"La ville fabriqué, théories et dispositifs des villes nouvelles"

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Je voudrais remercier ma directrice de mémoire, Arlette Herat qui m’a suivi et accompagné dans mon mémoire tout au long de cette année. Son aide et son soutient ont été essentiel pour mener à bien ce travail.

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// SOMMAIRE //Préambule //Introduction 1/ Le modèle des Villes Nouvelles 1/ Un processus international d’après-guerre 2/ Variété des modèles 3/ La politique des Villes Nouvelles en France 2/ Deux modèles de Villes Nouvelles : Marne La vallée & Le Vaudreuil 1/ Processus de création A. La planification, un idéal à atteindre B. Théorisation des modèles 2/Application du modèle : Confrontation entre la théorie et la pratique A. Application du modèle B. Une réalité différente 3/ Constat du modèle A. Autonomisation de la ville B. Perspectives futures //Conclusion //Bibliographie //Iconographie 5


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La création de la ville a toujours été pour moi source d’interrogations. À travers ce mémoire j’ai eut l’occasion de tenter répondre à ces questions qui m’animaient.

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« La ville est invention et réinvention permanentes. Elle est ce que les hommes en font et non pas seulement ce que les hommes héritent. Elle nous surprend toujours. La recherche urbaine tente de déchiffrer sans cesse ce que la ville est devenue. Il n’y a jamais de résolution définitive des problèmes que pose la ville. Les problèmes urbains sont toujours nouveaux et pas seulement récurrents. » Y.Challas1, architecte et sociologue. 1

« L’invention de la ville » Yves Challas, ed. Antropos, 2003. p.10

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Historiquement la ville se définit par quelque chose d’idéal. La recherche de l’idéal est une réflexion qui hante les esprits dans le monde entier et fait l’objet de longues recherches depuis bons nombres d’années. Pour formaliser cet idéal, chaque siècle propose des lois, des règles, et des limites. Selon Claude Chaline2, urbaniste et spécialiste de la géographie et de l'aménagement des grandes métropoles, cette recherche est d’ores et déjà très présente dans la conception des villes depuis le début de l’histoire. En effet les villes chinoises et coréennes exploitent la forme normée, géométriquement organisée et règlementée. La ville grecque exerce sa domination sur un territoire de taille plus ou moins importante, délimité, duquel elle tire ses moyens de subsistance et établit des comptoirs avec des contrées lointaines. La Rome antique proclame que « La ville ne fut pas construite de manière discontinue et sans ordre»3. Au moyen âge, la « CitéEtat » fait émerger de la figure de l’Etat, qui met en place une nouvelle organisation avec ses lois propres. Au XIV ème siècle, c’est l’Italie qui tente d’y répondre faisant émerger la notion de «projet» établi par des méthodes et des théorisations. La Renaissance ne réalise son idéal que dans certaines interventions d’ordre ponctuel, et non sur la ville entière. Progressivement on tend vers un espace de plus en plus réglé et rationnel. La perfection est recherchée à travers le classicisme. La France fait l’objet de cette pensée qui au XVIIème siècle marque les théories urbaines d’un pouvoir fort. Le XIXème siècle tente, notamment par les grands travaux dirigés par le baron Haussmann, de moderniser la ville en traçant de grandes percées, requalifiant l’espace public et les bâtiments qui constituent la trame urbaine. À la fin du XIXème siècle naissent les Cités Jardins, des villes « hors de la ville », qui flirtent avec l’utopie, théorisées par Howard et Unwin en réactions aux villes industrielles 2 Que sais je « Les nouvelles villes dans le monde » Claude Chaline, ed presse universitaire de France 1995 3 L. Benevolo « Histoire de la ville »Editions Parenthèses, 1994 p.15

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marquées par l’insalubrité. Puis les modernes s’emparent de ce sujet dès 1920 et créent une discipline scientifique qui associe plusieurs compétences (architecte, hygiénistes, médecins, historiens) «l’urbanisme ». En planifiant l’espace, voulant traiter la ville dans son ensemble les modernes vont progressivement se focaliser sur le logement devenu un élément d’urgence à construire. Le logement collectif est alors l’élément essentiel à bâtir après la deuxième guerre mondiale, le problème étant leurs réalisations trop rapides, sans penser aux conséquences de ces dernières, déconnectées du contexte géographique et culturel. Un urbanisme raisonné et planifié est mis en oeuvre pour « répartir » la ville, trop dense, via le courant fonctionnaliste, et répartir les fonctions dans l’espace. Ces expérimentations rencontrent plusieurs échecs, c’est là qu’apparaît la limite. Se pose la question des outils pour manipuler cette nouvelle échelle qui semble immaîtrisable. Les « 30 glorieuses » marquent un tournant fondamental dans cette progression, tout s’est accéléré durant cette période qui marque le point de départ de notre sujet. Il y a donc un constant besoin de répondre de la manière la plus juste à la définition de ce que pourrait être la ville idéale et comment pourrait elle se formaliser. Au cœur des décisions, on retrouve toujours la participation d’une autorité supérieure. Que ce soit à l’époque de l’empire romain, en passant pas les grandes monarchies, jusqu'à l’après-guerre, la construction et le développement des villes pour répondre à un idéal et une esthétique, sont au cœur des débats. La ville doit rayonner mondialement, être un modèle. A travers elle s’exprime la force et le pouvoir de ses dirigeants. On ne peut donc pas nier que la ville représente une clé du pouvoir et qu’elle n’a été qu’une perpétuelle source de questionnement. En France, on peut constater que c’est dans la période post guerres mondiales que l’Etat adopte progressivement un rôle plus important et qu’il est 11


considéré par les habitants de l’époque, dans une situation de crise, comme l’un des générateurs de solutions. Il est à l’origine de la création ou re-création de la ville, donc par extension, de cet idéal tant recherché dans l’histoire. Il répond à des demandes et des besoins élémentaires pour le pays. Il devient littéralement un moteur de la ville. L’initiative de conception de la ville, ou « d’urbain »4, prend progressivement une orientation plus politique avec la mise en place de ministères et d’organismes spécialisés dans cette reconstruction du pays, ouvrant le champ à de nouvelles préoccupations encore jamais vraiment prises en considération précédemment. La ville se doit « d’être », c’est un élément qui se forme en réponse à des besoins d’ordre social, politique, ou économique. On vient à parler « d’aménagement du territoire » pour penser l’action publique à une échelle plus élargie, qui est nationale. Pour répondre à cet idéal on œuvre à la fois sur des terrains neufs et nus de tout investissements et sur des zones de reconstructions d’agglomérations dévastés. Les années 70 sont une période charnière qui a forcé et permis aux urbanistes, aux architecte, aux ingénieurs et aux pouvoir publics de se réunir pour produire de « la ville ». La ville est devenue le vecteur de la société, permettant à celle-ci de se développer et s’épanouir, générant des richesses, de l’économie et de l’attractivité. Il y a une volonté de construire de nouveaux espaces pour y développer de la vie. Cette idée qui apparaît dans les années 1970 est consciente des échecs rencontrés précédemment notamment avec les grands ensembles et les grandes opérations de logements massifs. Elle ne se formalise que progressivement au travers de l’initiative lancée par l’Etat des « Villes 4

Au sens ou l’entend F.Choay dans son ouvrage, « L'urbanisme, utopies et réalités : Une anthologie », Paris, Seuil, coll. « Points »,‎ 1965 (réimpr. 1er octobre 1979) ou l’urbanisme devient plus une science qu’une simple fabrication de la ville.

