OnR LeMag #1

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LE MAG

OPÉRA NATIONAL DU RHIN SEPTEMBRE > NOVEMBRE 2017

entretien

eva kleinitz & bruno bouché Un duo complice et ambitieux. La nouvelle directrice de l’Opéra national du Rhin et le nouveau directeur du CCN / Ballet de l’OnR reviennent sur leur parcours et dévoilent leurs visions.

opéra

kein licht

Le compositeur Philippe Manoury, l’écrivaine Elfriede Jelinek et le metteur en scène Nicolas Stemann créent Kein Licht. La saison de l’OnR débute par la première française de ce projet européen très attendu.

opéra

nozze di figaro

danse

forsythe • kylián • scholz Regards de trois grands chorégraphes contemporains sur le couple, la solitude et la condition humaine.

STRASBOURG • MULHOUSE • COLMAR

Légèreté, mélancolie et crépuscule ou la musique de Mozart, avec le metteur en scène Ludovic Lagarde et le chef d’orchestre Patrick Davin.


édito Nous sommes heureux de vous présenter le premier numéro de OnR LeMag, le nouveau magazine de l’Opéra national du Rhin. Le partage est son maître-mot et sa fonction première sera de lever le voile sur les productions d’opéra et de danse de la programmation, de mettre en lumière des artistes singuliers et de vous livrer des informations qui, nous l’espérons, vous inciteront à venir vivre à nos côtés des émotions fortes dans les différents lieux où se déploie notre institution, à Strasbourg, Mulhouse et Colmar. Cultiver votre curiosité en vous proposant des regards inattendus, en vous livrant des points de vue originaux est notre ambition. Ce magazine sera aussi un moyen pour Eva Kleinitz et Bruno Bouché de vous présenter leurs choix artistiques et de vous ouvrir les portes sur le fonctionnement au quotidien d’un grand théâtre de création. OnR LeMag est le premier changement profond dans le projet éditorial de l’Opéra national du Rhin. Dès la rentrée, de nouveaux programmes accompagneront les productions d’opéra et de ballet, ainsi que les soirées de récital. D’autres initiatives importantes vous seront proposées en cours de saison. Accessibilité et partage des connaissances animent aujourd’hui et animeront demain notre démarche. Notre institution revendique haut et fort son ouverture sur le monde et affirme sa volonté de faire dialoguer les langues et les cultures. OnR LeMag sera le porte-voix de l’ancrage dans la réalité contemporaine d’une maison d’opéra qui ne veut pas être qu’une machine à produire des rêves, mais aussi un lieu de débat et de réflexion. Que ce magazine soit pour vous le lien qui vous unit aux artistes, aux artisans et à tous ceux qui donnent une âme à cette institution.

SOMMAIRE

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Entretien avec Eva Kleinitz et Bruno Bouché

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Directrice de la publication Eva Kleinitz Rédacteur en chef Christian Longchamp Directrice de la communication Mélanie Aron Conception graphique la fabrique des regards / Muriel Waerenburgh Iconographie la fabrique des regards / Lise Bruyneel

Secrétariat de rédaction Monique Herzog, Laurine Koenig, Marie-Odile Molina et Julien Roide Impression Ott Imprimeurs Journal imprimé à 15000 exemplaires Licences 2-1055775 et 3-1055776 Photo cover : Lécher ses vertèbres © plainpicture/Laure Ledoux

Prélude Ouverture festive du début de saison

Kein Licht 11 À la recherche de l’opéra de notre temps

Entretien avec Philippe Manoury

15 Sound and Fury, sur la musique

de Philippe Manoury Patrick Hahn

17 Elfriede Jelinek : l’abîme sous nos pieds

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Entretien avec Sarah Neelsen

Le Nozze di Figaro 21 La grâce et l’effroi

Entretien avec Ludovic Lagarde

24 Virtuosité, précision et fraîcheur

Patrick Davin

26 Da Ponte, le mouvement permanent

Christian Longchamp

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Opéra Studio

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Récital

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Forsythe-Kylián-Scholz

38

L’Atelier

40

Sindbad

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Vite dit

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Calendrier

Bonne lecture ! LA RÉDACTION

Des histoires, des passions et une vision commune

Vivre sa vie ou la formation à l’Opéra Studio Eva Kleinitz

Marie-Nicole Lemieux

Héritage, création & école Entretien avec Reid Anderson

Une dramaturgie chorégraphique au XXIe siècle

Épisode 1 – La Rencontre Entretien avec Howard Moody


BRUNO

BOUCHÉ

EVA

© Klara Beck

KLEINITZ


DES HISTOIRES, DES PASSIONS ET UNE VISION COMMUNE ENTRETIEN EVA KLEINITZ & BRUNO BOUCHÉ Propos recueillis par Sonia Hossein-Pour

E

va Kleinitz et Bruno Bouché débutent leur première saison à la direction de l’Opéra national du Rhin, respectivement en qualité de Directrice générale de l’OnR et Directeur du CCN / Ballet de l’OnR. Grâce à leur ardeur et leur dynamisme, c’est un formidable vent de renouveau qui va souffler désormais sur l’une des plus prestigieuses scènes françaises. Cet entretien vous permettra de mieux les connaître.

Et vous, Bruno, à quel moment votre vocation pour la danse est-elle apparue ? Bruno Bouché : J’avais à peine 5 ans et je disais déjà que je voulais être danseur. Je me souviens avoir traîné mon père jusque chez la directrice de l’école de danse

de Roissy, le village où j’habitais. Je ne viens pas du tout d’un milieu de danseurs ou d’amateurs de danse mais mon père était maire-adjoint à l’éducation et à la jeunesse, ce qui a facilité l’échange avec les écoles de musique et de danse et son acceptation de mon désir. Par la suite, j’ai eu la chance d’être très encadré par ma première professeure, Marie-Christine Robert, qui continue toujours de me suivre, et qui a compris cette volonté que j’avais d’en faire mon métier. Je savais que c’était une carrière difficile, mais à chaque étape, je me suis accroché. Un souvenir mémorable lié à la découverte de la danse  ? B.B. : Un des faits marquants pour moi a été le jour où j’ai assisté à un spectacle de danse de l’école de mon village… Il s’intitulait Blanche Neige et l’un de mes camarades de maternelle y interprétait un des sept nains. Je me souviens alors m’être dit que j’aurais voulu être sur scène à jouer le nain à sa place ! Aviez-vous des musiques de prédilection pendant votre adolescence ? E.K. : De mes 7 à mes 17 ans, j’ai fait de la viole de gambe et beaucoup de musique baroque. Je jouais énormément Couperin, Marais, Purcell… Ensuite vers l’âge de 16 ans, j’ai commencé à prendre également des cours de chant et de piano. Mais après ces 10 années à ne faire que de la musique baroque ou presque, j’avais P. 2 – 3

Quand est né votre intérêt pour l’opéra et avez-vous un souvenir marquant lié à votre première expérience dans un théâtre  ? Eva Kleinitz : Il y a deux voies qui m’ont conduites à aimer l’opéra. D’une part, l’école. À l’âge de 6 ans, j’étais dans une école Steiner où, très tôt, nous faisions de la mise en scène, du théâtre, du chant... et j’y ai pris énormément de plaisir. Et d’autre part, ma famille. Même si mes parents étaient chercheurs en chimie, ils étaient mélomanes et ils m’ont emmenée à l’opéra dès mon plus jeune âge. De là est née une fascination pour cet art et l’envie, progressivement, de faire quelque chose dans ce domaine. À l’âge de 8 ans environ, à Hanovre, je suis allée voir La Walkyrie avec mes parents, le troisième opéra auquel j’assistais après Hänsel et Gretel et Der Freischütz. La mise en scène était assez traditionnelle et l’opéra se terminait donc avec Brünnhilde dans un cercle de feu. Mais moi, j'ai pensé qu’elle était morte ! J'ai paniqué et mon père a cherché tant bien que mal à me rassurer. Puis lorsque cette artiste est venue saluer le public devant le rideau, je me souviens que cela m’a bouleversée.


EVA KLEINITZ & BRUNO BOUCHÉ

des envies d’autre chose et, au cours de mes études, je me suis davantage plongée dans la musique de Wagner ou de Strauss... Mais j’ai toujours conservé de l’intérêt pour la musique baroque et plus tard, en rencontrant certaines personnes comme René Jacobs à la Monnaie, il m’a même semblé que je découvrais cette musique une deuxième fois.

© Klara Beck

Vous êtes entré dans la fameuse École de danse de l’Opéra de Paris. Comment avez-vous vécu vos années d’apprentissage  ? B.B. : L’Opéra de Paris, c’est une école d’excellence. J’y ai reçu une formation exceptionnelle qui m’a donné accès à un métier de rêve. Je dois avouer cependant que mon cursus à l'École de danse a été difficile. Plutôt de caractère réservé, j'ai dû subir la présence de camarades qui prenaient beaucoup de place. À l’époque, Claude Bessy en était la directrice. L'enseignement qui y était dispensé était rigoureux, dur parfois. Mais l’envie d’être sur scène m’a toujours aidé à rester motivé.

Les projets que nous construisons se font toujours avec les intérêts, les rêves et les volontés de personnes qui viennent de tous les horizons.

Eva, vous voyagez beaucoup. Vous avez travaillé pour des festivals et des maisons d’opéra partout en Europe, vous parlez plusieurs langues, vous êtes passionnée par le Japon : d’où vous vient ce goût de l’ailleurs ? E.K. : Je pense que je suis quelqu’un de très curieux. J’aime aller à la découverte des choses et me laisser surprendre, marcher dans une direction, au hasard, et découvrir un lieu que je ne connaissais pas ; passer des heures dans une librairie pour chercher des livres que je n’ai pas encore lu... Je suis toujours en quête de découvertes et de rencontres, en sachant qu’il y a tellement de gens dans le monde qui viennent d’ailleurs et qui ont des expériences totalement différentes de la mienne et dont je peux me nourrir. Par vos origines et votre expérience, vous semblez avoir un lien très fort avec l’Europe : selon vous, comment l’opéra peut-il participer au projet européen  ? E.K. : Pour moi, l’opéra est un art qui n’a pas de frontières. Il est universel. À l’époque déjà, les chanteurs prenaient le bateau pour aller chanter de l’autre côté de l’Atlantique. Ce mouvement des artistes d’une ville à l’autre, d’une métropole à l’autre, n’est donc pas nouveau. Et aujourd’hui, ce phénomène est encore plus important, avec de jeunes artistes venant notamment de la Chine, de la Russie, qui trouvent à l’opéra une sorte de maison commune. Les compositeurs nous laissent des œuvres pour que nous les réinterprétions et les questionnions à nouveau chaque jour, dans un travail commun avec ces artistes. Et en ce sens, l’opéra est un exemple pour l’Europe. Combien ai-je vu de jeunes chanteurs qui sont nés en France, ont fait leurs études ailleurs, sont passés par des opérasstudio en Allemagne et sont retournés en France pour poursuivre leur carrière ? Cela fait partie de notre horizon ouvert. Les projets que nous construisons se font toujours avec les intérêts, les rêves et les volontés de personnes qui viennent de tous les horizons.

– Eva Kleinitz

Dans votre carrière, Bruno, vous êtes passé de danseur à chorégraphe, notamment au sein de la compagnie que vous avez fondée, Incidence chorégraphique : pourquoi avez-vous souhaité vous diriger dans cette voie ? B.B. : Six mois après mon concours d’entrée dans le Corps du ballet de l’Opéra de Paris, je me suis retrouvé à auditionner devant Pina Bausch et cela a été pour moi un immense choc. Cette rencontre m’a conforté dans les raisons qui me poussaient à faire ce métier et j’admirais le sens


Est-ce difficile de se décider à quitter une maison dans laquelle on a passé vingt ans de sa vie ? B.B. : C’est difficile de s’en détacher mais mon parcours a fait que j’ai eu très tôt l’envie et l’opportunité d’aller ailleurs, et ma compagnie m’a précisément apporté cette respiration. Je me disais souvent que si jamais la place que j’essayais d’occuper dans ma compagnie ne me rendait pas heureux, je devrais la quitter, mais pour une position tout à fait différente. D’où l’idée de partir travailler avec une chorégraphe comme Pina Bausch.

– Bruno Bouché

C’est pourquoi je m’étais mis alors deux objectifs en tête : pérenniser ma compagnie et diriger une structure. Mais je ne pensais pas à un Ballet d’Opéra national ! Une question toute simple : pourquoi Strasbourg ? E.K. : Je suis venue à Strasbourg pour la première fois lorsque j’avais 8 ans. C’est la première ville française que j’ai visitée. Je parlais à peine le français et j’étais bouleversée par la beauté et la culture de cette ville. À 19 ans, j’ai vu à l’opéra une fameuse production de Salomé et, quelque temps plus tard, j’étais assistante de mise en scène et dramaturge de Philippe Arlaud sur plusieurs productions, dont une Cenerentola à Strasbourg. C’est aussi pour ces raisons que j’ai décidé de poser ma candidature pour l’Opéra national du Rhin : j’étais familière de l’histoire de cette maison, de son fonctionnement, de sa structure. Je connaissais déjà plusieurs personnes, à commencer par Marc Clémeur, depuis l’époque où il dirigeait l’Opéra de Flandres, mais aussi des membres du chœur et de l’administration. Je n’aurais jamais pu postuler pour devenir directrice de cette maison si je ne ressentais pas une telle proximité avec elle. Au cours des années que j'ai passées à Stuttgart comme directrice de l’Opéra aux côtés de Jossi Wieler et Sergio Morabito, j'ai suivi avec attention la programmation de l’OnR.

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Y a-t-il d’autres chorégraphes qui vous ont influencé ? B.B. : Pina Bausch a été la chorégraphe la plus marquante pour moi. À chaque fois que j’étais confronté à son travail, j’avais envie de créer une autre pièce. J’étais même prêt à quitter l’Opéra de Paris pour rejoindre sa compagnie, le Tanztheater Wuppertal. Elle m’en avait dissuadé tout en m’encourageant à faire mon propre chemin. Mais c’est aussi grâce à elle que je me suis ouvert à d’autres esthétiques. J’ai découvert en particulier le travail de chorégraphes tels que William Forsythe, Anne Teresa de Keersmaeker, Merce Cunningham mais également certaines pièces de Jan Fabre qui m’ont beaucoup marqué.

Pina a été la chorégraphe la plus marquante pour moi. À chaque fois que j’étais confronté à son travail, j’avais envie de créer une autre pièce.

© Klara Beck

qu’elle donnait aux choses, à travers le vecteur de la danse. Après cette première étape, la création de ma compagnie est venue d'un désir de danser davantage. Mais au départ, j’y travaillais plutôt comme organisateur. Mon travail de chorégraphe a vraiment commencé lorsqu’un jour, j’ai proposé une chorégraphie pour un spectacle que nous étions en train de monter et où l’un des chorégraphes initialement programmé s’était désisté.


Quelle est votre vocation en tant que directrice d’opéra ? E. K. : Très tôt, j’ai aimé m’engager auprès des artistes pour les aider à trouver un espace de confiance et de création sans angoisse. Au cours de ma carrière, j’ai pu être témoin par exemple de la peur des chanteurs d’aborder un rôle pour la première fois, ou encore de la peur d’un chef de rencontrer un nouvel orchestre. Et j’ai toujours senti que, dans ce genre de situation, j’étais très utile pour soutenir les artistes et les aider à reprendre confiance. Pour vous Bruno, ce sera une première expérience à la tête d’une institution. Comment appréhendez-vous cette nouvelle fonction de directeur de ballet  ? B.B. : Ce qui me rend heureux, c’est de pouvoir me centrer sur un projet, à la fois pour le Centre chorégraphique national et pour le Ballet de l’Opéra national du Rhin. Par le biais du Centre chorégraphique national, nous avons à souhait de soutenir la production des compagnies indépendantes, de faire émerger de nouveaux créateurs. J’aime l’idée d’organiser, de répondre aux besoins des danseurs et des chorégraphes, de transmettre et surtout, d’éviter de voir se reproduire les choses dont j’ai pu souffrir. Et tout cela fait partie de ce projet de ballet au XXIe siècle.

5 MOMENTS D'UN PARCOURS EVA KLEINITZ

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1978 À six ans, premiers pas dans l'univers du théâtre, comme spectatrice mais aussi sur scène et dans les coulisses. Je suis fascinée par ce monde imaginaire complètement nouveau et j'essaie de créer mes propres spectacles.

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1988 J’achète un enregistrement de La Femme sans ombre de Richard Strauss avec Ute Vinzing et Marjana Lipovšek, sous la direction de Wolfgang Sawallisch. Découvertes captivantes : un monde musical, une écriture unique et les couleurs multiples des voix des chanteues dont celle qui « mourut » lorsque j'avais huit ans dans la Walkyrie et celle qui allait interpréter le rôle de Carmen à Bregenz trois ans plus tard.

JUILLET 1991 Premier contrat artistique comme assistante à la mise en scène de Jérôme Savary au Festival de Bregenz sur une nouvelle production de Carmen.

