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LE MAG
OPÉRA NATIONAL DU RHIN FÉVRIER 2018 > AVRIL 2018
événement
arsmondo japon Opéra, concerts, rencontres, conférences, colloques, exposition, danse, cinéma, activités pour le jeune public : la première édition du festival pluridisciplinaire de l’Opéra national du Rhin et de ses partenaires débute le 2 mars. Une destination : le Japon ! L’opéra Le Pavillon d’or de Toshiro Mayuzumi est au cœur du festival. opéra
werther Un jeune duo féminin accompagne le héros de l’opéra de Jules Massenet au terme de sa trajectoire tragique : la cheffe d’orchestre Ariane Matiakh et la metteuse en scène Tatjana Gürbaca. Une production créée avec beaucoup de succès à Zurich il y a quelques mois. récital
georg nigl
danse
plus loin l’europe : israël La danse contemporaine israélienne est à l’honneur avec l’entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra national du Rhin de deux œuvres de Ohad Naharin et une création de Gil Carlos Harush.
STRASBOURG • MULHOUSE • COLMAR
Le baryton autrichien interprète le splendide cycle de lieder O Mensch! de Pascal Dusapin sur des textes de Friedrich Nietzsche.
édito
SOMMAIRE
Comme vous le découvrirez au cours de la lecture des pages du nouveau numéro de votre magazine, l’Opéra national du Rhin vous propose, au cours des trois prochains mois, des découvertes inattendues et des escapades hors des sentiers battus, avec pour point culminant, la première édition de notre festival ARSMONDO consacrée au Japon.
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L’une des missions de l’Opéra national du Rhin est de vous faire découvrir de nouveaux horizons. Ce fut le cas en fin d’année dernière et en tout début 2018 avec Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai, une révélation pour beaucoup d’entre vous qui a provoqué l’enthousiasme et l’adhésion pour le plus grand bonheur des artistes que nous avions réunis. Avec Le Pavillon d’or de Toshiro Mayuzumi, une création française plus de quarante ans après sa création mondiale à la Deutsche Oper de Berlin, c’est une fois encore à votre goût pour l’aventure et l’inattendu que nous faisons appel. Nous sommes convaincus que cet opéra est l’une des œuvres des dernières décennies à redécouvrir.
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Bruno Bouché, quant à lui, a souhaité donner place dans sa série, « Plus loin l’Europe », à deux chorégraphes israéliens, le plus important depuis plusieurs décennies, Ohad Naharin, ainsi qu’à Gil Carlos Harush, une des révélations de la jeune danse passionnante de ce pays. Ouverture encore avec les deux projets pour le jeune public, la création des Beaux dormants de la chorégraphe Hélène Blackburn, qui s’est fait un nom dans l’invention d’univers poétiques subtils et profonds à destination des enfants, et Sindbad du compositeur et chef d’orchestre Howard Moody qui permettra à de très nombreux adolescents issus de classes du Haut et du BasRhin de faire leurs premiers pas sur une scène d’opéra dans des conditions exceptionnelles. Le nouveau spectacle avec lequel débute 2018 vous donnera l’occasion de réentendre l’une des plus belles partitions du répertoire français : Werther de Jules Massenet. Nous avons tenu à associer, pour accompagner Werther au terme de sa trajectoire tragique, un jeune duo féminin, la cheffe d’orchestre Ariane Matiakh et la metteuse en scène Tatjana Gürbaca. Cette production, créée avec beaucoup de succès à Zurich il y a quelques mois, vous réjouira sans doute grâce à son approche poétique et intimiste. Beaucoup d’autres rendez-vous vous sont proposés d’ici la fin du mois d’avril comme vous le noterez à la vue de notre calendrier. L’Opéra national du Rhin est un lieu de création et de partage. Nous allons donc nous revoir très vite ! EVA KLEINITZ
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L’opéra des oxymores et de l’impossible Entretien avec Ariane Matiakh
Bien plus qu’un amour malheureux Entretien avec Tatjana Gürbaca et Klaus Grünberg
Georg Nigl Dans la nuit lumineuse
Arsmondo
19 L’intensité d’une découverte 18 Le Pavillon d’or
Entretien avec Paul Daniel
24 Vertiges de la beauté
28 La voix d’un voyage
30 Programmation arsmondo Japon
Entretien avec Amon Miyamoto
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Entretien avec Pumeza Matshikiza
Les Beaux dormants
L’enfance et la danse
Portrait d’Hélène Blackburn
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Plus loin l’Europe : Israël
À couper le souffle
sur Ohad Naharin et Gil Carlos Harush
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Sindbad, a Journey Through Living Flames
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Réinventer une cité de la paix
Vite dit
46 Calendrier Directrice de la publication Eva Kleinitz Rédacteur en chef Christian Longchamp Directrice de la communication Mélanie Aron Conception graphique la fabrique des regards / Muriel Waerenburgh Iconographie la fabrique des regards / Lise Bruyneel Secrétariat de rédaction Julien Roide Impression Ott Imprimeurs Journal imprimé à 15000 exemplaires Licences 2-1055775 et 3-1055776 ISSN : 2556-5397 Photo couverture : France Dubois
© plainpicture/Johner/Ewa Ahlin
LES INVITÉS
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werther
WERTHER / JULES MASSENET Drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux Livret d’Edouard Blau, Paul Millet et Georges Hartmann, d’après J. W. v. Goethe Créé le 16 février 1892 à Vienne (Hofoper)
L’OPÉRA DES OXYMORES ET DE L’IMPOSSIBLE ENTRETIEN ARIANE MATIAKH Propos recueillis par Mathieu Schneider
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ourrie par une brillante carrière internationale, Ariane Matiakh revient à l’Opéra national du Rhin pour diriger l’un des chefsd’œuvre de Massenet : son Werther d’après le roman éponyme de Goethe. Dans ses valises, il n’y a pas que la nouvelle édition de l’opéra parue chez Bärenreiter en 2016. Elle a aussi pris soin d’y ranger ses carnets de notes, dont elle nous livre quelques secrets.
Le drame, parlons-en ! On a souvent reproché à Massenet de prendre trop de liberté par rapport au roman de Goethe. Debussy a même eu des mots très durs en regrettant une « curieuse maîtrise à
satisfaire toutes les niaiseries et le besoin poétique et lyrique des dilettantes à bon marché ». Avez-vous un jugement aussi tranché sur l’opéra et sur le livret ? Non, mais le roman de Goethe n’était pas directement adaptable au théâtre, encore moins à l’opéra. N’oublions pas qu’il s’agit d’un roman épistolaire, parlant donc toujours à la première personne. Il a fallu transformer les monologues en dialogues et faire interagir les personnages. Les librettistes ont dû donner corps au personnage de Charlotte, la confronter elle aussi au monde, raconter son histoire, ses désirs. Bien sûr, tout cela est présent dans le roman de Goethe, mais déformé par le prisme de la subjectivité. Je ne partage donc pas l’avis de Debussy et trouve au contraire que l’adaptation scénique de Werther est très réussie, à condition que l’on accepte qu’un siècle plus tard et dans un autre genre, les librettistes et le compositeur ont porté un autre regard sur ce drame intemporel qu’est celui de Werther. Werther et Charlotte forment un couple un peu atypique à l’opéra : l’un chante ténor, l’autre mezzo. Massenet a fait le choix de s’écarter du schéma classique ténor-soprano. Comment interprétez-vous cela ? Il existe deux versions de l’opéra : l’une dans laquelle Werther est ténor et l’autre dans laquelle il chante baryton. Je suis convaincue que la première, qui était P. 2 – 3
Vous faites partie des étoiles montantes de la direction d’orchestre en France. Quelle place la musique de Massenet a-t-elle tenu dans votre formation et dans votre début de carrière ? J’ai véritablement découvert Massenet lorsque j’ai été chef de chant et chef assistante il y a vingt ans de cela à l’Opéra de Limoges dans une production de Manon, sous la direction de Guy Condette. Cela a été l’occasion d’étudier sa musique et de me confronter à son style. J’avais l’idée qu’il était plutôt classique, dans la droite lignée d’une certaine tradition française qui avait ses racines chez Berlioz. Si Manon n’a pas vraiment démenti cette impression, j’ai pu mesurer, en fréquentant des œuvres plus tardives comme son Don Quichotte, que le style de Massenet a beaucoup évolué dans le temps. Probablement sous l’influence de Wagner dont il a assez vite adopté le leitmotiv, mais aussi par la simple expérience qu’il avait acquise en tant que compositeur de musique lyrique et qui l’a doté d’un sens aigu de l’action et du traitement des personnages, bref : du drame !
OPÉRA WERTHER / ARIANE MATIAKH
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Comme si le bonheur n’était pas de ce monde et si les contraintes que nous impose la société devaient toujours l’emporter sur nos désirs, sur nos envies, sur nos rêves.
celle pensée à l’origine par Massenet, est la bonne. En effet, Werther est un jeune adulte âgé de 23 ans. Il aspire à vivre sa passion, à découvrir la vie. Il lui faut de la brillance, de la légèreté ; il doit pouvoir aller dans l’aigu et croquer la vie à pleines dents. Charlotte, même si elle est de trois ans plus jeune que Werther, est déjà une femme mûre. Le premier acte la montre en train de préparer ses frères et sœurs, orphelins de leur mère comme elle, pour la veillée de Noël. Consciente des responsabilités qui lui incombent et prise dans les contraintes de la société, elle se comporte déjà en mère de famille. Le premier acte la montre en train de préparer ses frères et sœurs pour la veillée de Noël. Elle se comporte déjà comme une mère de famille, consciente des responsabilités qui lui incombent et prise dans les contraintes de la société. Elle sait qu’il lui faut désormais trouver un mari et fonder son propre foyer. Albert, de cinq ans plus âgé, répond parfaitement à ces critères. Il donne des gages de stabilité et Massenet lui a choisi une tessiture plus posée : celle d’un baryton. C’est cette maturité que Charlotte se force à rechercher, car vivre juste un amour passionné pour un jeune homme ne serait qu’inconvenant. Quand elle se rend compte que le choix qu’elle a fait est celui que lui dictent la société et sa morale, il est trop tard : elle a blessé Werther qui n’a plus d’autre choix que de se suicider. Werther n’est-il pas aussi amoureux de Charlotte parce que justement elle se comporte déjà comme une future mère ?
C’est évident. Werther nous est présenté comme un orphelin en quête d’une mère. Or Charlotte représente à la fois la jeune femme fatale dont il rêve de tomber amoureux et la mère qu’il a toujours souhaité avoir, celle qui serait à même de le protéger et de fonder avec lui un foyer. L’opéra se nourrit de la fragilité de Werther qui ne parvient pas à prendre conscience de son vrai désir et qui succombe de cet amour impossible. Vous parlez beaucoup du livret, mais la musique de Massenet nous raconte-t-elle aussi ce drame psychologique ? Oui… et même plus ! La musique de Massenet est formidablement expressive. Les inflexions vocales sont pensées dans les moindres détails, laissant échapper à demi-mots le ressenti réel des personnages. L’orchestre et les voix font un usage efficace de la technique wagnérienne du leitmotiv et disent souvent plus que ce que le texte n’exprime. Il n’y a qu’à prendre le suicide de Werther. Il aurait été inconvenant à l’époque de le montrer sur scène (on se souvient du scandale qu’avait provoqué la mort de Carmen sur scène en 1875). Massenet, qui avait le souci de flatter son public, a pudiquement choisi de l’évoquer dans l’interlude qui ouvre le quatrième acte. Le motif de Werther est entendu, puis s’éteint progressivement, comme si le personnage mourait devant nos oreilles. Pour rendre une musique aussi riche, il faut de très bons interprètes. Avez-vous des modèles ?
OPÉRA WERTHER / ARIANE MATIAKH
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Je suis très admirative des grands chefs comme Riccardo Chailly, Georges Prêtre ou Michel Plasson, qui ont défendu et promu le répertoire français, et Massenet en particulier. Mais je dois dire que les chanteurs m’ont souvent encore plus directement et profondément émue. En haut du classement, je placerais Roberto Alagna, avec qui j’ai eu la chance de travailler. J’admire sa diction parfaite et sa capacité, très rare, à rendre dans le chant tout ce que Massenet a mis dans sa partition.
Si vous aviez à caractériser Werther en quelques mots, quels seraient-ils ? Werther, c’est l’opéra des oxymores et de l’impossible : la liberté jugulée de Charlotte, l’amour contrarié de Werther. Comme si le bonheur n’était pas de ce monde et si les contraintes que nous impose la société devaient toujours l’emporter sur nos désirs, sur nos envies, sur nos rêves. Un opéra sur la vie en somme…
© Marco Borggreve
Est-ce à dire que pour chanter Werther, vous privilégieriez une distribution francophone ? Je ne suis ni chauvine ni protectionniste, mais je dois reconnaître que le français est une langue très difficile à chanter car, à la différence de l’italien ou de l’allemand, il n’a pas d’accent tonique fort. Sa prononciation dépend donc de la qualité des voyelles et de ces inflexions minimes de la voix, qui sont très difficilement imitables. Ce sont là des choses qui ne sont pas impossibles à apprendre pour un étranger, mais qui demandent beaucoup de temps, de pratique et de talent. La production de l’Opéra national du Rhin accorde une place très importante aux artistes francophones pour ce Werther, et je crois que c’est une évidente garantie de succès.
SYNOPSIS Werther est le drame de l’amour impossible qui se termine dans la tragédie. Au début d’un été, un jeune homme solitaire et romantique s’éprend follement d’une jeune femme sans savoir qu’elle est fiancée. Celle-ci, troublée par son charme, réussit néanmoins à lui faire comprendre qu’elle ne peut rompre avec celui qui doit dans quelques semaines devenir son mari. À l’automne, Werther, toujours aussi inconsolable, suit la prescription de Charlotte : il s’éloigne pendant quelques mois pour tenter de soigner cette maladie qui le détruit, cet amour qui le désespère. Albert, le mari désormais de Charlotte, a tout compris. Il sait qu’elle est déchirée par un même sentiment. Lorsque Werther lui demande de lui prêter ses pistolets, Albert accepte sans ignorer l’usage que le jeune homme compte en faire. Le jour de Noël, dans son cabinet de travail, Charlotte découvre Werther qui gît au sol. Il s’est tiré une balle dans le cœur. Charlotte lui avoue pour la première fois sa passion. Dans un dernier effort, Werther demande à Charlotte de venir pleurer sur sa tombe…
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BIEN PLUS QU’UN AMOUR MALHEUREUX ENTRETIEN TATJANA GÜRBACA, METTEUSE EN SCÈNE & KLAUS GRÜNBERG, SCÉNOGRAPHE Entretien conduit par Claus Spahn
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u cours des quinze dernières années, Tatjana Gürbaca a créé, sur de nombreuses scènes européennes, avec finesse, originalité et précision, des spectacles aux images surprenantes pour dépeindre les paysages intérieurs complexes des personnages. La production de Werther qu’elle présente à l’Opéra national du Rhin a reçu un accueil enthousiaste à l’Opéra de Zurich il y a quelques mois. Avec son scénographe et éclairagiste Klaus Grünberg, elle évoque les multiples aspects de l’œuvre de Massenet.
Tatjana et Klaus, vous portez sur la scène un des plus célèbres personnages de l’histoire littéraire. Qui est ce Werther et que représente-t-il ? Tatjana Gürbaca : La critique débat de cette question depuis que Goethe a publié son roman. On peut voir en Werther un grand artiste ou seulement un rêveur narcissique. On peut le juger immoral car il encourage à l’adultère et qu’il se suicide. Mais on peut aussi le vénérer parce qu’il incarne la problématique existentielle des jeunes en rébellion contre leur milieu. Dans l’opéra de Massenet il m’apparaît comme un dieu tombé sur terre. Werther arrive en étranger à Wetzlar et insuffle une irrépressible énergie dans ce monde étroit et clos qu’il observe avec les yeux d’un artiste. Klaus Grünberg : Parce que Werther porte sur le monde un regard différent, il amène aussi les autres à voir le monde sous une autre perspective. Son énergie a le pouvoir de transformer le monde. TG : Lui-même n’est toutefois pas conscient de ce qu’il déclenche.
D’où provient cette énergie ? TG : Sa motivation, c’est l’infortune en amour. Au début du roman de Goethe, il sort à peine d’une histoire d’amour malheureux qu’il se jette aussitôt dans la suivante. Ces amours de tête sont la raison d’être de ses lettres, respectivement de son œuvre au sens large. Il nous présente l’amour comme étant l’âme du monde, le souffle qui nous porte à vivre. Quel rapport Werther a-t-il avec la réalité ? TG : Il porte un regard différent sur les choses. C’est là
son art : sublimer la réalité… KG : …et formuler le monde en images.
Ces décalages de perception de la réalité seront-ils le thème de votre mise en scène ? TG : Bien sûr ! C’est ce que le théâtre lyrique a de formidable : on peut créer des images subjectives et faire passer des choses qui n’existent sans doute que dans la tête des protagonistes.
OPÉRA WERTHER / TATJANA GÜRBACA & KLAUS GRÜNBERG
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KG : On peut recourir à des procédés dans lesquels la
logique vole en éclats. Des lieux concrets et une architecture fonctionnelle deviennent les fonds de toile d’un rêve, d’un désir, d’une utopie. Je trouve passionnant la façon dont Werther entre dans le roman et dans le monde de Charlotte : c’est bien plus que l’ouverture réelle d’une porte. C’est comme si un monde s’enflammait à sa seule apparition et à son regard.
