Picsou-Soir n°5

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PI CSOU N°5

SOI R

AUTOMNE 2020

ENTRETIEN AVEC PATRICE CROCI ET OLIVIER FIQUET


SOMMAIRE 03. ACTUALITÉS

03. Donald n°2 : la suite de DoubleDuck Quelques changements chez Glénat 04. Un remake de La Pierre philosophale Le coin du professeur Ludwig von Drake 05. Les voyages fantastiques La couv' de Gaucelm

06. ANALYSES

06. L'argent n'a pas de couleur 09. Halloween à Donaldville 10. Entretien avec Olivier Fiquet et Patrice Croci 14. Picsou Magazine : 50 ans de couvertures

16. EXPRESSIONS

16. Gag : Le rhume de Popop 18. Gag : Accordé 20. Gag : Une précieuse leçon

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L'Édito

par Corey, rédacteur en chef Picsou-Soir n°5 sort juste à temps pour vous accompagner durant cette nouvelle période de confinement. Nous vous proposons pour ce numéro de l'automne 2020 un dossier entier dédié à un pan important de la bande dessinée Disney : l'illustration de couverture. Vous y retrouverez donc une interview de deux dessinateurs de couverture qui ont marqué la seconde génération des magazines Disney français – qui commence dans les années 1970 avec la naissance de Picsou Magazine –, à savoir Patrice Croci et Olivier Fiquet. Ces derniers sont par ailleurs représentés de manière canardisée sur la couverture de ce PicsouSoir. Vous pourrez également lire, sur le même thème, une analyse chronologique des couvertures de Picsou Magazine depuis sa création. Et dans nos pages Expressions, vous aurez la chance de découvrir un gag inédit, réalisé spécialement pour le magazine par un fan que nous remercions chaleureusement. Nous saluons de même notre partenaire principal, l'encyclopédie Picsou Wiki, qui vient de dépasser les 8 000 pages. Aussi, alors que l'on parle en ce moment beaucoup d'un certain Donald et d'un certain Joe au pays de nos canards favoris (mais ce ne sont a priori ni Donald Duck, ni Joe le barman), nous vous souhaitons une très agréable lecture en notre compagnie !

PICSOU-SOIR N°5 - AUTOMNE 2020 www.picsou-soir.com Rédacteur en chef Corey Couverture Gaucelm

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Ont collaboré à ce numéro Kylian Bourichet-Passier • Thomas Car • Alban Leloup • Mathias Lenarduzzzi • Loris Maiolino • Soupic • et un grand merci à Olivier Fiquet et Patrice Croci !

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ENVIE DE PARTICIPER AU PROJET ? CONTACT@PICSOU-SOIR.COM

Contact E-mail : contact@picsou-soir.com Les images Disney sont © Walt Disney Company, Picsou-Soir n'y est pas affilié. Toute reproduction, totale ou partielle, du contenu du numéro est interdite. Version numérique. En collaboration avec Picsou Wiki


COMPTE-RENDU

DONALD N°2 : LA SUITE DE DOUBLEDUCK

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aru en kiosque le 14 octobre, ce second recueil des aventures de DoubleDuck reprend les histoires les plus marquantes de notre agent secret préféré, toujours par les maîtres italiens.

Pour les lecteurs assidus de Super Picsou Géant, ce n°2 du Donald spécial DoubleDuck ne sera pas une surprise. Les aventures les plus notables du canard inspirées par James Bond se retrouvent ici : on visite l’Europe fantasmée de Souvenir de Paris et de Secrets à la Mostra, on se prend à rêver face aux îles paradisiaques de L’île de Hong, et c’est avec plaisir qu’on redécouvre la première mission de l’agent DD dans Mission : les trois jours du canard. Tous les ingrédients du genre sont réunis : des décors exotiques représentés par le trait simple et coloré de l’école italienne, des gadgets sophistiqués, des femmes fatales et une bonne dose d’humour – la double vie de Donald qui doit constam-

ment mentir à Daisy est franchement drôle. Rajoutons que le magazine de bonne qualité, avec une magnifique couverture en relief. Ce hors-série pourrait donc sembler sans défaut. Mais voilà : à vouloir trop parodier un genre, on tombe parfois dans ses travers. Toutes les histoires du canard agent secret contiennent au moins un traître, un agent double, qui se révèle systématiquement un agent triple, voire un agent quadruple. Si l’on ajoute à ça que Donald passe la moitié de son temps avec un pistolet braqué sur la tête et qu’il s’en sort toujours miraculeusement, on tombe parfois dans le cliché un peu éculé, et on a du mal à s’investir émotionnellement dans les multiples retournements de situation qui parsèment l’intrigue. En résumé, pour les connaisseurs de DoubleDuck, ce nouveau bestof ne vous apportera pas grandchose, si ce n’est un joli objet à

ranger dans votre bibliothèque. Mais si vous êtes complètement novices en matière de canard agent double, ou que vous êtes un fan acharné de la série, ce Donald spécial DoubleDuck n°2 peut vous plaire, surtout qu’il allie un grand volume (plus de 330 pages) avec un prix à moins de 7 €. Mathias Lenarduzzi

EN LIBRAIRIE

QUELQUES CHANGEMENTS CHEZ GLÉNAT

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ux côtés de leurs sorties habituelles (Fantomiald, intégrales de Romano Scarpa et Floyd Gottfredson), les éditions Glénat ont récemment fait rentrer quelques nouveautés dans leur catalogue.