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Nouvelles ». Une longue opération qui a pour but de créer de toutes pièces neuf villes Françaises considérées comme des nouveaux outils d’aménagement du territoire donnant lieu à un rééquilibrage du paysage français. La ville une fois apparue, ne se suffit pas à elle même, elle nécessite toujours des remaniements, des modifications, ou des conquêtes de nouveaux espaces pour continuer à exister et perdurer. Selon Léonardo Benevolo, architecte et historien urbain, « La ville demeure une création historique particulière ; elle n’a pas toujours existée mais est apparue à un certain moment de l’évolution des sociétés, et peut disparaître ou être radicalement transformée à un autre moment. Elle n’est pas le fait d’une nécessité naturelle mais celui d’une nécessité historique qui a un début et peut avoir une fin »5. D’après cette affirmation et les questionnements qu’elle soulève, nous aborderons dans le déroulement de ce mémoire, la question de la ville, et plus exactement de la ville « fabriquée ». Nous nous intéresserons particulièrement aux théories et dispositifs mis en place pour ces villes nouvelle du 20ème siècle en France, pour comprendre comment ont elles été pensées. Sont elles le fruit de théories appliquées ou bien d’expériences urbaines fructueuses (comme nous avons pu le voir dans cette introduction)? Doivent elles répondre à des résultats ou des attentes particulier(e)s ? Peut on vraiment anticiper des résultats à si grande échelle ? Comment anticiper l’évolution économique sociale et politique ? En ont-elles fait les frais ? Enfin, rencontrent-elles des décalages entre théorie et réalité ? Et si c’est le cas, quels facteurs sont a l’origine de ces différences ? Peut on parler d’échec ? Et pour quelles raisons ? Pour répondre à ces questions, nous aborderons dans un premier temps la thématique des villes nouvelles d’un 5

L. Benevolo « Histoire de la ville »Editions Parenthèses, 1994 p.7

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point de vue général et définirons cette notion, pour nous concentrer ensuite sur le contexte Français et le projet d’origine qui a mené à la création de ces villes, de sorte à établir les enjeux qu’elles soulèvent. Nous nous focaliserons dans un deuxième temps sur deux Villes Nouvelles en particulier, qui sont très différentes l’une de l’autre ; Marne-La-Vallée et Le Vaudreuil. A travers ces deux exemples nous essaierons de comprendre leurs processus de formations, les théories qui leurs ont été appliquées, les attentes, ainsi que le résultat obtenue à l’arrivée.

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1/ Le modèle des Villes Nouvelles 1/ Un processus international d’après-guerre Lorsque l’on urbanise un espace, et que l’on lui « injecte » tous les éléments pour qu’il devienne une « ville » on parle de « Villes Nouvelles ». Le principe de ville nouvelle à la française est apparu dans plusieurs pays avec d’autres appellations mais toujours la même signification ; l’idée de quelque chose qui n’a jamais été fait avant. Pourtant, la théorie de villes nouvelles se rattache constamment à des modèles ou des construction précédemment réalisés ou théorisés. Les années 1960 ont été une période internationale de réflexion sur la ville nouvelle. On note en Angleterre les « New town » au nombre de 6, soit une association de collectivités locales qui mettent en place de nouvelles villes à partir d’une agglomération préexistantes. Aux USA, ce sont les « New communities », (treize agglomérations de 50 000 habitants) où la politique urbaine socio-économique visait à accélérer la production, favoriser le mixage social et créer des emplois. Pour ces deux modèles, l’état était à l’origine l’actionnaire majoritaire, puis ces villes se sont ouvertes à des investisseurs privés. On note les mêmes dispositifs de Villes Nouvelles en Suède, Finlande, Espagne, Pays Bas, etc... A travers ces exemples, on peut déduire que cette volonté de « créer » est latente dans les politiques Etatiques menées mondialement. 2/ Variété des modèles C. Charline définit des critères de conception et de mise en œuvre de ces villes nouvelles, notamment la démographie croissante et le développement de la ville elle-même, «La qualité des villes nouvelles […] avec l’amplitude d’une forte croissance du nombre des 15


habitants dans une durée de l’ordre de 2/3 décennies ; Amplitude d’autant plus spectaculaire que le niveau de référence est plus modeste » 6, la concordance avec le schéma général (en dehors des remaniements nécessaire), des ressources financières (emploi) et l’idée d’identification pour ses propres habitants qui doit faire émerger une vie urbaine. Selon lui, lorsqu’on parle de ville nouvelle et d’analyse du processus d’urbanisation, on ne peut mettre de coté que chaque « ville nouvelle est crée pour des fonctions spécifiques »7. Les objectifs de l’Etat mettent en jeux plusieurs facteurs qui sont d’attirer les investisseurs, de renforcer une identité et d’implanter soit un nouveau centre politique ou de rompre avec l’hégémonie d’une région. Pour incarner cette figure urbaine, l’espace traité, « doit non seulement répondre à une attractivité socio-économique pour avoir une communauté socialement équilibrée qui puisse jouir d’une grande autonomie fonctionnelle (centre commerciaux, équipement universitaires, équipement collectifs, mégastructures), mais aussi a une attractivité incarnée par les logements et l’emploi »8. Tout autant d’éléments qui caractérisent ainsi La ville. Dans les sociétés occidentales, le citoyen rencontre une certaine qualité de vie due à la sophistication du paysage urbain, aux décors...On cherche à rendre ces villes attrayantes. Elles doivent regrouper des intérêts économiques et démographiques. On ne parle plus d’une ville, mais d’un espace qui serait en connexion avec une grande métropole et qui aurait pour but de lui servir, par exemple : grands techno-centres, industries, logements, accessibilité et attrait financier. Selon le 6 Que sais je « Les nouvelles villes dans le monde » Claude Chaline, ed presse universitaire de France 1995 p.12 7 Que sais je « Les nouvelles villes dans le monde » Claude Chaline, ed presse universitaire de France 1995 p.15 8 Que sais je « Les nouvelles villes dans le monde » Claude Chaline, ed presse universitaire de France 1995 p.23

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modèle japonais, on ferait aujourd’hui des points pour élargir la métropole à «l’air métropolitaine » mais pas de ville nouvelle à proprement parler. Ce qui évite de juger la ville et ainsi de définir « l’échec » (Fujisawa par Kurokawa). Pourtant, comme le dit David Mangin dans son ouvrage « projet urbain », « Le véritable travail urbanistique consiste à savoir distinguer le permanant, l’éphémère, l’artificiel, et le superficiel.9 » Les Villes Nouvelles relèvent autant de critères de conception que de mise en œuvre puisque la concordance entre le schéma général et les mouvances qui peuvent être rencontrées lors de son application est aussi importante. Ce schéma doit donc être flexible pour pouvoir suivre la conjoncture économique. Les facteurs à prendre en compte, qui s’articulent réciproquement tel que le temps, le coût, et le lieu sont les principaux problèmes de réalisations des Villes Nouvelles. Il faut pour cela localiser et développer leurs points forts pour déclencher une impulsion restructurant le réseau régional. Les problématiques sont d’ordres territoriales puisqu’il faut savoir coexister avec le rural sur lequel on va « empiéter » mais aussi prendre en compte les centres anciens et les réactualiser pour qu’ils deviennent des pôles attractifs. Ces Villes Nouvelles rentrent dans d’après C. Chaline10, celles qui sont activité de production, et celle qui projet d’organisation à l’échelle de territoire.

deux catégories le support d’une contribuent à un la région ou du

C. Chaline organise les villes selon cinq grandes thématiques comme si elles devaient répondre à des objectifs précis de manière à avoir un impact territorial, à 9

« Projet urbain » David Mangin & Philippe Panerai, ed Parenthèse, 1999. p. 30 10 Que sais je « Les nouvelles villes dans le monde » Claude Chaline, ed presse universitaire de France 1995

