hybrider l'université et la ville

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Hybrider l’université et la ville

École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble | Juin 2012 | Léa PIERRON Master Architecture et Cultures Sensibles de l’Environnement



Hybrider l’université et la ville

École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble | Juin 2012 | Léa PIERRON Master Architecture et Cultures Sensibles de l’Environnement


Membres du jury :

Christian Drevet, architecte, enseignant ENSA de Saint Etienne

Jacques Schmitt, Direction du Développement et de l’Aménagement Université de Grenoble

Nicolas Dubus, architecte, enseignant ENSA de Grenoble

Eric Seguin, architecte, enseignant ENSA de Grenoble

Catherine Pierre, rédactrice en chef adjointe de la revue AMC

Grégoire Chelkoff, architecte, enseignant ENSA de Grenoble (directeur d’études)

Jacques Scrittori, architecte d’intérieur, enseignant associé ENSA de Grenoble (représentant de l’UE)

Encadrement du master :

Grégoire Chelkoff, responsable du Master ACSE, architecte, professeur

Yann Blanchi, architecte, maître-assistante associée

Jacques Scrittori, architecte d’intérieur, maître-assistant associé

Magali Paris, ingénieure paysage, maître-assistante associée

Avec les participations de :

Nicolas Tixier, architecte, maître-assistant

Walter Simone, architecte, vacataire

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Tables des matières

concept : hybrider l’université et la ville

chapitre 1 : comprendre le territoire p. 10

1. Un état des lieux sensible 2. Situations répertoriées sur le campus

chapitre 2 : penser la ville de demain p. 28

1. Stratégie générale

2. échelle territoriale 3. échelle urbaine 4. échelle architecturale

chapitre 3 : composer un projet p. 42

1. Hybridation formelle

2. Hybridation fonctionnelle

3. Hybridation sociale

annexes p. 56

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Hybrider l’université et la ville

« Campus » vient du latin et signifie « champ », vaste étendue

campus sont fréquentés de façon ponctuelle dans la vie d’un

de terrain. Le terme a d’abord été employé aux états-unis dès

individu, souvent contraint par l’obtention d’un diplôme. Contenu

la fin du XVIIIème siècle à la naissance de l’université de masse.

entre l’Isère au Nord et des zones d’activités au Sud, le domaine

Construire les campus à l’extérieur des villes était alors un moyen

universitaire de Saint Martin d’Hères reste donc un espace destiné

d’apporter les effets bénéfiques du contact avec la nature et d’éviter

uniquement aux étudiants. Ses limites sont peu poreuses aux

les effets pervers prêtés à la promiscuité et à la débauche des

personnes extérieures et/ou aux usages non prévus (shopping,

villes. Cependant, l’idée n’est pas nouvelle puisque les premières

travail, culte, activités administratives, etc.). D’autre part, les rythmes

universités grecques se trouvaient à la campagne. En effet, l’école

d’études définissent les temporalités d’usages. Après 19h ou l’été,

de Platon était dans un parc en bordure d’Athènes, « suffisamment

peu de personnes fréquentent le domaine universitaire. L’état

loin pour entendre la voix de la raison, suffisamment près pour

actuel du campus soulève donc de nombreuses problématiques

rester à l’écoute des citoyens1. » De la même façon, enseigner au

(accessibilité, périodicité des fréquentations, enclavement, usages

contact de la nature était déjà un principe de l’école philosophique

restreints). Le projet « Opération campus 2025 » qui propose

fondée par Aristote en 335 av. J.-C., qui tire d’ailleurs son nom du

notamment de densifier, à long terme, le site afin d’intégrer de

terme grec peripatein, « se promener » : Aristote enseignait en

nouvelles fonctions universitaires, laisse de côté ces aspects.

effet au Lycée d’Athènes en se promenant.

Pourtant, le campus bénéficie de qualités d’ambiances qu’il serait intéressant de développer à travers le projet urbain. Par exemple,

Bâti en 1960, le domaine universitaire de Saint Martin

le dialogue entre le patrimoine paysager et architectural offre

d’Hères est à l’image des campus américains et des universités

au domaine universitaire de Saint Martin d’hères une porosité

grecques : hors de la ville et peu dense. Le plan masse est alors

spatiale appréciable par le calme et la quiétude, mais aussi par la

confié à l’architecte Georges Bovet, puis à Peter Ahrends lors du concours international d’idées en 1990. La proximité de la nappe

Grenoble - Saint martin d’hères en 1960

phréatique et l’inondabilité du terrain ont entraîné une forme

Bâti en 1960, le campus de Saint Martin d’Hères s’étend sur 176 hectares, autrefois dédiés à l’agriculture.

architecturale spécifique : des rez-de-chaussée sur pilotis, des hauteurs peu élevées (trois niveaux maximums), de vastes étendues libres. Ces règles de composition donnent au campus une qualité appréciable, celle d’être un espace poreux, ouvert et accessible. Elles affirment également son identité.

Aujourd’hui le campus universitaire n’est pas un lieu de

vie mais un lieu de passage. L’offre de logement et/ou d’activités y est moins intéressante qu’en centre ville, c’est pourquoi les

1. HARISSON Robert, Jardins, réflexions sur la condition humaine, éditions poche le Pommier, 2007, p.85

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le campus universitaire aujourd’hui enclavé et monofonctionnel

Commerces, services Logements Bureaux, activités Parcs et jardins Bâtiments universitaires

Demain, un quartier de ville Ouvert, intégré et mixte

Commerces, services Logements Bureaux, activités Parcs et jardins Bâtiments universitaires

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liberté de mouvements qu’elle apporte. Que ce soit pour étudier,

paysager, activités) et s’attachent particulièrement aux différents

se promener ou se détendre, la proximité du végétal en fait des

usages du campus. L’existant devient ainsi une accroche spatiale

espaces accessibles et appropriables. Pourquoi seuls étudiants

pour de nouveaux projets, instaurant un dialogue entre passé et

et chercheurs pourraient en profiter ? Dans un contexte où

futur, entre les différents bâtiments, entre les usages.

le terrain se fait rare et où l’espace est un luxe, la véritable qualité du territoire ne viendrait-elle pas de la conservation

Une

forme

d’hybridation

ville-université

s’esquisse

d’oasis naturels et de vides ? Les bienfaits et la qualité de

progressivement. D’abord, une analyse du territoire permet de

vie liés au contact avec la nature ne sont-ils pas un désir

saisir les qualités et situations remarquables. Un inventaire des

toujours d’actualité ? Enfin comment offrir des usages à

ambiances, basé sur cette analyse, donne un premier aperçu

tout moment et éviter les « heures creuses » ?

des éléments porteurs de projet et permet ensuite de définir les stratégies d’actions. Ces stratégies se déclinent de l’échelle

L’hybridation de la ville et de l’université est le parti pris

territoriale à celle du bâtiment. Enfin, la mise en pratique des

pour définir le projet de demain. L’hybridation est, d’après le

principes d’actions permet de tester, à travers un projet de

dictionnaire des Jardins et Paysages, « une technique de croisement

transformation d’un bâtiment universitaire, notre hypothèse de

de deux plantes d’espèces ou de genres différents visant à obtenir

départ : celle de faire du campus une ville pour tous.

une nouvelle plante qui détient les qualités de celles-ci. » En 2

architecture, « La notion de ce qui est hybride s’applique à différents

phénomènes [...] ; tous ont cependant en commun que ce qui est disparate et initialement séparé est rassemblé en un tout bâti ou un tout urbain.3 » Hybrider la ville et l’université revient donc à composer un ensemble comprenant plusieurs éléments, plusieurs fonctions. L’hybride se distingue de la mixité fonctionnelle par les liens qu’il définit entre chaque élément, par l’échelle de l’intervention (du territoire à l’architecture) et enfin par la création d’espaces publics. Il s’agit donc d’illustrer l’équation

« 1+1 = 1 ». En maîtrisant la complexité et la cohabitation des programmes, l’hybridation répond alors à la recherche d’autonomie des individus vis-à-vis des contraintes spatiales et temporelles. Le bâtiment, en mixant divers services, offre une palette de possibilités d’usages à chaque individu. Ainsi, en ouvrant le campus vers la ville et à tous les habitants, cette rencontre serait un moyen d’effacer son image mono-fonctionnelle et élitiste. Le territoire du campus, parsemé d’oasis naturels, devient alors accessible et désirable pour chaque individu. Ce postulat questionne les règles de transformations du territoire. En effet, comment peut-on hybrider spatialement et fonctionnellement la ville et l’université ? Les dimensions sensibles et sociales seront le support des interventions. La conservation des qualités d’ambiances et de l’identité du campus, tout comme la recherche d’autres temporalités et d’une plus grande porosité sociale guident le projet. Les interventions s’appuient sur ce qui est déjà là (réseaux de circulations, bâtiments, stationnements, patrimoine

2. THébaud Philippe, Dictionnaire des Jardins et Paysages, éditions JeanMichel place, mise à jour du Dicovert, 2007, p. 272 3. ADAM Hubertus, Structures hybrides dans Archithèse, n°3, 2000, p. 5

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Chapitre 1 Comprendre et percevoir le territoire

Saisir le territoire dans sa complexité et son ensemble est un pré-requis, nécessaire si ce n’est indispensable, pour projeter. L’état des lieux met en valeur les qualités du campus comme sa porosité ou la réversibilité de certaines atmosphères. à partir de ces analyses, un inventaire des ambiances permettra de définir les enjeux du projet.



1. Un état des lieux sensible « La notion d’ambiances est définie par la formation d’expériences sensibles remarquables qui mettent en situation l’usage de l’espace, mais aussi alimentent la mémoire et l’imaginaire.1 » Ces expériences sensibles remarquables ou ambiances singulières sont observées in situ et qualifiées à l’aide de plusieurs sens (ouïe, vue, kinesthésique). Il s’agit d’abord de la porosité du campus, perçue à travers ses qualités paysagères et architecturales, puis de la réversibilité des ambiances, perçues par les sensations thermiques et les perceptions sonores.

1.1 La porosité ou la qualité des vides

> Une introduction à la notion de porosité D’après le dictionnaire des Jardins et des Paysages, la porosité d’un sol est « le volume des espaces non occupés par des éléments

solides, exprimés en pourcentage du volume total apparent.2 » On retrouve sur le campus de Saint Martin D’Hères, une forte porosité physique, donnée par sa composition architecturale et paysagère. En effet, le volume bâti par rapport à la surface totale du campus est très faible (cf. cartes ci-contre de la porosité détaillée du campus). D’après Bernardo Secchi et Paola Vigano, la porosité est une notion déterminante pour penser la ville contemporaine : « la

porosité est la fraction d’espace dans lequel les déplacements peuvent avoir lieu. C’est donc le rapport entre la surface non bâtie par exemple la surface des routes, des espaces verts, des places et la surface totale. [...] Une grande porosité ne correspond pas toujours à une bonne mobilité, lorsque les pores (les espaces non bâtis) ne sont pas connectés entre eux.3 » La porosité s’inscrit dans une conception renouvelée de la mobilité, qui enchevêtre les dimensions sociale et physique. Concevoir avec la notion de porosité permet de généraliser l’accessibilité d’un lieu. Si le campus possède donc une porosité physique importante, il n’en 1. CHELKOFF Grégoire, extrait d’un article pour Ambiances en actes (Congrès 2012 de Montréal) 2. THébaud Philippe, Dictionnaire des Jardins et Paysages, éditions JeanMichel place, mise à jour du Dicovert, 2007, p. 417 3. SECCHI Bernardo et VIGANO Paola, La ville poreuse, un projet pour le grand Paris et la métropole de l’après Kyoto, Métis presses, 2011, p. 47

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Chapitre 1 : comprendre et percevoir le territoire


est rien pour la porosité sociale. Le campus de Saint Martin d’Hères

végétale définit fortement les ambiances que l’on trouve sur le

a un indice de porosité élevé (rapport de l’espace bâti sur espace

campus. Elles varient selon le mode de gestion du végétal : de

total). Il reste cependant enclavé par l’Isère au Nord, par des

l’horticole au naturel. La diversité des espèces et des formes

espaces industriels au Sud. à travers les stratégies de projet,

est privilégiée : les arbres sont parfois en bosquets, parfois en

il s’agira donc de renforcer la porosité physique vers les

alignements ; plus de deux cents espèces sont répertoriées. Les

autres quartiers, tout en développant une porosité sociale.

pelouses sont essentielles car elles forment l’identité du campus. Ce sont de grandes ouvertures végétales, parfois légèrement

> Le patrimoine paysager, support de multiples usages La porosité du campus (du latin, champ) provient de son statut de parc paysager au sein duquel sont implantés les bâtiments. Une coulée verte à l’ouest annonce l’entrée principale. Une frange naturelle et spontanée borde l’Isère et accompagne les cyclistes, promeneurs et joggeurs. Des buttes et des alignements d’arbres caractérisent les stationnements et les cheminements. La présence

vallonnées, plantées de beaux arbres en port naturel. Ces espaces sont vastes, ouverts et libre d’accès par tous. Ils sont en effet conçus pour s’étendre, s’allonger, pour discuter, lire, étudier, jouer…. porosité du domaine universitaire La porosité du domaine universitaire est obtenue à partir du cumul de la porosité végétale (en haut, à gauche), des surfaces non bâties (au milieu, à gauche) et des espaces non fermés physiquement (en bas, à gauche).

