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Habitat intergénérationnel

La Bonne Étoile

Emmanuel Kling, 57 ans, est un ex-professionnel du bâtiment qui affiche « trente ans d’activité en tant que promoteur immobilier ». Il préside aux destinées de l’association qu’il a rejointe en tant que bénévole depuis une quinzaine d’années. Il en résume en peu de mots les objectifs : « Il s’agit d’aider les personnes qui ont eu un accident de la vie, de les loger avec des conditions de loyers abordables et de les accompagner pour leur permettre de rebondir. Les bailleurs classiques n’ont évidemment pas le temps de le faire et si nous, nous y parvenons, c’est parce que nous pouvons compter sur beaucoup de bénévoles d’une part, mais aussi des salariés. Ce modèle est tout à fait unique sur ce créneau… »

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Au tour de Murielle Bour, la directrice de l’association, de préciser plus avant son fonctionnement : « Nous existons depuis trente-cinq ans au niveau national » ditelle. « C’est à la fois beaucoup, mais peu, pour bénéficier en tout cas d’une notoriété spontanée appréciable. Habitat & Urbanisme Alsace-Nord existe, elle, depuis 2008. Nous avons deux canaux pour aider à fournir un logement : une société civile foncière qui peut devenir propriétaire comme c’est le cas ici dans notre immeuble de l’avenue du Rhin, mais nous agissons aussi par le biais de la mobilisation du parc privé existant à des fins sociales. Ainsi, dans le Bas-Rhin, le levier des propriétaires solidaires comme nous les appelons, est assez conséquent : ils sont 195 et ça représente 247 logements. Auxquels il faut ajouter les 89 logements qui sont la propriété de la société civile foncière. Il me faut tout de suite préciser que nous logeons ces personnes, c’est-à-dire qu’elles sont locataires chez nous ou chez les propriétaires solidaires qui, en contrepartie, bénéficient d’avantages fiscaux intéressants. »

Habitat intergénérationnel

La Bonne Étoile: un surprenant et séduisant modèle pour le «vivre ensemble». Face à la galerie marchande de Rivétoile, à l’entrée de l’avenue du Rhin à Strasbourg, un immeuble dont l’extérieur ne raconte rien de plus que cette triste succession de tant d’autres sur cet axe qui concentre à lui seul tant de tares LA GENÈSE de l’époque. Mais il est joliment nommé DE LA BONNE ÉTOILE

«La Bonne Étoile». Et une fois la porte Nous réalisons vite que nous sommes là poussée, c’est une tout autre histoire qui face à un modèle économique performant. apparaît, où il est question d’humanisme, Murielle Bour nous apprend qu’au niveau d’insertion, de liens authentiquement de la société civile foncière, deux levées de fond de 12 millions d’euros chacune solidaires et de solitudes brisées. sont réalisées chaque année. « Ce modèle

Bienvenue chez Habitat & Urbanisme clairement capitalistique est reconnu par l’Autorité des Marchés financiers » précise Alsace-Nord… Francis Ehrhart, le trésorier de l’association

«Il s’agit d’aider les personnes qui ont eu un accident de la vie.»

Emmanuel Kling

(un ex-directeur administratif et financier aujourd’hui à la retraite). « Ce qui m’a plu chez Habitat & Humanisme, c’est à la fois d’être en permanence dans l’innovation, mais aussi d’avoir les moyens de réaliser nos projets, c’est-à-dire allier l’économique et le social » surenchérit Emmanuel Kling.

Si l’expression « bien vivre ensemble » est depuis bien longtemps accommodée à toutes les sauces en matière de logement social, elle trouve ici une application très concrète. Depuis août 2020, La Bonne Étoile offre 45 logements à des jeunes étudiants ou salariés de moins de trente ans, à des familles monoparentales et à des personnes âgées en situation de précarité ou des personnes en situation de handicap.

L’immeuble comporte également des espaces communs comprenant une cuisine collective et un espace pour les activités de la maison intergénérationnelle et de l’association locale Habitat et Humanisme Alsace Nord. Cet espace peut également s’ouvrir à d’autres partenaires.

Un salon, une laverie commune (trois machines à laver et deux sèche-linge), un local à vélos et poubelles, un jardin avec terrasses et bacs de jardinage occupent également le lieu.

« Ce projet remonte à huit ans », se souvient Emmanuel Kling. À l’époque il a fallu convaincre le propriétaire du terrain, le Conseil départemental du Bas-Rhin, et pour cela, nous avons fait visiter aux élus notre toute première maison intergénérationnelle qui se situe à Lyon, le berceau d’Habitat & Humanisme qui, à ce jour, réunit 57 associations locales couvrant 80 départements. Nous les avons convaincus que nous pouvions mettre en œuvre à Strasbourg un véritable projet innovant. Ils nous ont alors soutenus pour créer l’Agence Immobilière à Vocation Sociale qui a pu répondre ensuite à un appel d’offres mixte entre la CUS, à l’époque, et le Conseil départemental. Nous avons répondu en mixant le junior et le senior dans notre proposition et c’est ainsi que cette maison a pu voir le jour.

