Mémoire HMONP "Aux frontières des savoirs, l'architecte comme catalyseur"

Page 1

A U X F R O N T I È R E S

A U X

F R O N T I È R E S S A V O I R S

L ’ A R C H I T E C T E

C O M M E

D E S

C A T A L Y S E U R

D E S

PAULINE WOLFF - HMONP JANVIER/NOVEMBRE2017 - ENSA MARSEILLE DIRECTEUR D’ÉTUDE REMY MARCIANO STRUCTURE D’ACCUEIL ADRIEN CHAMPSAUR ARCHITECTURE ET ASSOCIÉS

S A V O I R S L’A R C H I T E C T E C O M M E C A T A LY S E U R


- Page 4 -


A U X

F R O N T I È R E S

L ’ A R C H I T E C T E

D E S

C O M M E

- Page 5 -

S A V O I R S

C A T A L Y S E U R


- Page 6 -


PRÉFACE

Durant cette année j’ai été confronté au besoin de savoir. Cela a déclenché en moi tout un questionnement sur cette notion et la place qu’elle occupe dans notre profession. C’est pour cela que je souhaite la définir en introduction. Je m’interroge d’autre part sur notre rapport au pouvoir et son accès qui est progressivement possible par le savoir. Enfin j’explore ce statut que possède l’architecte en étant au croisement de ces savoirs, et les dispositifs qu’il met en place pour les manager au sein de la maîtrise d’œuvre mais aussi du corps d’entrepreneurs Ainsi que vais vous faire partager mon expérience à travers des récits que j’utiliserai comme des études de cas qui ont motivé une réflexion plus théorique sur le sujet.

- Page 7 -


- Page 8 -


00-INTRODUCTION Notions de savoir

01-PROJET COMME POUVOIR 1-Pouvoir passif, agir sous la contrainte 2-Transmission du pouvoir 3-Pouvoir actif, liberté d’œuvrer 4-Pouvoir partagé 5-Pouvoir et responsabilité

02-AUX FRONTIÈRES DES SAVOIRS 1-L’architecte, interprète d’une discipline 2-A l’intermédiaire d’une multiplicité de savoirs 3-Logique d’une stratégie de manager 4-Un savoir autonome de la maîtrise d’œuvre 5-Un savoir hétéronome, dépendance des exécutants 00-CONCLUSION Vers un pouvoir et un savoir en devenir - Page 9 -


- Page 10 -


00-NOTIONS DE SAVOIR LE SAVOIR DE L’ARCHITECTE La définition de notre profession n’a jamais été pour moi une question. Je n’ai -jusqu’ici - pas réellement cherché à y répondre et plus concrètement à me positionner vis à vis de cette dernière. Je pense que je me situais tout simplement dans une suite logique qui m’apportait et constituait assez de matière pour ne pas à avoir à matérialiser une pensée à ce sujet... LES PRÉMISSES DU SAVOIR Paradoxalement je me suis progressivement constituée une identité architecturale propre autour de théories, de pensées, ainsi que de réalisations de mes paires. J’ai acquis une vision qui à été alimentée depuis que j’ai eu l’occasion d’apprendre les prémices de ce que j’appelle aujourd’hui l’architecture. Je n’ai jamais cessé de chercher à comprendre et intégrer les moindres éléments mêmes futiles et potentiellement anecdotiques qui me permettaient de développer un sujet pour aller plus loin. LE MANQUE DE SAVOIR J’ai toujours considéré que je n’en savais jamais assez, et que ma curiosité n’était pas assez prononcée. Je considère qu’il est important de creuser les sujets jusqu’à les épuiser pour en saisir l’origine. Cela me donne - l’impression - la légitimité de pouvoir me prononcer et de maîtriser. Le savoir joue un rôle très important dans cette vision car je le considère comme le point de départ. Cette volonté d’apprentissage permanente ne m’est pas propre, mais

- Page 11 -


elle a été toute fois introduite par notre formation, et est directement induite de fait par notre profession. LA NOTION DE SAVOIR Le savoir me fascine littéralement, et je crois qu’après réflexion c’est ce qui me passionne. Il y a un caractère illimité à cette notion qui la rend extrêmement séduisante. Au sens étymologique le terme « savoir » vient du latin « sapere » qui signifie avoir de la saveur, on pourrait donc dire que le savoir à un goût ? D’après le Larousse c’est « avoir appris quelques chose et pouvoir le dire et le connaitre ». Ce qui induit par conséquent que le savoir serait fait pour être partagé. Enfin au sens philosophique il définit « un ensemble organisé de connaissances précises et solides dans un domaine donné. »1 Il induit la notion une capacité donc quelque chose qui n’est pas acquis a priori. J’affectionne beaucoup l’idée que on ne sait pas tout, mais on a forcément un jour l’opportunité de savoir. L’IMPORTANCE DU SAVOIR - LE STATUT DE SACHANT Ce savoir est omniprésent dans notre profession. Je n’emploie pas le terme métier car il se réfère a un exercice trop spécialisé. J-M Chapoulie explique que le concept de profession combine « une compétence techniquement et scientifiquement fondée » et « l’acceptation et la mise en pratique d’un code éthique réglant l’exercice de l’activité professionnelle »2. Cet environnement dans lequel nous exerçons est extrêmement codifié. Il met effectivement en avant l’obligation de savoir, le diplôme d’architecte premier donnant la certification d’une compétence. Si l’on se penche sur le vocabulaire déontologique «La philosophie de A à Z», Elizabeth Clément, Chantal Demonque, Pierre Kahn, Ed. Hatier, 2007, p402 «Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’Harmattan, 2000, p20

1 2

de l’exercice de l’architecte, il doit respecter un code, contractuellement il est désigné comme une entité « sachante » ou encore juridiquement il est « mandataire», et a des « responsabilités contractuelles et délictuelles » envers ses interlocuteurs - Il se doit de souscrire depuis 1943 à des assurances décennales, civiles, professionnelles pour à la fois se protéger mais garantir une sécurité pour ceux pour lesquelles et avec lesquelles ils travail -. Tant de termes qui font de lui quelqu’un de responsable car il à le pouvoir et la nécessité de savoir pour exercer. La loi MOP mentionne d’ailleurs que le conducteur d’opération doit « justifier d’un savoir-faire en relation avec la catégorie d’ouvrages concernée et de références et matière de conduite d’opération». Sous entendu, il doit prouver qu’il a la connaissance et surtout l’expérience dans ce domaine pour pouvoir œuvrer. Il a la compétence « maîtrise de savoir et savoir-faire nécessaires a l’accomplissement d’une tâche.»3 LES SAVOIRS « L’architecte demeure dans le giron des artistes, même s’il se représente comme l’homme caméléon, endossant les habits multiples des experts de la construction. Pour nombre d’architectes ce qui est fondamental dans la profession est la créativité (90%), la culture (72%) La capacité au dialogue et a l’écoute (80%) et à un moindre niveau le savoir technique (63%), la direction de chantier (51%) ou la maîtrise des coûts (52%) »4 Cette multiplicité des savoirs fait de nous des hybrides qui devons être en mesure de fédérer des acteurs, et catalyser les informations hétérogènes. Il est impossible de définir notre champ d’action à un seul domaine. On ne peut être - Page 12 -

«Être architecte, Les vertus de l’interdetermination de la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel» Olivier Chadoin, ED Pulim, 2007 p52 4 «Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’H’armattan, 2000, p39 étude portant sur la profession d’architecte : contribution à un état des lieux, association pour la réflexion sur la professions d’architecte METT 1994 3


considéré comme experts car cela évoque une compétence trop spécialisée alors que la sienne est générique. Il est nécessaire pour œuvrer de démultiplier l’éventail des possibles des savoirs ce qui rend l’exercice complexe mais complet. Guy Tapie note d’ailleurs qu’au cours du XX ème siècle le rôle de l’architecte se définit à « circonscrire les éléments d’une pratique et les savoirs que conditionnent l’existence d’une profession autonome» 5 Cette notion que je tiens à développer à fait l’objet de beaucoup de remises en questions. Notamment pendant mon cursus où régnait la peur constante de ne pas maîtriser assez mon sujet, et de laisser des zones d’ombre dans ce que je réalisait d’ailleurs de manière fictive. Cette peur de la question que l’on a pas envisagée et qui pourtant peut détruire tout un argumentaire. Mais aussi dans les débuts de ma vie professionnelle où l’idée de ne pas comprendre où utiliser le bon vocabulaire pour échanger m’agaçait, devoir demander l’explication d’une terminologie qui m’était étrangère me faisait honte car j’estimais être en mesure de la connaître... En bref, le savoir est à la fois la source et le produit. C’est une source productrice car le fait de savoir à pour vocation d’être partagé. Cette transmission induit de fait une nécessité d’organisation et hiérarchisation des échanges et informations. C’est cela qui donne au sachant un pouvoir - autorité qu’il exerce consciemment ou non -. Cette connaissance destinée à être transmise fait de celui qui la possède une personne de pouvoir. L’architecte a le pouvoir de concevoir car il sait. Le pouvoir définit en sociologie organisationnelle « la capacité qu’a un individu ou un groupe d’individus d’agir sur d’autres individus ou groupe et d’affecter concrètement le fonctionnement et les résultats 5

«Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’Harmattan, 2000, p12

[ C’est en arrivant la première fois sur l’un des chantiers de l’agence dans laquelle je travaille actuellement, que j’ai ressenti cette perte de moyens. Je me souviens de cette première réunion de chantier à laquelle j’avais participé avait été assez frustrante. Je n’ai été qu’un membre passif assistant impuissante aux échanges entre les acteurs qui me paraissaient si abstraits. Les problématiques abordées faisaient état d’un avancement que dans la globalité. J’avais acquis des notions de par ma formation mais dans la pratique il m’était impossible de pouvoir émettre un avis sans avoir la garantie du savoir. ] - Page 13 -


d’une organisation donnée en obtenant que des décisions soient prises, des moyens mis en œuvre ou des tâches accomplies. »6 Il est aussi définit par les sociologues sous deux aspects ; On peut parler d’une autorité reconnue comme légitime donc a priori, ou bien d’une influence exercée par le biais d’arguments telle une négociation du projet. J’aimerais interroger les notions abordées précédemment car elles apparaissent pour moi comme totalement liées. La première - le savoir du projet - étant une source, alimentée et interrogée continuellement, et la deuxième - le pouvoir du projet- comme la conséquence de la première, produit d’échanges et de situations relationnelles. Ce sont elles qui font de nous des catalyseurs d’informations devant partager avec une multitude d’interlocuteurs et dans différents langages. Cette posture d’intermédiaire qualifiée en sociologie de « marginal-sécant » 7 force à être toujours aux frontières des savoirs. Quels jeux de pouvoir s’opèrent dans les relations formées par le projet ? Comment le savoir devient il vecteur de pouvoir et quelles sont les étapes par lesquelles l’architecte doit passer pour y accéder ? Quels sont les dispositifs mis en place pour conserver le pouvoir ? Comment le savoir de l’architecte lui donne-t-il le pouvoir d’être un intermédiaire à différentes échelles, à la fois traducteur, décideur, coordinateur ? Quels mécanismes lui permettent d’organiser l’espace du projet ? Comment manipule-t-il les limites de son champ des savoirs et quel pouvoir a-t-il lorsqu’il ne sait pas. Le manque de savoir peut il être compensé ?

Jeux de pouvoir et analyse stratégique» Catherine Voynnet-Fourboul HTTP:://Voynnetf.free.fr/co/pouvoir.pdf 7 «L’acteur et le système» Michèl Crozier et Erhard Friedberg, Ed Seuil, 1977 8 «L’acteur et le système» Michèl Crozier et Erhard Friedberg, Ed Seuil, 1977 6

C’est sous cet angle que je structurerais ma vision. Accompagné de mes expériences professionnelles principalement dans la commande publique que je m’attacherais dans un premier temps à expliquer les interactions et jeux de pouvoir(s) subis ou exercés au sein du projet pour le sachant, puis dans un deuxième temps comprendre quelle est sa place face à ces enjeux et quelles multiples postures peut il incarner et développer, pour organiser les différentes acteurs-facteurs du projet. LE SAVOIR COMME SYNONYME DE POUVOIR Cette introduction du savoir me permet d’aborder maintenant celle du pouvoir. Comme expliqué plus haut, je fais le lien entre la source, et sa conséquence. Le pouvoir représente pour moi la conséquence de celui qui sait. Il n’est jamais mieux incarné que dans le processus du projet. « Comme toute relation de négociation, le pouvoir ne se conçoit que dans la perspective d’un but »8 Nous partons alors du postulat que le projet est synonyme de pouvoir. Le projet n’étant autre que la mise en œuvre du « savoir faire » du sachant, c’est à lui de tisser une organisation et coordination des acteurs et des informations de manière à réaliser l’objectif fixé. Le savoir est la théorie et le projet est la pratique qui introduit la notion de pouvoir. Il met en place une pratique relationnelle qui implique un jeu de négociation de rôles constant avec les différentes parties qui participent au projet. Ce n’est pas un attribut, mais bien une relation mise en place. La sociologie des organisations explique d’ailleurs que c’est une capacité qui permet de structurer l’échange négocié de comportement en sa faveur ; Soit d’arriver a convaincre que nous savons et - Page 14 -


qu’il est bon dans l’intérêt commun de nous donner raison. C’est Olivier Chadouin qui explique que l’architecte est en constante négociation de sa position et son rôle dans un espace occupé par d’autres logiques professionnelles et d’autres manières d’agir. Son pouvoir est donc un perpétuel jeu de relations négociées qui lui permettent d’en définir le champ d’action. Le rapport de l’architecte vis à vis du pouvoir est pour moi ambivalent et se manifeste sous deux typologies de rapports : La première étant passive, l’influence est subit. La deuxième étant active, l’influence est exercée. Mais nous allons voir qu’il y a un delta intermédiaire dans cette passation du pouvoir. « Comme tout analyste, l’architecte fait l’objet d’un transfertcontre-transfert. D’abord adulé, investi de tous les pouvoirs, il est peu à peu, au fur et à mesure que les murs s’érigent et les sanitaires se branchent, désinvesti de sa puissance. » 9

9

« Faut il pendre les architectes ?» , Philippe Trétiack, Ed. Point essais 2014, p29.