L’œuvre se passe à Wetzlar. Quel genre de lieu est Wetzlar ? TG : Deux textes se présentent immédiatement à mon esprit quand je pense à Wetzlar. L’un est la description que fait Massenet de l’Allemagne dans sa biographie. Venant du Festival de Bayreuth, il se rend à Wetzlar et relate sa visite dans une brasserie typiquement allemande, dont il décrit l’atmosphère provinciale. L’autre texte est un texte de Hölderlin – « Wie ich unter die Deutschen kam » (Comment je suis arrivé parmi les Allemands) – dans lequel l’auteur dépeint la mentalité allemande de l’époque, son étroitesse d’esprit, la société étriquée et la servilité régnante. « Ils vivent dans le monde comme des étrangers chez eux. » KG : Ce Wetzlar fonctionne, semble-t-il, depuis longtemps selon des conventions rigides. Au fil des générations rien n’a changé, ni les structures familiales et sociales ni la manière de vivre.
© Martina Pipprich
On peut recourir à des procédés dans lesquels la logique vole en éclats. Des lieux concrets et une architecture fonctionnelle deviennent les fonds de toile d’un rêve, d’un désir, d’une utopie.
Où, dans son opéra, Massenet nous fait-il ressentir l’étroitesse de l’existence ? KG : Par exemple au passage du premier au deuxième acte. L’espace de temps qui sépare le
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premier et le deuxième acte est extrêmement comprimé. Au premier acte tout est vivant, léger, plein d’espoir et un peu chaotique. Les jeunes gens vont au bal. Au deuxième acte, on entend soudain résonner l’orgue de l’église. On y célèbre des noces d’or. La vie semble déjà toucher à sa fin. Alors qu’on venait tout juste de tomber amoureux, on est à présent marié depuis cinquante ans. Alors que tout récemment encore ce sont les enfants qui donnaient le ton, ces mêmes enfants ont, à présent, les cheveux gris. Cela raconte exactement ce qu’est la vie à Wetzlar. TG : Charlotte était encore la sœur aînée, l’instant d’après elle est une femme mariée. Nous n’avons pas assisté au mariage. D’un instant à l’autre elle appartient au monde des vieux. L’orgue qui retentit est l’instance qui dicte les normes : le dimanche on va à l’église. La vie est vécue selon les rites traditionnels. Le deuxième acte dévoile un étrange vieillissement du monde.
Massenet ne peint-il pas aussi un tableau de genre, par définition d’une grande banalité ? TG : Le Wetzlar que dépeint l’opéra est lugubre. Le monde des hommes et celui des femmes ne se touchent pas. Les femmes accomplissent les besognes ménagères, s’occupent des enfants, soignent les vieillards et veillent au bien-être de leurs maris. Les hommes, tel Albert, se marient comme il sied à leur statut social, mais sont absents la plupart du temps. Ou alors, ils veulent rester célibataires, à l’instar des deux personnages secondaires, Johann et Schmidt, et passent la moitié de leur vie en voyages ou dans les bistrots. Tous semblent vouloir fuir le monde étroit de Wetzlar et Charlotte passe la soirée de Noël seule chez elle. C’est d’une grande tristesse. Quelle sorte d’espace scénique répond à cette analyse ? KG : C’est un espace, comme la société de Wetzlar, très
hermétique et très structuré, conçu selon une perspective en profondeur dont les points de fuite se rejoignent à l’extérieur, très loin, cette perspective en profondeur suggérant tout ce qui peut être possible. Ce qui est réel, c’est la scène sur laquelle se déroule l’action, une scène de seulement deux mètres de profondeur et très étroite. TG : Cet espace bien réel avec ses murs de bois, ses étagères, ses meubles et son plafond à caissons offre toutefois la possibilité de raconter les sentiments intériorisés dans des états d’âme. C’est précisément cela qui m’intéresse : la synchronie du dedans et du dehors, de l’étroitesse spatiale et de l’ampleur des émotions. Goethe écrit son drame sous forme de roman épistolaire. Toutes les scènes et tous les caractères sont décrits du point de vue subjectif du « je ». Le lecteur ne connaît que la perspective de Werther. Qu’en estil chez Massenet ? TG : Le Werther de Massenet est très différent. Pour transformer le roman en forme dramatique, Massenet
a dû abandonner la forme épistolaire et ce changement de perspective est évidemment lourd de conséquences. Chez Goethe, nous ne voyons Charlotte que par les yeux de Werther. Elle est une figure de projection pure. Dans l’opéra de Massenet, elle prend beaucoup plus d’importance. On peut presque dire qu’elle devient le personnage principal. Dans le roman de Goethe elle est objet d’adoration, devient-elle chez Massenet un sujet pensant ? TG : Exactement. L’opéra de Massenet raconte son histoire et son sort. Dans le roman nous n’apprenons jamais si elle aime Werther. Massenet dit clairement les sentiments qu’elle ressent pour lui. Ses tiraillements intérieurs deviennent ainsi un thème central de l’œuvre : elle est déchirée entre le monde bien ordonné et matériellement assuré que lui offre Albert et les mondes parallèles imaginaires qu’elle découvre au contact de Werther. C’est sensible dès le premier acte : ils rentrent du bal, où ils ont passé ensemble une soirée heureuse, quand soudain retentit la voix du Bailli annonçant le retour d’Albert : « Charlotte ! Albert est de retour ! » Il y a une autre différence importante entre le roman de Goethe et l’opéra : chez Massenet Charlotte éprouve un sentiment de culpabilité, sentiment qui n’existe pas chez Goethe. Quelles forces contradictoires agissent en elle ? TG : C’est ce que nous apprenons dans la scène du clair
de lune après le bal, dès son premier tête-à-tête avec Werther : au lieu de lui déclarer le penchant qu’elle ressent pour lui, elle lui explique comment sa mère, sur son lit de mort, lui a fait promettre de reprendre le rôle de la mère au sein de la famille et d’épouser Albert. Ce serment a mis fin à la jeunesse de Charlotte en lui ôtant l’occasion de décider par elle-même ce qu’elle ferait de sa vie. Nous apprenons qu’elle est une femme intelligente, qu’elle lit, qu’elle pense et qu’elle a
Je pense toujours aux tableaux de Caspar David Friedrich dans lesquels les personnages regardent au loin en nous tournant le dos. Ils contemplent l’horizon de la mer ou la beauté de la lune.
OPÉRA WERTHER / TATJANA GÜRBACA & KLAUS GRÜNBERG
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PORTRAIT DE GOETHE EN JEUNE HOMME
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Grâce à Christian Kestner, qui joua un rôle capital dans l’histoire dont s’est inspiré Goethe pour son roman, il est possible de se faire une petite idée de la personnalité du jeune auteur. Kestner le décrivit dans des notes rédigées à l’automne de 1772, à Wetzlar, soit un peu plus d’une année après son départ de Strasbourg : « Goethe possède ce que nous pourrions appeler du génie et une imagination d’une richesse formidable. Il est très émotionnel. Il pense avec une hauteur de vue. C’est un homme de caractère. Il aime les enfants et peut s’attacher profondément à eux. Mais il détonne et beaucoup de ses attitudes, son comportement, le rendent parfois désagréable aux yeux de certains… Néanmoins, il est apprécié par de nombreux enfants, des femmes et d’autres… Il fait ce que bon lui semble sans se soucier de savoir s’il plaira ou non, si ce
qu’il fait est à la mode ou non, s’il déroge ou non aux bonnes manières. Il déteste toutes le contraintes. Il tient en haute estime le sexe féminin. In principiis il ne s’est pas encore vraiment trouvé et il est à la recherche d’un certain système… Il ne cherche pas à imposer ses vues… Il ne va pas à l’église, ne se rend pas à la communion et ne prie que rarement. Car, dit-il, “ je ne suis pas suffisamment menteur pour ça ”… Il a un grand respect pour la religion chrétienne mais d’une manière très différente de nos théologiens… Il recherche la vérité mais plus par le sentiment que par la démonstration… Il a fait de la littérature et des arts ses centres d’intérêt, je dirais même de toutes les branches du savoir à l’exception de celles grâce auxquelles on peut manger son pain… En un mot, c’est une personne très originale. » Christian Kestner est l’homme qui épousa Lotte Buff à la plus grande déception de Goethe. L’été 1772 qu’ils passèrent tous les trois à Wetzlar dut associer amitié, désir et jalousie. Goethe comprit qu’il n’arriverait pas à ses fins et regagna Francfort. Mais une longue correspondance s’ensuivit entre lui et ces deux amis dans laquelle Goethe appréciait, avec un certain masochisme, de revenir sur la blessure de cet amour contrarié. Il proposa même d’offrir les alliances de mariage au jeune couple avant d’affirmer, lorsque Lotte tomba enceinte, qu’il allait désormais donner à ses enfants l’amour qu’il ressentait encore pour elle. Lors de ce séjour à Wetzlar, Goethe fit la connaissance d’un autre homme dont la fin tragique allait être le motif central des Souffrances du jeune Werther : Wilhelm Jerusalem. Homme mélancolique, il était tombé viscéralement amoureux d’une femme mariée. Après que celle-ci lui interdit de l’approcher, Wilhelm Jérusalem emprunta des pistolets à Kestner et mit fin à ses jours. La nouvelle foudroya Goethe que l’idée du suicide fascinait alors. Il demanda à Kestner un compte-rendu le plus précis possible des événements et de l’enterrement. Éléments que Goethe reprit en abondance dans son roman. Ce fut l’événement déclencheur qui, dans l’urgence, le plongea dans l’écriture. Goethe avait vécu d’autres amours impossibles ou histoires sentimentales prématurément achevées, celles avec Frederike Brion pendant son séjour en Alsace ou avec Maximiliane von La Roche à Francfort. Mais ce furent très certainement le trio amoureux qu’il constitua avec Christian et Lotte, le suicide de Wihelm, d’autres événements vécus à Wetzlar qui agitèrent l’esprit du jeune écrivain au cours des quatre semaines qui lui furent nécessaires à la rédaction de son formidable coup d’éclat littéraire. – Alina Kaufmann P. 8 – 9
© Colchester and Ipswich Museums
En février 1774, sans avoir préalablement établi de plan, Goethe se lança dans la rédaction d’un roman épistolaire qui devait lui valoir une gloire immédiate, sans précédent, un roman qui allait changer le cours de la littérature allemande. À vingt-quatre ans, il n’aspirait qu’à la reconnaissance par l’écriture qui lui permettrait de rompre définitivement J.W. von Goethe par Carl Jager (1833–1887) avec ce métier d’avocat qui l’ennuyait dans une ville de Francfort-sur-le-Main où la personnalité de son père l’oppressait. Une pièce de théâtre avait déjà fait parler de lui. Götz von Berlichingen, par l’originalité d’une forme imprégnée de ses lectures de Shakespeare que les Allemands ne découvraient réellement que dans ces années, par la fougue qu’il attribua à ces personnages, à son héros en particulier, inspiré librement des mémoires d’un chevalier allemand du début du XVIe siècle, le jeune Goethe avait enthousiasmé certains, choqué d’autres. Avec Götz, une figure emblématique de l’esprit Sturm und Drang avait vu le jour, un esprit qui devait gagner une grande part de la littérature germanophone de la fin du siècle. Mais Goethe avait le sentiment que seule une œuvre plus personnelle lui permettrait de toucher un large public. Même dans ses folles espérances, il n’imaginait sans doute pas le retentissement qu’allait avoir ce livre, ces Souffrances du jeune Werther dans l’écriture duquel il se lançait.
OPÉRA WERTHER / TATJANA GÜRBACA & KLAUS GRÜNBERG
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Caspar David Friedrich, Homme et femme contemplant la Lune, 1824 Huile sur toile, 34 x 44 cm, Neue Nationalgalerie à Berlin
donc tout le potentiel qui convient pour faire quelque chose de sa vie. Au lieu de cela, elle épouse Albert. TG : Ce n’est cependant pas un mauvais mariage. Albert est un être intelligent, sensible et compréhensif. Mais il a, lui aussi, besoin de sortir du monde étriqué de Wetzlar. Il n’assiste pas au bal et laisse son épouse seule à la maison le soir de Noël. TG : Oui, il y a chez Charlotte beaucoup d’aspirations et de désirs non exprimés. Et on devine que sa jeune sœur, Sophie, sera la prochaine à marcher dans ses traces et à assumer les charges domestiques. Sur ce point, les destinées des femmes sont un thème important de l’opéra. Sophie est un personnage que j’aime énormément. Elle est souvent interprétée comme la jeune fille naïve. Ce qu’elle n’est pas. Je crois qu’elle voit exactement ce qui se passe et qu’elle a développé des stratégies pour ne pas couler. J’espère qu’à la fin de l’opéra elle deviendra quelque chose. Chez Goethe seul Werther se rebelle contre l’autorité, chez Massenet les femmes aussi. TG : Le désir de dépassement est un trait de caractère humain. Quelle signification revêt Werther pour Charlotte ? TG : Il lui fait entrevoir d’autres mondes. Ce n’est pas
par hasard que tous deux se rencontrent au clair de
lune. Je pense toujours aux tableaux de Caspar David Friedrich dans lesquels les personnages regardent au loin en nous tournant le dos. Ils contemplent l’horizon de la mer ou la beauté de la lune. Le clair de lune comme monde parallèle pour les amants est un topique du XIXe siècle. Dans l’art romantique, les amants ne sont unis que dans la nuit ou dans la mort, comme Tristan et Isolde, réunis seulement après avoir franchi le seuil de la mort. L’opéra présente le suicide de Werther sous une autre perspective que le roman. Goethe introduit une distance par un changement de perspective narrative : le récit du suicide est confié à un éditeur fictif. Cette distance n’existe pas chez Massenet. Le final de l’opéra est un final mélodramatique. TG : Dans le roman, à la différence de l’opéra, Charlotte est absente de la scène finale. Elle s’est évanouie à la nouvelle du suicide de Werther. Goethe met en scène le suicide de manière brutale, sanglante, négative. Et Massenet ? KG : Chez Massenet il se passe quelque chose de neuf, de grand. On a le sentiment que Werther crée ici sa plus grande œuvre. TG : Werther chante que, pour lui, la mort n’est pas la fin mais le commencement d’une vie nouvelle.
OPÉRA WERTHER / TATJANA GÜRBACA & KLAUS GRÜNBERG
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Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps ? Demain dans le vallon viendra le voyageur Se souvenant de ma gloire première... Et ses yeux vainement chercheront ma splendeur, Ils ne trouveront plus que deuil et que misère ! Werther, Werther, Acte III
Derrière le suicide Goethe développe le motif du dégoût existentiel. Werther est un marginal, quelqu’un qui n’a pas réussi à trouver sa place au sein d’une société fossilisée et qui, pour cela, se donne la mort. Chez Massenet la mort est causée par une déception amoureuse. N’y-a-t-il pas là réduction du drame ? KG : Absolument pas. On peut même dire que Massenet va encore plus loin. Son final est plus grandiose et ouvre sur un autre monde, sur l’utopie. TG : D’autres thèmes sont abordés ici. Il n’est pas seulement question de l’amour. Au-delà de l’amour se trouve le désir, désir de se dissoudre dans le grand tout, désir de transcendance du monde. Charlotte, tout comme Werther, dans les airs où ils chantent leur désespoir amoureux, s’adressent à Dieu. Que faut-il en penser ? TG : Le dieu de Werther n’est plus un dieu chrétien. C’est la foi en un Dieu-Nature, une foi panthéiste et non chrétienne. Il se compare à l’enfant qui veut retourner chez le Père protecteur. Pour l’église son attitude est blasphématoire. KG : Chez Charlotte, j’entends la prière plutôt comme l’expression de sa solitude. Elle n’a personne à qui parler. TG : Pour elle se pose la question lancinante de savoir si finalement la souffrance d’amour a un sens. Quel est le sens de l’existence ? Pourquoi sommes-nous là ? Ce sont les ultimes questions que se posent les protagonistes de cet opéra. Et la réponse est : l’amour est plus grand que la vie ? TG : Existe-t-il une réponse à toutes nos questions existentielles ? En tout
cas, l’amour contient la possibilité d’un au-delà, d’un dépassement. KG : La mort est ce grand pas. Elle prend dans cet opéra la dimension d’une ouverture. – Traduit de l’allemand par Catherine Debacq-Groß Source : programme de Werther de l’Opéra de Zurich – avril 2017
WERTHER JULES MASSENET [ NOUVELLE PRODUCTION À L’ONR ] Production de l’Opernhaus Zürich
Direction musicale Ariane Matiakh Mise en scène Tatjana Gürbaca Décors et lumières Klaus Grünberg Collaboration aux décors Anne Kuhn Costumes Silke Willrett Werther Massimo Giordano Charlotte Anaïk Morel Albert Régis Mengus Le Bailli Kristian Paul Sophie Jennifer Courcier Schmidt Loïc Félix Johann Jean-Gabriel Saint-Martin Käthchen Marta Bauzà Brühlman Stefan Sbonnik Chœurs de l’Opéra national du Rhin Petits chanteurs de Strasbourg – Maîtrise de l’Opéra national du Rhin Orchestre symphonique de Mulhouse En langue française, surtitrages en français et en allemand
STRASBOURG Opéra ve 9 février 20 h di 11 février 15 h ma 13 février 20 h je 15 février 20 h sa 17 février 20 h MULHOUSE La Filature ve 2 mars 20 h di 4 mars 15 h PRIX : de 6 à 90 €
SCÈNES ES OUVERT
« Prologue » introduction de 30 min., 1 h avant chaque représentation « Bonsoir Maestro ! » avec Ariane Matiakh sa 3 février 18 h
Opéra, Salle Bastide Rencontre à la Librairie Kléber avec Ariane Matiakh et Jean-François Kessler je 8 février 18 h P. 10 – 11
Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps, pourquoi me réveiller ? Sur mon front je sens tes caresses, Et pourtant bien proche est le temps Des orages et des tristesses !
