OnR LeMag #2

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LE MAG

OPÉRA NATIONAL DU RHIN DÉCEMBRE 2017 > JANVIER 2018

pour kirill serebrennikov La situation du metteur en scène et cinéaste russe est dramatique. Nous attirons votre attention sur son travail et sa personnalité alors qu’il est assigné à résidence et contraint au silence.

opéra

francesca da rimini L’opéra de Riccardo Zandonai sur un livret de Gabriele D’Annunzio est le chef-d’œuvre méconnu de la musique italienne du début du XXe siècle. Vous ne pourrez pas résister à la puissance de l’histoire d’amour tragique de Paolo et Francesca.

danse

chaplin

récital

mark padmore Le ténor britannique est un merveilleux interprète de Franz Schubert. Il nous propose un Winterreise d’exception avec la pianiste Mitsuko Uchida.

STRASBOURG • MULHOUSE • COLMAR

Entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra national du Rhin de l’une des plus belles réussites du chorégraphe Mario Schröder. L’artiste qui a marqué le monde de films inoubliables revient sous la forme d’un danseur pour évoquer le tragique et la beauté de nos existences.


POUR LES FÊTES

offrez une scène ! En décembre, vivez la magie de Noël à l’Opéra. Des spectacles enchanteurs pour petits et grands : émerveillement garanti ! FRANCESCA DA RIMINI / Opéra / 8 > 28 décembre 2017 RÉCITAL • MARK PADMORE / Opéra / 9 décembre 2017 • 20 h AVEC MON COUS(S)IN • MARK PADMORE / Opéra, Bastide / 10 décembre 2017 • 11 h NOËLS D’ICI ET D’AILLEURS • OPÉRA STUDIO / Opéra, Bastide / 15 décembre 2017 • 18 h MIDI LYRIQUE • IN DUBLIN’S FAIR CITY / Opéra, Ponnelle / 16 décembre 2017 • 11 h CONCOURS VOIX NOUVELLES • FINALE RÉGIONALE / Opéra / 20 décembre 2017 • 19 h NOËL EN CHŒUR / Opéra / 22 décembre 2017 • 18 h MIDI LYRIQUE • MERRY CHRISTMAS ! / Opéra / 23 décembre 2017 • 11 h

De la surprise et de l'émotion ? Le chèque-cadeau de l’Opéra national du Rhin fera vibrer vos proches. Vous déterminez un montant et permettez au bénéficiaire de choisir spectacles, dates et placement. D’une grande flexibilité et valable sur 2 saisons, le chèque cadeau peut être utilisé en une ou plusieurs fois.

© plainpicture/Hanka Steidle

Le chèque-cadeau est disponible à la caisse de l’Opéra, par téléphone au 0825 84 14 84 (du lundi au vendredi de 10h30 à 12h30) ou sur www.operanationaldurhin.eu – billetterie en ligne – boutique en ligne. Pour tout renseignement supplémentaire, n’hésitez pas à nous contacter à caisse@onr.fr


édito Chers lecteurs, chers amis, Avant de vous livrer le contenu du deuxième numéro de notre magazine, je tiens à revenir en quelques mots sur ce début de saison. Nous avions rêvé d’une fête partagée, vous avez été au rendez-vous et je vous en suis extrêmement reconnaissante. Création contemporaine avec Kein Licht, nouvelle production des Nozze di Figaro, feu d’artifice musical avec Prélude, récital avec Marie-Nicole Lemieux, premier programme du Ballet et les nombreuses rencontres qui m’ont permis de faire votre connaissance, les trois premiers mois ont été riches en émotions et m’ont confirmé que le public que Marc Clémeur a développé au cours des années a un enthousiasme, une chaleur et une exigence qui constituent l’« esprit des lieux » si particulier que j’ai rencontré à Strasbourg, Mulhouse et Colmar. Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai est pour moi un chefd’œuvre. C’est un opéra étrangement méconnu et pourtant tout à fait extraordinaire. Pour réaliser cette nouvelle production, j’ai proposé à deux personnalités brillantes et attachantes, le chef d’orchestre Giuliano Carella et la metteuse en scène Nicola Raab, de donner vie à l’histoire de Francesca et de Paolo. L’Orchestre philharmonique de Strasbourg, les chanteurs et nos chœurs vous feront vivre, j’en suis convaincue, des émotions vives et bouleversantes. Bruno Bouché a eu la belle idée de vous proposer un superbe ballet de Mario Schröder pour débuter l’année 2018. Ce Chaplin est une déclaration d’amour du chorégraphe à l’un des plus grands artistes du XXe siècle. L’entrée au répertoire de cette œuvre exaltante vous séduira et vous réjouira. Le récital de Mark Padmore, accompagné de Mitsuko Uchida, et la création française de Mouton, un spectacle de théâtre musical très attachant destiné aux plus jeunes, les midis lyriques et nos rencontres des « scènes ouvertes » complètent la programmation des deux prochains mois. Alors que nous entrons dans une période d’allégresse, de réjouissance et de générosité avec l’approche de Noël, un moment où la chaleur humaine est si importante, j’ai tenu à ouvrir ce numéro de notre magazine avec un hommage à un artiste extraordinaire avec lequel nous étions en contact pour un projet pour l’OnR. Kirill Serebrennikov est dans une situation dramatique depuis plusieurs mois. Nous tenions à vous le faire découvrir et à lui envoyer un signe d’amitié chaleureuse, faute de mieux, pour qu’il conserve espoir malgré tout. Je vous souhaite dès à présent de très belles fêtes de fin d’année. EVA KLEINITZ

SOMMAIRE

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Pour Kirill Serebrennikov

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Francesca da Rimini

11 Francesca ou l’amour impossible

Entretien avec Giuliano Carella

15 Un tourbillon au-dessus de l’abîme

Entretien avec Nicola Raab

20 Chaplin

Mario Schröder, un portrait Par Rémy Fichet

26 Ballet de l’Opéra national du Rhin Danser ensemble Par Solène Souriau

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Récital / Mark Padmore De l’interprétation du lied en général et du Winterreise de Schubert en particulier... Entretien avec Mark Padmore

34 Mouton

Qui suis-je ? Entretien avec Rogier Hardeman

38 Sindbad

Épisode 2 – Vivre sans peur Entretien avec Sébastien Dutrieux

40 Fidelio

Partager le beau Entretien avec Giusi Pajardi

42 Midis lyriques

43 Vite dit 44 Calendrier Directrice de la publication Eva Kleinitz Rédacteur en chef Christian Longchamp Directrice de la communication Mélanie Aron Conception graphique la fabrique des regards / Muriel Waerenburgh Iconographie la fabrique des regards / Lise Bruyneel Secrétariat de rédaction Julien Roide Impression Ott Imprimeurs Journal imprimé à 15000 exemplaires Licences 2-1055775 et 3-1055776 ISSN : 2556-5397 Photo cover : © Giulia Bersani, Lovers


© Audoin Desforges / Pasco and Co


POUR KIRILL SEREBRENNIKOV METTEUR EN SCÈNE & CINÉASTE

Retirer la liberté physique et la liberté de création à un artiste pour des raisons grotesques, politiques, est indigne d’une nation dont la richesse de la culture n’a cessé d’être, depuis des siècles, un exemple pour l’Europe et pour le monde. En Russie, l’art a occupé et occupe toujours, dans toutes les couches de la société, une place qu’il a perdue dans beaucoup de pays de notre Europe occidentale. C’est l’une des raisons principales de notre passion pour la Russie. Nous l’envions à cet égard. La mise sous silence de Kirill Serebrennikov, scandaleuse dans tout État de droit, nous rend plus furieux encore parce qu’elle touche un artiste qui vit, travaille et crée à Moscou. L’Opéra national du Rhin était en relation avec Kirill Serebrennikov jusqu’à son arrestation le 22 août afin de préparer avec lui une nouvelle production pour la saison 2019/2020. Compte tenu de cette situation dramatique, ce projet est en péril, comme d’autres projets que cet artiste comptait développer au cours des prochains mois sur des scènes de théâtre et d’opéra ou derrière la caméra. Interdire à un artiste de s’exprimer, c’est le tuer à petit feu. Nous ne pouvons qu’espérer que cette mascarade tragique et violente prendra fin au cours des prochains jours ou des prochaines semaines. Il en va de la vie d’un artiste et de l’honneur d’un pays.

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Le cas dramatique de Kirill Serebrennikov appelle une réflexion plus large sur les risques qu’encourent nos démocraties européennes au moment où replis identitaires, rejets des minorités, tentations populistes et réductions de l’imaginaire des peuples sur des visions falsifiées de l’Histoire ne cessent de gagner du terrain. L’attitude des gouvernements hongrois et polonais à l’endroit de nombreux artistes est depuis plusieurs mois, nous ne devons jamais le perdre de vue, extrêmement préoccupante. Raison pour laquelle, nous avons souhaité associer à cet hommage à Kirill Serebrennikov, à cet appel à sa libération immédiate, la réflexion passionnante de la journaliste et essayiste Carolin Emcke dont le livre Contre la haine, pour une culture de l’impur vient de paraître dans sa traduction française. Il nous éclaire sur les dangers et les impasses de notre époque, tout en proposant de lumineuses réflexions sur la possibilité d’un nouveau vivre-ensemble au XXIe siècle.


POUR KIRILL SEREBRENNIKOV

KIRILL SEREBRENNIKOV

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Directeur artistique du Gogol Center depuis 2012, Kirill Serebrennikov est l’un des artistes les plus passionnants de sa génération. Metteur en scène de théâtre et d’opéra, cinéaste, scénographe, ses créations n’ont cessé depuis une quinzaine d’années d’attirer l’attention sur son talent, son originalité et son univers poétique. Plusieurs de ses spectacles ont été présentés au cours des dernières années au Festival d’Avignon ou aux Wiener Festwochen. Récemment, Il barbiere di Siviglia de Rossini au Komische Oper de Berlin et Salome de Strauss à l’Oper Stuttgart lui ont valu de grands succès publiques et critiques. Son film Le Disciple à été présenté avec succès au Festival de Cannes en 2016 dans la sélection « Un certain regard ». Le précédent, Trahison, était en compétition officielle lors de la 69e édition de la Mostra de Venise. En juillet 2017, deux jours avant la première de la création du ballet Noureev au Bolchoi, spectacle consacré au grand danseur et chorégraphe russe, décision fut prise par les autorités d’annuler la première et de la reporter sine die. Son approche personnelle, qui évoquait notamment l’homosexualité de Noureev, avait déplu à la censure. Depuis cet été, Kirill Serebrennikov est assigné à résidence suite à une accusation de détournement d’argent public. Il encourt jusqu’à dix ans d’emprisonnement. Tout laisse à penser que ces accusations sont dénuées de tout fondement et que cette arrestation qui l’empêche de poursuivre sa carrière (sa nouvelle production de Hänsel und Gretel de Humperdinck à l’Oper Stuttgart a été présentée, tronquée, sous la forme d’un état de travail en cours, en forme de soutien à l’artiste russe ; la production d’un film consacré à Tchaïkovski est interrompue) a pour but de museler et d’isoler un artiste qui n’a cessé de défendre la liberté de création et les droits des minorités.

© Martin Sigmund

Salome de Richard Strauss, mise en scène de Kirill Serebrennikov, Oper Stuttgart, 2015-2017

Le Disciple, affiche du film de Kirill Serebrennikov


POUR KIRILL SEREBRENNIKOV

Je viens de travailler au théâtre sur la figure d’Andreï Tarkovski. Chaque phrase de son journal résonne aujourd’hui dans mon corps quand je pense à ce qui arrive à Kirill Serebrennikov. Nous, artistes libres de nous exprimer, de nous insurger, de crier nos colères ne pouvons voir ce qui se passe là-bas, tout près, que comme cette résurgence pathologique qui a frappé tant de grands artistes russes dans la première moitié du XXe siècle. Ne pouvons-nous donc pas apprendre du passé, d’un passé récent ? En Allemagne, l’Af D entre au Bundestag et pourtant l’Allemagne du Parti National Socialiste et le génocide des juifs c’était hier. Qu’est-ce qui nous arrive ? Sommes-nous si oublieux ou si pourris à la racine que nous ne pouvons ou ne voulons rien apprendre de ce qui nous est arrivé ? La tentation est forte de baisser les bras, d’abandonner, mais c’est là que réside la plus forte barrière face à la barbarie : dans l’éveil. Nous devons être des veilleurs infatigables, être constamment des relais à défaut de peser directement car ce qui est le plus dangereux, ce sont nos lâchetés, nos complaisances, nos relâchements : dans toutes les époques sombres ce ne sont pas les dirigeants qui étaient les plus coupables mais bien tous ceux, les majorités silencieuses et complices, qui ne cessaient de se répéter qu’« il n’y avait rien à faire ». Restons éveillés, témoignons, ouvrons nos gueules, c’est peu, mais c’est déjà beaucoup. Stanislas Nordey Metteur en scène et Directeur du Théâtre national de Strasbourg

© Thomas Aurin

Hänsel & Gretel de Engelbert Humperdinck, sur un concept de mise en scène et à partir de matériaux de Kirill Serebrennikov, Oper Stuttgart, 2017

Le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov, dont l’extraordinaire mise en scène de Salome à l’Oper Stuttgart fut saluée par le public et la critique, devait ouvrir cette saison par une nouvelle production de Hänsel und Gretel. Mais le directeur du Gogol Center de Moscou est en résidence surveillée depuis ce mois d’août 2017, sans contact avec l’extérieur à l’exception de son avocat. Les autorités russes l’accusent d’avoir détourné de l’argent public. La communauté artistique et théâtrale, russe et internationale, n’est pas dupe : il ne s’agit que d’une machination pour condamner à un silence de mort un artiste hors norme. Dans cette situation tragique, nous avons convenu de maintenir notre programmation. En nous appuyant sur tout le travail préparatoire de Serebrennikov, nous avons essayé, avec la participation de toute la compagnie, de trouver une forme qui n’évoquerait pas uniquement l’espoir et la détresse de Hänsel et Gretel, mais aussi la dimension politique que le cas Serebrennikov constitue, comme un manifeste pour la liberté de l’art. Aucun artiste ne peut être empêché par la force publique de s’exprimer librement par son travail, que ce soit en Russie ou ailleurs. C’est la raison pour laquelle nous avons tenu à lancer un signal avec une fête pour la liberté et l’espoir – pour Kirill Serebrennikov et pour tous ceux qui sont dans l’adversité et souffrent sous les coups de la répression. Jossi Wieler

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Metteur en scène et directeur de l’Oper Stuttgart


POUR KIRILL SEREBRENNIKOV

Nous protestons contre l’arrestation de Kirill Serebrennikov. Les accusations proférées contre lui sont sans fondement et laissent entrevoir qu’il s’agit de réduire au silence un metteur en scène de renommée internationale. Serebrennikov est accusé d’avoir détourné des fonds publics sous prétexte d’une mise en scène du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare qui n’aurait jamais eu lieu. Cependant, l’accusation, dans son absurdité, est démentie par des enregistrements vidéo, des critiques dans la presse écrite, des réactions de spectatrices et spectateurs sur Facebook, plusieurs représentations à Riga et à Paris, la nomination de la production pour le prix du Théâtre National de Russie, les Golden Mask Awards, ainsi que, enfin et surtout, le calendrier du Gogol Center à Moscou. Malgré cela, Serebrennikov se voit menacé, en cas de condamnation, d’une peine allant jusqu’à dix ans de prison. L’assignation à résidence qui lui a été signifiée d’ici l’ouverture du procès s’avère également disproportionnée. Obligé de porter un bracelet électronique, interdit d’usage d’Internet et de communication par email, il n’a l’autorisation de communiquer qu’avec son avocat. Condamnation a priori, qui signifie, pour un des artistes russes contemporains des plus célèbres, une privation de contact et donc, de toute création. Nous demandons au ministère public russe d’abandonner la procédure pénale contre Kirill Serebrennikov, ainsi que toutes les accusations spécieuses et fallacieuses contre lui. Nous appelons les membres de notre gouvernement à intervenir avec la plus extrême fermeté pour empêcher que Serebrennikov ne se retrouve en prison suite à la campagne de diffamation aux motifs purement politiques dont il est victime. Thomas Ostermeier & Marius von Meyenburg Thomas Ostermeier est metteur en scène et directeur de la Schaubühne de Berlin / Marius von Meyenburg est écrivain et metteur en scène Signez la pétition en soutien à Kirill Serebrennikov sur www.change.org/p/freiheit-für-kirill-serebrennikov-freekirill

Il barbiere di Siviglia, mise en scène de Kirill Serebrennikov, Komische Oper Berlin, 2016


POUR KIRILL SEREBRENNIKOV

POPULISME / CULTURE

A

Carolin Emcke a notamment reçu le « Friendenspreis des Deutschen Buchhandels » en 2016 et elle conçoit et anime la remarquable série de rencontres « Streitraum » sur la scène de la Schaubühne de Berlin depuis la saison 2004/2005 (archives disponibles sur schaubuehne.de).