[ Ce pouvoir d’agir m’a été illustré par la dextérité à négocier de mon chef d’agence. - Notre espace de travail étant un open space nous participons passivement aux échanges que peuvent avoir les uns et les autres. - Ce qui m’a marqué a été la manière subtile d’arriver à convaincre le locuteur par une stratégie qu’il maîtrise de par son expérience et son savoir. C’est un processus long et fastidieux qui passe par un argumentaire mais aussi une manière d’être à adopter en fonction de l’interlocuteur pour avoir le pouvoir nécessaire en main. On parle bien ici d’un pouvoir dans le sens d’une influence puisque progressivement lors de l’échange les éléments se décantent, la confiance apparaît et c’est à ce moment la que la négociation entre en jeu.]

- Page 15 -


- Page 16 -


1-PROJET COMME POUVOIR

- Page 17 -


1-POUVOIR PASSIF, AGIR SOUS LA CONTRAINTE

ÉTUDE DE CAS N°1 : Une programmation mal renseignée, une esquisse compliquée [ Sélectionnés pour un appel d’offre d’une école dans la banlieue lyonnaise, quelques difficultés ont été rencontrés dès le départ avec la maîtrise d’ouvrage. Les pièces pour la consultation qui avaient été transmises ainsi que la définition du programme manquaient de précisions et n’étaient pas assez explicites. Ayant sollicité la MOA en les alertant de l’incomplétude du dossier qui rendait l’étude et la définition du projet complexe, l’architecte a alors demandé des précisions par le biais des « questions-réponses » ; une phase d’échanges permettant de mobiliser le commanditaire pour éclaircir certains points. Il y avait une certaine réticence à vouloir transmettre des informations complémentaires demandées nécessaires à la réalisation de l’esquisse. En effet cette dernière en répondant faisait directement référence au programme établi et n’apportait pas les réponses demandées. Cela bloquait dans l’avancement de la production, puisque cela introduisait le doute et l’incertitude de la justesse de la réponse. Plusieurs solutions étaient possibles pour justifier un tel comportement; celle de la méconnaissance du projet envisagé - en l’occurrence c’est une petite commune qui avait très peu d’expérience dans la commande publique - et l’incapacité de préciser le projet, ou une volonté d’évincer discrètement les candidats non souhaités pourtant sélectionnés. Grâce à l’expérience de l’agence dans le domaine scolaire, elle avait des notions d’organisation et de fonctionnement d’établissements de la sorte. Le savoir par l’expérience permettait de dépasser ce problème et de répondre d’après une logique déjà appliquée précédemment. Pour autant cette position à laissé l’agence dans le doute d’être retenue – qui est déjà toujours présent même lorsque le programme est explicite - puisqu’il était impossible de concrètement savoir si la proposition convenait aux attentes implicites de la demande.]

- Page 18 -


De manière générique, on attribue le projet à l’architecte. Mais en définitif, il n’est que le prestataire de services répondant à un demande émanant d’un besoin du commanditaire. Cette relation met en place deux postures bien distinctes, celui qui décide et celui qui propose. Cela va donner lieu à de régulières négociations entre les deux acteurs pour trouver une vision synthétique répondant à la fois au besoins exprimés, aux moyens employés et aux possibilités de réalisations. « Le projet, au delà de toute considération technique et économique doit répondre aux désirs, exprimés ou non, du client » 10

Le client - privé ou public - est alors le premier juge et exerce un pouvoir sur l’architecte par le projet qu’il porte puisqu’il en est l’initiateur. Il représente d’autre part la toute première contrainte du projet car il n’a pas la connaissance pour le matérialiser mais il sait ce qu’il veut. C’est alors à nous de réussir à cerner la demande en question pour trouver un compromis. Cette négociation est l’œuvre de plusieurs réunions où, à la manière de psychologues nous tentons de cerner au mieux l’enjeu par le biais de la proposition. Cette notion de proposition dans le monde des marchés publics rime d’avantage avec prendre un risque et donc perdre l’opportunité de répondre. Les codes qui régulent les marchés exercent indéniablement un pouvoir ascendant sur notre profession. Bien qu’ils soient là pour nous aider et nous guider ce sont eux qui génèrent et règlent littéralement notre production.

La maîtrise d’ouvrage est la première à instaurer, faire appliquer mais aussi devoir répondre à ces codes. Elle établit et traduit en règles et contraintes le travail des concepteurs qui doivent s’y soumettre depuis la candidature jusqu’au dernier jour de responsabilité décennale. Dès la phase initiale de candidature, on peut s’apercevoir que cette autorité peut prendre des formes très hétérogènes en fonction de ses qualifications et son professionnalisme. Suivant l’acteur qui l’incarne, elle peut rencontrer plus ou moins de difficultés à jouer son rôle et répondre à la complexité des codes. Cette organisation se voulant complète trouve pourtant des failles. Lors des différents concours voir même des appels d’offre réalisés, on se rend compte qu’il y a une certaine inégalité dans les demandes et que les dossiers de programmations ne renseignent pas les projets de la même manière. Les corps programmatiques ne définissent pas tous avec autant de rigueur les attendus. Soit trop exhaustifs ce qui pose des limites si complexes qu’il est compliqué de mettre à jour un projet possible, soit pas assez, ce qui crée le doute et laisse place à des zones de flous, ou encore de contradictions. « Sous la pression conjugué des organisations professionnelles pour légitimer leurs expertises et de pouvoir publics pour contrôler leurs propre production patrimoniale, le droit ordonne des tâches et missions des uns des autres. L’activité des architectes, celle de maîtrise d’œuvre et de la conception architecturale est donc précisément codifiée» 11

- Page 19 -

«Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’H’armattan, 2000, p38 Idem p20

10 11


« Depuis 25 ans trois lois et décrets donnent une image précise du travail de l’architecte et de la structure du processus de production dans lequel il est engagé. » 12 Il est difficile de négocier avec le pouvoir, Bien que nous sommes censé faire équipe avec la maîtrise d’ouvrage publique pour l’aider dans son projet, nous subissons au début de la mission une perpétuelle demande de justification et d’attestation pour savoir si nous sommes aptes à posséder ce pouvoir. Ce temps représente un réel combat qui ne prend jamais vraiment fin. Pour affronter ce pouvoir et justifier d’un savoir faire il faut non seulement se constituer un groupement pluridisciplinaire, mais aussi très souvent s’associer. Une situation récurrente, qui permet d’une part de ne pas être seul face à cette responsabilité à venir, mais aussi de motiver d’une expérience plus complète prouvant notre capacité à gérer des projets d’une typologie similaire. Il est incontestable qu’en ayant déjà de l’expérience dans le domaine, le savoir-faire donne une légitimité naturelle ainsi qu’une confiance plus importante. Malheureusement cela limite très largement l’accès à la commande de petites structures, nouvelles dans la profession. L’accès au pouvoir représente une réelle complexité puisque le champ est déjà bien délimité et circonscrit. C’est un élément que j’ai relevé fréquemment chez de jeunes équipes d’architecture partageant leurs premières années dans le milieu. Cette première insertion est difficile même lorsqu’on en respecte les codes à la lettre. Quand on ne sait pas assez on nous considère comme peu compétent en vue de la posture attendue. C’est un combat permanent puisque le ratio entre les moyens mis en œuvre, le temps passé à répondre aux candidatures et les réponses positives est de l’ordre de 1/300.13 Un constat qui force ces jeunes «Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’Harmattan, 2000, p20 Conférence de l’agence COMBAS 28/03/2017 au syndicat des architectes des bouches du rhone 12 13

agences à démarcher d’autres agences mieux intégrées avec plus d’expérience dans le système pour accéder à la commande. Cette association œuvre alors comme une sorte de parrainage qui avec le temps permet aux nouvelles structures de trouver de l’autonomie et de la crédibilité face aux détenteurs du pouvoir (à savoir les pouvoirs publics). La problématique révèle aussi une spécialisation des cabinets d’architecture, qui malgré eux n’étant garant que dans la réalisation d’une typologie en particulier (hôpitaux, scolaire, logements, tertiaire) se retrouvent cantonnés à cette dernière. Si il y a de leurs part une volonté de se diversifier et d’évoluer, ils savent pertinemment qu’il faudra encore une fois renouveler le combat et chercher de nouveaux associés pour accéder à de nouveaux types de commandes. Le pouvoir est alors subit par l’architecte, littéralement jugé pour savoir si il est « compétent » et « possède les garanties nécessaires » à intervenir ou non. Bien que l’architecture sonne généralement comme une œuvre subjective pour les profanes, on peut bien noter que le choix de l’architecte l’est tout autant. Les autorités , agents de la commande publique sont des entités hétérogènes car plus ou moins expérimentés. Ils possèdent la compétence de savoir ce qui est bon pour leurs communes ou les zones à étudier. Mais il faut aussi noter que les projets voulus sont aussi des propositions subjectives, volontés des élus de s’assurer une pérennité face à leur électorat pensant à des besoins réels ou non dans l’intérêt commun. Les critères établis pour la sélection anonyme initiale des candidats qui participerons aux concours n’étant pas communiqués, les raisons de refus se résumant à quelques lignes sur un courrier recommandés– ou de retenus - paraissent toujours assez abstraites. - Page 20 -


ÉTUDE DE CAS N°3 : Prestation supplémentaire pour répondre à un besoin de la maîtrise d’ouvrage [ Une demande des utilisateurs du bâtiment, appuyée par la maîtrise d’ouvrage avait obligée l’architecte à créer le parvis du bâtiment (réfectoire scolaire) car l’accessibilité actuelle n’était pas adapté à l’usage. Il fallait projeter un dispositif paysager permettant de solutionner le problème à partir de ce qui était en cours de réalisation et l’adapter a cette nouvelle donnée. Cette prestation était inclue dans la mission de l’architecte comme un service complémentaire

- Page 21 -


- Page 22 -


- Page 23 -


2-TRANSMITION DU POUVOIR

ÉTUDE DE CAS N°4 : Une réunion maîtrise d’œuvre-maîtrise d’ouvrage, nécessité de collaborer pour agir [ J’ai eu l’occasion d’assister à l’une de ces réunions entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre où on tente de trouver ces zones de compromis. Le projet en cause, en cours de réalisation, faisait état de difficultés en cascades. Générées pas une multitude d’aléas différents qui s’étaient accumulés dans le temps, cela provoquait un blocage palpable. Les entreprises aux vues de nos difficultés ont profité de la situation pour bloquer l’avancement et faire part des problèmes directement à la maîtrise d’ouvrage. Ayant un rendez-vous mensuel avec les utilisateurs du bâtiment ainsi que la maîtrise d’ouvrage déléguée pour faire état de la situation et intégrer les éventuelles demandes complémentaires, nous avions dès lors évoqué de manière très franche nos obstacles ainsi que sollicité plusieurs fois leur aide. Le budget et le temps étaient deux éléments au centre du débat mais le manque d’implication de la maîtrise d’ouvrage dans la situation posait aussi beaucoup de problèmes. En effet, celle-ci ne tenait pas son rôle en ne se prononçant pas assez régulièrement pour arbitrer. Lorsque nous avons pris conscience que les complications rencontrées étaient trop grosses pour pouvoir être simplement discutées en réunion de chantier, nous avons, en tant qu’équipe de maîtrise d’œuvre, demandé une réunion avec notre commanditaire. L’atmosphère était plutôt lourde et institutionnelle, implicitement il fallait rendre des comptes. Le rôle de l’architecte dans un premier temps était de dépasser ce rapport dominant-dominé (d’autant plus que nous nous sommes déplacés dans leurs bureaux) pour mettre en place un dialogue constructif entre entités décideuses et responsables. L’intérêt a été majeur, puisque nous avons pu faire des choix stratégiques pour faire pression sur l’avancement, solliciter un soutien plus important quant à nos ordres exécutoires, ou encore acter certaines situations financières. Il fallait affirmer une posture ferme pour pacifier les rapports. Pour exemple, une avance pour commande de luminaires à été réalisée pour le lot CFO/CFA qui était en difficultés financières. Point par point nous avons pu expliquer l’état actuel et chercher à trouver ensemble des issues viables tant financièrement que temporellement.]