LES INVITÉS
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© Anita Schmid
georg nigl
DANS LA NUIT LUMINEUSE GEORG NIGL, BARYTON Par Ingmar Seghers
A
lors que nombre de ses collègues passent d’un spectacle à un autre sans trop se soucier de savoir s’il s’agit d’une nouvelle production ou d’une reprise, le baryton autrichien n’est à la recherche que d’une chose : l’aventure artistique dans ce qu’elle a de plus profond et intense. Autrement dit : la création. Il n’accepte un rôle qu’à la condition de pouvoir travailler en profondeur son personnage avec le metteur en scène et ne rêve que de se projeter dans des territoires inconnus avec un compositeur contemporain pour guide. Pascal Dusapin a écrit pour lui les vingt-sept lieder qui composent le magnifique cycle O Mensch!. La voix et la présence de Georg Nigl ne vous quitteront pas. Son magnétisme vous accompagnera bien après la fin de ce récital.
S’il a chanté, enfant, parmi les fameux Wiener Sängerknaben où il a découvert le grand répertoire, Mozart, Schubert et Haydn en particulier, s’il a chanté alors dans des concerts avec les Wiener Philharmoniker ou joué sur la scène du Wiener Staatsoper, son intérêt pour la création contemporaine, me confie-t-il, prend racine dans un autre haut lieu de la culture autri-
chienne, le Burgtheater, dirigé dans les années 1980, par le metteur en scène Claude Peymann. La voix de Georg Nigl a mué relativement tard, à l’âge de dix-sept ans. Une chance en ce sens qu’elle lui a permis de participer, comme jeune chanteur soprano, à un spectacle de théâtre, en 1987, An der Donau de Herbert Achternbusch, dans une mise en scène d’Alfred Kirchner où le compositeur Heiner Goebbels proposait une forme de collage musical. Première d’une série d’apparitions dans de petits rôles au cœur de la création théâtrale et de la contestation politique (il joua notamment par la suite dans Sonnenuntergang de Isaac Babel, Besuch der alten Damen de Friedrich Dürrenmatt, Penthesilea de Kleist dans une mise en scène de Ruth Berghaus, Tod und Teufel de Peter Turrini ou Die Stunde da wir nichts voneinander wussten de Peter Handke). Des spectacles qui ont divisé. Une fascination pour le théâtre et pour la création en a découlé. L’Autriche était traversée par des débats politiques virulents, cinquante ans après l’Anschluss. L’opposition était radicale entre ceux qui exigeaient une introspection et une autocritique de l’État autrichien par rapport à son attitude à l’égard d’Hitler et à l’idéologie nazie à d’autres qui refusaient l’idée même d’une compromission historique de l’Autriche avec ce qu’ils considéraient être l’envahisseur allemand. Le Burgtheater était l’un P. 12 – 13
Surgissant dans cette fin d’après-midi bruxelloise déjà plongée dans la nuit, Georg Nigl est impatient de se mettre au chaud. Il vient de quitter le Théâtre de la Monnaie où il doit retourner en début de soirée pour l’italienne du nouveau spectacle mis en scène par Andrea Breth, un spectacle composé de deux parties, avec Il Prigionero de Luigi Dallapiccola tout d’abord, suivi de Das Gehege de Wolfgang Rihm. Georg Nigl est à nouveau saisissant sur scène. Il est bouleversant dans le rôle du prisonnier politique enfermé dans les geôles espagnoles de Philippe II. Et sa voix de baryton se joue de toutes les difficultés de la partition du compositeur italien. Il apparaît également dans la seconde partie, figurant de luxe, où sa présence une fois encore est puissante et poétique. Une petite heure de pause passée dans la mythique Taverne du Passage à avaler un steak, à boire une boisson américaine à bulles et à parler de théâtre, de musique, de musique contemporaine avant tout.
RÉCITAL GEORG NIGL
Dans la même période, Claudio Abbado dirigea une nouvelle production de Wozzeck au Wiener Staatsoper dans une mise en scène de Adolf Dresen. Si elle le marqua également, et le rôle de Wozzeck allait devenir plus tard l’un de ses rôles fétiches, il me confie qu’il était frappé alors par le fait que le chef-d’œuvre de Berg, créé en 1925, était l’opéra le plus moderne que proposaient les scènes lyriques viennoises. La vie musicale vivait de Haydn, Mozart, Beethoven et Schubert. Des compositeurs pour lesquels Georg Nigl a une passion, qu’il a notamment étudiés par la suite auprès de Niklaus Harnoncourt. Mais à l’exception notable du festival Wien Modern que créa et dirigea jusqu’en 1995 Claudio Abbado, peu, très peu d’œuvres contemporaines étaient données en comparaison avec les programmations des théâtres. Grâce à l’initiative de celui qui était alors le directeur musical du Wiener Staatsoper beaucoup de choses ont changé depuis. Une chose est certaine à l’entendre, la vie artistique de la fin des années 1980 et du début des années 1990, par les enthousiasmes et les frustrations qu’elle provoqua, a été capitale pour Georg Nigl. À chaque fois que je me retrouve face à lui, je suis étonné par ce mélange détonnant de sérieux, de douceur et ces explosions de rire qui virent dans les aigus et qui sont comme des éclats d’enfance qui surgissent à l’improviste. Georg Nigl est devenu l’un des chanteursacteurs les plus demandés par beaucoup des meilleurs
© Bernd Uhlig
Lenz, Wolfgang Rihm, Oper Stuttgart, 2014, mise en scène : Andrea Breth
Passion, Pascal Dusapin, Théâtre des Champs-Élysées, 2010, mise en scène : Sasha Waltz
© Judith Schlosser
des lieux principaux de l’opposition à la morale du silence. C’est notamment sur la scène de ce théâtre prestigieux qu’eut lieu, dans un climat délétère et explosif, la création de Heldenplatz de Thomas Bernhard, violente diatribe contre la peste antisémite et nationaliste. Les premières des œuvres tout aussi incisives d’Elfriede Jelinek et Peter Turrini concentraient tous les regards du monde théâtral germanophone vers le Burgtheater. À cette même époque, Georg Nigl se souvient du choc que ce fut, il avait seize ans, d’entendre le chancelier déclarer pour la première fois publiquement que les Autrichiens n’étaient pas que des victimes mais, pour un grand nombre d’entre eux, des coupables des atrocités commises dans le pays. Ces années furent donc essentielles pour lui à différents titres. De voir et de participer à des œuvres théâtrales contemporaines qui prenaient à bras le corps des questions aussi importantes, qui touchaient les cordes sensibles d’une société au point de provoquer des explosions de haine, de découvrir ce pouvoir de la création contemporaine, toute cette atmosphère l’a marqué profondément.
© Bernd Uhlig
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Passion © Bernd Uhlig Orest, Manfred Trojahn, Opernhaus Zürich, 2016, mise en scène : Hans Neuenfels
metteurs en scène des vingt dernières années. Andrea Breth, Robert Wislon, Frank Castorf, Peter Musbach, Dmitri Tcherniakov, Sasha Waltz, Hans Neuenfels (un appel téléphonique de ce vieux maître de la scène germanique, toujours aussi peu consensuel, provoque alors chez lui tendresse et fierté) se sont appuyés sur ses talents pour plusieurs de leurs créations marquantes. Sa saisissante interprétation de Lenz de Wolfgang Rihm dans la mise en scène d’Andrea Breth, sans doute l’artiste de la scène dont il se sent le plus proche
RÉCITAL GEORG NIGL
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aujourd’hui, à Stuttgart et à Bruxelles, lui a valu d’être consacré « meilleur chanteur » de l’année 2015 par le mensuel Opernwelt. Indiscutable récompense. Aucun autre interprète ne dégage sa douceur, sa puissance, sa folie. Une forme de mystère. Qualités idéales pour les personnages souvent « borderline » qui lui sont confiés. Avec Pascal Dusapin et Wolfgang Rihm, deux des compositeurs contemporains majeurs de notre époque qui, tout en étant résolument actuels n’ont pas tourné le dos à la tradition musicale, Georg Nigl a développé une profonde amitié, née, nourrie dans le travail, à la faveur de créations ou de spectacles qui ont fait date. C’est auprès d’eux avant tout – mais il faut aussi citer Wolfgang Mitterer et son opéra Marta récemment créé à l’Opéra de Lille et ses lieder qu’il enregistra en 2007 – qu’il peut se donner à sa passion pour la musique la plus récente. Le long compagnonnage avec Pascal Dusapin est né lors de la création de l’opéra Dr Faustus the Last Night à la Staatsoper de Berlin, en janvier 2006 où il sut avec éclat et aisance – le public et la presse furent médusés – dominer les exigences vocales de Faustus. Le compositeur français, fasciné par les potentiels de sa voix et sa personnalité, lui confiera par suite les rôles masculins principaux de Passion et de Penthesilea (coproduit par l’Opéra national du Rhin et présenté en 2015).
Aucun autre interprète ne dégage sa douceur, sa puissance, sa folie. Une forme de mystère. Qualités idéales pour les personnages souvent « borderline » qui lui sont confiés.
© Anita Schmidt
Une relation artistique d’une profonde intensité est donc à la genèse de O Mensch !, créé au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris, en 2011. Si Pascal Dusapin avait imaginé dans un premier temps mettre en musique, à la demande du chanteur, quelques poèmes de Friedrich Nietzsche, enthousiasmé par ce qui était en train de naître, il se décida à composer un grand cycle de lieder, où, fort de toute l’expérience acquise à l’opéra, il pouvait exposer et valoriser, dans la nudité du récital, la voix magnétique de Georg Nigl. Ce magnifique voyage musical dans l’œuvre poétique de Nietzsche ne pouvait que séduire le baryton autrichien (l’autre compositeur dont il est si proche, Wolfgang Rihm, créa Dionysos GEORG NIGL BARYTON en 2010, un opéra consacré au philosophe et écrivain allemand, que & Georg Nigl interpréta à Amsterdam et à Berlin). Lecteur vorace, fou de SEBASTIEN VICHARD littérature, cette entreprise exigeante – il me confie que l’apprentissage PIANO a été long, difficile – l’a enthousiasmé. Et O Mensch!, monodrame de vingt-sept lieder, a été salué comme l’une des grandes créations musiPascal Dusapin cales de ce début de XXe siècle. O Mensch! STRASBOURG Opéra mercredi 14 février 20 h
PRIX : de 6 à 48 €
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Dans les Galeries de la Reine qui le ramènent à la Monnaie pour sa répétition musicale, je quitte un chanteur déjà concentré sur les heures de travail à venir. Je me souviens de Pascal Dusapin affirmant que O Mensch! est né de la nuit. Dans cette nuit bruxelloise, Georg Nigl s’en va rejoindre le lieu magique de la scène où la lumière de sa voix va captiver celui qui la recevra.
DU
2 MARS AU
15 AVRIL 2018 OPÉRA RÉCITAL CONCERT DANSE LITTÉRATURE EXPOSITION CINÉMA MANGA COSPLAY ATELIERS JEUNE PUBLIC
ARSMONDO le festival pluridisciplinaire de l'Opéra national du Rhin
fidelio association pour le développement de l'Opéra national du Rhin
TNS Théâtre National de Strasbourg
Sous le Haut Patronage du Consulat Général du Japon à Strasbourg
P. 18 – 17
© Takeshi Kuboki
LE PAVILLON D’OR
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LE PAVILLON D’OR / TOSHIRO MAYUZUMI
L’INTENSITÉ D’UNE DÉCOUVERTE
© FDesmesure
Opéra en trois actes Livret du compositeur et de Claus H. Henneberg d’après le roman de Yukio Mishima Créé le 23 juin 1976 à la Deutsche Oper Berlin
ENTRETIEN PAUL DANIEL, CHEF D’ORCHESTRE Propos recueillis par Andreï Bresson
C’
est un chef d’orchestre enthousiasmé par la découverte de la richesse de la partition de Toshiro Mayuzumi qui s’apprête à diriger l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Au cœur du festival ARSMONDO JAPON, cette nouvelle production du Pavillon d’or est un événement. En effet, cet opéra créé à la Deutsche Oper de Berlin en 1976 n’a jamais été donné en France. Une occasion unique de plonger dans l’intensité musicale aux couleurs orchestrales captivantes d’une œuvre où se rencontrent traditions et modernités musicales, à la fois orientales et occidentales. Vous souvenez-vous quand vous vous êtes dit pour la première fois « je veux être chef d’orchestre » ? Je crois que j’avais neuf ans. J’ai eu l’énorme chance d’avoir une prof de musique passionnée durant mes premières années d’école. Chaque matin, avant la classe, elle nous apprenait à jouer de la flûte à bec. Son enseignement était à un tel niveau que, à l’âge de six ans, je jouais des concertos baroques assez bien (!). Puis j’eus la magnifique occasion, ayant été choisi pour entrer dans le chœur de la Cathédrale de Coventry, de travailler avec un chef qui faisait une heure de répétition chaque matin avant les cours, qui exigeait que nous apprenions à jouer de deux instruments, nous apprit à maîtriser la lecture à vue, programmait une première de musique contemporaine presque chaque semaine et nous envoyait écouter des concerts symphoniques. J’ai découvert cet admirable instrument qui s’appelle un orchestre symphonique, dont j’ai adoré la richesse de couleurs du son. Je voulais jouer de ce méga-instrument !
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J’aimerais commencer par quelques questions générales vous concernant et concernant votre carrière. Quand et comment tout cela a-t-il commencé ? J’étais pianiste bien avant de commencer la direction d’orchestre. Le piano fut pendant des années mon point d’ancrage musical : à quatorze ans j’étais obsédé par les dernières sonates de Beethoven. Je jouais le mouvement lent de la Hammerklavier en état de transe juvénile : aussi lentement et implacablement que possible – je crois que ma meilleure performance a duré (en répétition) trois heures… ! Je jouais aussi beaucoup de musique de chambre et, au collège, des concertos, en un mot tout ce que je pouvais. Puis, j’ai voulu diriger et cela a commencé avec les concertos de Mozart que je dirigeais assis au piano tout d’abord, ensuite au clavecin, enfin, occasionnellement, des opéras de chambre contemporains comme, par exemple, ceux de Birtwistle. Vint ensuite mon premier « grand » soir à l’English National Opera. Je disposais de sept heures de temps pour diriger Fidelio. J’avais 24 ans. Je fus pris après cela en résidence : j’avais probablement fait un bon début.
OPÉRA LE PAVILLON D’OR / PAUL DANIEL
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Quel enseignement avez-vous reçu pour atteindre ce but ? Après ces premiers enseignements, j’ai eu la chance d’entrer comme « music scholar » au King’s College de Cambridge. Je préférais être là plutôt que dans un conservatoire. Le conservatoire ne vint que plus tard, pour une brève période – un cours de direction d’orchestre à la Guildhall School de Londres – j’en suis très vite reparti ! La formation de chef d’orchestre ne peut se faire que face à des musiciens (contraints de subir vos premiers essais !). Mais aussi l’apprentissage de la vie que je fis à Cambridge, au contact d’amis et de collègues qui étaient philosophes, scientifiques, mathématiciens, linguistes, a été tout aussi important pour ma formation de musicien. Quel fut votre premier orchestre ? Tous ces pauvres étudiants qui, dans l’orchestre, ont subi mes erreurs ! Mais très vite j’ai dirigé à Londres mes premiers opéras avec le merveilleux Endymion Ensemble et l’Orchestre de l’English National Opera (ENO). J’ai quitté ce poste quatre ans plus tard pour partir « sur la route » comme chef d’orchestre symphonique. Je fis une foule d’expériences – le Philharmonique de Munich une semaine, la Philharmonie tchèque la suivante, ensuite l’Orchestre symphonique de la radio de Vienne… entre tout cela les points d’ancrage de mon travail étaient le London Sinfonietta, le Royal Philharmonic de Londres, l’Orchestre philharmonique de Rotterdam. Des amis qui furent des supports pour un jeune chef d’orchestre de moins de trente ans !
encore découvert comment le faire. Offenbach n’est pas pour moi, mais Chabrier, oui ! Je me souviens avoir dû faire face à une rébellion de l’Orchestre philharmonique de Munich assis devant une énorme partition de Birtwistle. Ils ne pouvaient pas croire que cette partition monstrueuse puisse être de la musique ! Je leur ai dit, avec cette assurance insensée de la jeunesse, que nous, les musiciens, étions là pour jouer chaque musique comme si elle était la meilleure du monde, que Beethoven avait connu le même problème de réception, que nous étions les experts qui devaient laisser à l’audience le soin de juger. Cet orchestre a donné une interprétation de l’œuvre de Birtwistle dont on ne peut que rêver ! À Bordeaux j’ai une devise très simple concernant ma programmation : toujours du nouveau. Cela signifie des premières mondiales d’œuvres de Guillaume Connesson, François Meïmoun ou Brice Pauset ou de compositeurs encore inconnus de l’orchestre comme William Walton. Car, la musique d’un Beethoven, d’un Ravel ou d’un Brahms programmée dans ce même concert apparaît tout aussi jeune et nouvelle... L’opéra que j’aime le plus diriger ? Impossible de répondre, mais Verdi et Mozart pourraient être en tête de liste, avec aussi Monteverdi et Janáček. Et abordant aujourd’hui Toshiro Mayuzumi, j’ai découvert le tout dernier maître que j’aime.
