Playsound #19

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MARS 2014 #19

TEMPLES ††† (Crosses) Twenty one pilots john butler trio the fray metronomy elbow the family rain fuzzy vox foxes BLEACHERS SCENIC VERSUS YOU CIRCA WAVES YOUNG KATO ET PLUS ENCORE...


_PS MAG _Playsound est une plateforme créative de découverte, d’actualité et de chroniques couvrant les différentes facettes de la culture rock au sens le plus général du terme. Le projet comprend un site riche de son flux de news multi-genres, d’un espace de critiques complet ainsi qu’un laboratoire numérique via une plateforme dédiée à la promotion de jeunes talents.

_MARS 2014 #19 _RÉDACTEUR EN CHEF Yannis Mouhoun

_DIRECTEUR DE PUBLICATION Elie Dib

_RÉDACTION MAG

Sami Elfakir Emmanuel Van Elslande Martin Van Boxsom Elie Dib Bazil Hamard Marie-Audrey Esposito Matthias Meunier Maximilien de Boyer Alexis Dutrieux

_CONCEPTION GRAPHIQUE Matthias Meunier

_CONTACT

mag@playsound.fr

_SITE WEB

www.playsound.fr

_UN PROJET DE :

www.medias-culture.fr

_PLAYSOUND

Playsound est une plateforme culturelle dédiée aux cultures rock. Elle est dotée d’un site d’actualité réactif et moderne, où brèves côtoient chroniques de qualité. Playsound est également un lieu de découverte à l’heure du numérique. Notre démarche s’inscrit dans une volonté de promotion des talents peu connus et de mise en valeur de toutes les formes de créativité. L’équipe de rédacteurs de Playsound forme un ensemble de passionnés tous poussés par la même ambition : partager leur amour de la musique. Nous couvrons l’essentiel de l’actualité musicale dans les styles rock (commerciaux ou non, la bonne musique reste de la bonne musique) : pop, alternatif, punk, heavy, électronique… Nous nous autorisons cependant quelques écarts : aucun dogme concernant les limites (qui sont très subjectives) de Playsound n’est instauré. Nous n’avons en aucun cas la prétention d’être les dictateurs légitimes du goût musical et artistique ; notre seul but est de vous conseiller car nous avons la conviction que la musique est un des grands plaisirs de la vie, forme d’expression de la pensée riche et complexe. Nous avons également à coeur de rendre hommage aux grands groupes et artistes qui ont contribué à la construction de la musique « contemporaine », et de décrypter certains phénomènes musicaux à travers dossiers improbables et éditos décapants.


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_NEWS _l'actu en 140 caractères _TALENTS _ZOOM : FOXES _focus : Le cent-quatre _Dossier : musique : la théorie du genre _Souvenir _ILS L'ONT DIT _rétro : chino moreno _selection ps : ††† × ††† _chronique : Temples  sun × structures _chronique en bref _Ça n'engage que moi : Les victoires de la musique télévisuelle _Interview : Twenty one pilots


_Playsound × _Mars 2014 × _News en bref × _04

_NEWS EN BREF + DE NEWS SUR PLAYSOUND.FR/NEWS

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_Le retour de The Cure

La bande à Robert Smith signera son grand retour cette année avec son quatorzième album ! Selon les premières informations, celui-ci s'intitulerait 4:14 Scream et succèderait donc à 4:13 Scream sorti en 2008. Si, pour l'instant, aucune date n'a été dévoilée, il semblerait, si l'on en croit The Guardian, que l'album verrait le jour « dans les prochains mois ». Cerise sur le gâteau, un DVD live ainsi qu'une nouvelle tournée seraient également en prévision.

_Klaxons sort de son silence

Après plusieurs années d'absence, les Anglais sortent enfin de leur silence et dévoilent deux titres inédits : There Is No Time et Children Of The Sun. Ces derniers sont extraits du troisième album de la formation, déjà dans la boîte, dont la sortie est prévue pour cet été sans plus de précisions. Une chose est sure, le combo sera de retour sur les routes dès ce mois-ci et foulera les scènes des festivals dans toute l'Europe !

_Une première salve de noms pour Rock en Seine

Le célèbre festival parisien met les petits plats dans les grands pour sa douzième édition ! En effet, cette année Rock en Seine accueillera, entre autres, Arctic Monkeys, Lana Del Rey, The Prodigy, Portishead ou encore Queens Of The Stone Age. Si les pass 3 jours sont déjà disponibles, il faudra attendre encore quelques semaines avant l’ouverture de la billetterie à la journée. D’ici là, il y a fort à parier que le festival aura étoffé sa programmation !

_Kaiser Chiefs livre un nouvel extrait de son cinquième album

Les Anglais continuent de préparer progressivement leur retour en partageant un nouvel extrait de leur album Education, Education, Education & War, intitulé Coming Home. Il s’agit du premier single officiel issu de ce cinquième album attendu pour le 31 mars prochain via Universal Records. La galette succèdera à Future Is Medieval, sorti il y a presque trois ans.