En effet, depuis plusieurs mois, elles proposent une nouvelle offre qui semble fortement inspirée de celle de Fantagraphics – éditeur américain chez qui on retrouve notamment la très belle Carl Barks Library qui est globalement considérée comme la meilleure intégrale Barks du moment. Ainsi, Glénat va publier en novembre

2020 un recueil de trois histoires de l'Italien Luciano Bottaro, dont Picsou et la fusée de la fortune (1960). L'album semble être une traduction directe du tome 2 de la collection Disney Masters de chez Fantagraphics, comme le laisse à penser la couverture quasi-identique. De plus, a été lancé en juin dernier une réédition de la Dynastie Donald Duck sous forme de coffrets. Chaque tome impair va ainsi être vendu accompagné d'un coffret pour deux volumes, et l'idée est d'acheter séparément les tomes pairs qui trouveront ensuite leur place dans les coffrets. L'utilité de cette réédition reste donc toute relative, puisque

contrairement aux coffrets proposés chez Fantagraphics, cela revient finalement plus cher au client. Thomas Car

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COMPTE-RENDU

UN REMAKE DE LA PIERRE PHILOSOPHALE

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e 26 août dernier est paru chez Hachette Jeunesse un petit roman intitulé Les Aventures de Picsou : La Pierre Philosophale. À l’écriture, on retrouve Rodolphe Massé, collaborateur régulier du Journal de Mickey, et au pinceau, l’illustrateur napolitain Fabrizio Petrossi. Dans ce roman, Picsou part avec ses neveux à la recherche de la célèbre pierre philosophale, capable de transmuter les métaux vils en or. Mais ils ne sont visiblement pas les seuls à traquer l’artefact : qui est donc ce drôle de petit barbu qui les suit partout ?

pourront en effet s’amuser à dénicher des scènes et gags ajoutés, des clins d’œil, et parfois, des changements demandés par Disney en raison du jeune âge du public cible. En outre, les collectionneurs apprécieront les superbes illustrations de Petrossi, qui a manifestement pris beaucoup de plaisir à réinterpréter une histoire mythique. Entre nous, ce roman n’est pas censé être un unicum, mais bien le premier d’une série ! « Un deuxième tome est déjà prêt » m’a confié Rodolphe Massé,

Toutefois, les fans chevronnés y trouveront aussi leur compte ! Ils

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Pour conclure : si vous voulez enrichir votre expérience d’un classique barksien, La Pierre Philosophale est fait pour vous. Et ne vous fiez pas à l’indication « 7 ans et plus » : ça prend beaucoup moins de temps à lire ! Alban Leloup

Le coin du professeur Ludwig von Drake « Bonjour professeur, pouvezvous me dire combien de voitures différentes Donald a-t il eu dans ses aventures ? Et est-ce qu'il s'agit toujours de la même ? » Fred G.

Cette histoire, vous la connaissez déjà : c’est celle de La fabuleuse pierre philosophale, un classique de Carl Barks qui a été publié une douzaine de fois en français depuis 1957. Mais alors, quelle est la raison d’être de cette adaptation ? C’est très simple : le roman s’adresse en priorité aux enfants qui n’ont pas encore été en contact avec les récits de Barks et leurs rééditions.

« mais la crise du Covid-19 ayant porté un sale coup au monde de l’édition, la suite de la collection ne sera envisageable que si le premier tome casse la baraque ! ». Lecteurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

Lieber Fred, merci pour ta question ! La première voiture de Donald, immatriculée 113, était un vieux tacot qu’il finit par revendre en février 1938, ainsi que le montre un strip d’Al Taliaferro. C’est en juillet de la même année, toujours selon Taliaferro, que mon neveu fit l’acquisition de sa fameuse 313, dont l’immatriculation ne fut confirmée que deux ans plus tard. Je ne me hasarderai pas à t’en décrire l’origine, parce que tout le monde n’est pas d’accord. S'agit-il d'une Belchfire Runabout de 1934, d'une Duckatti, d'une Penault, ou d'une Couacmobile B-52 ? S’agit-il d’un modèle de série, ou d’une pièce unique autoconstruite ?

J’ai bien essayé de soutirer l’information à Donald, mais il s’est contenté de hausser les épaules en disant : « Peuh ! Il n’y en a pas deux des comme elle ! » Ça, c’est sûr. Et heureusement, d’ailleurs. En tout cas, il l’a gardée depuis lors, même s’il a conduit parfois d’autres véhicules qui n’ont pas fait long feu, comme sa 3113, qui n’a connu qu’un voyage, ou encore son extravagante limousine achetée après avoir sauvé la licorne mourante de Picsou. Sache que Donald possède aussi une camionnette immatriculée 313B. Il se murmure également que mon collègue Géo Trouvetou aurait bidouillé la 313 pour qu'elle devienne la « 313-X », truffée de gadgets, pour Fantomiald. Mais surtout ne le répète à personne : son identité est absolument streng geheim !

L. von Drake

Vous aussi, envoyez-nous par e-mail vos questions au professeur von Drake, spécialiste des mystères non résolus en matière de canards.


COMPTE-RENDU

LES VOYAGES FANTASTIQUES

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n ces temps de (re) confinement, le horssérie collector n°15 de Mickey Parade Géant embarque le lecteur dans des voyages fabuleux, réinterprétant des classiques de la littérature et du cinéma à la sauce Disney. Le sommaire débute avec Moby Dick (2013), une histoire déjà parue en version cartonnée chez Glénat en 2019 et qui a les honneurs de la très belle couverture de ce numéro. Réalisé par le tandem Francesco Artibani (scénario) et Paolo Mottura (dessin), il s’agit d’une transposition du roman originel d’Herman Melville avec Donald en Ismaël et Picsou en Capitaine Achab. Totalement focalisé sur l’action, les auteurs ne laissent aucun répit à leurs personnages, en quête d’un trésor avalé par un immense cachalot. La mise en scène dynamique et le style très fluide du dessinateur interpelleront certains, mais ils forcent l’admiration par le soin apporté aux détails, aux hachures maîtrisées et à une utilisation remarquable de la couleur.