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2000 Premier voyage au Japon, découverte d'un pays et d'une culture. Je suis immédiatement fascinée et y reviendrai souvent.

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2011 Première rencontre intense avec Sidi Larbi Cherkaoui et ses partenaires artistiques en vue de futures collaborations avec la Monnaie à Bruxelles.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce projet  ? B.B. : Je pense qu’il y a une autre façon de manager les danseurs. Je pense que l’on peut gérer et diriger un groupe sans coercition. Les générations ont changé : lorsque j’observe les jeunes danseurs de 20 ans, je me dis qu’il faut inventer un autre mode d’être face à eux, les capter sur autre chose. Bien sûr, la contrainte peut amener un certain résultat, mais de par mon expérience, je pense que les personnes que l’on a en face de soi, en tant que directeur de compagnie, sont des individus passionnés en qui il faut créer de la confiance et conserver cette flamme pour la danse. Pour moi, c’est ensemble que nous portons un projet. Eva, vous êtes la première femme à diriger l’Opéra national du Rhin et à avoir présidé Opera Europa, l’organisation réunissant les opéras et festivals lyriques d’Europe... Comment vivez-vous le fait d’être une femme à un poste clef dans le monde de l’opéra  ? E.K. : Au départ, je ne réfléchissais pas vraiment au fait d’être une femme dans ce milieu. Lorsque j’ai été élue présidente d’Opera Europa en 2013, j’ai reçu de nombreux messages de la part de collègues féminines qui me disaient que j’étais un exemple pour elles, ce qui m’a beaucoup touchée. Mais il est vrai que, ces dernières années, j’ai réalisé à quel point il y avait peu de femmes et j’ai pu parfois me sentir un peu seule. Cette solitude fait que l’on doit précisément redoubler en travail, en investissement, en discipline pour être crédible face à des interlocuteurs qui sont parfois encore surpris de se retrouver face à une femme dans une position importante. Dans votre projet pour l’Opéra national du Rhin, vous avez souhaité mettre en avant les artistes féminines… E.K. : Comme je le disais, ma vocation est de donner un espace de liberté et de création aux artistes. Et j’ai à cœur, en effet, de soutenir les femmes, de les aider à se mettre en avant. Car parfois, elles viennent au-devant de la scène mais repartent aussi vite. Peut-être parce qu’elles doutent plus que les hommes ? Je ne sais pas, mais j’aimerais en tout cas les aider à avoir une continuité dans leur expression artistique, chercher pour elles des rôles qui les font rayonner.


EVA KLEINITZ LES& INVITÉS BRUNO BOUCHÉ

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5 MOMENTS D'UN PARCOURS BRUNO BOUCHÉ

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JUIN 1997 Le Sacre de Pina Bausch. Un choc d'être choisi pour l'entrée au répertoire de ce chef d'œuvre. Première fois que Pina Bausch transmet et remonte une

œuvre en dehors de sa compagnie. J'ai 18 ans je sors de l'École de Danse de l'Opéra de Paris et viens à peine d'être engagé dans le corps de Ballet. Je découvre que la danse peut être ouverte sur le monde.

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MARS 2000 1er Spectacle d' « Incidence Chorégraphique ». Je fonde cette compagnie comme un collectif autour d'artistes de l'Opéra de Paris et d'Artistes invités de tous horizons. C'est un désir de plus de danse, de plus de respiration qui me fait porter ce projet de créations contemporaines où je découvre mes capacités d'organisateur, de fédérer des artistes pour un projet commun.

Diriger l’Opéra national du Rhin, c’est aussi programmer, avec la complicité du directeur de la danse, une saison de ballets… Quel genre de considération avezvous pour cet art  ? E.K. : J’adore la danse ! Au fil de ma carrière, j’ai eu l’occasion de participer à de nombreuses collaborations avec ce monde. À la Monnaie de Bruxelles, par exemple, j’ai eu la chance de travailler avec des chorégraphes magnifiques tels que Sidi Larbi Cherkaoui, Anne Teresa de Keersmaker, Akram Khan, Sasha Waltz… Et à Stuttgart, où j’ai travaillé par la suite, nous avions l’un des meilleurs ballets au monde. Il est clair que le fait d’avoir un ballet et la possibilité de trouver un langage commun entre l’opéra et la danse a été quelque chose de déterminant dans ma décision de postuler pour l’Opéra du Rhin. Quelle est votre sensibilité, Bruno, aux autres formes d’art que la danse ? B.B. : J’ai un goût obsessionnel pour les mots, pour le sens et j’aime également beaucoup le théâtre : je suis très proche du metteur en scène Clément HervieuLéger avec qui j’ai déjà travaillé sur plusieurs projets. Quant à la musique… J’aimerais en avoir une meilleure connaissance, mais disons que je connais mes classiques. À l’Opéra de Paris, les années Mortier étaient de loin pour moi les plus passionnantes. On sentait qu’il se passait quelque chose. On dit souvent que l’opéra est

JUIN 2015 ça manque d'amour, un projet chorégraphique mené tout au long de l'année scolaire 2014-2015 dans le cadre de 10 mois d'école et d'opéra avec des élèves du collège des Chenevreux de Nanterre. À travers ce projet, je revis beaucoup de mon histoire personnelle. C'est moi qui apprends d'avantage sans doute que ces enfants éloignés du monde de la culture et j'ai la chance de porter mes convictions d'une culture ouverte pour tous.

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OCTOBRE 2015 Monsieur de Pourceaugnac : je signe la chorégraphie de cette Comédie-ballet mise en scène par Clément Hervieu-Léger avec William Christie et les Arts florissants. Théâtre, musique, danse : un spectacle total.

un monde fermé, élitiste, conservateur et sous l’ère Mortier, il y avait des productions aux propositions artistiques incroyables avec des metteurs en scène tels que Michael Haneke, Krzysztof Warlikowski ou encore Peter Sellars. Et la programmation de la danse en bénéficiait. C’est en effet à cette époque que l’on a fait Orphée et Eurydice mis en scène par Pina Bausch. Comment envisagez-vous la relation entre la danse et la musique  ? B.B. : Si je parle de mon expérience de chorégraphe, très souvent, je travaille sans musique. Je m’imprègne de la partition mais je travaille le mouvement dans un autre temps, puis je vois comment les deux peuvent se marier. Car pour moi, la danse existe pour soi et n’a pas de rapport premier à la musique. Si je parle de notre projet pour l’Opéra national du Rhin, je dirais que je trouve intéressant de réinterroger le rapport entre la musique et la danse. C’est pourquoi nous allons notamment faire de l’opéra dansé, genre dans lequel je trouve une grande force et où beaucoup de choses sont encore à inventer. Un mot pour définir vos projets pour l’Opéra national du Rhin  ? E.K. : Pas un mot mais plusieurs : partage, curiosité, dialogue, empathie et stimulation. B.B. : J’en ajoute un autre encore : ouverture ! P. 6 – 7

JUIN 1983 Spectacle de fin d'année de l'Ecole Municipale de Roissy en France mon village natal : Blanche neige et les 7 nains. Un camarade de l'école maternelle y danse un nain. Fasciné par cette magie. Envie d'être sur scène à ses côtés. La directrice de l'École, Marie-Christine Robert, saura conseiller mes parents et me conseiller tout au long de ma carrière. Elle est un peu ma maman artistique. Elle me dit que si je veux en faire mon métier c'est à l'Opéra national de Paris qu'il faut que je me présente...


Š plainpicture/Vanessa Chambard

prĂŠlude


UN PRINTEMPS EN SEPTEMBRE... À la faveur de ce début de saison, Eva Kleinitz et Bruno Bouché ont souhaité programmer plusieurs rendez-vous festifs qui vont permettre aux amateurs d’opéra et de ballet de les rencontrer, de partager avec eux de premiers moments d’échanges amicaux et d’émotions sous différentes formes et dans plusieurs lieux au moment où l’Opéra national du Rhin présente Kein Licht sur sa scène strasbourgeoise.

Prélude / soirée d’ouverture

Bienvenue !

Des extraits d’œuvres parmi les plus connues et appréciées du répertoire interprétés par de magnifiques solistes qu’accompagne l’Orchestre philharmonique de Strasbourg sous la direction de Jérémie Rhorer, des lectures de pages de classiques de la littérature et la présence de danseurs du Ballet de l’OnR… Il y a du feu d’artifice d’émotions dans l’air !

L'Espace Django et l’Opéra national du Rhin bougent les lignes et contestent les frontières. À plusieurs occasions au cours de la saison 2017-2018, au Neuhof, de jeunes chanteurs de l’Opéra Studio, des danseurs du Ballet de l’Opéra de l’OnR, mais aussi des histoires d’amour impossibles, des airs virtuoses, des duos et des pointes seront au rendez-vous.

Des extraits de :

Entrée libre

et des textes de Beaumarchais, Brecht, Goethe, Hugo, Mishima, Pouchkine avec les chanteurs Karah Son, Scott Hendricks, Abdellah Lasri, Vannina Santoni, Marie-Ange Todorovitch et le comédien Sébastien Dutrieux ainsi que les artistes de l’Opéra Studio, les Chœurs et le Ballet de l’Opéra national du Rhin L’Orchestre philharmonique de Strasbourg est dirigé par Jérémie Rhorer

STRASBOURG PMC

MULHOUSE La Filature

me 27 septembre 20   h je 28 septembre 20   h

sa 7 octobre 20  h

PRIX : de 6 à 55 €

STRASBOURG Espace Culturel Django Reinhardt je 21 septembre 19  h

Des voyages dans la saison Eva Kleinitz et Bruno Bouché vous proposent de vous présenter la saison 2017/2018 sous une forme originale en mettant en valeur les forces artistiques de l’Opéra national du Rhin. Si les jeunes chanteurs de l’Opéra Studio seront présents lors des trois rendez-vous, c’est à Strasbourg que le Chœur de l’OnR chantera quelques extraits des œuvres de la saison et c’est à Mulhouse que les danseurs du Ballet de l’OnR vous interprèteront des fragments d’œuvres au programme au cours des prochains mois. Entrée libre

STRASBOURG Opéra

COLMAR Théâtre

MULHOUSE La Sinne

di 24 septembre 11 h

me 4 octobre 18 h

sa 7 octobre 18 h P. 8 – 9

Les Fées du Rhin de Jacques Offenbach Le Nozze di Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart Eugène Onéguine de Piotr Illitch Tchaïkovski Madame Butterfly de Giacomo Puccini Werther de Jules Massenet L’Opéra de quat’sous de Kurt Weill Falstaff, Nabucco & Rigoletto de Giuseppe Verdi


© plainpicture/Thorsten Marquardt

LES INVITÉS

kein licht


KEIN LICHT / PHILIPPE MANOURY Thinkspiel pour acteurs, chanteurs, musiciens et musique électronique en temps réel, d’après un texte de Elfriede Jelinek Création mondiale le 25 août 2017 dans le cadre de la Ruhrtriennale

À LA RECHERCHE DE L’OPÉRA DE NOTRE TEMPS ENTRETIEN PHILIPPE MANOURY Propos recueillis par Christian Longchamp

P

hilippe Manoury est l’un des grands compositeurs actuels. Quelques jours après sa création mondiale à la Ruhtriennale, son dernier opéra est créé en France, dans sa ville d’adoption, sur la scène strasbourgeoise de l’Opéra national du Rhin. Avec le metteur en scène Nicolas Stemann, le compositeur a développé un processus de création original qu’il a évoqué pour nous, au printemps dernier, à trois mois de la naissance de Kein Licht. Cette œuvre qu’il qualifie de Thinkspiel, « jeu de la pensée » ou « pensée en jeu », réalisée à partir du texte éponyme de l’écrivaine Elfriede Jelinek, ravive la mémoire de la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011. Cette première production d’opéra de la saison est fiévreusement ancrée dans notre époque. compositeurs. J’ajoute qu’à l’instar des chercheurs en sciences, ce travail spécifique m’amène à faire des découvertes que je n’avais pas prévues et qui peuvent s’avérer essentielles dans le développement d’une composition. Pour l’œuvre que vous présentez à l’Opéra national du Rhin, vous avez décidé de travailler dans une collaboration étroite avec un metteur en scène, Nicolas Stemann, à partir d’un texte de l’auteure autrichienne Elfriede Jelinek. Vous avez pris l’habitude de qualifier de « Thinkspiel » cette nouvelle création. Comment s’est développé ce travail en commun ? Tout d’abord, je vous dirais que ce travail est toujours en cours. Nous sommes à la fin du mois de mai et la création mondiale aura lieu dans un peu plus de trois mois à la Ruhrtriennale. Une des particularités de ce « Thinkspiel » est que je n’arriverai pas avec une partition achevée et bétonnée. L’idée n’a pas été de « déposer de la musique le long des vers » comme on a P. 10 – 11

Vous vous présentez souvent comme un « chercheur en musique ». Pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par-là ? Philippe Manoury : Je commencerai par dire que tous les grands compositeurs ont été des chercheurs et des expérimentateurs. Dans mon cas, le mot recherche prend un autre sens. Je me définis comme chercheur car j’utilise des technologies numériques, donc une technologie relativement récente si l’on considère que la technologie électronique remonte aux années 1950 et que les techniques numériques datent, elles, des années 1980. Tout est encore en développement. Il y a beaucoup de choses à découvrir dans ce domaine. Je m’occupe notamment de ce qu’on appelle la musique électronique en temps réel : de la musique produite par des ordinateurs au moment de son écoute, sans enregistrement préalable. Comment la représenter, comment écrire cette musique ? Il y a de nombreux chantiers de recherche ouverts pour des acousticiens, des informaticiens, des spécialistes de langage artificiel et des


pu le dire dans la tradition de l’opéra, afin, ensuite, de Je cherche ainsi à trouver une zone intermédiaire « déposer une mise en scène le long de la musique » si entre le théâtre qui est parlé et la musique qui est chanje puis dire, comme ce fut le cas pour les quatre opéras tée, une zone d’ambivalence où l’auditeur ne peut vraique j’ai composés auparavant. Non, ici je compose voment dire si c’est parlé ou chanté. lontairement une partition qui laisse des zones d’ouverture pour rendre l’ensemble plus malléable. Par Après plusieurs sessions de travail au cours des derexemple, à certains endroits, j’indique « voix parlée » niers mois avec Nicolas Stemann, les répétitions à sans savoir à ce stade la partie du texte de Jelinek qui Paris au mois de juillet, puis dans la Ruhr dans les sera dite par un acteur ; nous le déciderons avec Nicosemaines qui précéderont la création mondiale vont las Stemann au cours des répétitions. Un des éléments vous permettre de trouver une forme définitive à qui m’intéresse beaucoup dans ce projet, c’est la réKein Licht. Vous n’arriverez pas au début des répétiflexion sur la temporalité, sur le temps du théâtre et le tions, nous l’avons compris, avec une partition temps de la musique. Le temps du théâtre est un temps définitive que les chanteurs auront préalablement libre ; le metteur en scène est étudiée et mémorisée. Que délibre de donner des indications veloppez-vous à ce stade du SYNOPSIS de rythme qui lui semblent le processus ? Des modules ? plus juste pour son projet. Le Oui, exactement, des modules. Kein Licht ne propose pas d’histoire ou de temps de la musique, lui, est un Nous avons la chance de travailpersonnages. L’opéra de Philippe Manoury temps extrêmement rigoureux, ler en toute liberté sur le texte présente des voix – des voix chantées un temps de contraintes ; il y a qu’Elfriede Jelinek a écrit après et des voix parlées – qui monologuent, un tempo, un nombre de mela catastrophe de Fukushima. se répondent, s’unissent par moments. Les sures, etc. Je veux que ces deux Il n’est pas linéaire, il ne va voix sont des individus, des atomes ou temporalités s’interpénètrent. pas d’un point A à un point B. simplement des instruments de musique. Je vais demander à la musique Elle nous a laissé libres d’interNous comprenons qu’une catastrophe a eu d’épouser le temps du théâtre venir à notre convenance, ce lieu, qu’il s’agit désormais de survivre. Nous et pour cela les technologies en qui nous permet évidemment comprenons surtout que des hommes sont temps réel sont magnifiquede l’intégrer avec plus de faciliresponsables de cette tragédie. L’homme a ment adaptées car elles nous té dans la forme que nous déinventé une machine qui lui a échappé. permettent de faire durer artiveloppons. Il nous faut donc Nous en avons tous profité, nous savions ficiellement un son, de l’étirer tout construire, construire en les dangers et « ça » a eu lieu… ou de le ralentir. Je vais en reparticulier une dramaturgie. tour demander aux comédiens C’est ce que nous fixerons lors *** d’intégrer une forme de strucdes répétitions. Au début du turation temporelle qui les oblimois de juillet, j’aurai créé la gera, par exemple, à dire un texte durant deux ou trois totalité des modules. Celui sur lequel je travaille acmesures ; les acteurs seront donc guidés par le chef tuellement, par exemple, est destiné aux quatre sod’orchestre. J’aime l’idée qu’on se demande tout le listes-chanteurs et consiste en une conversation chutemps si c’est du théâtre ou de la musique en rendant chotée. Nous verrons ensuite à quel moment nous poreuses ces deux couches musicale et théâtrale. l’intégrerons dans la composition finale et, surtout, dans la mise en scène. Comment allez-vous traiter la voix parlée  ? L’une des autres spécificités de ce travail s’inscrit dans Avez-vous déjà livré une partition aux chanteurs ? ce que je fais à l’IRCAM depuis des années sur la voix Oui, ils reçoivent des modules au fur et à mesure. J’enparlée, précisément. La voix parlée contient une mévoie des scans de mes partitions – que j’écris encore à lodie. C’est une matière musicale. Selon la situation, la main – à mon éditeur qui les grave et qui les envoie la voix suit des inflexions vocales. Je vais transformer aux chanteurs qui sont conscients que l’ordre dans lesces inflexions vocales en une sorte de récitatif. La voix quels ils les reçoivent ne sera pas l’ordre du spectacle. parlée tombe un peu n’importe où. On ne parle pas Il y des modules longs, de grandes scènes, d’une quinavec un si bémol ou un do dièse. Je vais transposer les zaine de minutes, de plus de trois cents mesures, qui hauteurs de la voix parlée sur les hauteurs musicales forment des séquences. Ces modules ont une forme qui vont rejoindre, par exemple, ce que joue l’orchestre. définitive si je puis dire. Mais d’autres vont bouger


OPÉRA KEIN LICHT / PHILIPPE MANOURY

car, j’insiste sur ce point, j’ai vraiment tenu à ce que le théâtre pénètre la musique. Au terme du processus, une fois que le travail avec Nicolas Stemann aura permis la dramaturgie définitive de Kein Licht, il y aura une partition finale, fixée dans ses détails. Mais cela n’arrivera qu’avec la première pour ainsi dire.