_Un ultime titre inédit pour My Chemical Romance

Presqu’un an après l’annonce de leur séparation, les Américains dévoilent Fake Your Death, l’un des derniers titres enregistrés par le groupe, le tout accompagné d’une vidéo hommage. Cet inédit ouvrira May Death Never Stop You, le best-of du quatuor, dont la sortie est prévue pour le 25 mars prochain. Composée de 19 titres, cette compilation rassemblera bien entendu tous les singles mais aussi trois démos datant des débuts de la formation.


_NEWS EN FIL ROUGE + DE NEWS SUR PLAYSOUND.FR/NEWS _Natives sort son premier album

Anciennement Not Advised, les Anglais s'apprêtent à sortir leur tout premier album en tant que Natives. Composé de 11 titres, Indoor War sortira le 17 mars prochain. Pour couronner le tout, un deuxième album de remixes accompagnera toute précommande du nouvel opus. Tout en profitant du nouveau single Can't Say No fraîchement sorti, il est toujours possible de télécharger gratuitement l'EP 4 titres Going In Alone sur le site officiel du combo.

_LostAlone revient avec un troisième album Notamment révélés sur scène en première partie de My Chemical Romance ou encore Thirty Seconds To Mars, les Anglais sont de retour après le succès de I’m UFO In This City (2012). Intitulée Shapes Of Screams, la nouvelle galette est prévue pour le 7 avril prochain. En attendant la sortie du nouveau single Scarlet Letter Rhymes, vous pouvez toujours découvrir le clip vidéo de The Bells ! The Bells !!, premier extrait sorti il y a maintenant quelques mois.

_We Are Scientists – des infos sur le sixième opus

_Premiers noms pour les Eurockéennes

L'un des plus grands festivals de rock en France a livré les premiers noms à l'affiche de son édition 2014. The Black Keys, Pixies, Franz Ferdinand ou encore Foster The People seront donc de la partie les 4, 5 et 6 juillet prochain à Belfort. Des pass promotionnels ainsi que des pass à la journée sont à retrouver sur le site officiel du festival. Ne traînez pas si vous souhaitez profiter de cette belle programmation !

_Retour en force pour Chiodos

C'est avec leur line-up d'origine que les Américains seront de retour en avril prochain ! Intitulé Devil, le très attendu quatrième album du combo, successeur de Illuminaudio (2010), débarquera le 1er avril prochain sur le label indépendant Razor & Tie. Les deux premiers extraits, Ole Fishlips Is Dead Now et Why The Munsters Matter, vous donneront un aperçu de ce nouvel effort très prometteur.

_I Divide lève le voile sur son premier album

Plus de deux ans après la sortie de leur premier EP What's Worth More, les cinq Anglais s'apprêtent enfin à nous livrer leur tout premier album intitulé Last One Standing. Prévu pour le 14 avril prochain, le disque sortira sur le label Destroy Everything. Follow Me, titre d'ouverture de la galette, est d'ores et déjà en ligne. D'autres extraits et clips vidéo devraient voir le jour « très bientôt ».

_ On en a parlé _Kaiser Chiefs sera de retour en France pour promouvoir son nouvel album le 22 avril prochain à la Flèche d'Or de Paris. _Foster The People fera un détour par la capitale pour un concert événement à la Gaité Lyrique le 28 mars. _We Are Scientists viendra présenter son sixième album au public français le 31 mars prochain à la Maroquinerie de Paris. _Marie-Audrey Esposito

_Playsound × _Mars 2014 × _News en fil rouge × _05

Après avoir sorti un EP en octobre dernier, les New-Yorkais sont de retour avec le successeur de Barbara (2010). Intitulée TV en Français, la nouvelle galette est prévue pour le 3 mars. Histoire de faire patienter ses fans, le combo a d'ores et déjà dévoilé un clip vidéo aux effets spéciaux douteux pour le titre Dumb Luck, ainsi qu'un deuxième extrait intitulé Make It Easy.


_l'actu en 140 caractères X _07 Février 2014

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_Chance The Rapper (@Chancetherapper) Avec James, nous avons fini d’installer le studio aujourd’hui. On va pouvoir commencer à utiliser le TC Helecon. #studionerd

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_Playsound × _Mars 2014 × _L'actu en 140 caractères × _06

_08 Février 2014

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_Carbon Airways (@CarbonAirways) Ça avance !! #recording #studio http://instagram.com/p/kKcU9lrvWN/

X _11 Février 2014

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_Rat Attack (@RatAttackTweets) On va démarrer la pré-production du premier album :) #thefutureofmusic pic.twitter.com/2LuCxw7lNM

X _15 Février 2014

_FRYARS (@FRYARS) Pourquoi est-on si obnubilé par les artistes de nos jours ? Appréciez l’art, tout simplement.