Ce duo d’auteurs réitère un peu plus loin avec Mickropolis (2017), transposition du film Metropolis de Fritz Lang, parfois à la vignette près (à l’image de sa scène d’ouverture). Le scénario est trépidant, bien construit, intelligent dans sa narration, ses dialogues et la psychologie des personnages. On en oublie qu’il s’agit d’une parodie Disney tant les auteurs ont réussi à s’approprier le monde de Mickey en y appliquant une approche très sombre. Le dessin, toujours aussi réussi, est cette fois plus expressionniste et cubique à l’image du film dont il s’inspire. C’est ensuite au tour de Sir Arthur Conan Doyle de faire l’objet d’une adaptation d’un de ses romans avec Picsou : le monde perdu (1995). Le scénario de François Corteggiani fait preuve de beaucoup d’humour (notamment avec Popop) et adopte un ton très léger, plaçant le roman d’origine en toile de fond afin de faire évoluer Picsou et Donald dans un monde oublié à la recherche de créatures préhistoriques. Le tout est servi par le dessin cartoon et dynamique de Gorgio Cavazzano dont le style datant des années 1990 n’a pas pris une ride. Ce hors-série est aussi l’opportunité de découvrir pour la première fois deux bandes italiennes des années 1980 encore jamais publiées en France. Tout d’abord avec Daisy et le merveilleux pays d’Oiz (1987), qui s’inspire d’une manière fort lointaine du roman Le magicien d’Oz de Lyman Frank Baum. Nul route pavée de briques jaunes, ni de bûcheron en fer blanc, mais uniquement Picsou et ses acolytes catapultés dans une dimension parallèle par la volonté de Miss Tick et de Flairsou. Le scénariste Sauro Pennacchioli signe

LA COUV' DE GAUCELM Gaucelm (aussi connu sous le nom d'« Orora ») a découvert les BD Disney dans son enfance, à la fin des années 1980. Abonné au Journal de Mickey dès le début des années 1990 (avec un Mickey Parade par-ci et un Picsou Magazine par là), elles ont été son influence graphique majeure avec la BD franco-belge classique. Orora commence à dessiner à cette période, ses dessinateurs préférés incluent Patrice Croci, Claude Marin, Maximino Tortajada Aguilar, Massimo De Vita... Il a une multitude de projets en tête, et notamment quelques BD de l'univers Disney, dont Sceptre Vert : L'Héritage de l'Epée de Glace et Mickey et la Rue 199. une histoire aux personnages assez creux mais à l’intrigue intéressante, soutenue par le dessin d’Alberico Motta, tout en rondeur et plutôt expressif. Enfin, avec Les voyages de Donalliver (1984), le scénariste Osvaldo Pavese place Donald dans la peau du Gulliver de Jonathan Swift en s’inspirant de ses deux voyages à Lilliput et à Brobdingnag. Malgré une histoire un peu redondante, la richesse des situations comiques et le joli dessin de Guido Scala (grand adepte des parodies Disney) font de cet inédit une agréable surprise. Accompagné de deux pages de gags fourre-tout et de quatre belles couvertures pleine page illustrant trois des cinq histoires présentées, ce numéro très rafraîchissant ravira aussi bien les jeunes lecteurs que les plus nostalgiques, grâce à son sommaire varié et de qualité. Loris Maiolino

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PRISE DE BEC

L'ARGENT N'A PAS DE COULEUR

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i on vous demande de répondre sans réfléchir à la question « De quelle couleur sont les pièces dans le coffre de Picsou ? », il y a de fortes chances que vous répondiez « jaunes » ou « dorées ». En vous entendant, les puristes et autres gardiens du temple tiqueront immédiatement. Mais peut-on vraiment vous donner tort ? On sait depuis l’empereur Vespasien et ses latrines payantes que l’argent n’a pas d’odeur, mais qu'en est-il de la couleur ? Pour les fans français (et belges ! ), l'argent de l'Oncle Picsou a toujours eu un bel éclat doré. En effet, c'était déjà le cas dans la première apparition en français du célèbre coffre, et c'est toujours vrai dans le Picsou Magazine actuel. C'est même le cas dans les très belles intégrales Carl Barks et Don Rosa publiées par les éditions Glénat depuis 2010. Cette règle a évidemment connu des exceptions, mais elles se comptent presque sur les doigts de la main ! Cette tendance se retrouve également dans les publications italiennes, allemandes, brésiliennes, et bien d'autres encore. De même,

les liquidités de Picsou ont toujours été dorées en animation, que ce soit dans les deux itérations de La Bande à Picsou (1987 et 2017), ou dans les plus obscurs Picsou banquier (1967) et Footmania pour Dingo (1987). Pourtant, ceux d'entre vous qui ont déjà plongé le nez dans des publications étasuniennes auront remarqué que le contenu du coffre y est toujours représenté comme uniformément argenté. Alors, qui a raison et qui a tort ? La théorie de Don Rosa Keno Don Rosa, le scénariste et dessinateur du Kentucky que beaucoup considèrent comme le continuateur de Carl Barks, a une opinion très tranchée sur la question. D'après lui, colorier les pièces du coffre en jaune gâcherait un gag visuel subtil mis au point par Barks. En effet, le coffre ne contiendrait que de la petite monnaie de faible valeur, ce qui viendrait renforcer l'aura de pingrerie qui émane de notre canard favori ! Or, il se trouve que les dénominations étasuniennes les plus courantes, celles de cinq, dix, vingt-cinq et cinquante centimes de dollar, sont composées essentiellement de cuivre, avec un

Aux États-Unis, la plupart des pièces sont argentées.

pourcentage variable de nickel qui leur donne une teinte argentée. (Celles d'un centime, quant à elles, sont tout à fait brunes, car composées de cuivre et de zinc.) Puisque la mitraille du coffre est américaine, affirme Rosa, il est donc normal qu'elle soit principalement coloriée en gris. Pour lui, les publications internationales commettent donc une erreur, une erreur d'autant plus inacceptable à ses yeux qu'il a souvent cherché – en vain – à convaincre les éditeurs de la rectifier. Certains fans, dit-il, lui ont même vertement reproché de chercher à imposer son « interprétation personnelle » au détriment de la leur.

Dès la première case de Juste un pauvre vieil homme pauvre, Picsou prend son bain quotidien dans un océan de pièces... argentées ou dorées selon les versions ! À gauche, l'histoire américaine, à droite celle publiée en France.