Et qu’en est-il de la nomenclature de l’orchestre ? L’orchestre, United Instruments of Lucilin, sera en partie sur scène, au lointain. Plus qu’un orchestre, c’est un ensemble de douze musiciens (5 cordes, 5 vents, un piano et une percussion) que je compte utiliser par petits groupes tout d’abord, avant de former un ensemble dans la seconde partie du spectacle. Il n’y aura donc pas de musique préenregistrée ? Absolument. Tout sera créé en temps réel. Je serai sur scène avec des ordinateurs, au plus près des interprètes, pour déclencher des processus. J’utilise des programmes que j’ai déjà eu l’occasion d’employer dans d’autres compositions mais qui prennent symboliquement une valeur particulière dans ce projet. Il s’agit d’un système que l’on nomme les chaînes de Markov, qui forment une partition virtuelle qui se crée en temps

réel et qui se régénère elle-même. C’est un formalisme mathématique qui permet de gérer les successions, c’est-à-dire la probabilité d’avoir telle ou telle note après une note donnée. Cela crée des chaînes de successivité. Ce sont comme des réactions en chaîne. Évidemment, en raison du contenu qu’évoque Kein Licht, cette catastrophe nucléaire, ce système s’imposait. Ces chaînes de Markov vont symboliser ces réactions en chaîne qui ont causé la catastrophe. J’ai mis en musique - ce seront deux arias - les deux équations qui ont permis la possibilité de l’énergie nucléaire : l’équation d’Einstein et l’équation de Schrödinger. À partir du moment où ces équations seront prononcées, quelque chose va démarrer qui ne sera plus maîtrisable. Ce sera un traitement en temps réel d’une musique qui deviendra un peu folle, qui générera un sentiment de vitesse incontrôlable jusqu’à une forme de blackout. L’homme a inventé des machines très sophistiquées qui à un moment lui échappent et le laissent totalement impuissant. C’est l’un des thèmes de cet opéra. P. 12 – 13

Quelles sont les tessitures vocales que nous trouverons dans Kein Licht ? Dans ce récit à plusieurs voix et sans personnage, j’ai tenu à avoir trois femmes et un homme. Il y a donc une soprano colorature, Sarah Maria Sun, qui est une formidable chanteuse spécialisée en musique contemporaine, elle a travaillé longtemps au sein des Neuen Vocalsolisten de Stuttgart. Il y une mezzo-soprano, Olivia Vermeulen, tout aussi talentueuse. Et enfin, il y a une contralto, Christina Daletska, avec laquelle j’aime beaucoup travailler, et un baryton, Lionel Peintre, qui a énormément de talent. Sans oublier deux excellents acteurs allemands, Niels Bormann et Caroline Peters, qui a reçu le prix de meilleure actrice allemande en 2016.

© Olivier Roller

Qu’en sera-t-il de la spatialisation du son dans ce spectacle ? Ce sera un élément important. La particularité de cette production, c’est qu’elle sera présentée dans des lieux très différents qui ont tous des acoustiques et des spécificités particulières. Nous commencerons par une friche industrielle à la Ruhr, puis ce seront deux théâtres à l’italienne à Strasbourg et à Paris, une « blackbox » au Luxembourg, etc. J’en ai conclu que les haut-parleurs ne pourront être positionnés que face au public et sur les côtés, mais non derrière lui.


NICOLAS STEMANN

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Le metteur en scène allemand compte aujourd’hui parmi les créateurs les plus importants en Europe. Son théâtre très physique et politiquement engagé, ses lectures toujours originales des œuvres du répertoire, son intérêt pour les écritures contemporaines, et notamment pour les œuvres d’Elfriede Jelinek à partir desquelles il a déjà créé onze spectacles, font de chacune de ses mises en scène un événement qui ne laisse jamais le public indifférent. Metteur en scène associé au Kammerspiele de Munich depuis 2015/2016, il vient d’être nommé à la tête du Schauspielhaus de Zurich (en compagnie de son dramaturge Benjamin von Blomberg) qu’il programmera à partir de 2019/2020. © Sima Dehganus Techt

Est-ce que vous sous-entendez que la machine, vos logiciels, vont vous surprendre, vous, le compositeur, par les sons qu’ils produiront ? Je vais même plus loin : j’aimerais que les chanteurs et les comédiens soient eux-mêmes surpris et perturbés par le surgissement de sons qui n’apparaîtront pas aux mêmes moments selon les représentations.

Vous avez une longue relation avec le Japon et sa culture. Elfriede Jelinek a écrit la version originale de Kein Licht dans les semaines qui ont suivi la catastrophe nucléaire de Fukushima. Est-ce que le choix de ce texte-là est lié aussi à votre intérêt pour cette civilisation  ? Nicolas Stemann présentera au TNS, du 8 au 17 novembre, son spectacle La vérité est que c’est Nicolas SteNathan !?, conçu à partir de Nathan le sage de Lessing et d’un texte original mann qui m’a proposé ce texte. Je de Elfriede Jelinek, réflexion subversive sur l’Europe d’après les attentats suis allé au Japon quelques semaines de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher et du Bataclan. après la catastrophe pour un séjour d’études de trois mois pour rencontrer des musiciens traditionnels car restez pas moins un compositeur français du début j’apprécie beaucoup cette musique. J’en ai profité pour du XXIe siècle… aller au théâtre ; j’y ai vu des spectacles de Nô et de Ma relation avec l’histoire de la musique occidentale Bunraku, cet extraordinaire théâtre de marionnettes est très forte. L’œuvre de Wagner est pour moi capitale. qui remonte au XVIIe siècle, originaire de Osaka. C’est là que j’ai été convaincu que l’opéra contemporain deSur mon piano, vous trouverez d’ailleurs des partivait s’ouvrir à d’autres formes pour casser ce rituel où tions de Wagner que je déchiffre et que je joue très soul’on retrouve systématiquement un orchestre dans la vent depuis longtemps. Par ailleurs, je suis en train de fosse, des chanteurs sur scène qui interprètent des perdévelopper une analyse complète et très détaillée de sonnages, etc. Ces spectacles m’ont vraiment bousculé Wozzeck d’Alban Berg. Je peux vraiment affirmer que et m’ont amené à réfléchir à des types de narration et j’ai un lien très fort et vivant avec la tradition qui, pour à des dispositifs alternatifs. Comme, par ailleurs, il est moi, est une tradition essentiellement germanique. arrivé à Stemann, dans ses spectacles de théâtre, d’atJe dois bien avouer que l’opéra italien ne m’a jamais tribuer l’interprétation d’un personnage à plusieurs vraiment touché… Je suis, par exemple, fasciné par la acteurs, cela m’a confirmé qu’ensemble nous pouprosodie de Berg ou de Strauss. Chez eux, la comprévions trouver une forme inédite pour Kein Licht. Je hension du texte est extraordinaire. Dans Les Soldats ne cherche en rien à imiter un modèle japonais, bien de Zimmermann, en revanche, le traitement de la voix sûr. Mais la dissociation du personnage et de son interprovient de Webern. Les mots sont désarticulés et on prète que l’on trouve dans cette tradition du Bunraku en perd la signification. Pourquoi pas, par moments, m’intéresse beaucoup. Cela a vraiment contribué à évidemment. Mais un tel traitement systématique des m’éloigner des sempiternels codes de l’opéra que nous mots produit de l’abstraction où nous espérions un connaissons depuis Monteverdi. récit. Pour une cantate, ce traitement extrême peut avoir de l’intérêt. Pour un opéra, il faut être prudent. Comment vous situez-vous par rapport à l’histoire de Le texte est, pour moi, une donnée fondamentale que la musique occidentale ? Vous avez beaucoup d’intéje cherche à valoriser au mieux. Berg est à ce titre tout rêt pour d’autres traditions musicales, japonaises, par à fait exceptionnel. Son traitement de la voix est vraiexemple, comme vous nous l’avez indiqué ; vous n’en ment un modèle. Il est aussi frappant de noter, chez


OPÉRA KEIN LICHT / PHILIPPE MANOURY

lui aussi, comment une situation dramatique oriente, voire transforme la musique. C’est le cas, par exemple, dans le deuxième acte de Wozzeck. La forme sonate qui ouvre cet acte est bouleversée par la tension dramatique. Dans ma réflexion sur des œuvres destinées à la scène, ce genre de détails a pour moi une grande importance.

Pourriez-vous, pour conclure, donner à nos lecteurs cinq conseils d’enregistrements qui vous sont particulièrement chers ? Que dire… ? Les Meistersinger de Wagner sous la direction de Karajan, Tristan sous celle de Carlos Kleiber, les Variations Diabelli de Beethoven par Sokolov, Jeux de Debussy, dirigé par Boulez, et les Rückert Lieder de Mahler par Margaret Price. Comme vous pouvez le noter, uniquement des œuvres de la fin du XIXe et du début du XXe siècle…

RICHARD WAGNER

RICHARD WAGNER

LUDWIG VAN BEETHOVEN

CLAUDE DEBUSSY

GUSTAV MAHLER

Die Meistersinger von Nürnberg Dir. : Herbert von Karajan Staatskapelle Dresden EMI

Tristan und Isolde Dir. : Carlos Kleiber Staatskaleppe Dresden, Deutsche Gramophon

Variations Diabelli, Op.120 Grigory Sokolov Naïve

Jeux Dir. : Pierre Boulez The Cleveland Orchestra Deutsche Gramophon

Rückert Lieder Margaret Price Forlane

SOUND AND FURY SUR LA MUSIQUE DE PHILIPPE MANOURY par Patrick Hahn

rinthes littéraires de Jorge Luis Borges. Borges est l’une des nombreuses têtes de la galerie de photos du compositeur qui vous fixent quand vous entrez dans l’atelier strasbourgeois. Parmi d’autres, on ne découvre pas seulement des compositeurs célèbres comme Pierre Boulez, Wolfgang Rihm ou Emmanuel Nunes, mais aussi de nombreux écrivains, James Joyce ou Samuel Beckett, par exemple. En entrant, le visiteur trouve, étalées sur la table, de grandes feuilles couvertes d’une écriture fine et soignée. Le centre de la pièce n’est pas occupé par un ordinateur ou par des haut-parleurs, comme on pourrait l’attendre d’un compositeur qui a révolutionné la musique électronique, mais par un piano à queue sur lequel sont posées les partitions des P. 14 – 15

Le chemin qui mène à l’atelier du compositeur Philippe Manoury longe les murs de Saint-Pierre-leVieux. L’atelier est accolé, mur contre mur, à la plus ancienne église chrétienne de Strasbourg. Ce n’est certainement pas par hasard que Manoury a déniché ce lieu pour écrire sa musique. Pierre contre pierre avec le passé, Manoury écrit une musique radicalement contemporaine. Ses inspirations musicales peuvent partir de l’écoute de l’interprétation d’une sonate de Schubert par Sviatoslav Richter – qui fut, de fait, le point de départ de la composition d’une Étude pour piano écrite en 2016 – ou de la lecture des plus récentes réflexions concernant la théorie du chaos, d’un accord wagnérien, ou encore naître dans les laby-


OPÉRA KEIN LICHT / PHILIPPE MANOURY

œuvres de Debussy, dont Manoury a déjà orchestré Philippe Manoury – impressionné par l’exemple de avec beaucoup de sensibilité le troisième mouvement, Karlheinz Stockhausen – est l’un des premiers, dans la Rêve, connu seulement en réduction pour piano, de sphère de « l’informatique musicale », à s’être préla Première Suite d’Orchestre réoccupé d’harmoniser la musique cemment redécouverte. Quand électronique et la musique insRING / TRILOGIE KÖLN le compositeur s’assied au piatrumentale et, ce faisant, à cherDans le cadre de Musica, le Gürzenichno, de ses doigts s’échappent cher les moyens de concilier la Orchester de Cologne, sous la direction tour à tour une composition nécessité d’interprétation de la de François-Xavier Roth, de Beethoven et des chansons musique instrumentale écrite et crée Ring de Philippe Manoury, de Boris Vian ou encore, plein les moyens de l’électronique. premier volet de son triptyque Trilogie Köln. d’entrain, il démontre comment «  Technique et esthétique ne STRASBOURG PMC Beethoven mène directement à sont guère séparables, c’est par samedi 23 septembre à 19h Brel. Et soudain il n’est pas difla première que l’on peut trouficile de s’imaginer, qu’étudiant ver la seconde », écrit-il dans son au conservatoire, cette grosse livre La note et le son, dans letête aux cheveux tout blancs, gagnait sa vie comme quel il proclame avec optimisme l’harmonisation de la pianiste dans des bals populaires et des night-clubs. technique et de l’esthétique. « Dans la situation où se Philippe Manoury a rarement emprunté la droite trouvent les compositeurs de ma génération, il ne sert ligne. Il est né en 1952 à Tulle, en Corrèze. Son père plus à rien de réveiller les bonnes vieilles querelles de jouait de l’accordéon et Manoury se souvient : « mon nos prédécesseurs. Il s’en trouvera probablement plus milieu d’origine était celui de la musique populaire et devant nous que derrière ». Cela s’exprime dans ses c’est pourtant grâce à lui que j’ai œuvres de théâtre musical et, pu accéder à la musique savante ». avant tout, dans ses composiPhilippe Manoury a été élu à la chaire de Il se voit lui-même comme la tions pour très grand orchestre, Création artistique du Collège de France preuve vivante de la fausseté de qui transforment l’instrument pour l’année 2017. Sa leçon inaugurale, la thèse selon laquelle la « muclassique de l’idéologie bour« L’invention de la musique », sique savante » représenterait en geoise en un immense laborala totalité des cours qu’il y a donnés sous l’intitulé « Musiques, sons et signes » soi une forme « d’élitisme intimitoire ouvert sur l’avenir. Dans et les interventions dans le colloque dant ». Le déménagement à Paris les pièces spatialisées comme « État de l’art / État d’alerte » fut pour l’enfant de sept ans, qui In situ ou RING, l’orchestre symsont accessibles gratuitement jusqu’alors avait vécu à la camphonique, éclaté dans l’espace, sur le site internet du Collège de France www.college-de-France.fr pagne, « un choc violent », comme est aussi l’expression d’une il le dit dans un entretien avec vision différente de la société, De nombreuses informations, textes et Sarah Pieh, « et particulièrement le symbole d’une société moins vidéos sur l’œuvre de Philippe Manoury sont mon premier contact avec l’école hiérarchique, dans laquelle la disponibles sur son site internet www.philippemanoury.com pour laquelle j’ai nourri une vive voix de chaque individu compte répulsion qui ne m’a d’ailleurs et dans laquelle chaque voix guère quitté. La musique a été peut communiquer avec d’autres une manière de sortir du monde un peu noir et fermé […]. voix, même de très loin. Les « fantasmagories soJe me suis plongé dans la musique […], […] je me suis nores » de Manoury sont, finalement, toujours des réfugié dans le piano, et ensuite dans la composition. » utopies sociales. – Traduit de l’allemand par Catherine Debacq-Groß


Elfriede Jelinek © epa/Hans Klaus Techt

ELFRIEDE JELINEK : L’ABÎME SOUS NOS PIEDS ENTRETIEN SARAH NEELSEN Propos recueillis par Christian Longchamp

L

’œuvre de l’écrivaine autrichienne Elfriede Jelinek est encore peu connue en France malgré le prix Nobel qu’elle reçut en 2004. C’est pourtant l’une des voix les plus originales et fortes en langue allemande depuis plusieurs décennies. D’un long texte qu’elle a écrit à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima, Philippe Manoury et Nicolas Stemann ont tiré le livret de Kein Licht. À l’occasion de cette création, nous avons demandé à Sarah Neelsen, germaniste, spécialiste de littérature contemporaine, qui a notamment publié Les essais d'Elfriede Jelinek. Genre, relation, singularité, de nous dresser un portrait de cette vigie implacable, admirée et crainte.