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X _20 Février 2014

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_Lana Del Rey (@lanadelrey) Moi et Dan Auerbach sommes pressés de vous présenter Ultraviolence pic.twitter.com/aRAZYscwYd

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_Die Antwoord (@Dieantwoord) Chers ENFANTS, NINJA and ¥O-LANDI sont tous les jours en studio HI-TEKS pour bosser sur notre tour le plus puissant jusque maintenant. On a... http://fb.me/2XHld5XSU

X _21 Février 2014

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_m83 (@M83NEWS) Les amis, un nouveau morceau figurera sur @Divergent ! Pressé de partager ça : http://divergentsoundtrack.com A. pic.twitter.com/dS1R74vgjs

X _26 FévrieR 2014

_oasis (@oasis) En 2014 les trois premiers albums d’Oasis seront remasterisés et réédités, remplis de rares et inédits. http://officialoas.is/QCXJLj

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_Playsound × _Mars 2014 × _L'actu en 140 caractères × _07

_21 Février 2014


lllllllllllllllllllllllllllllllllllll TALENT #1 llllllllllllllllllllllllllllllll TALENT #2

_Playsound × _Mars 2014 × _Talents × _08

_TALENTS

+ DE TALENTS à découvrir sur www.sabotage-radio.com

lllllllllllllllllllllllllll BLEACHERS lllllllllllllllllllllllllllllllllll Scenic Du haut de ses trente printemps, Jack Antonoff semble désormais inarrêtable. Si son rôle de guitariste au sein du trio fun. (révélé de manière tout à fait spectaculaire au grand public avec l’album Some Nights et Give Me a Reason, enregistrée avec P!nk) lui vaut d’ores et déjà une reconnaissance médiatique aux quatre coins du globe, ce grand adolescent du New Jersey brille également en solo, et ce depuis de nombreuses années. Leader du somptueux projet Steel Train en 2010 et compositeur inventif pour Sara Bareilles, Taylor Swift ou encore Tegan and Sara, Antonoff nous présente aujourd’hui son nouveau bébé : BLEACHERS. Le premier single, I Wanna Get Better, se veut enjoué et fédérateur, évoquant sans s’en cacher à la fois Simple Minds et le Depeche Mode de l’ère 1985, en plus d’une spectaculaire dimension épique, marque de fabrique de l’intéressé. L’album éponyme est prévu pour le printemps, et devrait ravir les fans de Passion Pit, Imagine Dragons ou encore Royal Teeth. BLEACHERS ? Indiscutablement le pari le plus sûr de ce début d’année.

On vous évitera la blague associée à la voiture, car ce groupe mérite mieux. Formé en 2010, Scenic est une jeune formation composée de quatre talentueux individus tout droit venus de Perth, en Australie, nation toujours plus active des Tame Impala, Jagwar Ma ou encore Cut Copy. Références qui n’ont rien d’anodines puisque le groupe partage le même amour pour les synthés et les envolées atmosphériques sur ses EPs Another Sky et Shockwaves. Signé sur le label tendance Future Classic, Scenic figure déjà comme The Next Big Thing chez nos amis australiens et pourrait bien se faire des amis très rapidement du côté de chez nous. Leur nouveau single sorti le mois dernier, Ride The Thrill, pourrait très bien être un énorme hymne période acid-house avec ses errements vocaux, son grain psychédélique et ses beats entrainants. Un énorme hit qui mérite à lui seul de laisser trainer une oreille sur cette nouvelle formation au potentiel énorme.

_Genre Indie pop, rock alternatif

_Genre Indie Rock

_Label RCA Records

_Label Future Classic

_Pays États-Unis

_Pays Australie

_Site Officiel

_Site Officiel

http://bleachersmusic.com

http://scenic.bandcamp.com


llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll TALENT #3 llllllllllllllllllllllllllllllll TALENT #4 llllllllllllllllllllllllllllllll TALENT #5

YOU

llllllllllllllllllllllllll circa waves llllllllllllllllllllllll young

kato

Le Luxembourg n'est pas qu'un paradis fiscal. Il recele également de quelques petites pépites musicales (oui oui) que Playsound se doit de mettre en lumière. Versus You est un de ces groupes de punk-rock énergique et décomplexé qui nous rappellera que ce courant musical ne s'est pas éteint le jour où MTV a vendu son âme à tout un tas d'immondices télévisuelles. Le quator nous délivre donc une musique sincère, puisant son inspiration chez les plus célèbres des groupes de punk-rock d'outre-Atlantique. Des preuves de son succès ? Son CV. Versus You a partagé la scène de nombreux monuments de la musique tels que NOFX, Alkaline Trio, Anti-Flag, The Casualties, Black Flag, MxPx et beaucoup d'autres. De quoi faire fantasmer groupes et fans de punk. De retour avec un nouvel album intitulé Moving On, le groupe compte bien continuer son bonhomme de chemin et s'installer dans vos discographies. Le premier single, Be Better Than Me est disponible au téléchargement sur leur bandcamp, parce qu'une écoute vaut toujours mieux que mille mots.