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Pour les curieux, notons tout de même que la monnaie américaine a bel et bien frappé un certain nombre de pièces en or au fil de son histoire. Les plus anciennes sont l'eagle (10 $) et ses subdivisions, le half eagle (5 $) et le quarter eagle (2,50 $), toutes émises pour la première fois en 1875. Il en a également existé de 3 $ (l'Indian Princess) et 4 $ (la Stella). Mais la pièce d'or de la plus faible dénomination fut un dollar en or massif de 21,6 carats. Elle était très belle, mais aussi très petite (seulement 13 millimètres de diamètre ! ), et donc facile à perdre. Quand on sait qu'un dollar représentait à l'époque le salaire d'une journée pour l'Américain moyen, égarer une telle pièce représentait une grosse perte… Quoi qu'il en soit, ces minuscules dollars d'or ne furent frappés qu'entre 1849 et 1889. Picsou n'est né qu'en 1867, et n'a commencé à gagner d'argent américain en grande quantité que vers 1896, dans le Klondike. Il est donc très peu probable que sa « collection » puisse être majoritairement constituée de ces dollars d'or, qui de toute manière n'ont jamais aussi massivement circulé que les pièces en cuivre et en nickel plus ordinaires. Le cas des peintures de Barks Malgré tout, l'autre « camp » n'en démord pas : si Carl Barks avait vraiment voulu que les pièces de « son » coffre soient argentées, pourquoi les représentait-il dorées dans ses célèbres peintures à l'huile et lithographies ? Et c'est vrai, quand on se penche sur ces œuvres, qu'elles sont dominées par un jaune éclatant… Mais là encore, Don Rosa a de quoi répli-

Alors que les pièces sont grises dans l'histoire originale, Carl Barks les fait dorées dans son tableau Dam Disaster at Money Lake (1986).

quer : si les pièces sont en or dans les peintures de Barks, c'est uniquement pour les rendre plus visuellement attractives. En effet, la plupart des acheteurs de ces tableaux étaient des investisseurs en objets de collection, qui connaissaient mal les comics originaux ; l'esthétique primait donc sur l'exactitude. Don Rosa en veut pour preuve la genèse de son histoire Retour à Sétatroce, telle qu'il l'a expliquée sur le forum de fans italien Papersera : « On m'a dit que des acheteurs se sont plaints à propos d'un tableau, Disaster at Money Lake, qui représente une scène où un barrage se fracture, parce qu'ils n'en comprenaient pas le sens ; c'est parce qu'ils n'avaient jamais lu Juste un pauvre vieil homme pauvre. Et c'est pour ça qu'Another Rainbow [éditeur qui avait publié depuis 1983 des œuvres de Barks] m'a demandé d'écrire et

illustrer Retour à Sétatroce, pour l'offrir aux acheteurs de la lithographie [celle intitulée Return to Plain Awful], parce que ces Américains ne comprenaient pas pourquoi il y avait une poule carrée dessus, n'ayant jamais lu Perdus dans les Andes ! Mon récit devait leur expliquer l'histoire de Sétatroce. On ne pouvait pas simplement leur envoyer des réimpressions de Perdus dans les Andes, puisque Picsou apparaît sur le tableau, mais pas dans l'histoire. »

À cette explication, nous ajouterons également que les peintures de Barks datent toutes d'après son départ à la retraite en 1966, et de ce fait n'ont pas de réelle portée « canonique » sur le contenu ou même le style de ses histoires. Ce serait donc pour rendre ses tableaux plus séduisants aux yeux des acheteurs que Barks y a fait le choix du jaune. Cette couleur est en effet plus chaude, plus

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agréable à l'œil que le gris. On peut du reste supposer que c'est le même souci esthétique qui explique la présence de ces pièces dans les films et séries animées mettant en scène Picsou. Notons également que la pièce dorée est un raccourci fréquent dans l'animation, au même titre qu'un os « standard » est toujours un fémur, qu'un fromage est toujours jaune et avec des trous, qu'une bombe est toujours une sphère noire d'où dépasse une mèche et qu'un billet de banque est toujours vert. À cette opinion bien développée de l'artiste du Kentucky, il faut également ajouter que Barks a abondamment exprimé (notamment en entretien avec David Gerstein) son approbation pour le travail de la coloriste Susan Daigle-Leach, qui a toujours représenté le contenu du dépôt en gris. Même si Barks n'a pas évoqué directement la question des pièces – du moins à notre connaissance –, sa validation générale des choix de Daigle-Leach plaide en faveur de la teinte argentée. Notons enfin qu'un des fameux one-pagers de Barks (La bonne pâte, 1952) met en scène un colporteur qui essaie de vendre à Picsou un produit lustrant, et propose d'en démontrer l'efficacité sur « des pièces argentées ». Bien sûr, Picsou lui ouvre la porte

de son coffre, révélant au pauvre homme la montagne de monnaie qu'il vient de s'engager à nettoyer… Il va sans dire que le gag ne peut pas fonctionner si les pièces sont dorées. Conclusion ? A priori, l'argumentaire de Don Rosa tient parfaitement la Extrait du dessin animé Picsou banquier. route. Nous aimerions toutefois émettre une réserve un peu sur les nerfs ce jour-là – importante : peut-on réellement m'a accueilli debout à côté d'un affirmer sans hésitation que toute canon chargé de gros sel, prêt à la monnaie contenue dans le en allumer la mèche. Autant vous coffre est étasunienne ? Après dire que son argent, je n'en ai pas tout, Picsou a engrangé (et en- vu la couleur… Alban Leloup grange encore ! ) des devises aux quatre coins du globe. À ce compte-là, le contenu du coffre ne Références devrait-il pas être hétéroclite et – Francisco ANGONES, Matt YOUNGbariolé ? À moins bien sûr qu'il ne BERG (créat.), La Bande à Picsou, les fasse toutes changer en dol- 2017. lars avant de les benner dans le – Carl BARKS, La bonne pâte, 1952 coffre… Finalement, la question (W OS 386-01). reste ouverte, et la guéguerre – Keno DON ROSA, interventions sur entre les partisans du gris et les le forum Papersera.net. défenseurs du jaune n'est pas – Brad LANDRETH, Jymn MAGON (créat.), La Bande à Picsou, 1987. près de s'arrêter. – Hamilton LUSKE (réal.), Picsou Pour en avoir le cœur net, je me banquier, 1967. suis rendu au sommet de la – Matthew O'CALLAGHAN (réal.), colline Killmotor et me suis pré- Footmania pour Dingo, 1987. senté au coffre. Malheureuse- – PROFESSIONAL COIN GRADING SERVICE ment, M. Picsou – qui devait être (PCGS), www.pgcs.com.

Dans le gag La bonne pâte, il est particulièrement important que les pièces soient argentées afin de tester un produit qui fait briller l'argent... cela n'a pourtant pas empêché les magazines européens de les faire dorées !