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Quelles ont été les premières œuvres d’Elfriede Jelinek à obtenir une reconnaissance critique en Autriche ? Sarah Neelsen : Elfriede Jelinek, qui est née en 1946, publie son premier recueil de poèmes à l’âge de vingt ans et reçoit son premier prix littéraire à peine deux ans plus tard. Son activité poétique s’estompe toutefois rapidement et reste confidentielle jusqu’à aujourd’hui. Sa pièce de théâtre Die Liebhaberinnen (Les amantes) est sa première œuvre reçue favorablement par la presse germanophone en 1975, mais l’intérêt retombe peu après. Puis viennent les romans des années 1980, La pianiste (1983) et Lust (1989), le second vendu à plus de cent mille exemplaires, qui ont véritablement lancé sa carrière et durablement marqué son image dans la presse et l’opinion. Sa percée s’est donc faite assez tard en Autriche et surtout par le scandale.


Quelle place occupe-t-elle dans le panorama littéraire de langue allemande aujourd'hui ? Le prix Nobel de Littérature, obtenu en 2004 pour l’ensemble de son œuvre, lui confère bien entendu une aura particulière, sans qu’elle fasse pour autant l’unanimité. Elle n’est peut-être plus considérée comme auteure à scandale aujourd’hui, mais certainement comme auteure exigeante et inconfortable. Ses œuvres sont peu lues par le grand public, mais depuis le milieu des années 1990 ses pièces de théâtre ont été mises en scène par Einar Schleef, Nicolas Stemann, Christoph Marthaler ou Frank Castorf, et dans les théâtres les plus réputés à Vienne, Hambourg et Munich, notamment. Et il ne faut pas oublier non plus qu’elle est très active dans la presse, où elle commente la vie politique et les événements culturels. Comment qualifieriez-vous son style littéraire et que dire de sa radicalité ? Si les scandales dont elle a fait l’objet relèvent pour partie de la mise en scène médiatique (à laquelle elle a pu contribuer), il est incontestable qu’on a là affaire à un travail radical, une écriture qui s’attaque à la racine et qui considère d’ailleurs que les choses ont une racine. Prenez sa critique des « survivances du fascisme » dans l’Autriche actuelle. Par l’écriture, Jelinek creuse la neige et remue la terre pour mettre à jour des crimes qu’on a tus. Pour nombre de sujets, elle procèdera de la même manière, examinant d’abord la surface lisse et brillante des choses avant que ne s’ouvre brutalement un abîme sous vos pieds. Est-ce que ses positions dans le débat public la rapprochent de Thomas Bernhard ? Voyez-vous une filiation entre ces deux auteurs ? On peut bien sûr voir des similitudes entre les deux auteurs qui tiennent à des thématiques communes et à une critique frontale de l’Autriche dans une partie de leur œuvre. Cependant, quand on y regarde de plus près, leurs styles sont assez différents. Bernhard construit un enchâssement de discours qui n’est pas loin de ressembler aux tours imaginées par ses personnages. Le résultat est à la fois fascinant et anxiogène.

Par l’écriture, Jelinek creuse la neige et remue la terre pour mettre à jour des crimes qu’on a tus.

Jelinek, quant à elle, développe depuis les années 1990 une écriture du flux ininterrompu, d’où émergent ça et là des bribes empruntées à la littérature ou aux médias. C’est une architecture beaucoup plus lâche et fugitive. Elle-même ne se revendique pas de Bernhard mais de Heinrich Heine, Paul Celan ou Robert Walser. En quoi est-elle une écrivaine féministe ? Elle l’est au premier chef comme militante au sein du mouvement féministe des années 1980. Entre 1983 et 1987, elle est rédactrice en chef de l’édition autrichienne du magazine féministe radical de BerlinOuest Schwarze Botin qui était d’ailleurs très critique à l’égard d’autres féministes et surtout de la littérature dite « féminine ». Ses premières œuvres participent également des travaux menés à la même époque sur l’histoire des femmes : elle s’intéresse dans ses pièces à la vie de Clara Schumann et à ce qui arrive à la Nora d’Ibsen une fois qu’elle a quitté son mari. Par ailleurs, elle thématise le désir et la sexualité féminine. Au-delà de cet ancrage historique, il est notable qu’elle s’est emparée de sujets qui ne sont pas associés spécifiquement aux femmes : la crise financière, la responsabilité historique, la politique migratoire. En cela elle conquiert une place et une autorité qui reviennent rarement aux femmes. Sans parler d’un certain humour, d’une ironie, présents depuis le début.


OPÉRA KEIN LICHT / SUR ELFRIEDE JELINEK

KEIN LICHT [ CRÉATION FRANÇAISE ]

Quel rôle la musique joue-t-elle dans sa vie et dans son œuvre ? La musique aurait dû être sa pratique artistique principale. Elle y a été formée au plus haut niveau au Conservatoire de Vienne, probablement poussée d’abord par l’ambition de sa mère. On dispose de quelques rares compositions de sa main et Franz Schubert figure en tête de son panthéon personnel. Elle a fréquenté dans sa jeunesse Wilhelm Zobl et Patricia Jünger et écrit plusieurs opéras avec Olga Neuwirth (Bählamms Fest, Lost Highway). Ayant grandi sans télévision, elle affirme que sa perception du monde s’est construite avant tout par l’ouïe. De la même façon, son écriture s’est développée au contact de musiciens qui travaillaient eux aussi avec du texte. Les procédés de montage et de citations sont donc autant des emprunts à la musique que les jeux sur les sonorités. Quels sont pour vous ses meilleurs textes ? C’est une question difficile, car c’est l’œuvre dans son ensemble qui étonne par son ampleur et sa cohérence. Jelinek est à ce point réceptive aux questions de son temps et attentive aux productions d’autres artistes que la lecture de ses textes offre un panorama inestimable des quarante dernières années. Personnellement, ce sont ces essais que je lis avec le plus de plaisir, mais très peu d’entre eux ont été traduits. A qui veut se faire une idée, on peut conseiller Enfants des morts dans la traduction française d’Olivier Le Lay. C’est le roman que Jelinek considère comme son opus magnum.

Commande de l’Opéra Comique Production Opéra Comique Coproduction Ruhrtriennale, Opéra national du Rhin, Festival Musica, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Théâtre National Croate de Zagreb, Münchner Kammerspiele, Ircam-Centre Pompidou, United instruments of Lucilin et 105 donateurs individuels / Prix Fedora 2016 / Avec le soutien du Fonds de Création Lyrique et de Impuls Neue Musik

Direction musicale Julien Leroy Mise en scène Nicolas Stemann Décors Katrin Nottrodt Costumes Marysol del Castillo Éclairages Rainer Casper Vidéo Claudia Lehmann Réalisateur en informatique musicaleIrcam Thomas Goepfer Dramaturgie Benjamin von Blomberg Soprano Sarah Maria Sun Mezzo Olivia Vermeulen Contralto Christina Daletska Baryton Lionel Peintre Comédiens Caroline Peters, Niels Bormann Quatuor vocal Chœur du Théâtre National Croate de Zagreb United instruments of Lucilin En langue allemande, avec incursions de français et japonais, surtitrages en français et en allemand

STRASBOURG Opéra ve 22 septembre 20 h sa 23 septembre 20  h 30 di 24 septembre 15  h lu 25 septembre 20  h PRIX : de 6 à 48 €

SCÈNES S OUVERTE

« Prologue » introduction de 30 min., 1 h avant chaque représentation Rencontre avec Philippe Manoury et Nicolas Stemann au Club de la Presse je 21 septembre 18h

Les essais d'Elfriede Jelinek Genre, relation, singularité Ed. Honoré Champion Paris

Spectacle diffusé en direct sur France Musique le vendredi 22 septembre à 20 h

Conférence du Centre Emmanuel Mounier à l’occasion de la création de Kein Licht L’APOCALYPSE DANS LES ARTS

Par Rémy Valléjo, historien de l’art 14 et 21 septembre à 18h30 Centre Emmanuel Mounier 42 rue de l’Université, 67000 Strasbourg

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SARAH NEELSEN


© plainpicture/Distinctimage/Julie de Waroquier

LES INVITÉS

le nozze di figaro


LE NOZZE DI FIGARO / WOLFGANG AMADEUS MOZART Opera buffa en quatre actes Livret de Lorenzo Da Ponte d’après La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais / Créé le 1er mai 1786 à Vienne

LA GRÂCE ET L’EFFROI ENTRETIEN LUDOVIC LAGARDE Propos recueillis par Christian Longchamp

E

n 1786, au Burgtheater de Vienne, Mozart et Da Ponte créent Le Nozze di Figaro, deux ans après que Beaumarchais a obtenu un succès extraordinaire avec La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro, un succès parmi les plus importants de l'histoire du théâtre français. Au printemps 1793, dans les semaines qui suivent l'exécution de Louis XVI, l'opéra de Mozart est donné à Paris pour la première fois, certes dans une version singulière, en français, sans les récitatifs qui ont été remplacés par de très larges extraits de Beaumarchais. Deux œuvres exceptionnelles ont été ainsi créées, à quelques années d’intervalle, dans un contexte historique parmi les plus enfiévré de l’histoire européenne. Au cours de la préparation de la nouvelle production de l’Opéra national du Rhin, le metteur en scène Ludovic Lagarde évoque en quoi bien des aspects du chef-d’œuvre de Mozart résonnent avec le contexte ou l’atmosphère de 2017.

J’essaie d’abord de placer ma réflexion sur l’œuvre dans le moment de sa création et de saisir les enjeux contemporains de l’époque de son écriture, de sa composition. Ensuite, je cherche des correspondances avec aujourd’hui. Les époques de notre histoire ne sont pas scindées. Il y a une continuité et les ruptures ne sont pas si franches. L’Avare parle d’une bourgeoisie encore naissante au XVIIe siècle et annonce le grand roman français du XIXe siècle. Et c’est une pièce d’avant-garde si l’on songe au pouvoir de l’argent et à sa valeur symbolique dans notre société du XXIe siècle. Le Nozze di Figaro évoque la fin d’un monde, celui des privilèges de l’aristocratie. Mais la République a-t-elle vraiment fait disparaître ce système ? Ne s’est-il pas reconstitué autrement ? Il semblerait que cette question fasse retour aujourd’hui et de manière aiguë. P. 20 – 21

Depuis vos premières mises en scène, vous avez manifesté une prédilection pour les auteurs contemporains. Je pense évidemment à votre long compagnonnage avec Olivier Cadiot, mais aussi à votre travail à partir de textes d’Edward Bond, BernardMarie Koltès, Sarah Kane ou Gertrude Stein. Dans le même temps, vous avez abordé des œuvres de Shakespeare, Büchner, Molière – votre mise en scène de L’Avare s’est vue invitée en Chine pour une grande tournée avant de revenir en France au cours de cette saison –, et aujourd’hui Le Nozze di Figaro de Mozart. Comment approchez-vous des œuvres du répertoire fort de cette expérience auprès d’auteurs de notre temps ? Je les aborde le plus souvent comme des œuvres contemporaines justement. Dans une double opération.


© Christophe Gellert

Tout d’abord, il nous faut dire que Beaumarchais aimait énormément les femmes. Il a été un grand amoureux et un libertin. Il expérimenta même le ménage à trois avec son épouse et sa maîtresse pendant deux années. Dans Le Nozze, le Comte En quoi la personnalité de Caron de Beaumarchais exerce une domination outrancière sur les femmes, vous intéresse-t-elle ? Vous paraît-elle emblématique sur la Comtesse en la négligeant et en la trompant, sur d’une figure des Lumières ? Susanna en voulant la posséder de force, probableOui et non. Beaumarchais est une figure passionnante ment sur Barberina et sur toutes les femmes du palais. et paradoxale. D’un côté il porte en lui quelque chose Il est littéralement obsédé par l’idée de posséder les de l’idéal des Lumières, en femmes. Il veut rester - ou il est particulier celui de l’égalité simplement - une figure vioentre les hommes. Il ne ceslente et infantile. Figaro, lui, est SYNOPSIS sera de combattre et de s’enpris dans l’urgence des imbrogager pour que tous naissent glios de cette folle journée. Il Au matin de leur mariage, Figaro apprend en France égaux en droit. Son commence la pièce comme un de Susanna que c’est elle désormais qui combat contre la censure, en jeune amant, aventurier et sans est convoitée par le maître et séducteur particulier pour que soit créé passé, et la termine avec un état de ces lieux, le Comte Almaviva dont les puis édité Le Mariage de Figaro civil, installé et marié. frasques auprès des femmes, des jeunes est exemplaire, et la fameuse Et, effectivement, la comtesse femmes à son service en particulier, font réplique de sa pièce qui n’est et Susanna font quelque chose le désespoir de son épouse. Figaro jure pas gardée dans le livret de Da de magnifique. Elles dépassent de se venger et veut lui tendre un piège Ponte « sans liberté de blâmer leurs conditions et sont solipour le confondre. Cherubino, quant à il n’est point d’éloge flatteur », daires par-delà leur différence lui, adolescent dont le désir amoureux est restée dans l’histoire. de classe. Elles vont allier leurs se répand auprès de toutes les femmes, Pour autant Beaumarchais est forces pour gagner leur liberté de la Comtesse en particulier, ne cesse un libéral, un individualiste et et défendre leurs droits. À parde mettre « le feu aux poudres », pour un homme pressé. Il n’a ni la tir de l’acte III, elles semblent reprendre le titre d’un tableau de Fragosagesse ni la patience d’un phien effet mener la danse avec nard, à des situations qui s’enchaînent losophe ; il n’est ni Voltaire, ni un temps d’avance sur tous, y à un rythme endiablé. Et n’oublions pas Diderot, ni Rousseau. Fils d’un compris sur Figaro. Marcellina qui, parce qu’elle veut égalehorloger, roturier, avide de ment épouser Figaro, tente de s’opposer réussite et de reconnaissance, Le personnage du Comte Alà ses noces, avant de découvrir qu’il n’est il veut en croquer comme on maviva est l’aristocrate de la autre que… son fils. Au terme de cette dit et sa conception de l’égalité fin du XVIIIe siècle pris dans ses propres contradictions. « folle journée », la Comtesse et Susanna le mènera à racheter une partiComment le jugez-vous ? auront prouvé aux hommes, avec grâce cule et à se faire noble à l’aube Le Comte est un personnage et brio, qu’elles seules sont en mesure de de la révolution… très intéressant pour notre faire renaître l’allégresse. monde contemporain. Il pense Dans Le Nozze di Figaro, plus *** donner le change en annonencore peut-être que dans Le çant qu’il renonce officielleMariage de Figaro, les femmes, ment à un privilège féodal, le la Comtesse et Susanna avant droit de cuissage, mais tient quand même à l’exercer, tout, paraissent mener l’action à partir de l’acte III. de fait, en douce. Avec audace et finesse, elles s’emploient à confondre Comme si, de toutes les façons, loi ou pas loi, il y avait le Comte et même Figaro. Comment interprétez-vous droit. Il est facétieux, corrupteur et immoral. cette importance des personnages féminins ?


OPÉRA LE NOZZE DI FIGARO / LUDOVIC LAGARDE

Au sein de cette microsociété, Cherubino est un personnage déroutant dont le charme est à la fois irrésistible auprès des femmes et insupportable souvent pour les hommes. C’est un adolescent qui, par l’expression de son désir, semble mettre en danger les fondements de la société patriarcale et autoritaire du Comte. Le voyez-vous plutôt, telle une énergie dionysiaque qui emporterait les protagonistes, comme un agent perturbateur ou un révélateur de désirs enfouis ? Un peu tout cela à la fois sans doute. Mais il y a aussi une dimension plus intime et subversive dans le rôle et la fonction de Cherubino dans l’opéra. En particulier dans l’acte II, lors de son travestissement dans le secret de l’alcôve de la Comtesse en présence de Susanna. Cherubino est plastique, androgyne, phallique et féminin. Il a de ce fait accès symboliquement et concrètement au secret féminin et, plus encore, il est le seul à laisser les femmes l’utiliser pour leur propre plaisir. Et ce plaisir-là, c’est la seule chose que le Comte ne pourra jamais posséder.