Avec Stuck In My Teeth, ils ont été sacré « meilleur disque du monde » par un des animateurs de la célèbre Radio One de la BBC. C’est dire si les jeunes liverpuldiens de Circa Waves sont prometteurs. Nouveau venu du très prolifique comté de Merseyside au nord-ouest de l’Angleterre (The Beatles, Elvis Costello, OMD, The La’s, Miles Kane, The Wombats, …), ce quartet né il y a à peine un an crée déjà la sensation en trois morceaux. De l’aveu du chanteur et leader Keiran Shuddall, le combo a vu le jour « pour faire des hits indie-pop ». Frustré de ses expériences passés mais déterminé à percer dans la musique une bonne fois pour toute, Shuddall se lance corps et âme dans la compo, une dernière fois, début 2013. La persévérance vient à bout de tout, et avec Sam Rourke à la basse, Sian Plummer à la batterie et Joe Falconer à la guitare, Circa Waves s’apprête ce mois-ci à agiter l’Angleterre lors du NME Awards. Leur pop mélodique et ultra rythmée évoquant la bonne époque des Strokes et des Libertines saura sans nul doute faire suer les kids.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Anglais ont su nous prouver au cours de ces dernières années qu’ils s’y entendaient plutôt bien niveau indie rock (Foals, Bombay Bicycle Club…). Young Kato fait partie d’une toute nouvelle génération de talents prête à reprendre le flambeau comme il se doit. Le combo n’a pas encore d’album à son actif qu’il fait déjà sérieusement parler de lui. Après avoir sorti un premier EP éponyme en 2012 sur le label indépendant LAB Records, le sextet s’est vu offrir l’opportunité de signer sur la major BMG en mai dernier. Depuis, une réédition du très dansant Drink, Dance, Play agrémentée de quelques remixes a vu le jour. Plus récemment, les jeunes Anglais ont dévoilé leur très bon nouveau single Help Yourself, disponible sur les plates-formes de téléchargement dès le 24 mars. Suivra ensuite une tournée à travers le Royaume-Uni en première partie de You Me At Six, puis en tête d’affiche pour un total d’une vingtaine de dates. Alors que le phénomène grandit outreManche et que l’annonce d’un premier album semble imminente, il y a fort à parier que le sextet se lancera bientôt à la conquête de l’Europe continentale.