Opéra national du Rhin Saison ’22’23

Opéra

Histoire(s) d’opéra Until the Lions Thierry Pécou Le Chercheur de trésors Franz Schreker La Flûte enchantée W. A. Mozart Petite Balade aux enfers C. W. Gluck La Voix humaine Francis Poulenc / Anna Thorvaldsdottir Cenerentolina Gioachino Rossini Candide Leonard Bernstein Le Couronnement de Poppée C. Monteverdi Le Conte du Tsar Saltane N. Rimski-Korsakov Turandot Giacomo Puccini

Danse

Le Joueur de flûte Béatrice Massin Until the Lions Thierry Pécou Giselle Adolphe Adam / Louise Farrenc Martin Chaix Spectres d’Europe Lucinda Childs David Dawson / William Forsythe

(de gauche à droite) Emmanuel Kling, Murielle Bour, Francis Ehrhart

«Ce qui m’a plu chez Habitat & Humanisme, c’est à la fois d’être en permanence dans l’innovation, mais aussi d’avoir les moyens de réaliser nos projets, c’est-à-dire allier l’économique et le social.»

« Notre mission ne s’arrête pas à l’édification des maisons telles que La Bonne Étoile intervient Francis Ehrhart. Il nous faut ensuite mettre en œuvre et poursuivre l’indispensable accompagnement de nos locataires. Nous nous appuyons sur nos bénévoles, certes, mais il faut aussi professionnaliser, à un moment donné. Le challenge est donc de repérer ces professionnels, trouver les moyens de les rétribuer de façon pérenne et ensuite les recruter et les former. »

DÉNICHER DES MÉCÈNES

« Ici, deux salariés interviennent directement à La Bonne Étoile, la personne responsable de la Maison intergénérationnelle et une animatrice habitat inclusif qui intervient auprès des personnes en situation de handicap et également auprès des personnes âgées. En outre, quatre bénévoles s’impliquent également ici, de façon très régulière… » précise Murielle Bour qui se félicite aussi d’un bilan « humain » positif : « Globalement, ça se passe bien, et à tous les étages. Les quelques tensions se résorbent assez vite et sont somme toute assez rares, mais il faut bien comprendre que nous ne sommes clairement pas ici dans le cadre d’un foyer d’accueil, avec des règlements stricts qui s’imposent à tous : les gens sont chez eux, intégralement… » Questionné sur l’éventuelle généralisation de telles maisons intergénérationnelles, Emmanuel Kling se veut réaliste : « Le revers de la médaille de ce type de projets est qu’on ne se situe ni dans des cases ni dans des lignes budgétaires précises. Ici, par exemple, pour financer les 60 m2 d’espaces communs, il nous a fallu trouver des financements qui ne figuraient dans aucune des ressources conventionnelles. Dans ce cas, c’est la Fondation des Promoteurs Immobiliers (FPI) qui a permis de financer cet investissement. »

« Avec l’ouverture de cette Maison, l’association a vraiment changé d’échelle » précise Francis Ehrhart. « Auparavant, nos besoins de fonctionnement étaient couverts par l’aide de promoteurs immobiliers amis grâce un gala annuel qui nous rapportait 20 ou 25 000 € sans problème. La donne a changé aujourd’hui : il nous faut quatre à cinq fois plus. Nous connaissons à peu de choses près les montants des dons des particuliers et des entreprises ; pour cette année, par exemple, il nous reste à trouver près de 130 000 €. Nous sommes en train de mettre en route la machine à dénicher les mécènes et les fonds… »

« Je suis persuadé que l’avenir se situe dans une synergie plus grande avec d’autres associations qui poursuivent des buts communs ou très proches des nôtres » conclut Emmanuel Kling. Beaucoup de choses se passent, et autant elles que nous, ne sommes pas forcément au courant. Il y a des pistes très intéressantes qu’il nous faut mieux suivre… » S

Bernard Devert, le fondateur lyonnais d’Habitat & Humanisme il y a 35 ans, est un ex-promoteur immobilier devenu prêtre après une étonnante rencontre avec une locataire qu’il avait dû expulser d’un immeuble « en arrêté de péril » dont il avait fait l’acquisition. Cette locataire avait fait une tentative de suicide, il avait tenu à la rencontrer à l’hôpital et elle lui avait alors asséné : « Vous n’êtes pas tout à fait un salaud puisque vous êtes venu me voir, mais avec votre argent, vous avez quand même le pouvoir d’expulser les gens… »

La suite de cette histoire directement à l’origine de la naissance d’Habitat & Humanisme est à découvrir avec le lien suivant : https://youtu.be/ gjlYUYZyPZ4

Depuis sa création en 1985, Habitat & Humanisme a logé plus de 30 000 familles.

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