© Andreas Labes

u cours des dernières années, la journaliste et essayiste allemande Carolin Emcke est devenue une personnalité incontournable dans de nombreux débats sur la société contemporaine. Remarquée pour ses reportages en Afghanistan, au Pakistan, en Irak et dans la bande de Gaza, elle a travaillé pour les hebdomadaires « Der Spiegel » et « Die Zeit ». Elle intervient régulièrement désormais dans le quotidien « Die Süddeutsche Zeitung ». Ses livres Von den Kriegen, Briefe an Freunde et, récemment, Gegen den Hass ont confirmé sa position d’intellectuelle allemande engagée. Ce dernier livre vient d’être publié aux éditions du Seuil sous le titre Contre la haine, plaidoyer pour l’impur. Il est une réflexion passionnante sur l’Europe contemporaine et sur la nécessité de construire une société ouverte et généreuse afin de lutter contre les peurs et les replis identitaires qui assiègent désormais de nombreuses démocraties.

Comment définiriez-vous les populismes qui semblent désormais si présents dans de nombreux pays occidentaux ? Qu’ont-ils en commun ? Quelles en sont les racines ? Le populisme de droite est un phénomène international. Il y a certains cadres propices à l’expression de la haine, des schémas idéologiques du ressentiment que l’on retrouve au niveau international. Et puis on trouve des applications à moindre échelle avec des exemples particuliers qui sont utilisés pour mobiliser les gens au niveau local ou national. Ce qu’ils ont tous en commun, c’est une référence à l’homogénéité culturelle ou religieuse, un dogme du « pur ». Ce qu’ils ont en commun, c’est qu’ils ne peuvent pas penser l’hybridité. Une culture, une nation, un mouvement seraient censés inclure ceux qui partagent les mêmes pratiques et croyances homogènes et en exclure d’autres. Ce que ces idéologues du pur ont en commun, c’est aussi une certaine forme de chauvinisme, d’autoritarisme, un manque de respect pour la pluralité d’opinions, pour la pluralité des religions ou pour la pluralité des conceptions de ce que peut être une vie bonne.

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En Pologne et en Hongrie, on peut voir une profonde colère et un rejet de l’UE malgré que ces deux pays ont obtenu et reçoivent encore des investissements et de l’aide de Bruxelles. Aucun drapeau de l’UE n’y est visible


POUR KIRILL SEREBRENNIKOV

Les théâtres sont des lieux où les gens apprennent l’empathie, où ils entendent et voient les vies et les peurs et les désirs des autres, où ils sont confrontés à des voix dissidentes, des corps, des langues.

dans les espaces publics. Ces deux pays très importants défient la France et l’Allemagne en particulier. D’où vient ce sentiment à votre avis ? Je ne suis pas un expert de la Pologne et de la Hongrie, mais vous pouviez déjà voir il y a longtemps un fort accent nationaliste dans la politique hongroise, par exemple – le développement de Victor Orban en un politicien qui défie explicitement le concept d’une société ouverte et libérale a longtemps été négligé. Mais c’était visible : dans les différentes formes de racisme à l’égard des Roms, dans le développement de l’antisémitisme, l’attaque lente, profonde, et surtout indiscutable de l’indépendance des médias, de la sphère judiciaire, des institutions culturelles. Je pense que ce qui nourrit ce populisme anti-européen en Pologne et en Hongrie, c’est une certaine forme d’anti-modernisme, d’opposition aux valeurs des Lumières et aux valeurs libérales au sens anglo-saxon. Les thèses qu’il défend excluent le respect et l’égalité des personnes de différentes religions, de couleurs de peau différentes et de sexualités différentes. Avez-vous l’impression que cette forme de rejet des soi-disant « élites » (artistes et politiciens) a des similitudes avec le rejet du « cosmopolitisme » si présent dans les pays européens entre les deux guerres mondiales du siècle dernier ? C’est une question intéressante. Qui définit une « élite »  ? Qui sont les « gens » qui se sentent abandonnés par l’élite ? Je pense que ces termes encadrent déjà un récit qui est discutable : il confond le capital symbolique avec le pouvoir économique ou politique. Ils suggèrent que le cosmopolitisme et l’internationalisme étaient des

projets d’une élite riche (souvent, ce que l’on entend par là, c’est une élite juive ... il y a toujours cette rhétorique antisémite dans le fond de ce récit). Mais penser et vivre dans des cadres supranationaux n’est pas seulement un projet des élites ; c’est la réalité pour des millions de migrants partout dans le monde. C’est aussi un projet de la classe ouvrière, si du moins il y avait un plus grand sentiment de solidarité et de communauté parmi ceux qui sont dans la précarité au niveau international. En Russie avec le cas Serebrennikov, en Hongrie avec le cas Schilling, en Pologne avec les décisions récentes du pouvoir de licencier des directeurs ou des intendants considérés comme des opposants politiques, on a le sentiment que, pour les politiciens populistes et néo-conservateurs, le théâtre est un problème et que les metteurs en scène représentent une sorte de danger ou de menace. Comment l’expliquez-vous ? Cela n’est-il pas plutôt inattendu dans notre monde numérique ? Pour eux, ce qui se passe sur une scène semble finalement avoir de l’importance... Non, c’est tout à fait compréhensible, selon moi. Les théâtres sont des lieux où les gens apprennent l’empathie, où ils entendent et voient les vies et les peurs et les désirs des autres, où ils sont confrontés à des voix dissidentes, des corps, des langues. Les théâtres sont, par nature, composés de différentes facettes, proposent des perspectives contradictoires, des organismes pluriels ; ils créent des images et des récits qui contredisent les images officielles et les récits de l’État. Ils protègent un espace de jeu qui peut toujours changer, qui est toujours en mouvement, qui est toujours résistant.


POUR KIRILL SEREBRENNIKOV

« Les acteurs politiques et sociaux qui, en Europe, invoquent à nouveau le « peuple » et la « nation », emploient ces notions dans une acception délibérément étroite : le « peuple » n’est pas compris comme dèmos mais le plus souvent comme ethnos, c’est un clan dont les membres ont une origine, une langue et une culture que l’on prétend communes. Les partis et les mouvements qui rêvent d’un peuple ou d’une nation homogènes veulent déconstruire l’idée d’une communauté de droits (nationale ou supranationale) d’individus libres et égaux. Ils veulent voir la société traversée par des axes non pas horizontaux, mais verticaux : ce sont les origines ethniques et religieuses qui doivent définir l’appartenance et non l’action commune ou le fait de s’appuyer sur la même constitution, pas plus que les processus ouverts d’une société délibérative. Le droit à la participation devient héréditaire. » « Pourquoi une culture ou une nation homogènes seraient-elles par principe meilleures pour un État moderne que l’hétérogénéité ? Il serait très intéressant de savoir si une société unifiée a de meilleurs résultats économiques, si une société culturellement homogène surmonte mieux les crises écologiques, si elle produit moins d’inégalités sociales entre ses membres, si elle s’avère être une construction politique plus stable ou simplement si ses membres se respectent davantage. Ce qui est sûr, c’est que l’ “argumentation” en faveur d’un Nous homogène relève souvent d’une tautologie primaire : une nation homogène serait meilleure parce qu’elle est homogène. » « Il est important d’observer ces mécanismes d’inclusion et d’exclusion contemporains : à travers quels récits, quels mots les êtres sont-ils départagés et jugés ? Ce sont des dispositifs de dits et de non-dits, des directives administratives et des normes esthétiques, des films et des images qui préparent et justifient le processus de sélection : qui est inclus ou pas, qui accède au pouvoir et qui est voué à l’impuissance, qui obtient des droits et qui se les voit dénier. C’est à travers eux que certaines personnes sont jugées acceptables, adéquates, précieuses et d’autres inférieures, étrangères et hostiles. »

« Mais le plus urgent est de plaider pour l’impureté et la différenciation, parce que c’est ce qui contrarie le plus les haineux et les fanatiques dans leur fétichisme du pur et du simple. Nous avons besoin d’une culture du doute éclairé et de l’ironie, parce que ce sont des catégories de pensée auxquelles répugnent les fanatiques rigoristes et les racistes dogmatiques. »

« Une société démocratique est une organisation dynamique, capable d’apprendre, ce qui présuppose une disposition individuelle et collective à reconnaître les erreurs individuelles ou collectives, à corriger les injustices historiques et à se pardonner mutuellement. Une démocratie n’est pas simplement une dictature de la majorité, elle offre un dispositif dans lequel il ne s’agit pas seulement de décider et de voter, mais aussi de débattre et de peser collectivement le pour et le contre. C’est une organisation qui peut et doit en permanence réajuster ce qui n’était pas assez juste ou assez inclusif. Cela nécessite également une culture de l’erreur, une culture du débat public qui ne soit pas marquée par le mépris mutuel mais par une curiosité réciproque. Reconnaître ses erreurs, en pensées ou en actes, est aussi indispensable pour les acteurs politiques que pour ceux des médias ou de la société civile. Pouvoir, à l’occasion, se pardonner mutuellement, cela fait aussi partie de la texture morale d’une démocratie vivante. »

P. 8 – 9

Dossier conçu et réalisé par Eva Kleinitz & Christian Longchamp


© plainpicture / neuebildanstalt /Rumbach

francesca da rimini


FRANCESCA DA RIMINI / RICCARDO ZANDONAI Opéra en quatre actes Livret de Tito Ricordi, d’après la pièce de Gabriele d’Annunzio Créé le 19 février 1914 au Teatro Regio de Turin

FRANCESCA OU L’AMOUR IMPOSSIBLE ENTRETIEN GIULIANO CARELLA, CHEF D’ORCHESTRE Propos recueillis par Tiziano Pellegrino

C’

est un chef d’orchestre engagé et passionné qui s’apprête à diriger la nouvelle production de Francesca da Rimini à la tête de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Giuliano Carella voue depuis longtemps une passion pour l’opéra de Riccardo Zandonai. Nul n’était mieux à même que lui pour le faire découvrir au public de l’OnR. Créé en 1914, rarement programmé, il est pourtant de la trempe des grands opéras de Puccini ou Mascagni. Deux nouvelles productions à quelques mois d’intervalle vont permettre à Francesca de recevoir l’attention qu’il mérite : après l’Opéra national du Rhin, ce sera en effet autour de la Scala de Milan de revisiter l’œuvre impressionnante de Zandonai. Le temps de Francesca da Rimini est sans doute venu.

Quelle place occupe Zandonai dans le panorama de la musique italienne ? Riccardo Zandonai est assurément l’une des personnalités fondamentales du monde musical italien de la première partie du XXe siècle. Sa sensibilité, sa formation (n’oublions pas qu’il fut notamment l’élève de Pietro Mascagni), sa « foi dans le mélodrame », son génie extraordinaire en font un artiste essentiel de cette époque. Malheureusement, on ne peut que regretter que, même en Italie, cette importance considérable ne soit pas soulignée ou rappelée plus souvent. Comment pourriez-vous définir l’orchestration de Francesca da Rimini ? D’une richesse formidable ! Le Maestro a donné à l’orchestre une variété de couleurs et a écrit avec une telle précision les différents timbres que la partie purement instrumentale de cet opéra possède une véritable force P. 10 – 11

Quand et dans quelles conditions avez-vous découvert Francesca da Rimini ? Mon premier contact avec Francesca da Rimini fut le fruit pour ainsi dire du hasard. C’est l’écoute du légendaire enregistrement de la RAI en 1952, dirigé par Antonio Guarnieri avec Maria Caniglia (nous parlons là d’un très lointain passé…). Je me souviens aussi très bien de la première fois où j’ai vu Francesca sur scène : au Teatro Massimo de Palerme avec la grande Rajna Kabaivanska et le jeune José Cura dirigés par Maurizio Arena. Mais ce qui demeure pour moi une expérience extraordinaire, inoubliable, qui me donna l’occasion de la découverte intime de la richesse de cette partition, c’est l’invitation qui me fut faite en 2000 de diriger le Radio Filharmonisch Orkest (Orchestre de la Radio néerlandaise) pour une version en concert au Concertgebouw d’Amsterdam, avec Nelly Miricioiu.


