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Les Astronews par Roland Boninsegna

Titan est un monde toujours dynamique : ses cratères en sont une preuve.

En utilisant les données de la mission internationale Cassini-Huygens, dédiée aux mondes de Saturne, les scientifiques ont mis en évidence, sur la plus grande des lunes de Saturne, Titan, deux types distincts de cratères qui sont soumis à l’érosion, encore aujourd’hui.

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Titan possède une atmosphère dense d’azote, un océan souterrain et une surface enrichie de montagnes, lacs, dunes et de nombreux autres détails terrestres. Cette surface est aussi blessée par des cratères d’impact, en nombre relativement restreint si l’on compare avec les autres lunes de Saturne. On pense que l’érosion a effacé la plupart des cratères sur Titan, comme cela se passe sur Terre. Etudier les cratères de Titan nous renseigne sur les transformations géomorphologiques à la surface, mais nous ouvre aussi une fenêtre sur la composition du sous-sol suite à l’impact qui a creusé ces cavités.

Anezina Solomonidou et ses collègues ont récemment publié un article dans la revue « Astronomy & Astrophysics » qui rapporte une analyse détaillée de neufs cratères sur Titan. Ce genre d’étude permet d’avoir une idée de l’intérieur de la lune et de l’influence de son atmosphère sur la surface. « Quand nous étudions le potentiel biologique d’un monde possédant un océan souterrain comme Titan, il est important de trouver des traces de matériel organique, par exemple des mélanges qui contiennent d’importants éléments, comme le carbone. » déclare Anezina. « Ceux‐ci peuvent être détectés à la surface et dans l’atmosphère après avoir été transportés depuis l’océan souterrain, qui est l’environnement le plus à même d’être habitable. Les cratères d’impact demeurent l’une des rares particularités géologiques qui dévoile des matériaux provenant de l’intérieur, offrant une rare opportunité de comprendre la composition intérieure de Titan. »

Six des cratères étudiés sont localisés dans les champs de dunes équatoriaux et les trois autres dans les plaines aux latitudes moyennes. Les scientifiques ont utilisé les données de deux instruments de la sonde orbitale Cassini, le « Visual and Infrared Mapping Spectrometer (VIMS) » et RADAR, en complément des informations récoltées à la surface de Titan par l’atterrisseur Huygens. RADAR a obtenu des données sur le potentiel de la surface d’émettre de l’énergie dans le domaine des micro-ondes. Cet instrument a permis de sonder la surface jusqu’à une profondeur de quelques dizaines de centimètres, révélant la composition du sous-sol. On pense que les zones de basse émission sur Titan indiquent la présence de glace d’eau, alors que les zones d’émission élevée trahissent la présence de composés organiques.

Les données de l’instrument VIMS ont été utilisées pour observer le fin voile qui recouvre la surface.

L’utilisation de cet instrument exige une compréhension sur l’absorption du méthane, le brouillard atmosphérique, données fournies par l’atterrisseur Huygens. L’équipe scientifique a ensuite utilisé un nouveau modèle pour étudier la composition du sol des cratères et celle des éjecta (le matériel éjecté autour de la zone d’impact lors de la formation du cratère).

Les résultats de cette étude ont montré que les cratères ont des compositions différentes selon qu’ils se trouvent dans les champs de dunes ou dans la plaine. Ces derniers sont composés d’un mélange de matière organique enrichie de glace d’eau, alors que les cratères présents dans les dunes sont majoritairement composés de matière organique sans glace d’eau. Les deux variétés ont une composition altérée montrant deux évolutions différentes.

Les données de VIMS montrent une différence de composition entre le sol à l’intérieur et les éjecta de cratères des dunes, ce qui est en opposition avec les résultats obtenus par RADAR. Cela suggèrerait que ces cratères ont pu être envahis par une fine couche de sable.