_Genre Punk rock

_Genre Indie pop, garage rock

_Genre Indie rock

_Label Flix Records

_Label Transgressive Records

_Label BMG

_Pays Luxembourg

_Pays Angleterre

_Pays Angleterre

_Site Officiel http://versus-you.com

_Site Officiel

_Site Officiel

http://facebook.com/CircaWaves

http://facebook.com/weareyoungkato

_Playsound × _Mars 2014 × _Talent × _09

lllllllllllllllllllllllll VERSUS


_TALENT ZOOM

FOXES

_Playsound × _Mars 2014 × _Talents zoom × _10

Certains artistes ont la faculté extraordinaire, de par leurs récits ou leurs compositions, de nous toucher à leur façon, creusant alors au plus profond de nos âmes pour transformer l’expérience d’écoute en véritable aventure introspective. Si les premiers titres de la jeune Anglaise Louisa Rose Allen, aka FOXES, ne sont pas véritablement portés par leur poésie, ceux-ci ont le mérite de surprendre tant la voix de la chanteuse sublime la pureté polaire de ses refrains obsédants. Du haut de ses vingt-quatre ans, cette musicienne originaire de Southampton tient son nom de scène d’un rêve de sa propre mère, décrit par sa conceptrice comme « habité et magnifique ». Dans celui-ci, la petite Louisa hurlait à la lune au coin du domicile familial, brisant le silence des astres de son cri délicieux. Dès lors, la chanteuse, qui décide de privilégier la musique à son projet d’études esthétiques, choisit le nom de FOXES comme vecteur privilégié d’exposition et de diffusion d’une voix marquant chacun de ses titres de l’empreinte du renard. Une fois installée à Londres, FOXES devient la talentueuse nouvelle recrue du label RCA, sur lequel elle entame sa carrière professionnelle avec deux titres aux portées diamétralement opposées. Le premier, Youth, fait office de premier succès et révèle la patte très nature de la chanteuse indie au grand public. Tendre balade emplie de mélancolie, Youth s’envole sur YouTube, puis sur Soundcloud (notamment au fil d’innombrables remixes), multipliant les vues jusqu’à lui permettre d’accumuler les millions d’écoutes. Le second, Clarity, sur lequel elle chante pour le DJ germano-russe Zedd, leur a valu le Grammy Award du meilleur titre dance de l’année en février, permettant à FOXES de se hisser au sommet des charts outre-Atlantique avant même la sortie d’une première galette. Dans la foulée, le single Just One Yesterday, enregistré avec Fall out Boy à l’occasion du retour triomphant du groupe l’an dernier, ne fait que renforcer la notoriété grandissante de cette chanteuse de l’ombre, encore peu exposée dans sa propre œuvre. Fort heureusement, Glorious, premier effort solo de l’artiste, devrait très prochainement envahir les iPods du monde entier. Bien qu’initialement prévue pour la fin février, la sortie de l’album a finalement été décalée au 12 mai, notamment pour coordonner les efforts de promotion autour de celui-ci. Une date à retenir à tout prix lorsque l’on voit la qualité des premiers titres qui en sont issus : Shaking Heads, d’une noirceur solaire indescriptible, White Coats, aux ambitions royales, ou encore Let Go for Tonight, rappelant Marina & the Diamonds et ses titres hybrides mêlant tempérament nocturne et enjouement enfantin. Renforcée par l’esthétique de ses nombreux clips, la musique de FOXES s’adresse finalement à une population d’auditeurs indéfinissable, tant il est facile d’en tomber amoureux à la première écoute, sans savoir pourquoi, ni comment. Plus encore, ses mélodies font appel à une force inspiratrice des plus enfouies, et dépasse bien souvent le cadre de la simple découverte. En quelque sorte comme ces fonds d’écrans de paysages soit disant poétiques, aux citations bien trouvées, qui décorent des milliers de Tumblr et invitent au dépassement de soi. Soyez rassurés, les morceaux de FOXES sont bien plus évocateurs et entêtants que de simples vignettes. En réalité, ils semblent dotés d’une force invisible, d’une carapace enchantée offrant un double niveau d’écoute à qui veut l’entendre. D’apparence inoffensifs, ils véhiculent une certaine magie, et stimulent l’évasion et le lâcher prise à chaque note. Dès lors, l’étiquette pop disparaît et nous laisse FOXES, une musicienne décidemment à part, qu’il nous tarde de voir débarquer dans la capitale. _Emmanuel Van Elslande

_Genre Indie pop _Label RCA _Pays Royaume-Unis _Site Officiel http://iamfoxes.com


Le cent-quatre

Qu’aurait dit Brassens, lui qui chantait en 1960 : « Elles ont fait leur temps les belles pompes funèbres, on ne les reverra plus et c’est bien attristant », face au complexe culturel « Cent-Quatre » ? Ce dernier a en effet été inauguré en 2008 sur les cendres des pompes funèbres de la mairie de Paris ayant fait faillite en 1997 au 104 Rue d’Aubervilliers dans le XIXème (métro Riquet, ligne 7). Le « 104 » est un « Etablissement Public de Coopération Culturelle »... Autrement dit, il doit représenter la politique culturelle de l’Etat qui est aujourd’hui une politique fondée sur le multiculturalisme et la créativité. Ainsi, au 104 Rue d’Aubervilliers, les chevaliers des morts ont fait place à ceux de la culture car oui, l’objectif de la salle est d’offrir au public des artistes d’horizons différents, d’arts différents, mais de qualité très souvent égale. Sa programmation en témoigne largement : des opéras, des ballets, du théâtre tant classique que contemporain, de la danse contemporaine, des expositions photos, mais aussi (et n’est-ce pas ce qui nous intéresse surtout ?) des concerts : Arthur H, Florent Marchet, le festival Les Femmes S’en Mêlent pour les évènements à venir et l’année dernière le festival City Sounds : San Francisco qui n’a reçu que des éloges grâce à son affiche très alléchante (Ty Segall, Thee Oh Sees, White Fence…). Alors, en effet la question est légitime : tout ceci dans un seul espace ?! Oui car le « Cent-Quatre » c’est 35 000m² qui permettent d’organiser trente à trente-cinq manifestations culturelles dans la même année allant d’un à douze mois grâce à deux salles de spectacle, des ateliers et les halles. Le lieu bénéficie aussi de la polyvalence des salles : au sous-sol une d’elles peut servir à la fois pour les expositions, les défilés, les salons ou des évènements d’entreprises… Ouais ce sont des gens comme ça au « 104 ».