OPÉRA FRANCESCA DA RIMINI / GIULIANO CARELLA

dramaturgique à l’intérieur de l’œuvre. Prenons par exemple la manière avec laquelle il caractérise musicalement chaque personnage grâce à une palette personnelle, raffinée qui doit beaucoup non seulement à sa connaissance de la musique italienne et allemande mais également de la musique française. Sans oublier bien sûr la polychromie sonore qu’il déploie pour évoquer les lieux et les ambiances qui est une des singularités les plus fascinantes de cette partition merveilleuse. La nomenclature de l’orchestre est-elle particulière ? Est-elle semblable à certaines œuvres qui lui sont contemporaines, à celles de Puccini par exemple ? L’orchestre est le protagoniste principal dans l’évolution du langage musical du début du XXe siècle. L’orchestration, dans un enrichissement et un approfondissement permanents, s’exprime notamment dans le détail et la grande diversité des timbres. L’expérience de Zandonai est proche à cet égard de celle de ses contemporains, de Giacomo Puccini en effet, lequel recherchera durant toute sa carrière une couleur orchestrale particulière (il suffit de penser, non seulement à Turandot ou au Trittico, mais aussi à Madama Butterfly et à Tosca). La conséquence en est la présence dans Francesca, non seulement d’un ensemble instrumental assez SYNOPSIS important, avec notamment la flûte basse (et il faut nous rappeler que nous sommes en 1914 ; Puccini créera son Trittico en 1918 et Francesca, lectrice passionnée des amours Turandot, incomplet, ne verra le jour qu’en 1926), mais également, de Tristan et Iseult ou de Lancelot et Guetémoignage d’une certaine sophistication, le luth, la viola pomposa nièvre, est promise à un homme puissant et le buccin. qu’elle n’a jamais rencontré, héritier d’une famille ennemie. Ce mariage politique, arranY a-t-il, pour un chef d’orchestre, des difficultés ou des challenges gé par son père, a pour but de sceller une particuliers dans cette partition ? paix nécessaire au moment où s’affirment Francesca da Rimini est une œuvre extrêmement complexe pour un de nouveaux dangers. Un stratagème odieux chef d’orchestre. D’un point de vue purement interprétatif et d’un va tromper la jeune femme : on lui présente point de vue spécifiquement technique. Francesca est un défi en soi, non pas son futur mari, physiquement par sa propre nature. Un défi exigeant et enthousiasmant auquel je repoussant, mais son frère, le beau Paolo, me voue avec une infinie admiration pour ce chef-d’œuvre extraordont elle tombe immédiatement amoureuse. dinaire. Si elle sait respecter un époux qu’on lui a imposé, elle ne peut résister à la passion qui s’est emparée d’elle. C’est un troisième frère qui va lui porter le coup fatal. Après avoir été éconduit par sa belle-sœur, lascif et jaloux, celui-ci révèle à son frère aîné que Paolo entretient une relation amoureuse avec sa femme. L’assassinat des deux amoureux surpris au cœur de la nuit clôt cette tragédie saisissante.

© DR

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Un jour, par plaisir, nous lisions les amours de Lancelot ; comment l’amour l’enserra de ses liens ; nous étions seuls et sans aucune défiance. Plusieurs fois cette lecture attira nos regards l’un vers l’autre et décolora notre visage ; mais un seul moment nous vainquit. Quand nous lûmes comment les riantes lèvres désirées furent baisées par un tel amant, celui-ci, qui jamais de moi ne sera séparé, tout tremblant me baisa la bouche : ce jour nous ne lûmes pas plus avant.

Vous avez souligné ce qui, dans l’enrichissement de l’orchestre, rapproche Zandonai de ses contemporains. Est-ce que Francesca da Rimini se démarque cependant des œuvres de Puccini, Mascagni et Respighi et si oui pour quelles raisons ? Francesca da Rimini a en effet de nombreux aspects qui le différencient non seulement d’opéras qui lui sont proches dans le temps mais d’autres œuvres de Riccardo Zandonai, comme Conchita, Giulietta e Romeo ou encore I cavalieri di Ekebù. Une des raisons particulières se trouve dans l’heureuse rencontre entre le Maestro de Rovereto et la riche et fascinante poétique dannunzienne, entre le compositeur et “l’immaginifico poema di sangue e di lussuria” (« le fabuleux, fantastique poème de sang et de luxure », 1), riche d’une grande musicalité et d’une finesse linguistique, qui ont permis à Zandonai d’être porté, en totale

Bien que le sujet soit typiquement italien, est-ce que la partition ne contient pas plus d’allusions à la musique allemande qu’à la tradition musicale italienne ? Il est incontestable que la connaissance du répertoire allemand a largement influencé les parcours des compositeurs italiens et non pas uniquement ceux de Riccardo Zandonai et de ses contemporains Personnellement, je suis plus enclin, et pas uniquement parce que nous nous trouvons à Strasbourg, à une lecture plus européenne de certains traits du passé. On ne peut imaginer Rossini sans l’expérience mozartienne ; tout comme il n’est pas pensable de considérer Mozart sans l’intérêt qu’il porta aux compositeurs italiens qui ont contribué à sa formation… Je me représente l’histoire de l’opéra comme une grande fresque européenne en devenir et, par conséquent, comme un message de culture et d’espoir. Bien évidemment, Zandonai, originaire de Rovereto, doit beaucoup à la culture germanophone, même si, on ne doit pas l’oublier, il fut accusé de désertion, ses biens confisqués, pour avoir soutenu l’annexion italienne du Trentino.

1. C’est ainsi que D’Annunzio lui-même qualifiait sa pièce de théâtre dont est issu le livret de l’opéra

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– Dante Alighieri, La Divine Comédie, L’Enfer / Chant V

adhésion avec le texte, par l’esprit du « Vate » (le « devin » comme il était coutume de surnommer l’écrivain, ndt). Gabriele D’Annunzio a été l’une des personnalités capitales de l’Italie de la première partie du XXe siècle. Plusieurs compositeurs de l’époque ont compris son génie et ont voulu se l’associer pour des créations lyriques comme Alberto Franchetti avec La figlia di Iorio ou Pietro Mascagni avec Parisina. Sans vouloir réduire la qualité de ses œuvres, on ne peut néanmoins contester que Francesca da Rimini les domine largement par son ambition et sa réussite artistiques.


OPÉRA FRANCESCA DA RIMINI / GIULIANO CARELLA

Quel impact a eu Tristan und Isolde de Wagner en Italie à la fin du XIXe et au début du XXe siècle ? Énorme, mais comment pourrait-il en être autrement ? Tristan représente un moment majeur dans l’histoire de l’art, je dirais même dans l’histoire de l’humanité. Une œuvre qui déconcerta, qui créa des réactions opposées et qui ouvrit de nouvelles perspectives. Tristan und Isolde, si vous m’y autorisez, est aussi à sa façon une œuvre « italienne »… Elle est en tous les cas européenne. Vocalement, le rôle de Francesca, très exigeant, demande quelles qualités spécifiques ? De quel autre rôle du répertoire peut-on le rapprocher ? Le rôle de Francesca a toujours été l’apanage de grandes personnalités artistiques, rappelons-nous de Maria Caniglia et Rajna Kabaivanska, puis de Daniela Dessì, sans oublier l’excellente Magda Olivero dont ce fut l’un des rôles favoris. Aux qualités vocales il est indispensable d’associer une force théâtrale et ce que nous pourrions appeler de la « présence » sur scène. Vocalement, le rôle est extrêmement exigeant, demande une tessiture large et riche de couleurs. Un rôle que nous pourrions rapprocher de celui de Francesca ? C’est l’un des plus difficiles du répertoire qui me vient tout de suite à l’esprit : celui de Madama Butterfly. D’Annunzio, en 1901, lorsqu’il crée sa tragédie au théâtre, avec la Duse dans le rôle-titre, est fasciné par le décadentisme de Huysmans et le symbolisme de Moreau. Est-ce que l’on connaît un intérêt de Zandonai pour la musique et la culture françaises ? Je reviens à la perspective européenne que j’évoquais. Riccordo Zandonai, homme de culture et grand compositeur, a connu et aimé la culture française et sa musique.

Nous avons évoqué des influences allemandes mais, à y regarder de près, nous trouvons dans Francesca da Rimini beaucoup de traits purement français. Si la leçon wagnérienne n’a pas été oubliée, nous pouvons affirmer que celle de Claude Debussy n’a pas du tout été rejetée. Comment expliquer que ce chef-d’œuvre reste si méconnu ? La raison réside certainement dans la difficulté de produire un opéra aussi exigeant et de cette complexité. Exigence et complexité qui effraient, malheureusement, beaucoup d’institutions lyriques, même en Italie, où Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai devrait être l’un des titres au répertoire des théâtres. Bien au contraire, c’est un opéra qui est très injustement mis de côté et qui a été rarement programmé au cours des dernières saisons. Vous avez déjà eu l’occasion de diriger à plusieurs reprises l’Orchestre philharmonique de Strasbourg ? Est-ce que vous lui trouvez des qualités qui le singularisent par rapport à d’autres orchestres français ? L’Orchestre philharmonique de Strasbourg est un orchestre exceptionnel et d’un énorme potentiel que je suis honoré de diriger à nouveau à l’occasion de cette production. Chaque orchestre a une âme singulière. L’Orchestre philharmonique de Strasbourg excelle non seulement dans le cadre français mais plus largement au niveau international. Il possède à la fois goût et intelligence, modernité et tradition, savoir et désir de nouvelles expériences, dons qui le placent assurément parmi les plus intéressants du panorama des grands orchestres.

LA CDTHÈQUE IDÉALE DE... GIULIANO CARELLA

GIACOMO PUCCINI

VINCENZO BELLINI

GEORGES BIZET

GIUSEPPE VERDI

GIACOMO PUCCINI

GAETANO DONIZETTI

La Bohème Direction musicale : Antonino Votto Orchestre et chœurs du Maggio Musicale Fiorentino Deutsche Grammophon

Norma Direction musicale : Tullio Serafin Orchestre et chœurs du Teatro alla Scala EMI Classics

Carmen Direction musicale : Herbert von Karajan Berliner Philharmoniker et Chœur de l’Opéra de Paris Deutsche Grammophon

La Traviata Direction musicale : Carlos Kleiber Bayerisches Staatsorchester Deutsche Grammophon

Tosca Direction musicale : Victor De Sabata Orchestre et chœurs du Teatro alla Scala Warner Classics

Lucia di Lammermoor Direction musicale : Tullio Serafin Orchestre et chœurs du Maggio Musicale Fiorentino EMI Classics


UN TOURBILLON AU-DESSUS DE L’ABÎME ENTRETIEN NICOLA RAAB, METTEUSE EN SCÈNE Propos recueillis par Tiziano Pellegrino

C’

Pourriez-vous nous décrire en quelques mots les personnages principaux de cet opéra  ? Je pense bien sûr à Francesca et aux trois frères. Francesca, un vrai personnage d’annunzien, est, comme je l’ai dit, inconsciemment à l’origine de cette tornade d’émotions qui va emporter tout le monde sur son passage. Les trois hommes, tous les trois pervers mais chacun à sa façon, tous les trois marqués physiquement, ne serait-ce que par la « beauté » pour l’un d’eux, laissent deviner des carences affectives plus profondes. C’est un opéra symboliste.

En 1901, D’Annunzio a qualifié sa tragédie, dont a été tiré Francesca da Rimini, de « poème de volupté et de sang  ». Est-ce que cette formule vous semble pertinente pour qualifier cet opéra  ? En un sens, oui. Mais ces deux éléments n’ont pas besoin d’illustration scénique. C’est avant tout un opéra sur le non-dit, c’est la musique qui dit tout. La mise en scène devra constamment se demander quoi « montrer » ou ne pas montrer, et, si on le montre, comment.

Comment abordez-vous la mise en scène d’un opéra  ? En quoi a consisté votre préparation pendant toute la période qui a précédé le début des répétitions de Francesca  ? Par intuition, à partir d’une réaction immédiate basée sur ma connaissance du répertoire lyrique et sur mon expérience. Vient ensuite le processus de compréhension de mes intuitions et d’où elles proviennent. Puis tester, vérifier la viabilité de chaque idée, faire des

© DR

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Quelles ont été vos émotions lorsque vous avez écouté pour la première fois cet opéra de Zandonai  ? Des émotions incroyablement fortes à l’endroit de Francesca. Elle est le centre de tous les événements, elle en est l’origine. La première partie de l’acte I est d’une mélancolie presque insoutenable dans l’évocation d’un monde perdu. Puis vient le second motif qui dépeint une tension à la limite du supportable entre les personnages principaux. La musique de Zandonai, d’une extrême justesse, donne le ton : elle crée un monde émotionnel d’une grande intensité.

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est à Nicola Raab que revient de donner chair et sang à Francesca da Rimini. L’artiste allemande décrit ici quelques-uns des traits les plus saillants de cette œuvre splendide, livre certaines clés de son interprétation et retrace un parcours dans le monde de l’opéra qui fait d’elle aujourd’hui, au moment de ses débuts à l’OnR, l’une des metteuses en scène les plus demandées de sa génération.


OPÉRA FRANCESCA DA RIMINI / NICOLA RAAB

Il est le seul à savoir lire les étoiles dans les ténèbres du corps humain. – Jean Cocteau au sujet de Gabriele D’Annunzio

recherches dans la littérature, l’art, les musiques des diverses époques ayant un lien avec l’œuvre, traduire tout cela en mots à l’intention du créateur des décors et de son équipe, puis, ensemble, ordonner le tout pour la scène, trouver le juste langage, les degrés d’abstraction, la nécessité d’illustrer ou pas. Puis, maintenir le concept dans sa fraîcheur et sa vitalité, fixer les moments clefs, poser des points d’ancrage tout au long du spectacle mais, en même temps, accepter les vides, laisser les choses en suspens, s’exposer soi-même à la peur du vide, puis au cours des répétitions, remplir les blancs spontanément, en temps voulu. On évoque souvent Tristan und Isolde lorsqu’on pense à Francesca da Rimini. Vous avez mis en scène l’opéra de Wagner au Novaya Opera à Moscou en 2013. Est-ce que cette production, qui vous a valu une nomination aux Golden Mask Awards, a été souvent à votre esprit pendant votre travail préparatoire sur cette production pour l’Opéra national du Rhin ? Je considère chaque projet comme un projet en soi, car ce n’est pas seulement l’opéra en question, mais c’est aussi le temps et l’espace et le lieu qui pour moi définissent un projet. Tristan à Moscou fut un projet spécial. Ce fut le premier Tristan mis en scène dans son intégralité à Moscou par un ensemble russe. Il fallait analyser cet opéra, littéralement « enseigner » au public et aux chanteurs une tradition théâtrale. Je

soupçonne que si j’avais mis en scène Tristan à l’OnR, c’eût été un spectacle différent. Bien entendu, il y a des parallèles du point de vue de la narration : Smaragdi/Brangäne, apparition d’un moment magique (le philtre, le regard) et rôle du subconscient. Mais je pense que Francesca da Rimini est en soi un opéra assez fort pour s’imposer et qu’il n’a pas besoin de comparaison. Francesca da Rimini associe des moments d’intimité – entre Francesca et les femmes qui l’entourent, entre Francesca et Paolo bien sûr – et des moments où les chœurs sont très présents, puissants. Comment avezvous interprété ce contraste dans votre scénographie ? Pouvez-vous nous la décrire ? Un espace vaste, mais clos, des murs mobiles qui nous permettent de passer rapidement d’un lieu intime à un lieu claustrophobique ou d’entrouvrir une fenêtre sur l’horizon. Le chœur fait partie d’un fascinant paysage sonore, un « soundscape » qui rend sensible la proximité ou la distance des événements par le son. Nous espérons avoir créé un espace scénique où tout cela peut produire le meilleur effet théâtral. Cet opéra fait référence à des familles et à des luttes italiennes de la fin du XIIIe siècle. Vous avez très justement cherché à le détacher de ce contexte historique. Par votre approche dramaturgique, par vos décors et par vos costumes. Comment comptez-vous traiter la dimension guerrière de Francesca da Rimini  ? À mon avis, dans cet opéra, tous les événements extérieurs expriment des vérités psychologiques. Luttes et querelles ne sont pas montrées sur scène, car elles ne sont que l’illustration de la condition humaine aux prises avec le monde, le cosmos. Comme dans la pièce de théâtre, le livret de cet opéra contient de très longues didascalies. Ont-elles compté dans votre réflexion ? Oui, pour chaque opéra elles constituent une part importante de mon travail. À mon avis, avant de décider de les ignorer, vous devez les connaître par cœur. Elles sont très importantes, car elles sont la clef du contexte herméneutique dans lequel les auteurs agissent, la clef qui ouvre sur leur monde. Partant de là, mon objectif est de trouver un équivalent à chacune d’elles dans notre monde d’aujourd’hui et dans notre conception scénique. Vous appartenez à cette catégorie de metteurs en scène qui créent pour chaque projet une équipe