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l’échelle du pays. Ainsi, on impulse des centres d’intérêts pour produire une attractivité particulière, non présente ailleurs. On note selon sa théorie : .Les villes monovalentes, basées sur le modèle de la ville-usine où se sont installées l’industrie et l’urbanisation. Ex le Canada, .Les Villes Nouvelles « pôles de croissance régionale », où l’activité à fort pouvoir d’impulsion se développe permettant la restructuration des réseaux régionaux. .Les cités scientifiques nouvelles aux fonctions principalement universitaires et scientifiques, favorisant le développement d’un tissu industriel consommateur de technologies avancées, proches des aire métropolitaines comme la ville de Marne-la-Vallée .Les Villes Nouvelles organisatrices d’un espace neuf ou l’extension des activités économique sur des espaces non habités. .Les Villes Nouvelles d’aménagement métropolitain. Londres et les huits nouvelles agglomérations crées de manière à dédensifier la ville. 3/ La politique des villes nouvelles en France En 1954, grâce à L’aide à la pierre de l’après-guerre (subvention publique à la construction de logements sociaux), la France enclenche sa reconstruction massive pour répondre à un besoin impératif de logements de sa population. Cette problématique se renforce dans les années 60, puisque le pays connaît une accélération de la croissance urbaine dût à une augmentation natalité et une immigration importante. Les réponses de l’époque dans un mouvement de planification urbaine (décentralisation de l’industrie et extension rapide des surfaces urbanisées) sont schématiquement les grands ensembles (fortement critiquées au vu des problèmes sociaux rencontrés, de la forme architectural ainsi que de la « monofonctionalité ») et les quartier nouveaux voir 18


rénovés, de type pavillonnaire (consommant beaucoup d’espace, souvent sous équipés, et entraînant un usage de l’automobile incontournable). On parle de « cité nouvelles » qui correspondent à des grands quartiers (Toulouse le Mirail, Creteil, Bobigny...). Les deux typologies principales d’urbanisation en vigueur constituent alors un réel problème pour les missions d’aménagement, d’autant plus qu’en parallèle, émergent de nouvelles formes d’urbanisation qui sont les taudis et les bidonvilles. Sous la 5ème république, on ne peut nier la croissance inéducable de l’urbanisation du Grand Paris (1963), cette idée remonte au moins à l’entre deux guerre si ce n’est plus tôt... On tente alors de répondre à ces problématiques en proposant une typologie de ville moins imposante, plus verte qui romps avec le model traditionnel de la grande ville, « une alternative pour répondre aux attentes quantitative et qualitative »11. D’après l’introduction de V. Pourequery de Boisserin (ingénieur général des ponts et chaussées, directeur général d’Epamarne), les villes nouvelles désignent « la création de toute formes nouvelles dans l’histoire».12 La décision de créer des Villes Nouvelles vient de l’expansion urbaine qui fait suite aux décisions prises par les ministres de la construction de l’époque (19531954, Pierre Courant et Maurice Le Maire), tandis que Paris ne cesse de s’accroitre (de 20 000 habitants sur la période de 1936 à 1954) et que sa banlieue compte alors 51 3000 nouveaux habitants (à la fin de cette même période). Pour répondre à ces demandes qui ne cessent d’évoluer, de nombreux organismes interministériels sont mis en place, pour avoir des réponses les plus justes au niveau régional et constituer un équilibre territorial. L’hypothèse d’implanter des villes nouvelles à 50 km du centre de Paris dans les années 11

Que sais je « Les nouvelles villes dans le monde » Claude Chaline, ed presse universitaire de France 1995 p25 12 « Marne la vallée, de la ville nouvelle à la ville durabe » C.Orillard & A.Picon, ed. Parenthèse, 2012

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60 est rejetée car elle est rattachée à tous les grands projets intérieurs qui sont à posteriori des échecs (Sarcelle, Creteil). Mais c’est Paul Delouvrier, délégué général de la région de Paris (1961-1969) et premier préfet de cette même région (1966-1966), considéré comme le « père » des Villes Nouvelles, qui porte ces projets et les fait émerger à l’échelle territoriale. Il est à l’origine d’aménagements comme les RER, les autoroutes, la francilienne, de la réorganisation administrative (départements), d’urbanisme et d’équipements. On le nomme d’ailleurs « Haussmann des Faubourg ». Sa politique de villes nouvelles est vraiment présente des 1962. Sont alors créés l’IAURP (Institue de l’Aménagement Urbain de la Région Parisenne) ainsi que l’AFTRP (Agence Foncière et Technique de la Région Parisienne), organismes qui acquièrent des milliers d’hectares (terres agricoles) nécessaires à la création des villes. Cette initiative a aussi été prise à l’échelle nationale (notamment pour Marseille, Lyon et Rouen) pour fixer une croissance démographique. En province, l’établissement de ces Villes Nouvelles est difficile à faire accepter aux autorités locales. 13 Au milieu 1960, la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régional) tenait à promouvoir le développement des grandes métropoles françaises pour « équilibrer le territoire » et éviter que Paris soit un « omnicentre ». Pour cela, l’organisme développe la notion de polycentrisme. Ces villes ont été planifiées dans l’idée d’organiser la croissance des grandes agglomérations « mères » auxquelles elles se rattachent. Leurs créations, n’avait pas pour but de leurs 13

Création de structures de coopération intercommunale spécifiques par la loi Boscher du 10 juillet 1970, appelées Syndicats communautaires d'aménagement (SCA). Elles regroupent les communes couvertes par l'agglomération nouvelle, mais leurs pouvoirs restent limités.

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donner une autonomie vis a vis de ces dernières, mais au contraire d’entretenir avec elle un lien direct (notamment en ce qui concerne le marché de l’emploi). Elles devaient malgré tout constituer des bassins de vie ainsi qu’un regroupement des fonctions administratives, tertiaires, commerciales et culturelles dans leurs centre, pour être utilisés par les populations. Les villes nouvelles de provinces ont été crées pour canaliser le développement des grandes métropoles auxquelles elles se rattaches. Ces Villes Nouvelles devaient constituer économiquement des noyaux d’emplois, des sites propices à la délocalisation des grandes activités de commandement centralisé au cœur de la métropole. Une fois acceptée, dans les années 1970, l’idée des villes nouvelles est « définie comme une politique nationale à l’image de l’aménagement du territoire »14 qui officialise pour la première fois cette politique de villes nouvelles. Cela a nécessité la création d’organismes spécifiques gérant ces nouvelles villes où tout est à faire. La mobilisation humaine est monumentale, et touche tous les domaines. Le groupe central des villes nouvelles est non seulement rattaché à la DATAR mais aussi placé sous l’autorité du Premier Ministre. Ainsi naissent neuf agglomérations dont cinq en région parisienne ; Cergy-Pontoise, Evry, Saint-Quentin-enYvelines, Marne la vallée, Sénart. Deux en province ; les Rives de l’Étang de Berre (Ouest de Marseille), L’Isle d ’Abeau (Est de Lyon). Et enfin Le Vaudreuil (Entre Paris et Rouen) et Villeneuve d’Ascq (Est de Lille).

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CIAT 1970

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2 / Deux modèles de villes nouvelles : Marne La Vallée & Le Vaudreuil Nous allons donc nous intéresser à la création de deux modèles de Villes Nouvelles françaises radicalement différentes qui sont Marne la Vallée et Le Vaudreuil (sortie de la politique des villes nouvelles depuis 1985), pour comprendre quels sont leurs critères d’élaborations, leurs évolutions depuis leurs créations, ainsi que les perspectives qui sont envisagées pour elles. 1/ Processus de création A. La planification, un idéal à atteindre Ces deux Villes Nouvelles prennent formes selon la décision de P. Delouvrier de créer les neuf métropoles d’équilibres. Parmi ces villes, l’une des premières a être tracé en 1967 selon un schéma directeur, est Le Vaudreuil. Situé entre la vallée de la seine et de l’Eure, elle est choisie pour sa position stratégique aux portes de Paris (100km). La Villes Nouvelles du Vaudreuil est réalisée pour servir la ville mère à laquelle elle est rattachée, Rouen (30km), et ainsi renforcer l’armature urbaine existante dans le secteur Evreux-Rouen-Le Havre de manière à répondre à l’influence du géant parisien. Marne La vallée, pour sa part est la dernière des cinq villes nouvelles réalisées en région parisienne (1970). Située à une trentaine de kilomètres au sud de Paris, elle vient s’installer linéairement sur trois départements existants, le long de la Marne. Elle est projetée dans l’optique de désengorger la capitale, et rétablir le déséquilibre historique entre l’est et l’ouest de la capitale. Toutes deux desservies par des réseaux ferroviaires, fluviaux, et autoroutiers, elles constituent des poinst de