Le Nozze di Figaro marque la première collaboration entre Mozart et Da Ponte. Elle sera suivie par la création de deux autres œuvres exceptionnelles, Don Giovanni et Così fan tutte. En tant que metteur en scène très attaché à la qualité des textes, comment appréciez-vous le livret de Da Ponte ? Mis à part la coupe significative dans le célèbre monologue de Figaro, qui est probablement un acte d’autocensure assumé pour que l’œuvre puisse être créée à Vienne, je trouve le livret de Da Ponte meilleur que la pièce. Simplement parce que les coupes de Da Ponte dans le texte original sont bénéfiques, accélèrent l’action et qu’il va droit à l’essentiel. Cela donne pour certaines scènes, et ceci amplifié par la musique de Mozart, une intensité érotique ou dramatique que la pièce n’a pas. Et je trouve personnellement, j’ai un peu honte de le dire, que la langue de Beaumarchais est parfois maniérée, trop imagée et inutilement compliquée. Pourriez-vous décrire en quelques mots la sensation physique que suscite chez vous l’écoute de la musique de Mozart ? Je compare volontiers l’écoute des Nozze di Figaro à ce que j’ai pu ressentir en assistant il y a quelques années à des défilés haute-couture de Christian Lacroix (avec qui j’ai eu la chance de travailler pour l’opéra Roméo & Juliette de Pascal Dusapin et Olivier Cadiot à l’Opéra Comique). J’ai été frappé par deux sensations concomitantes et pourtant a priori incompatibles : la violence du défilé et sa somptuosité. Préparatifs, anxiété, tumulte mondain, attente de la centaine d’objectifs d’appareils photos et de caméras, tendus comme des canons, prêts à tirer au bout du podium et tout à coup : lumière crue, musique assourdissante, des femmes-créatures immenses et si minces, jonchées sur des talons qui font claquer chaque pas, défilent à une vitesse folle et vous révèlent, presque cette fois dans un étrange ralenti mental, des tissus somptueux, soieries peintes et broderies, aux coupes si évidentes et belles dans des assemblages de couleurs merveilleux.

P. 22 – 23

Il y a chez lui un aveuglement qui serait seulement coupable si les mots de Beaumarchais, adaptés par Da Ponte et magnifiés par la partition de Mozart, ne lui donnaient un caractère passionné et sincère. En cela la figure du collectionneur m’a beaucoup inspiré et a guidé certains choix de mise en scène. Il est aveuglé par les détails de son obsession. Comme le marquis de La Règle du jeu de Jean Renoir, qui ne voit rien, juste à l’aune de la seconde guerre mondiale, des tragédies qui viennent, absorbé qu’il est par sa passion amoureuse, attendri qu’il est par la nostalgie, fasciné au fond par sa propre faiblesse et obsédé par sa collection de boîtes à musique.


VIRTUOSITÉ, PRÉCISION ET FRAÎCHEUR PATRICK DAVIN CHEF D’ORCHESTRE Propos recueillis par Christian Longchamp

Je c ro is dans l’idée que le renou vellement musical peut être po rté par la mise en scène, par la dramaturgie, tout autant que par la personnalité des chante urs, mais pour cela il faut être un chef d’orchestre qui aime le théâtre.

S

ans doute est-ce le bénéfice de la maturité que de pouvoir affirmer que l’on connaît très bien une partition pour l’avoir étudiée et interprétée à plusieurs reprises… C’est bien le cas pour moi des Nozze di Figaro dont j’ai déjà fait quatre productions. Depuis longtemps, je vis avec cette œuvre. Alors jeune homme, je me rappelle d’avoir vu et revu en vidéo, plus d’une centaine de fois, le film réalisé par Jean-Pierre Ponnelle avec les extraordinaires Dietrich Fischer-Dieskau, Kiri Te Kanawa, Mirella Feni, Hermann Prey et Maria Ewing dont j’adorais le Cherubino, sous la direction de Karl Böhm. Une forme de perfection classique que je ne recherche pas dans mon travail mais qui m’a marqué alors. La belle production de l’Opéra royal de Liège que j’ai dirigée en 1996, dans une mise en scène de Philippe Sireuil, avec notamment les toutes jeunes Sophie Koch et Anne-Catherine Gillet qui interprétaient respectivement Cherubino et

Barbarina, a été importante dans ma découverte des plus petits détails et secrets extraordinaires de cette œuvre. Ce sont d’ailleurs mes annotations dans ma partition de 1996 qui formeront la base de ma relecture des Nozze dans ma préparation, à la fin de l’été, pour cette nouvelle aventure avec l’Orchestre symphonique de Mulhouse. Un autre signe de l’importance de cette œuvre dans ma vie professionnelle est l’utilisation que je fais dans mes cours de direction d’orchestre, systématique désormais depuis une quinzaine d’années, du récitatif accompagné qui précède l’air du Comte dans le 3e acte (« Hai già vinto la causa ! »). Tempi, silences puis éruptions sonores, douceur et violence, des contrastes saisissants qui changent à toutes les mesures; maîtriser l’ensemble avec précision est difficile, demande une attention maximale à fin de se faire comprendre


OPÉRA LE NOZZE DI FIGARO / PATRICK DAVIN

Je suis heureux de toute l’expérience acquise avec les années auprès de cette partition. Car alors que nous allons nous lancer dans une nouvelle aventure, une nouvelle production avec la vision particulière d’un metteur en scène, cette expérience me rend plus ouvert et libre. Les ingrédients essentiels que je ne connais pas du tout en revanche, ce sont les chanteurs. C’est une situation très excitante. À l’exception de Marie-Ange Todorovitch qui interprètera Marcellina, je vais travailler pour la première fois avec ces artistes. Mon rôle est d’homogénéiser ce qui doit l’être, les ensembles, la conception générale. Pour les airs, les respirations, les détails, il ne faut pas essayer d’atteindre avec un chanteur ce pourquoi il n’est pas fait. Au contraire il faut recevoir, accueillir sa singularité, l’accompagner et le porter avec ses qualités propres que je découvre parfois très tôt pendant les répétitions, parfois plus tard parce que le chanteur se cache un peu au début ou ne se révèle que sur scène dans l’action, avec les indications du metteur en scène. Contrairement à ce que l’on croit, le métier de chef d’orchestre porte à la modestie et sans elle on s’expose à de sérieux revers… Je définis à grands traits ce que je veux atteindre musicalement pendant mon travail préparatoire, long, très long même – par contraste avec des chefs de la nouvelle génération qui semblent avoir une grande facilité, parfois trop – mais j’aime conserver une sorte de « no man’s land » d’inspiration. J’ai besoin de préparer en profondeur mais je sais qu’à partir du moment où je suis avec l’orchestre et les chanteurs, l’intuition va prendre le dessus et motivera mes décisions.

jeu particulières, la justesse d’un petit chœur. Dans ces moments spécifiques, et il y en a beaucoup chez Mozart, posséder une belle voix, une voix qui a de la personnalité, ne suffit pas. Il faut travailler longuement pour que chacun des composants de l’ensemble, tout en apportant sa couleur, participe à la formation d’un tout harmonieux qui a sa propre valeur. Le grand pari est de réussir à donner à cette partition toute sa fraîcheur malgré le grand travail de précision et l’attention permanente que l’interprétation exige. Et rendre aussi la fraîcheur, l’élan, l’impertinence à une œuvre qui est connue de tous, qui est devenue un « tube », voilà ce qui me semble très important lorsqu’on s’attaque aux Nozze. Je me rappelle ce que le grand José Van Dam a dit, alors qu’il devait avoir plus ou moins mon âge actuel. Sa notoriété était telle qu’il se retrouvait dans des productions prestigieuses. Il affirmait cependant que le plus important pour lui, c’était moins de travailler avec de grands chefs d’orchestre qu’avec de grands metteurs en scène, car eux, par l’originalité de leurs visions, de leurs lectures, de leurs intuitions, lui permettaient de se renouveler et d’éviter la reproduction d’un acquis. Je partage tout à fait cette idée que l’intelligence et les intuitions du metteur en scène permettent, me permettent de retrouver l’allégresse de la découverte sans pour autant rejeter l’expérience acquise. Je crois vraiment dans l’idée que le renouvellement musical peut être porté par la mise en scène, par la dramaturgie, tout autant que par la personnalité des chanteurs, mais pour cela il faut être un chef d’orchestre qui aime le théâtre, et tous ceux qui dirigent des opéras n’ont pas cette curiosité pour la scène. Et cela s’entend souvent très vite…

© Jean Radel

de l’orchestre à la seconde pour accompagner et ne pas déstabiliser le chanteur. Ce que je remarque avec regret souvent aujourd’hui dans la direction actuelle, c’est la disparition de la maîtrise des tempi, comme si cela était secondaire, peut-être sous l’influence de la musique ancienne où ils changent en permanence. Dans l’air du Comte (« Vedrò, mentr’io sospiro »), il y a trois tempi différents qui doivent avoir une certaine stabilité sinon c’est un enfer pour le chanteur.

P. 24 – 25

Je suis devenu sans doute plus exigeant aujourd’hui avec les ensembles et je leur accorde une attention encore supérieure aux airs. Même avec la plus belle distribution, le travail est d’une grande finesse. C’est réussir à faire chanter ensemble dans une extrême précision, réussir à « sculpter » un groupe d’artistes qui souvent ne se connaissent pas. Des solistes doivent impérativement atteindre, dans des situations de


DA PONTE, LE MOUVEMENT PERMANENT Lorenzo Da Ponte, 1830, Thomas Morse. New York Yacht Club

par Christian Longchamp

L

e nom de Lorenzo Da Ponte est étroitement lié à celui de Mozart pour lequel il a écrit, à Vienne, les livrets de Le Nozze di Figaro, Don Giovanni et Così fan tutte, entre 1786 et 1790. Mais la vie de l’écrivain vénitien, avant et après ces années fastueuses pour l’histoire de l’opéra, a été aussi accidentée, troublée qu’enthousiasmante, comme les existences de beaucoup des esprits les plus fascinants de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècles, celle de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais en étant un autre magnifique exemple.

Que ressentit Lorenzo Da Ponte, le 23 mai 1826 à New York, lorsqu’il entendit les premiers accords de l’ouverture de Don Giovanni s’élever de la fosse du Park Theatre ? Son émotion dut être considérable. Trentetrois ans après avoir quitté l’Europe, il entendait à nouveau la musique qui avait suscité l'engouement du public de Prague, à la fin octobre 1787. Grâce à l’énergie, l’enthousiasme et l’entregent de cet homme de soixante-dix-sept ans qui s'était fait imprésario, les amateurs d’opéra newyorkais découvraient enfin ce soir-là le fameux « dramma giocoso », deuxième opéra de Mozart a être entendu en Amérique, après que Le Nozze di Figaro a été proposé en anglais, trois ans plus tôt . Son émotion dut être considérable, oui, même si les mots qu’il emploie à l’évocation de cette soirée dans ses Mémoires restent mesurés : « Mes espérances ne furent pas déçues. L’opéra plut d’un bout à l’autre : paroles, musique, exécution, acteurs, tout fut admirable, et surtout la Malibran dans le rôle de Zerlina. » Et d’ajouter plus loin, alors qu’il compare l’appréciation respective de Rossini et de Mozart à New York : « Il faut cependant remarquer que Mozart, peut-être parce qu’il n’est plus, peut-être parce qu’il n’est pas Italien, non seulement ne compte pas d’ennemis, mais se trouve presque divinisé par les auditeurs impartiaux et compétents. » Si des souvenirs de la première pragoise lui revinrent à l’esprit ce soir-là, c’est tout un monde depuis longtemps disparu qui se ranima sans doute : un succès extraordinaire qui annonçait les centaines de représentations qui allaient être données dans la capitale de la Bohème au cours du siècle qui suivit ; le génie de Mozart, cette ouverture qu’il composa dans la nuit qui

précéda la première, enfermé dans une chambre d’une propriété sur les hauteurs de Prague ; Casanova, son ami, bien que beaucoup plus âgé que lui, dont il était jaloux parfois, qui avait quitté sa bibliothèque de Dux où il écrivait en français son Histoire de ma vie, pour assister aux derniers préparatifs de ce chef-d’œuvre ; le pari fou que lui, Da Ponte, avait relevé d’écrire trois livrets en même temps, pour les trois plus grands compositeurs en activité à Vienne, L’arbore di Diana pour Martin y Soler, Axur, re d’Ormus pour Salieri et celui pour Mozart, ce Don Giovanni qu’il tenait pour sa plus grande réussite, avec Le Nozze di Figaro qu’il avait créé deux ans plus tôt. Da Ponte, en ce printemps newyorkais, ne pouvait imaginer que la petite sœur de la Malibran, tout juste âgée de cinq ans alors, entr’aperçue pendant les répétitions, allait, sous le nom de Pauline Viardot, devenir une chanteuse aussi célèbre que son aînée et qu’elle consacrerait une partie de sa fortune, en 1855, dans l’achat de la partition originale autographe de Don Giovanni, aujourd’hui dans les collections de la Bibliothèque nationale de France… Lorenzo Da Ponte finira sa vie à New York. Il s’éteindra au cours de l’été 1838, à quatre-vingt-neuf ans. Il réussira encore un autre coup, sept ans après la création américaine de Don Giovanni : l’ouverture de la première maison d’opéra à New York, l’« Italian Opera House ». Malgré le succès public, les coûts considérables des productions menèrent l’audacieuse entreprise à la faillite, et Da Ponte dut se retirer. Sa vie aventureuse fut extraordinaire. S’il la termina comme premier professeur d’italien de l’Université de


Columbia, il aura exercé quantité de métiers, après avoir quitté Vienne, à la suite de la mort, en 1790, de celui qui fut son protecteur, l’empereur Joseph II. Ce qui est stupéfiant dans son existence – et ses formidables Mémoires en témoignent, même si ce récit qui transige par moments avec la vérité historique passe sous silence quelques épisodes importants – c’est qu’il ne cessa de se réinventer. Né de parents juifs dans la petite ville de Ceneda, en Vénétie, il prit, à l’âge de quatorze ans, en 1763, le nom de Lorenzo Da Ponte, celui de son tuteur, un évêque, lorsqu’il fut baptisé catholique. Après des études religieuses qui lui valurent le titre d’abbé – on l’appela d’ailleurs souvent « Abbe Da Ponte » bien après qu’il aura rejeté l’Eglise –, il n’aura de cesse de chercher la reconnaissance comme poète.

À New York, Elizabeth (dans le New Jersey), Philadelphie, puis New York à nouveau, Da Ponte va chercher à vivre, à survivre souvent, en oubliant le théâtre, la poésie et la musique. Il ouvrit différents commerces, une distillerie, une pharmacie, mais chacune de ses initiatives se termina par une faillite et un nouveau déménagement. De retour à New York, en 1819, il décida enfin de revenir à la littérature et d’y devenir le principal avocat de la langue italienne. Il ouvrit une école, une librairie, fit venir à grands prix de la Péninsule les éditions les plus coûteuses, traduisit, édita des textes originaux, s’engagea dans la rédaction d’un essai, Storia della lingua e letteratura italiana (Histoire de la langue et littérature italienne), qu’il publiera avec succès en 1827, alors qu’il était depuis deux ans professeur de langue italienne au Columbia College (future Columbia University). L’existence de Da Ponte, ce sont ces incessants rebondissements, cet incroyable courage et cette volonté. Lisez ses Mémoires. Toute affaire cessante. C’est exceptionnel ce que cet homme a vécu. Lors de cette soirée du printemps de 1826, personne parmi le public, c’est certain, n’écouta comme lui ce Don Giovanni.