OPÉRA FRANCESCA DA RIMINI / NICOLA RAAB

GABRIELE D’ANNUNZIO

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Gabriele D’Annunzio (1863-1938) est certainement l’une des figures les plus importantes de la vie artistique, mais également politique, italienne des trois premières décennies du XXe siècle. Difficile de résumer une vie aussi contrastée, voire contradictoire en quelques mots. Une chose est certaine cependant, l’auteur de Francesca da Rimini n’aura cessé de vouloir marquer son époque, par sa plume, par son ambition, par ses coûts d’éclats. Convaincu de son génie dès son plus jeune âge, il n’aura eu de cesse de vouloir l’imposer dans tous les milieux et auprès d’innombrables femmes. Scandales et duels ont autant compté que ses talents littéraires. Il donna ses lettres de noblesse au décadentisme fin de siècle. Il était un esthète de l’excès comme le fut Jean des Esseintes, le héros de À rebours de J.-K. Huysmans. Faire de sa vie une œuvre d’art importait autant que sa prétention à inscrire son nom parmi les plus grands de la littérature italienne. Son érudition et le raffinement de son style donnèrent Le Feu, sans doute le plus grand roman italien de ce temps. On y perçoit la présence de la plus grande comédienne d’alors avec Sarah Bernhardt, Eleonora Duse, avec laquelle il entretint une relation passionnée, presque maladive, de Richard Wagner, dont il fut un inconditionnel admirateur, ainsi que l’ombre portée de la pensée de

La vie de D’Annunzio ne se résume cependant pas à des audaces de salon, à des coups médiatiques, à des tragédies de théâtre et à des œuvres littéraires qui lui donnèrent une notoriété européenne. Il a été un homme d’action, politique et militaire, sans équivalent en Italie. Après des mois passés à Paris où il fréquenta toutes les mondanités, tous les créateurs de l’époque (Jean Cocteau aura cette formule qui satisfit son orgueil : « Il est le seul à savoir lire les étoiles dans les ténèbres du corps humain »), puis à Arcachon et dans les Landes où il continua à écrire, survint l’événement qui allait déchirer l’Europe et qui fut l’occasion pour lui de transformer à nouveau son existence : la Première Guerre mondiale. Son activisme et son enthousiasme pour les champs de batailles firent de lui un héros de guerre. Son vol au-dessus de Vienne pour y lancer des centaines de milliers de messages créa l’enthousiasme. Mais son acte de bravoure, de folie dirent certains, eut lieu après l’armistice, lorsqu’il décida de prendre d’assaut la ville de Fiume en Dalmatie (Rijeka en Croatie aujourd’hui) que l’Italie s’était vue refuser par les Alliés. Accompagné de volontaires italiens, mais également de combattants de nationalités très diverses, enthousiasmés par un romantisme byronien, il fit durant plus d’un an de Fiume une ville-état indépendante dont il était une forme de prince, une cité à la Constitution utopique. L’aventure prit fin sous la forme d’une débâcle, mais elle contribua définitivement au mythe d’annunzien. Ce fut ensuite sur les bords du lac de Garde, à Gardone Riviera, de 1921 à sa mort en 1938, que D’Annunzio allait poursuivre son existence pour créer un monument à sa gloire, un palais excentrique, à la fois sublime et ridicule d’emphase et de nombrilisme : le Vittoriale. La visite aujourd’hui de ce tombeau à sa gloire est extraordinaire. C’est là, à distance de Rome et de Mussolini, son « frèreennemi » qu’il poursuivit son existence, s’entourant de copies de tout ce que l’humanité avait créé de plus beau (peintures, sculptures, meubles), oubliant ses douleurs physiques dans la drogue et se confirmant quotidiennement qu’il était le dernier génie de la Renaissance italienne. T.P. P. 16 – 17

© PVDE/Bridgeman Images

Friedrich Nietzsche. Son activité théâtrale fut tout aussi importante. Haine de l’esprit bourgeois, volonté de faire revivre le meilleur de l’Italie du Moyen Âge et de la Renaissance, situations émotionnelles extrêmes, recherche de l’absolu en forment le cœur poétique. Inspiré par un extrait du Chant V de L’Enfer de Dante, Francesca da Rimini, créée en 1901 à Rome, avec la Duse dans le rôle-titre, fut l’une de ses plus grandes réussites.


OPÉRA FRANCESCA DA RIMINI / NICOLA RAAB

© Christie’s / Artothek / LA COLLECTION

artistique spécifique. Pouvez-vous nous présenter Je ne veux jamais sous-estimer l’art dans son pouvoir vos partenaires en charge des décors, des costumes de transformer nos vies. Cette conviction est la raison et de la lumière pour Francesca  ? pour laquelle nous continuons de faire ce que nous faiAshley Martin Davis, un créateur de décors chevronné sons. Mais plus simplement, dans le cas présent, l’art de Londres. Notre collaboration a commencé avec est le catalyseur de ce qui est déjà là, de ce qui est là deOtello à Copenhague. Nous avions été appelés par puis le début, depuis le moment où Paolo et Francesca Keith Warner pour un projet qui comprenait trois se sont rencontrés pour la première fois. opéras de Verdi confiés à trois metteurs en scène différents mais à un seul décorateur qui dut donc Quelle a été votre formation  ? Et, est-ce que des mets’arranger avec chacun de nous. Le courant est teurs en scène ont été et restent encore des exemples tout de suite passé en raison de leurs unientre Ashley et moi. vers poétiques ou de Depuis, nous avons leur manière de tracontinué de travailler vailler ? Est-ce que le ensemble, développant cinéma vous aide à rénotre propre voie, fléchir à vos mises en nos questionnements scène  ? quant à ce qui nous fasJ’ai abordé le théâtre cine et nous rend par la pratique et je curieux de voir comreste convaincue de ment nous avançons. l’importance de la praNous nommons cette tique. J’ai été stagiaire manière de travailler avant même d’avoir une « abstraction monoterminé l’école (le machrome ». Notre passetin à l’école, le soir au temps favori est de théâtre) à Regensburg, jeter des choses au ville où je suis née (Mafur et à mesure que rietheres List était déjà nous avançons dans le l’intendante du théâtre, développement de la la plus jeune intendante conception générale, femme d’Allemagne, si pour ainsi dire d’élimije ne me trompe), puis ner tout ce qui N’EST j’ai déménagé à Munich PAS nécessaire. Je ne où j’ai pu continuer connaissais pas auparama formation pratique vant James Farncombe. dans les deux opéras de Il m’a été recommandé la ville (une période de par Ashley. Très souma vie passionnante. vent le fait que les col- Gustave Doré, Les Ombres de Francesca Da Rimini et de Paolo Malatesta apparaissent à Dante Peter Jonas, qui venait laborateurs avec qui on et à Virgile, 1863. Huile sur toile, 279 x 194 cm, coll. privée d’être nommé intena travaillé et en qui on a confiance ne sont pas libres, dant du Bayerische Staatsoper, allait modifier définimène à d’autres rencontres. J’aime beaucoup ces tivement et jusqu’à aujourd’hui le paysage opératique voyages. de Munich). Parallèlement, des occasions de travailler dans d’autres pays se sont présentées et je remercie tous L’histoire de Paolo et Francesca qu’invente Dante ceux qui tout au long de mon parcours ont contribué pour le Chant V de son Enfer a ceci de très particuà m’ouvrir les portes. Robert Carsen a joué en cela un lier que la lecture commune de pages de Lancelot les rôle clef, même si je n’ai travaillé avec lui qu’une seule pousse dans les bras l’un de l’autre. Croyez-vous à fois (et c’était comme stagiaire à la mise en scène), cette puissance de l’art pouvant amener deux indice fut au bon moment et tout devint possible par la vidus à s’abandonner l’un à l’autre malgré tous les suite. J’admire sincèrement son travail, son approche obstacles qui s’opposent à cette passion  ? différenciée, sa façon de travailler. Parlant toutes les


OPÉRA FRANCESCA DA RIMINI / NICOLA RAAB

FRANCESCA DA RIMINI [ NOUVELLE PRODUCTION ]

© Collection Christophel

Direction musicale Giuliano Carella Mise en scène Nicola Raab Décors et costumes Ashley Martin-Davis Lumières James Farncombe

Dante Rossetti, Paolo et Francesca da Rimini, 1855 Crayons de couleur, 25,4 x 44,9 cm, coll. Tate Gallery

Francesca Saioa Hernández Samaritana Josy Santos Ostasio Ashley David Prewett Giovanni Lo Sciancato Marco Vratogna Paolo Il Bello Marcelo Puente Malatestino dall’Ochio Tom Randle Biancofiore Francesca Sorteni *** Garsenda Marta Bauzà ** Altichiara Claire Péron Adonella Fanny Lustaud ** L’Esclave Smaragdi Idunnu Münch Ser Toldo Berardengo Stefan Sbonnik ** Le ménestrel Dionysios Idis ** L’arbalétrier Sébastien Park * Le guetteur Fabien Gaschy * Chœurs de l’Opéra national du Rhin Orchestre philharmonique de Strasbourg

Alexandre Cabanel, La Mort de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta, 1870 Huile sur toile, 184 x 255 cm, coll. Musée d’Orsay

langues, il fut et reste encore l’exemple parfait auquel je peux seulement aspirer. Willy Decker m’apprit à aimer l’intensité des répétitions et David Pountney, dont je fus l’assistante pendant 10 ans consécutifs, m’enseigna tout ce que je ne connaissais pas encore du travail théâtral. D’une manière ou d’une autre je réussis aussi à terminer mes études à Munich, munie d’un master en théâtre, musicologie et psychologie. Pour terminer, je reviens à l’histoire d’amour qui est au cœur de l’opéra de Zandonai. La tragédie de Paolo et Francesca a été représentée par de nombreux peintres, du XVIIIe au XXe siècle. Est-ce qu’un tableau représentant ce couple maudit vous touche particulièrement et pour quelles raisons  ? Tous les tableaux représentant Paolo et Francesca enlacés pour l’éternité et maintenus par un tourbillon au-dessus de l’abîme, que décrit de manière si émouvante Dante : Gustave Doré, Dante Gabriel Rossetti d’inspiration médiévaliste, William Blake. Et bien sûr Rodin. Réponses de Nicola Raab traduites de l’anglais par Catherine Debacq-Groß

En langue italienne, surtitrages en français et en allemand

Avec le soutien de

fidelio association pour le développement de l'Opéra national du Rhin

STRASBOURG Opéra

MULHOUSE La Filature

ve 8 décembre 20   h di 10 décembre 15   h je 14 décembre 20   h ma 19 décembre 20   h sa 23 décembre 20   h je 28 décembre 20   h

sa 6 janvier 20  h lu 8 janvier 20  h

PRIX : de 6 à 90 €

SCÈNES S OUVERTE

« Prologue » introduction de 30 min., 1 h avant chaque représentation Rencontre à la Librairie Kléber avec Giuliano Carella et Nicola Raab je 7 décembre 18 h « Bonsoir Maestro Carella ! » avec Giuliano Carella et Eva Kleinitz sa 2 décembre 18 h

Salle Bastide en partenariat avec France 3 Grand Est

grand est

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© Artothek / LA COLLECTION

*** Ancienne membre de l’Opéra Studio ** Membre de l’Opéra Studio * Artiste des Choeurs


© plainpicture / Katya Evdokimova

LES INVITÉS

chaplin


CHAPLIN / MARIO SCHRÖDER Pièce pour 32 danseurs

MARIO SCHRÖDER UN PORTRAIT Par Rémy Fichet

D

epuis huit saisons à la tête de l’une des compagnies de ballet les plus importantes en Allemagne, le chorégraphe Mario Schröder a une passion, qui remonte à son plus jeune âge, pour le personnage et l’univers de Charlot. C’est d’ailleurs avec Chaplin qu’il a ouvert sa première saison en tant que directeur du Leipziger Ballett, en octobre 2010. Cette formidable traversée par la danse de l’histoire de ce génie qui marqua autant que Picasso ou Warhol l’art du XXe siècle entre au répertoire du Ballet de l’Opéra national du Rhin. Une belle occasion de connaître mieux un chorégraphe à la fois inspiré et engagé. Après les premiers jours dédiés aux examens d’aptitude physique viennent les examens techniques : Mario Schröder se renferme alors, expliquant à Palucca qu’il ne sait pas danser. Ayant tout de suite pressenti son potentiel, elle lui demande de simplement réagir à la musique en exprimant ce qu’il ressent : cette toute première improvisation changera le cours de sa vie. Au bout des huit années de formation à Dresde, on demande aux élèves pour leur examen théorique final d’écrire sur un danseur ou un chorégraphe ayant marqué l’histoire de la danse. Mario Schröder choisit Charlie Chaplin. D’abord refusé par ses professeurs qui lui expliquent que Chaplin n’est pas un danseur, Gret Palucca trouve sa proposition tout à fait justifiée et intervient pour lui permettre de rendre ce travail sur l’artiste qui lui a permis de devenir danseur. L’idée de créer un jour un ballet sur l’œuvre et la vie de Chaplin commence à germer. Une commission d’état décide alors des affectations des jeunes danseurs diplômés et Mario Schröder est envoyé au Ballet de l’Opéra de Leipzig dirigé par Dietmar Seyffert ; très vite promu soliste et considéré comme l’un des espoirs majeurs de la compagnie, il est remplacé lors des tournées à l’Ouest, de peur de voir un grand artiste s’échapper du régime. Ses demandes P. 20 – 21

Mario Schröder grandit à Finsterwalde, petite bourgade de l’ancienne Allemagne de l’Est, dans un régime qu’il n’a jamais pu comprendre ni vraiment accepter. Profitant toutefois d’un accès à la culture obligatoire pour chaque enfant, il est très tôt captivé par le monde du spectacle, et au-delà de ses sorties au théâtre municipal, il ne manque jamais de regarder les rares films muets que les chaînes de télévision officielles du régime peuvent se permettre de programmer ; pour cet enfant débordant de curiosité, c’est à chaque fois un moment d’évasion. Un artiste en particulier le fascine, par sa gestuelle, son humour triste et son sens de la mise en scène de thèmes sociaux forts : Charlie Chaplin. Quand sa mère lui propose, dans l’espoir de gérer son hyperactivité et après avoir lu une annonce dans le journal, de se présenter au concours d’entrée de la « Palucca-Hochschule », l’une des plus grandes écoles de danse d’état en Allemagne à l’époque, pour devenir danseur de ballet, il lui demande : « Qu’est-ce que ça fait un danseur ? », ce à quoi elle répond : « Ça fait un peu comme Charlot. » Sans aucune hésitation, le petit Mario réplique que c’est ce qu’il veut apprendre et se retrouve quelques semaines plus tard dans un studio de danse à Dresde, capitale de la Saxe, devant la grande Gret Palucca, directrice de l’école et figure incontestée de la danse expressionniste allemande.