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connexions important pour leurs métropoles, favorisant les échanges et les flux. Ces deux villes ont donc des objectifs commun ; rétablir un équilibre géographique à l‘échelle du territoire, créer de nouveaux liens économiques, et servir les métropoles auxquelles elles se rattachent. D’autre part, on planifie pour ces villes en fixant des objectifs à atteindre en terme d ‘équipement, d’emploies, de logements et de services. Elles sont donc vouées à des vocations précises. Elles doivent respecter un schéma d’aménagement (des basses Seine pour la ville normande, et de la région parisienne pour la ville de la marne) qui sont le fruit de nombreuses études et recherches de la part des multiples organisations qui gèrent et génèrent leurs créations (DATAR, EPA, le groupe central des villes nouvelles) pour constituer de véritable villes voir atteindre le statut de ville idéale. La Vème république de De Gaulle est pour la France une période très faste et idéalisée ou l’on veut faire toujours plus dans tout les domaines. L’initiative des villes nouvelles est donc envisagée dans l’optique de perpétuer cette croissance. En Juillet 1967 le Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire fixe trois objectifs pour la ville du Vaudreuil : · accueillir les activités tertiaires de la région parisienne · décongestionner l’agglomération rouennaise · réaliser une opération pilote d’urbanisation “intégrée à l’environnement naturel”. Les perspectives de création d’emploies industriels et tertiaires y sont nombreuses en raison de la situation de la ville sur le couloir d’axe de transports reliant la Basse Seine à Paris. Le site offre d’autre part des possibilités exceptionnelles du point de vue des équipements de loisirs. Sa consœur parisienne a connu quant à elle quelques difficultés en ce qui concerne son élection

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géographique. En effet, en considérant qu’elle incarnait « l’absence de vocations »15 les pouvoirs publics avaient temporairement compromis son avenir. Mais la ville a su mettre en avant ses atouts majeurs soit une desserte de qualité ainsi qu’une disponibilité foncière exceptionnelle. Marne la Vallée est à la fois « un territoire et un organisme urbain » en effet elle s’étend depuis Noisy le Grand jusqu'à Chessy (sur 26 communes) sur une vingtaine de kilomètres, ce qui la pousse à effacer la différence entre l’aménagement urbain et l’aménagement territorial. L’étude tardive du projet naît en 1969, et est suivi de la création de l’Etablissement Public d’Aménagement de la Vallée de la Marne en 1972. La ville se fonde selon deux axes majeurs : .Constituer un réel équilibre de l’est face à la métropole parisienne .Etre un territoire d’attractivité résidentielle et économique. B. La théorisation des modèles 1968 c'est l'Atelier de Montrouge16, un groupement d'architectes et urbanistes parisiens engagés, qui est retenu pour définir ce qui doit être la « ville idéale » et concevoir ce que devra être le « bonheur » des futurs habitants de la ville nouvelle du Vaudreuil. L’objectif de la Ville nouvelle : 100 000 habitants en l'an 2000. Sont alors mis en œuvre les théories urbaines du 20ème siècle sous l’influence d’une politique néo-libérale. C’est sous cette pensée que les architectes de l’Atelier de Montrouge vont mener leurs réflexions, avant même que la Ville Nouvelle n’émerge réellement. L’avis des populations des communes sur lesquelles vient s’installer la ville du Vaudreuil n’intéresse que très peu 15 « Marne la vallée, de la ville nouvelle à la ville durabe » C.Orillard & A.Picon, ed. Parenthèse, 2012 16 fondé en novembre 1958 par quatre jeunes architectes : Jean Renaudie (1925-1981), Pierre Riboulet (1928-2003), Gérard Thurnauer (né en 1926) et Jean-Louis Véret (1927-2011)

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les concepteurs. Ils considèrent qu’une ville ne peut être un objet fini dont on peut planifier les vingt prochaines années de son avancement. L’atelier de Montrouge porte un urbanisme issu de la pensée des modernes (mis en place par Le Corbusier et A. Perret) qui ont installé le courant fonctionnaliste, soit l’assimilation de la forme par la fonction. L’institution de ce courant est incarnée par la Charte d’Athènes élaboré en 1933 sous le Corbusier. Toute fois, ils proposent une pensée qui se détache de celle du logement de masse instaurée par les modernes, et nuancée par le Team Ten. Elle tend vers une réflexion dite plus « ouverte » et libre constituant une « prolongation vivante du fonctionnalisme »17 : l’architecte est impliqué dans « une situation qui change »18 et ne « confère pas une solution à un problème limité d’une façon arbitraire pour atteindre [...] l’unité formelle »19. Cela représente une solution médiane entre la table rase et le respect du passé. « Quand nous essayions de cerner [les] problèmes, revenait très souvent dans nôtre discours une idée de non-architecture pour privilégier les éléments de lecture très simples au niveau des rapports d’échelles de l’espace »20. Le travail suivant différentes échelles leurs permet de remettre en cause le plan masse utilisé par les premiers industriels qui produirait une « vision dépassée »21 et « rigide »22

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« Architecture en France , 1940-2000, histoire et théories», J. Lucan, Ed. Le moniteur, 2001, p147 18 Ibid 19 Ibid 20 « Architecture en France , 1940-2000, histoire et théories», J. Lucan, Ed. Le moniteur, 2001, p149 d’après « Le Vaudreuil . Une méthode détude et de réalisation » Cahier de l’institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne volume XXX, 1973, p21. 21 « Architecture en France , 1940-2000, histoire et théories», J. Lucan, Ed. Le moniteur, 2001, p152 22 Ibid

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Ainsi, naît le concept de « dalle » qui sera appliqué en France dans toutes les villes ou quartiers nouveaux (la Défense, Cergy, Bobigny, Argenteuil, Bordeaux etc...) que l’on retrouve dans la cité rolivaloise. Apparaît la théorie qui sera alors retenu et considéré comme indispensable pour un équilibre de la ville, celui de « germe de ville ». Il consiste à implanter ce « germe » ; une grille rectangulaire de 300 par 400 mètre qui permettrait à la fois de hiérarchiser l’espace et de le rationaliser. Elle permet créer en premier lieu les services (un centre ville, avec une zone d'habitat dense et des commerces) qui seront à terme nécessaire aux 100 000 habitants projetés. Cette théorisation est le fruit d’un travail déjà réalisé dans les pays anglo-saxons, notamment aux Etats Unis et en Grande Bretagne. L’urbanisme est qualifié de participatif, puisqu’on croit en l’homme et à son implication dans le processus de création collective de l’espace urbanisé. L’application de ce concept est une phase qui permettra le développement progressif de la ville, selon un laps temporelle d’évaluation de l’autonomisation fixé à quinze années. L’objectif est la flexibilité du tissu urbain qui peut varier suivant les besoins des habitants. Tout s’organise suivant le schéma maillé autant pour les flux (route, circulation piétonne, grands axes de communications) que pour les infrastructures, les équipements ou les logements. Ce fragment propose une évolution volontairement libre et non prévisible par ses concepteurs. On retrouve enfin ce qui sera l’un des grands axes suivit dans les conceptions des villes nouvelles qui est la ville-campagne. Au travers de larges coupures vertes comme les parc et les forêts, qui constituent un écosystème et suivent une politique « hygiéniste » elle mene à l’expérimentation du principe de « lutte contre les nuisance » via le végétal, grande thématique de la ville normande. La ville de Marne la Vallée, elle, a été projetée en plusieurs temps compte tenu de son ampleur importante. En effet, on l’a planifié selon quatre secteurs 30