Ce que l’on apprécie surtout c’est la proximité avec les artistes : lors du City Sounds Festival il était facile de croiser John Dwyer (chanteur des Oh Sees) qui vendait ses affiches, se promenait dans l’espace, parlait avec les autres artistes ; ou encore de pogoter aux côtés de Ty Segall. De même, les artistes et la direction du lieu ouvrent parfois les portes de leur atelier au public afin de sensibiliser l’audience au travail préliminaire et au cheminement artistique : de l’atelier à la scène ; de la scène à l’atelier. Mais dans quel cadre s’ancrent toutes ces manifestations culturelles ? L’endroit est des plus agréables et aérés : de par son étendue mais aussi son architecture. On compte plusieurs halles avec des verrières laissant largement pénétrer le soleil ; la cour extérieure permet de profiter du beau temps au milieu de ces halles spacieuses sans se sentir oppressé : ici on respire la culture mais aussi l’air naturel, par exemple en déjeunant dans le Café Caché (couvert et chauffé en hiver) qui joue sur une carte originale ; ou encore en dégustant les produits bios de l’épicerie du « 104 » En résumé, le 5 Rue Curial (entrée « publique ») est un lieu de rencontres : rencontre de cultures ; rencontre de spectateurs dans les halles et le jardin ; rencontre d’artistes avec leur public ; rencontre entre professionnels, entre professionnels et amateurs mais surtout entre amateurs grâce aux ateliers ouverts à tous (dessin, danse, théâtre, musique…). Tout cela pour une seule rencontre : celle qui a lieu entre vous et le bonheur de voir un endroit qui promeut l’innovation (dans des domaines très divers), la créativité, la qualité, la diversité... pour le plaisir de tous. _Alexis Dutrieux

_Playsound × _Mars 2014 × _Focus  × _11

_FOCUS


_DOSSIER

_Playsound × _Mars 2014 × _Dossier × _12

Musique : la théorie du genre « Imagine there’s no countries, it isn’t hard to do. Nothing to kill or die for, no religion too...». Et si la musique pouvait, elle aussi, s’entendre en termes de pays et de frontières ? Chaque pays a, d’ailleurs, sa propre musique : son hymne national, qui le définit. Nous avons tous le même instrument (la langue), mais nous l’employons différemment (les langages). Dans le paysage musical, chaque genre représente donc une nation, avec ses lois, son héritage, sa langue. Ainsi, tels Jérusalem et Israël, le métal et le rap se livrent depuis longtemps une guerre idéologique. Comme le Français se rit des Belges, le punk peut se moquer de son voisin emo. Et parfois, pour certaines occasions, les nations œuvrent main dans la main. Jeux Olympiques ou albums caritatifs : même combat. Cela permet d’oublier les querelles quelques instants. Mais le fait est que notre esprit cartésien aime malgré tout diviser. On divise même l’humanité depuis des siècles, et on adore ça. Dreyfusards vs. anti-dreyfusards ; manif pour tous vs. mariage pour tous ; gauche vs. droite... « Et toi, t’es quoi ? ». « Et toi, t’es pour qui ? ». « Et toi, t’écoutes quoi ? ». La musique n’échappe pas non plus, hélas, à ces catégorisations. Tout doit rentrer dans des cases. Également les sons.

De l’universalité de la musique Par définition, la musique est la « capacité intuitive de l’homme de combiner les sons »1. Au contraire de l’écriture, la musique n’est donc pas une pure invention humaine. Là où l’homme a dû créer un alphabet et inventer des mots pour désigner les choses, la musique n’est autre que l’organisation, la combinaison de choses préexistantes à l’état naturel : les sons. Le bruit de la mer, celui du vent, le chant des oiseaux, le cri des baleines, etc., peuvent être considérés comme « musique » (on en fait bien des albums). Ce n’est que le hasard qui fit que l’homme découvrit ces sons et chercha à les reproduire, et ce n’est que l’expérience qui fit qu’il sut mettre au point des instruments pour les maîtriser. Il faut envisager la musique comme un grand Tout qui se dévoile un peu plus derrière chaque note, derrière chaque instrument, derrière chaque invention. Ainsi, l’homme ne crée pas la musique, il la découvre, chaque jour un peu plus. Et chacun l’ayant découverte à sa manière, il existe ainsi une multitude d’instruments, propres à chaque

pays, à chaque zone géographique. Mais très rapidement, à la suite des grandes explorations et des voyages commerciaux, les instruments se sont importés et échangés à travers le monde. La guitare par exemple – un instrument à la popularité mondiale aujourd’hui – fut apportée en Europe via l’Espagne par les Maures. La musique n’a donc, au sens propre, aucune frontière.

La diaspora des sons Mais très rapidement, suite à ses formes diverses, ce langage universel s’est retrouvé disséqué, décomposé, en gammes, en échelles, en mesures… Les sonorités se multipliant, il a fallu alors classer ces sons par catégories. Fier de son esprit logique et dans l’inassouvissable envie de se distinguer des autres espèces animales, l’Homme a donc commencé à organiser les choses. Après avoir rangé le monde entier en différentes familles, il s’est alors attaqué à la musique. Mais en opérant un tel classement, la musique s’est alors retrouvée divisée, dispersée au travers de ces différentes cases. Comme si un son de la case A ne pouvait pas cohabiter avec les sons de la case B. Mais alors que la classification des différentes espèces vivantes résulte uniquement de la simple observation du monde, la classification musicale, elle, reste toutefois purement arbitraire. Tout d’abord, la musique n’évolue pas en différentes espèces d’une même famille. La musique n’évolue pas, puisqu’elle est un Tout.