© Andreas Birkigt

Mario Schröder lors d’une répétition

personnelles de visa pour donner suite à des invitacourageuse et interrompt la répétition, laissant à chations et tourner avec sa propre chorégraphie à l’étrancun le choix de rejoindre les manifestations, signe ger lui sont systématiquement refusées. De plus en comme tant d’autres que le régime vacille. Mario Schröplus, Mario Schröder questionne le régime et reflète der redescend dans la rue. Quelques mois plus tard, son incompréhension dans ses pièces qu’il utilise le 9 octobre 1989, plus de 100 000 manifestants venus comme moyen d’expression. Ses interrogations le de toute l’Allemagne de l’Est se réunissent à Leipzig conduisent aussi dans la rue où il fait partie, avec seulors de la « Révolution pacifique », qui se déroule sans lement quelques dizaines d’autres, des premiers rasun mot, sans un bruit, encerclée par la police et l’arsemblements critiquant mée attendant un ordre le régime, tous les lundis de tirer qui ne viendra à l’église Saint-Nicolas de jamais, et qui conduira à Leipzig. Il est plusieurs fois la chute du mur de Berlin poursuivi par les agents de un mois plus tard. Mario Comme toutes ses œuvres, il considère Schröder est parmi eux. la Stasi (Staatssicherheit, la police secrète d’état), Chaplin comme un enfant, et le fait leur échappe et revient la De ces années-là, Mario de le donner à d’autres danseurs, semaine suivante, jusqu’au gardera une volonté d’aljour où il est agrippé par ler toujours au-delà des dans d’autres compagnies, d’autres son manteau ; il se débat, limites, surtout dans son réussi à s’enfuir et est art, et une soif insatiable de pays, est pour lui très touchant. pourchassé jusqu’à l’entrée découverte. Sa rencontre C’est comme partager une partie des artistes de l’Opéra. Là, avec le chorégraphe Uwe ses poursuivants s’arrêtent Scholz, venant du Stuttgarde son histoire, de sa compagnie et net, ils n’ont pas d’autoriter Ballett, de « l’Ouest », sation pour rentrer dans qui dirige le désormais de sa ville, laisser une empreinte ce bâtiment officiel et ne « Leipziger Ballett » (Ballet veulent pas risquer de de Leipzig) dès 1991, un toujours plus vaste et enrichissante. sanctions… Le régime est an après la réunification bloqué par ses propres barde l’Allemagne, et jusqu’à rières et Mario Schröder sa mort en 2004, est décileur échappe, arrivant bousive dans son évolution leversé dans le studio où d’artiste. Il découvre une une répétition de La Belle au bois dormant commence. autre façon d’exprimer des idées et des sentiments par Il s’offusque, ne pouvant accepter de faire comme si le mouvement seul, ainsi qu’une approche de la mude rien n’était quand des gens manifestant pour leur sique tout à fait nouvelle et devient l’un des danseurs liberté se font arrêter dans la rue. Enno Marquardt, phares de ce chorégraphe d’exception, avec qui il liera directeur de la compagnie, prend alors une décision une amitié forte jusqu’à sa disparition prématurée. Uwe


DANSE CHAPLIN / MARIO SCHRÖDER

Scholz encourage Mario Schröder dès le début dans sa volonté de créer et lui permet de poursuivre ses cours de chorégraphie à la « Ernst-Busch-Hochschule » à Berlin, à la condition qu’il assure tous ses spectacles et un minimum de répétitions à Leipzig. Quatre années durant, Mario Schröder fait des allers-retours quotidiens, motivé par sa soif d’apprendre, et sort diplômé en 1993. Il obtient en 1999 sa première direction de compagnie à Würzburg, avec une poignée de danseurs, et en 2001 à Kiel avec une compagnie de vingt-quatre danseurs. Il peut désormais donner libre-cours à sa créativité et a enfin les conditions nécessaires pour créer une première version de son ballet Chaplin. C’est en 2010 que le destin le rappelle dans la ville qui l’a tant marqué quand le metteur en scène en chef de l’Opéra de Leipzig, Peter Konwitschny, et le directeur général Alexander von Maravić l’invitent à prendre la direction du « Leipziger Ballett » et de ses quarante danseurs. C’est pour Mario Schröder « un retour à la maison, un cycle de vie qui se boucle ». Il ouvre sa toute première saison comme chorégraphe principal à Leipzig avec une nouvelle version de Chaplin le 30 octobre 2010. Une version fondamentalement repensée dans sa structure, musicalement, et allant plus loin dans le détail. Une version qui est désormais présentée par plusieurs compagnies et que Mario Schröder et Isis Calil de Albuquerque, son assistante et ancienne danseuse soliste à Kiel et à Leipzig, CHAPLIN travaillent avec les danseurs du Ballet de l’Opéra national du Rhin pour [ ENTRÉE AU RÉPERTOIRE ] la première en janvier 2018. Ce ballet reste pour Mario Schröder l’un des Création en 2010 par le Leipziger Ballet plus sentimentaux. Comme toutes ses œuvres, il le considère comme Chorégraphie et lumières Mario Schröder un enfant, et le fait de le donner à d’autres danseurs, dans d’autres comMusique Charlie Chaplin, John Adams, pagnies, d’autres pays, est pour lui très touchant. C’est comme partager Ruggero Leoncavallo, Alfred Schnittke, une partie de son histoire, de sa compagnie et de sa ville, laisser une emKurt Schwertsik, Peteris Vasks, preinte toujours plus vaste et enrichissante. Colin Matthews, Johannes Brahms, Hans Werner Henze, Charles Ives, Richard Wagner, Benjamin Britten, Samuel Barber Décors et costumes Paul Zoller Ballet de l’Opéra national du Rhin Spectacle présenté avec des musiques enregistrées

STRASBOURG Opéra

LEIPZIGER BALLET

________________ Ville de Leipzig (Saxe) : env. 562 000 habitants. Création du Leipziger Ballet : fin XVIIe s. • Mary Wigman crée son ballet à partir de Carmina Burana de Orff en 1943. • Uwe Scholz est Directeur du Ballet en 1991 jusqu’à sa mort, en 2004. • La saison 2010/2011 est la première de Mario Schröder en tant que Directeur du Ballet. • La compagnie est composée aujourd’hui de 40 danseurs de 25 nationalités, 3 maîtres de ballet et 2 pianistes répétiteurs. • Une saison du Leipziger Ballett associe 4 créations, 1 coproduction et 4-5 reprises. • En plus des représentations données sur la scène de l’Opéra de Leipzig, Mario Schröder a créé la série « Tanz in den Häusern der Stadt » qui permet à un large public de découvrir le Leipziger Ballett dans des lieux différents. • Mario Schröder a créé le 27 octobre 2017 son spectacle le plus récent Johannes-Passion. • Depuis 2011, le chef d'orchestre Ulf Schirmer est à la fois le Directeur général et le Directeur musical de l'Oper Leipzig.

je 11 janvier ve 12 janvier sa 13 janvier di 14 janvier lu 15 janvier

20 h 20 h 20 h 15 h 20 h

MULHOUSE La Filature ve 2 février 20 h sa 3 février 20 h di 4 février 15 h

PRIX : de 6 à 48 €

SCÈNES S OUVERTE

« Prologue » introduction de 15 min., 30 min. avant chaque représentation L’université de la danse Conférence dansée MULHOUSE Studios du Ccn je 25 janvier 19 h sur inscription ballet@onr.fr Coulisses studio Répétition ouverte MULHOUSE Studios du Ccn lu 18 décembre 18 h sur inscription ballet@onr.fr Danse à l’université Conférence dansée STRASBOURG Université Le Portique lu 8 janvier 18 h 30 entrée libre P. 22 – 23

Chorégraphe très prolifique, Mario Schröder travaille sur des genres musicaux et des thèmes très variés, mais il se rappelle toujours que Charlie Chaplin se servait de son art pour parler de thèmes sociaux graves, donner matière à réfléchir sur la société, et d’une certaine manière, Charlot est présent dans toutes ses créations.


DANSE CHAPLIN / MARIO SCHRÖDER

© Andreas Birkigt

La danseuse interprétant Charlot, Géraldine Chaplin et Mario Schröder après la Première de Chaplin à Leipzig.

J’ai du succès parce que je travaille beaucoup et que je suis attentif aux détails. Je pense constamment à mon travail. Je ne peux pas même lire un livre ou avoir une conversation sans essayer de trouver un effet comique dans les moments les plus sérieux.

« L’action en dit plus que les mots. Un sourcil levé, même simulé, en dit plus que des centaines de mots. Comme – Charles Chaplin, 1917 dans le symbolisme chinois, il signifiera des choses différentes suivant le contexte scénique… La pantomime, je l’ai toujours cru et je le crois encore, est la première disposition que doit développer un acteur de cinéma pour réussir. Un acteur vraiment compétent doit posséder une connaissance parfaite de la pantomime. » – Charles Chaplin, 1931


« J’ai essayé d’écrire une histoire de la vie telle que je la vois – une vie qui n’est pas composée de héros et de scélérats, mais d’hommes et de femmes avec toutes les passions que Dieu leur a données. Mon seul objectif est celui de divertir, mais si une morale s’y est glissée, c’est un prêche de tolérance et de compréhension envers ceux qui ont commis des erreurs, une invitation à la pitié pour les faiblesses humaines, car après tout, personne n’est parfait. Il est si facile de condamner – si difficile de comprendre et de pardonner.  »

« Toutes mes images sont construites autour de l’idée de me plonger dans les plus grandes difficultés afin de me donner la possibilité d’être éperdument sérieux dans mes efforts de paraître un gentil monsieur normal. C’est pourquoi, aussi désespérée que la situation puisse être, c’est toujours avec le plus grand sérieux que j’empoigne ma canne, chausse mon chapeau melon et ajuste ma cravate, alors même que je viens d’atterrir sur la tête. »

© Hollywood Archive / PictureLux / Bureau233

– Charles Chaplin, 1923

– Charles Chaplin, 1918

« La canne est un attribut très important de mon personnage. Elle est toute ma philosophie. Je ne la porte pas seulement comme un emblème de la respectabilité mais, avec elle, je défie le destin et l’adversité. Le petit homme pauvre, apeuré, fragile et sous-alimenté que je suis à l’écran n’est jamais la proie de celui qui le tourmente. Quand ses espoirs, ses rêves, ses aspirations s’envolent, il se contente de hausser les épaules et de tourner les talons. Fait paradoxal, ce masque tragique a suscité plus de rires qu’aucun autre personnage à l’écran ou à la scène. Cela prouve que le rire est très proche des larmes et vice-versa. »

P. 24 – 25

– Charles Chaplin, 1931


© Agathe Poupeney


DANSER ENSEMBLE Par Solène Souriau

L

e Ballet de l’Opéra national du Rhin a connu de nombreux changements majeurs au cours des derniers mois. L’arrivée de Bruno Bouché, son nouveau directeur, ainsi que celle de nombreux danseurs et d’un maître de ballet, apportent une énergie, un esprit et une ambition qui apparaissent avec évidence dans le choix des œuvres de Forsythe, Kylián et Scholz qui forment le programme d’ouverture de la saison. À quelques heures de la Première, émotion et intensité sont dans les regards et les corps de chacun.

Dès la classe de 12h30 avec Claude Agrafeil, les enjeux sont réunis : cette soirée est l’occasion de présenter au public le nouveau visage de la compagnie qui vient d’accueillir onze nouveaux danseurs, et d’esquisser les prémices d’un projet initié il y a peu autour d’un ballet européen du XXIe siècle. Mais il s’agit surtout de faire en sorte, moment essentiel à la vie intime de toute compagnie, que le groupe se fédère et que la Quintett, William Forsythe Jean-Philippe Rivière & Eureka Fukuoka

cohésion collective transparaisse sur scène. Chaque danseur est investi par l’importance de ce moment. Que ce soit Alessa Rogers, ancienne danseuse de l’Atlanta Ballet qui vient juste de rejoindre la compagnie et dont le rêve de danser en Europe se réalise ce soir, ou Céline Nunigé, danseuse dans la compagnie depuis 2000. Cette dernière considère, du reste, que la transition n’est pas non plus simple : « Ce soir déterminera si nous pouvons tous nous mobiliser ensemble autour de la même envie, si finalement nous pouvons danser ensemble. » Pour les deux maîtres de ballet Claude Agrafeil et Adrien Boissonnet, le défi est le même. « En choisissant ces trois ballets, Bruno Bouché souhaite construire un esprit de travail » explique Adrien Boissonnet, récemment nommé au poste de maître de ballet. Les trente-trois danseurs prennent donc place pour leur classe : nouveaux et anciens partageant la barre. La troupe au travail séduit : si les corps ne se ressemblent pas et les personnalités fortes s’imposent déjà lors des échauffements les plus académiques, l’image générale d’un collectif à l’écoute et solidaire laisse présager le meilleur pour le soir. « Le Ballet de l’OnR a toujours reposé sur une très grande diversité et il était important de garder cette force » explique Bruno Bouché. « J’étais heureux que ça se maintienne et je vois aujourd’hui que même si la compagnie a subi une métamorphose au cours de ces derniers mois, son âme reste intacte. » La greffe a pris : la troupe fait corps dans sa diversité et forme un tout cohérent et unifié. P. 26 – 27

Il existe, dans la vie des Ballets, des tournants porteurs ou non de renouvellement, des dates clefs qui, si elles peuvent être oubliées du grand public, sont suceptibles de transformer en profondeur des compagnies : la rencontre avec un chorégraphe, la nomination de solistes, la Première d’une nouvelle programmation, l’arrivée ou le départ d’un directeur, l’intégration de nouveaux danseurs, figurent parmi ces événements décisifs. Jeudi 19 octobre 2017 constituait une de ces dates pour la compagnie du Ballet de l’Opéra national du Rhin : la Première du spectacle Forsythe/Kylián/Scholz allait être donnée au Théâtre de la Sinne à Mulhouse. S’il s’agit d’un moment d’effervescence, comme le sont naturellement les jours de représentation, l’atmosphère est encore plus vibrante en ce jour de Première qui annonce non seulement la saison à venir mais aussi la programmation inaugurale du nouveau directeur Bruno Bouché qui coïncide avec une nouvelle direction générale de l’Opéra national du Rhin.