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développer progressivement dans le temps sur le territoire. Le premier qui a fait l’objet des premières constructions de la ville nouvelle est celui de Noisy le Grand Mont d’Est, constitutif de l’interface avec la capitale et futur centre de la ville nouvelle. La théorisation de cette première phase a été plus aisée puisque Marne la Vallée était la petite dernière des villes nouvelles à voir le jour. Les différentes expérimentations et leurs études tant au niveau national et international lui ont permis de tirer les enseignements de modèles déjà réalisés, pour produire une architecture postmoderne. Ainsi, le schéma urbain projeté, grâce aux organismes responsables de sa conception (groupements d’économiste, urbanistes, sociologues, politiques), est une planification concrète selon des pôes s’articulant entre eux. Soit l’idée de polycentrisme ; créer plusieurs centre dynamiques qui seraient complémentaires et qui regrouperaient des activités qui leurs sont propre. Noisy Le Grand, premier centre à voir le jour, est conçu selon un maillage hexagonal hiérarchisé des voies de circulation pour assurer les futures liaisons (tout comme la ville ruelloise inspirée des modèles anglo-saxons), un maillage secondaire appelé liaison organiques et un maillage des coulées vertes. « Le centre urbain n’est plus considéré comme une unité autonome s’organisant sur elle-même, mais comme un ensemble de noyaux assurant les liaisons avec les autres éléments importants existant ou à venir du tissu environnant »23. « C’est un terrain d’expérimentations majeur pour la conception d’édifices multifonctionnels » 24 La projection des trois autres futurs centres a été anticipée tel implantées des zones le long de la Marne, développant selon les secteurs une attractivité complète pour assurer l’équilibre tant recherché. Dès 1969, un axe majeur 23 «Ville nouvelle de la vallée de la marne» études préliminaires pour le centre urbain régional de Noisy le Grand, juillet 1970 p 27 archive Epamarne 24 « Marne la vallée, de la ville nouvelle à la ville durabe » C.Orillard & A.Picon, ed. Parenthèse, 2012 p101

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est dessiné dans un optique de lisibilité spatiale. Des pôles d’excellence sont projetés, les « clusters »25 dans les domaines du tourisme et de la recherche, permettant à la ville d’incarner un véritable rôle de pôle. On opère comme sa voisine normande un urbanisme fonctionnaliste et pense à une place forte de la nature. Cette dernière devient même l’une des politiques de la ville et on parle d’un aménagement à la française, une notion qui souhaite faire cohabiter jardin et territoire urbain, on la qualifie d’ailleurs de « jardinier du territoire » en citant Lenôtre comme référence incontestable lié aux réalisations de la ville/nature. L’aménagement à la française est aussi très présent dans les tracés régulateurs de la ville. Ce modèle cohabite avec la prise en compte de l’internationalisation des Villes Nouvelles. 2/ Application du modèle ; Confrontation entre la théorie et la pratique Suite a une théorisation de ces villes nouvelles, qui ont menées à de grandes phases d’analyses, d’études et de recherches, l’heure est alors à l’application de ces pensées qui se veulent structurelles d’un idéal. La réalité et la mise en pratique de ces projections urbanistiques constituent « l’expériences des villes-laboratoires ». L’évolution programmée dans les domaines 25 Les Clusters sont des pôles de compétitivité créés pour mobiliser la capacité d'innovation, développer la croissance et l'emploi sur les marchés porteurs. Un pôle de compétitivité rassemble sur un territoire bien identifié et une thématique donnée, des entreprises petites et grandes, des laboratoires de recherche et des établissements de formation. Il a vocation à soutenir l'innovation, favoriser le développement des projets collaboratifs de recherche et développement particulièrement innovants. Il crée ainsi de la croissance et de l'emploi. D'autres partenaires, dont les Pouvoirs publics nationaux et locaux sont associés à cette dynamique. (Source : Competitivite.gouv)

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économiques, sociaux ou encore urbanistiques doit intégrées une flexibilité pour s’adapter aux réalités latentes que sont les époques des trente années qui suivent l’initiative des Villes Nouvelles. A. Application du modèle Les années 70 sont fortement marquées par les choque pétroliers de 1973 & 1979 qui ralentissent généralement la croissance du pays dans tout les domaines. Cela trouble les prévisions démographiques et économiques des Villes Nouvelles et entache les résultats qui seront par conséquent pas à la hauteur des attentes fixées. En 1972, l’Etablissement Public d’Aménagement de la Ville Nouvelle du Vaudreuil est crée, ainsi qu’en Décembre de cette même année, l’Ensemble Urbain du Vaudreuil. La ville des Basses Seines fait émerger en 1975 les premiers édifices de sa composition. Les premiers habitants investissent la ville, séduits par les arguments que mettent en avant les autorités responsables de la ville. « Une ville moderne à la campagne », avec des appartements « à la carte » livrés sans cloisons, agencés selon les envies des futurs propriétaires, des étangs, la forêt, à seulement une heure de Paris Saint Lazare, et à 25 kilomètres de Rouen... En 1982, la Ville Nouvelle ne compte que 4 000 habitants, et s’éloigne de l’objectif des 100 000 habitants prévu pour le second millénaire. La ville n’a pas su par ses théories fonctionnalistes attirer les habitants comme il était prévu. En réalité, la théorisation de cet urbanisme à pris le pas sur le sens du détail de la conception d’un traitement architectural pertinent : Les espaces publics sont négligés, et, mis à part quelque bâtiments publics, les immeubles relèvent des standards aux façades vite dégradées. Autre problème majeur dans la vie citoyenne des habitants, le droit de vote. Privée d’élections municipales en 1977 (puisque l'ensemble urbain n'est pas considéré comme une commune) la gestion de la ville administrative. La notion de concertation est alors inconnue et les décisions de Paris ne se discutent pas. 35


Malgré les protestations locales et régionales, le gouvernement ne lâche rien. Ces interdictions provoquent la mobilisation des habitants qui revendiquent de « devenir des citoyens à part entière en décidant d’une grève des impôts locaux, les habitants prennent en main leurs ville et leurs destinée. Ce qui fait réagir les institutions et permet à la ville d’élire en Février de cette même année des représentants des habitants au conseil de l’Ensemble Urbain, dont B. Amsalem. C’est la première étape de l’affranchissement politique de la Ville Nouvelle face aux organismes de tutelles. Suivant cette idée, en 1981, les forces de gauches organisent des élections sauvages pour provoquer la réaction des pouvoirs publics. Cette concertation est qualifiée par le préfet de l’Eure comme « illégale mais légitime ». L'ensemble urbain du Vaudreuil - et non « syndicat d’agglomération » comme toute les autres Ville Nouvelles (elle autorise les collectivité territoriale intermédiaire entre la commune et l’Etat a s’impliquer directement dans le projet)- devient alors une commune et prend le nom de « Vaudreuil - Ville Nouvelle ». La Dépêche salue « une seconde naissance pour la ville nouvelle ». La ville de l’Est parisien pour sa part se questionne quant à sa centralité. Les 1 200 000 mètres carrés de Noisy-le-Grand Mont d'Est, premier centre de Marne-laVallée, sont conçus comme un vaste morceau de ville. Dans ce dernier les fonctions, au lieu de se juxtaposer sur le sol naturel, se superposent les unes au-dessus des autres, afin de créer une complexité instantanée élaborée en dehors de toute sédimentation historique, de favoriser les échanges, d’économiser le terrain et produire une image à la fois contemporaine et en rupture avec celle des grands ensembles. La volonté est de créer une forme urbaine nouvelle, et de lui conférer une image forte ainsi que de réponde à la question de la mixité des usages (puisque l'ensemble imbrique autant des bureaux, que du logements, des commerce, et gare de RER en un seul conglomérat). Cette forme urbaine 36


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complexe peine à fonctionner. Les années 70 sont difficiles pour la ville nouvelle qui pâtie de la crise pétrolière. Les secteurs 3 et 4 projetés ne sont pas encore lancés et sont revus à la baisse. Les logements ne trouvent pas d'acquéreurs et les équipements tardent à être installés, les axes de transports (RER) sont reportés temporairement, ce qui fait prendre du retard aux objectifs initiaux. En 1981/82, une politique importante, « la relance des villes nouvelle », va réactiver la croissance, et va permettre à la ville de terminer (pour le secteur 2) ou commencer (pour les secteur 3 et 4), les trois autre secteurs qui constituent Marne la Vallée, soit Val Maubué secteur 2, Val de Bussy secteur 3 et Val d’Europe secteur 4.