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> Le patrimoine architectural Les bâtiments sont implantés sur les pelouses, écrins naturels, qui les mettent en valeur. La transparence des rez-de-chaussées, les liaisons entre les bâtiments et les patios renforcent la porosité spatiale par la diversité des cheminements. Quant à la forme, l’ancrage au sol (système orthonormé) et la modénature des façades, ce sont des éléments caractéristiques du patrimoine architectural. Ils forment l’identité du domaine universitaire. Trois éléments du campus bénéficient du label « patrimoine

du 20ème siècle » : l’amphithéâtre Weil, la bibliothèque universitaire et le laboratoire CERMO, realisés par Clément-Olivier Cacoud (architecte) et Georges Bovet (architecte-urbaniste). La réhabilitation de ce patrimoine semble importante pour activer la mémoire des lieux et conserver l’identité du site.

> Les perceptions visuelles La porosité spatiale s’exprime également par la porosité visuelle du campus. Le travail de composition architecturale et paysagère (arbres isolés/regroupés, massifs/alignements, densité/éparpillement) crée des perceptions visuelles différenciées sur le campus. De la perception des paysages lointains aux masques proches, plusieurs effets distincts sont perceptibles et apportent une diversité d’expériences. Celles-ci sont décrites dans les deux pages suivantes. Ces multiples vues permettent le ressenti d’ambiances différenciées. L’individu peut se sentir oppressé par un premier plan proche ou au contraire très libre de ses mouvements par une ouverture au paysage. Cette richesse est à conserver pour le développement du projet. En terme d’éléments architecturaux, une multitude de dispositifs peuvent intervenir, comme les filtres, les cadrages, les modifications du volume spatial (dilatation, rétrécissement).

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Chapitre 1 : comprendre et percevoir le territoire


hauteurs des fronts bâtis et végétaux du gris clair au gris foncé : du plus bas au plus haut Les hauteurs des bâtiments sont voisines de celles de la végétation

Repérage des points de vue 1. dilatation 2. glissement 3. dégagement 4. découpe 5. bornage 6. fermeture

6 5

3

7. enveloppement 8. exposition 9. couvrement 10. accumulation

9 8 7 2

4

1

10

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Dilatation (1) : « Dilater, c’est augmenter de volume, s’étendre,

se répandre, s’élargir. [...] Ceci implique un espace de référence qui donne une première mesure et une modification de la perception des dimensions spatiales.4 » Glissement (2) : Accompagnement du regard d’un objet à un autre sans voir mais en devinant les seconds plans. Dégagement (3) : Ouverture visuelle vers le lointain, pas d’obstacles proches. Découpe (4) : « La découpe est provoquée par un rapport figure/

fond particulièrement contrasté produisant une distinction nette entre différents plans ou éléments visuels juxtaposés.5 » Bornage (5) : Fermeture visuelle continue bordant un élément. Un bornage guide bloque le regard. Fermeture (6) : Limites visuelles données par les objets de premier plan. Enveloppement (7) : L’enveloppement est ressenti lorsque les limites visuelles entourent le corps. Exposition (8) : « L’exposition consiste à mettre visuellement

en valeur une chose. Elle s’applique aussi bien à un objet, un monument, un individu ou un même lieu. En éclairant un objet précis, plus que les autres, et en neutralisant la perception de ce qui entoure, elle désigne ce qui peut et doit être vu par tous. L’exposition est donc un moyen de différencier et de hiérarchiser des objets visibles.6 » Couvrement (9) : Il s’agit d’un cadrage de la vue entre deux éléments horizontaux, le sol et l’objet de couvrement (débord de toiture, branches, etc). Accumulation (10) : Regroupement de plusieurs éléments Illustrations d’effets visuels et perspectifs

semblables dans une même composition.

(Les éléments du pittoresque, dessins Philippe Panerai et Herman Fermandez, d’après Ivor Dewolf) L’ouvrage Analyse Urbaine de Philippe Panerai apporte bon nombre d’outils intéressants d’analyse urbaine. Ces croquis illustrent différents plan d’une séquence visuelle. source : PANERAI Philippe, Analyse Urbaine, Éditions parenthèses, 1999, p. 38 4. CHELKOFF G et THIBAUD J.P, Les mises en vue de l’espace public, Juin 1992 Perceptions visuelles

Centre de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain, CNRS URA

Page de droite, de haut en bas

1268 EAG, p.‌124

1. dilatation / 2. glissement / 3. dégagement / 4. découpe / 5. bornage / 6. fermeture / 7. enveloppement / 8. exposition / 9. couvrement / 10. accumulation

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Chapitre 1 : comprendre et percevoir le territoire

5. idem p. 116 6. idem p. 163



1.2 Les variations d’ambiances, une forme de réversibilité

> Une introduction à la notion de réversibilité La notion de réversibilité permet d’introduire la question de la temporalité dans une approche spatiale, de quitter une approche statique pour introduire une approche dynamique, sensible à l’évolution dans le temps ou dans l’espace. La réversibilité est l’action d’avoir alternativement et successivement deux atmosphères clairement distinctes et différenciées (cf. Article sur la réversibilité en annexe). Plusieurs éléments illustrent la notion de réversibilité des ambiances. Par exemple, sur les berges de l’Isère, un usager raconte : « les berges de l’Isère : c’est agréable la journée mais

parfois un peu stressant, le soir par manque de lumière, de sons, de vie.7 » Il peut aussi s’agir d’une réversibilité spatiale, comme le traitement différencié des sols entre une surface minérale et végétale permet, par des micro-mobilités, de passer d’une atmosphère à une autre. De la même façon les transitions entre zone d’ombre et ensoleillée offrent cette alternative. Il serait intéressant, dans les stratégies de projet, de développer cette notion de réversibilité, en proposant des espaces permettant deux ambiances distinctes, support d’usages différenciés dans le temps ou dans l’espace.

> Les perceptions thermiques La perception thermique est principalement la sensation de chaud et de froid. Elle dépend de notre état (actif/immobile, en forme/fatigué), de l’isolation vestimentaire, de l’humidité de l’air, du vent, du rayonnement... W. Whyte souligne également dans son ouvrage « The social life between bulidings » l’importance de la relativité thermique: « Relative warmth is important too. One of the

peak sitting days is the first warm day in spring, even though the same temperature later would be felt too cool for sitting. Similarly, the first warm day after a stretch of cool or rainy days will be a peak day.8 » En effet, après des jours froids, une température plus élevée nous semblera agréable, alors que cette même température nous paraîtra fraîche après des jours chauds. Les variations thermiques sont supports de réversibilité. Elles peuvent être de deux ordres : variation dans le temps ou dans l’espace (micro-mobilités). On peut les qualifier par

7. Extrait d’interviews sur les pratiques du campus

différents sols du campus

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Chapitre 1 : comprendre et percevoir le territoire

8. WHYTE William, the social life of small urban spaces p.45


Zones froides Les éléments naturels (eau, végétal) apportent au domaine universitaire une ambiance thermique particulière. En effet, sur le domaine universitaire, 60% des surfaces sont végétales. Celles-ci absorbent les rayons du soleil, apportant ainsi une sensation de fraîcheur sur une grande partie du campus. Les alignements et bosquets d’arbres procurent de l’ombre. La proximité de l’eau (l’Isère) et de la végétation foisonnante des berges rafraîchit l’air.

îlots de chaleur Les îlots de chaleur viennent surtout des éléments construits (routes, stationnements, toitures). Les façades non protégées notamment Sud et Ouest accumulent beaucoup de chaleur. Le traitement très minéral de certains espaces, comme le parvis de la bibliothèque universitaire en fait des lieux agréables pour capter la chaleur de printemps, mais vraiment chaud et suffocant pour en profiter en l’été. Les surfaces jouent en effet, un rôle important sur les perceptions thermiques. Certains revêtements vont en effet absorber la chaleur et la lumière, et d’autres les refléter. Ils interviennent donc de façon non négligeable dans les perceptions thermiques.

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perceptions sonores La carte ci-contre illustre les différents paysages sonores du campus en journée. à l’aide de quatre familles de sons (tramways - activités humaines - naturels - moteurs), on peut dresser une carte des perceptions sonores du campus. Chaque famille est étudiée de façon distincte, puis elles sont superposées. Ainsi, pour retrouver les caractéristiques d’un lieu, on regarde quelles familles sont présentes, avec quelles densités (bruit de fond ou de premier plan)

Page de droite en haut, à gauche : activités humaines / dominante vocale EN HAUT, à droite : moteurs / industries / voitures En Bas, à gauche : tramways / circulation / avertisseurs sonores En bas, à droite : animaux / vent / bruissements / Isère

Repli

Apaisement Enveloppement

Intimité Confusion Animation

Monotonie

Ouverture

Assourdissement

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Chapitre 1 : comprendre et percevoir le territoire


les couples de notions suivants : froid/chaud, ombré/ensoleillé,

domaine universitaire. L’alignement d’arbres et les buttes autour

humide/sec, venté/à l’abri, frais/tiède, etc. On peut définir la

du parvis de la bibliothèque universitaire forment un filtre sonore.

tendance (chaud ou froid) d’un espace en fonction de sa

Les bruits de circulation sont atténués, laissant ainsi uniquement

forme et de ses matières, comme les revêtements de sol,

les sons à dominante vocale. Une certaine intimité est ainsi

la présence d’éléments naturels, l’ensoleillement. Les deux

créée. Les espaces naturels se caractérisent par une ambiance

cartes (page 19) représentent ces tendances.

d’enveloppement et/ou d’apaisement où seuls les bruissements de branches au vent, les piaillements des oiseaux sont distincts.

> Les paysages sonores Les paysages sonores varient selon le lieu. Le campus universitaire se caractérise par une balafre sonore donnée par la traversée du tram et par la perception, du fait de la faible circulation automobile, des sons à dominante vocale et naturelle. Des ambiances singulières sont perceptibles sur le

Les sons varient également dans le temps. La réversibilité sonore peut être de très courte durée, comme le passage d’un tramway, d’un flot de voiture, d’un groupe de personnes ou d’une durée plus longue, lorsque la nuit et son silence s’installe. Cette réversibilité rythme, par les dynamiques sonores, les moments de la journée.

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2. Situations répertoriées sur le campus Pour définir les actions et les enjeux du plan d’ensemble,

La situation « espaces naturels » (C) est constitué d’espaces

un inventaire des situations est réalisé à partir des analyses

ouverts. La présence de végétal offre de la fraîcheur, mais aussi

sensibles (acoustique, thermique, visuelle). Les situations

des sensations auditives particulières comme l’enveloppement,

paradigmatiques sont les fragments que l’on observe

le repli et d’apaisement. Plusieurs impressions visuelles sont

régulièrement sur le terrain du campus de Saint Martin

remarquables : le couvrement ou dégagement, l’ouverture ou la

d’Hères, mais que l’on pourrait également retrouver ailleurs,

fermeture, le bornage (alignement d’arbres).

comme le montre l’exemple du campus de Karlsruhe. Les situations singulières sont des situations uniques, propres au domaine universitaire de Grenoble.

2.1 Situations paradigmatiques Un paradigme est une représentation du monde, une manière de voir les choses, un modèle cohérent de vision du monde qui repose sur une base définie. Un paradigme régit la manière de faire, il porte tout. On retrouve fréquemment trois situations paradigmatiques. Chacune d’entre elles se démarque par une ambiance spécifique.