LE NOZZE DI FIGARO [ NOUVELLE PRODUCTION ] Direction musicale Patrick Davin Mise en scène Ludovic Lagarde Décors Antoine Vasseur Costumes Marie La Rocca Coiffure et maquillage Cécile Kretschmar Éclairages Sébastien Michaud Dramaturgie Christian Longchamp Il Conte Almaviva Davide Luciano Figaro Andreas Wolf Susanna Lauryna Bendžiūnaitė La Contessa Almaviva Vannina Santoni Cherubino Catherine Trottmann Bartolo Arnaud Richard Marcellina Marie-Ange Todorovitch Don Basilio Gilles Ragon Don Curzio François Almuzara Barbarina Anaïs Yvoz Chœurs de l’Opéra national du Rhin Orchestre symphonique de Mulhouse En langue italienne, surtitrages en français et en allemand

STRASBOURG Opéra

MULHOUSE La Filature

ve 20 octobre 20 h di 22 octobre 15 h ma 24 octobre 20 h je 26 octobre 20 h sa 28 octobre 20 h ma 31 octobre 20 h

ve 10 novembre 20   h di 12 novembre 15  h

PRIX : de 6 à 90 €

SCÈNES S OUVERTE

« Prologue » introduction de 30 min., 1 h avant chaque représentation Rencontre à la Librairie Kléber avec Patrick Davin et Ludovic Lagarde je 19 octobre 18 h

P. 26 – 27

Da Ponte, cependant, eut deux problèmes majeurs dans sa vie : les femmes pour la première partie de son existence et l’argent, jusqu’à sa mort. Ce sont les femmes et les dettes, plus encore, qui l’amenèrent à fuir, à tenter de « se refaire » ailleurs. Condamné à Venise parce qu’il menait une vie dissolue en contradiction avec son état de religieux, il chercha refuge dans plusieurs villes avant d’atteindre Vienne, alors capitale absolue de la musique. Nommé « poète de cour » par Joseph II, il affronta quantité de cabales et d’intrigues, mais il écrivit surtout, pendant dix ans, pas moins de trente-six livrets, certains parmi les plus beaux de l’histoire de l’opéra. À la suite de la mort de l’Empereur, il fuit à nouveau, et après avoir, sans succès, cherché à être réhabilité à Venise, il quitta Trieste, pour Prague, Amsterdam et s’établit à Londres où il vécut douze années. Poète, traducteur, éditeur, imprésario, il travailla alors pour le King’s Theatre mais de nouvelles cabales, et surtout des dettes et des banqueroutes dans plusieurs des entreprises qu’il développa en Angleterre l’amenèrent à quitter l’Europe au printemps 1805 pour s’établir aux Etats-Unis où sa femme avait de la famille. Il n’imaginait pas qu’il allait y vivre trentetrois ans sans retourner une seule fois sur le Vieux Continent.


l’opéra studio VIVRE SA VIE OU LA PROFESSIONNALISATION D’UNE PASSION par Eva Kleinitz

L’une des fonctions principales de l’Opéra Studio est Mouton et Sindbad, les chanteurs de l’Opéra Studio d’offrir aux jeunes chanteurs un maximum d’atouts occuperont ici les premiers rôles. Pour préparer ces deux pour se défendre dans un univers professionnel difficile. spectacles, ils vont travailler avec des professionnels, les Il s’agit donc pour nous, grâce à nos expériences, de leur musiciens de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, donner les moyens de réussir leur vie de chanteuse ou un metteur en scène, un chef d’orchestre (qui est aussi le de chanteur, de leur permettre de vivre de leur passion. compositeur dans le cas de Sindbad). De plus, Vincent La vie professionnelle d’un jeune chanteur lyrique est Monteil, le Directeur de l’Opéra Studio, les chefs de en effet très difficile aujourd’hui. La concurrence est chant, les coach de langues prépareront les concerts pasforte et les choix de carrière sont multiples. Essayer sionnants de la série des « midis lyriques » à Strasbourg de travailler comme un artiste indépendant ? Intégrer et à Colmar, leur ville de résidence. Une particularité une troupe dans un pays encore de l’Opéra Studio : germanophone où les en­ la présence tout au long de sembles sont très noml’année de deux jeunes piabreux ? Auditionner pour nistes qui les accompagneentrer dans un chœur ? ront dans leur appren­tissage Enseigner et approfondir et leur perfectionnement. Antoine François Marta FOULON ALMUZARA BAUZÀ ses propres connaissances ? Nous ferons tout notre pos(baryton) (ténor) (soprano) Pour répondre au mieux sible pour qu’ils passent à ces questions cruciales, une année riche en décou­ un jeune chanteur doit vertes artistiques et en tout d’abord apprendre à enseigne­ments afin de les se connaitre, à identifier préparer à la vie profession­ Fanny Igor Manon Stefan ses points forts et ses points nelle qui suivra leur passage LUSTAUD MOSTOVOI PARMENTIER SBONNIK (mezzo) (baryton) (pianiste) (ténor) faibles, à améliorer ses poà l’Opéra Studio. tentiels, pour se donner Antoine Foulon, jeune batoutes les chances lors de ryton français, est le seul à futures auditions. suivre une deuxième année À l’OnR, c’est auprès des à l’Opéra Studio (il fera égamusiciens professionnels lement ses débuts à l’Opéra Dionysios Anaïs Stella TSAOUSIDIS YVOZ SOUPPAYA confirmés que nous permetde Stuttgart dans Madama (basse) (soprano) (pianiste) tons à ces jeunes artistes Butterfly). Les autres jeunes talentueux et prometteurs de trouver des réponses à ces talents, qui ont tous terminés des études musicales et questions. C’est ainsi qu’en plus de « master classes » ont eu de premières expériences sur scène, ont été sélecauxquelles ils prendront part, ils interprèteront des tionnés après auditions il y a quelques mois, avant d’intérôles dans des productions d’opéra de la saison grer l’Opéra Studio. Comme vous pourrez le découvrir, 2017/2018, dans Le Nozze di Figaro, par exemple, pour ils forment un ensemble passionnant, riche et varié. Nous les rôles de Barbarina et Don Curzio, dans Francesca da vous les présenterons plus longuement dans de prochains Rimini, pour les rôles des amis de la protagoniste. Ils aunuméros de OnR LeMag. Venez les découvrir lors du ront aussi la chance d’être des doublures de rôles plus premier « Midi lyrique » intitulé Figaro ci, Figaro là !, importants, à l’instar de Cherubino dans Le Nozze di le 21 octobre à Strasbourg et le 26 octobre à Colmar. Figaro, ou d’Olga dans Eugène Onéguine. Dans les deux Nous leur souhaitons une très belle année en Alsace ; productions destinées prioritairement au jeune public, une chose est sûre, ils seront très bien accueillis à Colmar.


récital marie-nicole

lemieux CONTRALTO

CO LL U EC EN NIQ TION EU UE RO PE

EXPOSITION

L’APPEL du

LOINTAIN

roger vignoles PIANO

JUSQU’AU

Mélodies sur des poèmes de Baudelaire et Goethe Gabriel Fauré, Ernest Chausson, Claude Debussy, Henri Duparc, Robert Schumann, Franz Schubert, Hugo Wolf

31 DÉC. 2017

E

LE VOYAG

CONTINUE

STRASBOURG Opéra sa 21 octobre 20  h PRIX : de 6 à 48 € Avec mon cous(s)in di 22 octobre 11  h pour les 6-10  ans

N AVEC MO )IN COUS(S

En partenariat avec

P. 28 – 29

© Geneviève Lesieur

L E MU S É E D U B AG AG E D E H AG U E N A U


LES INVITÉS

le nozze di figaro

© plainpicture/Kniel Synnatzschke

forsythe · kylián · scholz


FORSYTHE · KYLIÁN · SCHOLZ GRANDS CHORÉGRAPHES EUROPÉENS

HÉRITAGE, CRÉATION & ÉCOLE REID ANDERSON CONVERSATION AVEC BRUNO BOUCHÉ, VIVIEN ARNOLD & EVA KLEINITZ

L

e nouveau directeur du Ballet de l’Opéra national du Rhin a tenu à débuter sa première saison avec une soirée exigeante consacrée à trois des plus grands chorégraphes de notre époque. Ces trois artistes ont tous été soutenus et lancés par le Ballet de Stuttgart, une compagnie que John Cranko a hissé aux plus hauts sommets de la danse, de 1961 à sa mort, en 1973. Après sa disparition dramatique à l’âge de 45 ans, la compagnie allemande a réussi à conserver un niveau d’excellence et d’ouverture à la jeune création qui en fait toujours l’une des principales références internationales dans le monde du ballet. Le lendemain de la nouvelle production remarquable de Death in Venice de Benjamin Britten dans une mise en scène de Demis Volpi, chorégraphe en résidence à Stuttgart, Bruno Bouché et Eva Kleinitz ont souhaité dialoguer avec Reid Anderson qui, après avoir été danseur au Ballet de Stuttgart dans les années 1970, dirige depuis plus de vingt ans cette prestigieuse institution. Vivien Arnold, directrice de la communication et dramaturge au Ballet de Stuttgart s’est joint à la conversation. Héritage, création et école. Trois mots-clés pour une compagnie du XXIe siècle.

Bruno Bouché : J’ouvre ma première saison au Ballet de l’Opéra national du Rhin avec un programme comprenant trois œuvres de trois grands chorégraphes : William Forsythe, Jiří Kylián et Uwe Scholz, afin de mettre à l’honneur l’école chorégraphique de John Cranko, mais aussi de nourrir une réflexion sur la place de la tradition du ballet classique au XXIe siècle. Moi-même, je viens du Ballet de l’Opéra de Paris. Nous avons eu le privilège d’y travailler avec des chorégraphes ultra-contemporains et de faire du ballet classique et néo-classique. Pour moi, la question demeure entière : que faire aujourd’hui du ballet classique ? Ce que vous développez à Stuttgart est pour moi exemplaire et très inspirant pour répondre à cette question fondamentale.

Reid Anderson : Vous savez, depuis la mort de John Cranko, partout où je voyage dans le monde de la danse, je découvre des liens qui font de Stuttgart le centre d’une grande constellation. À travers votre programme pour le Ballet de l’OnR, avec les présences de William Forsythe, Jiří Kylián et d'Uwe Scholz, le Ballet de Stuttgart est présent, si je puis dire, de A à Z. Pour nous, cela représente un programme typique parce que vous associez non seulement des personnes qui ont débuté leurs carrières ici, mais vous soulignez également la contribution essentielle des soirées initiées par la Noverre-Gesellschaft1. Lorsque John Cranko a pris les rênes de la Compagnie, son arrivée a marqué un tournant pour la jeune création. En tant que chorégraphe,

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La Noverre-Gesellschaft est une association d’amis du Ballet de Stuttgart créée en 1958 dont les buts sont le soutien et la promotion de jeunes chorégraphes dans leur développement. Elle leur permet de présenter au public leurs premières créations. La Noverre-Gesellschaft a favorisé l’émergence de figures majeures de la danse du XXe siècle, telles que John Neumeier, Jiří Kylián, William Forsythe ou Uwe Scholz et a soutenu une nouvelle génération de créateurs comme Marco Groecke, Bridget Breiner, Douglas Lee et Demis Volpi.


John a adopté le projet de la Noverre-Gesellschaft avec enthousiasme. Pendant sa formation au Royal Ballet à Londres, il avait eu l’opportunité de créer des ballets grâce à la grande Dame Ninette de Valois, tout comme Kenneth MacMillan et bien d’autres. Il s’est donc approprié cette tradition. Il a fondé cette école extraordinaire à Stuttgart en écho à ce qu’il avait connu au Royal Ballet. Tout a commencé avec une petite graine qui s’est développée pour devenir une plante gigantesque. John a permis une fusion de deux éléments qui, quand j’étais jeune, s’opposaient rigoureusement : il y avait la danse contemporaine d’un côté, et la danse classique de l’autre. Un point c’est tout. Glen Tetley, qui a succédé à John à Stuttgart, a fortement contribué à cette fusion lui-aussi. Infuser un sentiment de liberté tout en insistant sur un retour aux bases fondamentales du ballet, voilà l’apport formidable de John. John Cranko nous disait qu’un bon danseur de ballet de formation classique peut tout faire. Il peut même danser avec des claquettes s’il le faut. N’importe qui peut bouger, mais cela prend une toute autre allure chez un danseur de formation classique. C’est un peu la philosophie de la Compagnie à Stuttgart. Nous avons des danseurs qui sont très bien formés en danse classique, mais qui sont également excellents en danse moderne ou contemporaine. . Eva Kleinitz : Ce qui me frappe chez John Cranko, c’est sa

R.A. : Je suis moi-même issu de cette époque. J’étais

au Royal Ballet School avec Jiří Kylián. J’ai vu la toute première pièce qu’il y a créée à une époque où la conception de la chorégraphie n’était pas encore établie comme aujourd’hui. Ensuite nous avons terminé notre formation à l’École. On a atterri à Stuttgart tous les deux. Jiří est arrivé avant moi. Il avait entendu que John incitait ses jeunes chorégraphes à aller toujours plus loin. Je suis arrivé quelques mois plus tard et j’ai vu la toute première pièce qu’il a créée pour le Ballet de Stuttgart. Je pense à ce que vous venez de dire à propos de sa générosité. John avait une sorte de folie contagieuse ! Il emportait les plus jeunes derrière lui. Je me rappelle des mouvements dans une pièce qu’il dansait habituellement avec son amie à l’époque Leigh-Ann Griffiths. Ils étaient assis par terre – les mouvements complexes qu’ils arrivaient à faire avec leurs jambes  ! Des choses inédites – jamais vues auparavant. Et puis il y avait Billy ! (William Forsythe). Je figurais dans quasiment tous ses premiers ballets – cela fait sans © Hannes Kilian

générosité. Il était chorégraphe lui-même et c’était un éternel curieux : il voulait toujours découvrir ce dont

les autres étaient capables. Il n’y voyait jamais de la concurrence. La Noverre-Gesellschaft offrait aux jeunes chorégraphes la chance de travailler avec la Compagnie et d’expérimenter avec elle. Dès sa nomination à Stuttgart, en 1961, alors qu’il n’avait que trente-quatre ans, il a pris des risques. Il a travaillé sur l’ouverture vers de nouveaux publics. Il parlait aux spectateurs, il leur expliquait le rôle du chorégraphe, il leur disait qu’il fallait de la tolérance afin de permettre aux chorégraphes de grandir. John a fait preuve d’énormément de patience envers ses chorégraphes. On ne peut pas réussir à chaque fois, mais il faut laisser les jeunes chorégraphes expérimenter, sinon ils ne sortent pas des sentiers battus par peur de ne pas réussir. En adoptant cette approche, il leur a donné les moyens de devenir de grands artistes. Forsythe a créé tellement d’œuvres différentes avant de quitter Stuttgart ; il a vraiment réalisé des choses inédites et il a continué dans ce sens à Francfort. Au début, je pense que Kylián se cherchait, mais lui aussi, au final, n’a pas essayé de figer un style. Ils sont devenus directeurs ensuite. Je pense que c’est encore un autre point clé. Ils n’étaient pas uniquement chorégraphes ; ils avaient en eux ce besoin de devenir directeurs : ils avaient une vision.

↑ John Cranko (au centre) avec (de gauche à droite): Egon Madsen,

Alan Beale, Richard Cragun, Anne Wooliams et Marcia Haydée.


DANSE FORSYTHE, KYLIÁN & SCHOLZ / REID ANDERSON

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© Roman Novitzky

doute partie de mes meilleurs souvenirs. J’étais un danseur de création – c’était ma spécialité plutôt que la danse classique. Les créations de Billy figurent parmi les moments les plus mémorables que j’ai vécus au Ballet. À l’époque il n’était pas du tout connu. Tout commençait pour lui. Et puis Uwe Scholz… Lorsque Uwe Scholz a été admis à l’École, Billy commençait à se faire un nom. Et qui faisait partie du jury lorsqu’il fut admis ? John, bien sûr ! II était encore parmi nous à ce moment-là. Peu de temps après, lorsqu’Uwe était étudiant à l’École, John est décédé. Il n’avait que quarante-cinq ans ! John avait admis Billy dans la Compagnie, mais Billy ne le connaissait pas – il n’avait pas eu le temps de le rencontrer. Lorsqu’il était chorégraphe (on partageait un vestiaire à l’époque), Billy nous a ↑ Reid Anderson en répétition dit « Wow, ce jeune homme de l’École est V. A. : Exactement  ! Il avait besoin de tout disséquer, de incroyable. Il s’appelle Uwe quelque chose. tout analyser. Les approches sont toutes différentes. C’est un ado et il fait ce truc de Mozart – sa musicalité Kylián a un côté profondément émotionnel et une est extraordinaire ». Je pourrais raconter des anecdotes qualité onirique ; Scholz, c’est la musique avant tout ; à longueur de journée ! et Bill c’est la dissection totale – même le corps humain – explorer les capacités du corps humain. Ce programme que vous allez présenter avec le Ballet de l’OnR raconte ma vie entière. Il est un outil formidable R. A. : Jiří est plutôt un poète, Uwe un écrivain de pour éduquer le public. Pour comprendre ce que font prose et Billy est tout simplement avant-gardiste. À les jeunes gens de nos jours, il faut comprendre d’où l’époque, ses créations étaient choquantes. Certains ils viennent. Certains chorégraphes créent « à la Billy », spectateurs se levaient et quittaient le théâtre. J’ai vu d’autres font « à la Jiří », mais montrer les ballets origitellement de ballets où les gens quittaient la salle ! Ils naux au public est essentiel. disaient « Scheisse ! ». Puis, Billy entrait sur scène et B. B. : C’est la base de mon projet. disait : « Bon ! On arrive au deuxième acte. Les gens qui veulent vraiment être là, sont restés. » Tellement R. A. : C’est une excellente idée. Et Stuttgart est à deux de gens quittaient la salle – ils préféraient en parler, pas ! Ce sont presque des compagnies sœurs, si proches commenter sans chercher à comprendre, sans assister l’une de l’autre... aux spectacles souvent ! Billy était tellement hors du commun. Et les trois sont si différents dans leurs apVivien Arnold : Ces trois chorégraphes étaient tellement proches chorégraphiques. Quintett est un de mes baldifférents les uns des autres – même s’ils sont tous islets préférés de Billy de tout temps, justement parce sus de la même « maison ». Uwe était fasciné plus parqu’il est atypique. Ce n’est pas un ballet de danse pure ticulièrement par la musique et n’avait pas peur de comme The Second Detail ou In the Middle, Somewhat travailler de façon non-narrative – même si traditionElevated. C’est atypique. La musique de Gavin Bryars nellement, la Compagnie avec Cranko et MacMillan, est extrêmement exigeante. Je pense que c’est une des avait une approche plus narrative. Il avait le courage pièces les plus poétiques de Billy. La structure est si de dire : « Ça ne m’intéresse pas – je vais partir dans une incroyable ! Au début, quand j’ai pris la tête de la autre direction ». Kylián avait un style plus contempoCompagnie, il y a 21 ans, j’étais en train de discuter rain. Et Bill était… tout simplement… avec Billy du projet de programmer Quintett, parce que j’avais vu l’interprétation de sa Compagnie. Il m’a R. A. : …cérébral. répondu que pour lui, les danseurs à Stuttgart étaient