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B. Une réalité différente Les années 80, représentent l’époque où l’élite intellectuelle et médiatique vante les mérites d’une société multiculturelle. Le Vaudreuil, à partir de ces années, accueille les soixante nationalités qui constituent aujourd'hui sa population. En 1985, la ville – Ville Nouvelle sort du cadre institutionnel des Villes Nouvelles et change alors de nom prenant le nom de « Val de Reuil ». La cité qui s’est dressée contre l’Etat souhaite opérer un urbanisme dit « participatif », soit que les habitants aient partie prenante dans toutes les décisions et organismes qui touchent la ville. En 1990, la population compte tout juste 14 000 habitants ce qui ne répond toujours pas au taux démographique envisagées. Tous les symptômes caractéristiques de « quartiers en difficulté » apparaissent à Val de Reuil lors de la construction importante de HLM. Les classes moyennes fuient les incivilités et la délinquance et sont remplacés par les populations qui n'ont pas le choix, ne faisant qu‘aggraver la problématique qui touche la ville : le chômage explose. « Le schéma Basse Seine, qui a été considéré comme un succès même sur le plan local après plusieurs années a été finalement un acte d’identité de la jeune région montrant son caractère autonome « par rapport à l’hégémonie de la région parisienne » [...] Je crois que l’on à compris assez vite a la DATAR que Rouen ne serait jamais une métropole d’équilibre. » (un membre fondateur de l’opération Vaudreuil)26. L’Etat ne donne plus aucun soutien financier, et désengage complètement de cette politique. Beaucoup de démissions des membres des organisations s’effectuent (abandon, démotivation). Très vite, la ville s’affranchie de l’Etat et prend son autonomie. Les habitants du Vaudreuil mettent en avant le fait que la politique imposée par l’Etat et subie par la ville a été totalement décontextualisée. En effet, personne n’a pris 26 «Le Vaudreuil ville nouvelle et son imaginaire bâtisseur » C.Bossaud, ed l’Harmattan ville et entreprises, 2003 p.99

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en compte la localisation en province du Vaudreuil et donc son identité qui fait d’elle un cas particulier. L’anticipation d’un accroissement possible dans tous les domaines au même titre que les cinq villes nouvelles de région parisienne n’étaient pas plausibles. De plus, la construction opérée bannissait totalement toute mémoire de la ville, comme si l’on construisait sur quelque chose qui n’avait jamais existé. La crise pétrolière a freiné aussi l’ascension de Marne La Vallée et en 1984 le fantasme de ses promoteurs n’est pas abouti. Après le choque, la ville ne fait que se développer grâce à deux éléments importants dans la politique de la Ville Nouvelle entrent en jeu : la mise en place des deux Clusters qui animent aujourd’hui la ville de la périphérie Est de Paris. La simultanéité de leurs mises en place est due au changement de gouvernement à gauche. En effet, le Cluster, ou pôle scientifique Descartes qui s’implante dans le secteur 2 (Val Maubué), devient « la priorité reconnue de l’aménagement régional »27.Elle est considérée en 1986 par le premier ministre comme « dans l’est parisien, le pôle privilégié de la région d’île de France pour l’accueil des établissement d’enseignement et de formation supérieur des instituts et centre de recherches et des organismes scientifiques et techniques. Elle aura principalement comme vocation à accueillir deux types d’activités : urbanisme et transport, informatique et électronique »28. Son parcellaire est dessiné en forme de damier pour pouvoir accueillir les futurs modules autonomes qui sont susceptibles de se rajouter. Le Cluster tourisme relève d’une opportunité qu’a saisie la ville en 1984. La société Walt Disney Production souhaite ouvrir un parc d’attraction en Europe, et l’idée de son implantation à Marne la Vallée fait émerger la 4ème tranche de la ville (Val d’Europe), fortement marquée par 27 « Marne la vallée, de la ville nouvelle à la ville durabe » C.Orillard & A.Picon, ed. Parenthèse, 2012 p.246 28 Lettre du premier ministre du 22 Mars 1983, p.2

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la multinationale américaine qui a imposé le « new urbanisme » dans tout le secteur. Le parc provoque une révolution dans l’aménagement de la Ville Nouvelle (prolongement de la ligne RER) créant 30 000 emplois et 6 milliards de francs de devises à l’Etat. « Toutes les villes nouvelles ressentent la conjoncture [...], le tournant que représente la venue de Disney est en revanche sans équivalent par sa nature et son ampleur »29. Disney représentait des valeurs toutes autres que celles fixées originellement depuis la création de la ville. Mais les analyses et constatations de l’implantation d’un même parc en Floride, et l’expansion de cette ville n’ont fait que conforter l’idée que ce serait un élément bénéfique pour la ville.

29 « Marne la vallée, de la ville nouvelle à la ville durabe » C.Orillard & A.Picon, ed. Parenthèse, 2012, p.30

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3/ Evaluation du modèle A. Autonomisation de la ville Val de Reuil, maintenant quatrième ville du département a conquis en vingt ans son autonomie démographique, économique, budgétaire et politique. Elle beneficie aujourd'hui de l’aide de l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU)30. Le mot d'ordre du maire est « Mieux vivre à Val de Reuil ». Ce slogan évoque l'échec pour tous ces architectes et urbanistes à l’origine de la ville. «Reléguée au second plan économique et social après avoir été conçu comme un modèle dans les commissions des V & VI du même nom » 31 et considéré ouvertement comme « un échec cuisant »32 par l’Etat, elle est le reflet idéal-typique , image mentale, représentation collective qui se confronte a la réalité. Elle compte aujourd’hui 13 796 habitants pour 200 000 prévus à sa création. Elle reste la ville qui détonne du paysage normand par sa modernité quelque peu dérangeante. Par son rayonnement économique, culturel et sportif, elle se considère comme l’un des principaux moteurs de la modernisation et de la croissance de ce bassin, justifiant choix d’aménagement initial des décideurs nationaux. Le développement économique 30 Programme National de Rénovation Urbaine, qui intervient notamment sur les logements, les espaces publics, les équipements scolaires, les crèches, les commerces, l’activité économique. C’est un établissement public à caractère industriel et commercial créé par la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 pour assurer la mise en œuvre et le financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU). Elle est placée sous la tutelle du ministre chargé de la politique de la ville qui fixe les orientations générales de son action. Elle a pour objectifs de réinsérer les quartiers dans la ville, créer de la mixité sociale dans l’habitat, et d’introduire de la mixité via la diversification des fonctions culturelles économiques et commerciales. 31 « Le Vaudreuil ville nouvelle et son imaginaire bâtisseur » C.Bossaud, ed l’Harmattan ville et entreprises, 2003 p.7 32 Ibid

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est, avec l’aménagement du territoire, le premier objectif de la Communauté de communes Seine-Eure (31 hectares ont été vendus à des entreprises). Avec 18 000 emplois et 40% des emplois hautnormands du secteur de l’industrie pharmaceutique). Le territoire de la communauté est le premier pôle d’appui de l’agglomération rouennaise. Val de Reuil accueille, sur ses 7 parcs d’activités, des entreprises de pointe à fort potentiel de développement : L’industrie pharmaceutique est l’activité leader de la commune, dans une région qui se place au second rang national dans ce secteur. 60% des emplois de la région dans ce domaine d’activités sont concentrés à Val de Reuil. Pourtant selon les statistiques, la ville qui compte la population la plus jeune de France (45% de moins de 30 ans), compte 23% de chômeurs. Autour du centre-ville où se concentre l’essentiel des logements collectifs, les quartiers résidentiels périphériques accueillent les deux tiers des rolivalois en maison individuelle. Comme pour mieux cacher sa misère Val de Reuil met en avant ses atouts : équipements sportifs à profusion (la politique du terrain de basket), alentours verdoyants, espaces verts et végétation omniprésents dans l ‘idée de ville à la campagne. Depuis une dizaine d'années, les rues et les espaces publics sont réaménagés, les immeubles rénovés. Lors de sa création, la ville a attiré des activités de pointe (industrie pharmaceutique notamment), mais elle reste néanmoins un lieu de vie très compliqué puisqu’elle est marqué par la forte présence du parc de logements sociaux lui qui lui vaut le terme de « ghetto ». « Les villes nouvelles connaissent les problèmes endémiques aux villes jeunes en croissance, dont la population à des revenus modestes : certains quartiers sont engagés dans une spirale négative de dégradation et de paupérisation, spirale que les grands ensembles ont connu précédemment. Les problèmes sociaux des villes nouvelles semblent toutefois « euphémisés » par 46