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CAN-ART

HALLOWEEN À DONALDVILLE

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ans les pays anglosaxons, chaque 31 octobre, les enfants endossent des costumes effrayants pour fêter Halloween. Cette fête tiendrait son origine en Grande-Bretagne, et aurait été ramenée au XIXe siècle aux ÉtatsUnis par les nombreux immigrés irlandais dûs à la Grande Famine. Le célèbre Jack O’Lantern qui orne les citrouilles est apparu en Amérique, remplaçant ainsi les navets qui étaient utilisés en Europe, la citrouille étant un légume plus local. Depuis, cette fête est devenue très populaire aux États-Unis, et Barks l’a bien évidemment traitée dans son œuvre. On peut citer la célèbre histoire Bobos ou bonbons ? (1952), mettant en scène la sorcière Carabosse – « Hazel » en version originale –, apparue dans le court-métrage Donald et la sorcière de 1952, dont Bobos ou bonbons ? constitue une adaptation en bande dessinée. Et de cette histoire, Barks en réalisa deux tableaux. Le premier de ces tableaux est Halloween in Duckburg (CB OIL 70) de 1973. On y voit Donald sur le palier de sa porte et découvrant Carabosse, sur son balai Belzébuth, qui le pointe du doigt et lui réclame des bonbons pour Riri, Fifi et Loulou, bonbons qu’il refusait de leur donner dans l’histoire originale (une avarice héritée, peut-être, de son oncle Picsou ?). Ses trois neveux sont ici présents et portent les mêmes tenues que dans Bobos ou bonbons ? : ils sont en effet déguisés en fantôme, en sorcier et en diablotin. Mais ils ne sont pas seuls, de nombreux monstres conçus par Carabosse les entourent : un dragon, un squelette ranimé à la vie et portant d’éton-

nants talons roses (serait-ce un squelette féminin ?), quelques citrouilles volantes et d’autres êtres fantastiques presque indéfinissable, si ce n’est leur cruauté qui est plus que visible. Pourtant, face à cette scène étonnante, Donald paraît serein. Il n’est nullement surpris en découvrant ce spectacle auquel il s’était sûrement préparé. On ne peut que regretter cependant l’absence du monstre Smorgasbord, un ogre-cyclope aux bras multiples créé par la sorcière dans l’histoire originale grâce à une potion dont elle seule connaît le secret ; ce monstre possédait tout de même, malgré son horrible apparence, un sens de l’élégance puisqu’il aimait porter un chapeau melon sur l’une de ses cornes. Smorgasbord était en réalité une création de Barks (il n’était pas issu du court-métrage) et les pages où il apparaissait furent à l’origine censurées par l’éditeur, qui ne voulait pas s'éloigner du dessin animé. Le second tableau, Trick or Treat (CB OIL 74), reprend la même structure que le premier, remet-

tant en scène Carabosse pointant du doigt Donald sous les yeux amusés de ses trois neveux. Ils sont entourés d’autres êtres maléfiques mais assez différents et bien moins effrayants : on relève un fantôme, quelques chauvesouris et un chat noir. On remarque la présence étrange de Pluto, déguisé lui aussi en diablotin, chose d’autant plus étonnante qu’il n’apparaît pas dans l’histoire originale. Ce sont deux belles œuvres que nous présente donc ici Carl Barks, avec des différences bien qu’elles soient adaptées de la même histoire. Mais dans les deux cas, Donald reste d’un calme impressionnant, comme il a pu l’être dans l’histoire originale, peu étonné de voir de telles créatures réunies sur son seuil. Le canard a vécu tant d’aventures à travers le monde, et ces aventures lui ont fait découvrir tant de choses qu’on ne pourrait imaginer, que, pour lui, cette Halloween n’est pas plus étrange que n’importe quel autre. Soupic

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DES CANARDS ET DES HOMMES

DOUBLE ENTRETIEN AVEC OLIVIER FIQUET ET PATRICE CROCI Avec François Pasquet (que nous avons essayé de contacter, en vain), Patrice Croci a formé un duo emblématique d'illustrateurs Disney français. Olivier Fiquet est, lui, resté moins de temps chez Disney mais a aussi eu son importance. Témoins d'une époque où les couvertures de Picsou Magazine ou Mickey Parade étaient encore originales, ils ont accepté de répondre à Picsou-Soir.

———— PATRICE CROCI ————

P

atrice Croci a travaillé pendant plusieurs dizaines d'années pour les magazines Disney français, et a ainsi réalisé de nombreuses couvertures cultes, dont la plupart de celles de la période « années 80 » de Picsou Magazine.

zano. Mais il y en a encore beaucoup d’autres. J’oubliais, Floyd Gottfredson qui a dessiné dans les années 1930, ce qui est pour moi la meilleure période de Mickey, d’innombrables histoires que l’on peut retrouver aujourd’hui en albums dans leurs versions intégrales.

Comment avez-vous découvert l'univers Disney ? J’ai découvert Disney quand j’avais 12 ans, avec le Journal de Mickey. Mais ce qui me passionnait surtout, c’était les films d’animations qu’il faisait. À l’époque, il y avait cette fameuse émission L’ami public numéro un, animée par Pierre Tchernia et qui était entièrement consacrée à Walt Disney. Et à ce moment là, mon rêve, c’était de devenir animateur.

Avez-vous une ou des histoires favorite(s) ? Je ne peux pas dire que la BD Disney me passionnait. De temps en temps, je lisais les histoires que dessinait Claude Marin car j’adorais son dessin.

Pierre Tchernia.