Et abordant aujourd’hui Toshiro Mayuzumi, j’ai découvert le tout dernier maître que j’aime.
Vous êtes depuis 2013 à la tête de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine avec lequel vous avez dirigé surtout des œuvres du répertoire. Mais vous êtes aussi un chef d’orchestre très recherché pour les œuvres modernes. Avez-vous une préférence pour un certain type d’œuvres ? Et d’ailleurs, quels sont vos opéras préférés ? Mon répertoire favori est l’œuvre que je dirige cette semaine ! Il est très important de répéter et de diriger chaque compositeur comme si c’était votre seule raison de vivre du moment. Je sais seulement que je m’interdis de diriger certains compositeurs, car je n’ai pas
Vous avez déjà dirigé par le passé certaines œuvres très belles mais peu connues, comme Der ferne Klang (Le Son lointain) de Franz Schrecker ou Violanta de Korngold. Ces œuvres vous attirent-elles parce qu’elles constituent pour vous un pari ? Les partitions peu communes rendent la vie intéressante ! Je crois réellement que beaucoup d’œuvres disparaissent du répertoire pour de mauvaises raisons. L’opéra de Dukas Ariane et Barbe-Bleue est une de celles-là (nous avons donné la première britannique de cet opéra, comme nous l’avons aussi fait avec le Jerusalem de Verdi). Ces partitions demandent souvent une plus grande préparation parce que des matériaux ont été perdus ou à cause des maillons manquants. Mais cela rend l’œuvre encore plus intéressante.
OPÉRA LE PAVILLON D’OR / PAUL DANIEL
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TOSHIRO MAYUZUMI EN QUELQUES MOTS
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Symphonie, en 1958, fut son premier grand succès, ce sont ses compositions pour de très nombreux films, plus d’une centaine – dont certains de Akira Kurosawa, Shohei Imamura et Yasujiro Ozu, mais également de John Huston – qui lui permirent d’obtenir une reconnaissance large tant au Japon qu’aux États-Unis et en Europe.
Les œuvres de Toshiro Mayuzumi sont à redécouvrir. Peu programmées au cours des dernières années, elles ont cependant une place essentielle dans l’histoire de la musique au Japon des années 1950-1970. Né à Yokohama en 1929, Toshiro Mayuzumi a étudié à l’Université des Beaux-Arts et de Musique de Tokyo de 1945 à 1951, où il fut l’élève de ce visionnaire de la musique moderne au Japon que fut Fumio Hayasaka, lequel lui ouvrira les portes du monde du cinéma japonais. Il passa ensuite près de deux ans à Paris pour y suivre le cours de composition de Tony Aubin au Conservatoire. Il découvrit les œuvres d’Olivier Messiaen, de Pierre Boulez et d’Edgar Varèse. Enthousiasmé par les expérimentations les plus audacieuses de l’époque – musique sérielle, musique concrète, créations de John Cage – mais également par les œuvres de Stravinsky, il est très vite considéré au Japon comme un compositeur d’avant-garde parmi les plus originaux. Si sa Nirvana
Après avoir créé de nombreuses œuvres résolument en phase avec les développements de la musique contemporaine européenne, il ressentit le besoin de s’en éloigner pour mieux se plonger dans les spécificités de la musique traditionnelle japonaise, avec un intérêt marqué pour le Gagaku ou le répertoire des musiques traditionnelles de cour, ainsi que pour les différentes facettes de la musique bouddhique, déjà perceptibles dans sa Nirvana Symphonie. Il reçut en 1960 une commande du New York City Ballet pour la création du ballet Bugaku qui connut un grand succès. Son intérêt pour les philosophies orientales, le bouddhisme et le shintoïsme en particulier, approfondit plus une forme de conservatisme en politique qui lui sera reproché. Très proche de Mishima à cet égard, il s’engagea publiquement en faveur des valeurs traditionnelles du Japon par opposition à une modernisation à l’américaine de son pays. Toshiro Mayuzumi, à l’instar de Leonard Bernstein dans les mêmes années, fut une figure du monde de la musique moderne connue du grand public au Japon grâce à des émissions de télévision d’initiation ou de promotion de la musique. En 1976, six ans après la mort violente et spectaculaire de Mishima, le premier opéra de Mayuzumi, Kinkakuji ou Le Pavillon d’or, adaptation du roman éponyme de l’auteur japonais sous la forme d’un livret par Claus H. Henneberg, fut créé à la Deustche Oper de Berlin. – A. B.
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© DR
Ce fut certainement son travail sur la composition musicale pour l’adaptation au cinéma du Tumulte des flots de Yukio Mishima qui lui permit d’entrer en contact avec l’écrivain, légèrement plus âgé que lui, qui allait jouer un rôle important dans sa vie personnelle, artistique et politique.
OPÉRA LE PAVILLON D’OR / PAUL DANIEL
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Quelle fut votre première réaction à la lecture de la partition du Pavillon d’or ? J’ai été estomaqué ! Ébloui par la puissance et l’intensité de la partition ! Je ne savais absolument rien de ce compositeur. Nous connaissons et admirons la merveilleuse musique de son ami Takemitsu, mais cette « montagne russe » de Mayuzumi ? J’ai été frappé par le style « vérité » musclé d’une musique portée par de puissants gestes orchestraux – rien à voir avec Takemitsu. Puis j’ai découvert l’immense influence qu’exerce Mayuzumi dans les sphères musicales japonaises et occidentales. C’est un monde fascinant à découvrir ! Pouvez-vous décrire les caractéristiques de cet opéra relativement peu connu ? Quels en sont les traits caractéristiques ? Trois ou quatre caractéristiques fortes qui donnent les points de repère de la partition : en premier, l’intensité rythmique, enrichie par des rythmes de tambours japonais et le son des gongs du temple et rendue par un kaléidoscope de combinaisons des instruments à percussion ; en deuxième, le pouvoir hypnotisant du chœur quand il récite des textes, entonne des cantiques ou évoque les horreurs de la guerre ; troisièmement, les contrastes inattendus de l’écriture orchestrale qui, jouant avec les extrêmes de la palette orchestrale, fait ressortir la beauté et les couleurs des instruments de basse de l’orchestre autant que celles des registres élevés ; et quatrièmement, la force de l’écriture dramaturgique, avec ses vastes structures et ses mouvements symphoniques dans chaque scène, quand dans le même temps la musique dessine les méandres des dialogues et les évolutions des personnages dans l’immédiateté d’une musique de film. Plus difficile à décrire est la création des paragraphes émotionnels par le recours aux ressources des échelles et des modes. Quoi qu’il en soit, il est fascinant de voir comment Mayuzumi parvient à recréer un monde musical proto-japonais avec un
orchestre occidental. Pour moi, c’est l’un des aspects essentiels de cette partition : la façon dont Mayuzumi adapte son langage musical au son d’un orchestre symphonique occidental et, parallèlement, achemine l’orchestre occidental vers son propre monde musical. Il y a le chœur qui fait pression sur Mizoguchi, le personnage principal du Pavillon d’or. Quelle est l’importance de son rôle ? Le chœur est un personnage fort, essentiel dans cet opéra et l’écriture chorale provient à la fois de l’ancien théâtre chanté du Japon et de sa culture religieuse. J’écoute en ce moment des enregistrements d’œuvres chorales du théâtre traditionnel japonais, le théâtre nô, mais aussi des enregistrements de psalmodies bouddhiques, pour pouvoir mieux comprendre. Le défi sera de nous plonger profondément dans ce monde, de manière à donner au chœur une assise culturelle solide sur la manière de chanter.
L’un des aspects essentiels de cette partition : la façon dont Mayuzumi adapte son langage musical au son d’un orchestre symphonique occidental et, parallèlement, achemine l’orchestre occidental vers son propre monde musical.
Comment procédez-vous quand vous commencez à travailler un nouvel opéra comme celui-ci ? Cherchezvous à en comprendre le monde musical et poétique en étudiant d’autres œuvres du même compositeur ? J’essaie de lire et de comprendre le mieux possible tout ce qui concerne le compositeur et son monde pour ainsi mieux comprendre le sens de sa musique. Je pense que nous sommes coupables de tourisme culturel quand nous cherchons à exécuter n’importe quelle musique. On succombe à la même tentation quand on visite une grande exposition d’art : quelques explications épinglées au mur ou entendues dans notre guide audio nous disent comment regarder le tableau et nous autorisent à penser que nous aurons tout digéré en quelques minutes, alors que chaque tableau nécessite un jour entier à lui tout seul… Concernant Mayuzumi, je tombe, par exemple, sur un aspect de sa vie. Cet aspect de sa vie va mener à un autre puis à un autre… par exemple, on sait qu’il
OPÉRA LE PAVILLON D’OR / PAUL DANIEL
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étudia au Conservatoire de Paris en 1950, mais pourquoi en est-il parti au bout d’un an ? Craignait-il de s’occidentaliser ? Ou encore, sa relation avec Mishima : pourquoi a-t-elle irrémédiablement pris fin des années avant la composition du Pavillon d’or – était-ce simplement à cause d’un délai non respecté pour un nouveau projet ou était-ce quelque chose de plus privé ? Et dans quelle mesure l’épisode autobiographique a-t-il influencé l’écriture musicale de la relation tendue entre Mizoguchi et Tsurukawa ? Un autre exemple : on sent la fascination de Mayuzumi pour la musique populaire américaine, qu’il découvrit durant l’occupation américaine après la guerre, et qu’il transcrivit dans la Rumba Rhapsody ou dans Hors d’œuvre – mais cela prête à confusion, étant donné que, des années auparavant, en 1934, sous l’influence de son professeur, Fumio Hayasaka, qui, avec la Shin Ongaku Renmei (Ligue de la Nouvelle Musique), voulait créer un « style oriental » authentique au lieu de singer les traditions musicales de l’Occident. Pour le dire précisément : comment vais-je interpréter les scènes américaines de jazz dans Le Pavillon d’or ? Ce pont, ces échanges interculturels entre l’Orient et l’Occident, qui se sont fortement développés après la guerre, sont emblématiques de la personnalité musicale de Mayazumi. Un voyage d’exploration fascinant pour moi.
n’a rien du pastiche – c’est une synthèse. En ce sens, je pense à Debussy et à la façon dont il ouvrit sa musique aux sons du gamelan javanais ou à Benjamin Britten qui découvrit la musique et les traditions du théâtre nô au cours d’une visite au Japon en 1955 – et découvrit alors combien ce monde était proche de ses propres goûts culturels. Quel est pour vous, en tant que chef d’orchestre, le plus grand défi quand vous commencez à travailler avec un nouvel orchestre ? Est-ce de créer dès la première minute une atmosphère particulière ? Avezvous une recette ? Il n’y a rien de mystérieux ou de mystique dans le travail avec un orchestre : on se rassemble et, en très peu de temps de travail intense, chaque musicien concentre ses compétences, son talent et sa personnalité musicale sur une partition qui est nouvelle et difficile. La préparation consiste simplement en un dur travail ; comment et quand et où joue-t-on toutes ces notes ? Ma tâche est d’insister à certains moments, de suggérer à d’autres, d’organiser au mieux le temps disponible de manière que ceux qui vont jouer cette musique tirent le meilleur parti du travail réalisé en commun. L’atmosphère ? Tout le monde veut travailler dans la meilleure des atmosphères, qu’il soit musicien, médecin, enseignant, technicien, tous, quels qu’ils soient. J’espère qu’en tant que musiciens nous avons tous des dispositions musicales, mais ce qui entretient le talent et les aptitudes, c’est la capacité d’empathie, le rapport empathique à l’œuvre.
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Avec quel autre opéra pouvez-vous comparer Le Pavillon d’or de Mayuzumi ? Comme exécutant et interprète, je me garde le mieux possible de rechercher des influences et d’opérer des – Traduit de l’anglais par Catherine Debacq-Groß comparaisons afin d’éviter tout court-circuit. Mais les échanges entre cultures m’intéressent beaucoup. D’un côté (ici, à l’Ouest) on SYNOPSIS est tenté de rechercher des couleurs japonaises pour une partition orchesDans un Japon de l’après-guerre occupé par les forces militaires américaines, trale occidentale. Du côté de l’Orient, Mizoguchi est un adolescent solitaire, convaincu de sa laideur et rongé par des il est probablement tentant de cherdoutes existentiels. Entre les dernières volontés d’un père malade, une mère qui se cher à identifier les « corruptions » jette dans les bras d’un autre et son désir inassouvi pour une femme sensuelle et occidentales de la culture musicale énigmatique, tout vacille dans l’esprit du jeune homme qui semble incapable de se japonaise. Cette crainte, Mayuzumi donner une raison de vivre. Représentation idéale de la Beauté, le Pavillon d’or de l’a certainement eue. Mais il est un Kyoto a hanté ses jours et ses nuits grâce aux récits de son père. Lorsque celui-ci trop grand compositeur pour s’y être l’y emmène pour la première fois, la déception est de taille. L’image ne correspond arrêté. Cette partition, et des œuvres pas à la réalité ou plutôt Mizoguchi, une fois encore, éprouve le sentiment de ne majeures qui l’ont précédée (comme pas être à la hauteur, cette fois-ci de la beauté. Il ne trouvera d’autres issues la Symphonie Nirvana ou le ballet à son malaise ou à sa folie qu’en mettant le feu à ce que son père n’avait cessé Bungaku pour Balanchine) ouvrent de vénérer. toutes grandes les portes de sa culture japonaise et invite les sons et les *** gestes occidentaux à y entrer. Cela
LES INVITÉS
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VERTIGES DE LA BEAUTÉ ENTRETIEN AMON MIYAMOTO, METTEUR EN SCÈNE Propos recueillis par Andreï Bresson
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il est inconnu encore en France, Amon Miyamoto est une véritable star au Japon. Metteur en scène de comédies musicales, de spectacles de théâtre, d’opéra et de kabuki, ses talents multiples franchissent genres et océans ; il a été ainsi le premier artiste asiatique à créer une pièce de théâtre à Broadway. Depuis l’adolescence, l’univers poétique de l’écrivain Yukio Mishima le passionne. À la tête d’une équipe artistique qu’il a voulue internationale, le Pavillon d’or de Mayuzumi est sa première mise en scène d’opéra en France. Coproduite par la Tokyo Nikikai Opera Foundation, cette production de l’Opéra national du Rhin sera présentée à Tokyo la saison prochaine.
