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Gabriel Delmotte (1876-1950) par Philippe Morel

En cette fin d’année marquant les 70 ans de sa disparition bien peu se souviennent qui fut Gabriel Delmotte y compris dans le département du Nord où il a vécu de 1876 à 1950. Souvenons-nous de ce personnage aux multiples facettes afin de tenter de le faire sortir de l’oubli.

L’industriel Gabriel Delmotte

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Né le 5 février 1876 dans la petite commune de Masnières située à 8 kilomètres au sud de Cambrai, Gabriel Delmotte nait dans un milieu ouvrier attaché à la verrerie qui fit la prospérité de cette localité, laquelle existe toujours. Suivant l’exemple de son père, Gabriel Delmotte se prépare à une brillante carrière dans les affaires. Après avoir étudié la chimie il entre en 1898 à l’Ecole Centrale de Paris avant de devenir ingénieur des arts et manufactures. Il exploite à partir de 1900 une fabrique d’aliments pour bétail dont la marque Sucréine connait un rapide succès. Fin 1917, la bataille de Cambrai voit la destruction de la fabrique entièrement reconstruite et

réorganisée après-guerre sous sa direction. Elle fonctionnera jusque vers 1930 où le déclin des ventes amena notre homme d’affaires à se reconvertir dans la fabrication du Targol, peinture bitumineuses toujours commercialisée. Membre de la Chambre de commerce et juge au Tribunal de commerce de Cambrai, Gabriel Delmotte était chevalier du Mérite agricole

L’homme politique Gabriel Delmotte

Cette hyperactivité appellera Gabriel Delmotte au Conseil Municipal de sa commune dont il devient maire dès 1912, fonction qu’il assurera jusque 1940, moment où, fuyant l’invasion, il s’installera temporairement dans le midi de la France jusque son retour en 1946. Du 29 avril 1928 au 31 mai 1932 il assure la fonction de député de la première circonscription de Cambrai, laquelle le passionne beaucoup moins que ses affaires et son passe-temps préféré ce qui lui valut d’être interpelé

de nombreuses fois par les présidents de séances le trouvant un peu trop « dans la Lune ». De son passage à l’Assemblée Nationale la communauté astronomique retiendra sa proposition de crédit d’un montant de 5 millions d’euros voté à la séance du 3 décembre 1931 en vue de l’installation du télescope de 120cm de l’Observatoire de Haute Provence et malheureusement refusé par le Sénat. On retiendra aussi son rôle important dans la création de l’observatoire de l’université des sciences de Lille réutilisant la lunette de 33cm de diamètre de Robert Jonckheere.

Le sélénographe Gabriel Delmotte

Bien qu’adepte de l’académie des beaux-arts de Cambrai et horloger à ses heures, Gabriel Delmotte était avant tout un passionné d’astronomie depuis son plus jeune âge. Utilisant d’abord une lunette de 75mm de diamètre il découvre la Lune qui deviendra très vite son objet de prédilection. Résidant à Cambrai durant ses jeunes années il y installe sur une terrasse une lunette équatoriale de 115mm de diamètre sous abri à toit roulant. A son arrivée à Masnières lors de l’installation de sa fabrique il construit un nouvel observatoire d’un type peu rependu car Gabriel Delmotte souffrait d’asthme et l’humidité des rives du canal de l’Escaut lui interdisait les observations en plein air. La solution adoptée fut donc celle du sidérostat polaire. Ce réfracteur d’un diamètre de l’ordre de 150mm était orienté vers le sol et visait un miroir plan orientable permettant de pointer les objets de la zone écliptique et l’oculaire pouvait ainsi être enfermé dans un espace abrité de l’humidité et du froid ambiants. Cet observatoire situé à proximité de l’habitation de Gabriel Delmotte a été occupée en 1940 par une entreprise allemande qui expédia en Allemagne les instruments et les cartes de la Lune. Le reste des archives astronomiques fut brulé dans la cour de l’usine. Les travaux de Gabriel Delmotte reposaient sur l’analyse des images de la Lune de l’Observatoire Lick ; les images d’amateur n’étant alors pas assez précises, et surtout sur l’observation visuelle transcrite par le dessin. En 1923 il publie aux éditions Blanchard Recherches sélénographiques et nouvelle théorie des cirques lunaires, étude tendant à prouver que le cirque Tycho constituait l’ancien pôle sud de la Lune. Gabriel Delmotte pensait aussi à l’origine magmatique de certaines formations lunaires en utilisant pour modèle expérimental l’éclatement de bulles de gaz carbonique à la surface de la pâte à crêpe. Echangeant ses observations avec l’ensemble de la communauté des sélénographes de son époque, tant amateurs que professionnels, Gabriel Delmotte fut très vite remarqué par l’Union Astronomique Internationale qui, en 1935, l’honora en lui attribuant un cratère de 32 km de diamètre situé près du cirque Cleomedes, au nord de la Mer des Crises.