Avez-vous une préférence pour des dessinateurs Disney ? Aux États-Unis : Ward Kimball. En France : René Guillaume, ensuite l’excellent Claude Marin, Patrick Cohen [malheureusement décédé le 22 août dernier]. Et en Italie : le virtuose du dessin Giorgo Cavaz-

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Quelles ont été vos influences, comment avez-vous acquis votre talent de dessinateur ? Disney, Hergé, Uderzo, Morris, et Franquin (le meilleur pour moi). Je n’étais pas très doué, alors je travaillais mon dessin la nuit en faisant des petits boulots dans la journée. Comment êtes-vous entré chez Disney ? Ça a été difficile pour moi de rentrer dans le métier, à 28 ans [en 1980]. J’ai commencé par travailler à Pif Gadget pendant à peu près un an, ensuite j’ai travaillé aux éditions Fleurus pour Fripounet et en même temps au Journal de Mickey comme dessinateur de jeux et de titres de BD illustrés, et j’étais employé à la pige. J’avais un dessin très rond qui correspon-

dait tout à fait au style Disney. Dans le studio, il y avait 6 dessinateurs, le jour où l’un d’eux – Roger Beaubernard – est parti à la retraite, je l’ai remplacé. Voilà comment je suis arrivé chez Disney. Vous avez collaboré avec un certain nombre de dessinateurs. Y a-t-il des collaborations que vous avez préférées ? J’ai beaucoup aimé travailler avec René Guillaume qui était le chef du studio. J’adorais son dessin et surtout sa façon de travailler la gouache. C’était un très bon peintre, les posters Disney qu’il a réalisés sont magnifiques. Quant à François [Pasquet], il était excellent dans les caricatures et dans la création de maquettes, bateaux, avions, etc. Avez-vous travaillé ailleurs que pour des magazines Disney ? Oui, j’ai fait beaucoup de dessins et de jeux pour Pif, et deux histoires de Pif et Hercule de 60 pages pour Pif Parade. Pour FleuExtrait d'une histoire dessinée par Patrice Croci et parue dans Pif.


Les principaux membres du studio dessin des magazines Disney dans les années 1980. De gauche à droite : Patrice Croci, Maria Dalla Pozza, René Guillaume, Victor Lagoutte et François Pasquet.

rus, je dessinais des jeux, et de temps en temps aussi des posters et des couvertures.

jamais proposé, mais j’ai dessiné beaucoup d’illustrations pour les différents journaux Disney.

Avez-vous aussi travaillé sur des histoires ? Et réalisiez-vous les illustrations à l'intérieur du magazine ? Des histoires, non, on ne me l’a

Avez-vous vu une évolution dans la manière de travailler chez Disney, dans les choix éditoriaux ? Oui, dans les années 1980, on a

Qu'il soit en Michael Jackson, en Columbo ou en James Bond, Donald endosse des costumes célèbres sous le crayon de Patrice Croci.

cherché à moderniser les personnages Disney, et c’est une période qui m’a bien plu. Maintenant, je suis passé à autre chose. Quand et comment avez-vous arrêté votre travail Disney ? En décembre 2010, je suis parti à la retraite. Gardez-vous un bon souvenir de votre travail chez Disney ? Absolument, mais ma période préférée est celle où je travaillais la gouache, les encres et l’aéro'. Pour les couvertures de Picsou Magazine, vous aviez la particularité de dessiner Donald sans son habituelle vareuse et avec une apparence moderne. C’était la ligne éditoriale et je me suis parfaitement adapté, il m’arrivait même parfois d’aller trop loin. Et ça me plaisait beaucoup.

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Malheureusement, quand Disney a débarqué en France et que le projet du Parc Disneyland a été finalisé, entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, les choses ont changé : un studio a été créé pour contrôler l'utilisation des graphismes des personnages dans les magazines, et pendant quelques années, ça a été moins marrant...

là, il fallait proposer plusieurs idées. Pour la recherche comme pour le dessin, François Pasquet était aussi de la partie. À l’époque de la gouache, je dessinais et pei-

Quel personnage préfériezvous dessiner ? Y en a-t-il des plus difficiles que d'autres ? Mon préféré c’était Donald. Mickey est beaucoup plus difficile, sauf bien sûr pour le grand artiste qu’était Claude Marin.

Combien de couvertures avezvous réalisées, d'après vous ? Et y a-t-il une couverture en particulier qui vous a marquée ? Pour les couvertures, je vous laisse faire le compte [INDUCKS en recense environ 840, NDLR ]. Dans les plus originales, je me souviens d’avoir fait une couverture de Dingo uniquement avec des objets de recyclage, un Mickey avec des légumes façon Arcimboldo, et un Mickey Schtroumpf.

Et que faites-vous aujourd'hui ? Aujourd’hui, je continue à Deux couvertures qui ont marqué Patrice dessiner sous le pseudoCroci (Journal de Mickey n°2020 et n°2963). nyme de « Stoll ». Mais mes dessins sont plutôt poliComment se créait une couve- gnais sur du grand format et tiques, je suis vraiment passé à ture pour Disney ? quand une couverture me plaisait, autre chose. Un thème pour le numéro de la j’y passais beaucoup de temps, Propos recueillis par Corey semaine était choisi, et à partir de trop peut-être...

———— OLIVIER FIQUET ————

O

livier Fiquet a réalisé plusieurs dizaines de couvertures dans les années 1990, et en particulier la plupart des Mickey Parade de la « période métallique ». Comment avez-vous découvert l'univers Disney ? À dire vrai, ma découverte de l'univers Disney s'est faite assez tardivement, lorsque j'ai commencé à travailler pour DisneyHachette. Puisque lorsque j'étais enfant, à la maison c'était Pif Gadget que mes parents m'achetaient, et que pour moi, Disney c'était les dessins animés de Noël que nous allions voir au cinéma. Avez-vous une préférence pour des dessinateurs Disney ? Arthur Floyd Gottfredson pour la vieille école, le dynamisme de

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Giorgio Cavazzano et bien évidement l'élégance toute française de l'immense Claude Marin. Comment et quand avez-vous commencé à travailler pour Disney ? J'ai commencé chez Disney en 1991, en parallèle avec mon travail chez Pif Gadget, ce qui était fréquent à l'époque. Quand avez-vous arrêté ? Si mes souvenirs sont bons, fin 1995. Êtes-vous toujours proche de l'univers Disney, continuezvous à lire des BD Disney ? Non, plus du tout. En fait, je me suis éloigné de la BD en 2008, et pour être honnête, je n'achète plus que très rarement des bandes dessinées. Le plus sou-

Olivier Fiquet en 2010.

vent, c'est pour ré-acheter certains des vieux albums de ma collection qui ont trop vécu. Cependant, je garde un regard lointain sur ce qui est produit et concernant Disney, j'ai beaucoup


Quel(s) personnage(s) préfériez-vous dessiner ? Y a-t-il des personnages plus difficiles que d'autres ? Si je m'en tiens au côté plaisir : Mickey. Il est difficile à réussir, mais les canards sont beaucoup plus redoutables.