Jeunehomme, Uwe Scholz Dongting Xing & Alain Tridivic

Sur plus de mille candidats, seulement onze ont été retenus. « Nous n’avons fait aucune impasse, nous avons lu tous les CV et regardé toutes les vidéos » précise Claude Agrafeil. Sélectionnés d’abord sur dossier puis sur audition privée ou publique, ils ont tous été immergés dans le répertoire de la compagnie à travers des ateliers auxquels ils ont participé. Si le critère technique est inévitable pour intégrer le Ballet, qui demeure un Ballet d’Opéra empreint d’une forte tradition classique, la décision finale a été souvent gouvernée par d’autres critères. La programmation annoncée exige une polyvalence chez les danseurs ainsi qu’une souplesse personnelle et psychologique afin de mettre leurs compétences classiques à la disposition des chorégraphes invités qui proviennent tous d’univers artistiques variés. L’exigence est certes technique mais c’est aussi une certaine originalité, un certain sens de l’adaptation, même à l’état embryonnaire, qui permet de distinguer, en dernière instance, les candidats les plus remarquables. Il a parfois fallu à Bruno Bouché seulement quelques minutes pour décider si tel ou tel danseur allait être en mesure d’épouser l’esprit de la compagnie : « Des bases classiques sont absolument nécessaires mais je recherche plus qu’un simple académisme chez les danseurs. Je cherche à savoir s’ils sont capables de faire quelque chose qui va les faire bouger, s’ils vont pouvoir se mettre en danger. Je veux qu’ils me rappellent à chaque pas qu’ils feront pourquoi nous

Le Ballet de l’Opéra national du Rhin a toujours reposé sur une très grande diversité et il était important de garder cette force. Je vois aujourd’hui que même si la compagnie a subi une métamorphose au cours de ces derniers mois, son âme reste intacte.

faisons ce travail. » Parmi les sélectionnés, certains ont déjà des années d’expérience derrière eux et peuvent endosser les rôles exigeants de Solistes. D’autres, cependant, sont plus jeunes mais promettent, par leur vitalité et leur fraîcheur, de renouveler efficacement le groupe sans pour autant mettre en péril son identité artistique. « C’est très important d’avoir de la jeunesse mais aussi des gens avec de l’expérience qui peuvent transmettre aux plus jeunes un répertoire, la danse se transmettant surtout par l’échange et le dialogue » précise Claude Agrafeil. L’organisation d’une nouvelle compagnie repose bel et bien sur un équilibre fragile, précaire, qu’il importe de choyer, sans faire vaciller le rythme


DANSE / DANSER ENSEMBLE

Cet équilibre se retrouve à plusieurs échelles et parvient à se maintenir grâce aux deux maîtres de ballet. Alors que Claude Agrafeil, ancienne danseuse du Ballet de l’OnR a été nommée maîtresse de ballet en 2000, Adrien Boissonnet occupe pour la première fois le poste. Si elle connaît chaque recoin de la maison et qu’il a travaillé dans plusieurs compagnies européennes, les deux, comme Bruno Bouché, n’encouragent aucun clivage entre danse classique et contemporaine : « La maison a une très grande tradition et une force extraordinaire mais je cherche également à l’ouvrir vers l’extérieur pour décupler ses forces et l’enrichir tout en conservant son patrimoine... ». Les trois spectacles à l’affiche en témoignent : Jeunehomme, la pièce d’Uwe Scholz fait partie du répertoire du Ballet depuis 2000. Les deux pièces qui l’accompagnent, celle de Jiří Kylián et William Forsythe, sont des entrées au répertoire. À quelques heures du spectacle, chacun gère son stress différemment : en même temps que les convocations maquillage, a lieu la dernière barre de la journée , don-

née cette fois par Adrien Boissonnet. Au fur et à mesure de l’échauffement, quelques danseurs viennent s’ajouter, certains suivent les exercices, d’autres préfèrent s’éclipser. En dansant ces trois ballets, les trente-trois danseurs du Ballet de l’Opéra national du Rhin sont les héritiers de ce siècle passé et d’une danse qui a évolué mais qui continue de trouver ses fondements dans le classicisme et l’académisme. En dansant ces trois ballets, peut-être se remémorent-ils la répétition qui a précédé la soirée, moment traditionnel avant chaque Première où l’assistant du chorégraphe accompagné du maître de ballet vient donner ses dernières notes sur la chorégraphie, mais aussi ses derniers conseils et encouragements. Assis en cercle, sur la scène du Théâtre de la Sinne, les deux assistants de William Forsythe, venus travailler six semaines à Mulhouse pour remonter Quintett, expliquent aux jeunes danseurs, dont certains danseront pour la première fois un ballet du chorégraphe, que cette pièce ne s’oublie pas. « Elle vous aidera tout au long de votre carrière à devenir les artistes que vous voulez être sur scène. » Peut-être pensent-ils également aux commentaires de Bruno Bouché qui, sentant les danseurs pris d’une anxiété à la fin de la répétition de Jeunehomme, les rassemble et leur explique qu’il faut miser sur leur jeunesse et leur fraîcheur mais aussi les encourage à mettre un peu d’insolence dans leur performance car « vous savez pourquoi vous êtes là », remarque d’un directeur confiant d’avoir entre ses mains des danseurs aux ressources intarissables et une compagnie qui se prépare à aller très loin.

© Nis&For

Bruno Bouché lors d'une audition. P. 28 – 29

© Agathe Poupeney

propre et la dynamique interne du groupe. Si la compagnie doit être réaménagée pour accueillir la personnalité unique de chaque nouveau danseur, c’est le groupe lui-même qu’il faut également mettre en avant et qui reste l’objet des soins attentifs de la direction : sa vie et sa cohérence constituent les conditions de réussite du projet global. Comme l’explique Adrien Boissonnet, « ... la compagnie maintenant formée, la question est de savoir comment nous allons travailler avec eux, comment nous allons les nourrir et les motiver... ».


LES INVITÉS

© Marco Borgrevve

mark padmore


DE L’INTERPRÉTATION DU LIED EN GÉNÉRAL ET DU WINTERREISE DE SCHUBERT EN PARTICULIER... ENTRETIEN MARK PADMORE, CHANTEUR Propos recueillis par Cornelia Weidner

C

hanteur à la sensibilité à fleur de peau, bouleversant Évangéliste dans les Passions de Bach, fervent avocat des œuvres de Britten, créateur d’œuvres composées pour lui, Mark Padmore, artiste magnétique à la superbe voix de ténor doit beaucoup aux chefs d’orchestre William Christie et Philippe Herreweghe qui lui ont permis de prendre son envol à la faveur de grandes aventures du côté de Charpentier et Rameau avec le premier et de Bach avec le second. Au cours des années, il n’a cessé de revenir à la forme du récital, à Franz Schubert et à son monumental Winterreise en particulier. Cette soirée strasbourgeoise est unique : elle va permettre au public de découvrir non pas un mais deux artistes d’exception. En effet, peu avant qu’ils se présentent ensemble dans la salle prestigieuse de Wigmore Hall à Londres, la grande pianiste Mitsuko Uchida accompagne Mark Padmore dans son voyage au cœur de l’hiver.

En comparaison avec l’opéra et l’oratorio, un récital de lied ne représente-t-il pas une plus grande gageure pour un chanteur du fait qu’il se trouve seul sur scène avec le pianiste ? C’est une gageure mais aussi un immense bonheur. C’est avant tout une question de concentration, car l’auditoire doit pouvoir comprendre les pensées et les sentiments qu’ont voulu exprimer le compositeur et le poète. C’est une conversation à trois entre l’exécutant, le public et l’œuvre. Comparé aux programmes mixtes qui affichent des lieder de plusieurs compositeurs et de différentes époques avec, qui plus est, un entracte, chanter sans pause le Winterreise, qui est un cycle de 24 lieder, ne représente-t-il pas un immense défi – mentalement comme physiquement ? Je ne considère plus cela comme un défi mais plutôt comme un voyage dont vous connaissez bien chaque étape. Dans les répétitions comme en concert, je m’applique à faire entendre les moindres détails de ce cycle. P. 30 – 31

Mark Padmore, peut-on dire que le lied et l’oratorio sont les deux principaux piliers de votre carrière artistique  ? Les œuvres de Bach et Schubert occupent une place importante dans votre répertoire. Pouvezvous nous en expliquer la raison ? Le lied et l’oratorio occupent, bien sûr, une place importante dans mon répertoire, mais aussi l’opéra, en particulier les opéras de Benjamin Britten. Je consacre aujourd’hui beaucoup de temps à la musique contemporaine et de nombreux compositeurs écrivent des pièces à mon intention. Johann Sebastian Bach a longtemps occupé une place centrale dans ma vie de musicien. En un sens, je me considère être, en premier, un narrateur et, en deuxième, un chanteur. L’Évangéliste dans les Passions de Bach est le récitant, celui qui raconte l’histoire. Franz Schubert est un compositeur de l’intimité, le plus intime des compositeurs – celui que vous pourriez le plus facilement appeler un ami. Il vous laisse pénétrer dans ses pensées les plus secrètes et découvrir sa vulnérabilité. C’est cette franchise que vous devez communiquer à l’auditoire.


Aujourd’hui, les récitals de lieder s’essoufflent. Il est extrêmement difficile de trouver un public pour ce genre de concert – sauf pour le Winterreise. Ce cycle fascine et attire. Pouvez-vous nous en donner la raison ? Certaines salles de concert ont su s’attacher un public amateur de récitals de lieder – c’est le cas du Wigmore Hall à Londres et du Concertgebouw à Amsterdam. Le public de ces cycles de concert doit sans doute fournir un plus grand travail, mais la récompense en est d’autant plus grande. Le répertoire du lied est l’un des plus beaux et des plus riches de la musique classique. Votre première expérience du Winterreise ? Est-ce que ce fut le coup de foudre ? Je pense que j’ai aimé le Winterreise sur-le-champ et puis j’ai appris à l’aimer et à l’admirer toujours plus. J’ai chanté ce cycle en concert plus de 100 fois et je le trouve toujours infiniment fascinant et gratifiant. Vous êtes ténor et vous chantez le Winterreise de la version originale qui fut écrite pour un ténor. Mieux encore : vous le chantez dans les tonalités originales plus hautes, par exemple Gute Nacht (Bonne nuit) en ré mineur (et non en si mineur) et Der Leiermann

MITSUKO UCHIDA

________________ Mitsuko Uchida fait partie du petit groupe de pianistes hors du commun que l’on espère toujours réentendre, revoir seule, accompagnée d’un chanteur ou d’un orchestre. Ses interprétations de Schoenberg, Berg et Boulez, dont elle fut une intime, sont exceptionnelles, tout comme son approche personnelle de Mozart, Beethoven, Schumann et Schubert, bien sûr. Artiste en résidence à la nouvelle Elbphilharmonie de Hambourg, elle est également associée au Southbank Centre à Londres. Au cours des prochains mois, à côté de récitals donnés dans les lieux les plus prestigieux, elle retrouvera Ricardo Muti, Antonio Pappano et Simon Rattle pour plusieurs concerts. Avec ce Winterreise, elle se produit pour la première fois sur la scène strasbourgeoise de l’Opéra national du Rhin.

(Le Vielleur) en si mineur (et non en la mineur). Qu’est-ce qui change quand on chante dans les tonalités de la version d’origine ? Nombre de gens entendent pour la première fois le Winterreise chanté par un baryton ou par une voix de basse et de nombreux excellents enregistrements ont été réalisés avec ces voix. Mais il est utile de rappeler que le personnage du Winterreise n’est pas un homme âgé – il se plaint que ses cheveux soient encore noirs et que la mort soit encore si loin. Il est bon d’écouter ce cycle dans les tonalités originelles pour y découvrir en particulier les relations qu’entretiennent ces tonalités entre elles telles que composées par Schubert, et qui sont très souvent perdues dans les versions transposées. Vous chantez le Winterreise avec accompagnement tantôt sur un piano moderne (avec Mitsuko Uchida), tantôt au pianoforte (avec Kristian Bezuidenhout). Je ne vous demande pas votre préférence mais seulement si les différences que présentent entre eux ces instruments entraînent des différences significatives pour l’interprétation. Le piano moderne est un magnifique instrument, un peu comme une Rolls Royce – grand, noir et de très haute qualité. Cependant on préfère parfois conduire


RÉCITAL MARK PADMORE

une 2 CV. Il y avait une grande variété de pianos à l’époque de Schubert – les pianos français, anglais et viennois ont tous un son très différent. Le son est plus transparent et ils possèdent une grande richesse de timbre. Ils permettent aussi une meilleure articulation de la voix.

– Traduit de l’anglais par Catherine Debacq-Groß

© Marco Borgrevve

Vous avez joué un rôle important dans les réalisations scéniques des Passions selon Saint Jean et Saint Matthieu de Bach par Peter Sellars. Pourriez-vous imaginer donner une version scénique d’un récital de lied (ou avez-vous même déjà participé à une forme de récital scénique) ? Cette forme aiderait-elle à rendre le lied plus populaire et à attirer de nouveaux publics dans des récitals de lied. Les représentations de la Passion de la Philharmonie de Berlin ont certainement été parmi les plus marquantes de ma carrière. J’ai appris énormément sur Bach et sa pertinence pour notre temps. J’ai pris part à un semimontage du Winterreise par la réalisatrice Katie Mitchell. Un travail très fort. Il nous faut toujours repenser cette musique, qu’elle soit donnée en concert classique ou sous une autre forme d’expression artistique. Les deux sont valables et tout peut se faire quand c’est bien fait. Rien n’égale un grand spectacle.

MARK PADMORE TÉNOR

& MITSUKO UCHIDA PIANO

Franz Schubert Die Winterreise STRASBOURG Opéra sa 9 décembre 20 h

PRIX : de 6 à 48 €

ON AVEC M )IN COUS(S

Avec mon cous(s)in di 10 décembre 11  h pour les 10-15  ans P. 32 – 33

© Justin Pumfrey

Selon votre interprétation : qui est le Leiermann ? Ou doit-il rester une énigme – autrement dit, laissé à l’imagination et à la sensibilité des auditeurs et auditrices ? Le Leiermann est un peu comme un personnage de Samuel Beckett. D’une certaine façon, il n’est qu’un vieux mendiant jouant de la vielle les doigts raidis par le froid, mais, bien sûr, le génie de Schubert lui confère une bien plus grande stature. Finalement, c’est à chaque auditeur et auditrice de se faire sa propre idée.


Š plainpicture/Design Pics/Helene Cyr

mouton


MOUTON / SOPHIE KASSIES Théâtre musical sur des œuvres de Henry Purcell, Georg Friedrich Haendel et Claudio Monteverdi Créé le 30 janvier 2005 au Jeugdtheater Sonnevanck à Enschede (Pays-Bas)

QUI SUIS-JE ? ENTRETIEN ROGIER HARDEMAN Propos recueillis par Marc Pelikan

I

l était une fois… un mouton ! Après avoir connu un grand succès dans le monde germanophone, cet opéra pour le jeune public est présenté en France pour la première fois. Un habile montage de compositions baroques de Monteverdi, Purcell et Haendel permet à Sophie Kassies d’évoquer avec finesse et poésie le difficile voyage à la recherche de sa propre identité. Le jeune metteur en scène Rogier Hardeman a déjà une longue expérience avec le théâtre musical destiné au jeune public. Il en connaît les défis, l’exigence de ces spectateurs particuliers, l’enthousiasme qu’il y a à créer sur scène des histoires qui peuvent bouleverser profondément et laisser dans la mémoire des traces pour toute une vie.

Pouvez-vous nous expliquer quelle sorte de plaisir éprouve un metteur en scène quand il travaille pour un jeune public  ?