- Page 24 -


De ce premier état d’une relation assez dure entre « pouvoir adjudicateur » et « opérateur économique » on assiste à une mutation de la situation qui prend la forme un partenariat. Une fois le choix fait, les preuves fournies, la séduction du jury établie, la considération de son savoir est enfin considérée et identifiée par la levée de l’anonymat. L’architecte gagne en pouvoir. Il peut alors entrer en dialogue puisqu’il a été sélectionné pour sa prestation. Lui et le groupement - sont à présent les détenteurs du projet à réaliser. Sa réponse a été choisie, considérée comme la plus juste en comparaison aux autres. Il va devoir et pouvoir dès lors négocier son identité. C’est le début d’une relation basée sur le compromis ; l’architecte par sa proposition va tenter d’augmenter le budget alloué et la maîtrise d’ouvrage demandera d’adapter la proposition. Durant cette transition entre le choix du projet et sa réalisation, le maître d’œuvre doit néanmoins collaborer avec la maîtrise d’ouvrage. Il faut alors réussir les étapes (les différentes phases de la loi MOP - Esq/APS/ APD/PC/PRO/DCE - qui précisent à chaque fois le projet de plus en plus, et qui le soumettent a des validations et éxaminations successives. Le projet est testé sous tous ses angles de manière à en définir les moindres aspects pour en permettre la réalisation. On peut percevoir ces multiples examens comme un gain progressif du pouvoir. C’est assez drôle car finalement nos premiers juges qui marquent dans un premier temps une forte distance hiérarchique, ont vocation à collaborer et donc à partager leurs pouvoirs dans un deuxième temps. Je conçois ces étapes comme une destitution croissante car la compétence est transmise, et le projet en est l’incarnation.

C’est alors au tour de la maîtrise d’œuvre, auteur du projet qu’appartient maintenant la possibilité de décider. Toujours sous la garde du commanditaire.L’intérêt de cette relation partenariat est bien de veiller à ce que la réalisation ne dépasse pas les accords précédemment établis. C’est-à-dire que l’idée s’insère dans une perspective réaliste respectant un budget et un temps donné...principales préoccupations de la MOA mais aussi ennemis de l’architecte.- Faisant appliquer cette règle, l’architecte se doit de faire état constant de la situation. Lorsqu’il y a dérapage, des solutions entre ces partenaires se doivent d’être pensées. « La finalité est de professionnaliser la maîtrise d’ouvrage afin de limiter les dépassements de coûts, de délais, la mauvaise adéquation des constructions aux usagers. » 15 La position mutante de l’architecte à qui on délègue le pouvoir lui impose d’être une personne sachante, mais surtout garante. Il doit pouvoir être un réceptacle de confiance, ne faisant pas usage d’autorité pour son bien personnel, mais dans l’intérêt commun grâce à sa connaissance il sait influencer les choix et négocier une gestion générale qui garantira la bonne édification du projet. Ces qualités qui prennent progressivement corps, sont éprouvées lors de la réalisation du projet.

- Page 25 -

15

«Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’Harmattan, 2000, p21


3-POUVOIR ACTIF, LIBERTÉ D’ŒUVRER

ÉTUDE DE CAS N°5 : La résistance d’une entreprise en macro-lot, un combat de pouvoir [ J’ai eu l’opportunité d’être confronter à une entreprise qui refusait de coopérer. Elle avait répondu en tant que macrolot pour l’exécution du marché. Celle-ci bloquait l’avancement du chantier et créait une situation qui naturellement incitait les autres entreprises à faire de même. Comptée dans les leaders français dans le milieu de la construction -entre autres - avec plusieurs filiales partout en Europe, elle intégrait une hiérarchisation tentaculaire avec notamment un corpus juridique et économique complet. C’était une véritable machinerie complexe qui cherchait à prendre les devants et rentabiliser sa construction et son chantier toujours dans l’objectif de l’entreprise à plus grande échelle. Lorsque son représentant était en difficulté sur un chantier, il était tout de suite assisté d’une deuxième personne, voir de ses responsables pour l’épauler. Leurs stratégies de production avait donné lieu à des prises de libertés non contrôlées. J’ai pu constater des prises d’initiatives non concertées, des non respect du CCTP, ainsi que des refus d’exécuter certains ouvrages ou d’erreurs majeures dans les procédés d’exécution. De ce fait, beaucoup d’échanges formels étaient devenus nécessaires pour se protéger en tant que MOE car nous étions garant de la bonne exécution. L’appui des co-traitants (OPC, B.E) était indispensable car ils appuyaient l’architecte dans les sujets litigieux. Les échanges devaient être des plus rigoureux puisqu’ils attestaient juridiquement parlant. Le problème devenait la crédibilité de la maîtrise d’œuvre. En déséquilibrant l’équipe,cela provoquait des prises d’initiatives de la part d’autres entreprises qui y voyaient leurs intérêts et jouaient leurs cartes à tour de rôle. Le défi était de maîtriser les dérives.]

- Page 26 -


Le chantier est la concrétisation du projet. L’équipe de maîtrise d’œuvre avec à sa tête l’architecte doit leader l’exécution du chantier. Cette position ascendante naît de l’apparition d’une nouvelle entité ; celle de la construction. Tout un corps d’entreprises est déterminé par un choix commun - entre maîtrise d’œuvre/maîtrise d’ouvrage - et en respect du code des marchés public- soit le moins disant-. Cette nouvelle entité bien examinée est un nouvel élément avec qui l’architecte doit entrer en contact. L’application de fait de son pouvoir est légitime puisque c’est lui qui est à l’origine de l’intervention des entreprises. Il est d’autant plus attesté car c’est à lui qui sait et c’est a lui que les entreprises doivent se référer tant au niveau technique, conceptuel, que financier. C’est aussi lui qui peut sanctionner et ordonner - O.S/pénalités/mise en demeure/visa défavorable/refus de situation de travaux.- Ce rapport de subordination ne fait pas de lui une autorité totalitaire. Il doit lui aussi décider de donner un peu de pouvoir aux entreprises pour qu’elles proposent et s’investissent dans le projet en terme de performances et de qualité de prestation. En rentrant dans un dialogue, il fait naître une considération de l’entreprise qu’il considère comme experte dans son domaine, avec qui il peut négocier et réussir à obtenir ce qu’il veut dans l’intérêt le projet. « Les entreprises de construction forment le troisième pôle fort du processus de production après ceux de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre. La finalité des activités de réalisation est de traduire le projet en un objet matériellement constitué, opérant le passage du projet virtuel à l’objet construit dans ses dimensions techniques et économiques »16 16

«Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’Harmattan, 2000, p58

Le fait que les entreprises soient force de propositions est important car ce sont elles qui conditionnent la qualité de réalisation. Les produits employés, les demandes éventuelles qui peuvent être faites aux fournisseurs et les techniques employées pour palier à des problèmes de réalisations in situ sont le pouvoir que possèdent les entreprises. L’architecte lui se prononce en visant et décidant si la proposition de l’entrepreneur convient ou non en fonction de la description du projet dans les différentes pièces graphiques et écrites du projet. Ces pièces, rédigées collégialement par l’équipe de maîtrise d’œuvre sont de véritables outils de pouvoir du projet puisqu’elles traduisent très précisément les théories du projet. Elles attestent et prouvent dans quel champ et sous quelle forme l’entreprise se doit d’exécuter le travail pour lequel elle a été mandatée. Les négliger génère a fortiori des contradictions ou des zones de flou qui font perdre de la crédibilité au corps de maîtrise d’œuvre et qui perturbe l’exécution et sa compréhension. L’entreprise n’ayant plus de règles claires à suivre, déconsidère le pouvoir ascendant qu’elle subit et prend une autonomie dangereuse. N’étant pas l’initiatrice du projet, elle n’a pas le savoir nécessaire mais voit l’intérêt économique que peut représenter le projet. Lors de cette perte de contrôle, il est impératif de réguler la situation en redéfinissant les enjeux et rôles de chacun, et de reprendre le pouvoir décisionnaire perpétuellement testé et remis en cause pour conserver le contrôle du projet. Le problème de ce pouvoir exercé est qu’il n’inspire qu’à être conquis. Là est la difficulté de notre métier. Face à un corps de métier rassemblant plusieurs compétences, nous devons perpétuellement prouver notre ascendant sur la réalisation du projet et ne pas perdre la main. - Page 27 -


« Les entreprises générales qui pour les projets importants, sont les grandes entreprises du secteur ou leurs filiale, aime à exercer ce type de prérogatives par le contrôle qu’elles ont sur le produit final et la latitude qu’elles y trouvent pour intégrer leurs savoir-faire »17

«Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’H’armattan, 2000, p58

17

- Page 28 -


ÉTUDE DE CAS N°6 : Pouvoir de réalisation [ Pour illustrer les types de difficultés et un processus de résolution face, l’un des exemple ci-après en est la réalisation de la sous face du bandeau d’un bâtiment destiné à la restauration scolaire. Le macro-lot en question ne réalisait pas la synthèse de leurs études d’exécutions demandées à multiples occasions. Il a fallu résoudre sur place le détail d’assemblage du bandeau béton et de sa sous face en Wab. Cela aurait dû être préalablement réglé en étude par l’entreprise. Leurs sous-traitant ayant changé, les informations n’avaient pas été transmises. Ils ont donc réclamé plusieurs fois des détails complémentaires, oralement puis par courriers justifiant que les dessins n’étaient pas assez précis. L’architecte était dans l’attente de la réalisation d’un prototype sur lequel il pourrait se prononcer et orienter l’exécution. La négociation a été longue, et finalement le pouvoir d’exécution a fait foi et l’entreprise a enfin réalisé des tests. Les précisions de la demande pouvaient être émises une fois la proposition établie pour statuer sur l’ensemble.]

- Page 29 -


sur plots périphériques ection (2m)

Détail marché de la sous face du bandeau

Etanchéité bicouche

E02 - D

Bande pare soline

Isolant ep :18 cm Pare-vapeur Dalle B.A. ep : 22 cm

56

ère

100

Isolant sous dalle pour traitement du pont thermique type laine de roche

Panneau sandwich isolé

Garde-corps GC 06 voir détail serrurerie

Plaque ciment + peinture minérale

Banc Plateau en bois massif Poteau bois 10x10 cm

Bavette

sible cm

Appui et seuil béton

B.A 5 cm

Platelage bois

Platelage bois

Lambourdes pour platelage bois

Lambourdes pour platelage bois

50

e sol

60

Goutte d'eau

5

Mur rideau Double vitrage

25

20

10

10 8

Dalle B.A ep : 20 cm

e

erie

Ballast drainant

Drain

- Page 30 -

Cunette béton

Détail de façade sur terrasse


- Page 31 -


4-POUVOIR PARTAGÉ

ÉTUDE DE CAS N°7 : Un partage des savoirs pour enrichir le projet [ Lors d’un de mes premiers concours, j’ai eu l’occasion de faire l’expérience de ce «groupement». Les réunions d’harmonisation autour d’un enjeu commun initié par l’architecte se sont révélés beaucoup plus complexe que ce que j’avais en tête. Elles étaient en réalité un moment d’échange allié à une négociation forte. La concession était l’un des maîtres mots pour avancer et concevoir. Il ne fallait pas pour autant céder aux premières solutions qui pouvaient convenir aux corps technique et financier faciliter la transaction, mais les pousser à dépasser ce stade pour rallier l’idée à la réalité. C’était pour cette raison qu’il était important de choisir les membres de son groupement. C’est ce qu’à fait le chef d’agence, et ce dont je ne m’étais pas préoccupée jusqu’ici. Le dispositif de choix des interlocuteurs était fondamental car il conditionnait les échanges à venir. Cela n’a pas permis pour autant de trouver une situation idéale où tout le monde était en accord avec ce qui était projeté. L’architecte devait de les convaincre les co-traitants et les pousser à dépasser la limite que fixait leurs champ de connaissance. Il leurs demandait de proposer et de sortir quelque fois de leur zone de confort pour trouver un compromis. L’équipe était le premier oratoire avec qui il devait négocier. Les acteurs en questions ont permis de développer une richesse dans la production et de générer de nouveaux concepts pour le projet. Une réelle émulsion. J’ai compris qu’il fallait choisir ses partenaires car ils influençaient énormément le développement de l’idée. Dans cette situation, le bureau fluide et qualité environnemental était un véritable partenaire, complètement dans la ligne de pensée de l’agence, qui permettait un développement du bâtiment extrêmement qualitatif. L’illustration de ce travail qui suit est le fruit de cette collaboration entre les acteurs. Une réponse synthétique entre la structure du bâtiment, l’incorporation des fluides ainsi que les usages du lieu. La structure pré-fabriquée poteaux/plancher permettait de créer une trame en façade, qui non seulement porteuse, hébergerait par l’épaisseur des poteaux des espaces de rangements ou points d’eau. Ce dispositif permettait de générer des espaces modulables car des parois amovibles demandées au programme trouvaient leurs place entre ces poteaux.]