A. Espaces universitaires

La situation « espaces universitaires » (A) illustre les ensembles construits universitaires (bâtiments, routes, stationnements), caractérisés par le mélange de différents sons. Il s’agit d’un intermédiaire entre les deux autres situations répertoriées. La configuration des bâtiments offre des percées visuelles, des enveloppements, des mises en perspective. L’œil rencontre un imaginaire visuel très important. Cette situation offre un potentiel de réversibilité élevé car il s’agit de la plus complexe au niveau des usages et de la plus variée au niveau des surfaces et formes

B. Ensemble monotone fermé

spatiales. La situation « ensemble monotone fermé » (B) correspond à un espace très minéral, souvent associé aux zones industrielles. Les caractéristiques sonores du site sont le calme monotone, avec un bruit de fond très présent. La forte minéralisation du sol entraîne des effets de chaleur. Les expériences visuelles sont relativement pauvres, beaucoup de masques, de filtrage, de fermeture. L’accessibilité du site est limitée par l’absence porosité. La réversibilité est peu présente, si ce n’est celle qui accompagne les cycles temporels.

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Chapitre 1 : comprendre et percevoir le territoire

C. Espaces naturels


> Et sur d’autres campus Les situations paradigmatiques représentent un modèle, une vision globale d’une ambiance. On pourrait ainsi les retrouver sur d’autres campus d’autres villes. Par exemple, à Karlsruhe, la présence du parc du château apporte une ambiance similaire à celle que l’on retrouve à Grenoble. On peut retrouver la situation « espace végétal » ou des « espaces universitaires ». A contrario, les situations singulières sont l’identité d’un lieu et permettent de distinguer un campus d’un autre.

à droite, le campus de Karlsruhe Une large pelouse s’étend devant l’Audimax Le domaine universitaire, bordé au Nord par la forêt Localisation des situations paradigmatiques et singulières

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2.2 Situations singulières Les situations singulières sont propres au campus universitaire de Saint Martin d’Hères. Elles reflètent l’identité du lieu. Deux situations sont particulièrement remarquables.

> L’axe ouest-est, du mail planté au carrefour des flux Le mail planté, support de circulations douces offre un espace à l’écart des flux automobiles. Un double alignement d’arbres construit une symétrie visuelle et apporte une protection solaire. Le parvis de la bibliothèque apparaît comme un espace public différent. Les pratiques que l’on y rencontre sont très variées : sports de glisse urbaine, détente, discussions, traversées, rencontres. Une ambiance d’intimité peut y être perçue grâce aux formes architecturales qui entourent l’espace. L’appropriation semble plus facile. Cette situation porte la mémoire et l’identité du lieu. L’espace d’échanges, carrefour des flux se situe derrière la bibliothèque universitaire, au niveau d’un arrêt de tram. Seul espace comportant des commerces sur le campus, il s’agit d’un carrefour des personnes, des biens et de l’information. L’ambiance sonore se caractérise par l’animation, les expériences visuelles

> Les bords de l’Isère, réserve naturelle L’Isère et ses méandres offrent une qualité d’usages et d’ambiances au campus universitaire qui n’est malheureusement que peu valorisée.

Une sensation d’enveloppement sonore et

visuel est donnée par le végétal. Les clapotis de l’eau, perceptibles uniquement sur les berges, accompagnent les usagers qu’ils soient à pied, à vélo ou en rollers. Accentuer le caractère de réserve naturelle de l’Isère, tout en développant les activités de loisirs et de détente est un enjeu pour le projet territorial.

De haut en bas Le mail planté, le parvis de la bibliothèque universitaire, l’arrêt Bibliothèque universitaire et ses commerces, les bords de l’Isère

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Chapitre 1 : comprendre et percevoir le territoire

Paroles sur le campus Les impressions, descriptions et remarques citées dans les deux pages suivantes sont des extraits d’un sondage. Plusieurs personnes fréquentant le campus sont interrogées de façon très libre sur leurs souvenirs, leurs impressions ou leurs pratiques des lieux. Il s’agit à l’aide de ces questions d’appréhender les ambiances et les usages, liés à ces espaces.


imaginaire des situations singulières l’axe ouest-est, du mail planté au carrefour des flux

cadrage

« Les commerces et services, plutôt pratique pour ceux qui habitent le campus, mais qui habite le campus ? »

échanges « Une facilité pour acheter les petits trucs du quotidien. Plutôt accueillant »

promenade

ombres

voix

rencontres

rencontres silence animation

« J’aimais bien les pelouses où l’on pouvait pique niquer derrière la BU »

intimité

exposition ensoleillement « Le parvis de la Bibliothèque Universitaire sciences, c’est aussi et surtout le parvis de l’amphi Weil, ça permet donc aux gens d’attendre dehors, d’où sa taille (l’amphi étant immense aussi). Le parvis est tout en pierre et en été y a des records de chaleur là bas, suffocant ! »


imaginaire des situations singulières les bords de l’isère

«Je fais toujours mon footing, en été c’est ombré, frais et calme»

appropriation/occupation des lieux couvrement promenade

eau enveloppement

végétal

bornage ombres

pique-nique vélo footing naturel clapotis

dégagement

« Des berges aménagées ? Y a ça sur le campus ? On m’aurait menti ? Pour moi, y a des digues, puis c’est tout. »



Chapitre 2 Penser la ville de demain

Les principes d’action sur l’espace, de l’échelle territoriale à celle du bâtiment,

s’articulent autour d’une

stratégie générale : l’hybridation de l’université et de la ville. Cette vison de l’espace de demain répond aux évolutions de la société et s’appuie sur les qualités d’ambiances présentes sur le campus, comme la porosité et la réversibilité. L’hybridation devient à la fois un outil de conception et une nouvelle manière d’imaginer la ville de demain : une approche basée sur les dimensions sensibles des sites.


Usages Logements

Éducation

Commerces

ActivitĂŠs Bureaux

Espaces publics

Culture

Services

Stationnements

Autres


1. L’hybridation ville-université, stratégie générale

1.1 S’adapter aux évolutions de la société Que ce soit dans nos manières de travailler, de vivre, de se

partagent momentanément des valeurs et expériences sociales.

déplacer ou de se divertir, la société contemporaine évolue

Les profils sont de plus en plus variés, on assiste à la mort d’un

rapidement. Le cadre bâti, quant à lui connaît des changements très

individu type. Cela se traduit en terme de pratiques à une pluralité

lents (1% de renouvellement chaque année) et inhibe la perception

et une diversité d’expériences. La multiplication des options et le

des mutations sociétales. Cette opposition temporelle invite donc

sur-mesure se développent afin de laisser aux individus le maximum

à repenser la conception, la production et la gestion des

de libertés.

villes et des territoires, afin qu’ils accompagnent les modes de vie actuels. Ce nouvel urbanisme est confronté à des défis majeurs et nouveaux.

> Diversification sociale et individualisation La diversification sociale et l’individualisation sont les principes générateurs de la société contemporaine.

> Autonomie croissante vis-à-vis des contraintes spatiales et temporelles Il y a dans la société d’aujourd’hui une autonomie croissante vis-à-vis des contraintes spatiales et temporelles. En effet, la coprésence ou la proximité ne sont plus indispensables à certains types d’échanges. La simultanéité et synchronisation des actions

François Ascher, dans Métapolis, précise ces deux notions :

sont également de moins en moins nécessaires, notamment

« Par complexification, il faut entendre une diversité de plus en

avec l’apparition des répondeurs et enregistreurs. D’autre part, la

plus grande et des interdépendances de plus en plus nombreuses,

mobilité est accrue, élargissant les lieux des différentes pratiques.

dues en partie à l’approfondissement de la division du travail, à la

Le local n’est plus le lieu obligé de toute activité comme auparavant.

différenciation des espaces, à la variété des stratifications sociales,

Cette

autonomie

croissante

aboutit

à

une

à la multiplicité des cultures, etc. Par individuation, il faut entendre

individualisation de l’espace-temps. Chacun gère son capital

la capacité de différenciation des individus, non seulement par

à sa manière (horaires de travail plus flexibles, services en ligne

rapport aux individus appartenant à d’autres groupes sociaux de

disponible 24/24h, augmentation de la plage horaires d’ouvertures

le même ville, mais aussi par rapport aux autres membres d’un

de certains commerces). Les nouvelles technologies, comme le

même groupe sociale, voire d’une même famille.1 » Le modèle de

smartphone, facilitent la gestion de l’espace-temps. Cela permet

société commutative apparaît. Il s’agit d’une société où individus

de rester connecté - présent et joignable, peu importe le lieu

et organisations appartiennent à une multiplicité de réseaux

où l’on se trouve. Cette tendance redonne paradoxalement une

interconnectés. Les liens sociaux se multiplient mais sont plus

grande valeur aux contacts directs.

faibles. Les structures familiales sont de plus en plus complexes, recomposées, réduites. Les cycles de vie changent également : on a plusieurs emplois, plusieurs partenaires, plusieurs cercles de connaissances. Les individus sont de plus en plus autonomes et

> Valorisation du « non- télécommunicable » Le développement du virtuel discrédite tout ce qui est télécommunicable comme l’audiovisuel. En contrepartie, cela valorise tout ce qui ne se télécommunique pas

1. ASCHER François, Métapolis ou l’avenir des villes, éditions Odile Jacob, mai 1995, p. 120

30

Chapitre 2 : penser la ville de demain

encore, comme le direct, les sensations tactiles, olfactives,


gustatives, les événements ou les fêtes. L’enseignement, notamment les cours théoriques, pourraient être télécommunicables. Cependant, « la principale raison d’être

dans un campus universitaire à l’âge des télécommunications et des technologies multimédias, c’est qu’il rend possible les conversations, l’engagement partagé, l’échange de vues dans une communauté d’étudiants, dans la présence des corps et des esprits.2 » Il faudrait donc encourager les lieux d’échanges « où le dialogue continu et interactif de l’éducation peut se dérouler en

hybridation Une combinaison d’éléments distincts formant un tout.

temps réel et dans un espace physique3 », aux lieux d’apprentissage à sens unique (du professeur à l’élève).

> Importance des lieux de vie Parallèlement, les lieux d’habitation doivent être repensés en fonction de l’évolution du monde numérique. Plus le virtuel se développe, plus on passe de temps chez soi, plus l’endroit dans lequel on habite devient important. C’est même le problème fondamental des villes de demain. Ainsi, le cadre de vie devient un élément majeur dans les choix de vie de chaque individu. Comme le précise François Ascher, « la valeur de l’espace, loin de disparaître

dans la télécommunication, se reconstitue donc autour de ce que seule la proximité rend possible d’échanger, de communiquer. [...] La qualité et la richesse d’un territoire tiennent à ce dont il dispose en propre et qui n’est ni télécommunicable ni transportable.4 »

1.2 Du processus au résultat L’évolution des modes de vie initie de nouvelles manières de conceptions de l’espace. Dans le numéro Structures hybrides de la revue Archithèse, Hubertus Adam voit l’hybridation comme conséquence de certaines évolutions sociétales. Il écrit que « ce qui

Parasite, installation en bois, Korteknie & Stuhlmacher, 2004 Le projet « Parasite » est un exemple de mise en valeur de l’existant par l’hybridation d’un autre volume. source : L’Architecture d’aujourd’hui, n° 336, septembre-octobre 2001, pp. 28-30

est hybride dans le domaine de l’architecture l’est en réponse à un environnement où se superposent la tendance à une complexité croissante et une individualisation en progression constante.5 » L’hybridation peut effectivement, en rassemblant des éléments disparates en un tout urbain, répondre aux besoins de flexibilité, d’individualisation et de diversité recherchés par les habitants de demain. Les pratiques étant de plus en plus variées, le zoning fonctionnel (d’un bâtiment ou d’un quartier) entrave la pluralité 2. HARRISON Robert, Jardins, réflexions sur la condition humaine, éditions poche le pommier, 2007, p. 96 3. idem

Extension de la Halle aux farines, L. Anotnini et T. Darmon, 2010

4. ASCHER François, Métapolis ou l’avenir des villes, éditions Odile Jacob, mai 1995, p. 77

Cette extension abrite les locaux associatifs et culturels de l’université attenante. Les deux éléments coexistent sans rivaliser. Une dialectique architecturale s’instaure.