Par contre, la composition des cratères et des éjecta est généralement la même dans les plaines, cela signifierait, selon les auteurs, que ces formations ont été « nettoyées » de leurs sédiments. La cause en incomberait à l’érosion fluviale, ce qui confirmerait les précédentes prédictions concernant la plus grande quantité de pluie (de méthane) dans ces latitudes moyennes. Il existe deux cratères qui font exception à cette description, Menrva et Sinlap. Menrva est le plus grand cratère de Titan avec 425 kilomètres de diamètre, il est situé à cheval entre la zone de dunes et les plaines. Sinlap est considéré comme le plus jeune cratère du satellite naturel et, bien qu’il se trouve dans la région des dunes, il montre des signes de présence de glace d’eau et n’affiche pas les caractéristiques des autres cratères dans ces régions. Il n’est pas possible de le ranger ni dans l’une, ni dans l’autre catégorie des cratères de Titan. Il est aussi possible que, à l’origine, les cratères des champs de dunes contenaient de la glace d’eau qui fut ensuite recouverte de matériel organique, et la jeunesse de Sinlap montre que ce processus est encore en action actuellement. On suppose que l’érosion se met en place rapidement pour couvrir les jeunes cratères avec une fine couche de matériel organique.

« Titan semble avoir une composition dépendante de la latitude, ce qui se reflète également dans les cratères d’impact, » ajoute Anezina. « Cette dépendance en latitude semble dévoiler la plupart des secrets de Titan, cela nous montre que sa surface est activement liée à des processus atmosphériques et, probablement, à des évolutions internes. »

De futures enquêtes sur les cratères de Titan deviendront réalité dans le futur, avec la mission Dragonfly de la NASA, un atterrisseur qui rendra visite à Selk, un des cratères de la zone des dunes. Le lancement de la mission est prévu en 2027, une arrivée sur Titan en 2034 pour une étude de plusieurs sites différents sur cette remarquable lune de Saturne, la seule à posséder une atmosphère importante.

Une image couleur, prise par l’instrument VIMS de la sonde Cassini, montre les neufs cratères d’impact répartis sur les plaines et les dunes de Titan. Une étude récente s’est penchée sur la composition et l’évolution de ces cratères. Les zones coloriées en jaune montrent le sol à l’intérieur, en rouge, les éjecta autour de ceux-ci. Menrva est le plus grand d’entre eux, Selk sera visité par la mission Dragonfly de la NASA en 2034. Copyright: Solomonidou et al. (2020); background map: Le Mouélic et al. (2019)

On considère que Sinlap est le plus jeune cratère sur Titan. L’image de l’instrument RADAR est présentée en (a), celle de l’instrument VIMS en (b). Les deux images sont combinées en (c) avec des zones en jaune représentant le sol du cratère, des zones blanches la couverture du matériel éjecté par l’impact.

Cette image montre l’atterrisseur Dragonfly de la NASA à la surface de Titan, la lune principale de Saturne. Profitant de l’atmosphère dense de ce satellite, Dragonfly sera équipé de moteurs à hélices qui lui permettront de se déplacer dans l’atmosphère de Titan à la recherche de sites potentiellement intéressants. L’un de ceux-ci sera le cratère Selk. Décollage de la mission prévu en 2027, arrivée sur Titan en 2034.

Roland BONINSEGNA (à partir d’un article de l’ESA : https://sci.esa.int/web/cassini-huygens/-/cratersreveal-titan-is-still-a-dynamic-world)

BONINSEGNA Roland

Roland Boninsegna est un instituteur retraité, affecté en 1992 au CDPA où il animera la section astronomie pour les classes vertes jusqu’en 2004. Parallèlement, il développe sa passion via une participation active à des programmes scientifiques (GEOS, EAON, EAAE) et pédagogiques. Il anime également des soirées d’observations chez lui à Dourbes où il a installé un observatoire personnel bien pourvu et abrité (APEX). C’est un personnage bien connu du monde des astronomes amateurs en Belgique et à l’étranger, toujours disponible pour transmettre son savoir et sa passion. Il est notre chroniqueur Astronews depuis 2013.

Il est cofondateur du CNABH avec Jean Préaux, Alexandre Demeuldre & Patrice Wuine.

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