Je pense donc je trie Il est certainement aisément admissible par tous qu’une classification de ce type peut vite être réductrice. Dire d’un tableau majoritairement noir que c’est un tableau noir, c’est omettre les autres couleurs minoritaires. De la même manière, il est finalement très rare que la musique puisse se contenir dans une case et une seule. Toute musique emprunte, volontairement ou non, dans son passé et son présent. Et peut même poser les bases d’un futur. « Catégoriser » un morceau : à la limite (quoique …). « Catégoriser » un album entier ou un artiste : c’est manquer de respect au travail de ce dernier. Quand, d’ailleurs, des artistes ont délibérément cherché à mettre à bas cette classification par genres musicaux, et à redéfinir la musique en tant qu’universelle, les théoriciens ont décidé d’en faire un nouveau genre. On appelle ça « crossover » ou « fusion ». Voire « expérimental » quand les sonorités sont trop nombreuses. Une nouvelle case, pour des artistes qui souhaitaient s’en échapper.

Néanmoins, cette classification est aujourd’hui nécessaire pour se retrouver dans la masse musicale. Premièrement, parce qu’elle a créé une dépendance (impossible maintenant d’échapper à la case « genre » ou « style » sur la plupart des sites musicaux) ; deuxièmement, parce qu’elle permet de cibler un public facilement. La musique a beau être universelle, les goûts et les couleurs, eux, ne le sont pas. Chacun, au cours de sa vie, développera une oreille particulière, une attirance pour tels ou tels sons, la plupart du temps même sans trop savoir pourquoi. Et dans l’éventail des goûts musicaux, il s’agit de savoir se situer pour savoir dans quel rayon trouver son bonheur. Certes, c’est un gain de temps. Mais, le nez collé sur notre habituelle liste de courses, on passe parfois à côté de bonnes choses. Rappelez-vous de ça : la musique, c’est comme en cuisine. Changer d’épice, ça change la vie. 1

fr.wiktionary.org/wiki/musique

_Martin Van Boxsom

_Playsound × _Mars 2014 × _Dossier  × _13

C’est l’organisation des sons réalisée par l’homme qui, elle, évolue. Les cases, les « classeurs », peuvent donc se créer à l’infini. On a donc ainsi du chillstep, de la braindance, du drill’n bass, du hellbilly, du terrorcore… Et parce qu’en plus les théoriciens de la musique sont un peu fainéants, il s’agit en général de rajouter un préfixe au radical : dark ambient, dark house, dark metal, darkstep… ; electro-goth, electro jazz, electro punk, electro house, electro rock, electro pop… ; hard rock, hard house, hard trance, hard core, hardtek, hardstyle… À noter que ces préfixes sont cumulables. La théorie du genre est tellement floue qu’elle peut aussi bien caractériser les sonorités d’un morceau, les thématiques de ses paroles, les idéaux politiques d’un groupe ou même un état d’esprit particulier (DIY, straight edge, gabber …). Bref, c’est un concept un peu bancal.


_SOUVENIR

MARTIN ET LE MéTAL Cette nouvelle rubrique de PS va nous permettre de vous faire part d’un évènement musical qui a marqué les rédacteurs de votre magazine préféré, les artistes rencontrés lors d’interviews ou encore nos lecteurs fidèles. Alors à vos plumes ! En attendant, Martin Van Boxsom, rédacteur de PS, se rappelle sa découverte du rock métal. C’était au collège. À l’époque, j’écoutais Skyrock, pour faire comme les copains. J’avais pourtant toujours eu une attirance particulière pour le rock, piochant dans la discothèque de mes parents, entre les Rock’n’roll Giants et A Kind Of Magic. Mais que voulez-vous, il fallait bien que je puisse moi aussi ressortir les blagues de Difool et Romano si je voulais espérer m’intégrer. Mais la B.O. de Mission : Impossible 2 m’avait fait rencontrer Limp Bizkit. Mes potes appréciaient le chant rappé, et moi je découvrais la violence d’un riff. Écouter ça, c’était comme regarder un film violent le dimanche soir à la télé. Ça avait un petit goût d’interdit. Et puis, en 3e, un ami de ma sœur lui avait gravé un CD, pour une simple « private joke » sur un des titres de l’album. Uniquement pour ça. Mais avec ce petit conseil en lui donnant : « si ton frère aime bien Limp Bizkit… qu’il écoute ça. Tu me diras. » J’insère le CD dans ma platine, j’appuie sur PLAY, et là, pas le temps d’inspirer, pas le temps de me préparer, un coup de batterie et une guitare résonnent une demi-seconde dans mes enceintes avant de céder la place au silence. Puis ça repart de plus belle, jusqu’à un chuchotement : « they’re trying to build a prison ». System Of A Down venait de transformer ma vie. L’album en question, c’était Toxicity. 2001. Il tournait en boucle tous les weekends pendant que je remuais la tête au-dessus de mes devoirs. Cet album m’a depuis ouvert des portes qui ne se sont jamais refermées, et qui ont toujours débouché sur d’autres portes. C’est ce jourlà que j’ai vraiment, réellement, pris goût à la musique et à la découverte. Ma curiosité musicale d’aujourd’hui, je la dois, en fin de compte, à une obscure « private joke ».