Je suis curieux de savoir à quel moment vous avez commencé à vous intéresser à l’opéra. Je dois avouer que ma première expérience a été assez désastreuse… J’avais 18 ans et… j’ai dormi pendant toute la représentation. J’ai même dormi pendant la pause et me suis réveillé après la fin du spectacle. Le souvenir que je garde de ma première expérience à l’opéra, c’est donc un certain sentiment de honte… Plus tard, je devais avoir une vingtaine d’années, à l’époque où j’ai décidé de devenir metteur en scène, au cours de voyages en Europe, j’ai vu de nombreux spectacles à l’English National Opera et au Royal Opera House à Londres. J’ai été impressionné par des mises en scène audacieuses pour moi comme le Rigoletto de Verdi par Jonathan Miller. Ensuite, j’ai séjourné à Londres pendant plus d’une année, j’avais 27 ans, et j’en ai profité pour, le sac au dos, découvrir avec passion toutes les grandes maisons d’opéra européennes. C’est à ce moment que j’ai pris conscience de la diversité des mises en scène, de l’importance de l’interprétation des chefs d’orchestre, des différences culturelles
entre les pays européens. À mon retour, j’ai été frappé par le caractère conservateur de l’opéra au Japon et j’en ai conclu que je ne pourrais pas entrer dans ce monde immédiatement. Mais lors de chacun de mes séjours à l’étranger, je cherchais à me trouver une place – la plus abordable possible – pour un spectacle, pour poursuivre ma découverte. Plus tard, j’ai commencé à travailler dans des théâtres, au Japon et ailleurs, à Broadway notamment. Mais depuis toujours, je sais que si on me demandait de choisir entre le dieu de la musique et celui du théâtre, je choisirais le premier. Avant même de faire mes débuts à l’opéra, j’avais l’intuition qu’une proposition se présenterait comme naturellement à moi un jour. Et c’est arrivé en 2002 lorsque le Nikikai m’a proposé de mettre en scène Le nozze di Figaro. Et mon amour pour Mozart m’a amené vers d’autres opéras de ce génie. Parlons un peu de Mishima. En Europe, en France en particulier, sa « présence » était grande dans les années 1960-1970. Il représentait, avec Yasunari Kawabata, le
OPÉRAOPÉRA LE PAVILLON D’OR // INTERVIEW AMON MIYAMOTO KEIN LICHT
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nelle, à la différence de beaucoup d’autres écrivains japonais. Aujourd’hui, au Japon, comment Mishima est-il considéré ? C’est le premier écrivain japonais qui a propagé la littérature japonaise à travers le monde et en même temps il était l’écrivain le plus excentrique, le moins représentatif des stéréotypes liés à ce pays. Il faisait du body-building, se faisait photographier, aimait donc s’exposer, se mettre en valeur. Et évidemment, il y a sa mort par harakiri alors qu’il n’avait que 45 ans. Pour les Japonais ordinaires, ces attitudes étaient invraisemblables, sans précédent. Il a brouillé les frontières entre les genres. Je pense qu’il a démontré très bien la volonté esthétique de l’homme. Une esthétique où se rencontrent le plus laid et le plus beau, où le beau n’est pas dissociable du laid. L’être humain porte en lui ces deux pôles apparemment contradictoires mais qui sont tous les deux essentiels. Il a su le reconnaître. Au Japon, on a tendance à dissimuler ce « secret ». Tout comme celui lié à l’homosexualité. Chez lui, l’homosexualité est liée à l’aspiration à une forme suprême du Beau. C’est une homosexualité qui se distingue d’une homosexualité ordinaire. Je pense que les Japonais ont du mal à le comprendre. L’homosexualité particulière de Mishima est d’une certaine manière liée au bushidô, un art martial qui est lié aux anciens samouraïs, à la recherche d’une forme élevée de stoïcisme. Il y a aussi cette volonté de se sculpter un corps parfait grâce à l’entraînement physique. Il y a une dimension sacrale dans cette discipline Mishima a été bouleversé par sa découverte de la Grèce antique. Sculpter son corps et son esprit a été essentiel pour lui. © DR
Mais la pensée politique de Mishima a-t-elle été problématique pour ceux qui, comme vous, lisaient et aimaient ses livres ? Pour mes parents, oui. Au Japon, beaucoup se méprennent sur sa pensée. On croit qu’il en est arrivé à déP. 24 – 25 P. 24 – 25
meilleur de la littérature japonaise contemporaine. Aujourd’hui, il est quelque peu oublié. Peut-être que son caractère excessif dans les dernières années de sa vie, sa radicalité politique et l’éclat de son suicide ont finalement éloigné quelque peu les lecteurs. Il reste cependant l’une des plus grandes figures de la littérature mondiale de la seconde partie du XXe siècle. Avec le festival ARSMONDO, nous contribuons à notre échelle à le faire redécouvrir, à la faveur de l’adaptation de son roman Le Pavillon d’or à l’opéra, de conférences, d’une exposition et de films. Vous-même, à quel âge avez-vous découvert l’œuvre de Mishima ? Je lisais déjà Mishima lorsque j’étais au lycée. Son suicide en 1970 a été un cataclysme au Japon. Il était devenu un phénomène social. Mes parents m’interdisaient de le lire, en me disant que Mishima était un personnage dangereux. Et bien évidemment cela n’a fait qu’exciter mon envie de le connaître plus. Lorsque j’ai lu Le Pavillon d’or, j’étais un lycéen tout comme le personnage principal, et j’y ai trouvé mes propres questionnements. Il y avait des problématiques telles « comment vivre au Japon ? », « Comment changer le Japon ? » Dans ma jeunesse, j’éprouvais cette aspiration à l’absolu, au Beau. Je contemplais souvent, fasciné, des temples et des statues bouddhistes. Je voulais devenir un spécialiste en Histoire de l’art. Lorsque j’ai découvert Le Pavillon d’or de Mishima, Yukio Mishima j’ai aimé cette fascination pour la beauté absolue. J’ai lu ensuite d’autres romans de Mishima avec la même passion. Et ces œuvres théâtrales également qu’on ne me met plus que rarement en scène au Japon. Comme les jeunes, notamment, oubliaient l’importance de son œuvre, j’ai tenu à adapter au théâtre plusieurs de ses romans, afin que ceux qui vivent à notre époque puissent découvrir son univers. Mishima a étudié en profondeur la philosophie occidentale tout en se passionnant pour la pensée, l’esprit et l’histoire du Japon. S’il a été tant lu en Europe, c’est sans doute en raison de sa pensée, logique ou ration-
OPÉRA LE PAVILLON / AMON MIYAMOTO LES D’OR INVITÉS
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velopper une pensée de droite extrême, mais jamais Mishima ne l’a prétendu. Jamais. La raison pour laquelle il a tenu à créer sa propre armée dans les dernières années de sa vie était due au fait que les Japonais étaient totalement dépendants du mercantilisme et de l’économie américaine : après la Deuxième Guerre mondiale, sous l’occupation, sous la « protection » de l’Amérique, les Japonais ne se demandaient plus comment ils devaient envisager le monde. C’est ce que Mishima ne pouvait pas accepter. Il pensait que le Japon était pourri. Je comprends ce qu’il disait. Quand avez-vous découvert le film Youkoku, film réalisé, interprété et produit par Mishima qui sera projeté dans le programme cinéma de ARSMONDO ? Quand j’étais étudiant à l’université. Vous l’avez aimé ? Je l’ai beaucoup aimé. C’était un film très beau. © DR
Revenons au Pavillon d’or. Vous nous avez dit que la lecture de ce roman avait été importante pour vous au cours de votre adolescence au point que ce personnage vous semblait proche. Le personnage principal, Mizoguchi, est issu d’une famille de moine. De quel milieu êtes-vous issu ? Ma famille ne ressemblait pas du tout à la famille de ce personnage. Mais comme j’ai vécu au sein du système éducatif japonais, on m’a imposé beaucoup de normes, d’obligations et de contraintes. Je me suis senti mal à l’aise dans ce système, tout comme ce fut le cas pour Mishima. Dès son plus jeune âge, Mizoguchi a entendu son père lui dire que le Pavillon d’or à Kyoto était l’incarnation de la beauté absolue. Pour moi l’absolu avait un autre visage. Ma mère jouait de temps en temps sur scène et mon père aimait énormément le théâtre aussi. Ils possédaient un café qui se trouvait devant un théâtre et une grande proportion des clients travaillait dans ce domaine. L’absolu pour moi était le théâtre comme le Pavillon d’or l’était pour Mizoguchi. Mais à l’école personne ne partageait cette idée et on me considérait comme un enfant bizarre. Mizoguchi est entré dans le Pavillon d’or à la recherche de la réponse à la question « qu’est-ce la vie ? » Il ne l’a pas trouvée. On lui enseignait en revanche comment faire en sorte que le Pavillon d’or soit un endroit touristique. Cela n’a fait qu’accroître ce sentiment de distance avec la société. Sur ce point-là, je me suis trouvé assez proche de Mizoguchi. Mais je n’ai jamais incendié de théâtre ! Quel sentiment éprouvez-vous à la vue de cette photo du Pavillon d’or calciné ? Il y a, selon vous, une beauté dans le désastre ou la mort ? Oui, même ainsi, il y a une beauté. Lors du 11 septembre 2001, j’étais
Le Pavillon d'or en feu
OPÉRAOPÉRA LE PAVILLON D’OR // INTERVIEW AMON MIYAMOTO KEIN LICHT
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à New York. En voyant les immeubles qui s’effondraient – je sais qu’il est difficile de dire une chose pareille – j’ai ressenti à la fois de la terreur et de la beauté. Je m’en suis violemment voulu de ressentir cette contradiction. Peut-être ai-je senti alors que je vivais en voyant, tour à tour, ce qui est éternel et son anéantissement, la succession de la vie et de la mort. Les Japonais aiment la beauté de l’anéantissement. Nous avons hérité du shintoïsme l’idée que la divinité est en tout et que la nature, les immeubles, les hommes s’anéantissent un jour. Et on essaie d’y inspirer de nouveau la vie. Peut-être cela vient-il des conditions spécifiques de la vie au Japon. Tsunamis, séismes et autres catastrophes naturelles se sont succédés au cours des siècles. Il a fallu développer une vision philosophique de la vie qui nous permette de les supporter. Vous avez mis en scène une version théâtrale du Pavillon d’or il y a quelques années. Vous en aviez proposé votre propre adaptation. Est-ce que celle de Mayuzumi et de son librettiste en est proche ? Elle est différente. Dans le roman, Mizoguchi bégaye et il ne peut pas exprimer ses pensées et son monde intérieur. Le compositeur Toshiro Mayuzumi a transposé son handicap à la main, peut-être en pensant qu’avec le bégayement il ne pouvait pas faire un opéra. Ce qui me semble très réussi dans cet opéra, c’est la métamorphose d’un roman de l’introspection en une œuvre pour la scène par la place donnée aux chœurs. Comme dans les tragédies grecques, les chœurs ont une très grande importance. Ils sont les expressions de pensées intimes. Ce sont les caractéristiques de l’opéra de Mayuzumi qui m’ont amené à faire de la scène, du décor, un paysage mental. Comment pourriez-vous décrire en quelques mots la musique de Mayuzumi ? Elle est très puissante. Il a exprimé en profondeur la confusion intime de Mizoguchi au moyen d’un rythme et d’une énergie qui me font penser à Stravinsky. Le tâtonnement de Mizoguchi, pour trouver le sens de la vie, est décrit par la musique, tout comme sa colère contre son maître et la société. Il y a aussi des parties calmes, plus spirituelles, comme celle d’Uiko, de la cérémonie du thé, etc. Il y a des contrastes marqués. Nous entendons les différents états psychologiques de Mizoguchi. L’œuvre de Mayuzumi est-elle connue au Japon aujourd’hui ? Il avait, comme Bernstein, une émission consacrée à la musique à la télévision. Beaucoup de gens de ma génération ou de la génération de mes parents le connaissent, mais ce n’est pas le cas des plus jeunes. Il a été un précurseur au Japon. Il a essayé beaucoup de choses. Et notamment de faire connaître la culture japonaise au monde comme avec cet opéra créé à Berlin. Il n’a pas la célébrité de Toru Takemitsu, mais ils ont un point commun : ils ont tous les deux composé pour des films japonais parmi les plus intéressants au cours des années 1950 et 1960.
LE PAVILLON D'OR TOSHIRO MAYUZUMI [ NOUVELLE PRODUCTION ] Création française Coproduction avec Tokyo Nikikai Opera Foundation
Direction musicale Paul Daniel Mise en scène Amon Miyamoto Décors Boris Kudlicka Costumes Kaspar Glarner Lumières Felice Ross Vidéo Bartek Macias Mizoguchi Simon Bailey Tsurukawa Dominic Große Kashiwagi Paul Kaufmann Le Père Yves Saelens La Mère Michaela Schneider Abbé Dosen Fumihiko Shimura Uiko Fanny Lustaud Jeune homme François Almuzara Jeune fille Makiko Yoshime Chœurs de l’Opéra national du Rhin Orchestre philharmonique de Strasbourg En langue allemande, surtitrages en français et en allemand
STRASBOURG Opéra me 21 mars 20 h sa 24 mars 20 h ma 27 mars 20 h je 29 mars 20 h ma 3 avril 20 h MULHOUSE La Filature ve 13 avril 20 h di 15 avril 15 h PRIX : de 6 à 90 €
SCÈNES
OUVERTES
« Prologue » introduction de 30 min., 1 h avant chaque représentation « Bonsoir Maestro ! »
avec Paul Daniel sa 10 mars 18 h Opéra, Salle Bastide Rencontre à la Librairie Kléber avec Amon Miyamoto ma 20 mars 18 h avec le soutien de
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– Traduction de Ryuji Takano
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LA VOIX D’UN VOYAGE
PUMEZA PUMEZA MATSHIKIZA MATSHIKIZA
ENTRETIEN PUMEZA MATSHIKIZA, SOPRANO Par Lisa Brik
© Simon Fowler
P Vous avez commencé votre carrière de chanteuse relativement tard. Pouvez-vous nous parler de la musique que vous écoutiez dans le township des faubourgs du Cap où vous avez passé votre enfance ? J’écoutais surtout de la soul américaine, de la musique chorale d’église, de la musique pop locale et des chants folkloriques. Avez-vous appris à jouer d’un instrument ? Avezvous chanté dans un chœur ? J’aimerais avoir appris à jouer du piano mais les possibilités étaient limitées. J’ai chanté dans le chœur de l’école, dans une chorale d’église et dans le chœur de la commune.
our ses débuts à l’Opéra national du Rhin, la talentueuse soprano d’origine sud-africaine interprète un programme très original, forme de portrait intime, qui associe des poèmes de Enkū, moine bouddhiste japonais du XVIIe siècle, à des œuvres d’époques et de provenances diverses pour un voyage musical dans l’espace et dans le temps. Qu’est-ce qui vous a convaincue que c’est dans la musique classique que vous deviez faire carrière ? Je ne pensais pas vraiment à l’avenir côté carrière. Je suis tout simplement tombée amoureuse de l’opéra et, tout comme vous tombez amoureux d’une personne, vous voulez vivre avec cette personne, forger votre avenir avec elle avec tous les hauts et les bas que cela implique. C’est ce que j’ai fait avec l’opéra. Vous avez obtenu une bourse pour étudier au Royal College of Music de Londres. Quel âge aviez-vous à votre arrivée en Angleterre ? J’ai commencé mon deuxième cycle d’études d’art lyrique, c’est-à-dire mon master, au Royal College of Music de Londres à l’âge de 24 ans.
RÉCITAL PUMEZA MATSHIKIZA
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Avez-vous un professeur que vous continuez de voir régulièrement ? Je vois différentes personnes. Cela dépend où je me trouve. Un(e) artiste doit sans cesse continuer de travailler, de se développer, de s’améliorer, à la fois sur le plan de la technique, du style et de l’interprétation. Après avoir achevé vos études à Londres, vous avez décidé d’intégrer la troupe de l’Opéra de Stuttgart. Comment décririez-vous la vie au sein de cet ensemble et dans ce théâtre ? Ce fut une période de ma vie très intéressante. Je n’avais encore jamais travaillé en Allemagne, et c’est donc à Stuttgart que j’ai découvert le Regietheater et j’ai dû travailler plus vite que je ne le faisais auparavant. Beaucoup de choses se faisaient de manière peu conventionnelle, ce qui, quand je regarde en arrière, m’a beaucoup aidée. C’est fantastique de faire partie d’un ensemble : de connaître les collègues sur et hors scène, de travailler, répéter et se produire ensemble sur scène, d’avoir un home musical. Ce fut une époque fantastique. Vous avez déjà enregistré deux cd. Ils sont magnifiques et très originaux. En premier lieu parce qu’ils invitent à des rencontres inattendues entre, par exemple dans le premier, des airs de Puccini et des mélodies traditionnelles sud-africaines ou à un voyage musical menant de Purcell à Hahn et Fauré dans le second. Dites-nous comment, pour vous, ces œuvres de musiciens d’horizons et de styles très différents se font écho. Le premier cd avait valeur d’expérience. J’ai voulu faire quelque chose de différent mais aussi donner à l’audience européenne un avant-goût de la musique sud-africaine et leur dire un peu qui je suis (une carte de visite en quelque sorte). Le second cd est une sélec-
tion d’airs que j’avais déjà chantés sur scène ou que j’allais chanter. J’y ai ajouté quelques mélodies très belles qui vont bien avec le reste. Vous avez chanté plusieurs fois les rôles de Mimi et de Michaela sur scène. Comment estimez-vous l’évolution de votre jeune carrière ? Quels rôles aimeriez-vous chanter au cours des cinq prochaines saisons et pour quelle raison ? Je vais chanter Rusalka et j’aimerais y ajouter la Amelia de Simon Boccanegra, Aida (non pas parce que je suis Noire – rire), Liu est également parfaite pour ma voix, certains Mozart – Fiordiligi dans Così fan tutte. En fait, tout dépend de l'évolution de ma voix. Pouvez-vous nous présenter le programme très original que vous allez interpréter à Strasbourg ? Comment programme-t-on un récital ? Je vais chanter des airs et des mélodies du monde entier, partant de l’Italie pour arriver au Japon. Je choisis généralement des airs que j’aime chanter et je programme un nouveau cycle pour chaque nouveau récital. Je suis sûre que le public aimera ce programme. Retour en Afrique du Sud pour conclure. Comment voyez-vous votre pays depuis l’Europe ? Votre vision de l’Afrique du Sud a-t-elle changé ? Voyez-vous votre pays différemment ? Bien sûr, il y a d’énormes différences : historiques et culturelles. L’Afrique du Sud est un pays en développement qui a encore de nombreux déficits à combler : la pauvreté, les immenses inégalités, l’instabilité politique, l’accès à tous et non pas seulement à quelques privilégiés à une éducation de bonne qualité.