5. ADAM Hubertus, Structures hybrides dans Archithèse, numéro 3, 2000, p. 5

source : Le moniteur, 6 janvier 2012, p. 12

31


des usages. Il s’agit donc naturellement d’orienter le projet vers l’hybride.

> Hybrider : un processus / une démarche L’hybridation devient un processus de conception qui consiste à s’appuyer sur l’existant pour former, en ajoutant certains éléments supplémentaires, un projet. Ces éléments peuvent relever de l’espace, de l’usage, de la fréquentation sociale, du sensible, etc. Par exemple, l’extension de la halle aux farines permet d’apporter de nouveaux usages, alors que le travail du photographe Victor Enrich traite plutôt d’hybridation formelle. Ce mode de conception privilégie la réflexion à partir de l’unité, du local. Il s’oppose au cloisonnement du zoning fonctionnaliste. Inventorier l’existant est la première étape. Cela permet victor enrich, photographe « VEF Remonts » source : http://victorenrich.com

de définir les potentiels d’hybridation : qualités à conserver, renforcer ou révéler ; défauts à corriger, atténuer ou supprimer ; besoins quantitatifs /qualitatifs, etc. Pour chaque échelle de projet, les principes d’actions sont ensuite définis, basé sur cet inventaire

Ponte Vecchio, Florence, 1345 Trois fonctions sont regroupées autour du’un pont : des appartements, des magasins et le franchissement de l’Arno. source : photographie personnelle

de l’existant.

> L’hybridation : un concept / une idée forte La combination de fonctions en une structure unique est une stratégie répétée à travers l’histoire, mais qui connaît des limites. Les villages qui regroupent les fonctions de première nécessité, le logement au-dessus de la boutique sont des exemples de mixité fonctionnelle à petite échelle. La cité radieuse de Le Corbusier à Marseille propose par des logements, des commerces et une école. Il ne s’agit pas, pour autant, d’un bâtiment hybride. D’après Aurora Fernandez Per6, ce projet appartient à la catégorie de

« Social Condenser », c’est-à dire qu’il s’agit d’une opération de logements où les fonctions annexes sont destinées uniquement aux résidents. Les immeubles haussmanniens accueillent également des commerces, des logements, des bureaux, mais ces différentes activités n’ont aucun liens les unes avec les autres. La mixité fonctionnelle n’est donc pas une idée neuve, cependant l’hybridation dépasse la simple mixité, par les liens et connexions qu’elle établit entre chaque élément ; par l’introduction de la notion d’espace public ; par l’échelle du projet (de l’urbanisme à l’architecture).

Unité d’habitation, Firminy le vert, Le Corbusier, 1954-1965

6. FERNANDEZ PER Aurora, Mozas Javier, ARPA Javier, This is hybrid, an

Le toit de l’immeuble accueille une école et sa cour de récréation à ciel ouvert.

analysis of mixed-use Buildings, a+t architecture publishers, 2011, p. 90

source : photographie personnelle

32

Chapitre 2 : penser la ville de demain


2. échelle territoriale 2.1 Concevoir avec les qualités existantes Le campus possède des qualités intéressantes, telle que sa porosité et/ou la réversibilité de certains espaces, cependant, ces qualités ont des limites qu’il serait intéressant d’atténuer.

> La réversibilité (cf. article de glossaire) La réversibilité apparaît en certains endroits du campus (cf. chapitre 1). Renforcer la réversibilité des lieux permet d’accueillir des usages différenciés, des ambiances distinctes, des lieux appropriables par chacun. C’est un moyen d’hybrider plusieurs fonctions. Comme l’écrit Yves Grafmeyer : « Chaque lieu de la ville,

> La porosité

et par exemple la rue, a vocation à remplir simultanément plusieurs

« La porosité est la fraction d’espace dans lequel les

fonctions. Il n’y a pas de bonne forme urbaine en soi, l’asymétrie et

déplacements peuvent avoir lieu. » La notion de porosité est

la complexité sont valorisées au détriment de la géométrie et de

une notion déterminante pour penser la ville de demain car elle

la standardisation.10 ». La réversibilité devient un moyen d’obtenir

enveloppe les dimensions sociale et physique. « La porosité fait

plusieurs fonctions, mais peut également être prise en compte dans

référence à la densité, aux distances, à la prise en compte d’éléments

la conception et la gestion des espaces. Par exemple, une surface

de rationalité écologique, mais elle a aussi des implications

de stationnement devient progressivement un espace végétal (cf.

sociales profondes. Au sens large, le fantasme de la porosité est

croquis ci-dessous).

7

mis en mouvement par des réflexions qui ont un rapport avec la soutenabilité de nos aces, de nos projets et de nos décisions ; c’est un thème complexe, riche d’ambiguïté qui traite simultanément de questions écologiques, sociales et économiques. 8» Le campus, par ses vastes étendues, bénéficie d’une porosité

10. Grafmeyer Yves, Sociologie urbaine, édition Nathan, 1995, p. 106

spatiale élevée. Dans un contexte où les terrains deviennent rares et chers, la présence d’espaces libres devient un luxe à préserver. Une grande attention est ainsi portée à la dimension spatiale du lieu de vie, comme le souligne Robert Harrison, à propos des jardins : « S’ils servent à quelque chose, c’est à ré enchanter le

présent.9 » Cependant, si le campus possède une porosité physique importante, il n’en est rien pour la porosité sociale. à travers la mixité fonctionnelle, il s’agit aussi d’obtenir une mixité sociale.

7. SECCHI Bernardo et VIGANO Paola, La ville poreuse, un projet pour le grand Paris et la métropole de l’après Kyoto, Métis presses, 2011, p.47 8. VIGANO Paola, les territoires de l’urbanisme, le projet comme producteur de connaissance, éditons Métis presses, 2012 p. 148 9. HARRISON Robert, Jardins, réflexions sur la condition humaine, éditions poche le pommier, 2007, p. 61

33


2.2 Enjeux des situations répertoriées Les enjeux en terme d’ambiances et de qualité urbaine sont définis à partir de l’inventaire des situations (chap. 1, partie 2). Si les principes d’actions tendent vers une meilleure porosité et des temporalités d’usages variés (réversibilité), les interventions varient d’une situation à une autre. En effet, une situation d’espaces naturels et celle d’un ensemble universitaire n’auront pas les mêmes réponses, en terme d’ambiances, d’usages, d’accessibilité et/ou de gestion.

> Espaces universitaires offrir aux usagers d’autres possibles La situation « Espaces universitaires » possède une porosité spatiale élevée puisqu’il s’agit surtout de bâtiments posés sur leur tapis végétal (cf. chapitre 1). Il s‘agit donc d’offrir aux usagers d’autres possibles, d’autres pratiques, afin d’augmenter la porosité sociale : - Diversifier les fonctions et rendre le campus attractif au quotidien pour habiter, travailler, se récréer ou se déplacer - Imaginer une nouvelle université à partir de l’existant, accessible à chacun - Favoriser la diversité des ambiances pour une diversité d’usages - Encourager l’accessibilité par la mobilité facilitée

> Ensemble monotone fermé diversifier et connecter les espaces Les « ensembles monotones fermés » créent une limite peu agréable (activités, espaces monotones, très minéral) entre la ville et le campus universitaire. Les stratégies d’action sont donc définies dans le but d’augmenter la porosité et l’attractivité de ces espaces : - Atténuer, par le végétal, les effets d’îlots de chaleur - Développer l’hybridation fonctionnelle en valorisant certaines activités

existantes

et

en

programmant

des

logements

supplémentaires - Partager des espaces publics (rues, places, jardins) - Connecter les différents quartiers et encourager la porosité par la définition de cheminements et d’espaces libres

34

Chapitre 2 : penser la ville de demain


> Espaces naturels

> Situations singulières

conserver des oasis au sein de la ville

CONserver l’identité et l’imaginaire du campus

Les « espaces naturels » ont plusieurs statuts. Il y a, en effet,

Les situations singulières rendent le campus de Grenoble

les parcs (parc de l’île d’amour) et pelouses entretenues et prisées

unique. à travers les stratégies d’actions, il s’agit donc de les mettre

par les habitants et étudiants, mais aussi des espaces laissés en

au cœur du projet :

gestion naturelle qui profite alors à la biodiversité et constituent

- Donner aux habitants un accès, des vues sur l’Isère

une réserve naturelle. Il s’agit donc, à travers le projet territorial, de

- Conserver les qualités d’ambiances, par l’intégration de ces

conserver ces différentes oasis végétales :

dernières dans la conception du projet

- Mettre en valeur et protéger ces espaces naturels

- Mettre en valeur les espaces, en imaginant un parc linéaire sous

- Conserver les qualités sensibles de ces oasis végétales

le mail planté

- Privilégier une gestion différenciée (horticole, naturelle, collective)

localisation des situations inventoriées

35


espaces naturels

espaces universitaires

> Exemples d’hybridation selon chaque situation Cette coupe du territoire traverse à la fois les situations paradigmatiques repérées sur le campus (espaces universitaires, ensemble monotone fermé, espaces naturels) ainsi que les deux situations singulières (les bords de l’isère et le mail planté). Des zooms

Usages Logements

Éducation

Commerces

Activités Bureaux

Espaces publics

Culture

Services

Stationnements

Autres

sont effectués, illustrant une solution architecturale et urbanistique possible propre à chaque situation.

Espaces naturels

Espaces universitaires

Espaces naturels

Espaces universitaires

Charles utilise la salle de visio-conférence pour parler à ses petits enfants Mr Steadman illustre son cours sur la biodiversité

le jardinage pour Čapek est une forme d’éducation Charles utilise la salle de visio-conférence individualisation et pour parler à ses petits enfants réversibilité des espaces au sein des logements

Marie fait son jogging hebdomadaire Mr Steadman illustre son cours sur la biodiversité

Marie fait son jogging hebdomadaire

vue sur l’Isère

Jeanine passe d’un atelier à l’autre, pour s’occuper et apprendre

chaque matin, Anna laisse sa fille à la garderie avant d’aller en cours

avec trava dans Jeanine passe d’un atelier à l’autre, pour s’occuper et apprendre

chaque matin, Anna laisse sa fille toità la garderie avant d’aller en cours

le jardinage pour Čapek protection solaireest une forme d’éducation des façades individualisation et réversibilité des espaces au sein des logements

patio - ilôt de fraîcheur

protection solaire des façades vue sur l’Isère

36

avec trava dans

réserve naturelle proximité avec l’eau

jardins cultivés gestion individuelle/privée

réserve naturelle

jardins cultivés gestion individuelle/privée

caféteria - lieux de rencontres patio - ilôt de fraîcheur

Chapitre 2 : penser la ville de demain caféteria - lieux de rencontres

toitu


mail planté

c le partage des locaux, Julien peut ailler et étudier sans perdre de temps s les transports

ensemble monotone fermé

situation singulière : le mail planté

ensemble monotone fermé

situation singulière : le mail planté

ensemble monotone fermé

avec la chambre d’amis commune, Susanne peut facilement inviter sa famille

à une gestion en temps réel de tous les modes de transport permet à Marc d’optimiser son temps de parcours

c le partage des locaux, Julien peut ailler et étudier sans perdre de temps s les transports

le jardin est pour épicure, le lieu dans lequel et depuis lequel reconsidérer la réalité, réinventer les possibles