↑ Jiri Kylián avec Marcia Haydée et Egon Madsen

lors d’une répétition de Symphony of Psalms

↓ William Forsythe avec Reid Anderson et Richard Cragun

© Gundel Kilian

lors d’une répétition d’Orpheus


DANSE FORSYTHE, KYLIÁN & SCHOLZ / REID ANDERSON

beaucoup trop classiques. Rétrospectivement, je pense qu’il avait raison. Ce ballet n’est pas dans la tradition classique, mais il faut des danseurs classiques pour l’interpréter correctement. Et maintenant, je suis jaloux car les danseurs de Zurich l’ont interprété – et maintenant vous l’avez programmé au Ballet de l'OnR… B. B. : J’ai une autre question à vous

↑ Uwe Scholz avec Hilde Koch et Reid Anderson lors d’une répétition de Das Märchen

R. A. : Pour moi, le secret réside dans la Noverre-Ge-

sellschaft. Elle en a toujours été le moteur – surtout au départ, lorsque John a pris la Compagnie. Fritz Höver, qui participait à la Noverre-Gesellschaft, était toujours là pour en assurer le bon fonctionnement. Il s’occupait de tout et donc John, en tant que Directeur, n’avait pas à organiser les répétitions. Aujourd’hui, la personne qui gère les répétitions de ces créations doit travailler avec les danseurs parce que tout le travail est réalisé en dehors de leurs heures de travail pour le Ballet. C’est l’élément essentiel. Lorsque nos danseurs prennent la direction d’autres compagnies – et ils sont nombreux à le faire – ils se souviennent de la Noverre-Gesellschaft et ils créent des ateliers semblables. Ce fut le cas pour moi à Toronto. Avant, cela n’existait pas. Et j’ai gardé le même esprit. Il faut que cela reste optionnel et que cela se passe pendant leur temps libre. C’est un point clé. Ce sont les danseurs de la Compagnie qui s’essayent à la chorégraphie. J’ai fait de même à l’époque. Je n’étais pas très doué, mais c’était important de comprendre ce que la création d’une chorégraphie implique ; d’essayer d’expliquer aux danseurs comment la réaliser. C’est une expérience formatrice. Ceci dit, quasiment tous faisaient partie de la Compagnie elle-même. Nous étions donc des danseurs de la Compagnie qui inventions des chorégraphies pour les autres danseurs de la Compagnie. Pendant ma jeunesse, j’ai participé à plusieurs pièces. J’aimais tellement le processus en général. Maintenant, je ne m’occupe plus de la Noverre-Gesellschaft. Nous acceptons également

des personnes de l’extérieur. Cette année nous avions deux très belles pièces d’artistes qui ne font pas partie de la Compagnie. Pour moi, le plus grand changement qui s’est opéré au cours des dernières années concerne notre rôle à l’École. Actuellement notre École est merveilleuse. Les deux-tiers de notre Compagnie proviennent de notre École. Les enfants formés à l’École apprennent la nécessité et l’importance de la chorégraphie. Ils sont encouragés et travaillent avec Marco Goecke, notre chorégraphe en résidence, et dansent avec brio. Je pense que c’est très important pour les jeunes. Cela correspond à notre vision moderne des choses. Ces jeunes intègrent ensuite la Compagnie : Louis Stiens est un bel exemple, Katarzyna Kozielska, Fabio Adorisio… Déjà à l’École, lorsqu’ils débutent, je peux déceler s’ils ont du talent. En fait, c’est tout un processus. Ils rejoignent la Compagnie par la suite et on leur dit « Il faudrait vraiment faire quelque chose pour la Noverre-Gesellschaft » et ils acceptent. Je me dis : c’est sympa comme pièce. On va la monter pour un de nos galas ! Ensuite je les encourage à créer autre chose pour la Noverre-Gesellschaft l’année suivante et ils le font volontiers. Nous travaillons toujours ensemble. Ensuite, ils créent une pièce pour la Compagnie, ensuite une pièce est mise en scène accompagnée de vrais musiciens, puis on ajoute des costumes et finalement ils créent un ballet entier. Et puis, comme avec Demis Volpi, ils font un ballet sur pointes. J’ai fait la P. 34 – 35

poser, qui aborde un peu la philosophie de votre Compagnie : comment est-ce que vous organisez la Compagnie et cette soirée pour les jeunes chorégraphes promus par la NoverreGesellschaft ? Quelle est votre démarche ? Combien de temps pouvez-vous leur consacrer ?


même chose avec Christian Spuck, autre chorégraphe en résidence. C’est toute une évolution qui commence dès l’École où Demis et Christian sont passés. C’est très important pour nous. Même si, évidemment, il y a aussi des personnes qui nous viennent de l’extérieur. Je les laisse faire. Je ne regarde pas les répétitions de ces créations. Parfois je ne sais même pas quels sont les membres de la Compagnie qui sont impliqués là-dedans. Je découvre le tout bien plus tard. J’ai compris pourquoi les danseurs sont tellement fatigués. Ils bossent avant leur journée de travail, à midi et après, le soir, la nuit, les week-ends. Ils bossent dur pour que cela réussisse. Pour moi, le résultat est clair : de superbes soirées où j’entre dans la salle comme spectateur lambda. Je ne sais pas qui travaille avec qui, je découvre le programme et je regarde. C’est merveilleux. C’est un des moments les plus fabuleux pour moi. C’est aussi une source d’information. Voilà comment ça marche..

gner pour les costumes, l’éclairage, le timing, toute la gestion dans les coulisses. Ils ont le droit d’utiliser les studios puis de monter sur scène, même si le temps consacré aux répétitions sur scène est très court. C’est un processus formateur remarquable. Certains découvrent qu’ils n’ont pas l’étoffe d’un chorégraphe et du coup, ils ont plus de respect pour les chorégraphes avec lesquels ils travaillent. D’autres se disent que la chorégraphie est un art merveilleux et qu’ils peuvent progresser dans ce sens. J’insiste néanmoins sur l’importance du volontariat.

V. A. : Je pense que le fait que tout soit basé sur la volonté de chacun est

un aspect clé. Ils apprennent énormément, il faut qu’ils organisent leur temps libre, il faut convaincre deux ou trois autres danseurs de travailler avec eux et continuer à les impliquer dans le processus. Car les danseurs sont très sollicités par les représentations ; ils sont fatigués. Il faut s’assurer qu’ils ne lâchent pas prise. Il faut donc être très volontaire et persuasif pour qu’ils s’engagent à leur tour. Ensuite, il faut se rensei-

SCÈNES ES OUVERT

« Prologue » introduction de 15 min., 30 min. avant chaque représentation Rencontre avec Bruno Bouché Un Ballet européen au XXIe siècle STRASBOURG Librairie Kléber lu 13 novembre 18h Coulisses studio Répétition ouverte au public MULHOUSE Studios du Ccn ma 10 octobre 18h sur inscription Danse à l’université Conférence dansée STRASBOURG Université, Le Portique ma 31 octobre 18h30 Répétition publique Répétition sur scène MULHOUSE La Sinne lu 16 octobre 18h30 STRASBOURG Opéra ma 14 novembre 14h30 L’université de la danse Conférence dansée MULHOUSE Studios du Ccn Je 5 octobre 19h sur inscription ballet@onr.fr

R. A. : Vous avez absolument raison.

En plus de l’aspect optionnel, il y a toute la gestion. Il faut savoir parler aux gens, être convainquant, savoir communiquer ses désirs aux autres. Et les danseurs font tout cela pendant leur temps libre et sans rémunération. S’ils y arrivent, c’est qu’ils ont progressé. Dès le départ j’étais à la fois chorégraphe et danseur. La chorégraphie m’amusait énormément et j’avais envie de tout essayer. J’ai beaucoup appris en participant au processus de Noverre-Gesellschaft. Je n’avais que 19 ans et je travaillais avec Billy, Kenneth MacMillan et des chorégraphes invités. Mais c’est lorsque j’ai travaillé avec Glen Tetley que j’ai vraiment compris de quoi il s’agissait : vous êtes debout au milieu de la salle de répétition, vous vous sentez nu devant les autres, vous leur demandez s’ils veulent bien imiter vos gestes et vous faites tout votre possible pour que cela se réalise. C’est une formation hors pair. Et ce n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. B. B. : C’est vrai ce que vous dites. C’est non seulement une formation pour les chorégraphes, mais aussi pour les danseurs car, mentalement, ils se mettent à la place du chorégraphe. En effet, parfois dans la danse classique, il y a le chorégraphe d’un côté et les danseurs de l’autre. Tout ce que les danseurs demandent, c’est d’apprendre les pas et ils ne s’impliquent pas dans la démarche chorégraphique. Ce que moi je recherche chez les danseurs, c’est la sensibilité, l’intelligence, le sens du partage. R. A. : Il est vrai qu’il faut qu’ils s’investissent. C’est formidable de pas-

ser commande d’un ballet, d’avoir quelqu’un qui vient de l’extérieur pour travailler avec vos danseurs. C’est un véritable atout car les danseurs apprennent un nouveau style et une autre façon de danser avec quelqu’un qui est un expert en la matière. Donc, ils apprennent effectivement les pas, à partir d’une chorégraphie établie, figée. Ils se disent, ça y est, aujourd’hui j’ai appris dix pas, demain ce sera pareil


DANSE FORSYTHE, KYLIÁN & SCHOLZ / REID ANDERSON

et j’ai bien saisi le style à adopter, que ce soit Balanchine ou un autre. C’est une démarche merveilleuse et c’est exactement ce que vous allez faire avec votre Compagnie car là, avec William Forsythe, Jiří Kylián et d'Uwe Scholz, nous avons trois styles aux antipodes les uns des autres. Quelle est la marche à suivre ? Vous essayez d’intéresser votre public, – c’est le devoir d’un directeur – vous essayez également de l’éduquer. Qu’est-ce que la danse ? Qui, quoi, comment ? Mais surtout pourquoi. Pourquoi fait-on ainsi ? Voilà ce que les gens cherchent à comprendre. Et bien sûr, l’impact général. Vos danseurs vont travailler avec des personnes expérimentées qui sont très pédagogues. C’est un processus riche d’enseignements. À l’issue du processus, vos danseurs seront des artistes plus complets, enrichis de cette expérience. C’est merveilleux de pouvoir ainsi observer leur évolution. C’est tout aussi bien que d’avoir, par exemple, un répétiteur hors pair pour la danse classique, qui leur enseigne La Belle au bois dormant et qui arrive à leur expliquer pourquoi le ballet se danse de cette façon. C’est génial. Savoir le pourquoi du comment, c’est vraiment fabuleux. J’y crois vraiment. Après, on peut tout déstructurer, mais comprendre le pourquoi, c’est tout aussi enrichissant. Vous pouvez parfois donner au public ce qu’il veut voir. Donner au public ce que vous pensez qu’il veut voir peut répondre à un besoin. Mais il ne faut pas oublier les danseurs. Il faut nourrir leur intellect. Je pense que ce programme permet d’avancer à plusieurs niveaux : que ce soit celui du public ou celui de vos jeunes danseurs. Tout le monde va se dire, « Quel honneur d’être là, j’ai fait le bon choix en venant ici. Ce nouveau gars fait ce qu’il faut… ». Cela montre aussi que vous avez un réseau, que vous avez de l’influence. Ce n’est pas facile d’attirer du monde. Surtout quand on commence. Je sais à quel point c’est difficile. Peut-être pas au tout début, parce que je faisais appel à mes amis quand j’étais en Colombie-Britannique : « Billy, on peut faire ceci ? », « Jiří, on peut faire cela ? »… Nous faisons ce que nous savons faire, mais, pour les personnes qui vous ont soutenu pour votre nomination, il est important de savoir décrocher le téléphone et d’inviter les personnes appropriées. Vous avez monté un programme de rêve qui va faire des envieux – d’autres n’auraient pas réussi à le faire.

John Cranko nous disait qu’un bon danseur de ballet de formation classique peut tout faire. Il peut même danser avec des claquettes s’il le faut. N’importe qui peut bouger, mais cela prend une toute autre allure chez un danseur de formation classique.

FORSYTHE • KYLIÁN • SCHOLZ grands chorégraphes européens QUINTETT / WILLIAM FORSYTHE [ ENTRÉE AU RÉPERTOIRE ]

Pièce pour 5 danseurs Création en 1993 par le Ballett Frankfurt

Chorégraphie William Forsythe en collaboration avec Dana Carpersen, Stephen Galloway, Jacopo Godani, Thomas McManus, Jones San Martin Musique Gavin Bryars Décors et lumières William Forsythe Costumes Stephen Galloway 27’52’’/ JIŘÍ KYLIÁN [ ENTRÉE AU RÉPERTOIRE ]

Pièce pour 6 danseurs Création en 2002 par le Nederlands Dans Theater II

Chorégraphie et décors Jiří Kylián Musique Dirk Haubrich Costumes Joke Visser Lumières Kees Tjebbes JEUNEHOMME / UWE SCHOLZ Pièce pour 21 danseurs Création en 1986 par les Ballets de Monte-Carlo Entrée au répertoire en 2000

Chorégraphie, décors et costumes Uwe Scholz Musique Wolfgang Amadeus Mozart Ballet de l’Opéra national du Rhin Spectacle présenté avec des musiques enregistrées

MULHOUSE La Sinne je 19 octobre 20 h ve 20 octobre 20 h di 22 octobre 15 h COLMAR Théâtre sa 4 novembre 20 h di 5 novembre 15 h STRASBOURG Opéra ma 14 novembre me 15 novembre ve 17 novembre sa 18 novembre di 19 novembre

20 h 20 h 20 h 20 h 15 h

PRIX : de 6 à 48 €

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– Retranscription et traduction Helen Sontag


1 E ÉDITION

« L’ATELIER » UNE DRAMATURGIE CHORÉGRAPHIQUE AU XXI E SIÈCLE 23-28 octobre

« L’Atelier » est l’espace alternatif où se construira désormais l’identité du CCN/Ballet de l’Opéra national du Rhin. Les artistes de la région et les compagnies soutenues par l’Accueil Studio, les chorégraphes invités de la programmation, ainsi que des artistes non chorégraphiques, participeront aux débats consacrés à l’identité d’un Ballet européen au XXIe siècle. Pour cette première édition de « L’Atelier », en partenariat avec POLE-SUD CDC, c’est plus particulièrement la dramaturgie chorégraphique contemporaine que nous allons questionner et, peut-être, contribuer à réinventer.

Les travaux de recherche de « L’Atelier » seront, dans un premier temps, réservés aux professionnels et à des étudiants. Ils constitueront une phase de travail dont l’objectif sera de tisser des œuvres dans les interstices d’autres œuvres, d’autres traditions, pour que de l’entrelacement naisse quelque chose de neuf ou d’inédit. La journée du 28 octobre, quant à elle, sera ouverte à tous les publics. « L’Atelier » a pour ambition de discuter des questions fondamentales autour de la danse en rassemblant des intervenants au niveau régional, mais également national, et en impliquant des acteurs de la région Grand Est (notamment via les réseaux Grand Luxe et SOLIdanse) et des acteurs transfrontaliers. Pour cette première édition, « L’Atelier » s’inscrit au sein des activités de la Biennale de la danse Grand Est : ExpEdition. Un blog tenu par les étudiants des universités restituera chaque journée de la semaine des ateliers sur nos réseaux sociaux et ceux de POLE-SUD CDC (Facebook, site Internet, etc.). Un ouvrage rassemblera les écrits des différents intervenants et des étudiants. Il sera présenté à la dansothèque de POLE-SUD CDC en mars 2018, à l’occasion de la présentation de l’édition 2018 de « L’Atelier ».