Quelques couvertures d'Olivier Fiquet de la période métallique de Mickey Parade : la couverture était alors imprimée sur un papier doré brillant.

aimé le Mickey de Loisel [Café Zombo, Glénat, 2016, NDLR]. Gardez-vous un bon souvenir de votre travail chez Disney ? Excellent ! Avez-vous collaboré avec d'autres auteurs ou collègues ? Y at-il une collaboration que vous avez préférée ? Oui, bien sûr, j'ai eu la chance de croiser pas mal de monde, et il serait difficile d'en faire une liste et d'avoir une préférence. Avez-vous travaillé ailleurs que pour des magazines Disney ? Pour la presse jeunesse, j'ai travaillé pour Fripounet aux éditions Fleurus pendant 3 ans, puis Pif Gadget 4 ans, avant d'atterrir chez Disney. Je me suis ensuite orienté vers l'animation en raison d'une certaine lassitude. Et enfin, un retour dans la presse en 2004 pour la dernière relance du journal Pif Gadget, et j'ai finalement quitté le milieu de la BD en 2008 à la fermeture du journal. Comment se déroulait la création d'une couverture Disney ? À l'époque, il y avait encore à la rédaction une petite équipe création très réduite dont François Pasquet assurait la direction ar-

tistique. Il savait généralement de façon très précise ce qu'il voulait pour les couvertures, et en général me fournissait un premier rough, parfois très précis, qui me servait de base de départ pour travailler. Après, libre à moi d'ajouter mes idées ou pas. Je communiquais donc mon crayonné en retour qui ensuite devait être validé (et parfois corrigé) par le « Disney consumer product » avant de passer à l'étape de mise en couleur. L'idée vous venaitelle rapidement, essayiez-vous de nombreux dessins avant de trouver le bon ? De nombreux dessins, non jamais. En fait, je suis un gros chat et donc un peu fainéant... Plus sérieusement, je ne fais que rarement plusieurs croquis et je ne commence à dessiner que lorsque j'ai exactement en tête le visuel de ce que je veux réaliser. Je passe beaucoup plus de temps à réfléchir qu'a dessiner, cela me permet de ne pas m'égarer dans des détails inutiles et de ne pas perdre du temps pour finalement revenir à la première idée.

Combien de couvertures et d'histoires avez-vous réalisées, d'après vous ? Concernant les couvertures entre 50 et 60 je crois, des jeux, une douzaine d'énigmes et un récit long avec François Corteggiani. Y a-t-il une couverture qui vous a marquée ? Je me souviens en avoir bavé sur la couverture du Mickey Parade n°153 où j'avais passé un temps fou sur la transparence des lunettes de soleil de Donald. À l'époque, j'utilisais la gouache pour la couleur, aujourd'hui cela prendrai 10 minutes en utilisant le numérique. Mais celle dont je suis le plus fier est celle du Journal de Mickey n°2082 : je dessinais pour la première fois la couverture du magazine. Que faites-vous aujourd'hui ? Des illustrations pour des jeux de société, du storyboard pour l'animation, de la création de personnages pour jeux vidéo. Et pour le côté plaisir personnel, j'ai illustré dernièrement le premier tome d'une série de 4 nouvelles indiennes pour les enfants à paraître aux États-Unis, ainsi que le premier tome d'un comics pour les petits, toujours aux États-Unis. J'attaque le deuxième tome dans les jours à venir. Mon dernier lien avec la BD populaire, pour le fun. Propos recueillis par Corey

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HISTOIRE

PICSOU MAGAZINE : 50 ANS DE COUVERTURES (1972-2020)

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n presque cinquante années d'existence, Picsou Magazine a vu sa forme changer de nombreuses fois. Nous vous proposons donc une analyse chronologique des quelques 550 couvertures parues depuis 1972 dans le plus célèbre canard de France.

Les années 1970 : l'omniprésence de Picsou Assez logiquement, les premiers Picsou Magazine mettent en avant... Picsou ! La revue créée au printemps 1972 se distingue ainsi de son grand-frère le Journal de Mickey par la présence systématique du canard milliardaire en couverture, alors qu'il n'était apparu qu'une petite quarantaine de fois sur les plus de 1000 unes du Journal de Mickey parues jusqu'alors. Les couvertures de Picsou Magazine sont la plupart du temps dessinées par René Guillaume, et illustrent soit le cadeau offert dans le numéro, soit une des histoires principales. Il peut aussi s'agir simplement d'un dessin humoristique de Picsou sans lien avec le contenu du ma-

gazine. Le n°8 voit apparaître pour la première fois un autre personnage sur la couverture, mais Picsou est toujours présent pour bien rappeller au lecteur que c'est son magazine. Et il faut justement attendre le n°133 de mars 1983 pour que Picsou soit complètement absent de la première page. On note déjà quelques couvertures originales tout au long de cette première période : une mise en abyme pour le n°28, une pièce d'or géante pour le n°100, ou encore une carte à jouer en version canard pour le n°110. Picsou alterne entre apparence classique – redingote rouge et haut de forme noir – et déguisements en tous genres : scaphandrier, père Noël, sportif, charmeur de serpents, artiste peintre, cow-boy, indien... il lui arrive même d'être en pyjama ! On notera l'existence de deux numéros un peu à part : le n°173, qui montre pour la première fois Mickey en couverture – ce qui n'est d'ailleurs arrivé que deux fois dans toute l'histoire de Picsou Magazine ! – et le n°179, qui a la particularité de mettre en avant deux personnages issus de la série Basil, détective privé et non pas de l'univers des BD Disney classiques. On voit globalement le trait se moderniser et devenir plus rond à partir de 1985-1986, ce qui annonce un changement conséquent à venir. Les années 1980 : un vent de fraicheur Et la révolution arrive en effet avec le Picsou Magazine n°186 de juillet 1987 ! Celui-ci ouvre une nouvelle page de l'histoire de la revue en proposant une nouvelle formule plus dynamique et toute

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en couleurs, et lance un nouveau cycle où Donald sera systématiquement en couverture. Celui-ci laisse sa vareuse de marin au placard et endosse chaque mois un costume moderne, devenant ainsi tour à tour chanteur de rock, globe-trotter, surfeur, cosmonaute... voire imitant parfois un personnage de l'époque (Elvis Presley, le lieutenant Columbo, Michael Jackson ou encore James Bond). Elles sont pour l'immense majorité d'entre elles signée Patrice Croci (voir page 10-12), et illustrent de façon alternée le thème du numéro (spécial fantastique, spécial fêtes, spécial été...), le cadeau offert, et parfois aussi les histoires contenues à l'intérieur. Picsou refait exceptionnellement la une pour fêter le n°200, mais lui aussi avec une tenue moderne. De même, le n°202 voit, lui, Flagada Jones faire la première page. Enfin, même s'il est le plus souvent en veste en jean, en blouson de cuir ou en smoking à paillettes, Donald récupère tout de même quelques fois sa vareuse.