àture végétalisée accessible

bureaux activités tertiaires

étage mixte : salles de travail ure végétalisée accessible salles de réunions espaces de cours bureaux ateliers activités tertiaires garderie étage mixte : plateforme salles de travail informatique salles de réunions espaces de cours ateliers

des plantes diminuent la propagation des sons le jardin est pour épicure, le lieu dans lequel et depuis lequel reconsidérer la réalité, réinventer les possibles

des plantes diminuent la propagation des sons

centre ville 15min gare 25 min chavant 12 min

garages vélos un vélo pour chaque habitant

une noue, trame paysagère source de biodiversité promenade plantée

garderie plateforme informatique

DIversIfIer

promenade plantée

centre ville 15min gare 25 min

espaces cessibles au logement voisin logement adaptable au télé-travail

individualisation des trajets diversification des modes de déplacements une gestion en temps réel de tous les modes de transport permet à Marc tramways d’optimiser son temps de parcours à pied seul ou en pédibus covoiturage car-sharing bustrajets individualisation des diversification des cycles modes de déplacements tramways à pied seul ou en pédibus covoiturage centrale de mobilité car-sharing bus cycles

espaces cessibles au logement voisin logement adaptable au télé-travail

une noue, trame paysagère

ensoleillement

eaux de pluies

commerces de proximité

lignes de bus déssertes intermédiaires

avec la chambre d’amis commune, Susanne peut facilement inviter sa famille espaces communs «entre-soi» cour extérieure, atelier, buanderie, chambre d’amis, plateforme de travail espaces communs «entre-soi» cour extérieure, atelier, buanderie, chambre d’amis, plateforme de travail activité existante

eaux de pluies

centrale de mobilité commerces de proximité

garages vélos

ensoleillement

lignes de bus

activité existante


3. échelle urbaine 3.1 Construire avec/sur/dans l’existant

3.2 L’exemple d’un îlot

Aujourd’hui, un nouveau défi apparaît : celui de construire

L’îlot choisi pour illustrer la stratégie d’hybridation est

la ville sur la ville. On peut avoir une conception figée vis-à vis

représentatif du domaine universitaire du fait qu’iil comporte une

de l’existant, mais on peut aussi admettre que c’est une source de

situation singulière et une paradigmatique (cf. chapitre 1), mais

liberté et d’enrichissement. Le patrimoine, l’existant devient ainsi

aussi par son architecture. À l’échelle du quartier, l’implantation

une accroche spatiale pour de nouveaux projets, instaurant un

d’activités s’appuie sur la présence des autres, favorisant

dialogue entre passé et futur, entre les différents bâtiments.

dialogues et échanges. L’hybridation fonctionnelle dépasse

Il est, en effet, intéressant de dépasser l’opposition entre ce

la simple juxtaposition de fonctions. Il s’agit en effet de créer

qui fait état de mémoire et ce qui ne l’est pas afin de s’attacher à

des liens entre chacune. Des espaces publics communs, comme le

l’environnement bâti dans son ensemble. Le patrimoine ne fait

parc linéaire, permettent la rencontre entre différentes générations.

alors plus obstacle à la création mais devient un capital,

Ou encore, la gestion des énergies peut être appréhendée à

un socle au développement d’un projet. La conservation des

partir d’une vue d’ensemble. Le plan d’ensemble ci-contre illustre

traces perpétue l’identification d’une population à sa ville et permet

les possibilités d’intégration de fonctions au sein des bâtiments

de reconnaître les lieux dans le temps. L’identité et les singularités

existants.

du site sont en effet conservées, puisque les enjeux urbains sont

La proximité de logements appuie le développement des

définis à partir et avec l’existant. En effet, les bâtiments du

commerces et inversement. Une garderie est partagée entre

domaine universitaire deviennent supports d’hybridation.

habitants et étudiants. Les lieux d’enseignements sont plus accessibles, ouverts à tous et au coeur des usages.

phasage (en haut) L’opération d’hybridation du campus à la ville est progressive. La première étape est une intervention sur la situation « Espace monotone fermé » pour connecter le campus à la ville. La seconde étape s’occupe des situations singulières et de leur mise en valeur. Enfin l’ensemble du campus est traité. Le site choisi se situe à proximité du mail planté et sera donc relativement tôt ré-aménagé.

38

Chapitre 2 : penser la ville de demain


Plan d’ensemble de l’existant (à gauche) L’existant regroupe uniquement des fonctions universitaires : bâtiments d’enseignements, administratifs ou laboratoires de recherches.

Plan d’ensemble - un quartier hybride (en bas) à l’échelle du quartier, l’hybride permet de partager des services, comme une garderie ou une cafétéria. L’adjonction des fonctions se fait de plusieurs manières selon les caractéristiques des bâtiments et les besoins. Usages Logements

Éducation

Commerces

Activités Bureaux

Espaces publics

Culture

Services

Stationnements

Autres

39


4. échelle architecturale 4.1 L’hybridation fonctionnelle

4.2 Les postures architecturales

L’hybridation peut se décliner à toutes les échelles, celle d’une

La stratégie architecturale, concernant les bâtiments du

ville ou d’un quartier ; celle d’un grand édifice (« bigness ») ou

campus, se compose de six gestes d’interventions sur l’existant :

d’un simple édifice.

l’enveloppement,

11

l’adjonction,

l’imbrication,

la

substitution,

l’insertion et la soustraction. Ces stratégies s’apparentent à l’idée Rem Koolhaas pose dans son ouvrage « Delirious NY » les

de la Bigness, du fait que les éléments du programme réagissent

fondements d’un rapprochement entre l’échelle de la ville et celle

les uns avec les autres pour créer de nouveaux événements. Ces

de l’architecture. à partir de l’analyse des tours de Manhattan, il en

postures s’appuient sur les caractéristiques du bâtiment. Selon les

conclut qu’une enveloppe peut être considérée comme un simple

améliorations souhaitées, telle action va être privilégiée (cf. tableau

conteneur, capable d’abriter des contenus divers. L’architecture peut

page de droite). Ce geste n’est donc pas uniquement formel et

ainsi développer en son sein une complexité urbaine, offerte par

spatial puisqu’il intègre la prise en compte des usages et le travail

l’articulation des programmes entre eux, par les flux qui la traverse

des ambiances. Une combinaison de plusieurs gestes est possible

et par sa masse critique. Delirious NY initie la théorie du grand

pour répondre à des besoins différents.

12

édifice : au-delà d’une certaine échelle, l’architecture acquiert les propriétés de la Bigness. Le projet architectural, lorsqu’il acquiert les dimensions de la bigness, invite à penser les modalités de cohabitation entre les programmes. En effet, les lieux d’enseignement et logements reposent sur des trames structurelles différentes, d’où des dalles de transferts intermédiaires, coûteuses à réaliser. De plus, les ambiances de travail et de vie ne sont sensiblement pas les mêmes. La gradation dans les degrés d’intimité du public au privé permettrait de faire naître des espaces partagés, semipublics entre les deux lieux. D’autre part, la nécessité de multiplier les ascenseurs et escaliers aboutit parfois à un gruyère difficile à exploiter. L’échelle et le type d’hybridation se pose donc naturellement selon les programmes.

11. KOOLHAAS Rem, Junkspace, Repenser radicalement l’espace urbain, éditions Payot, 2011 Rem Koolhaas résume ainsi la Bigness : La taille des objets architecturaux les fait rentrer dans le domaine de l’urbanisme, avec notamment la connexion de domaines particuliers en un système. Mais dans un même temps la Bigness est un objet architectural qui n’existe pas par rapport à la ville et ne s’insère pas dans la ville. 12. KOOLHAAS Rem, New York délire, un manifeste rétroactif pour Manhattan, éditions parenthèses, 2002

40

Chapitre 2 : penser la ville de demain

Un exemple d’insertion Projet urbain d’un ancien site industriel, Lys-lez-Lannoy/59 Urbaniste du projet, Atelier 9.81 transforme ce vaste site industriel en vue d’en faire un nouveau morceau de la ville. L’atelier réalise les différentes opérations (bureaux, activités, logements et équipements) en conservant la structure des halles existantes. source : Le moniteur, numéro 16 décembre 2011, pp. 20-22


un exemple d’adjonction : l’Elbphilaharmonie de Hamburg, Herzog & De Meuron, 2011 source : Le Moniteur, 10 juin 2011, pp 41-44

caractéristiques Volumétrie générale espaces intérieurs (forme) enveloppe

+ + -

+ + + + -

+

+ + + + +

+ + +

-

+

appropriation (usages)

+

+ + + + + -

sans

enVeLoPPement

imbrication

insertion

adjonction

substitution

soustraction

exemPLes bâtiments

ensimag

ujF Physique bâtiment a

amphi Weil

Precitechnique dauphiné

centre santé inter universitaire

résidence G. Fauré

Luminosité intérieure qualité sonore rapport au contexte accessibilité Potentiels hybridation

-

Exemples des postures architecturales par rapport à la recomposition du quartier ujF Physique administration

substitution

soustraction

ujF dsu

imbrication

ujF Physique bâtiment b

enveloppement

restaurant barnave

insertion

ense 3

Laboratoires

adjonction

maquette radicale des différentes postures architecturales Au centre, une situation singulière du campus de Saint Martin d’Hères : le mail planté

41


Chapitre 3 Composer un projet

Pour Richard Sennett, quelqu’un de cosmopolite est « un homme qui

se trouve à l’aise dans la diversité ; il se sent bien dans des situations qui n’ont ni analogie, ni rapport avec celles qui lui sont familières.1 » Ce serait la même définition pour un bâtiment hybride. Ce sont des bâtiments cosmopolites, au cœur de formes urbaines fragmentées ; de volumes et structures des typologies précédentes ; d’usages et d’ambiances existantes, dans lesquels le projet s’inscrit aisément. 1. SENNETT Richard, Les tyrannies de l’intimité, éditions du Seuil, 1979, p. 26



1. Une hybridation formelle 2.1 Inventaire de l’existant Le projet s’insère dans un bâtiment existant, l’inventaire permet d’en relever les qualités. La façon dont on peut le dé-construire, le rythme de ses baies, le passage d’un espace à un autre et les relations qu’il entretient avec l’intérieur sont autant d’éléments qui vont guider la conception. Qu’il s’agisse de matières, d’ambiances ou d’éléments structurels, ils constituent, en effet, le support des transformations spatiales.

> Les matières et les textures Trois matières sont caractéristiques du bâtiment : le carrelage sombre du hall central, le parement en pierre utilisé en façade et enfin le béton, laissé apparent, du volume des amphithéâtres.

> Les qualités d’ambiances En termes d’ambiances, on peut relever la quiétude du patio. Il apporte de la lumière naturelle aux salles de classe du premier niveau. Envahi par le végétal, il reste très peu approprié. Le hall d’entrée bénéficie aussi d’une ambiance singulière. Traité de façon sobre et monumental, il donne un caractère sérieux au lieu. Il est cependant peu mis en valeur par ses façades sur l’extérieur et par les liens qu’il entretient avec les autres espaces. Le projet lui donne, en le transformant en espace public traversant, une position claire et assumée.

> La structure La structure est un système poteau-dalle en béton. Elle est très claire à lire en façade et génère l’organisation du bâtiment (cf. maquette structure) Le projet, conçu à partir du bâti existant, va conserver des traces au sol (le carrelage du hall d’entrée) ou des infrastructures (structure et parements de pierre). inventaire de l’existant (à gauche, De haut en bas) Le patio, avec les salles d’enseignement autour ; le hall d’entrée ; le béton en façade ; le carrelage du hall ; les pierres de parement

44

Chapitre 3 : composer un projet


2.2 Postures architecturales Les composants existants du site sont à la base du tracé régulateur et des grandes options de l’organisation de l’espace. Deux gestes, justifiés par les configurations spécifiques du bâtiment (cf inventaire), sont choisis pour transformer ce bâtiment. Il s’agit de travailler sur l’enveloppement et l’imbrication. Ces deux postures sont

Structure du bâtiment existant (sans les toitures)

liées.

> L’enveloppement Outre sa fonction de protection solaire et thermique, l’enveloppe donne au projet une identité et une unité. Elle est composée d’une série de lames d’aluminium perforées, positionnées à 1.5 m de la façade existante. Ce retrait définit les terrasses du premier niveau. En toiture, les lames se retournent pour former le garde-corps. Cette

Façade sud existante

enveloppe devient ainsi un filtre pour la lumière et la vue, entre intérieur et extérieur.

> L’imbrication

=

+

Le

imbrication de volumes dans la structure existante

gros-oeuvre

du

bâtiment

définit

une

structure

tridimensionnelle de béton dans laquelle des volumes viennent s’imbriquer. Tout comme la rencontre de la grille urbaine de San Francisco et de ses collines 1, les croisements entre la structure et les volumes indépendants créent les événements. Les modalités de connexions varient : de la continuité à la stricte intersection (cf. schémas). L’imbrication de volumes permet d’accueillir de nouveaux espaces et génère de nouvelles ambiances.

intersection

découpe

continuité

dialogue

La rencontre de deux entités questionne les modalités de croisement. Chaque cas produit une ou des ambiances distinctes : - L’intersection crée un espace intermédiaire entre deux autres, délimités clairement. Chaque espace a son identité propre. - La découpe donne une indépendance aux éléments. On a deux espaces distincts, l’un définit en partie par l’autre (hiérarchie). - La continuité provoque une dilatation de l’espace. Cela peut créer un cadrage de la vue.