- Page 32 -


- Page 33 -


- Page 34 -


Lorsque je me suis attachée précédemment à discerner les différentes phases du pouvoir détenu dans le projet, je n’ai fait que principalement citer l’architecte.

doit encore une fois négocier au sein de son groupement en partageant et en mobilisant les disciplines autour d’un but qu’ils doivent considérer comme commun.

En réalité, et même si je considère que l’architecte en est l’un des protagonistes principal dans cette aventure que constitue le projet, il fait néanmoins équipe avec des techniciens et économistes de la construction qui l’aident à rendre son idée viable. Ce groupement qu’il constitue et avec lequel il agit n’implique – normalement - pas de rapports d’emprises particulières. Ils sont d’ailleurs qualifiés de co-traitant, faisant état d’une relation d’équité. Malgré cela l’architecte est toujours considéré comme premier responsable puisqu’il est mandataire du groupement. On note d’ailleurs que lors des candidatures, les co-traitants doivent juridiquement fournir le « pouvoir » au mandataire lui déléguant la responsabilité d’agir.

« - Le concours - est devenu l’objet d’un extraordinaire jeu d’influences à tous les niveaux et à tous moments de la part des architectes et des BET » 20

En répondant ensemble à une demande, une réflexion commune est engagée depuis le temps 0 du processus. Pour autant, la position l’architecte est encore une fois remise en cause. Ces acteurs qui participent l’émergence du projet - donc du pouvoir - viennent contraindre le projet. Cette contrainte doit être vue comme une structuration progressive qui permet de faire évoluer et matérialiser l’idée initiale. Les partenaires doivent être bien choisis par l’architecte car c’est avec eux qu’il va avancer, gagner et partager progressivement le pouvoir qu’on lui délègue. Une mauvaise attitude de l’architecte ou un manque d’implication des bureaux (économiste/BET/paysagistes) créé une faille dans le développement. Le projet fédère les acteurs, mais c’est à l’architecte d’organiser et de gérer les échanges de manière à générer un mouvement commun. Il 18

«Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’H’armattan, 2000, p29

Beaucoup de théoriciens comme Guy Tapie et Olivier Chadoin mettent en avant que la fragmentation du processus du projet en diverses compétences a fait grandir une concurrence au sein même de la maîtrise d’œuvre. Laissant penser que la compétence de projet ne nécessite pas de prédispositions cognitives nécessaires. Les B.E et les économistes estimant que leurs compétences est suffisante pour d’alimenter un projet. Pourtant, lorsque l’on réunit le corpus de maîtrise d’œuvre autour d’un projet, et que l’on laisse interagir les protagonistes de manière autonome, on se rend compte qu’ils ont une faculté à démanteler les concepts établis sous prétextes de fonctionnalités, ou de techniques. Le projet perd alors de sa teneur conceptuelle voir de son sens. L’architecte doit sur ce terrain aussi prouver sa qualité cognitive ainsi que son pouvoir de projeter un schéma spatial unique en fonction d’un usage et d’un environnement perpétuellement nouveau. Défendre son identité et le pouvoir d’être le «concepteur primaire» maîtrisant les connaissances «ex antes» du site ainsi que les contraintes.

- Page 35 -


5-RESPONSABILITÉS DU POUVOIR

ÉTUDE DE CAS N°8 : La responsabilité des normes [ Je travaillais sur un ouvrage en cours de réhabilitation. L’avancement du chantier soulevait des détails de conception qui lors de leurs besoins de réalisation demandaient a être un peu plus détaillé. Cela a été le cas pour l’escalier conservé qui devait être mis aux normes actuelles. En qualité de sachant, il fallait appliquer la réglementation de sécurité pour garantir la conformité de l’ouvrage. J’ai donc du vérifier sur site en mesurant directement son état actuel. Le problème concernait le garde corps qui était sensé être conservé dans le projet. Il devait garantir certains critères de sécurité qui devaient être présent pour envisager la possibilité de rester. J’ai alors produit un détail complémentaire au marché, en exposant que les éléments respectaient les critères normatif (continuité du garde corps, espacement du barreaudage, hauteur). J’ai sollicité le bureau de contrôle pour qu’il me fasse un retour et par la suite donne un avis favorable. Son intervention m’a obligé à doubler le garde corps existant d’une main courante de l’autre coté de chaque volée, d’insérer une trappe de désenfumage, ainsi que de bloquer un accès qui pouvait être considéré comme potentiellement dangereux pour les futurs utilisateurs.]

- Page 36 -


- Page 37 -


- Page 38 -


Nous l’avons déjà noté précédemment, l’accès au pouvoir fait de l’architecte une personne responsable par ses compétences, mais aussi par la place qu’il va occuper dans l’espace commun. « Ce métier d’architecte est délicat et dangereux pour l’architecte lui même, mais surtout pour les autres. C’est un métier terrible nous l’avons déjà dit quand tu te trompes tu imposes un full immersion dans un monde d’erreurs que tu as produit, à des milliers, voire à des millions de personnes, et pour un long, très long temps. »21 La dimension sociale nous force à nous sentir concernés par nos actions dans l’environnement dans lequel nous bâtissons. C’est une compétence que nous expérimentons dimension réelle et qui impactera inéluctablement la zone d’intervention. D’autre part, ce pouvoir étant juridiquement codifié nous incombe les responsabilités lourdes de nos erreurs dans l’exercice de notre profession. En ayant le devoir de conseil, nous devons connaître les codes qui organisent l’insertion dans un territoire donné, les normes qui règlent une accessibilité aux bâtiments, les lois qui définissent la conformité des ouvrages, et les devoirs qui nous engagent lors d’un accord contractuel ainsi que les sanctions possibles. En effet, l’architecte a du pouvoir car il doit savoir. Mais la difficulté est qu’il ne sait et ne saura jamais tout, il y aura toujours des zones d’ombre qui créerons des aléas non prévus dans la production. Gérer un nombre d’interlocuteurs indénombrable ouvre le champ a beaucoup d’éventuels. Mais l’architecte s’engage à pouvoir, garant d’un résultat positif et du moins de trouver des solutions alternatives, 19

«La désobéissance de l’architecte» Renzo Piano, Ed Arléa, 2009 p105

parades ingénieuses grâce auxquelles il peut dépasser ces obstacles imprévus et palier au manque en adaptant la situation. En réalité, l’architecte n’est pas seul dans cette mission, il a des alliés neutre pour l’épauler qu’il doit solliciter pour l’aider lorsqu’il en a le besoin et qui savent prévenir en cas de danger. Ces autres professions référents sont notamment; le bureau de contrôle qui possède le savoir de la conformité, L’OPC possède le savoir de développement, le CSPS qui possède le savoir des risques de sécurité. Ils alertes des risque possibles concernant l’exercice et sont en mesure de savoir comment les éviter. Pour le reste, l’architecte est destiné à aller chercher l’information nécessaire qu’il ne possède pas forcément, mais dont il sait qu’il est limité. Ainsi il doit lorsqu’il estime nécessaire demander diagnostics - études de sols, relevés, amiante, étude sociale - ou prendre contact avec les personnes concernées - services techniques, services de l’urbanisme -. Sa responsabilité est un véritable combat pour s’assurer que son action n’engendrera pas une infraction ou un dommage. La tâche est donc lourde puisque dès son intronisation, le pouvoir devient une charge conséquente pesant sur sa qualité a exercer en tant que personne morale.

- Page 39 -


- Page 40 -


2-AUX FRONTIÈRES DES SAVOIRS

- Page 41 -


1-L’INTERPRÈTE D’UNE DISCIPLINE

ÉTUDE DE CAS N°9 : Articuler les acteurs pour résoudre un sujet [ Face à une erreur de diagnostic dans l’étude structurelle d’un projet de réhabilitation, j’ai saisi à quel point l’architecte pouvait être un intermédiaire dans le projet. Le diagnostic n’avait pas pris en compte une différence de niveaux de la dalle du RDC. Une sur-épaisseur de 30 cm d’épaisseur a été notifiée lorsque nous avons demandé au lot gros œuvre de commencer leurs études. Dans l’impossibilité de réaliser le projet comme il était sensé être, il fallait adapter le projet. Toute remise à niveau de la dalle pour garantir une accessibilité allait avoir un impact très important sur la solidité structurelle du bâtiment. Il fallait alors interroger le bureau d’étude structure qui pouvait trouver une solution en fonction des plans réorganisés et repris à cet effet. Trouver une solution à la fois en accord avec la conception, la structure, la mise en œuvre et l’accessibilité. Les plans ont été mis à jours plusieurs fois pour adapter le projet aux différents facteurs dont ils dépendaient. L’architecte était au cœur de ces échanges pour garantir une réponse synthétique viable.]

- Page 42 -


- Page 43 -


Avant 1970, la définition du rôle de l’architecte faisait référence à celui du chef d’orchestre, aux multiples compétences, capable de gérer un projet dans son entièreté. « L’architecte, qui jusqu’à présent pouvait se prévaloir de l’identité de chef d’orchestre, garant de la maîtrise d’œuvre se retrouve mis en question. D’un coté, sa position dans le procès d’une production est dorénavant dépendante d’une fragmentation en plusieurs domaines - le programme, le projet, la réalisation et le contrôle par exemple dans les cas les plus simples.- »20 Cette fragmentation successive du rôle de l’architecte et des limites de l’exercice de sa mission négociant régulièrement avec le pouvoir est apparue après 1970. A l’inverse de ce que certains avancent, je considère que cela ne le diminue pas pour autant, mais au contraire que cela a eu un effet plutôt intéressant, bien qu’il soit encore beaucoup remis en question. Il fait de lui un intermédiaire qui ne détient pas l’expertise complète dans un domaine spécifique, mais qui coordonne des experts de la profession dans une direction bien défini que lui seul maîtrise. Alors oui, on peut dire qu’il conserve sa position chef d’orchestre puisque c’est littéralement lui qui est à l’interface de tous ces échanges. Il met en relation une multitude d’experts compétents dans des domaines distincts qui sans lui, ne dialogueraient que très succinctement. Il est un véritable trait d’union qui grâce à son statut omniscient (qui) fait se connecter entre eux les différents acteurs fragments du projet. Cette inter-positionnalité voire multi-positionnalité se développe dans divers groupements dans lesquelles l’architecte à un rôle à jouer. Il doit se positionner et coordonner diverses compétences faisant appel à une «Être architecte, Les vertus de l’interdetermination de la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel» Olivier Chadoin, ED Pulim, 2007 p 25 21 «Être architecte, Les vertus de l’interdetermination de la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel» Olivier Chadoin, ED Pulim, 2007 p 195 20

certaine adaptation en fonction de son type de locuteur. « Le processus de production d’un ouvrage est classiquement décrit par un partage en trois grandes phrases : maîtrise d’ouvrage ou commande, maîtrise d’œuvre, exécution ; chacune de ces séquences engage des intervenants différents. La maîtrise d’œuvre est généralement définie comme un espace qui rassemble les professions qui prennent en charge dans le processus de production d’un ouvrage des missions ayant un caractère intellectuel ou de service.»21 L’enjeu initial de cette posture est de savoir recevoir l’information. Tout ces flux provenant d’entités différentes se doivent d’être intégrés et rassemblés dans le but de former un ensemble cohérent dont l’architecte est le garant. Le dialogue enclenché est le point de départ de successifs et récurants allers-retours d’information tels que des ajustements perpétuels. Plus il nécessite d’être détaillé, plus il force à solliciter de nouveaux acteurs pour le préciser et apporter l’information nécessaire, plus l’architecte doit jongler entre ces flux. Le projet générant naturellement des sujets à traiter, pour définir l’exactitude de sa réalisation, oblige une communication. C’est à l’architecte qui se doit de rendre limpide les sujets en question et de savoir les synthétiser Les échanges au cours d’un projet en sont une partie fondamentale qu’il ne faut surtout pas négliger. Il se doit premièrement de comprendre et de cerner le sujet pour maîtriser, les tenants et aboutissants et deuxièmement il doit être en mesure de transmettre l’information perçue a d’autres maillons de la chaine. Là est la complexité de - Page 44 -


l’exercice puisqu’il est dépendant de plusieurs facteurs ; la clarté de l’information perçue, la compréhension de son interlocuteur, et l’interprétation de celui qui la reçoit. Il doit prévenir ce phénomène de relation en chaine qui peut facilement être déstabilisé. Les perturbations possibles peuvent provenir ; d’un manque de lisibilité de la notion explicité ou les enjeux sont mal identifiés, d’une interprétation arbitraire du locuteur qui d’après sa formation pense savoir ou de moyens de communications non appropriés bloquant la progression de l’information dans la chaine de transmission. La perte de données lors des multiples communications est facteur d’équivoques, de malentendus ou d’incompréhensions, ce qui impacte et nuit inéluctablement au projet. Caution de ces échanges de part sa position centrale, l’architecte doit être en mesure d’établir ces médiations.

