varennes le lendemain.
Wolfgang Amadeus Mozart Compositeur
Le 27 janvier 1756 à Salzbourg naît Wolfgang Amadeus Mozart, fils d’Anna-Maria Pertl et Leopold Mozart. Ce dernier est un excellent violoniste-compositeur et occupe le poste de second violon dans l’orchestre de la cour du prince archevêque de Salzbourg. Johannes Chrysostomus Wolgangus Theophilus est leur septième enfant mais le second et par ailleurs le dernier qui ait survécu. Le jour de sa naissance, côté musique : Haydn a 24 ans, Rameau a 73 ans, Haendel en a 71, Bach est mort depuis 6 ans. Côté littérature, Voltaire a 62 ans et Beaumarchais 24. Après des œuvres de jeunesse – il compose dès l’âge de 5 ans – dont Bastien und Bastienne, La Finta semplice, Mitridate re di Ponto, Lucio Silla, La Finta giardiniera, œuvres transcrites aussitôt sur papier par son père, il part avec lui en 1762 pour des tournées pendant neuf ans, passant notamment par Munich et Vienne, Augsbourg, Aix-la-Chapelle, Bruxelles, Paris, Versailles, Londres, la Hollande, la Suisse et la Bavière. Il joue devant les grands de ce monde. Puis il est à la cour de Salzbourg, mais le nouveau prince archevêque de Salzbourg, le comte Colloredo, ne l’apprécie pas. Le musicien démissionne en 1777 et quitte Salzbourg pour chercher un nouvel employeur. Il tombe amoureux d’Aloysia Weber, qui ne lui donne pas le change. à Paris, il insulte ces parisiens qui ne savent pas entendre et reconnaître son génie : « Les Français sont et restent de vrais ânes : ils ne peuvent rien faire ; il leur faut avoir recours aux étrangers », écrit-il à son père le 9 juillet 1778. Il s’arrête quelques temps à Munich, puis revient à Salzbourg en 1779. C’est alors qu’il écrit Idoméneo, auquel il apporte des retouches au texte du livret. Il présente avec succès son opéra à Munich. Il compose Don Giovanni, dont la première à Prague est un triomphe. En 1789, il part pour Leipzig où il jouera de l’orgue. De retour à Vienne, il collabore avec Lorenzo da Ponte et crée avec lui Cosi fan tutte. Il doit aussi composer dans un bref délai un opéra pour célébrer le couronnement de Léopold II : La Clémence de Titus. Le comte Franz von Walsegg lui passe anonymement commande d’un certain Requiem. Sa santé se dégrade. Die Zauberflöte remporte un énorme succès qui va en grandissant. Il tombe gravement malade mais le 4 décembre, il se remet à composer son Requiem. Son état s’aggrave. Le 5 décembre 1791, il tombe dans le coma et, âgé seulement de 35 ans, rend son dernier souffle.
Métastase
Librettiste
De son vrai nom Pietro Trapassi, Métastase naît le 13 janvier 1698 à Rome, où son père, Felice Trapassi, est épicier. Petit, il déclame des vers sur un sujet donné. En 1709, Giovanni Vincenzo Gravina, un érudit juridique et littéraire, et Lorenzini, un critique assez connu, font sa connaissance. Le premier, séduit par les dons poétiques du jeune garçon, l’adopte avec l’assentiment de son père qui est heureux des perspectives de fréquentations qui s’ouvrent à son fils. Gravina transforme le nom de son fils adoptif en son équivalent grec Metastasio (Métastase), lui fait faire du latin et des études juridiques. Métastase se trouve très vite en compagnie de célèbres improvisateurs italiens. Il tombe malade et son père le dispense d’improvisations mais le dirige vers la poésie. à 12 ans, il traduit L’Iliade en strophes de huit vers et deux ans plus tard, il compose une tragédie, Giustino et Gravina, dont le sujet est tiré de l’épopée Italia liberata de Trissino, imprimée en 1713. En 1718, Gavina meurt et Métastase en hérite : 15.000 écus d’or. En deux ans, il dilapide sa fortune et acquiert une plus grande célébrité. En 1721, alors juriste, Métastase écrit un épithalame et ce qui est probablement sa première sérénade mise en musique, Endimione. En 1722, pour l’anniversaire de l’impératrice, le vice-roi de Naples charge Métastase de composer une sérénade : Gli orti esperidi (Les Jardins des Hespérides) qui sera chantée par l’élève de son compositeur, le castrat Farinelli. C’est un succès retentissant. La prima donna romaine, Marianna Bulgarelli, le persuade d’abandonner sa carrière juridique et de s’installer chez elle. C’est ainsi qu’il lie connaissance avec les plus grands compositeurs : Nicola Porpora qui lui apprend la musique, Johann Adolph Hasse, JeanBaptiste Pergolèse, Alessandro Scarlatti et d’autres encore qui mettront ses écrits en musique. En 1729, il devient poète officiel pour le théâtre de Vienne où il s’installe en 1730. Jusqu’en 1740 sont représentés au théâtre impérial ses plus beaux drames lyriques : Adriano, Demetrio, Issipile, Demofoonte, Olimpiade, La Clemenza di Tito, Achille in Sciro, Temistocle et Attilio Regolo. à Vienne, son origine humble l’exclut des cercles de l’aristocratie. Mais il fréquente la comtesse Althann, belle-sœur de son ancienne bienfaitrice. On dit qu’ils se marièrent secrètement. à partir de 1745 environ, sa santé décline et son écriture est moins intense. En 1755, la comtesse Althann meurt, il sombre rapidement dans la sénilité et sa production s’en ressent. Il meurt le 12 avril 1782. Ses œuvres ont été traduites dans de nombreuses langues : le français, l’anglais, l’allemand, l’espagnol et même en grec moderne. Mises en musique par de nombreux compositeurs célèbres, elles ont été chantées par les meilleurs. Les visiteurs étrangers importants de passage à Vienne voulaient tous rencontrer le poète dans ses appartements.