Les modalités de rencontres des deux entités produisent des effets aux caractéristiques différentes. Les parois des volumes insérés sont structurelles. Elles sont, en effet, constituées en poutres treillis. La structure des planchers (supérieur et inférieur) vient ensuite se fixer de part et d’autre sur ces parois (cf. coupe sur la façade p. 46).

- Le dialogue est une mise en scène de l’espace avec un jeu d’ouvertures et de fermetures. 1. Florence Lipsky, San Francisco-La grille sur les collines, éd. Parenthèses, 1999

façade sud du projet 0

5

10 m

45


Coupe sur façade 0

50

1 toiture plancher bois

100 cm

lambourde plot réglable étanchéité couche d’isolant (pente de 1%) épaisseur de départ 200 mm

1

dalle béton existante 200 mm

2 2 Acrotère & attaches Lames alu relevé d’étanchéité et couvertine platine avec attaches des lames en aluminium perforées graviers

3 3 lames en aluminium perforées tube métallique entre les lames diam. 30 mm 4 toiture volume plancher zinc et bois lambourde plots réglables étanchéité couche d’isolant (pente de 2%) épaisseur de départ 100 mm barrière anti-vapeur tôle acier à ondes trapézoïdales poutre en I

4

5 Paroi en poutres treillis poutres en treillis : membrures parallèles, à diagonales montantes en direction du bâtiment existant placoplâtres 2 x 12.5 mm isolant entre les poutres 200 mm 6 Mur placoplâtres 2 x 12.5 mm barrière anti-vapeur

6 5

structure secondaire en métal avec isolant 50 mm dans les intervalles aggloméré 19 mm film d’étanchéité revêtement en zinc 7 Plancher revêtement de sol 50 mm structure secondaire : poutres avec isolant dans les intervalles isolant 100 mm

7

aggloméré 19 mm revêtement en zinc 8 semelle béton filante semelle béton filante 400 x 800 mm platine pour fixation des lames en aluminium graviers

8

46

Chapitre 3 1 : composer comprendre unet projet percevoir le territoire


2. Une hybridation fonctionnelle Hybrider les formes d’un édifice est un moyen de lui affecter

> Un nouveau programme

de nouveaux usages. De ce fait, les hybridations formelle et

Le développement des technologies de communication rend

fonctionnelle sont très liées. L’identité d’un bâtiment hybride se

attractif tout ce qui ne se télécommunique pas (cf. chapitre 2,

traduit par une expression de la complexité et de la variété des

partie 1), c’est pourquoi le programme de transformations s’appuie

programmes, mais il s’agit surtout de tisser du lien entre ces

sur la naissance d’émotions, la mise en mouvement de son corps

programmes.

ou de ses sens. Il propose des espaces dédiés aux activités sportives et ludiques (au rez-de-chaussée du bâtiment) mais également des lieux de diffusion et d’échanges culturels. Des espaces partagés (les

1.1 Éléments programmatiques

espaces d’accueil, le plateau d’échange, la toiture-terrasse, le patio et la rue) relient les fonctions entre elles. Parallèlement, les fonctions existantes sont re-pensées en

> Les usages existants

fonction de l’évolution des modes de vie. Les bibliothèques

Ce bâtiment, même s’il comporte plusieurs salles de classe et

au sein des campus universitaires ne sont que très peu utilisées

deux amphithéâtres, est délaissé par les étudiants. Cela peut venir

pour lire ou emprunter des livres mais plutôt pour leur ambiance

de la vétusté des installations (amphithéâtres) ou de l’inconfort des

particulièrement propice à l’étude. Ce sont également des lieux

salles de classe (sur-ensoleillement au Sud). D’autres fonctions à

de réunion et d’échanges pour les groupes de travail. Un espace

vocation pédagogique sont intégrées, comme une bibliothèque,

de travail et d’échanges est donc prévu au premier niveau ; ainsi

des bureaux administratifs ou des lieux d’études (cf. plan ci-

que quelques salles de classe, une salle de projection et un plateau

dessous).

d’échanges ouvert à tous. Côté Sud, une garderie (premier niveau)

Répartition programmatique des fonctions existantes

toilettes

salles d’enseignement

5%

20%

amphithéâtres 17 %

bibliothèques

patio

espaces annexes

9%

20 % administration 5%

espaces de circulations 25 %

0

10

20 m

47


les vacances. Une temporisation des activités permet de répartir

et une cafétéria (RDC) viennent compléter l’ensemble.

la fréquentation au cours du temps. Cela permet également de pratiquer plusieurs activités sans contrainte de déplacement.

> Circulations et gestion des flux Le dépassement d’un volume métallique sombre, de part et d’autre du bâtiment, à travers la nappe de lames d’aluminium, nous invite à entrer. Deux espaces d’accueil se trouvent dans l’alignement. Ils permettent d’orienter et de renseigner les visiteurs. Au Nord, se trouve un espace administratif pour les démarches liées aux activités

L’activité du bâtiment n’est alors plus contrôlée par les rythmes scolaires mais par des rythmes d’usages. Par exemple, lorsque les cours sont finis, les amphithéâtres laissés libres se transforment en salles de projection pour la soirée. Les différentes temporalités s’accompagnent souvent d’une réversibilité de certains espaces.

et services proposés au sein du complexe. à partir des espaces d’entrée, des volumes translucides en verre (profilés en U, armés

> Espaces réversibles

de fils métalliques) accueillent les circulations verticales (escaliers

Les espaces réversibles permettent d’accueillir plusieurs

et ascenseur) et guident l’usager jusqu’à la toiture accessible. Un

fonctions. Au sein du bâtiment, les amphithéâtres, la salle amovible

bâtiment hybride nécessite une certaine porosité pour laisser libre

au cœur du bâtiment et les espaces d’entrée, sont de ce type

les trajectoires de chaque individu, c’est pourquoi aucune circulation

(cf. coupe ci-dessous des usages). Certains critères participent

ne termine en impasse. La combination des fonctions demande

et favorisent la réversibilité, comme les dispositifs de gestion de

une gestion spatiale complexe, mais également temporelle.

lumière et du son, l’accessibilité, le stockage d’éventuels meubles ou les revêtements de sols (cf. article sur la réversibilité). La salle amovible dispose d’une double paroi acoustique et de

1.2 Temporalités et réversibilités

gradins amovibles (pour accueillir jusqu’à deux cents personnes). Un ou deux gradins peuvent être mis en place selon les besoins. Les espaces d’entrée, quant à eux, sont tantôt lieux d’attente (à la fin des cours, avant un créneau de sport ou une séance de cinéma),

> Temporalités des usages Un des principaux défauts des bâtiments universitaires est la génération d’heures creuses : en soirée, le week-end et pendant

Journée 0 5

10 m

amphithéâtre & colloques

tantôt espace de rencontres (ateliers d’échanges ou discussions à la pause de midi).

cafétéria

salle sportive

soirée salle de projection

48

Chapitre 3 : composer un projet

bar

salle de spectacle


Premier niveau

0

10

20 m

0

10

20 m

RDC

 49


3. Une hybridation sociale 3.2 Créer des moments

3.1 Des espaces pour tous à l’inverse des bâtiments universitaires classiques, réservés

La fabrique d’un lieu, c’est aussi créer des événements, des

aux étudiants, ce projet de complexe hybride ne cible pas un type

moments. Cela peut être un spectacle, des animations mais aussi

d’individu en particulier. En effet, les activités et services proposés

un dispositif architectural. Il s’agit d’une situation singulière dans

sont ouverts et destinés à tous afin d’encourager la porosité sociale.

laquelle je me trouve. à l’échelle du bâtiment, ces moments

En terme d’architecture, cela se traduit par l’ouverture des espaces

peuvent être traduits en terme d’ouvertures et/ou de vues croisées

d’enseignement (plateau d’échanges ou salle vitrée au premier

inattendues. Par exemple, entre la garderie du premier niveau et

niveau) et la libre circulation. Les usagers du complexe hybride sont

l’accueil au rez-de-chaussée, un filet est tendu dans une trémie.

invités à partager des moments d’apprentissages et de débats. Les

Espace jeux pour les enfants ou apport de lumière, c’est une zone

échanges, raison privilégiée d’être encore sur les campus de nos

de contacts (visuels et auditifs) entres les deux lieux. Un autre

jours sont, en effet, privilégiés.

exemple est le plateau d’échange. Il bénéficie d’une fenêtre en longueur sur la salle amovible. Elle accompagne le pas et invite à

Chaque individu a son propre rythme de vie, qui n’est d’ailleurs

regarder ce qui se passe depuis la mezzanine attenante.

pas toujours en adéquation avec ceux de la société, c’est pourquoi

Les espaces extérieurs sont traités de façon très simple pour

l’ouverture du bâtiment en quasi-continu et la porosité spatiale

permettre l’appropriation. Quelques gradins et alignements

sont des valeurs clés dans le refus d’un individu générique.

végétaux en toiture, pas de mobiliers fixes pour le patio. Ainsi, que ce soit pour des jeux d’enfants, des interventions culturelles ou une extension de la salle de spectacle, tout es possible.

Coupe Transversale En noir, la structure existante du bâtiment. Différents matériaux sont utilisés pour les volumes imbriqués : du verre pour les circulations verticales, du zinc pour les espaces supplémentaires en façade.

accès facilité par la proximité du tramway

toiture-terrasse accessible salle vitrée

fenêtre en longueur sur la salle amovible plateau d’échanges salle amovible

50

Chapitre 3 : composer un projet


51


52


Conclusion

L’hybridation de la ville et de l’université permet, par la diversité

fois libres et canalisés, tout en desservant des espaces différents.

proposée, une régénération du campus universitaire de Saint

Les seuils, la définition des entrées, les accès continus/discontinus

Martin d’Hères. En effet, l’intégration de nouvelles fonctions dans

sont donc des éléments particulièrement importants à traiter. La

la structure spatiale existante apporte de nombreuses opportunités

seconde problématique rencontrée est : peut-on tout hybrider ?

de vivre et/ou de se rendre sur le domaine universitaire. De plus,

Logements et lieux d’enseignements semblent, par exemple et à

dans une ville où la pression sur l’espace urbain est très forte, c’est

première vue, très éloignés, tant au niveau des rythmes de vie, des

une alternative intéressante à l’étalement urbain. La conception

formes architecturales ou des usages. Cependant, les habitants ont

dans et avec l’existant apporte une accroche spatiale au projet

des besoins communs et c’est alors à partir de ces rapprochements

d’architecture. L’existant devient alors un socle au développement

que pourra se développer l’hybridation.

du projet. à l’échelle du quartier, les hybridations de fonctions tout comme des sphères publiques et privées, favorisent la vie sociale

Le type hybride apparaît, dans les années 1880, comme une

et les échanges. Le cadre de vie et la qualité du campus, autrefois

réponse à la pression grandissante sur l’espace urbain. Avec la

monofonctionnels et réservés aux étudiants, est alors accessible

restriction des mouvements horizontaux, les bâtiments devinrent

à chaque habitant. à l’échelle du bâtiment, l’hybride favorise la

plus hauts et plus larges. Une fonction unique ne pouvait alors

création d’événements et de rencontres, en augmentant les liens

occuper ces vastes volumes, les fonctions furent donc combinées.

entre activités. La diversité et la complexité programmatique inhibe

Depuis son introduction dans les années 1880, le bâtiment hybride

alors le phénomène d’heures creuses, en combinant divers usages

connu un développement riche et varié jusqu’à la dépression en

et propose une nouvelle manière de vivre l’espace.

1929, quand toute nouvelle construction cessa. Suite à la crise économique, les Congrès Internationaux d’Architecture Moderne

Comme le montre le projet, le geste d’hybrider est un outil

(CIAM IV) adopta la ségrégation systématique des fonctions.

et une manière de concevoir la ville. Un outil car il invite à une démarche de projet s’appuyant sur le contexte et sur le déjà-là. Une

Récemment, l’intérêt des structures hybrides a grandi. La

manière de penser la ville car l’hybride s’appuie sur la cohabitation

nature hybride des projets contemporains fait allusion, non plus

de multiples scénarios et individus.