Travailler pour des enfants est un travail extrêmement gratifiant car j’ai le droit de redevenir moi-même pour ainsi dire un enfant : d’être aussi joyeux, enthousiaste, vivant, dans les moments où eux-mêmes le sont. Pouvez-vous nous citer quelques réactions fortes ou inattendues d’enfants ou d’adolescents ayant assisté à une de vos productions ? Je n’oublierai jamais la scène où un acteur jouant le rôle d’un renard plus drôle que menaçant se glissa furtivement derrière l’actrice qui jouait le rôle d’une poule. Les enfants, en osmose avec la poule, l’avertirent en hurlant que quelqu’un était derrière elle. Bien entendu, nous ne nous y attendions par et nous avons bien ri car l’actrice fit l’imbécile, jouant un poulet qui ne comprend pas le langage des humains. Partagez-vous l’opinion selon laquelle, parce qu’ils n’ont pas d’idées préconçues, les enfants sont tout aussi réceptifs à la musique contemporaine qu’à, disons, un opéra baroque ou une composition de Mozart  ? Je pense que les enfants sont ouverts à toute sorte de répertoire aussi longtemps que la musique transmet une véritable histoire ou dit quelque chose sur l’un des personnages. Cela ne signifie pas que l’histoire ne peut P. 34 – 35

Vous montez depuis des années des opéras et des spectacles de théâtre musical destinés au jeune public. Quels dons particuliers doit posséder un metteur en scène s’adressant à des jeunes ? Les jeunes qui vont au théâtre forment un auditoire extrêmement exigeant. Ils attendent de vous d’être très précis dans l’expression dramatique. Mais à part cela, aucun don particulier n’est requis quand on monte une pièce s’adressant à un jeune public : tout comme les adultes, les jeunes veulent comprendre ce qui se passe et ils veulent être divertis. Si ce n’est pas le cas, ils vous le feront savoir immédiatement, à l’encontre d’un spectateur adulte qui par politesse restera assis dans son fauteuil sans se plaindre pendant toute la durée d’une soirée ennuyeuse. Et ce qui est important quand vous travaillez avec de jeunes enfants, c’est de savoir qu’ils ne pensent pas en termes de concepts mais qu’ils ont une vision directe et concrète du réel. Aussi, devez-vous leur montrer les choses et non parler des choses. Alors oui, peut-être faut-il être resté soimême jeune de cœur et d’esprit.


© C. Kalscheuer

Les jeunes acteurs comme les jeunes chanteurs sont souvent, tout comme les enfants, très ouverts et créatifs.

Alice Fuder (Soprano / Mouton 2 / Madame Schulz / Annelieschen / Ange), Daniel Keating-Roberts (Contreténor / Mouton)

pas être « abstraite », au contraire, car ils ont beaucoup d’imagination et j’ose dire qu’ils sont plus prédestinés que quiconque à « comprendre » la musique contemporaine. De quoi parle Mouton ? Mouton parle d’amitié, parle de « ma » place dans le monde par rapport aux autres, car ce n’est que dans mon rapport aux autres que je suis une personne singulière. C’est seulement quand j’aurai appris à dialoguer avec les autres que je pourrai apprendre qui je suis et apprendre à me mieux connaître. C’est ce qui arrive à Mouton : il n’avait jamais pensé être un mouton différent des autres moutons qui l’entouraient. Exactement comme quand, petits, nous ne savions pas ce que veut dire « je suis ». Ce n’est que lorsqu’il part à la recherche d’un nom – qui fera de lui un être individuel – qu’il entre en contact avec d’autres êtres : devant réagir à ce qu’ils font et à ce qu’ils lui disent, il apprend beaucoup sur son propre moi. Il commence à grandir, pour ainsi dire, ce qui n’est pas toujours une aventure si plaisante et, à la fin, on comprend assez bien qu’il veuille retourner parmi les siens, les autres moutons, pour ne plus avoir à réfléchir sur soi. Mais ayant appris beaucoup

de choses, il n’est pas déraisonnable de se demander si, une fois revenu au sein du troupeau, il pourra de nouveau n’être qu’un numéro parmi les autres. Quelle est la musique de cette pièce  ? Dans cette production, les morceaux de musique se démarquent, car ils n’ont pas de rapport direct avec les dialogues parlés. Ils ont, en revanche, une fonction organisatrice. La musique est parfois utilisée pour marquer un temps d’arrêt dans le déroulement de l’action quand les choses deviennent trop tragiques, turbulentes ou dramatiques, parfois pour faire avancer l’action. Les morceaux de musique sont des moments émotionnels très concentrés, qui nous font voir – ou plutôt « sentir » – ce qui arrive à Mouton comme à travers une loupe. Dans cette nouvelle production vous allez travailler avec de jeunes acteurs et de jeunes chanteurs. Travailler avec des artistes de votre âge représente-t-elle pour vous une situation spéciale  ? Et, en quoi  ? Les jeunes acteurs comme les jeunes chanteurs sont souvent, tout comme les enfants, très ouverts et créatifs, aussi est-ce le plus souvent un immense bonheur de travailler avec eux.


OPERA JEUNE PUBLIC / MOUTON

Vous souvenez-vous de votre première expérience de spectateur d’opéra ou de théâtre musical  ? Quel âge aviez-vous  ? Quel fut votre sentiment  ? J’ai grandi dans une petite ville, où l’opéra était une denrée exotique, avec laquelle je ne suis entré en contact qu’à l’âge de 15 ou 16 ans. Le premier opéra que j’ai vu fut Rigoletto donné par une compagnie d’Europe de l’Est itinérante. J’ai beaucoup aimé la musique, mais je me souviens aussi que j’ai été surpris que Gilda mette tant de temps à mourir et qu’elle fût encore capable de chanter si magnifiquement jusqu’à la fin. Pouvez-vous nous parler de vos antécédents  ? Enfant, je lisais beaucoup. J’étais fasciné par les histoires et les contes. Je voulais moi aussi raconter des histoires et j’ai donc choisi le théâtre comme moyen d’expression. Par ailleurs, j’ai toujours été fasciné par la puissance émotionnelle directe de la musique. Je pense donc qu’il était logique que je finisse par travailler dans une structure comme celle du théâtre musical. – Traduit de l’anglais par Catherine Debacq-Groß

Daniel Keating-Roberts (Contreténor / Mouton), Alice Fuder (Soprano / Mouton 2 / Madame Schulz / Annelieschen / Ange)

MOUTON [ CRÉATION FRANÇAISE ] Production du Junge Oper Stuttgart

Mise en scène Rogier Hardeman Décors et costumes Anna Stolze Préparation musicale Benoît Haller Traduction Mike Tijssens Mouton Julien Freymuth Mouton 2, Mère 1, Annelise, Peuple 1, Ange Anaïs Yvoz * Mouton 6, Prince Lorenzo, Gardien, Dolores, Maître de maison Sébastien Dutrieux Clavecin, Orgue positif, et les rôles de Mouton 3, Père, Pierre, Peuple 2, Invité, Vagabond Yoann Moulin ** Harpe, et les rôles de Mouton 4, Niki, Mère 2, Peuple 4, Maîtresse de maison Marie Bournisien ** Violone, et les rôles de Mouton 5, Charles, Peuple 3, Invitée, Pêcheur Élodie Peudepiece ** * Artiste de l’Opéra Studio de l’OnR ** Musiciens de la Chapelle Rhénane La Chapelle Rhénane est conventionnée par la Ville de Strasbourg, la DRAC Grand Est et la Région Grand Est. Theaterstückverlag, Korn-Wimmer, München En langue française, surtitrages en français et en allemand

COLMAR Théâtre me 20 décembre 14 h 30 ve 22 décembre 19 h STRASBOURG CMD

MULHOUSE La Sinne

di 7 janvier 15 h me 10 janvier 14 h 30 je 11 janvier 19 h sa 13 janvier 19 h di 14 janvier 15 h me 17 janvier 14 h 30

sa 27 janvier 19 h di 28 janvier 15 h

PRIX : de 6 à 25 €

P. 36 – 37

© C. Kalscheuer

© C. Kalscheuer

+ Représentations scolaires (» brochure jeune public)


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© plainpicture/Mohamad Itani

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ENTRETIEN SÉBASTIEN DUTRIEUX Propos recueillis par Hervé Petit

Sébastien Dutrieux, metteur en scène de l’opéra Sindbad du compositeur anglais Howard Moody poursuit, à partir du mois de décembre, le travail engagé avec les enfants des écoles et collèges de Strasbourg et de Mulhouse. La Première de ce qui sera sans doute pour eux l’un des plus beaux moments de leur année scolaire approche à grands pas. Vous avez évoqué dans la présentation de votre projet pour cette production que dans le livret de cet opéra, figure l’expression « Live without fear » (vivre sans peur). De quelle façon pouvez-vous appliquer cette maxime au travail avec l’équipe et les enfants ? On a tous des peurs et des raisons d’avoir peur. C’est le travail d’une vie que d’apprendre à vivre sans peur en sachant que là il s’agit aussi d’être sur scène sans crainte. Étant moi-même comédien, je suis souvent sur scène et je sais que la peur peut enlever tout le sens de ce pour quoi on est là. Jouer sur scène sans crainte est un enrichissement. La scène est un lieu de plaisir et je veux communiquer le plaisir de jouer, de raconter une histoire et de se mettre au service d’une œuvre. Le sentiment de modestie est aussi une valeur que je souhaite faire passer, alors que, dans notre société, elle est assez déconsidérée. On doit apprendre en commun de cette expérience.

Vous avez-vous-même fait cette expérience de la scène étant plus jeune. Comment investir le fruit de ces moments ? J’ai commencé effectivement enfant à faire du théâtre. Certes, nous allons monter un spectacle avec des jeunes mais je garde à l’esprit qu’il y aura aussi des spectateurs dans la salle et entre autres des enfants pour lesquels il est important d’adopter la position d’écoute et d’attention que j’ai moi-même comme spectateur. Je voudrais que ces spectateurs, qui feront pour certains leur première expérience, aient l’envie de revenir. De même, je souhaite que ceux qui font pour la première fois l’expérience de la scène en sortent grandis. Et ces deux positions : celle du spectateur et de comédien sont-elles complémentaires ? J’ai toujours besoin d’aller voir des spectacles et d’être dans la position de celui qui écoute et qui regarde, qui reçoit. Dans le monde actuel, on est sans cesse sollici-


OPERA JEUNE PUBLIC SINDBAD / ÉPISODE 2

té, on doit prouver plein de choses, se battre, vaincre. Mais cette position apparemment « passive » du spectateur est fondamentale. Quand on est comédien, on est au service d’un auteur pour faire passer la pensée de celui-ci au public. Comme un serviteur passionné.

d’apprendre des airs, de se retrouver ensemble autour d’une musique, autour d’une histoire, avec face à eux le compositeur lui-même et un metteur en scène. La timidité pour certains, l’aplomb pour d’autres, mais la passion pour tous. Ils sont étonnants.

Précisément pour Sindbad, l’auteur, en l’occurrence Howard Moody, compositeur, librettiste et chef d’orchestre pour cette production est présent physiquement dans le projet. Est-ce la première expérience de ce type pour vous ? Eva Kleinitz m’a proposé ce projet, j’ai écouté la musique et je me suis plongé dans l’ouvrage puis j’ai rencontré Howard et on s’est tout de suite très bien entendus. Il a été touché par la passion que son Sindbad avait provoquée en moi. L’œuvre est là, il s’agit de la servir. Sur le plateau assez nu, il y aura juste un arbre pour que tout l’espace soit offert à la musique et à son interprétation par les enfants. C’est la première fois que je m’attaque à un projet d’une telle dimension avec des enfants, même si j’ai déjà eu l’occasion de diriger des enfants dans d´autres mises en scène. Le rapport est pour moi évident, ayant comme je le disais été confronté très jeune à cette même démarche. Je suis heureux de ne jamais avoir perdu ce rapport d´enfant au théâtre et de fait il m’est facile de me projeter dans ce qu’ils ressentent.

Pour en revenir à l’œuvre, une autre citation dans l’ouvrage a suscité une réaction chez vous : « Imagination sets us free » (l’imagination nous rend libre). Pensez-vous pouvoir vous saisir des propositions des enfants et les intégrer dans la mise en scène ? Je pense qu’il va être difficile en raison du temps de répétition de laisser libre cours à l’improvisation. J’arrive avec des propositions claires que je leur demande de réaliser tout en les invitant à y mettre une part d’euxmêmes sans m’obéir aveuglément. L’imagination est liée à une présence sur scène dépourvue de peur. Cette histoire est une aventure de l’esprit avant tout.

Suivez les répétitions de nos jeunes artistes dans SINDBAD, ÉPISODE #3, à découvrir dans le prochain numéro de OnR LeMag.

P. 38 – 39

Vous avez eu l’occasion de rencontrer les interprètes une première fois en septembre. Quelles impressions après cette confrontation ? J’ai trouvé très touchant de les projeter dans l’aventure d’un spectacle de cette ampleur et de les amener à un niveau professionnel pour la première fois. Je les ai trouvés très réactifs, répondant à la demande

Vous allez jouer dans Mouton, spectacle que les enfants vont venir voir et dans lequel vous êtes comédien. En quoi cela peut-il faire évoluer le rapport que vous avez aux enfants ? Il est opportun qu’ils puissent me voir non pas dans le rôle de metteur en scène mais dans celui « qui se fait diriger ». Cela montre que l’on peut soi-même se plier aux demandes d´un autre metteur en scène. J’ai par ailleurs beaucoup joué à Mulhouse avec l’Orchestre symphonique, Babar, L’Oiseau de feu et si ça se trouve, certains spectateurs devant lesquels j’ai joué sont dans la production. Je me réjouis de ce projet en tous cas.