Biographies Andreas Spering Direction musicale
Il est invité par les Opéras de Göteborg, Gand, Anvers, Luxembourg, Séville, Essen, Nantes et à Aix-en-Provence où il dirige Don Giovanni, La finta giardiniera, L’Enlèvement au sérail, Le Nozze di Figaro, Così fan tutte, Fidelio, Der Freischütz, Rinaldo ou Orphée et Eurydice. La saison dernière, il a dirigé Almira de Haendel au festival de Halle et Adelasia e Alermano de Mayr à la Bayerische Theaterakademie de Munich. Il travaille régulièrement avec les orchestres de Zurich et Bâle, le Royal Scottish Orchestra, les orchestres de Lille, Bamberg, Weimar, Hanovre, Leipzig et Cologne. Aux cours des prochaines saisons, il est invité à Halle, Rouen et Bahreïn, en coopération avec le festival d’Aix-en-Provence.
Katharina Thoma Mise en scène
Après des études à la Musikhochschule de Lubeck, elle débute comme assistante à Kassel, puis Francfort avec Richard Jones, Christof Loy et Keith Warner. Elle est lauréate du 2e prix du concours européen Camerata Nuova en 2007. À partir de 2008, elle enseigne à la Musikhochschule de Mayence et signe les productions de Gianni Schicchi et Die Zauberflöte. Suivent Vanessa à Malmö, La finta giardiniera à Francfort, Eugène Onéguine à Nordhausen, Piero – Ende der Nacht de Joneleit à la Biennale de Munich, Madama Butterfly à Stockholm et Eliogabalo de Cavalli à Dortmund où elle est artiste en résidence de 2001 à 2013. Elle met en scène La Bohème et Boris Godounov à Dortmund, Die Zauberflöte à Kassel. En 2013, elle signe Ariadne auf Naxos au festival de Glyndebourne. Elle met actuellement en scène Rigoletto à Nordhausern. Elle est invitée prochainement au Royal Opera House Covent Garden de Londres.
La Clemenza di Tito à l’OnR Saison 2000-2001 La Clémence de Titus de Mozart Direction musicale Dietfried Bernet Mise en Scène David Pountney
Saison 2004- 2005 La Clémence de Titus de Christoph Willibald Gluck Direction Michel Capperon Mise en scène Matthew Jocelyn
Prolongements pédagogiques
Arts du son
> S’approprier l’œuvre par l’écoute et le chant > Grands airs de solistes, ensembles et chœurs caractérisés par une écriture vocale expressive et variée > Instruments solistes chers à Mozart sublimant les lignes vocales > L’opera seria > Entre opera seria et dramma giocoso > Langage musical et style classiques > Genèse de La Clémence de Titus, Mozart en 1791 (vie et œuvre) > Schéma des liens entre les personnages en rapport avec les tessitures
Arts du langage
> Un opéra en italien > La tragédie classique : La Clémence d’Auguste ou Bérénice, par exemple > Langues anciennes et opéra : « De Mozart à Cicéron » (niveau terminale, option latin) site de l’académie d’Aix-Marseille > Contexte de l’époque (fin de l’absolutisme) > Tite et Bérénice de Corneille // Cinna (clémence) > Bérénice de Racine > Suétone > La Clémence selon Sénèque et Montesquieu
Arts du visuel
> Bustes, représentations de Titus > Les influences de l’antiquité gréco-romaine sur l’art classique > Cinéma : le péplum > élaborer une bande dessinée à partir du livret de La Clémence de Titus
Histoire
> Le siècle des Lumières, le despotisme éclairé, l’humanisme > Rome en 79-81 ap. J.C. > Le Capitole à Rome > Le personnage de Titus : l’empereur / la psychologie du personnage
Arts de l’espace
> Architectures de théâtres : de la Rome antique à des théâtres futuristes du XXIe siècle (ceux de Valence et de Pékin par exemple)