à l’harmonie et à la cohérence des individus, mais plutôt aux scénarios métis fait de parcours et de profils variés. De plus en

Travailler l’hybridation permet d’en questionner les limites.

plus de projets naissent avec ces notions d’hybridité. Il faut être

à travers le projet, deux problématiques sont apparues : celle

cependant vigilant dans la conception à ne pas tomber dans le

de l’accessibilité et celle de la combination de fonctions très

schéma de la ville dans la ville. L’idée n’est pas de créer un ghetto,

différentes. Un bâtiment hybride demande, en effet, une certaine

mais bien de tisser des liens entre chaque élément, entre le présent

souplesse dans les trajectoires. Les mouvements doivent être à la

et le futur, entre les générations : une hybridation fine à partir du contexte.

53


54


Bibliographie

ASCHER François, Métapolis ou l’avenir des villes, éditions Odile Jacob, mai 1995 ASCHER François, Les nouveaux principes de l’urbanisme, suivi de Lexique de la ville plurielle, éditions de L’aube, 2010 FENTON Joseph, Pamphlet Architecture 11 : Hybrid Building, 1985 FERNANDEZ PER Aurora, MOZAS Javier, ARPA Javier, This is hybrid, An analysis of mixed-use buildings by a+t, a+t architecture publishers, 2011 GEHL Jan, Life between Buildings, the danish architectural presse, 1987 HARRISON Robert, Jardins, réflexions sur la condition humaine, éditions poche le pommier, 2007 KOOLHAAS Rem, Junkspace, Repenser radicalement l’espace urbain, éditions Payot, 2011 KOOLHAAS Rem, New York délire, un manifeste rétroactif pour Manhattan, éditions parenthèses, 2002 LOYER François (sous la présidence de), Ville d’hier, ville d’aujourd’hui en Europe, Actes des Entretiens du Patrimoine, éditions du patrimoine Fayard, 2001 MONGIN Olivier, Vers la troisième ville, Collection «Questions de société», Hachette, 1995 Robert Philippe & Desmoulins Christine, Transcriptions d’architecture, Architecture & Patrimoine, quels enjeux pour demain ? éditions adpf ministère des affaires étrangères, 2005 SECCHI Bernardo et VIGANO Paola, La ville poreuse, un projet pour le grand Paris et la métropole de l’après Kyoto, Métis presses, 2011 SENNETT Richard, La conscience de l’œil, Verdier Poche, 1990 THébaud Philippe, Dictionnaire des Jardins et Paysages, éditions Jean-Michel place, mise à jour du Dicovert, 2007 VIGANO Paola, Les territoires de l’urbanisme, le projet comme producteur de connaissance, éditons Métis presses, 2012 WHITE William, The social life of small urban places, Project for public spaces, 1980 Revue Archithèse Structures hybrides, numéro 3, 2000

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Ambiances et Architecture contemporaines 2011 Séminaire Master 2 Architecture et Cultures Sensibles de l’Environnement

Réversibilité [ article annexe ]

Par Léa Pierron, "Reversible is action which is capable of changing the direction of its own movement and/or of bringing things back to a state perceptibly similar to what it was previously. There is something of an elastic braid about it. (La réversibilité est une action qui est capable de changer la direction de son propre mouvement et / ou de ramener les choses à un état sensiblement similaire à ce qu'elles étaient auparavant. Il y a comme un lien "élastique" entre ces deux états)1" // La réversibilité est une action "qui peut aller en sens inverse, se produire dans les deux sens" ou "qui peut être retournée2". La réversibilité et l’irréversibilité sont des concepts importants en physique. D'une manière générale on dit qu'un phénomène est réversible, si une modification des conditions permet à un système, qui a évolué sous l'influence de ce phénomène, de retrouver son état immédiatement 1. CROS Susanna. Coord., The metapolis dictionary of

antérieur. On parle par exemple d'élasticité (retour possible à l'état initial) et de plasticité (retour impossible, soit une action irréversible). Un élastique peut retrouver, après déformations, sa forme initiale. Un objet que l'on casse, ne pourra pas. A l'aide de ces définitions on pourrait définir la réversibilité des ambiances, comme le fait, pour un même espace, d'avoir alternativement et successivement deux atmosphères clairement distinctes et différenciées. La réversibilité illustre le mouvement, les variations des ambiances dans le temps ou dans l'espace. La notion de réversibilité permet d'introduire la question de la temporalité dans une approche spatiale, de quitter une approche statique pour introduire une approche dynamique, sensible à l’évolution dans le temps. "Les ambiances évidemment ne sont pas des choses. Elles n'existent pas comme des entités qui demeurent identiques avec le temps ; néanmoins, même après une interruption temporelle, elles peuvent être reconnues comme les

advanced architecture. Barcelona : ACTAR, 2003 2. Dictionnaire Larousse

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mêmes à travers leur caractère.3" C'est le phénomène de réversibilité, ici décrit par G. Böhme, philosophe allemand. La réversibilité s'apparente au cycle, du fait que l'état initial est retrouvé. Il y a donc un lien ("élastique") entre deux états, entre deux ambiances. On peut cependant dissocier les réversibilités directes et indirectes. Lorsqu'on passe d'une ambiance A à une ambiance B sans intermédiaires, il s'agit de réversibilité directe, mécanisme facile à comprendre avec l'idée d'une pièce de monnaie que l'on retourne (double face). A contrario, lorsqu'on a, dans l'intervalle du changement, des ambiances intermédiaires C, D, E etc, on parlera de réversibilité indirecte, apparenté au phénomène de vicissitude ("Révolution, changement par lequel des choses différentes se succèdent les unes aux autres4"). Certaines ambiances possèdent la caractéristique de l'éternel retour notamment les cycles (saisonniers, journalier). On a donc pour la réversibilité plusieurs mécanismes d'apparition.

3. BÖHME Gernot, Un paradigme pour une esthétique des

• Sens et réversibilité Nous pourrions considérer la réversibilité, selon chaque sens. Par exemple, une réversibilité visuelle peut être perçue, de façon très simplifiée, au changement jour/nuit. Gyorgy Kepes, peintre et théoricien hongrois, nous définit ce changement d'atmosphère : " Dans toutes les grandes villes du monde, le déclin du jour fait naître un autre monde de lumière. Ce n'est pas de la lumière du jour, celui de la source lumineuse unique, amicale et intelligible. Mais ce n'est pas non plus le monde enténébré, mystérieux, terrifiant que le crépuscule relâche sur les hommes à l'état naturel. C'est le monde des sources de lumière synthétique,de l'incandescence étincelante, dynamique de l'illumination artificielle des métropoles du XXe siècle. 5" Une réversibilité olfactive peut apparaître, lorsqu'un marché investit une place, lorsque les odeurs de cuisine voisines envahissent l'espace, ou d'un autre caractère, moins agréable, lors du passage des éboueurs. Dans chacun de ces exemples, on a une modification du paysage olfactif vers un autre clairement différent puisque notre odorat le remarque et en fait alors la distinction, puis la réapparition de l'état initial. Une réversibilité sonore peut être de très courte durée, comme le passage d'un tramway, d'un flot

ambiances : l'art de la scénographie dans AUGOYARD Jean-François (sous la direction de), Faire une ambiance, actes du colloque international Grenoble septembre 2008, éditions à la croisée, 2011. p. 223 4. Wikipédia, http://fr.wiktionary.org/wiki/vicissitude

5. KEPES Gyorgy, 1965 dans ZARDINI Mirko (sous la direction

de),

Sensations

urbaines,

une

approche

différente à l'urbanisme, centre canadien d'architecture 2006, p.48

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble Encadrement : Grégoire Chelkoff (responsable), Magali Paris et Céline Bonicco 57


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de voiture, d'un groupe de personnes ou d'une durée plus longue, lorsque la nuit et son silence s'installe. Enfin une réversibilité kinesthésique peut être perçue au passage d'une zone ensoleillée à une zone ombrée, ou tout simplement lors d'un changement de la température. La différence est alors immédiatement ressentie par le corps. Exemple de réversibilité lumineuse, l'entrée du campus Cet exemple illustre la pendulation d'une ambiances, à travers notamment la luminosité. Et comme le soulignait G. Böhme (introduction), on reconnaît, après une interruption temporelle (la nuit), une ambiance au caractère sensiblement identique à celle qu'on avait quittée. Cela questionne les notions de vicissitudes et d'éternels retour. En effet, le jour et la nuit se succèdent infiniment et sans évènements particuliers, on aura toujours l'impression particulière de retrouver, en terme d'ambiance lumineuse, l'atmosphère qu'on avait quittée la veille.

• Temporalités On peut distinguer deux temporalités de réversibilité clairement distinctes, celle du long terme, plutôt associée aux cycles longs et celle du court terme, plutôt considérée alors comme forme de réversibilité quotidienne. "Certains lieux changent d’ambiance, de façon plus ou moins rapide, au gré de l’alternance des saisons, du cycle jour/nuit, des moments de la journée… L’ambiance peut être aussi de l’ordre de la permanence : certains espaces, certains lieux sont marqués par une ambiance particulière, parfois 6 immuable. " On reconnait à travers cet extrait de Rachel Thomas, chercheuse, une différenciation de deux temporalités. La réversibilité du long terme. La ville, l'architecture sont des éléments mutables. Les ambiances qui y sont liées le sont donc aussi. Une réversibilité de l'ambiance à long terme peut être perçue à travers les modifications architecturales et urbaines de la ville. Par exemple, un chantier de ravalement de façade va modifier la perception du bâtiment, notre comportement (stratégie d'évitement), le contexte perceptible (bruits, poussière). Une fois, les échafaudages enlevés, l'espace retrouve ses caractéristiques 6.

THOMAS

Rachel,

Qualifier

les

ambiances

architecturales et urbaines dans AUGOYARD JeanFrançois (sous la direction de), Faire une ambiance, actes du colloque international Grenoble septembre 2008, éditions à la croisée, 2011. p. 39

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premières. Cette réversibilité est également observable dans l'installation de pavillon ou structures temporaires pour des expositions. Elle peut également être perçue à travers les pratiques habitantes. L'évolution des quartiers est un exemple. Les centres des villes sont, en effet, parfois un exemple de mixité sociale, mais peuvent également subir alternativement les phénomènes de paupérisation ou de gentrification. Il s'agit ici de prendre en compte les habitants et leurs pratiques de l'espace pour caractériser les ambiances. Enfin, cette échelle du long terme apparaît également dans les cycles saisonniers. Chaque année on retrouve, un printemps, un été, un hiver, un automne aux caractéristiques sensiblement voisines. La réversibilité à moyen terme. Les espaces peuvent offrir des usages variés aux différentes heures de la journée. La réversibilité à court terme questionne donc plutôt les rythmes quotidiens. Le cycle nycthéméral ou les variations hebdomadaires sont des exemples de réversibilité à court terme. Une description de ces rythmes est perceptible dans le récit d'une habitante, au sujet des galeries de l'Arlequin : "J'aime bien le matin... les ménagères qui vont, qui viennent ; c'est calme... Et puis à midi, c'est le contraire, il y a une activité plus rapide, plus de bruit. On sent que les gens sont pressés... L'après-midi, je sors très peu... Autrement, ça dépend des jours, par exemple, il y a des jours, malgré les mêmes heures où

c'est très différent. Par exemple le dimanche, c'est très calme [...]. 7" Les rythmes de vie du campus illustrent également la réversibilité du court terme. Entre le week-end et la semaine, la fréquentation et les atmosphères ne sont pas du tout les mêmes. La réversibilité à court terme. Lorsque deux ambiances sont présentes dans un même espace, et que je peux passer de l'une à l'autre de façon instantanée, il s'agit de réversibilité à court terme. Louis Marin (philosophe), dans sa description du bambou à bascule8 parle de la création d'un événement (le mouvement du bambou qui se vide) puis le retour, dans le temps, à l'ordre paisible. L'évènement unique dure alors quelques secondes seulement et on retrouve l'état initial.