Les années 1990 : la fin de l'originalité Mais à partir du mois de janvier 1994, tout change : fini les cotumes excentriques pour Donald qui reprend son apparence classique, dans des couvertures globalement moins complexes. Quelques cas particuliers sont à noter : Miss Tick fait la une du n°291, et la couverture du n°292 réutilise pour la première fois un dessin déjà existant, expérience réitérée plusieurs fois par la suite. Durant la deuxième moitié des années 1990, Patrice Croci passe régulièrement la main à d'autres illustrateurs comme François Pasquet ou un certain Ulrich Schröder, devenu depuis un célèbre illustrateur. À partir de 1999 et du n°325, le choix est fait de n'utiliser plus que des dessins de Carl Barks en guise de couverture, ce qui sonne ainsi la fin des illustrations originales pour Picsou Magazine. On entre alors dans une période beaucoup moins intéressante à observer puisque les couvertures sont bien plus sobres, se limitant à des cases de bande dessinée agrandies, dont l'arrière-plan a été remplacé par un aplat de couleur vive. Remarquons tout de même la présence d'un Rapetou unique sur la première page du n°358, et de manière générale le retour de Picsou en couverture du magazine, qui se fait plus récurrent. Quelques rares numéros ne contiennent aucun personnage de bande dessinée, comme le n°359 avec Star Wars ou les n°362-363 avec Monstres et Cie. On passera sur les numéros 362 à 372 (2002) qui arborent une maquette particulièrement... oubliable !

Les années 2000 : Donald à la sauce moderne L'année 2005 inaugure, pour moderniser le magazine, une série de couvertures avec un effet « images de synthèse » et qui sont de nouveau dessinées spécialement pour le magazine. On remarque également des tenues plus variées pour Donald qui occupe de nouveau la majorité des couverture (Picsou n'apparaît que 8 fois sur les 60 numéros de 2005 à 2009) : il est ainsi habillé en joueur de foot, en rockeur, en extraterrestre, en judoka, en squelette... Le nom des dessinateurs n'étant pas crédité, il est difficile d'identifier les auteurs de ces couvertures. Ces dernières illustrent souvent le cadeau offert avec le magazine (sonnette à eau, araignées en plastique et autres gadgets gluants de plus ou moins bon goût...) ou une rubrique à l'intérieur du numéro. Dans de rares cas, le dessin est en lien avec une histoire, comme la couverture du n°417 qui illustre – par un baiser entre Picsou et Goldie – la publication d'un épisode inédit de la Jeunesse de Picsou. Les années 2010 : des couvertures thématiques Dans les années 2010, le style de couverture reste le même, à la différence près qu'elles illustrent presque tout le temps le thème du numéro (arts martiaux, monstres marins, pirates, superhéros...). Elles sont alors très souvent signées Ulrich Schröder ou Daan Jippes. On voit plusieurs fois la réutilisation d'anciennes couvertures de Picsou Magazine : le n°514 reprend celle du

La couverture du n°360 est un agrandissement d'une case de l'histoire Juste un pauvre vieil homme pauvre.

n°456, le n°496 celle du n°431. À partir de 2017, on voit le retour d'illustrations classiques, laissant de côté l'aspect « relief ». Depuis 2018, ce sont des dessins de Don Rosa, en général sans rapport avec le numéro, que l'on retrouve en couverture. Pour conclure sur les années 2020, le nouveau rédacteur en chef Jean-Baptiste Roux nous confiait dans le Picsou-Soir n°4 qu'il avait fait le choix de Daan Jippes, un de ses auteurs préférés, pour tous les numéros de Picsou Magazine depuis son arrivée. Corey

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COIN-COIN

LES FAN-ARTS DES LECTEURS Les Duckobites à la bataille de Duckulloden, par Orestix. La scène fait référence à la bataille de Culloden (en Écosse) qui opposa en 1746 les Highlanders jacobites, favorables au retour des Stuart sur le trône d'Angleterre (le dernier, Jacques II, avait été déchu lors de la « Glorieuse Révolution » de 1688), aux partisans de la Maison de Hanovre. Cet événement marque en fait la défaite finale des Jacobites – les Hanovre régneront sur l'Angleterre jusqu'en 1901.

Une Miss Tick très colorée, dessinée par Juliette Amadis (d'autres dessins à voir sur son site : www.julietteamadis-art.com) Luis Bärenfaller, jeune fan suisse, nous a envoyé deux dessins de son super-héros canard préféré, à savoir Myster Mask (dans sa version originale à droite, et dans celle de la Bande à Picsou de 2017 ci-dessous). Vous pouvez également retrouver en page 18 un gag de sa création.

Envoyez-nous vos plus belles Œuvres par e-mail à l'adresse contact@picsousoir.com

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Deux dessins du talentueux fan finlandais Ville Tanttu (@DuckUltimate sur Twitter).

Picsou et Flairsou se bataillent dans ce dessin signé @ossa_di_pesce.

FLASH SPÉCIAL

Picsou Magazine, Super Picsou Géant et les Trésors de Picsou ont enfin leurs réseaux sociaux : suivez la page Picsou et Cie sur Facebook et Instagram pour être au courant des dernières informations officielles !

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BD

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LE RHUME DE POPOP par Luis Bärenfaller, 2020


BD

ACCORDÉ par Aaros, 2020

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BD

UNE PRÉCIEUSE LEÇON... par Anna Poszepczyńska, 2018

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