.Celle de la conception en interne au sain de l’agence, dialoguant avec son équipe. Il transmet l’idée directrice et la développe conjointement. Le vocabulaire est censé être plus familier puisque les acteurs issu d’un même parcours utilisent sensiblement un même lexique architectural. .Celle de la conception en externe au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre. Les champs de conceptions pouvant être partagés (paysagiste, architecte co-traitant), ils tendent à se complexifier lorsqu’ils sont transposés dans des langages plus techniques comme celui des B.E et économistes des la construction .Celle de la construction qui arrive progressivement par la précision du projet, et se matérialise concrètement lors du chantier. C’est un vocabulaire pratique de mise en œuvre.

C’est la raison pour laquelle il doit connaître et savoir naviguer parmi les différents langages de la discipline qui regroupent notamment les champs de l’économie, de la construction, ou encore de la conception. Lui seul, a le pouvoir de parler ces différentes langues simultanément, et de les conjuguer. Il devient le traducteur attitré de ces vocabulaires experts qu’il se doit de transposer avec la plus grande attention. Cette traduction est nécessaire à plusieurs échelles ; .Celle du marché, sous entendu la relation avec la commande qu’il doit savoir l’interpréter et comprendre tout autant que le besoin associé des usagers. Il développe alors une personnalité publique revendiquant une identité et une compétence transcrites grâce au vocabulaire sociologique et financier. - Page 45 -


2. A L’ INTERMÉDIAIRE D’UNE MULTIPLICITÉ DE SAVOIRS

ÉTUDE DE CAS N°10 : Médiation pour une bonne réalisation [ Ces ajustements sont des tâches régulières qui naissent naturellement par le projet. J’ai remarqué cette adaptation particulièrement intéressante en phase de chantier. Cela demande une forte réactivité quant à la capacité d’intégration des changements. En plus des aléas qu’engendraient certains ouvrages demandant une attention particulière, il fallait entrer en médiation avec les acteurs sur quelques sujets. En l’occurrence l’un des ouvrages à réaliser par le lot menuiserie conditionnait la mise à disposition d’un bâtiment. L’objet du débat était la mise en place d’un garde corps périphérique sur toute la terrasse du futur réfectoire. Les normes de sécurités ne nous donnaient pas la possibilité de passer outre, et la validation de la commission de sécurité était nécessaire. Les ouvrages de serrurerie étaient sous-traités par l’entreprise de menuiserie qui rencontrait des difficultés de communication avec son sous-traitant. N’étant pas capable de le gérer et de lui apporter les informations nécessaires, il fallait saisir le sujet. L’architecte n’a normalement pas à tenir ce rôle mais la situation forçait une intervention nécessaire. J’ai alors précisé techniquement le dessin, communiqué directement avec le sous-traitant en le sollicitant de manière récurrente pour mobiliser sa réactivité. Nous avons traité les interfaces financières qui étaient sous-jacentes à sa production, demandé les validations nécessaires au bureau de contrôle, ainsi que rétablit un lien avec le titulaire du marché pour que la cohésion soit possible. Un véritable dialogue multi-directionnel pour aboutir finalement à la pose du garde corps, permettant de rassurer à la fois la maîtrise d’ouvrage soucieuse de livrer le bâtiments en temps et en heures, ainsi que les utilisateurs qui émettaient un besoin urgent de l’ouvrage. ]

- Page 46 -


- Page 47 -


- Page 48 -


En définitif, l’architecte se situe au « Carrefour communicationnel mettant en réseaux des acteurs, dispersés » 22 La largesse de notre pratique induit une compétence pluridisciplinaire puisqu’il ne peut y avoir réalisation sans la présence d’autres professions contributrices. A l’image la roue maîtresse d’un engrenage, l’architecte fait fonctionner la machinerie du projet de par sa capacité à s’adapter et faire s’articuler les différents groupements grâce à son savoir et savoir-faire. « La polydisciplinarité constitue une association de disciplines en vertu d’un projet ou d’un objet qui leur est commun » 23 Le terme de marginal sécant fait référence à la sociologie des organisations qui définit une personne aux frontières des savoirs. Marginal dans leur communauté d’appartenance principal (métier) car ils doivent la faire évoluer et Sécant car ils sont à la frontière de plusieurs autres. En donnant naissance au projet, il en devient l’interlocuteur à part entière. C’est entre ses mains que peut évoluer et grandir l’idée initiale dont il est à l’origine. Pour cela, il se doit de négocier transversalement avec toutes les interfaces constituantes de la future réalisation. L’architecte se heurte fatalement à des discours inverses qui sans sa médiation et son intervention qui peuvent bloquer toute possibilité de développement. Lorsque deux domaines rentrent en conflit ils créent une limite pour le projet. Plus qu’un intermédiaire c’est par son savoir et son expérience qu’il résout et endosse la posture d’un conciliateur. C’est bien souvent que des propositions techniques se heurtent à «Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’H’armattan, 2000, p102 Edgard Morin : « Sur l’interdisciplinarité » dans « Les cahiers de la recherche architecturale et urbaine : Interdisciplinarité » Ed. Du patrimoine.p 19 24 «Être architecte, Les vertus de l’interdetermination de la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel» Olivier Chadoin, ED Pulim, 2007 p 70 25 Cahier de la rechercher architecturale et urbaine 2/3, Metiers Ed. Du patrimoine p11 22 23

celle de la conception, ou que l’aspect financier rentre en litige avec la production envisagée. En ajustant chaque pièce de l’ouvrage que ce soit pendant la conception ou lors du chantier il adapte les connaissances de chacun et tire les ficelles pour faire émerger une solution intermédiaire qui permet de dépasser la limite initiale. Cette compétence est la qualification même du marginal sécant. « Une agence d’architecture joue un rôle de liaison entre partenaires pour favoriser une cohérence entre les données programmatiques, conceptuelles et techniques et faire se rejoindre les trois cultures » 24 Pour anticiper et résoudre ces obstacles récurrents, sont développés des mécanismes, véritable stratégie pour se placer en tant que médiateur. Ces compétences intrinsèques à son exercice, sont élémentaires à appliquer en amont, pour former un environnement propice à l’établissement d’une réalisation possible. L’organisation, la coordination, et la gestion viennent structurer tour à tour le processus de notre pratique. « Les mode d’organisation de l’activité ont à voir à la fois avec les types de compétences qui se développent au sein de la profession et avec les rapport qu’elle noue avec d’autres groupes professionnels et sociaux » 25

- Page 49 -


3. LOGIQUE D’UN STRATÉGIE DE MANAGER

ÉTUDE DE CAS N°11: Nécessité d’organiser et coordonner une intervention en site occupé [ Cette organisation sur ce même chantier cité dans quelques exemples précédemment se révélait être un enjeu majeur puisque le projet était en site occupé. Cela induisait un phasage du processus pour coordonner à la fois l’occupation du bâtiment sa réalisation. Cette temporalité impartie forçait à avoir un enchaînement des taches très optimum pour répondre à la fois a une demande de réalisation du projet mais aussi à des attentes des utilisateurs des lieux. Des réunions mensuelles avec la maîtrise d’ouvrage et les utilisateurs faisaient état de l’avancement et des points bloquant. Les utilisateurs faisaient part de leurs différentes remarques - le plus souvent de l’ordre de l’usage et de la pratique- à intégrer. Enfin, la maîtrise d’ouvrage arbitrait, appuyait ou nuançait les différents propos avec toujours un bilan financier. Il n’est pas rare - et plutôt réaliste de l’admettre - qu’il y ait un delta entre la date de livraison prévue de l’ouvrage et la livraison concrète. Le phasage rendait l’échéance encore plus compliquée à gérer et les interlocuteurs à coordonner car tout retard d’un coté pouvait prendre une tournure handicapante de l’autre coté. En vue d’une livraison imminente de la première phase, nous devions organiser la transition en amont pour accéder à cette deuxième phase. Les entreprises n’ayant pas réalisé complètement la totalité de leurs ouvrages, nous devions pointer (avant de réaliser les OPR) les points bloquant qui retarderaient la livraison. Cela concernait notamment la pose de menuiseries qui ne garantissaient pas l’étanchéité à l’air de l’ouvrage, ou encore les raccordement d’EP qui n’étaient pas finalisés avant la date butoire. Ne pouvant retarder une nouvelle fois la livraison nous étions dans une dynamique de solutions provisoires qui nous permettaient de nous donner du lest et d’anticiper des solutions finales de manière un peu plus sereine, tout en état capable de livrer l’ouvrage dans la temporalité impartie et de continuer les travaux de la deuxième phase. ]

- Page 50 -


Organiser: « s’occuper de chacun des éléments d’un ensemble de façon à constituer un tout cohérent et adapté à sa destination » 26 Cette faculté est littéralement la tâche qui incombe à l’architecte désireux de réaliser un ouvrage. Depuis la candidature, première phase du processus de la commande publique l’architecte est engagé à répartir les tâches ; il organise qui établira quoi et comment, avec quelles compétences, avec quelles limites, et sur quelle base financière. Il s’agit d’anticiper et de définir le rôle de chacun des futurs acteurs au sein de la conception du projet. Le besoin d’organiser, intervient ensuite à nouveau dès lors qu’un acteur supplémentaire entre en jeu.

« Finalement le montage d’un projet c’est le montage des acteurs et des savoirs qui doivent être efficients (...) L’objectif du projet revient d’abord à organiser des compétences puis à organiser ces différences d’appartenance. L’essentiel est de créer une compétence collective » 27

La fin de la phase de conception marque à nouveau un besoin d’organisation (DCE/ACT). Il s’agit d’identifier des prestations et leurs limites quant à la réalisation future. Ainsi il faut répartir les sujets et les définir de la manière la moins équivoque en rédigeant des cahiers techniques et administratifs qui vont organiser et réguler la mise en œuvre du projet. Véritables fondations des futures relations à venir, ils doivent préciser au plus possible les modalités et procédés de d’exécutions tout en étant généraliste quant au choix final. Cette organisation est d’une part pour le dérouler du chantier, mais aussi pour protéger de toutes dérives la position de l’architecte et l’intégrité du projet.

Larousse 2017 Sur l’analyse sociologique des groupes professionnels» dans Revue française de sociologie n°1, 1973 p92 Pierre Zarifian 26

27 «

- Page 51 -


ETUDE DE CAS N°12 : La réhabilitation, un processus de coordination important [ Un processus de réhabilitation observé sur un chantier sur lequel j’ai travaillé m’a aussi fait prendre conscience d’une coordination à penser et à mettre en place. En effet, en agissant sur un bâtiment existant voué à être totalement dénudé pour n’en conserver que la structure, il fallait mettre en place un procédé d’exécution pour assurer une étanchéité à l’air et à l’eau. Il s’agissait alors de faire coordonner les différents lots autour de cette méthodologie et de définir la hiérarchie des interventions sous forme de mode opératoire. Dans un premier temps le gros œuvre devait venir isoler la façade existante par extérieur - 1 -, puis le lot CVC PB devait entre temps passer ses gaines de ventilation -2 - avant la pose de la façade en béton préfabriqué incorporant l’ensemble -3 -. De l’intérieur, le menuisier devait intervenir en premier et par un dispositif de pré cadres - 4 - assurer l’étanchéité à l’air, puis placer ses menuiseries et des panneaux d’OSB incorporant les gaines de ventilation - 5 -, pour qu’enfin le second œuvre vienne doubler et isoler et peindre les murs - 6 -. Ce phénomène en chaine à mis énormément de temps à être assimilé par les entreprises, et il fallait à chaque réunion de chantier s’assurer de l’exécution dans le bon ordre défini. Il était nécessaire de rappeler régulièrement sur le compte rendu la méthodologie a suivre ce qui n’avait pas empêché quelques déboires.]

- Page 52 -


1

2

- Page 53 -


3

4

5

6

- Page 54 -


Coordonner : « Ordonner des éléments séparés, combiner des actions, des activités distinctes en vue de constituer un ensemble cohérent ou d’atteindre un résultat déterminé » 30 Dans la progression des études conception, une fois l’équipe construite il faut à l’architecte pouvoir mettre en relation ces différents membres et de les coordonner pour qu’ils soient complémentaires. Le tout (but?) est d’avoir un regard global sur la situation de manière à déterminer rapidement les liens à établir toujours en vue d’un résultat final. Chaque étape demande de savoir solliciter le bon acteur et mobiliser son savoir dans un but précis afin de pouvoir avancer.