• Caractéristiques Une réversibilité d'ambiances pourrait être caractérisée de plusieurs façons. Elle peut être provoquée par un dispositif formel, ce que j'appellerai réversibilité spatiale ; être liée à un changement du contexte physique et/ou "climatique" (lumière, sons, odeurs, air, chaleur) qui nous entoure, ce sera une réversibilité contextuelle ; être 7. AUGOYARD Jean-François, Pas à pas, Essai sur le

cheminement quotidien en milieu urbain, éditions du Seuil, Paris, 1979 p. 49 8

MARIN Louis, Le bambou à bascule, Traverses n°3839 Japon fiction, 1986

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déterminée par un changement d'usages, ce sera la réversibilité sociale. Réversibilité spatiale. La réversibilité spatiale est donnée par un dispositif architectural précis. Pour un espace donné, je peux alors me plonger dans deux ambiances et passer de l'une à l'autre facilement. "L’ambiance émerge et prend forme dans des volumes, dans des surfaces, dans des dispositifs, à travers des matériaux qui tour à tour la conforte, la maintienne, l’amplifie ou à l’inverse l’étouffe et l’éteigne9". Comme l'écrit R. Thomas, l'ambiance prend d'abord forme à travers la structure physique du contexte. Dans ce cas, les dispositifs spatiaux deviennent alors les générateurs de la réversibilité des ambiances. Souvent ces changements d'ambiances sont liés à des micro-mobilités ou à une épaisseur des limites. La place et le mouvement du corps jouent alors un rôle important dans le déclenchement de la réversibilité. Par exemple, selon le côté de l'arrêt de bus où je me trouve, je n'ai pas les mêmes ressentis en termes d'atmosphère. Les comportements ne sont pas les mêmes non plus. Soit j'attends le tram/le bus et je suis dans un espace construit et défini (les parois des arrêts, les bornes, l'abri, la signalétique). Soit je suis en mouvement, 9.

THOMAS

Rachel,

Qualifier

les

De la même façon, la géométrie du mur de l'Antigo Tribunal da Boa-Hora (Lisbonne) crée des espaces intermédiaires, qui permettent une réversibilité aisée de l'ambiance. D'un côté du mur, les salles exposition ; par la fenêtre ouverte, la musique, la cour intérieure et son restaurant.

ambiances

architecturales et urbaines dans AUGOYARD JeanFrançois (sous la direction de), Faire une ambiance, actes du colloque international Grenoble septembre 2008, éditions à la croisée, 2011. p. 39

dans une logique de déplacement, le marquage au sol m'incite à circuler. Une réversibilité spatiale peut également venir de l'épaisseur d'une limite. Par exemple, ce mur garde-corps nous permet de passer de l'ambiance tranquille du parc du Castelo Sao Jorge (Lisbonne) à celle de la ville en dessous, plus animée et bruyante.

Ci-dessous, l'atrium central de la bibliothèque de Helsinki. Selon l'orientation de notre regard, on se trouve dans le caractère studieux et sérieux des espaces

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Ambiances et Architecture contemporaines 2011 Séminaire Master 2 Architecture et Cultures Sensibles de l’Environnement

de travail ou absorbé par le vide central donnant sur le hall d'entrée.

Réversibilité contextuelle. La réversibilité contextuelle peut être passive, définie alors par une évolution du contexte perceptible (lumière, sons, odeurs, air, chaleur) dans lequel je me trouve sans que je puisse agir dessus. Le passage de la pluie au soleil, les cycles saisonniers, hebdomadaires et journaliers constituent des exemples. La réversibilité contextuelle peut également être contrôlée, à travers des dispositifs architecturaux permettant de modifier une donnée spécifique. Ils permettent d'aller d'une ambiance A à une ambiance B alternativement. Un exemple commun est l'interrupteur pour la lumière. Moins évident, on pourrait citer le dispositif acoustique mis en place dans la salle de

concert de Lucerne, par Jean Nouvel. La paroi peut être modifiée (angle, textures) ajustant ainsi les conditions de réverbération du son, selon le type de musique joué. Un autre exemple est celui du Jardin de Agua du parc des expositions de Lisbonne, où le déclenchement de vapeur d'eau produit une atmosphère mystérieuse et inattendue.

Réversibilité sociale. "L’ambiance relève aussi des formes sensibles et sociales de la vie urbaine : elle se configure, autrement dit, à travers les pratiques habitantes et les modes d’attention qui les sous tendent.10". La réversibilité peut donc 10.

THOMAS

Rachel,

Qualifier

les

ambiances

architecturales et urbaines dans AUGOYARD

Jean-

François (sous la direction de), Faire une ambiance, actes

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Ambiances et Architecture contemporaines 2011 Séminaire Master 2 Architecture et Cultures Sensibles de l’Environnement

être perçue à travers les pratiques, ce que j'appelle réversibilité sociale. Ces pratiques dépendent de la société dans laquelle on se trouve. Chaque société produit en effet, de par ses modes de vie, son espace et son atmosphère. De plus, les structures proxémiques et les comportements dans l'espace de chacun sont intrinsèquement liés à notre culture (E. T. Hall, 1971), "nous habitons des mondes sensibles différents11". Cela induit une pluralité d'ambiances possibles données par les usages. La réversibilité sociale est une réversibilité de l'ambiance induite par les pratiques. Les usages étant également définis par les conditions climatiques, c'est pourquoi réversibilité contextuelle passive et sociale sont fortement liées. W. Whyte remarque, dans "The social life of small urban places" que le nombre de personnes investissant les espaces publics dépend fortement des saisons et du temps.12 Lorsqu'il pleut, gèle, ou fait soleil, la perception de l'espace n'est pas la même, les usages et les pratiques non plus. De la même façon, les premiers jours de beau temps du printemps sont très appréciés et

les citadins investissent l'espace public, alors que la même température plus tard sera jugée trop fraîche. Il en est de même après une série de jours pluvieux. 13 D'autre part, Jan Gehl, urbaniste, étudie les relations sociales entre les habitants. Ses études, publiées dans Life between buildings, montrent que les personnes ont tendance à se regrouper ("People come where people are"14), les hommes et leurs activités étant le meilleur centre d'intérêt. Il avance également que notre propre attitude est fortement induite par les comportements des autres. Il prend l'exemple des places et montre que les personnes préfèrent s'asseoir là où il y a déjà des personnes.

du colloque international Grenoble septembre 2008,

13. WHITE William, The social life of small urban places , p.

éditions à la croisée, 2011. p. 39

44 : "Relative warmth is important too. one of the peak

11. HALL Edward T., La dimension cachée, éditions du

sitting days is the first warm day in spring, even thought

seuil, 1971

the same temperature later would be felt too cool for

12. WHITE William, The social life of small urban places, p.

sitting. Similarly, the first warm day after a stretch of cool

18

or rainy days will be a peak day."

"During peak hours the number of people on a plaza will

14. GEHL Jan, Life between Buildings, the danish

vary considerably according to seasons and weather."

architectural presse, 1987 p. 27

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Ambiances et Architecture contemporaines 2011 Séminaire Master 2 Architecture et Cultures Sensibles de l’Environnement

Ci-dessus, un exemple de réversibilité sociale. La structure spatiale et le contexte "climatique" sont les mêmes, pourtant, la perception du lieu est différente. Dans un cas, l'espace est investi, vécu. Dans l'autre, l'environnement apparaît comme désert, abandonné ; le temps semble "arrêté". Selon les rythmes hebdomadaire et/ou journalier, on peut passer d'un état à l'autre fréquemment. La réversibilité sociale est donc la réversibilité d'un lieu où seules les activités humaines changent. Cependant les pratiques sont liées, comme vu précédemment, à de nombreux autres critères : ma culture et mon histoire personnelles, la société dans laquelle je me trouve, le contexte physique et sensible, le comportement des autres, etc.

• Irréversibilité ? Pour résumer, la réversibilité des ambiances peut être sur un cycle

court/long, directe/indirecte, qualifiée de spatiale, contextuelle ou sociale, contrôlée ou subie. Une question intrinsèque à ces réflexions serait l'existence d'ambiances irréversibles, c'est à dire celles pour lesquelles il est impossible de retrouver l'état immédiatement antérieur sans modifications importantes des conditions. Pour le physicien, tous les phénomènes sont irréversibles, et la réversibilité est un cas limite mathématique ou une idéalisation. En terme d'ambiances, on pourrait également prendre ce parti, en qualifiant chaque moment d'unique et en s'appuyant sur la donnée temporelle irréversible : on ne peut remonter le temps. Cependant, en conservant notre parti pris qui est de dire qu'on peut retrouver une atmosphère sensiblement identique à travers le temps, l'irréversibilité d'une ambiance se produirait alors en cas de changement irréversible d'un élément influant sur l'ambiance perçue : contexte spatial, sensible et/ou notre perception. La réversibilité de l'ambiance intervient également lorsqu'un certain nombre des éléments définissant l'ambiance sont modifiables (le contexte physique et sensible, le comportement des autres, mes ressentis, etc). Ainsi, lorsque ceux-ci ne sont pas "élastiques", la réversibilité n'est pas possible. Par exemple, un passage souterrain (métro) ne permet pas ces variations. Les conditions de réversibilité seraient donc d'avoir une certaine souplesse dans l'espace et/ou

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d'avoir deux ambiances quasi simultanément.

différenciées

de l'ambiance. La réversibilité des ambiances, devient alors comme l'espace, la lumière ou les textures, une matière du projet architectural.

• Conception architecturale La prise en compte d'une réversibilité éventuelle des ambiances, malgré l'aspect statique du bâti peut avoir des implications intéressantes sur la conception du projet architectural. Concevoir avec une réversibilité contrôlée permettrait de proposer des ambiances différenciées pour un même lieu, de rendre un bâtiment polyvalent, de faire concorder activités et atmosphère ou de susciter chez l'usager un état particulier (de l'attention, de l'activité, de la paresse, du confinement, de l'isolement, etc.). C'est également intéressant pour déclencher de l'émotion et des ressentis chez l'usager. La réversibilité de l'ambiance est quelque chose de surprenant et devient ainsi une expérience spatiale. Il y a donc de nombreux potentiels et implications possibles en architecture. On pourrait orienter la réversibilité par le dessin que l'on donne à l'espace et/ou par des choix et dispositifs architecturaux. Par exemple la conception de limites perméables permettrait de passer, à travers de micromouvements, de l'ambiance d'un espace à celle de l'autre. Ou encore, l'intégration dans le projet d'éléments modulables intervenants sur le contexte sensible donnerait plus de libertés dans le contrôle

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Ambiances et Architecture contemporaines 2011 Séminaire Master 2 Architecture et Cultures Sensibles de l’Environnement

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CROS

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octobre 2007

SENETT Richard, La conscience de l'œil, Verdier Poche, 1990

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Hybrider l’université et la ville École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble | Juin 2012 | Léa PIERRON Master Architecture et Cultures Sensibles de l’Environnement

Que ce soit dans nos manières de travailler, de vivre, de se déplacer ou de se divertir, la société contemporaine évolue rapidement. Le cadre bâti, quant à lui connaît des changements très lents (1% de renouvellement chaque année) et inhibe la perception des mutations sociétales. Cette opposition temporelle invite donc à repenser la conception, la production

et la gestion des villes et des territoires, afin qu’ils accompagnent les modes de vie actuels. Aujourd’hui le campus universitaire soulève de nombreux débats. La densification du campus est préconisé afin de répondre et d’anticiper la demande universitaire. Cependant, ce site bénéficie de qualités

majeures comme la porosité spatiale ou la réversibilité de ses ambiances. Dans un contexte où l’espace devient un luxe, ne serait-il pas alors préférable de conserver et d’accessibiliser ces oasis urbaines au lieu de densifier et de privatiser le campus aux étudiants ?

L’hybridation de la ville et de l’université est le parti pris pour définir le projet de demain. « Hybrider » revient à croiser des éléments pour composer un ensemble. Les bâtiments du campus universitaire deviennent ainsi supports

Cela dépasse la simple mixité, par les liens établis entre chaque élément, par l’introduction de la notion d’espace public et par l’échelle du projet (de l’urbanisme à l’architecture). d’hybridation auxquels d’autres fonctions viennent s’ajouter.

Le projet se décline de l’échelle territoriale (intégration de fonctions différenciées) à celle de l’architecture (transformation

complexe hybride comportera de nouvelles fonctions qui touchent aux émotions et aux mouvements : une garderie, des d’un bâtiment universitaire en hybride).

Ce

salles de sport, des lieux d’expressions et de diffusions culturelles, des espaces d’échanges. Le territoire du campus devient alors accessible et désirable pour chaque individu.


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