leurs qualités structurelles, en termes de desserte par les transports, de taux d’équipement, de diversité architecturale, etc., dont les grands ensembles ne bénéficient pas. Il n’en reste pas moins que la gestion sociale de la population des villes nouvelles est une préoccupation de premier ordre. »33 La ville nouvelle de la vallée de la Marne se veut un modèle de réussite tant sur le plan économique, social, urbanistique. Elle s’est ouverte sur le territoire national et international via ses Clusters ainsi que les grands axes ferroviaire, autoroutiers, et aériens (proximité avec Roissy). Pourtant, cette ville a connu comme toute les autres les aléas du temps, et elle a du s’occuper de ses quartiers réalisé 30 ans auparavant, aujourd’hui considéré comme des zones sensibles. D’autres part, l’aubaine économique qu’a constitué l’investissement de l’entreprise américaine Walt Disney a fortement bouleversé, pour ne pas dire entaché le dernier secteur qu’il restait à faire émerger : Val d’Europe résulte de l’expérimentation d’un urbanisme néo traditionnel inspiré du « new urbanisme américain », décontextualisé du reste de la ville qui produit une rupture nette face aux trois autres secteurs. On remarque que certain principes de la charte N.U sont en contradiction avec la réalité de Val d’Europe comme accueillir une population diverse... H.Belmessou parle d’une « imitation, une mauvaise mise en scène du Paris d’hier », il relève d’ailleurs que « les promoteurs ont construit un espace de représentation[...] Le produit, une sorte de néo haussmannien pour classe moyenne, chercher a séduire les nostalgiques des ambiances urbaines parisiennes et de leurs immeubles ouvragés en pierre de taille. La ville n’est elle pas déjà à l’image de la compagnie

33 Centre de Ressources Documntaire Aménagement Logement Nature, Dossier Villes Nouvelles françaises 2001-2005, Les villes nouvelles en 2000, La politique des villes nouvelles (1965-2000), présentation.

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Disney ? »34 Le devenir de Val d’Europe voit en effet s’opposer deux logiques : rationaliste chez l’EPA France qui défend l’idée d’un développement du territoire et de la « Fabrication d’une ville » selon Bertrand Ousset et normative chez Disney qui souhaite « maîtriser l’environnement de ses parcs » attestant que « dans les rêves de Walt Disney il y a toujours eu une volonté de réfléchir à l’habitat du futur »35. Selon Frédéric Serradeil chargé du développement immobilier à Imagineering Disneyland paris. « Toutes les décisions importantes, y compris celles concernant le choix des matériaux revêtements des façades, remontent au patron de Walt Disney Compagny (Michael Eisner) »36 « Nous n’avons pas tenu à recevoir ici les classes sociales défavorisées car elle pourraient grever notre budget » affirme J-P. Balcou, maire de Magny le Hongre (commune d’implantation de l’entreprise américaine). D’après l’étude (copyright La république des idées) denovembre 2004 intitulé « Val d’Europe, naissance d’une ville hors norme » H.Belmessous explique que Val d’Europe n’a pas eu la vocation d’incarner « la ville utopique », mais elle veut être une réponse parfaite aux dysfonctionnements de la ville « réelle ». Aux yeux de la multinationale, elle doit incarner les conceptes et les valeurs de la marque Disney. Pour vivre à Val d’Europe, les habitants doivent adhérer au lieu et aux valeurs de son concepteur. Accusant qui plus est un soutient sans faille de la part de l’Etat, la ville a des allure de ville privatisé. Aucun gouvernement depuis 1987 n’a remis en cause la gouvernance de la société américaine sur l’opération de Val d’Europe.

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Cité dans le mémoire de J.Casalta « Val d’Europe, une ville dans le courant du new urbanisme », 2007 p18 35 Cité dans le mémoire de J.Casalta « Val d’Europe, une ville dans le courant du new urbanisme », 2007 p18 36 Ibid.

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B. Perspectives futures La ville normande a pour but de ne plus avoir cette image de « mauvaise ville » qu’on lui attribue trop facilement au vu des échecs qu’elle a pu rencontrer. Elle ne rayonne pas à l’échelle territoriale comme les autorités d’aménagements (dont l’atelier de Montrouge et l’Etat) avaient pu le présager, et comme peut le faire sa voisine parisienne étudiée parallèlement. Mais elle constitue une ville, elle est habitée, investie par ses habitants qui l’anime via une vie associative très développée. Certes elle ne répond pas aux objectifs fixés qui répondaient à un idéal de l’époque, mais elle essaye de sortir de la stigmatisation. Elle souhaite se restructurer pour être considérée et que l’on oubli l’image qu’on lui a attribué depuis sa création. A court terme les priorités de Val-de-Reuil visent à rehabiliter son centre urbain, diversifier l’offre d’habitat social, et se restructurer (via des contrats de ville intercommunaux sur six ans) pour bâtir un projet urbain, développer la mixité sociale, l’emploie, et la sécurité. Depuis 2001 les villes nouvelles ont perdu leurs statuts de ville nouvelle et leurs projets de développement sont complètement autonomes. La ville nouvelle proche de Paris reste globalement en forte croissance. Ses capacités d’accueil sont grandes (bureaux et zones d’activités). L’essentiel se situe évidemment dans les secteurs 3 et 4. Mais dans le même temps, la dégradation de la situation dans certains quartiers pionniers du secteur 1 obligent les collectivités et aménageurs à intervenir pour faire de la requalification urbaine. Les projets pour la ville de la vallée de la Marne envisagent l’affirmation de l’identité du secteur 3 qui va faire face à une croissance exponentielle, la requalification et la relance économique du premier secteur qui a constitué la ville, l’achèvement du cluster

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Descartes 37 & celui du tourisme, le renforcement de sa position territoriale avec la ligne rapide du « Grand Paris (2018). La caractéristique première de Marne la Vallée38 est le partenariat privé /public présent dans toutes les stratégies opérationnelles de la ville. Cela constitue la politique territoriale et urbaine de la ville. La concertation avec les collectivités locales est primordiale pour planifier un projet de territoire équilibré et attractif. La volonté a la fois de réhabiliter les vieux quartiers et de limiter l’étalement urbain en conservant l’attention particulière accordé au rapport ville/nature présent depuis le début de la création de la ville.

37 En 2030 est prévu un développement encore plus important avec « Sens city » ou cité internationale du développement durable (implantation d’un laboratoire d’excellence notamment pour la recherche urbaine et de l’aménagement)

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Conclusion Peut-on vraiment parler d’échec de la ville ? Ne serait ce pas plus précisément l’échec d’une théorie appliquée qui ne tient pas ses objectifs ? La ville en elle même, existe, est habitée, et investie par ses habitants et cela durant plusieurs générations, qu’on la considère comme un échec théorique ou non. « Si dans le passé il semble que l’élaboration des formes susceptiblse d’accueillir, voire de favoriser le développement de la vie urbaine ait été de soi, tellement était partagé par les techniciens divers et les habitants, la question aujourd’hui ne peut plus être résolue d’une manière quasi naturelle. Trop de rupture sont intervenues dans les théories et les pratiques de l’urbanisme et la réflexion doit être prise à la base. »39 39 « Projet urbain » David Mangin & Philippe Panerai, ed Parenthèse, 1999. p.60