« En définitif, la question du « management et de la redistribution des places, qui, à travers les débats qu’elle engage, contribue a faire évoluer chacune des professions vers une spécification plus fine et stratégique de sa professionnalité. »29

Lors de la réalisation de l’ouvrage, cette compétence peut est déléguée à l’OPC qui à pour mission de planifier l’établissement des travaux suivant une temporalité donnée. Bien que son rôle est essentiel sur de gros chantiers puisque la tâche à effectuer est très lourde en travail et en temps, il ne peut écarter l’architecte. Il se trouve souvent confronté à des sujets qui dépassent son rôle de simple coordinateur, et doit alors consulter la maîtrise d’œuvre et principalement le concepteur. Il faut dans le respect de l’identité du projet à l’architecte trouver une solution. C’est à ce moment où il se tourne vers le maître d’œuvre. Il met là encore au service du projet, sa compétence de coordination mais cette fois ci à deux échelles différentes. Il fait émerger un dialogue avec les acteurs de la maîtrise d’œuvre concernée par le sujet, mais aussi avec les entreprises impliquées pouvant elles aussi participer a une résolution possible. On note que cette mission est souvent réalisée par l’architecte lorsque le chantier le permet. Outre cette compétence chantier, il se doit d’envisager une coordination dès les phases de concours, fournissant une méthodologie possible dans une temporalité imposée.

Larousse 2017 «L’acteur et le système» Michèl Crozier et Erhard Friedberg, Ed Seuil, 1977

28 29

- Page 55 -


ÉTUDE DE CAS N°13 : La gestion d’un aléa de chantier [ Une gestion régulière évite d’être pris au dépourvu et surtout permet de garder le contrôle du projet. J’ai pu assister à la gestion d’un aléa majeur pendant la construction d’un bâtiment ; Le problème de raccordement des eaux pluviales. Initialement, lors du dépôt du permis les eaux pluviales devaient être à la fois raccordées sur les réseaux de la ville et infiltrées en pied de façades des bâtiments. Mais lors d’une réunion l’architecte à remarqué que ce raccordement avait changée et que les canalisations n’étaient pas en mesure d’accueillir le débit prévu. La simple infiltration n’était pas suffisante. Après un RDV avec des services techniques de la ville pour vérifier le problème et envisager une solution possible, il fallait trouver une nouvelle parade pour gérer cet obstacle. L’architecte s’est alors tourné à la fois vers la maîtrise d’ouvrage qu’il se devait d’alerter puisque cela allait augmenter sensiblement le budget alloué à l’opération, ainsi que vers le bureau VRD. Cet événement était complexe à gérer car le chantier avait déjà bien avancé, et l’évacuation conditionnait une future livraison. Le marché du lot VRD ne permettant pas de répondre financièrement aux nouvelles prescriptions, il avait alors été décidé de relancer un nouvel appel d’offre pour cette prestation. Un nouveau retard dans les délais n’étant pas envisageable, ce processus aurait pris trop de temps. La maîtrise d’ouvrage a donc décidé de faire un marché complémentaire à l’entreprise pour la réalisation des travaux. Une gestion constante des sujets permettait une réactivité quant à leurs traitement. Les procédures et la consultation des différents acteurs était une temporalité à ne pas négliger qui ne permet pas l’immédiateté de l’action et qu’il fallait pouvoir prendre en compte. ]

- Page 56 -


« Dans un système complexe et multi professionnels, la coordination est un enjeu constant pour anticiper des conflits, en résoudre, ou ménager les pratiques des intervenants. [...].La quête d’une meilleure rationalisation par la gestion des interfaces, de l’amont à l’aval, devient un enjeu capital de production »32 Gérer : « Administrer diriger, manager, s’occuper de.» 33 Les prises de positions, décisions, et choix, rythmes le quotidien de la conception – le processus de création partagée - jusqu’à la réalisation - choix d’une couleur, d’un matériau. Il est fondamental de savoir manager ses interlocuteurs qu’ils soient internes ou externes à la structure. La gestion permet d’avoir un contrôle permanent sur les éléments constitutifs et les intervenants du projet.

Les informations échangées représentant un danger potentiel, la pluralités des sujets à aborder et prendre en compte pour établir une synthèse générale est si large qu’il est difficile qu’elles restent claires pour tous jusqu’au bout de la chaine. Là est le défi ; générer une harmonie en les résumant pour établir une vision synthétique et fonctionnelle. Ainsi il est important de gérer en tant qu’architecte le travail dans son entièreté. Le partage et la délégation du travail sont entièrement possibles, simplement il doit connaître et savoir toutes les faces du projet

Tout au long de la définition de l’idée, il faut être en mesure de prendre position, ce qui par conséquent la modifiera, la fera muter mais aussi la modulera. Ces choix peuvent d’être de tous ordres, techniques, financiers, conceptuels. Ce n’est que par un suivi et des harmonisations régulières du travail des multiples protagonistes qu’un aboutissement s’envisage. Pendant la conception, la gestion est établie grâce à des réunions qui permettent une conciliation et lors de la réalisation les réunions de chantiers, réunion spécifiques ou encore visas et facturations permettent de contrôler l’ensemble de la situation. Cela induit un réel investissement de la part de l’architecte doit être constructif en veillant, conseillant, et visant les propositions émises par ses interlocuteurs.

«Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’H’armattan, 2000, p73 www.Wiktionary.com

30 31

- Page 57 -


4. UN SAVOIR AUTONOME DE LA MAITRISE D’ŒUVRE

ÉTUDE DE CAS N°14 : Organiser le travail en agence [ L’expérience que j’ai eu dans l’une des agences où j’ai travaillé, une petite structure qui n’avait pas la capacité ni la volonté de prendre des membres permanent. Elle sollicitait souvent de jeunes architectes pour effectuer des missions ponctuelles. L’identité de l’agence est garantie par ces deux architectes associés, toujours très présents lors de la conception pour superviser le travail effectué et s’assurer que l’essence du projet était conservée. Le problème s’était révélé dans la méthodologie pratique. En effet, l’organisation des fichiers, les documents produits pour chaque affaire, reflétaient le travail des prédécesseurs n’étant plus présent dans le bureau. Cette diversité de production était due à des méthodes de travail propre à chacun forçant une hétérogénéité de travail, et une complexité dans l’organisation. C’est ce que les associés regrettaient le plus, car lorsque la personne quittait la structure, elle seule et mieux que personne savait comment elle avait organisé son travail et ce qui avait été traité ou non. N’étant plus présente pour hiérarchiser, ou clarifier des erreurs dans les fichiers, elle créait malgré elle une brèche dans l’organisation. Cela demandait un effort supplémentaire à la personne qui reprenait la mission pour gérer le problème rencontré. De plus, lorsqu’un nouvel arrivant reprenait un projet, il devait en plus fournir du temps et de l’énergie pour cerner la conception, corriger et trouver les erreurs laissées en latence etc... Il fallait alors recontacter les personnes ayant participées au travail précèdent pour pouvoir élucider les problèmes. Une perte de temps notable... ]

- Page 58 -


Cette stratégie doit être appliquée à la fois en interne au sein de l’agence - mais aussi en externe - au sein de la maîtrise d’ouvrage - que je considère comme des entités ayant un pouvoir autonome. Son application interne relève de plusieurs positionnements au choix ou non de l’architecte. Les différentes compositions d’agence peuvent influencer la production et la réalisation. Lorsqu’on parle naïvement la réalisation d’un projet, on a tendance à nommer le principal protagoniste comme responsable. Pourtant une agence peut intégrer plusieurs protagonistes interagissant sur un même ouvrage et cela sur les différentes missions constituant la loi MOP. On ne note plus le nombre de fois ou de petits bureaux d’architecture font appel a des contrats « mission » ; correspondant au temps de la phase en cours. Cela séduit beaucoup les jeunes architectes, qui ayant soif de liberté et de savoir, saisissent l’opportunité de se faire une expérience en la matière. De l’autre coté, l’architecte n’ayant pas les moyens de développer assez sa structure pour prendre une personne à temps plein, ni le temps de traiter cette mission, y voit un capital temps libéré. Ayant son propre mode de fonctionnement interne, il se doit de lui expliquer les modalités à respecter et la marche à suivre pour conserver l’identité du projet et de l’agence. En faisant intervenir ponctuellement différentes personnes qui ne maîtrisent pas assez les sujets - non pas par incompétence mais plus manque d’expérience - ce qui est assez complexe à orchestrer.

des choix. De manière générale, et même lorsque l’agence compte plusieurs salariés garants d’une identité d’agence, le chef d’agence doit régulièrement être consulté pour pouvoir se prononcer et conserver la main sur la conception. Plus les intermédiaires deviennent nombreux en interne, plus on retrouve un phénomène de délégation. Il se matérialise au sein des équipes en créant une hiérarchie entre le(s) chef(s) d’agence, le(s) chef(s) de projet, le(s) dessinateur(s) projeteurs ayant vocation à se démultiplier plus la structure grossie. Garder la main devient un jeu de confiance entre les différents acteurs et leurs niveaux de considération. Ils pensent dans la même direction grâce une vision similaire, ou une expérience longue au sein de la même structure garantissant un mode opératoire générique. La stratégie opérationnelle doit être des plus pensée pour pouvoir garder un contrôle complet sur ce réseau interne, structure fondatrice du projet.

Le chef d’agence doit pouvoir toujours avoir une maîtrise complète des informations relatives au projet pour pouvoir les transmettre le cas échéant ainsi que continuer à établir - Page 59 -


ÉTUDE DE CAS N°15: Délégation du suivi de chanter [ Pendant neufs mois, j’ai eu l’occasion d’assister à cette délégation en phase DET. Les deux cabinets d’architecture ayant répondu en co-traitance ont communément pris la décision de mobiliser un architecte chantier. L’apparition de cet élément intermédiaire leurs permettaient de déléguer le pouvoir tout en gardant un contrôle permanent du chantier, les laissant libre de s’affairer à leurs rôles au sein de leurs agences. Son rôle de pivot faisait lien d’une part entre le chantier et l’agence, mais aussi entre les deux architectes. Etant l’interlocuteur privilégié il synthétisait les diverses demandes pouvant être émises par la maîtrise d’ouvrage, les utilisateurs ou le corps entrepreneur et s’attachait à suivre de près la production et réalisation de l’ouvrage. En tenant des tableaux récapitulatifs hiérarchisant les sujets, il facilitait la lecture de la situation pour les chefs d’agence qui pouvaient avoir un état en temps réel de la situation Cette délégation du pouvoir était très intéressante à observer car elle fait état d’un schéma assez particulier où l’architecte chantier doit se saisir de l’orientation du projet pour être garant d’une réalisation dans le bon sens et ne pas « trahir» son concepteur. Outre ses capacités à réguler le déroulement du chantier, il ne pouvait pas être complètement autonome puisqu’il n’était pas a l’initiative de la conception. Il était nécessaire d’effectuer de perpétuelles mises au point avec les architecte concepteurs qui orientaient les choix et les décisions et qui l’appuyait dans certaines positions à tenir ou le conseillait dans certains modes opératoires. La communication de l’information était encore une fois une notion centrale qui garantissait la clarté des échanges et avec la maîtrise du projet. ]

- Page 60 -


Cette notion de délégation peut aussi intervenir pour certaines missions, et plus particulièrement celle du chantier. Il est courant de constater que bon nombre de cabinets d’architecture font appel à des architectes spécialisés dans le chantier pour pourvoir suivre l’exécution de l’ouvrage. La réalisation représente non seulement un investissement de temps mais aussi d’énergie conséquent. Pour pouvoir s’en libérer, on peut employer un spécialiste du sujet, qui est mobilisé uniquement à suivre le déroulement de la construction, ainsi que de gérer les problèmes d’exécution s’y rapportant. Le chef d’agence passe alors la main à cet expert de confiance qui grâce aux pièces constituantes du projet peu se positionner. Il faut néanmoins une structuration de ce rapport. L’architecte chantier en question contrôle le chantier et officie en tant que représentant l’agence sur site. Son pouvoir est reconnu par le corps exécutant, puisque son savoir lui permet d’avoir le pouvoir de se prononcer sur des solutions à trouver in situ ou bien d’orienter la mise en œuvre en garantissant la bonne application des CCTP. Pour autant il n’est pas en mesure d’effectuer des choix d’ordre conceptuel. Il se doit de se référer à l’architecte pour acter des décisions et des propositions faites par les entreprises (validation des prototypes, choix des couleurs, détermination des matériaux) de manière à ne pas dénaturer le projet. Une consultation régulière de ces deux acteurs est très importante pour s’assurer de la conformité des prestations réalisées ainsi que faire état de la situation.