PUMEZA MATSHIKIZA SOPRANO
& PAUL MONTAG PIANO
Compositions européennes, japonaises et sud-africaines STRASBOURG Opéra jeudi 22 mars 20 h
PRIX : de 6 à 48 €
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Quelles sont les trois choses les plus importantes que vous avez apprises au cours de vos études ? J’ai réalisé que j’aimais énormément la musique française et que je parlais horriblement mal le français (rire). J’ai donc travaillé dur pour l’améliorer. J’ai un coach français formidable. J’ai travaillé avec des chefs d’orchestre accomplis qui avaient déjà dirigé au Royal Opera House et autres maisons comme le Met. Et j’ai acquis une grande expérience de la scène. Enfin, j’ai découvert qu’un très fort esprit de compétition régnait dans les écoles supérieures européennes et j’ai compris que, comme artiste, j’avais besoin de trouver et de développer ma propre expression.
LE PROGRAMME ! ARSMONDO JAPON
À STRASBOURG MISHIMA ET LE PAVILLON D’OR EXPOSITION >> Bibliothèque nationale et universitaire >> 2 au 29 mars
MISHIMA ET LE PAVILLON D’OR CYCLE DE CONFÉRENCES >> Auditorium de la BNU et Palais Universitaire, salle Pasteur >> 2 au 26 mars
LES ENFANTS LOUPS, AME ET YUKI CINÉMA JEUNE PUBLIC >> Espace Django >> 4 mars
LE FIL BLANC DE LA CASCADE CINÉMA MUET EN CONCERT >> Cinéma Odyssée >> 10 mars
HARUKI MURAKAMI AU PRÉSENT ET AU FUTUR Colloque international >> Université de Strasbourg >> 15 et 16 mars
ARSMONDO JAPON AU CINÉMA ODYSSÉE MISHIMA AU CINÉMA / DÉSIR ET CRUAUTÉ / NAOMI KAWASE >> Cinéma Odyssée >> 15 au 31 mars
LE JAPON, UNE MODERNITÉ SINGULIÈRE RENCONTRE AVEC PIERRE-FRANÇOIS SOUYRI >> Librairie Kléber >> 19 mars
CORPS ET MESSAGE
ATELIERS JEUNE PUBLIC
DE LA STRUCTURE DE LA TRADUCTION ET DE L’ADAPTATION COLLOQUE INTERNATIONAL >> Université de Strasbourg et Opéra, salle Bastide >> 21 au 23 mars
MANGA, ORIGAMI, CALLIGRAPHIE & PIXEL ART >> Opéra, Grenier d’abondance >> 25 mars
CONCOURS DE COSPLAY
LE PAVILLON D’OR
>> Opéra >> 25 mars
OPÉRA >> Opéra >> 21 mars – 3 avril
L'OPÉRA STUDIO AU SOLEIL LEVANT
PUMEZA MATSHIKIZA
>> Opéra, salle Ponnelle >> 25 mars
RÉCITAL >> Opéra >> 22 mars
LECTURE DU PAVILLON D’OR PAR STANISLAS NORDEY CONCERT REGARD SUR LA CRÉATION MUSICALE JAPONAISE 1 ENSEMBLE SAITO >> Opéra, salle Bastide >> 23 mars
NIPPONARI – IMPRESSIONS NIPPONES MIDI LYRIQUE >> Opéra, salle Ponnelle >> 24 mars
CONCERT REGARD SUR LA CRÉATION MUSICALE JAPONAISE 2 ENSEMBLE HANATSU MIROIR >> Opéra, salle Ponnelle >> 24 mars
IRODORI RENCONTRE DU TAIKO, DU SHAMISEN ET DU…JAZZ >> Opéra, salle Ponnelle >> 25 mars
www.operanationaldurhin.eu
LA PENSÉE DE KEIJI NISHITANI ENTRE ORIENT ET OCCIDENT >> Centre Emmanuel Mounier >> 27 mars
CONCERT REGARD SUR LA CRÉATION MUSICALE JAPONAISE 3 ENSEMBLE LINEA >> Opéra, salle Bastide >> 28 mars
CONFÉRENCE DANSÉE >> Opéra, salle Ponnelle >> 28 & 29 mars
À MULHOUSE CONFÉRENCE DANSÉE >> La Filature, salle Besse >> 13 avril
LE PAVILLON D’OR OPÉRA >> La Filature >> 13 & 15 avril
ATELIERS JEUNE PUBLIC MANGA, ORIGAMI, CALLIGRAPHIE & PIXEL ART >> La Filature >> 15 avril
L’opéra, art pluridisciplinaire par excellence, dialogue avec toutes les formes d’expressions artistiques contemporaines et se nourrit des réflexions que développent les sciences humaines. Par ailleurs, cet art profondément ancré dans la culture européenne doit entretenir, au XXIe siècle, des relations nouvelles avec des cultures dont l’importance n’a rien à envier à la nôtre. Le projet du festival annuel et pluridisciplinaire ARSMONDO que crée cette année l’Opéra national du Rhin a pour objectif de vous présenter des artistes et des œuvres qui expriment cette ouverture vers l’ailleurs dans des dialogues passionnants entre des histoires et des cultures. Chaque année, à la fin de l’hiver et au début du printemps, une nouvelle production d’opéra sera au cœur d’ARSMONDO. Une œuvre moderne ou contemporaine méconnue encore dont les qualités musicales et littéraires nous paraissent à ce point importantes que nous espérons qu’à la faveur de sa création française elle occupera par la suite la place qui lui revient dans l’esprit des amateurs d’opéra. Ce festival pluridisciplinaire, nous l’avons rêvé il y a plusieurs mois. Si nous avons le plaisir de pouvoir vous présenter son programme aujourd’hui, c’est grâce à l’enthousiasme et à l’engagement de tous les partenaires qui ont souhaité nous accompagner. C’est avec reconnaissance et joie que nous les remercions. Cette collaboration est unique. Elle souligne l’envie partagée de participer à une aventure commune ambitieuse. Par l’extraordinaire richesse de sa culture, le Japon s’imposait pour cette première édition. Vous aurez ainsi, pendant plus d’un mois, la possibilité de découvrir non seulement l’opéra Le Pavillon d’or de Toshiro Mayuzumi, des concerts de compositeurs japonais, mais également une exposition et des conférences consacrées à Yukio Mishima, un colloque consacré à Haruki Murakami, un autre consacré à la traduction et au passage d’une œuvre d’une tradition à une autre, des films qui soulignent la place capitale du cinéma japonais depuis des décennies, un cinéma muet en concert accompagné d’une œuvre musicale d’une grande compositrice, des rencontres sur la philosophie et l’histoire, une évocation de la découverte de l’autre par la danse et des activités destinées au jeune public.
OPÉRA
fidelio association pour le développement de l'Opéra national du Rhin
DANSE
RÉCITAL
CONCERT
Munissez-vous du passeport particulier que nous vous avons préparé (disponible à l'Opéra national du Rhin et dans plusieurs lieux à Strasbourg, Mulhouse et Colmar) : les richesses du dialogue entre le Japon et l’Europe vous attendent.
DU
Eva Kleinitz Directrice générale de l’Opéra national du Rhin
2 MARS
COSPLAY
5/01/18 12:08
La brochure ARSMONDO vous guidera tout au long du festival P. 30 – 31
BrochureArsMondo_COVER.indd 1-2
ATELIERS JEUNE PUBLIC
CINÉMA
MANGA Sous le Haut Patronage du Consulat Général du Japon à Strasbourg
EXPOSITION
15 AVRIL 2018
LITTÉRATURE
AU TNS Théâtre National de Strasbourg
© plainpicture / Man plainpicture/Distinctimage/Julie Betov de Waroquier
les beaux dormants
LES BEAUX DORMANTS / HÉLÈNE BLACKBURN Pièce pour 9 danseurs
L’ENFANCE ET LA DANSE HÉLÈNE BLACKBURN, CHORÉGRAPHE Par Lorraine Hébert
C
horégraphe et directrice artistique de la compagnie Cas Public, qu’elle fonde en 1989, Hélène Blackburn est devenue, très rapidement, une figure majeure de la danse contemporaine au Québec et une ambassadrice de premier plan sur la scène internationale. C’est sans compter sur sa réputation de chef de file en danse jeune public, aujourd’hui largement confirmée. Ce qui lui vaut des invitations régulières à enseigner et diriger des ateliers de création, ici et ailleurs, et, pour la première fois, à créer pour et avec treize danseurs du Ballet de l’Opéra national du Rhin, une œuvre qui s’adresse aux jeunes à partir de dix ans et aux adultes qui les entourent : Les Beaux dormants.
Hélène Blackurn se trouve privilégiée d’avoir connu cette période de grande effervescence en danse, dans les années 1980, dans la poussée des Édouard Lock, Paul – André Fortier, Ginette Laurin, Marie Chouinard, Daniel Léveillé, Daniel Soulières et Jean-Pierre Perreault, parmi d’autres, et d’organismes qui, comme le Festival international de nouvelle danse (FIND) et le Regroupement des professionnels de la danse au Québec (RPDQ), contribuent au développement de la danse contemporaine et à sa reconnaissance sur la scène mondiale.
L’EFFET JEUNE PUBLIC C’est à l’instigation d’un groupe de diffuseurs de la Danse sur les routes du Québec (DSR), qui accueillent régulièrement ses spectacles pour adultes, que Hélène Blackburn tente une première expérience en danse pour jeune public. Le coup d’envoi est donné en 2001 avec Nous n’irons plus au bois, qui traite des peurs enfantines : peur de la noirceur, des monstres, des orages, de la guerre, des kidnappeurs, des sorcières, des ogres, du dentiste… P. 32 – 33
Hélène Blackburn fait partie de la relève à une première génération de chorégraphes issus pour la plupart de la troupe – école Nouvelle Aire ou du Groupe de Place Royale. Plusieurs enseignent à l’Université du Québec à Montréal, là où elle poursuit sa formation en interprétation et en création, après avoir pratiqué assidument le ballet depuis l’enfance. Détentrice d’un baccalauréat en danse, en 1984, elle danse pendant quatre ans dans la troupe du regretté Jean-Pierre Perreault dont elle tire des enseignements précieux sur le plan technique, esthétique et éthique. Après quelque dix ans de pratique et déjà quatre œuvres chorégraphiques remarquées, elle s’engage dans une maîtrise de création et creuse l’une de ses grandes obsessions : le dépassement physique du danseur tel que ressenti dans Le Sacre du printemps de Stravinsky. Parmi d’autres influences marquantes dans sa trajectoire, elle retient celle de Iro Tembeck, professeure et historienne à l’UQAM, aujourd’hui décédée, qui l’éveille à la danse moderne et la guide vers l’UQAM ; celle de ses directeurs de maîtrise, Paul-André Fortier et Michèle Fèbvre ; et, enfin, sa rencontre avec le jeune public.
DANSE LES BEAUX DORMANTS / HÉLÈNE BLACKBURN
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DES ANCRAGES ARTISTIQUES Si la venue à la danse jeunesse tient du hasard, elle s’avère émancipatrice à bien des égards. La chorégraphe y découvre un nouveau territoire de recherche et de création, où tout, ou presque, est à inventer et, plus encore un espace de liberté à la mesure de ses obsessions artistiques. Sa première obsession se formule ainsi : repousser les limites du corps dansant et en accroître les capacités expressives par le dépassement physique, en poussant la mécanique du mouvement dansé à partir d’un seul point d’ancrage : la technique. Tout part du mouvement qu’elle a appris à chercher, générer, sculpter et activer dans le corps des danseurs, en mêlant les techniques du ballet et de la danse contemporaine, et de telle sorte qu’ils soient en combustion. Sa deuxième obsession concerne sa conception de l’art : un geste d’engagement social et un acte de communication. Elle s’en explique : l’art donne accès à un point de vue privilégié sur le monde, un point de vue certes subjectif mais réfléchi, en pensant au public avec qui l’on veut partager ses interrogations, ses doutes, ses espoirs. Observer le comportement humain, traiter des grandes énigmes de l’existence humaine à travers ses rites de passage, poser un regard à la fois acéré et amoureux sur l’humanité dans son évolution et sa relation au présent, c’est ce qui intéresse Hélène Blackburn. Sa matière, elle la puise dans les grandes œuvres du répertoire occidental, les traditions orales et populaires, les contes, les légendes et les mythes. Ici, la chorégraphe tire profit d’une formation universitaire en ethnologie et en théâtre et de champs d’intérêts qui
© Julie Artacho
En parallèle à la diffusion de ce premier spectacle, qui comptera 350 représentations en fin de parcours, Hélène Blackburn prépare une nouvelle œuvre pour adultes, Courage mon amour, qu’elle présente à l’Agora de la danse en 2002. Puis, en 2004, c’est un deuxième coup d’adresse. Barbe bleue, en diffusion pendant trois ans, lui ouvre les portes de l’Opéra Bastille de Paris. La presse est très positive (dans Le Nouvel Observateur : « Rarement dialogue entre les mots et les corps aura été aussi fructueux […]. Les danseurs passent d’un langage à l’autre avec une fluidité confondante. Chaque recoin du texte est exploré, répété, réinterprété jusqu’à livrer tous ses secrets. » Et dans Le Figaroscope : « Les épisodes sont traduits en somptueux ballets, en diaporama d’images ou en tableau sonore et danse […]. Une œuvre utile et splendide. ») Poursuivant sur cette lancée, à l’exception, en 2008, de Suites cruelles, une œuvre pour adultes avec neuf danseurs et deux musiciens sur scène, les créations jeunesse s’enchaînent, circulent largement en Amérique et en Europe, sont accueillies dans des festivals et des lieux réputés. Dans l’ordre : Journal intime (2006), Variations S (2010), Gold (2011), Symphonie dramatique (2014), Suites curieuses (2015) et 9 (2016). Bon an mal an, depuis 2013, Cas Public est sur la route pendant au moins quatre mois, donne en moyenne 100 représentations et implique une douzaine de personnes, dont huit danseurs permanents, formés à la danse contemporaine ou au ballet et rompus à la méthode de travail de la chorégraphe pour qui la création chorégraphique est un acte collectif.
Suites curieuses, 2014, chorégraphie : Hélène Blackburn
DANSE LES BEAUX DORMANTS / HÉLÈNE BLACKBURN
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ont nourri son imaginaire d’enfant et d’adolescente : la danse classique, la littérature, la mythologie et les sciences. Sa longue immersion dans l’univers du jeune public, elle le constate aujourd’hui, l’a obligée à repenser tout ce qu’elle croyait savoir. D’avoir à se préoccuper de la relation avec ce public, à toutes les étapes du processus de création, ce qui est moins un impératif quand on s’adresse à des adultes, l’a amenée à se définir par rapport à son art et non en fonction de l’âge du public. D’œuvre en œuvre, elle a précisé et rôdé sa méthode de travail, ce qui l’a propulsée dans des zones qu’elle cherchait intuitivement depuis ses débuts en chorégraphie. Créer pour la jeunesse, à l’encontre du préjugé, comporte peu de contraintes, si ce n’est d’essayer d’être à la hauteur de ses exigences. Par un effet de retournement, elle est toujours renvoyée à elle-même : à la femme, la mère, l’artiste et la citoyenne du monde.
L’enfant a souvent une connaissance intime de la danse ; il n’a pas peur d’expérimenter les multiples bifurcations d’une narration fragmentée, ou encore la radicalité d’une œuvre plus abstraite.
LE LIEU DE TOUS LES POSSIBLES
LA SIGNATURE BLACKBURN - CAS PUBLIC
© Phile Deprez
Les œuvres suggèrent plus qu’elles ne racontent, multiplient les pistes de lecture, fourmillent de références culturelles dans les partitions chorégraphiques et musicales, le décor, les accessoires et les éléments de costume. Elles font jouer ensemble différents langages, langue parlée, langue des signes, d’images et de mouvements, mettent à contribution les codes de la scène et de la vidéo. Ce sont autant d’embrayeurs de perceptions, de sensations et de lectures. Dans ces environnements parfaitement contrôlés, la danse exulte, les séquences se déploient en une série de variations, s’enchainent dans un rythme fougueux et une respiration scandée par l’alternance de partitions d’ensemble, des solos, duos ou trios. La composition chorégraphique, véritable alchimie de signes et de langages, donne à voir des interprètes éblouissants de virtuosité et de précision, un ensemble de corps soudés dans l’énergie du dépassement et la vitesse d’exécution. Pour Hélène Blackburn, « le mouvement de la danse et son ressenti dans le corps du danseur en action induisent une relation d’empa9, 2016, chorégraphie : Hélène Blackburn thie avec le spectateur en contemplation ».
LES BEAUX DORMANTS HÉLÈNE BLACKBURN [ CRÉATION ] Chorégraphie, décors et costumes Hélène Blackburn Création musicale Martin Tétreault Lumières Émilie B-Beaulieu, Hélène Blackburn En collaboration avec l’équipe de la Compagnie Cas Public Daphnée Laurendeau, Cai Glover, Francine Liboiron, Mickaël Spinnhirny Ballet de l’Opéra national du Rhin Spectacle présenté avec des musiques enregistrées
MULHOUSE La Sinne
COLMAR Comédie De l’Est
je 22 février 19 h ve 23 février 19 h sa 24 février 15 h & 19 h
je 22 mars 19 h ve 23 mars 19 h sa 24 mars 15 h
STRASBOURG CMD* ve 4 mai 19 h sa 5 mai 15 h & 19 h di 6 mai 15 h * Cité de la musique et de la danse
PRIX : de 6 à 25 € SCÈNES ES OUVERT
« Prologue » introduction de 15 min., 30 min. avant chaque représentation Coulisses studio Répétition ouverte MULHOUSE Studios du Ccn me 7 février 16 h 30 sur inscription ballet@onr.fr P. 34 – 35
Hélène Blackburn ne cherche pas à plaire ou à divertir, mais à provoquer une rencontre authentique avec un public vivant, vibrant, un brin sauvage et extrêmement intelligent. « L’enfant a souvent une connaissance intime de la danse ; il n’a pas peur d’expérimenter les multiples bifurcations d’une narration fragmentée, ou encore la radicalité d’une œuvre plus abstraite. » Prenant appui sur sa danse, très accessible parce que dansante, elle préconise une approche inclusive des publics. Si ses œuvres sont d’une belle complexité sur le plan formel et thématique, elle ne perd jamais de vue ce qui préside à la réception d’un spectacle de danse ; la perception sensible et kinesthésique de corps en mouvement, vecteurs de sensations et d’intelligibilité à tous âges.