L'ATELIER, PROGRAMME COMPLET MULHOUSE / COLMAR Du lundi 23 au vendredi 27 octobre (professionnels uniquement)

MULHOUSE Samedi 28 octobre (entrée libre – ouvert à tous ) Journée de rencontres et débats publics, animée par Irène Filiberti • Kunsthalle à 11 h : « Corps et Présence », avec Clément Hervieu-Léger (comédien et metteur en scène), Vidal Bini (chorégraphe), Karthika Naïr (écrivaine et productrice de danse), Rachid Ouramdane (chorégraphe, directeur du CCN2 de Grenoble) et Sandrine Wymann (directrice de la Kunsthalle de Mulhouse) • Musée des Beaux-arts à 14 h 30 : « Dramaturgie et Mémoire » avec Thierry Malandain (chorégraphe, directeur de Malandain Ballet, CCN Biarritz) et Hervé Robbe (chorégraphe) • La Sinne à 16 h : « Un Ballet dans une Maison d’Opéra » avec Brigitte Lefèvre (directrice de la danse à l’Opéra national de Paris de 1995-2014, directrice artistique du Festival de danse de Cannes) et Eva Kleinitz (directrice générale de l’Opéra national du Rhin). • La Sinne à 18 h : « Un Ballet européen au XXIe siècle ». Restitution publique des travaux de la semaine et débats avec tous les intervenants. En ouverture, présentation de Compact de la Cie BurnOut (Jann Gallois), Accueil Studio du CCN/Ballet de l’OnR. Réservation obligatoire : Pasquale Nocera - pnocera@onr.fr / Laurine Koenig - lkoenig@onr.fr

PROLONGATION JUSQU’AU 7 JANVIER 2018

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Rencontres réservées aux professionnels à suivre sur les réseaux sociaux de l’OnR et de POLE-SUD CDC

Marc Quinn, AAA GTATA GGCAG, 2009, Bronze et matières plastiques, Collection Würth, Inv. 13583, Photo : Volker Naumann, Schönaich

Semaine de recherche en studios et visites de musées avec Daniel Conrod (écrivain), Roberto Fratini-Serafide (dramaturge), Irène Filiberti (conseillère artistique POLESUD CDC), Nicolas Worms (compositeur), Matias Tripodi (artiste indépendant) et Stéphanie Madec-Van Hoorde (soliste Ballet de l’OnR) Les activités rayonneront également hors les murs du CCN/ Ballet de l’OnR, en lien avec des institutions régionales : la Kunsthalle et le Musée des Beaux-Arts à Mulhouse ; le Musée Unterlinden et la Comédie De l’Est à Colmar ; POLE-SUD CDC à Strasbourg. • Irène Filiberti (POLE-SUD CDC) interviendra en tant que documentaliste pour faire réagir les intervenants face à des textes, des documents visuels ou radiophoniques. • Des visites de musées interrogeront la question de la dramaturgie du corps, en lien avec les commissaires des expositions. • Des ateliers de 2h chacun se dérouleront dans les studios du CCN, par et pour les intervenants, en présence de deux compagnies soutenues par l’Accueil Studio : la Cie BurnOut (Jann Gallois) et la Cie CHATHA (Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou).


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la rencontre ENTRETIEN HOWARD MOODY Propos recueillis par Hervé Petit

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oward Moody a composé et dirige Sindbad, opéra consacré à cet aventurier qui a vécu tant de voyages contés dans les Mille et Une Nuits. L’Opéra national du Rhin organise ce projet qui fera se rencontrer 250 enfants sur les scènes de Strasbourg, Mulhouse et Colmar en avril 2018. Découverte active de la musique et du théâtre, avec émotion et rigueur, pour que le spectacle du printemps soit à la hauteur des rêves de chacun.

Hervé Petit : Howard, racontez-nous l’histoire de cet ouvrage. Howard Moody : Dans un premier temps, j’ai beaucoup travaillé à étudier les contes des Mille et Une Nuits et il y a eu cet événement. L’histoire que je raconte dans cet opéra est inspirée par un fait divers. J’étais dans ma voiture en Grande-Bretagne et j’écoutais la radio qui diffusait l’histoire de Aris Abib Akram, un homme qui avait perdu toute sa famille dans les attaques aux armes chimiques contre les Kurdes dans la ville de Halabja, près de Bagdad. Il était en déplacement lors de l’attaque et en revenant, a découvert le carnage. Il avait empli son fourgon avec tous les corps de ses proches afin de leur donner une sépulture digne.

L’avez-vous rencontré ? Beaucoup ont tenté de le rencontrer mais peut-être était-ce trop dangereux, y compris pour lui. Je ne sais pas s’il sait même que cet opéra existe mais je crois que l’énergie surgie de cette histoire était liée au moment-même où cela est arrivé et quand j’ai entendu son interview. Il est sauf et c’est ce qui est le plus important. Il disait que l’essentiel est de se souvenir mais que « cela prendrait plus de cent ans pour calmer sa douleur ». C’est ce que je fais chanter à Sindbad à un moment de l’opéra. De nombreux événements identiques ont eu lieu depuis, notamment au RoyaumeUni avec cet attentat à Manchester qui visait aussi des enfants. Cette pièce lui est dédiée.


OPERA JEUNE PUBLIC SINDBAD / ÉPISODE 1

Vous êtes un compositeur contemporain chanceux : en moins de cinq ans, cette œuvre aura été créée trois fois déjà. Comment le vivez-vous ? C’est fantastique. Pour vous dire : il y a dans l’opéra un air qui est proche de la musique populaire et quand on entend celui-ci chanté par les enfants, leurs parents et même le public, c’est très gratifiant. On se sent, cela dit avec modestie, comme Verdi quand les Italiens chantaient ses airs du temps de son vivant. Quel honneur on me fait là.

© Hervé Petit

Comment concevez-vous cette nouvelle aventure ? Je suis très enthousiaste à l’idée de revivre une nouvelle aventure. Dans l’histoire, les enfants sont invités à prendre la responsabilité de leur avenir. Ils traversent des épreuves diverses : rescapés des bombes, souvent orphelins, ils subissent la guerre et la dévastation, s’enfuient dans le désert, sur la mer, au Pays de la Flamme vive (comme on nomme une partie de l’Azerbaïdjan) et reviennent chez eux pour construire la Cité de la Paix.

Et cette première rencontre avec les élèves de Strasbourg [le 4 juillet au Collège Lezay Marnésia] qui seront sur scène en avril 2018, comment l’avez-vous vécue ? Ils sont impressionnants ! Ils ont une capacité d’attention et une qualité de concentration étonnante. J’ai souhaité rentrer dans le vif du sujet immédiatement en chantant les premières lignes de la partition qu’ils auront à interpréter. Elle dit cela « Les bombes explosent juste derrière nous, nous sommes transis par la peur. Pourquoi la guerre ? Pourquoi la terreur ? Comment allons-nous survivre ? ». Nous sommes en plein dans le sujet de l’opéra. En 2018, l’année de la création en Alsace de cet opéra, nous célèbrerons la fin de la Première Guerre mondiale dans laquelle l’Alsace a eu sa part de souffrance. Je tenais aussi à leur parler de Shéhérazade, qui est un des personnages de l’opéra et qui guide le monde avec son flambeau comme le montre une statue d’elle. Il est important d’aborder avec eux l’Histoire en général, comment ils se situent dans l’Histoire et quelle part ils peuvent y prendre pour imaginer le futur. C’est le sujet de cet opéra. La guerre, la recherche de la paix et des solutions pour la trouver. J’ai senti que ces enfants sont très sensibles à ces sujets. J’ai hâte de les retrouver. Suivez les répétitions de nos jeunes artistes dans SINDBAD, ÉPISODE #2, à découvrir dans le prochain numéro de OnR LeMag.

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Il y a eu déjà deux productions avec votre opéra Sindbad : lors de la création à Bruxelles en 2014 et récemment à Paris en mai 2017. Avez-vous eu de retours de ces expériences ? À Bruxelles, j’étais au cœur de l’aventure puisque je dirigeais et je ne percevais pas toujours ce que les enfants ressentaient individuellement. Un film réalisé sur la production m’a permis de découvrir cela en partie. Mais j’ai constaté que cela a modifié des choses pour ces enfants et pour les théâtres-mêmes qui ont porté le projet. À Paris, je n’ai pas dirigé mais je suis allé voir le résultat. Les participants comme l’équipe d’encadrement, chef, metteur en scène et chorégraphe étaient très enthousiastes.


Haut-Rhin 104.6 - 96.4 FM

La radio des souvenirs et des hits Bas-RhiN 101.9 - 103.6 FM

Radio Dreyeckland, la radio des souvenirs et des hits ! Écoutez la musique des années 1970 à nos jours et toute l’actualité régionale, nationale et internationale. À partir du 1er septembre, regardez la matinale en Facebook Live entre 6h et 9h30 !

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»» vite dit »» *!* Assisitez aux

« Prologues » de l'OnR, les introductions gratuites qui vous sont proposées avant chaque représentation d'opéra et de danse à Strasbourg et à Mulhouse. Opéra : durée 30 min. 1h avant la représentation Ballet : durée 15 min. 30 min. avant la représentation

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*!* À la Monnaie (Bruxelles),

le chef d’orchestre Patrick Davin dirige la reprise de Pinocchio, l’opéra de Philippe Boesmans sur un livret et dans une mise en scène de Joël Pommerat, l’un des grands succès du dernier Festival d’art lyrique d’Aixen-Provence. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* La metteuse en scène

Tatjana Gürbaca qui fera ses débuts à l’OnR avec Werther au mois de janvier prochain réalisera au préalable un projet tout à fait original au Theater an der Wien à Vienne : Ring-Trilogie. Une traversée originale de l’œuvre de Wagner en trois soirées intitulées, Hagen, Siegfried et Brünnhilde (à partir du 1er decembre). >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Ludovic Lagarde, metteur

en scène des Nozze di Figaro, reprend dans de nombreuses villes sa superbe production de L’Avare de Molière, après une tournée en Chine au mois de juillet. Le comédien Laurent Poitrenaux, artiste associé au TNS, y interprète un formidable Harpagon.

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*!* Avant de mettre en scène le destin bouleversant de Francesca da Rimini au mois de décembre, la

metteuse en scène Nicola Raab s’occupe d’une autre héroïne attachante : la Lakmé de Delibes à l’Opéra de Malmö, à partir de début octobre.

et finale nationales auront lieu en janvier à l’Opéra de Massy et en février à l’Opéra Comique.

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L’Opéra national du Rhin s’associe à nouveau aux Bibliothèques idéales et accueillera du 7 au 10 septembre de grands écrivains et intellectuels sur sa scène strasbourgeoise. Le détail de la programmation est disponible sur www.bibliotheques-ideales. strasbourg.eu

*!* Dans le cadre de la

manifestation ambitieuse « Laboratoire d’Europe, Strasbourg 1880-1930 », des artistes de l’Opéra Studio, sous la direction de Vincent Monteil, rendront hommage à Guy Ropartz qui fut directeur du Conservatoire de Strasbourg et de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg de 1919 à 1929. Des mélodies de Guy Ropartz, Claude Debussy et Maurice Ravel seront interprétées. Le 18 novembre à 18h30 à l’Auditorium du Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg

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Marko Letonja, directeur musical de l'Orchestre philharmonique de Strasbourg, dirige les Symphonies n°2 et n°5 de Beethoven, ainsi que Mandrake in the Corner de Lindberg les 12 & 13 octobre. Premier concert de l'abonnement Lyrique et Symphonique. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> E *!* 4 ÉDITION DU CONCOURS

VOIX NOUVELLES qui a permis de révéler des chanteurs désormais reconnus sur la scène internationale lyrique. Natalie Dessay, ancienne lauréate, est la marraine de cette nouvelle édition. Après de premières auditions à Reims, Strasbourg, Nancy, Charleville-Mézières cet automne, la finale de la région Grand Est aura lieu le 20 décembre sur la scène de l’Opéra national du Rhin à Strasbourg. Demi-finale

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*!* Adrien Boissonnet a été nommé Maître de ballet du Ballet de l’Opéra national du Rhin par son directeur Bruno Bouché. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Thusnelda Mercy,

Clémentine Delouy et Pascal Merighi, anciens danseurs du Tanztheater Wuppertal de Pina Baush, seront présents pour des auditions au sein du Ballet de l’OnR les 25,26 et 27 octobre. Ils animeront également deux ateliers payants le Samedi 28 octobre, jour des conférences publiques de l'Atelier (niveau avancé et préprofessionnel). Premier des stages qui seront proposés au cours de la saison par des artistes invités.

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> er *!* À compter du 1

septembre 2018, le chef d’orchestre québécois Jacques Lacombe succédera à Patrick Davin à la tête de l’Orchestre symphonique de Mulhouse ; un orchestre qu’il connaît bien pour l’avoir dirigé notamment lors des productions du Roi Arthus de Chausson et de La Juive de Halévy.

P. 42 – 43

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calendrier Informations communiquées sous réserve de modifications

STRASBOURG

MULHOUSE

SEPTEMBRE je 07 Bibliothèques idéales Opéra 17 h - 22 h ve 08 Bibliothèques idéales Opéra 17 h - 22 h sa 09 Bibliothèques idéales Opéra 11 h - 21 h di 10 Bibliothèques idéales Opéra 11 h - 21 h je 14 Classe ouverte / Scènes Ouvertes Ccn 10 h je 21 Rencontre autour de Kein Licht / Scènes Ouvertes Club de la presse 18 h je 21 Bienvenue / Prélude Esp. D. Reinhardt 19 h Opéra 20 h ve 22 Kein Licht - PREMIÈRE sa 23 Kein Licht Opéra 20 h 30 di 24 Des voyages dans la saison / Prélude Opéra 11 h di 24 Kein Licht Opéra 15 h lu 25 Kein Licht Opéra 20 h me 27 Soirée d’ouverture / Prélude PMC 20 h je 28 Soirée d’ouverture / Prélude PMC 20 h OCTOBRE me 04 Des voyages dans la saison / Prélude je 05 Université de la danse / Forsythe • Kylián • Scholz / Scènes Ouvertes Ccn 19 h sa 07 Des voyages dans la saison / Prélude Sinne 18 h sa 07 Soirée d’ouverture / Prélude Filature 20 h ma 10 Coulisses studio / Forsythe •  Kylián •  Scholz / Scènes Ouvertes Ccn 18 h je 12 Classe ouverte / Scènes Ouvertes Ccn 12 h lu 16 Répétition publique / Forsythe • Kylián •  Scholz / Scènes Ouvertes Sinne 18 h 30 je 19 Rencontre autour des Nozze di Figaro / Scènes Ouvertes Kléber 18 h Sinne 20 h je 19 Forsythe • Kylián • Scholz - PREMIÈRE Opéra 20 h ve 20 Le Nozze di Figaro - PREMIÈRE ve 20 Forsythe • Kylián • Scholz Sinne 20 h sa 21 Midi lyrique / Figaro ci, Figaro là ! Opéra 11 h sa 21 Récital Marie-Nicole Lemieux Opéra 20 h di 22 Avec mon cous(s)in / Marie-Nicole Lemieux Opéra 11 h di 22 Le Nozze di Figaro Opéra 15 h di 22 Forsythe • Kylián • Scholz Sinne 15 h lu 23 « L’Atelier » : sessions de recherches Ccn ma 24 Le Nozze di Figaro Opéra 20 h ma 24 « L’Atelier » : sessions de recherches Ccn me 25 Mercredi découverte • Le costume Opéra 14 h 30 me 25 « L’Atelier » : sessions de recherches Ccn je 26 Midi lyrique / Figaro ci, Figaro là ! je 26 Le Nozze di Figaro Opéra 20 h je 26 « L’Atelier » : sessions de recherches Ccn ve 27 « L’Atelier » : sessions de recherches Ccn sa 28 Le Nozze di Figaro Opéra 20 h sa 28 « L’Atelier » : Rencontres et débats publics Sinne & autres ma 31 Danse à l’université / Forsythe • Kylián •  Scholz / Scènes Ouvertes US 18 h 30 ma 31 Le Nozze di Figaro Opéra 20 h NOVEMBRE je 02 Classe ouverte / Scènes Ouvertes Ccn 10 h je 02 Mercredi découverte / À la barre vacances... Ccn 13 h sa 04 Forsythe • Kylián • Scholz di 05 Forsythe • Kylián • Scholz ve 10 Le Nozze di Figaro Filature 20 h di 12 Le Nozze di Figaro Filature 15 h lu 13 Rencontre avec Bruno Bouché / Scènes Ouvertes Kléber 18 h ma 14 Répétition publique / Forsythe • Kylián •  Scholz / Scènes Ouvertes Opéra 14 h 30 ma 14 Forsythe • Kylián • Scholz Opéra 20 h me 15 Mercredi découverte / Entrez dans la danse ! Opéra 13 h me 15 Forsythe • Kylián • Scholz Opéra 20 h ve 17 Forsythe • Kylián • Scholz Opéra 20 h sa 18 Midi lyrique / Mystères d’Erik Satie Opéra 11 h sa 18 Forsythe • Kylián • Scholz Opéra 20 h di 19 Forsythe • Kylián • Scholz Opéra 15 h Ccn : Centre chorégraphique national, 38 Passage du Théâtre, Mulhouse Club presse : Club de la presse, 10 place Kléber, Strasbourg Django Reinhardt : Espace Culturel Django Reinhardt, 4 impasse Kiefer, Strasbourg

COLMAR

Théâtre 18 h

Théâtre 12 h 30

Théâtre 20 h Théâtre 15 h

PMC : Palais de la musique et des congrès, place de Bordeaux, Strasbourg Kléber : librairie Kléber, Salle Blanche, 1 rue des Francs-Bourgeois, Strasbourg US : Université de Strasbourg, Le Portique, 14 rue René Descartes, Strasbourg


KAMEL DAOUD INVITÉ EXCEPTIONNEL DES BIBLIOTHÈQUES IDÉALES À L’OPÉRA NATIONAL DU RHIN EN SEPTEMBRE


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