Le monde de l’astronomie et Gabriel Delmotte

Auteur de nombreux articles parus dans les revues l’Astronomie et Ciel et Terre, Gabriel Delmotte était membre de la Société Astronomique de France depuis 1908 et de la Société Royale d’Astronomie de Belgique. Au sein de la première de ces sociétés, il fut secrétaire puis président de la commission lunaire. Plus près de Masnières et, de 1924 à sa disparition en 1950, il présida l’Association Astronomique du Nord. La correspondance astronomique de Gabriel Delmotte antérieure à 1940 à disparu durant l’occupation allemande mais celle de ses dernières années d’existence a miraculeusement été retrouvée pour partie il y a quelques années chez un libraire breton et, il y a très peu, trois cahiers d’observations lunaires et 7 cahiers manuscrits non publiés sous le titre Vers les merveilles du ciel chez un libraire parisien.

Que reste‐t‐il de Gabriel Delmotte ?

Devenu veuf Gabriel Delmotte s’est remarié avec Olga Bardin, née en 1896, donc, de 20 ans sa cadette, laquelle était encore de ce monde en 1989. Ils ont eu une fille, Isabelle aujourd’hui décédée, née en 1937 et dont le dernier prénom était Uranie. Mariée en secondes noces en 1973 avec un ingénieur, elle a eu une fille, Stéphanie, seule descendante directe de Gabriel Delmotte. A Masnières, son usine, sa maison et son observatoire ont disparu. Reste la maison de sa jeunesse à Cambrai, une merveille mélangeant le néo-gothique et l’Art-Nouveau et objet d’une magnifique restauration, où la terrasse du premier observatoire est toujours visible. Au TouquetParis-Plage où Gabriel Delmotte passait l’été, sa villa, « La Pochade » nommée de nos jours « La Chamade » de 220m² de surface habitable au 54 avenue de la Reine May, édifiée par l’architecte Arsène Bical (1884-1925) et aujourd’hui proposée à la location pour vacanciers fortunés …. Et un monument funéraire à l’entrée du cimetière de Masnières ou Gabriel Delmotte repose seul.

Illustrations :

1 : Portrait de Gabriel Delmotte au moment de son retour à Masnières vers 1915. 2 : Carte postale faisant la publicité de la Sucréine. 3 : L’observatoire avec toiture à éclipse conçu par Gabriel delmotte et installé sur une terrasse située dans le jardin de la maison de sa jeuness à Cambrai, © : Société Astronomique de France. 4 : Recherches sélénographiques et nouvelle théorie des cirques lunaires, ouvrage paru en 1923. 5 : Le livre et quelques morceaux choisis de la correspondance de Gabriel Demotte tels que présentés à l’exposition « Destination Lune » au musée ARKEOS de Douai. 6 : La maison de la jeunesse de Gabriel Delmotte à Cambrai. 7 : La terrasse qui jadis portait l’observatoire de Gabriel Delmotte à Cambrai. 8 : Les époux Delmotte sur le perron de leur villa « La Pochade » au Touquet-Paris-Plage. 9 : Détail du monument funéraire de Gabriel Delmotte situé à l’entrée du cimetière de Masnières. 10 : Le cirque lunaire Delmotte photographié dans la turbulence au C14 à Prisches. 11 : Dernière trouvaille : 3 cahiers d’observations de la Lune et 7 cahiers manuscrits : Vers les merveilles du ciel.

Remerciements :

à Monsieur Francis Noblecourt, maire de Masnières, à Madame Daniele Ledieu, propriétaire de la maison de Gabriel Delmotte à Cambrai, à Monsieur Jean Fort qui a connu Gabriel Delmotte et auteur de GABRIEL DELMOTTE Un astronome qui était souvent dans Ia Lune, Obs. Trav., No. 41, p. 24 – 32. à Madame Stéphanie Reix et Monsieur Thierry Cattiaut, descendants de Gabriel Delmotte.

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