© plainpicture/fStop/Adam plainpicture/Kniel Synnatzschke Burn
plus loin l’europe : israël
le nozze di figaro
PLUS LOIN L’EUROPE : ISRAËL GIL CARLOS HARUSH / OHAD NAHARIN
À COUPER LE SOUFFLE Par Solène Souriau
P
our la première édition de Plus loin l’Europe, Bruno Bouché, directeur du Ballet de l’Opéra national du Rhin, a souhaité donner place à la formidable vitalité de la danse israélienne. Du charismatique Ohad Naharin, actuel directeur artistique de la Batsheva Dance Company, deux œuvres font leur entrée au répertoire de notre compagnie. Le programme de cette soirée-événement est complété par une création de Gil Carlos Harush. Deux chorégraphes, deux esthétiques, deux générations, et une commune envie d’exprimer par la danse les conflits intimes et la rencontre des corps. avec notre pays des relations culturelles fortes. » Le projet de Bruno Bouché est clair : il s’agit de rétablir le Ballet de l’Opéra national du Rhin comme épicentre de la danse européenne par une circulation d’influence qui insuffle une inspiration variée et hétérogène provenant du monde entier. Plus encore qu’une interrogation sur son art, le projet s’inscrit clairement dans une volonté d’échange et de partage de connaissance et instille une nouvelle vision dans les salles de répétition de Mulhouse afin de familiariser les danseurs à des horizons culturels nouveaux. Chaque saison propose un pays à l’honneur, le plus souvent similaire au pays représenté au festival ARSMONDO, avec au programme les œuvres les plus significatives des chorégraphes majeurs du pays auxquels seront associés de jeunes talents. Promouvoir une culture chorégraphique, une identité, est avant tout solidaire de la création, en donnant la possibilité à de jeunes chorégraphes de présenter leur travail. Cette soirée est l’occasion de faire connaître aux danseurs de la compagnie mais aussi au public de jeunes artistes qui investiront dès lors les œuvres réputées de leurs compatriotes plus éminents. Doit-on alors s’étonner de présenter le pays qui a fait de la danse le cœur de son identité ? Ancrée dans ses racines depuis ses origines, la danse est constitutive de la P. 36 – 37
« La danse est pour moi une manière de penser le monde dans lequel je vis. Mon histoire, mon passé, ma culture, mes origines, mon errance fondent mon approche de la danse. ». Bruno Bouché, en proposant la soirée Plus loin l’Europe, rejoint ces phrases d’Ohad Naharin, premier invité avec le jeune chorégraphe Gil Carlos Harush de cet événement phare de la saison. La danse est-elle déterminée par l’endroit d’où elle émerge ? Comme il y aurait une danse européenne, y a-t-il encore aujourd’hui une danse américaine ou une danse israélienne ? Par cette soirée, le nouveau directeur du Ballet affirme que la danse est déterminée par l’endroit de son émergence et qu’elle est culturelle et profondément influencée par son environnement. Chaque chorégraphe puise dans le lieu originaire de sa création, l’acte créateur ne pouvant être isolé du contexte culturel, social et politique qui l’a, en quelque sorte, commandé. Avec le projet Plus loin l’Europe, seront donc invités chaque année des chorégraphes d’un même pays ou d’une même région. Par cette initiative, Bruno Bouché souhaite évaluer l’impact identitaire sur la création chorégraphique. Il explique lui-même : « J’ai construit mon projet pour le Ballet de l’Opéra national du Rhin autour de l’Europe et il me plaisait d’aller interroger au cours de la saison un pays qui ne provenait pas du continent mais qui avait
DANSE PLUS LOIN L’EUROPE, ISRAËL
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Il a su s’approprier les tensions et conflits internes qui embrasent son pays, et a réussi à les transformer en des opportunités artistiques...
Ohad Naharin © Gadi Dagon
culture israélienne, irriguée aussi bien par un folklore traditionnel qu’animée par un désir ardent d’expérimentation. Cette danse, propre à la culture paradoxale de ce pays à la fois jeune et plurimillénaire, est d’une vitalité presque dérangeante, endiablée, en constante effervescence et portée par un souffle de vie omniprésent. Il s’agit sans cesse de surmonter des obstacles aussi bien physiques, liés aux contraintes corporelles de l’exercice, que psychologiques, comme si la danse était alors pénétrée d’une forte tension nerveuse, d’une concentration mentale aigue. « Comme si la situation était trop complexe et que le corps prenait le relais car la parole n’est plus suffisante ou paraît caduque. Ces chorégraphes ont le courage de rendre compte d’une certaine violence dans leur travail » explique Bruno Bouché, ce qui n’est pas sans nous rappeler la phrase bien connue de Martha Graham : « Pour moi, le corps exprime ce que les mots ne peuvent pas », chorégraphe américaine qui fondera la Batsheva Dance Company en 1964, compagnie qui deviendra la plus grande compagnie israélienne aujourd’hui dirigée par Ohad Naharin.
Les deux ballets d’Ohad Naharin qui encadrent la création de Gil Carlos Harush brûlent par leur désir d’exister. Ce sont deux pièces aux formes réduites, qui font uniquement appel à cinq danseurs, qui se confrontent et se font écho. Black Milk créée en 1985, physiquement très exigeante, saisit les danseurs dans une transe tribale au rythme de deux marimbas. Elle incarne l’essence même de la danse israélienne dans sa fureur, sa brutalité physique et sa puissance d’évocation. George & Zalman, quant à elle, se construit autour du texte de Charles Bukowski qui se superpose à la mélodie Für Alina d’Arvo Pärt. Aux amples pantalons blancs des hommes répondent les ensembles noirs des femmes. La danse d’Ohad Naharin, qui croise une forme de pulsion animale à un désir presque désincarné de spiritualisation, se distingue par son énergie explosive, sa physicalité intermittente, faite de moments de crispation brusque et de relâchement voluptueux. Elle joue finement sur des contrastes saillants, créant cette sensation d’ivresse et de vertige ainsi que sur des dynamiques contradictoires susceptibles de révéler des espaces nouveaux et radicaux. C’est un chorégraphe à la recherche de l’intelligence qui, pour lui, n’existe que dans un équilibre précaire, presque insaisissable, entre connaissance et instinct. Figure de proue de la danse israélienne, il a su s’approprier les tensions et conflits internes qui embrasent son pays, et a réussi à les transformer en des opportunités artistiques, opportunités souvent engendrée par des fêlures, allant lui-même jusqu’à dire que « ce pays offre des espaces vastes et est propice à la création ».
Gil Carlos Harush évoque, quant à lui, la force intérieure commune à tout chorégraphe israélien : « une vitalité qui peut être sexuelle et une force qui ne peut décliner ». Son travail recoupe, de toute évidence, celui d’Ohad Naharin, dans lequel on retrouve cette vitalité et cet entrain. Il présente avec le Ballet de l’Opéra national du Rhin la création The Heart of my Heart, pièce pour quatorze danseurs. Son travail réclame une adaptation particulière pour les danseurs de la compagnie. Également formé à la psychothérapie, il cherche à connaître chaque interprète et son rapport à l’autre afin de construire une chorégraphie qui relate des situations réelles, c’est-à-dire qui prend appui sur une certaine disposition personnelle des danseurs, sur certaines inclinations mentales qui se superposent, et viennent presque enrichir le brio de l’exécution technique. Il se familiarise avec l’intimité de chaque personne sur scène, à laquelle il mêle la sienne, et chaque création est régie par deux questions existentielles et insolubles : « comment te définirais-tu ? » et « que t’inspire la personne en face de toi ? » « Tout doit venir d’eux. Je ne cherche jamais à jouer sur scène. Je veux qu’ils soient le plus authentique possible. » Heart of my heart, par la métaphore :
celle du cœur du cœur, évoque le sentiment d’inassouvissement propre à l’homme, la régression infinie dans une émotion qui est toujours supplantée par son autre, et qui dès lors ne peut jamais espérer s’accomplir dans une forme définitive et arrêtée. Seule, dès lors, la manifestation physique propre à la danse, sa temporalité si particulière, permet de rendre compte de cette instabilité foncière du sentiment et de la labilité des états mentaux. En dernière instance, l’abîme d’une psychologie introuvable se repose sur les mouvements du corps : « En répétition, j’observe chaque danseur mais mon attention réside surtout dans les relations qu’ils entretiennent entre eux. Un pas de deux peut, par exemple, paraître plus agressif entre deux personnes ou encore plus sexuel avec deux autres. Je construis toujours à partir d’eux. Je les étudie, les scrute pour faire émerger ma création uniquement de leur vécu et des relations qu’ils entretiennent. »
PLUS LOIN L’EUROPE : ISRAËL GIL CARLOS HARUSH / OHAD NAHARIN THE HEART OF MY HEART / GIL CARLOS HARUSH [ CRÉATION ]
Chorégraphie, décors et costumes Gil Carlos Harush BLACK MILK / OHAD NAHARIN [ ENTRÉE AU RÉPERTOIRE ]
Pièce pour 5 danseurs Création en 1985 par la Kibbutz Contemporary Dance Company
Chorégraphie Ohad Naharin Musique Paul Smadbeck Costumes Rakefet Levy GEORGE & ZALMAN / OHAD NAHARIN [ ENTRÉE AU RÉPERTOIRE ] Création en 2006 par la Batsheva Dance Company
Chorégraphie Ohad Naharin Musique Arvo Pärt Costumes Eri Nakamura Ballet de l’Opéra national du Rhin Spectacle présenté avec des musiques enregistrées
MULHOUSE
STRASBOURG Opéra
La Filature me 14 mars 20 h je 15 mars 20 h ve 16 mars 20 h COLMAR Théâtre
je 19 avril 20 h ve 20 avril 20 h sa 21 avril 20 h di 22 avril 15 h lu 23 avril 20 h
sa 28 avril 20 h di 29 avril 15 h PRIX : de 6 à 38 €
SCÈNES ES OUVERT
L’université de la danse Conférence dansée MULHOUSE Studios du Ccn je 15 février 19 h sur inscription ballet@onr.fr Coulisses studio Répétition ouverte MULHOUSE Studios du Ccn ma 6 mars 18 h sur inscription ballet@onr.fr « Prologue » introduction de 15 min., 30 min. avant chaque représentation Répétition publique sur scène MULHOUSE La Filature ve 9 mars 18 h Danse à l’université Conférence dansée STRASBOURG Université Le Portique ma 10 avril 18 h 30 en partenariat avec France 3 Grand Est
grand est
P. 38 – 39
Il s’agit dès lors de trois ballets à la fois singuliers mais qui présentent des points saisissants de convergence. Peutêtre convient-il de dire que ce sont deux danses marquées presque irrémédiablement par le conflit et qui prennent la forme tantôt de ce rythme heurté, à la recherche d’une équilibre impossible, étiré entre l’extrême contraction des corps et leur brutal relâchement, tantôt de cette confrontation psychologique irrésolue, à laquelle donnent vie les danseurs et dont l’être entier est mobilisé. Ou bien est-ce l’association d’un pionnier de la danse israélienne qui a su dépasser les limites de son art et d’un chorégraphe en train d’expérimenter les frontières poreuses entre inconscient et chorégraphie. Si les trois ballets sont à couper le souffle, ils restent aussi des découvertes pour la compagnie et vont permettre aux danseurs d’acquérir de nouveaux outils dans l’idée de devenir plus libres et maîtres de leur corps car, pour reprendre les mots de Bruno Bouché, « ces projets-là, ces approches-là sont des approches qui transforment. Des chemins de travail tellement intenses qu’ils ne laissent pas indemnes mais métamorphosent ».
Pièce pour 5 danseurs Gil Carlos Harush © DR
En représentant des conflits psychologiques, des tensions impossibles à résorber sans le secours de l’expression chorégraphique, Carlos Harush s’inspire souvent d’une idée, d’une émotion pour ensuite en déduire un monde et, en s’aidant comme il le fait toujours d’une création musicale, former un objet inédit qui constitue aussi une tentative de résolution. L’art se donne dès lors pour objet d’explorer la nature humaine, c’est-à-dire d’en restituer la source émotive, sensible, toujours fuyante et invisible. Le travail du chorégraphe consiste, dès lors, à remonter à cette source trouble et liquide au sein de laquelle les danseurs se débattent, dans la limpidité de l’expression corporelle.
sindbad,
Š plainpicture/Mohamad Itani
a journey through living flames
SINDBAD, A JOURNEY THROUGH LIVING FLAMES / HOWARD MOODY Livret de Howard Moody Créé au Théâtre Royal de La Monnaie de Bruxelles le 14 février 2014
RÉINVENTER UNE CITÉ DE LA PAIX Par Howard Moody
S’
ouvrir à l’autre, c’est-à-dire accueillir sa parole, comprendre ses blessures, apprendre ses récits, offrir son regard. En temps de guerre comme en temps de paix. Le compositeur et chef d’orchestre anglais Howard Moody a créé en 2014, au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, un opéra participatif à nul autre pareil à partir de la figure de Sindbad. Un opéra avec des jeunes et pour les jeunes. L’Opéra national du Rhin en propose une nouvelle production qui associe des adolescents de nombreuses classes du Haut et du Bas-Rhin, deux chanteurs de l’Opéra Studio et l’Orchestre symphonique de Mulhouse. Une expérience unique pour ceux qui seront sur scène et dans la salle.
Dans le récit initial raconté par Shéhérazade, il y a deux Sindbad – un homme riche et un homme pauvre – qui se rencontrent à Bagdad, « la Cité de Paix ». Les deux hommes incarnent la phrase du marin « une main pour le bateau, une main pour vous-mêmes » donnant et recevant à parts égales, sans oublier l’instinct de survie. D’abord nous voyons Sindbad le Portefaix,
transportant de lourdes charges sur sa tête. Il passe devant la magnifique demeure du marchand Sindbad le Marin et est invité à y entrer. Les deux Sindbad se rencontrent, étonnés de porter le même nom. Une fois que le pauvre Sindbad (le portefaix) est assis à la table du dîner, le riche Sindbad (le marchand) se met à raconter ses voyages à ses nobles invités. Après chaque récit, le marchand donne cent pièces d’or au porteur, le remerciant ainsi de sa compagnie et d’avoir écouté son histoire. Dans ma version, la générosité de Sindbad l’Explorateur l’incite à partager son expérience avec un groupe d’enfants, orphelins depuis peu, qui vont finalement devenir de vrais Sindbad dans l’âme lorsqu’ils auront découvert ensemble les extrêmes de la beauté et de la laideur. Quelques semaines après avoir été invité à écrire un opéra sur Sindbad, j’ai commencé à voir des Sindbad partout ! À la radio, j’ai entendu l’interview d’un homme qui s’était rendu à Halabja (ville au nord-est de Bagdad) après le massacre à l’arme chimique visant les Kurdes, en mars 1988. Il avait chargé les dépouilles de sa famille dans sa camionnette afin de leur donner une sépulture décente. Interrogé sur les conséquences du massacre, il déclara qu’il faudrait un siècle pour guérir P. 40 – 41
La lecture des histoires originales de Sindbad racontées dans les Mille et Une Nuits me procure un sentiment d’optimisme merveilleusement intemporel. Elles nous parlent d’un explorateur pittoresque qui, s’il revient régulièrement chez lui, ne tarde pas à repartir en quête de nouvelles expériences stimulantes. Ses sept voyages sont racontés sur le mode fantastique, comme des séquences oniriques émaillées de découvertes, de défis et d’émotions fortes. Son moi profond se manifeste sous forme de monstres, de créatures mythiques et d’obstacles, mais instinctivement Sindbad trouve toujours un moyen de traverser ces épreuves, invitant le lecteur à vivre avec un courage similaire. Mais comment montrer ce personnage sur scène et à travers la musique, avec plusieurs dizaines d’enfants, des choristes, deux solistes et un orchestre ? Comment cette histoire est-elle vécue de nos jours ?