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C’est ainsi que D. Mangin architecte et urbaniste français conçoit l’urbanité. Aujourd’hui, on ne parle plus de villes nouvelles mais de projet urbain, une idée qui s’est formalisée dans les années 80. D. Magin, l’un des penseurs de ce concept, voit l’urbanisation comme le fait de rechercher des solutions d’assemblages qui répondent au plan quantitatif d’une manière satisfaisante. On manipule la ville à une échelle plus juste grâce au plan masse. Le temps de la décision et du montage (construit par rapport à une échéance politique ou financière40) apparaît comme un élément fondamental dans sa réflexion, tout autant que « le quotidien » qui pose la question de la prise en compte des paramètres de la conjoncture économique. La ville évolue dans le temps. L’idée de créer la ville à partir de rien est remplacée par celle de faire « de la ville sur la ville », donc d’accepter l’idée que la société est sujette au vieillissement, et que la ville doit faire l’objet de renouvellements. L’idéalisation tel qu’on l’entendait à l’époque des Villes Nouvelles n’est plus recherchée. Dans le Critiquât n°8 de septembre 2011, l’article de F. Fromonot « Manière de classer l’urbanisme » s’interroge sur l’urbanisme contemporain et les répercutions qu’il peut produire aujourd’hui. D’après des travaux débutés depuis 2005 « les projets urbains sont généralement évalués à l’aune de l’efficacité commerciale et esthétique des formes qu’ils mobilisent mais à quelles lois plus profondes celles ci peuvent être renvoyées ? »41. Elle note une usure et un ressassement des modèles considérés comme des « pis aller ». Cette réflexion met en évidence des grandes orientations de 40

motivée par toutes sortes d’évènements (exposition universelle/J.O) qui lui donnent un durée éphémère et que l’on qualifie de cimetière aux éléphants (stade/ salle/parc d’expositions, village olympique) ne fait qu’endetter les villes. 41 Critiquât n°8 de septembre 2011, « manière de classer l’urbanisme » F.Fromonot p.40

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l’urbanisme (en référence à « Utopie & urbanisme » de F. Choay). F. Fromonot établi trois typologies, nées dans les années 80 et développés dans les années 90, qui forment des familles urbanistiques. Elle en fait émerger un 4ème type qui prend en compte la réalité du site, nécessaire pour une transformation programmatique sans recourir au préconçu, un concept urbanistique qui introduirait un projet ouvert. Celui ci serait inclassable et non figé puisque opportuniste et spécifique au site, soit « Le programme par le site et le site par le programme »42. Il reconnaîtrait la ville actuelle sans la figer et utiliserait les problèmes pour en faire des atouts. On peut considérer qu’Y. Challas introduit l’une piste des réponses à ce problème « La ville n’est jamais présentée seule sans être rapportée à quelque chose d’autre en complément ou en opposition » , « La ville n’est jamais pensé, vécu, pratiquée, indépendamment de ce qu’elle n’inclue pas ».43 . Apparaît la notion élémentaire de son discours qui est « la pensée faible » : une pensée incertaine et complexe qui est différente des doctrines urbanistiques antérieures. Cette démarche répond à une mutation de notre société. On ne peut pas la définir, car elle ne se veut pas d’une représentation précise ou de critères pré-établis car elle incarne le doute et l’incertain. Elle s’oppose à ces pensées pragmatiques et tracées qui n’apportent pas des réponses adaptées. Elle n’émet pas de pré-requis et intègre l’évolution de la société. Elle se définît selon un urbanisme non spatialiste, performatif, intégrateur, apophatique, et politique. « De tout temps, les villes ont connu des velléités d’ordonnancement. Et la rationalisation de l’espace a toujours été le pendant de la pensée utopique fondé sur la cité idéale. Mais depuis l’instrumentalisation des sciences humaine dans l’urbanisme à la fin du siècle 42 42 Critiquât n°8 de septembre 2011, « manière de classer l’urbanisme » F.Fromonot p.45 43 « L’invention de la ville » Yves Challas, ed. Antropos, 2003. p.67

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dernier, ce principe n’a cessé d’étoffer les tracés et les plans constructeurs »44 D’après ces études et ces réflexions, on peut se demander si il est vraiment possible envisager des « manières types de faire la ville » puisque les composantes sociales, temporelles, et historiques sont variables. Une nouvelles manière de faire la ville apparaitrait: « La pensée faible est le biais par lequel l’urbanisme s’adapte au contexte urbain pour y introduire de la cohérence et du projet. »45 Intégrer les habitants pour faire et construire : « on ne peut pas faire sans vous ».46 Cette position est toute fois critiquable sur sa lourdeur dans le temps et son implication dans le projet et d’une manière elle se fait toute seule. L’Evolution dans un mouvement à la fois globale (échelle du territoire/ étalement urbain impressionnant) et à la fois double (car elle ramène la périphérie en son sein, en y transférant des poles fonctionnels/ centre nouveaux ou anciens). « L’apparition dans les centre ville « d’espaces transports », des morceau de territoires qui ont vu le jour dans des les banlieue ou le péri urbain, qui ont su s’ajuster aux nouveaux usages, aux nouveaux modes de vie urbain et qui par là même, ont su remporter l’approbation des habitants, des consommateurs comme des flâneurs. »47

44 « Histoire de la ville » L. Benevolo Editions Parenthèses, 1994 p.18 45 « L’invention de la ville » Yves Challas, ed. Antropos, 2003. p.170 46 « L’invention de la ville » Yves Challas, ed. Antropos, 2003. p.172 47 « L’invention de la ville » Yves Challas, ed. Antropos, 2003. p.173

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// BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES //« Histoire de la ville » L. Benevolo Editions Parenthèses, 1994 //« L’invention de la ville » Yves Challas, ed. Antropos, 2003 //« Projet urbain » David Mangin & Philippe Panerai, ed Parenthèse, 1999 // « Val d’Europe, une ville dans le courant du new urbanisme », Memoire, J.Casalta 2007 // « Marne la vallée, de la ville nouvelle à la ville durabe » C.Orillard & A.Picon, ed. Parenthèse, 2012 //« Le Vaudreuil ville nouvelle et son imaginaire bâtisseur » C.Bossaud, ed l’Harmattan ville et entreprises, 2003 // « Architecture en France , 1940-2000, histoire et théories», J. Lucan, Ed. Le moniteur, 2001 REVUE // « Manière de classer l’urbanisme » F.Fromonot, Critiquât n°8 de septembre 2011 INTERNET & SITES //Ministère de l’égalité des territoires et du logement, ministère de l’ecologie, du développement durable et de l’énergie, Centre de Ressources Documentaire Aménagement Logement Nature, Dossiers, Villes nouvelles françaises 2001-2005 61


http://www.cdu.urbanisme.developpementdurable.gouv.fr/villes-nouvelles-francaises-2001r8243.html //Nathalie Brevet « Mobilités et processus d'ancrage en ville nouvelle : Marne-la-Vallée, un bassin de vie ? » 2009 http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=LIG_734_00 76 // L’eclat, regard sur l’actualité, « Val de Reuil : de l’utopie au crash » 14 Mars 2011. http://l.eclat.free.fr/index.phppost/2010/01/26/Val-deReuil-%3A-de-la-cité-idéale-au-crash-urbain // INSEE, base « chiffres clés », commune de Val de Reuil // INSEE, base « chiffres clés », commune de Marne La vallée http://www.insee.fr/fr/bases-de-donnees // « L’atelier de Montrouge et le Vaudreuil » par Catherine Blain http://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2003-1page-41.htm // « Val de reuil, l’angle mort de TF1 » par J-L.Cassely, le 22 Avril 2012. http://www.slate.fr/story/53749/presidentielle-val-de-reuillouviers-tf1

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// Iconographie Figure1,2,5,15,20,21,24,25,26,27,29,30 ,35,36,37,40: Ministère de l’égalité des territoires et du logement, ministère de l’ecologie, du développement durable et de l’énergie, Centre de Ressources Documentaire Aménagement Logement Nature, Dossiers, Villes nouvelles françaises 2001-2005 Dossiers complémentaires Le Vaudreuil & Marne la vallée Figure 3 : Team ten Figure 6,7,8,9,10 revue créer n°248 « Paysage de l’imaginaire » Figure 11,12,13,34,43,44 « Marne la vallée, de la ville nouvelle à la ville durabe » C.Orillard & A.Picon, ed. Parenthèse, 2012 Figure 14 « Marne la vallée, ville nouvelle, quel est l’impact de Disney sur Marne la vallée ? » http://etude-marne-la-vallee.emonsite.com/pages/marne-la-vallee-ville-nouvelle.html Figure 38,39,41 « Val de reuil, l’angle mort de TF1 » par J-L.Cassely, le 22 Avril 2012. http://www.slate.fr/story/53749/presidentielle-val-de-reuillouviers-tf1 Figure 42 « Val d’Europe, office du tourisme de Paris » http://www.parisinfo.com Figure 45,46 valdeurope.typepad.com

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