- Page 61 -


ÉTUDE DE CAS N°16 : Une agence pluridisciplinaire pour une conception plus complète [ Je ne m’étais pas aperçu de l’importance de ce schéma. J’ai pu constater que certaines agences intégraient d’autres disciplines avec lesquelles l’architecte est destiné à œuvrer. Dans l’une des agence ou j’ai travaillé j’ai noté la présences d’une paysagiste, ainsi que d’un bureau d’études. Tout deux étaient indépendants de la structure, mais ils étaient souvent rattachés aux même projet de l’agence. L’ingénieur qualité environnementale, était le bureau d’étude opérant fréquemment avec nous. Son profil un peu atypique - puisqu’il était professeur a l’école d’architecture -, lui garantissait une grande ouverture d’esprit. Ayant notamment travaillé au sein d’un bureau d’étude d’ingénierie spécialisé dans les fluides il possédait une compétence supplémentaire. Généralement, n’ayant que très rarement l’occasion d’assister aux premières ébauches de conception, les bureaux d’études reçoivent les projets déjà structurés et doivent y intégrer une multitudes de solutions techniques viables. Ici, ce n’était pas le cas, car en étant dans les mêmes locaux que les architectes, il s’intéressait au projet dès le point 0. Il proposait alors aux architectes des solutions de mises en œuvre ou des principes de ventilations qui influençaient directement le projet dès le départ. Lors d’un concours pour une école primaire effectuée récemment, cette collaboration a d’après une simple demande du programme, réussi à faire émerger un concept intelligent. La demande programmatique organisationnelle - SAS de déshabillage, élément de transition entre la classe et la circulation -, et la demande programmatique technique – ventilation – étaient alliées. Une seule même entité avait été créée en répondant à deux demandes complètement différentes. L’épaisseur dédiée à un simple usage de rangement,devenait utile en y plaçant les ventilations du bâtiment. Les classes étaient superposées sur les niveaux, et le principe mis en place était généralisé et est devenu un élément fort du projet. ]

- Page 62 -


D’autres professions que les architectes peuvent intégrer la structure les agences. Cela facilite d’une part les échanges qui deviennent immédiats et enrichissent directement la réflexion donc le projet. Paysagistes, bureaux d’études peuvent alors être directement sollicités sans interfaces de communication nécessaire. Dès les prémisses de la conception, leurs regards alliés à celui de l’architecte donnent beaucoup plus de force au projet. Ils dirigent le concept vers quelque chose de beaucoup plus complet. Leurs interventions qui sont souvent subits comme des contraintes à intégrer devient par leur présence un vrai atout pour le projet. Cette organisation interne permet une réelle collaboration des disciplines mettant en avant leurs complémentarité dans un schéma de pratique initialement fragmenté. Leurs présence au sein d’une même structure, bien qu’indépendants permet lors de la progression des études de pouvoir entretenir une relation d’échange continue qui souvent se trouve rompue entre le temps de chaque phase. Le contrôle est donc beaucoup plus facilité et la manière d’agir mute au profit du projet à venir.

- Page 63 -


ÉTUDE DE CAS N°17: Le besoin de mobilisation des co-traitants [ J’avais déjà comparé, suite à deux concours réalisés, l’importance de choisir des interlocuteurs de qualité qui peuvent être force de proposition et participer concrètement au projet. La typologie d’information que peut mettre à disposition le bureau d’étude lui est propre. Je considère que la force d’un bureau d’étude est sa capacité à se projeter dans un projet et de mettre son savoir a contribution. Leurs connaissances et envies d’évolution conditionnent l’évolution du projet. Plus les interfaces sont complètes, plus le projet semble construit. J’ai pu observer que cette relation entretenue, (que je n’avais jusqu’alors vécu que pendant la phase de conception) était tout aussi nécessaire lors de l’exécution des travaux. Leurs rôles de superviseurs des lots techniques dont ils avaient la maîtrise constituaient une aide irremplaçable. D’autre part, c’était eux qui avaient conçu structurellement, ou techniquement le bâtiment. Les partis techniques qui avaient été choisis avaient été validé par l’architecte, mais il n’en possédait pas compétence intégrale pour pouvoir effectuer cette mission. C’est ce dont je me suis rendu compte lors des réunions de chantier où certaines questions demeuraient insolvables pour l’architecte et il avait littéralement besoin des B.E pour émettre un avis. Lorsqu’ils manquaient à l’appel, il n’était pas possible de se prononcer, et échanger collégialement pour trouver une solution. Le manque d’implication du B.E structure, qui n’était pas présent sur le chantier, et ne suivait pas l’avancée des travaux, n’était pas en mesure de donner les informations indispensables bloquait l’avancement du chantier. En échangeant avec l’entreprise de gros œuvre, l’architecte a cerné le problème, et essayé de le résoudre. Au final solliciter le B.E était impératif car c’était lui qui possédait une perception beaucoup plus claire dans le domaine et pouvait se prononcer. De même pour les bureaux d’études fluides, qui n’étant pas assez impliqués, ne relevaient pas les incohérences qui avaient été produites dans les plans d’électricité et de plomberie, donnant un travail supplémentaire à effectuer à l’architecte. C’était à lui de soulever les problèmes pour pouvoir mobiliser ses co-traitants. Sans une bonne collaboration la tâche devient bien fastidieuse pour l’architecte, les erreurs se multiplient dues à un défaut de compétence et la perte de temps devient importante. ]

- Page 64 -


Cette stratégie est aussi à appliquer en externe de la structure architecturale, j’entends par là l’équipe de maîtrise d’œuvre. Celle-ci soulève une imbrication de relations d’interdépendances des interlocuteurs qui doivent s’accorder pour travailler. Le premier interlocuteur a part entière du mandataire dans le cas d’une candidature en co-traitance est le deuxième architecte. Il devient le bras droit du mandataire et s’associe avec lui sur le projet, prenant en partie des responsabilités contractuelles mais aussi conceptuelles. C’est une force mais cela forme aussi des discours et des sons de cloche différents pouvant créer des malentendus et des divergences. Un investissement mutuel ainsi qu’une harmonisation constante permet de conserver le même langage tout au long du travail, jusqu’à son aboutissement. Mais quand l’un est défaillant et ne s’implique plus comme il le devrait, alors l’équilibre devient défaillant et le projet en ressent les conséquences. Enfin cette organisation doit aussi s’appliquer à toute l’équipe de maîtrise d’œuvre « tenante du pouvoir ». Sa particularité comparée à celle en interne est le besoin, donc une relation de dépendance. Le rôle qu’ils jouent ne peut qu’en partie être compensé par l’architecte n’ayant que des notions de leurs compétences. Les acteurs de cette compositions interviennent pour des tâches définies, dans un cadre commun. L’architecte est encore une fois une clé de voûte de l’organisation à former et de la bonne cohésion des intervenants. Il relaie l’information d’un acteur à un autre, sollicite la spécialisation d’un expert, ou les met en relation pour résoudre des cas de figure particuliers. Il identifie la compétence possible et le champ d’action que peuvent avoir les différents composants du groupement dans le projet. C’est en étant juste dans l’appréciation des tâches de «Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’H’armattan, 2000, p103

32

chacun, qu’il peut motiver l’investissement d’une expertise et son degré d’implication dans le processus. Ils se doivent d’être en collaboration pour renseigner le projet d’avantage suivant les phases de la loi MOP. Lors de la construction du bâtiment, ils sont aussi là pour suivre et gérer les domaines dans lesquels ils possèdent le savoir. La possibilité de leur manque d’investissement, - qui est remarqué dans la profession – créé une brèche dans le développement du projet puisque ces manques ne peuvent être palliés et ainsi fragiliser le projet. C’est l’architecte qui se doit d’anticiper ces situations en étant vigilant et d’alerter qui de droit lorsqu’il perçoit les prémices de ces manquements. En cas inverse, lorsque les experts fournissent une prestation qualitative alliant échange, coopération et concessions, le résultat s’en ressent. Cette collaboration profite alors au projet Pendant la conception le dessin de l’ouvrage se précise rendant nécessaire de réguliers allers-retours d’informations - fruit d’innombrables communications - à prendre en compte et a intégrer par l’architecte. Une fois la traduction des différents langages le projet peut naître. En jouant ce jeu, et étant force de proposition ils influent sur la qualité du projet. « L’usage de ces techniques implique dans la collaboration continue de plusieurs acteurs et la définition des tâches que chacun doit accomplir. Les activités professionnelles des architectes se définissent en interaction avec celle que réalisent d’autres acteurs. [...] Il se heurt à deux difficultés. L’une résulte du système de production du cadre bâti, de son organisation séquentielle et de l’hétérogénéité des acteurs qui l’assument. L’autre es l’ordre technique, conséquence de l’état des échanges entre environnements informatiques hétérogènes »34

- Page 65 -


5. UN SAVOIR HÉTÉRONOME, DÉPENDANCE DES EXÉCUTANTS

ÉTUDE DE CAS N°18: Adapter un langage conceptuel pour une réalisation technique [ Sur chantier, j’ai noté qu’il était régulièrement demandé de traduire les modes opératoires projetés lors de leur application sur site. Les aléas faisant que l’entreprise en question se devait d’agir dans un contexte où elle ne cernait pas comment elle allait pouvoir intervenir pour répondre à la demande. Quand l’explication orale ne suffisait pas pour la bonne compréhension du travail à fournir, il fallait alors la préciser par le dessin. C’est ce que j’ai fait notamment avec le menuisier. En effet, nous étions confrontés à un mur lorsqu’il s’agissait de son intervention sur certains points du chantier. En cherchant la cause de ce rapport, et questionnant l’entrepreneur assidûment, je me suis rendu compte qu’il ne «savait pas faire». Il fallait alors traduire dans son propre langage les dispositions à prendre, et les points majeurs a résoudre dans la manière d’exécuter son travail. Cela a été le cas pour l’étanchéité d’une jonction entre deux bâtiments. Il fallait respecter le joint de dilatation, résoudre l’étanchéité a l’air, mais aussi conserver l’esthétique du projet. Par une mise au point avec lui sur les modalités de son intervention technique et esthétique s’attachant a son savoir-faire, j’ai alors traduit notre accord par un dessin annoté ne pouvant laisser place au doute. Ces interventions n’étaient pas dans les règles de la mission DET de l’architecte car les entreprises étaient sensées nous fournir des études qui une fois visées exprimaient son accord ou non. Mais au vu de la relation et de l’importance attachée au rendu,il fallait adapter ce rôle en transposant le vocabulaire du concepteur à celui du technicien. Ce qui a permis un rendu à la hauteur de nos attentes ]

- Page 66 -


- Page 67 -


- Page 68 -


« La fonction fondamentale du dessin d’architecture aujourd’hui est de rendre possible la forme marchandise de l’objet architectonique, qui sans ce dessin ne serait pas réalisée (sinon dans des conditions marginales) » 36 Cette logistique relationnelle n’est pas mise en place seulement dans l’environnement où le pouvoir est autonome. On retrouve cette pratique dans l’espace d’exécution des travaux. L’apparition d’une nouvelle entité, le corps entrepreneur fait naître un nouvel enjeu communicationnel nécessitant une nouvelle fois une organisation, une coordination et une gestion appliqué par le pouvoir ascendant que représente la MOE. La particularité de ce nouveau groupe d’intervenant oblige le maître d’œuvre à développer une autre interface d’interaction sur un nouveau territoire et entame une fois de plus un dialogue négocié dans un vocabulaire encore différent car spécialisé. En réalité l’architecte qui œuvre dans un premier temps à rassembler et fédérer une infinité de facteurs et d’informations dans le projet, doit dans une deuxième temps diviser et redistribuer sous forme de lots les différentes catégories de tâches à exécuter dans le but de former un tout réalisé. Ce processus qui s’immisce graduellement depuis la fin des études de conception jusqu’à la réalisation finale n’est pas négligeable car il est déterminant de la finalité de l’ouvrage. Ces acteurs intègrent des savoirs faire de mise en œuvre très spécifiques mis à disposition du projet. Ils sont soumis à la même procédure de libre concurrence que celle des architectes, mais à l’échelle de leur domaine. Ce sont préalablement des commerciaux qui proposent des «Dessin / chantier »Sergio Ferro Ed. La ville collection, école d’architecture de Grenoble,2005 p23 33