OPERA JEUNE PUBLIC SINDBAD / HOWARD MOODY
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L’étape suivante visait à découvrir Shéhérazade. Son histoire de survie m’a toujours intrigué. Son statut mythique en fait une sorte de déesse symbolisant le pouvoir de la femme. Elle recourt au pouvoir d’envoûtement qu’elle exerce grâce aux contes pour empêcher le roi Shahryar de la tuer elle, mais aussi sa sœur et toutes les autres filles de ses concitoyens. Dans un sens, elle est le personnage le plus réel des contes d’origine. Cherchant à savoir comment elle est perçue dans la Bagdad d’aujourd’hui, j’ai appris qu’une statue avait été érigée en son honneur dans un jardin public du centre-ville. Cette œuvre, créée en 1972 par le sculpteur irakien Mohammed Ghani Hikmut, a survécu aux récents bombardements et a duré plus longtemps que la statue de Saddam. J’ai été particulièrement ému par l’anecdote d’un policier local qui avait décidé de l’arroser à la lance pour la nettoyer un peu ! Les habitants disent que cette statue est capable de les transporter dans un autre monde, qu’elle leur apporte un peu de réconfort face à la tristesse que leur inspire la situation
de leur ville. Voilà qui était déjà une source d’inspiration suffisante pour commencer à imaginer un rôle pour Shéhérazade (…) J’ai reçu un magazine d’actualités avec l’image d’une colombe blanche portant le drapeau européen en couverture ; il date du moment où l’Union européenne s’est vu décerner le prix Nobel de la paix. Le titre interrogeait : « La paix à l’heure actuelle – Est-ce grâce à Bruxelles ? » Comme dans l’histoire originale de Sindbad, la responsabilité d’obtenir le titre de « Cité de la Paix » doit être une réalité pour tous les jeunes citoyens des villes européennes. On m’a ensuite offert le livre Memories of Eden de Violette Shamash. Elle y décrit les changements vécus par la communauté juive, des gens cultivés et bien intégrés dans la Bagdad du début du XXe siècle, avant que la terreur ne s’abatte sur la ville dans les années 1940. Grâce à ce témoignage, l’occasion unique que ce projet offre à tous ces enfants issus de milieux culturels différents – pouvoir se réunir sur la scène de l’opéra de leur propre Cité de Paix – prend un sens encore plus prégnant.
SYNOPSIS
Howard Moody © DR
la blessure laissée par cette attaque brutale, mais qu’il avait entrepris ce voyage dans l’espoir qu’un jour, il y aurait la paix. Il lui importait beaucoup que cette histoire ne tombe pas dans l’oubli. Immédiatement, je me suis senti attiré par cet homme, un Sindbad de notre temps qui s’était lancé dans une aventure éprouvante, mais qui avait réussi à traverser ce monde de terreur tout en demeurant capable d’en parler sans haine. Il a également évoqué la responsabilité des prochaines générations.
La torche enflammée de la statue de Shéherazade se reflète dans les yeux de Sindbad lorsqu’il se met à parler du pouvoir de l’amour aux enfants. Ce n’est qu’avec l’amour qu’ils seront capables de guérir les blessures des générations précédentes et qu’ils trouveront la force de réer une « Cité de Paix ». Il exhorte les enfants à être pleins de vitalité et de force, mais ils doivent quitter la ville immédiatement pour aller vers la liberté et la sécurité. Inspirés par le désir de Sindbad de trouver un lieu « au-delà du bien et du mal », ils se mettent en route.
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Comme dans l’histoire originale de Sindbad, la responsabilité d’obtenir le titre de « Cité de la Paix » doit être une réalité pour tous les jeunes citoyens des villes européennes.
Je n’avais toujours pas de titre, mais j’ai alors rencontré un ingénieur qui travaille pour une compagnie pétrolière très lucrative en Azerbaïdjan. Il a évoqué les tensions politiques qui surgissent quand les gens deviennent avides et les maux qui en résultent, mais ensuite il a parlé de la géographie de cette région où le gaz naturel jaillit de l’écorce terrestre. Dès qu’il m’a dit que l’Azerbaïdjan est aussi appelé « Pays des Flammes », j’ai su que j’avais trouvé le titre de ma nouvelle pièce ! Je me suis intéressé à la culture de ce pays si prospère qui fait partie du monde iranien, le cadre des contes des Mille et Une Nuits. Fasciné par une région qui englobe les Mille et Une Nuits, les temples du feu de l’ancienne religion du Zoroastrisme (remontant à 1200 av. J.- C.), la poésie farsi de Djalal al-Din al-Rumi du XIIIe siècle et son histoire actuelle si présente, je me suis senti prêt à écrire. Mais le hasard a voulu que je tombe encore sur un autre texte, écrit par saint Jean de la Croix : le Oh llama de amor viva (Ô vive flamme d’amour) qui fait suite à son Cantique spirituel. C’est un poème qui, tout comme les contes de Shéhérazade, date d’une époque (la fin du XVIe siècle en Espagne) où il était trop dangereux de dire la vérité autrement que par le biais d’une histoire ou d’un poème. À l’instar de tant d’autres artistes, saint Jean de la Croix fut jeté en prison à cause de son désir (partagé par Thérèse d’Avila) de réformer le Carmel. Quant au poème évoqué, c’est à Bruxelles qu’il fut découvert et publié pour la première fois sous sa forme initiale, en 1627. L’image d’une flamme symbolisant l’amour et les possibilités de l’imagination humaine m’a renvoyé à Shéhérazade, dont l’imagination flamboyante a créé le personnage de Sindbad, si courageux et motivant. La musique et les paroles ont commencé à jaillir simultanément. Et au moment d’achever la partition, j’ai été particulièrement ébranlé en entendant les rumeurs d’attaques à l’arme chimique en Syrie. Encore un autre appel à l’esprit de Sindbad.
SINDBAD, A JOURNEY THROUGH LIVING FLAMES HOWARD MOODY [ NOUVELLE PRODUCTION ] Opéra jeune public Direction musicale Howard Moody Conception et mise en scène Sébastien Dutrieux Collaboration aux mouvements Friederike Schulz Sindbad Igor Mostovoi Shéhérazade Marta Bauzà Petits chanteurs de Strasbourg – Maîtrise de l’Opéra national du Rhin Établissements scolaires du Bas-Rhin et du Haut-Rhin Orchestre symphonique de Mulhouse En différentes langues, surtitrages en français et en allemand
COLMAR Théâtre me 4 avril 14 h 30 & 19 h STRASBOURG Opéra di 8 avril 10 h 30 & 15 h MULHOUSE La Sinne sa 21 avril 14 h 30 & 19 h
– Traduction: Juliane Regler PRIX : de 6 à 25 € P. 42 – 43
Source : programme de Sindbad du Théâtre de la Monnaie, Bruxelles – février 2014
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BOUTIQUE WOLFORD 15 rue de la Mésange 67000 Strasbourg Tél: 03 88 22 70 64 wolford.com
illustration d’après Pechu
Le parking Opéra Broglie aux cotés de l’Opéra national du Rhin.
Chez Parcus, vous avez la meilleure place.
Photo de la mannequin retouchée.
LES INVITÉS
»» vite dit »» *!* Céline Nunigé et Thomas Hinterberger ont été nommés solistes du Ballet de l’Opéra national du Rhin en janvier 2018. Bravo à eux ! La compagnie compte désormais 6 solistes et 26 danseurs. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
*!* Metteur en scène l’automne dernier des Nozze di Figaro, Ludovic Lagarde est le directeur de la Comédie de Reims qui propose du 7 au 18 février une nouvelle édition de l’excellent festival « Scènes d’Europe » rendezvous annuel de la création théâtrale, chorégraphique et musicale. www.scenesdeurope.eu >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
*!* Giuliano Carella, qui a dirigé avec grand succès l’Orchestre philharmonique de Strasbourg dans Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai, retrouve le Staatsorchester de l’Opéra de Stuttgart, à partir du 25 mars, pour une nouvelle production de Don Pasquale de Rossini dans une mise en scène de Jossi Wieler et Sergio Morabito. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
*!* Au Centre PompidouMetz, nous vous engageons chaleureusement à aller découvrir la superbe exposition « Japanorama. Nouveau regard sur la création japonaise ». Un premier déplacement imaginaire et enthousiasmant en direction du pays du soleil levant comme préambule à notre festival ARSMONDO JAPON. L’exposition est visible jusqu’au 5 mars. www. centrepompidou-metz.fr >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
*!* Patrick Davin, actuel directeur musical de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, dirige l’Orchestre symphonique de Lorraine,
les 8 et 9 mars, avec un programme Charles Edward Ives, Philip Glass et Dimitri Chostakovitch. www.operanational-lorraine.fr >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
*!* Pour ceux d’entre vous qui ont apprécié la mise en scène de Francesca da Rimini et qui se rendent dans la péninsule ibérique au cours des prochains mois : Nicola Raab propose une nouvelle production d’Elektra de Richard Strauss au Teatro Nacional de Sao Carlos de Lisbonne en février et une nouvelle production d’Il Corsaro de Giuseppe Verdi au Palau de les arts Reina Sofia à Valence en mars et avril. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
*!* Splendide concert en perspective au PMC salle Erasme le 8 février avec L’Ascension, quatre méditations symphoniques d’Olivier Messiaen, Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, et le Concerto pour main gauche interprété par PierreLaurent Aimard. Marko Letonja est à la tête de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg dont il est le directeur musical. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
*!* Quelques nouvelles de chanteurs que vous avez pu découvrir depuis le début de la saison sur la scène de l’OnR. Notre Comte Almaviva, Davide Luciano, après avoir interprété Belcore dans une série de représentations de L’Elisir d’amore de Donizetti au Metropolitan Opera, sera Figaro dans Il barbiere di Seviglia de Rossini au Teatro Regio de Turin et Don Giovanni dans une production mozartienne de la Deutsche Oper de Berlin. Vannina Santoni, notre Comtesse,
interprétera, en février, le rôle de la princesse dans une rareté de Henri Rabaud, Marouf savetier du Caire, à l’Opéra national de Bordeaux, puis, en mars, Juliette dans une nouvelle production de Roméo et Juliette de Gounod à l’Opéra de Nice. Elle y retrouvera Catherine Trottmann, notre Cherubino, qui, elle, chantera le rôle de Stéphano dans ce spectacle. Lauryna Bendžiunaité, qui chanta Susanna à Strasbourg et à Mulhouse, reprendra le rôle de Dalinda dans Ariodante de Haendel à l’Opéra de Stuttgart au cours des mois de février et mars. Notre magnifique Francesca, Saioa Hernández, sera, en mars, La Gioconda dans une nouvelle production de l’opéra d’Amilcare Ponchielli au Teatro municipale de Piacenza. Marcelo Puente, notre Paolo dans Francesca da Rimini, quant à lui, est en Australie pour chanter Don José dans une série de représentations de Carmen au Sydney Opera House. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
*!* Au moment où nous bouclons l’édition de ce numéro de OnRLeMag, nous apprenons que le metteur en scène et cinéaste Kirill Serebrennikov, auquel nous avions consacré plusieurs pages dans notre magazine précédent en raison de son arrestation arbitraire à Moscou, a vu son assignation à résidence prolongée de trois mois supplémentaires. Plus que jamais, parlons de Kirill Serebrennikov, ne cessons pas d’en parler afin que la situation absurde et tragique que vit ce grand artiste ne soit pas oubliée. #FreeKirill
P. 44 – 45
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calendrier Informations communiquées sous réserve de modifications
STRASBOURG
MULHOUSE
COLMAR
FÉVRIER ve
02
Chaplin
Filature 20 h
sa
03
Chaplin
Filature 20 h
sa
03
Bonsoir Maestro ! Ariane Matiakh
di
04
Chaplin
Filature 15 h
me
07
Coulisses studio (Famille) / Beaux dormants
Ccn 16 h 30
je
08
Rencontre autour de Werther
Kléber 18 h
ve
09
Werther
Opéra 20 h
sa
10
Midi lyrique / Roméo et Juliette
Opéra 11 h
di
11
Werther
Opéra 15 h
ma
13
Werther
Opéra 20 h
me
14
Récital Georg Nigl
Opéra 20 h
je
15
Classe ouverte
Ccn 12 h
je
15
Université de la danse / Plus loin l’Europe
Ccn 19 h
je
15
Werther
Opéra 20 h
sa
17
Werther
Opéra 20 h
je
22
Les Beaux dormants
Sinne 19 h
ve
23
Les Beaux dormants
Sinne 19 h
sa
24
Les Beaux dormants
Sinne 15 h et 19 h
Ccn 10 h
Opéra 18 h
MARS je
01
Classe ouverte
ve
02
Ouverture de l’exposition Mishima
BNU 18 h
ve
02
Conférence Mishima
BNU 18 h 30
ve
02
Werther
Filature 20 h
di
04
Werther
Filature 15 h
di
04
Les Enfants Loups, Ame & Yuki
ma
06
Coulisses studio / Plus loin l’Europe
Ccn 18 h
ve
09
Répétition publique / Plus loin l’Europe
Filature 18 h
ve
09
Conférence Mishima
BNU 18 h 30
sa
10
Le fil blanc de la cascade
Cinéma Odyssée 20 h
me
14
Mercredi découverte / Lumière
Opéra 14 h
me
14
Conférence Mishima
BNU 18 h 30
me
14
Plus loin l’Europe : Israël
je
15
Colloque Murakami
Espace Django 17 h 30
Filature 20 h
US
je
15
Plus loin l’Europe : Israël
ve
16
Colloque Murakami
Filature 20 h
US
ve
16
Plus loin l’Europe : Israël
lu
19
Le Japon, une modernité singulière
Kléber 18 h
ma
20
Rencontre autour du Pavillon d’or
Kléber 18 h
me
21
Colloque Corps et message
US et Opéra
me 21 Conférence Mishima
Palais Universitaire 14 h 30
me
21
Le Pavillon d’or
Opéra 20 h
je
22
Colloque Corps et message
US et Opéra
je
22
Récital Pumeza Matshikiza
Opéra 20 h
je
22
Les Beaux dormants
ve
23
Colloque Corps et message
US et Opéra
Filature 20 h
CDE 19 h
STRASBOURG
MULHOUSE
COLMAR
MARS ve 23
Lecture du Pavillon d’or & Regard sur la création musicale japonaise 1
ve
23
Les Beaux dormants
sa
24
Midi lyrique / Impressions nippones
Opéra 18 h 30
sa
24
Les Beaux dormants
sa
24
Regard sur la création musicale japonaise 2
Opéra 17 h
sa
24
Le Pavillon d’or – Prologue et épilogue en japonais
Opéra 20 h
di
25
Ateliers manga, origami, calligraphie & pixel art
Opéra 11 h - 16 h
di
25
« Irodori », entre musique traditionnelle et jazz
Opéra 11 h
di
25
L’Opéra Studio au Soleil Levant
Opéra 14 h
di
25
Concours de Cosplay
Opéra 17 h
lu
26
Conférence Mishima
BNU 18 h 30
ma
27
Le Pavillon d’or
Opéra 20 h
ma 27 La pensée de Keiji Nishitani entre Orient et Occident
Centre Emmanuel Mounier 20 h 30
me
28
CDE 19 h
Opéra 11 h
Conférence dansée
Opéra 18 h 30
me 28
Regard sur la création musicale japonaise 3 & rencontre autour de la création musicale contemporaine au Japon
Opéra 20 h
je
29
Conférence dansée
Opéra 18 h 30
je
29
Le Pavillon d’or
Opéra 20 h
Le Pavillon d’or
Opéra 20 h
CDE 15 h
AVRIL Ma
03
me 04 Sindbad di
08
Sindbad
Opéra 10 h 30 et 15 h
ma
10
Danse à l’université / Plus loin l’Europe
US 18 h 30
je
12
Dîner sur scène
Opéra 19 h 15
ve
13
Conférence dansée
ve
13
Dîner sur scène
Théâtre 14 h 30 et 19 h
Filature 18 h
Opéra 19 h 15
ve
13
Le Pavillon d’or
sa
14
Dîner sur scène
Filature 20 h
Opéra 19 h 15
di
15
Ateliers manga, origami, calligraphie & pixel art
Filature 14 h – 17 h
di
15
Le Pavillon d’or
Filature 15 h
Ccn Centre chorégraphique national 38 Passage du Théâtre, Mulhouse CDE Comédie De l’Est 6 route d’Ingersheim, Colmar CMD Cité de la musique et de la danse 1 place Dauphine, Strasbourg Kléber Librairie Kléber, Salle Blanche 1 rue des Francs-Bourgeois, Strasbourg US Université de Strasbourg 4 rue Blaise Pascal, Strasbourg BNU 6 place de la République, Strasbourg Centre Emmanuel Mounier 42 rue de l’Université, Strasbourg Espace Django 4 impasse Kiefer, Strasbourg Cinéma Odyssée 3 rue des Francs-Bourgeois, Strasbourg
P. 46 – 47
Dans le cadre du Festival ARSMONDO JAPON
23
février
KAOUTHER ADIMI
Clair de Lune sur la SEINE
DU 23 AU 28 MAI 2018
VENISE, au cœur du bel canto DU 8 AU 12 JUIN 2018
Le DANUBE, visions des romantismes DU 3 AU 8 NOVEMBRE 2018
Vos avantages • Alain Duault, conférencier à bord de toutes les croisières • François Chaplin, directeur artistique • Concerts à bord et soirées dans des lieux d’exception • Participation d’artistes de renommée internationale • Visites thématiques incluses ou optionnelles • Croisières en pension complète avec boissons incluses à bord
Croisières musicales
Avec la participation de : Alain François DUAULT CHAPLIN
RENSEIGNEMENTS ET RÉSERVATIONS :
0 825 333 777
0,15 € / min
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