PARTAGER LE BEAU ENTRETIEN GIUSI PAJARDI / PRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION FIDELIO Propos recueillis par Nathalie Bach

L’

association Fidelio porte en elle les ambitions les plus nobles. Giusi Pajardi, sa présidente, n’a de cesse de les nourrir et de les défendre en contribuant au rayonnement artistique de l’Opéra national du Rhin. Et de donner corps et sens au lien qui doit unir public et artistes. « L’art à tout prix, et pour tous ! » : tel pourrait être son credo tant sa vie semble portée par son amour pour la musique, les chanteurs et les danseurs. L’importance de son engagement et son enthousiasme sont essentiels pour de nombreux projets ambitieux de notre institution. la musique – je suis milanaise, ah oui je crois que je l’ai dit – mais c’est aussi la volonté de partager le beau et de l’offrir à tous. J’ai toujours eu ce désir de garder cette passerelle entre les artistes et le public. Lorsque je suis arrivée ici, je ne connaissais personne, mais le contact avec le monde de la musique a créé énormément de liens magnifiques et surprenants. Et mes liens surtout avec l’OnR et l’OPS se sont approfondis au fil des années. Strasbourg a une dimension tellement riche, c’est vraiment un tissu épais de valeurs humaines et historiques. J’ai adopté cette ville et elle m’a adoptée. C’est un humus dans lequel je me sens bien et très probablement que je ne quitterai plus. Après les spectacles, il m’est arrivé de recevoir chez moi des gens que je ne connaissais absolument pas, je voulais garder le lien, que la fête ne s’arrête pas. »

C’est en 1978 que cette femme de parole arrive à Strasbourg : « Je suis venue pour le Conseil de l’Europe. » Responsable du secrétariat de l’accord partiel de la banque de Développement du Conseil de l’Europe, banque à vocation sociale, sa fonction déroule un fil rouge inhérent à sa pratique, à ses implications et à l’éthique sans faille qui la constituent. « J’adore mon métier ! Et si en parallèle, je suis devenue présidente de l’association Fidelio, c’est bien sûr mon amour pour

La fête ne s’arrête jamais avec Giusi Pajardi. Les désormais très prisés « Dîners sur scène », les rencontres avec les artistes, la possibilité de découvrir les ateliers de construction des décors et de costumes, les invitations à des répétitions ou encore le confort de réserver ses places quelques jours avant chaque représentation exaucent en grande partie les vœux de la présidente de l’association Fidelio. « Mais chaque don, chaque nouveau membre est une victoire par rapport à l’engagement

© Klara Beck

« Je suis milanaise ! » Les rocailles chaudes de son rire ne trompent pas. Ni le volubile de sa passion quand, prise par elle, elle en oublie l’assiette de son déjeuner. Giusi Pajardi parle tout cœur dehors à l’évocation des membres de l’association Fidelio dont le chiffre a presque quadruplé à l’instar des trois années passées depuis qu’elle en est présidente. Elle affirme avec force que ce titre n’est pas significatif : « Moi, je ne suis qu’un facilitateur, un instrument qui peut apporter une dynamique! Et puis, et surtout, nous sommes d’abord une équipe, avec Mélanie Aron et Marie-Odile Molina. » À la question du dénominateur commun qui les anime, ses yeux pétillent encore un peu plus avant de jeter : « L’enthousiasme ! »


FIDELIO PARTAGER LE BEAU

citoyen vis-à-vis de ces valeurs d’humanité qui sont aussi de fédérer et de construire autour de l’amour de l’art. Ensemble. Ensemble aussi vers les jeunes : que chaque enfant, d’où qu’il vienne, puisse aussi accéder au monde de la musique, de la danse. C’est de la responsabilité de chacun. Et les entreprises qui sont nos partenaires agissent également d’une façon majeure dans le sens où elles deviennent à leur tour un facteur de culture, de synergie, de cohésion et de développement économique et social. J’ai beaucoup de chance et je suis tellement reconnaissante à l’Opéra national du Rhin d’offrir ces avantages à son public. Il ne faut pas oublier que l’association Fidelio rassemble les amateurs d’arts lyrique et chorégraphique, que les dons sont reversés à l’OnR pour soutenir des projets de sa politique artistique et éducatrice, et que l’association étant reconnue d’intérêt général, ces mêmes dons sont déductibles des impôts, scusi, ce n’est pas magnifique ça ? » Souvent, elle va à Milan retrouver sa mère, son frère et sa sœur. Dans cette famille, la notion d’équité, de réparation et de justice n’est pas un vain mot. « Mon père était le président du tribunal et ensuite de la cour d’appel de Milan, une rue porte son nom… Mon frère est chirurgien et ma sœur psychologue. Mes parents nous ont laissé le plus grand héritage qui soit, l’engagement pour les valeurs et les principes. Ne jamais s’appesantir, toujours creuser ses idées. C’est un cadeau considérable ». Alors, elle ne se lasse pas de le transmettre à son tour, et dans son bouillonnant parcours, évoque soudain sa préoccupation pour Madagascar, la collecte qu’elle est en train d’organiser, l’école dont elle se réjouit d’avoir pu faire financer une partie des réparations et tant d’autres démarches incidemment déclinées. « J’ai simplement aidé à faire se rencontrer les bonnes personnes. » L’objet de sa mission d’origine dans ce pays ? « Mais aucune, j’étais en vacances ! » Elle fait partie de ces êtres dont l’éclatante bonté se mesure à la valeur de leur discrétion. Et de leurs actes. Dans un dernier sillage au parfum de tubéreuse, sa tendre figure vous salue avec l’élégance de toute sa personne. « Je suis milanaise. Scusi, je l’ai déjà dit ! »

Mais chaque don, chaque nouveau membre est une victoire par rapport à l’engagement citoyen vis-à-vis de ces valeurs d’humanité qui sont aussi de fédérer et de construire autour de l’amour de l’art.

fidelio P. 40 – 41

association pour le développement de l'Opéra national du Rhin


les midis lyriques Les midis lyriques vous offrent l’occasion d’entendre les différents artistes de l’Opéra national du Rhin, les solistes des Chœurs, les jeunes talents de l’Opéra Studio, les chanteurs de la Maîtrise et quelques autres invités inattendus. Tarif : 6 & 12 €

IN DUBLIN’S FAIR CITY… Un voyage à Dublin, avec la participation des membres des Chœurs de l’Opéra national du Rhin et quelques amis de la région… Dominic Burns guitare/chant Fabien Gaschy guitare/chant Laurent Koehler banjo/chant

Marc Braunstedter violon/alto Lorène Koehler violon/alto Rémi Studer contrebasse

STRASBOURG Opéra, Salle Ponnelle sa 16 décembre 11  h

Marc Quinn, AAA GTATA GGCAG, 2009, Bronze et matières plastiques, Collection Würth, Inv. 13583, Photo : Volker Naumann, Schönaich

MERRY CHRISTMAS ! Antoine Foulon, jeune chanteur de l’Opéra Studio, et la Maîtrise de l’Opéra national du Rhin vous proposent de passer une heure en leur compagnie musicale alors que Noël approche avec Christmas Truce de Jonathan Rathbone et la Missa Carolae de James Withbourn. Antoine Foulon baryton-basse Luciano Bibiloni direction musicale Petits Chanteurs de Strasbourg – Maîtrise de l’Opéra national du Rhin

STRASBOURG Opéra sa 23 décembre 11  h

PROLONGATION JUSQU’AU 7 JANVIER 2018

ROMÉO ET JULIETTE En hommage musical à Charles Gounod pour le bicentenaire de sa naissance, des membres de l’Opéra Studio interprètent, dans une mise en espace, des extraits de Roméo et Juliette. Anaïs Yvoz soprano Igor Mostovoi baryton Fanny Lustaud mezzo Antoine Foulon baryton-basse François Almuzara ténor

Dionysos Idis basse Manon Parmentier, Stella Souppaya piano Vincent Monteil direction musicale Emilie Rault mise en espace

COLMAR Théâtre

STRASBOURG Opéra, Salle Bastide

ma 30 janvier 12  h 30

sa 10 février 11  h


»» vite dit »» >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

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*!* Kein Licht de Philippe

*!* Sur Arte Concert,

Manoury qui a ouvert la saison 2017 / 2018 a continué son voyage. Après l’Opéra Comique à Paris et le Théâtre national croate à Zagreb, le spectacle a été présenté au Grand Théâtre des Théâtres de la Ville de Luxembourg. Vous pouvez le retrouver sous la forme d’une captation réalisée à l’Opéra Comique sur le site de Arte Concert.

découvrez l’extraordinaire Rodrigue de Ludovic Tézier dans Don Carlos de Verdi en version française dans la production de Krzysztof Warlikowski et sous la direction de Philippe Jordan. Ludovic Tézier sera à l’OnR, accompagné de Cassandre Berthon, pour le récital de fin de saison, le 30 juin prochain.

*!* Le CCN/Ballet de l’OnR participe au lancement de la plate-forme du réseau Grand Luxe, destinée aux professionnels des arts et de la culture en Grande Région. Le réseau Grand Luxe se définit comme un comptoir d’échanges artistiques au service de chorégraphes désirant développer de nouveaux projets.

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*!* Le metteur en scène David

*!* À la tête de l’Orchestre

Pountney et sa costumière Marie-Jeanne Lecca seront à la Scala de Milan avant de débuter à Strasbourg les répétitions des Sept Péchés capitaux… En effet, à partir du 15 avril, ils proposeront, en compagnie du chef d’orchestre Fabio Luisi, leur production de Francesca da Rimini. Une deuxième production de l’œuvre de Ricardo Zandonai en l’espace de quelques mois. La jeune mezzo allemande Idunnu Münch interprètera le rôle de Smaragdi dans les productions de Strasbourg et de Milan.

symphonique de Mulhouse, Patrick Davin dirige les 15 et 16 décembre à la Filature le troisième concert symphonique de la saison. Au programme : Symphonie concertante Op.125 pour violoncelle et orchestre de Sergueï Prokofiev et Don Quichotte Op.35 de Richard Strauss.

*!* Après son superbe Cherubino dans notre production des Nozze di Figaro, Catherine Trottmann enchaîne avec le rôle de Rosina dans une production du Barbiere di Siviglia de Rossini au Théâtre des Champs-Élysées sous la direction de Jérémie Rhorer et dans une mise en scène de Laurent Pelly. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* La cheffe d’orchestre Ariane Matiakh qui dirigera prochainement la production de Werther à l’OnR a enregistré, à la tête du Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin et accompagnée Maria Lettberg, un CD que les amateurs de musique russe apprécieront sans aucun doute : les rares Concertos pour piano de Zara Levina. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Georg Nigl que nous retrouverons pour le récital Ô Mensch de Pascal Dusapin qu’il donnera à Strasbourg le 14 février, interprètera auparavant Il Prigionero dans l’œuvre éponyme de Luigi Dallapicola dans une mise en scène de Andrea Breth à La Monnaie à Bruxelles (du 16 au 27 janvier).

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*!* Les chanteurs de l’Opéra Studio sont très bien représentés dans le 4e concours « Les Voix nouvelles » dont la finale régionale aura lieu, en présence du public, sur la scène de l’OnR à Strasbourg le 20 décembre à 19h. Nous aurons le plaisir d’y entendre François Almuzara, Marta Bauzà, Antoine Foulon, Igor Mostovoi et Anaïs Yvoz. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Valentin Thuet, danseur du Ballet de l’Opéra national du Rhin, a remporté le Prix Talent d’Avenir 2017, décerné par la Fond’Action Alsace en octobre 2017.

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En plus de sa présence très attendue dans la fosse de l’OnR pour la production de Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg propose deux concerts de fin d’année. Le 22 décembre, il donne au PMC un Concert de Noël dirigé par Jonas Alber (œuvres de Haydn, Vaugham Williams et Mendelssohn) avec François Almuzara, Marta Bauzà, Dionysos Idis, Fanny Lustaud et Igor Mostovoi de l’Opéra Studio. Le 31 décembre, c’est Marko Letonja, son directeur musical, qui propose, toujours au PMC, un Concert de Saint-Sylvestre à la tête de son orchestre qui mêlera humour et émotion avec les musiciens Aleksey Igudesman et Hyung-ki Joo. Le titre du concert annonce des surprises : A Big Nightmare Music… >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> P. 42 – 43

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calendrier Informations communiquées sous réserve de modifications

STRASBOURG

MULHOUSE

COLMAR

DÉCEMBRE sa 02 Bonsoir Maestro Carella ! / Scènes Ouvertes

Bastide 18 h

je

07

Rencontre autour de Francesca da Rimini / Scènes Ouvertes

Kléber 18 h

ve

08

Francesca da Rimini

Opéra 20 h

sa

09

Récital Mark Padmore

Opéra 20 h

di

10

Avec mon cous(s)in / Mark Padmore

Opéra 11 h

di

10

Francesca da Rimini

Opéra 15 h

me

13

Mercredi découverte / Dansez !

Ccn 13 h

je

14

Classe ouverte / Scènes Ouvertes

Ccn 10 h

je

14

Francesca da Rimini

Opéra 20 h

ve

15

Noëls d’ici et d’ailleurs – Opéra Studio

Opéra 18 h

sa

16

Midi lyrique / In Dublin’s fair city...

Opéra 11 h

lu

18

Coulisses studio / Chaplin / Scènes Ouvertes

ma

19

Francesca da Rimini

Ccn 18 h

Opéra 20 h

me

20

Mouton

me

20

Finale Régionale Concours Voix Nouvelles

Théâtre 14 h 30

Opéra 19 h

ve

22

Mouton

ve

22

Noël en chœur (de l’OnR)

Opéra 18 h

sa

23

Midi lyrique / Merry Christmas !

Opéra 11 h

sa

23

Francesca da Rimini

Opéra 20 h

je

28

Francesca da Rimini

Opéra 20 h

Théâtre 19 h

JANVIER sa

06

Francesca da Rimini

di

07

Mouton

CMD 15 h

Filature 20 h

lu

08

Danse à l’université / Chaplin / Scènes Ouvertes

US 18 h 30

lu

08

Francesca da Rimini

me

10

Mouton

CMD 14 h 30

je

11

Mouton

CMD 19 h

je

11

Chaplin

Opéra 20 h

ve

12

Chaplin

Opéra 20 h

sa

13

Chaplin

Opéra 20 h

sa

13

Mouton

CMD 19 h

di

14

Mouton

CMD 15 h

di

14

Chaplin

Opéra 15 h

lu

15

Chaplin

Opéra 20 h

me

17

Mouton

CMD 14 h 30

je

25

Université de la danse / Chaplin / Scènes Ouvertes

Ccn 19 h

sa

27

Mouton

Sinne 19 h Sinne 15 h

Filature 20 h

di

28

Mouton

ma

30

Midi lyrique / Roméo et Juliette

Théâtre 12 h 30

me

31

Mercredi découverte / Backstage...

CDE 14 h

Ccn : Centre chorégraphique national, 38 Passage du Théâtre, Mulhouse CDE : Comédie de l’Est, 6 route d’Ingersheim, Colmar CMD : Cité de la musique et de la danse, 1 place Dauphine, Strasbourg

Kléber : librairie Kléber, Salle Blanche, 1 rue des Francs-Bourgeois, Strasbourg US : Université de Strasbourg, Le Portique, 14 rue René Descartes, Strasbourg


REJOIGNEZ

FIDELIO FIDELIO, C’EST… • vos places quand vous voulez, même au dernier moment • un placement privilégié sur les Dîners sur scène • un tarif préférentiel sur les abonnements • la découverte de l’envers du décor, des rencontres avec les artistes • des invitations à des spectacles, à des répétitions, des visites du théâtre, des ateliers et des stocks de costumes • des rencontres et des activités à partir de 5 ans (Fidelito)

VOS AVANTAGES FISCAUX Particuliers Votre don ouvre droit à une réduction d’impôt sur le revenu de 66 % de la somme versée*. * Plafonné à 20 % du revenu imposable annuel. Possibilité de reporter l’excédent sur les années suivantes, dans la limite de 5 ans.

Entreprises Les entreprises bénéficient d’une réduction d’impôt sur les sociétés au titre du mécénat équivalente à 60 % du montant de leur don*. * Plafonnée à 0,5 % du chiffre d’affaires HT de l’entreprise. Possibilité de reporter l’excédent sur les cinq exercices suivants.

L’association pour le développement de l’Opéra national du Rhin rassemble les amateurs d’arts lyrique et chorégraphique désireux de soutenir l’Opéra national du Rhin et d’être associés à ses activités. Fidelio contribue activement au dynamisme artistique et au rayonnement de l’Opéra national du Rhin. Grâce aux fonds collectés, l’association soutient les productions, le programme pédagogique et d’action culturelle de l’Institution. Nous contacter Fidelio operanationaldurhin.eu (Rubrique Soutenir l’Opéra) +33 (0) 3 68 98 75 34 fidelio@onr.fr

fidelio association pour le développement de l'Opéra national du Rhin



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