prestations commerciales et techniques jugées en fonction de la qualités de leurs réalisations précédentes et de la teneur de l’offre proposée. Littéralement dépendantes de la réalisation fixée et elles se doivent de présenter une réponse réaliste pour accéder au marché en vigueur. Il y a, comme le fait remarqué Sergio Ferro, un aspect manufacturé dans ce travail dans la mesure où l’on morcelle le projet et attribue des postes définis à réaliser par des spécialistes mettant à disposition leurs force de travail matérielle. Certaines grosses entreprises répondant en tant qu’entreprise générale ou encore macrolot, y voient la possibilité d’innover suivant l’exigence de la demande. Cela leur permet d’avancer dans l’avenir des certifications garantes de la qualité de leurs réalisations. La liberté du choix de ses interlocuteurs n’est pas possible pour l’architecte qui se doit de respecter le code et d’appliquer la libre concurrence des marchés. Ainsi, les acteurs sélectionnés sont des inconnus ayant proposés a priori une réponse chiffrée accompagnée de références correspondant à des attentes définies sur papier à mettre en œuvre. La préoccupation principale de l’architecte est d’assister a l’édification dans le plus grand mimétisme de son dessin. C’est effectivement le dessin et les différents cahiers techniques et administratifs qui constituent un lien immédiat entre la maîtrise d’ouvrage et les corps d’exécution. Une relation duale se créé puisque d’un coté le sachant, garant de son ouvrage exerce une influence hétéronome grâce aux pièces du projet constituant la ligne exécutive à appliquer. Mais d’un autre coté, il doit instaurer une relation de dialogue négocié aux vues des nécessitées récurrentes - Page 69 -


d’adaptations dues à la complexité des ouvrage a réaliser. Le rapport entretenu avec l’interlocuteur spécialisé doit alors être contenu entre ces deux positions pour mener à bien cette étape finale. Cette relation vouée encore une fois à être une source d’échange génère elle aussi une gestion de l’information qui continue à être échangée entre les plans d’exécution des entreprises, les visas de la maîtrise d’œuvre et les avis du bureau de contrôle. Cette structure d’échange codifiée induit des transmissions d’informations depuis le chef d’entreprise à son dessinateur, passant par le chef de chantier puis l’ouvrier. Ces nouveaux interlocuteurs ayant leurs propres mécaniques internes demande une attention particulière dans les échanges. Dernier maillon de la chaine du projet, ils possèdent un savoir limité à leur champ d’intervention. L’architecte par sa vision globale de la réalisation doit pouvoir interagir avec eux de manière a traduire la prestation voulue. Les réponses qu’elles émettent sont fruit d’une communication et d’une interprétation. Les supports du projet se révèlent des pièces a décoder et à transposer dans un langage technique pour permettre leurs applications in situ. « C’est parce que le chantier doit être hétéronome sous le capital que le dessin existe...Le dessin est un corporisation de l’hétéronomie du chantier. »37

«Dessin / chantier »Sergio Ferro Ed. La ville collection, école d’architecture de Grenoble,2005 p25 75

- Page 70 -


- Page 71 -


- Page 72 -


00-VERS UN SAVOIR EN DEVENIR « Toutes choses étant causées et causantes, aidée et aidante, médiates et immédiates, et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties » Blaise Pascal Le savoir de l’architecte Cette question qui à mobilisé ma réflexion pour trouver un propos cohérent entre ce que je vis – et ai vécu - et ce que je pense ne peux malheureusement pas être formulée en une réponse synthétique. Je m’aperçois qu’il est impossible de circonscrire l’exercice de notre profession à une simple définition aux vues de la multiplicité de champs de compétences qu’elle englobe concrètement. À l’inverse, je suis en mesure me positionner pour défendre une identité architecturale en construction qui m’est propre. Grâce à une vision plus complète de notre activée - en partie révélée par une immersion dans le monde de l’exécution – je sais quelles intentions je veux m’attacher à défendre et appliquer ainsi que dans quelles mesures. Pour autant je me suis rendue compte qu’il m’est impossible de les figer car l’inconstance de notre espace de jeu et des facteursacteurs qui le compose forcent une adaptation continue de ce que l’on sait et ce que l’on envisage – savoir -.

- Page 73 -


LES PRÉMISSES DU SAVOIR C’est par ces premières expériences passées à naviguer entre le chantier et la conception que j’ai pu me construire et avoir un regard plus juste que celui que je possédais précédemment. Ayant conscience que ce ne sont que les premières pierres destinées à bâtir mon futur exercice, elles sont pourtant déterminantes pour me permettre de savoir ce que je ne veux pas et ce que je ne conçois pas comme possible dans mon travail. C’est ce savoir par la négation qui m’intéresse réellement, et qui à pour vocation de s’aiguiser au cours du temps grâce à mon expérience. Ainsi en excluant ce que je sais pertinemment ne pas vouloir, les réponses envisageables ne sont pas déterminées à priori. Cette indétermination permet une adaptabilité aux situations suivant leurs natures, que j’estime indispensable. Le manques de savoir n’est plus un sujet pour moi, puisque j’ai compris que l’apprentissage n’est pas terminé, et que peu importe le nombre d’années d’exercice, il est continu, n’ayant pas de limites prédéfinies. Rien n’est vraiment acquis puisque les réglementations et progrès - en CAO, performance de produit, méthodes de construction - sont en perpétuelle évolution. Notre seule limite possible est nous même, et l’exigence que nous nous imposons dans notre pratique quotidienne. J’estime qu’en conservant une curiosité indéterminée nous nourrissons notre identité qui je le reconnais est très souvent remise en question. J’ai appris à négocier avec le manque de savoir, et accepter volontiers cette situation. Je le conçois comme positif puisqu’il m’assure l’impossibilité d’un ennuie. D’autre part le manque de savoir force le dialogue et l’échange. Il n’y a donc plus de peur de ne pas savoir car nous ne sommes jamais voués à agir seuls. Nous disposons

d’une telle multidisciplinarité d’interlocuteurs, experts sur des sujets déterminés qu’il y a toujours une réponse. Pour moi ce sont de réels outils qui nous renseignent et nous aident a projeter. Notre savoir n’est donc pas de tout savoir, mais de savoir précisément qui détient le savoir qui nous est nécessaire et où le trouver. Cette stratégie face au manque de savoir n’est pas une parade échappatoire, mais au contraire elle constitue notre position et nous permet de dépasser le manque. LA NOTION DE SAVOIR Pour développer les définitions données en introduction, j’ajouterais mon point de vue en rapport avec notre profession en attestant que le savoir a de la saveur. En effet si elle n’est pas partagée, cette notion se révèle inutile et sans goût ne participant à rien de constructif. Elle induit inéluctablement un échange car elle a vocation à être transmise. Un fois acquise ou possédée par quelqu’un, elle génère naturellement une action. C’est ce que fait notre discipline, vecteur de mise en relation des savoirs. Nous sommes l’élément déclencheur, produit des savoirs. Ce résultat auquel nous aspirons est formé par la diversité des savoirs transmis. Le savoir est incarné par une multiplicité de compétences prêtes à collaborer pour échanger intégrer leurs savoirs dans l’objet que nous produisons, le projet. Le produit de ces savoirs est un dialogue dont nous sommes à l’initiative. D’autre par j’entends aujourd’hui cette notion comme un synonyme de l’expérience. Savoir induit un sens théorique qui ne correspond qu’à la moitié de notre travail. Ce processus se doit aussi d’être mis en pratique soit d’être expérimenté. Il doit alors avoir été vécu, et dépassé et ainsi - Page 74 -


devenir constructif pour le futur. L’expérience confère de connaître des cas de figures et donc de savoir anticiper des situations similaires facilitant les choix a effectuer. L’IMPORTANCE DU SAVOIR - LE STATUT DE SACHANT Je cerne à présent mieux les responsabilités qu’impliquent le fait d’œuvrer. Mais l’idée n’est pas me considérer comme sachant, mais plutôt d’avoir conscience de la tâche dont nous sommes responsables. Bien sur, nous l’avons expliqué, elle se compose d’obligations ; sociales qui nous forcent à nous renseigner sur les besoin des individus et leurs pratiques pour les faciliter dans un intérêt commun, législatives étant garant d’un respect des codes de conception et de réalisation, conceptuelles car nous assurons une démarche de création, environnementale devant s’attacher a décoder le terrain d’exécution de notre prestation. Mais une responsabilité qui ne reste pas renseignée et que j’ai découverte exerçant est la responsabilité managériale. Elle est induite puisque nous sommes de fait au centre des échanges et des relations. Mais aucun apprentissage, ou guide ne peut explicitement nous aider à la construire cette faculté dont nous sommes responsables et garants. En réalité la responsabilité qui nous incombe est plus généralement de savoir projeter, soit d’organiser, coordonner et gérer les différentes étapes et interactions au sein du projet. C’est en résumé les raisons qui conditionnent la remise en cause possible ou non de notre statut à différentes échelles - Maitrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, entreprises -.

qualifications que nous pouvons initialement posséder pour convenir à ce poste. Mais je pense qu’en ayant été formée à transmettre notre idée, nous sommes destinés à être des pivots de l’information dans les communications du projet. C’est une faculté primordiale à laquelle il faut s’exercer tout au long de notre activité. Il faut savoir développer cette interface pour rendre la projection possible. Le savoir n’est plus le nœud du problème pour moi, mais la gestion en termes d’ordonnancement et d’inter-connexions des savoirs qui forme la principale qualité de l’architecte. Ainsi, la capacité à projeter sous tous les sens du terme est la compétence de l’architecte. Une mission globale d’un savoir faire qui le rend indispensable. C’est bien cela qui lui donne un pouvoir. Tout comme l’expérience le pouvoir croît avec le temps. Je comprends aujourd’hui non pas comment accéder à ce pouvoir puisqu’il est pour moi présent à toutes les échelles d’une conception quelle qu’elle soit, mais bien comment le gérer et surtout le conserver. J’apprivoise ce rapport progressivement, en tentant pour l’établir et le contrôler de me définir une identité, une structure,ainsi qu’une interface relationnelle.

LES SAVOIRS J’ai beaucoup insisté sur le fait de manager ces savoirs faisant état des complexités que cela représente et le manques de - Page 75 -


00-REFERENCES «Les architectes: Mutation d’une profession»,Guy Tapie, Ed. L’H’armattan, 2000,

www.wiktionary.org www.larousse.fr

«Être architecte, Les vertus de l’interdetermination de la sociologie d’une profession à la sociologie du travail professionnel» Olivier Chadoin, ED Pulim, 2007

http://www.rhinfo.com/thematiques/strategie-rh/projet-dentreprise/reinventer-lentreprise

«L’acteur et le système» Michèl Crozier et Erhard Friedberg, Ed Seuil, 1977

http://sociol.chez.com/socio/grandsdomaines/socioorga3. htm

« Faut il pendre les architectes ?» , Philippe Trétiack, Ed. Point essais 2014

Jeux de pouvoir et analyse stratégique» Catherine VoynnetFourboul HTTP:://Voynnetf.free.fr/co/pouvoir.pdf

Conférence de l’agence COMBAS 28/03/2017 au syndicat des architectes des bouches du rhone «La désobéissance de l’architecte» Renzo Piano, Ed Arléa, 2009

«Compétences et expertise professionnelle de l’architecte dans le travail de conception» Dominique Raynaux 16/11/2015 HAL architeves-ouvertes.fr

« Les cahiers de la recherche architecturale et urbaine : Interdisciplinarité » Ed. Du patrimoine. « Cahier de la rechercher architecturale et urbaine 2/3, Metiers» Ed. Du patrimoine «Sur l’analyse sociologique des groupes professionnels» dans Revue française de sociologie n°1, 1973 Pierre Zarifian «Dessin / chantier »Sergio Ferro Ed. La ville collection, école d’architecture de Grenoble,2005

- Page 76 -


00-REMERCIEMENTS Je remercie Adrien Champsaur pour l’opportunité qu’il m’a donné d’intégrer son agence et d’enrichir mon experience professionnelle ainsi que toute l’agence qui a activement participé à construire ma vision actuelle. Jean Tabouret que j’ai assisté jusqu’a aujourd’hui sur le chantier avec qui j’ai beaucoup appris et son attachement à répondre à chacune de mes interrogations. Jérome Apack et Celine Tedde qui m’ont donné l’opportunité et la confiance de mener mes premiers vrai projets. Rémy Marciano pour ses conseils et son regard avisé sur la profession.

- Page 77 -


A U X

F R O N T I È R E S

L’A R C H I T E C T E

D E S

C O M M E

S A V O I R S

C A T A LY S E U R

_

Au cours de ce mémoire je m’attacherai à développer les notions autour des quelles ma réflexion à été motivée pour définir l’exercice de l’architecte ; savoir et pouvoir. Quels jeux de pouvoir s’opèrent dans les relations formées par le projet ? Comment le savoir devient il vecteur de pouvoir et quelles sont les étapes par lesquelles l’architecte doit passer pour y accéder ? Quels sont les dispositifs mis en place pour conserver le pouvoir? Comment le savoir de l’architecte lui donne-t-il le pouvoir d’être un intermédiaire à différentes échelles, à la fois traducteur, décideur, coordinateur? Quels mécanismes lui permettent d’organiser l’espace du projet ? Comment manipule-t-il les limites de son champs des savoirs et quel pouvoir a-t-il lorsqu’il ne sait pas. Le manque de savoir peut il être compensé ?


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.