_Martin Van Boxsom


“Je pense qu’un jour je vais arrêter [la musique avec Metronomy] et devenir producteur. À cet instant je pense que je peux encore sortir deux albums supplémentaires.”  The Guardian

_Sami Elfakir

_Playsound × _Mars 2014 × _Ils l'ont dit × _15

à propos d’un nouvel album

Joe Mount (Metronomy)

Josh Homme “J’emmerde Imagine Dragons et j’emmerde les Grammys.”  En live au Texas

à propos de son avenir dans la musique

“Nous faisons juste la tournée. […] C’est le 20ème anniversaire d'Outkast, une manière de le célébrer avec nos fans. Mais il n’y a pas de nouvel album de prévu, non.”  Revolt TV

à propos de la victoire de Imagine Dragons

“C’est énervant de constater qu’il a le pouvoir de rendre une musique si niaise tellement populaire et dire à tout le monde que c’est ce qu’ils devraient écouter.” Evening Standard

Big Boi (Outkast)

Pete O'Hanlon (The Strypes)

à propos de Simon Cowell (juré dans X Factor)

_Ils l'ont dit


_RÉTRO

CHINO MORENO


Tout commence dans cette bonne vieille Californie, haut pourvoyeur de talents néo-métal (comme son fameux rival et compagnon de route Korn) et de rock en général. Le jeune Chino fonde Deftones en 1988 avec le bassiste Chi Cheng (décédé en avril 2013) et ensemble créent, en même temps que Korn, un nouveau style de heavy métal : le nü metal. Si l'autre groupe californien sort son premier opus en 1994 (Korn), Moreno et ses compères leur emboitent le pas un an après avec Adrenaline. Tout de suite soumis à la comparaison, les deux albums accusent un bon accueil de la part des critiques et du public, même s'ils affichent déjà deux styles opposés et complémentaires. Chino Moreno est la véritable valeur ajoutée du groupe grâce à sa voix fine et puissante qui permet de couvrir une vraie palette d'émotions. Et si Chino parvient aujourd'hui à proposer une musique plus douce avec Crosses, c'est qu'il a pu préparer le terrain à travers sa discographie « deftonnienne ».

De deftones... Comme tous les groupes de rock, Deftones avait vocation au départ à lâcher les chevaux – et aussi les cheveux tant qu'on y est – et d'envoyer de gros riffs percutants et assommants. Déjà avec Adrenaline, Chino montre qu'il peut être tantôt poétique (Bored), tantôt énervé (7 Words). De même pour Around the Fur deux ans après. Mais c'est bien avec Change (In The House of Flies) ; (White Pony, 2000), neuvième des charts américains que Deftones explose. Si ce titre, bizarrement apaisant, reste dans la lignée des précédentes productions du groupe, il permet néanmoins à Moreno et sa bande de gagner en notoriété. Désormais, Deftones est un groupe sur lequel il faut compter. C'est à ce moment, à l'apogée du groupe, que le chanteur décide de tout remettre en question et de fonder son premier projet parallèle : Team Sleep.

à team sleep Fort du succès de son groupe, Chino Moreno coupe – temporairement – le cordon ombilical pour laisser parler ses influences musicales, et elles sont nombreuses. De Duran Duran (dont Deftones reprend The Chauffeur) à Depeche Mode en passant par les Frenchies de Air, Chino a une cdthèque des plus hétéroclites. Dans un style plus posé, plus new wave et électro et surtout plus planant, Team Sleep sort son unique album (pour l'instant) en 2005. Porté par le titre Ever (Foreign Flag), le projet de Moreno remporte un petit succès d'estime en livrant un album plus que correct. Mais s'il faut retenir une chose de cette expérience c'est l'étape qu'elle représente pour Moreno puisque ce groupe est, plus ou moins, le brouillon musical de Crosses. Sans enlever la qualité de Team Sleep, Crosses semble être d'une meilleure facture que « l'équipe dormante », rien que par sa discographie. En effet, le groupe aux trois croix a déjà sorti deux EP qui, une fois rassemblés et ajoutés à quatre inédits, forment le LP dudit groupe. Cet album est donc, d'une certaine manière, la consécration de Moreno qui parvient à allier ses influences new wave et le son de Deftones. Avec Crosses, Moreno semble donc ouvrir une nouvelle page du style musical qu'il a créé. Si d'autres ont tenté d'aborder un côté trop électro (Linkin Park) ou trop speed (Korn), Chino Moreno semble avoir trouvé le juste milieu avec Crosses. Il suffit d'attendre un savant mélange entre ce disque sorti ce mois-ci et Koi No Yokan (Deftones, 2012) pour, peut-être, avoir l'album qui sera probablement à l'origine d'un renouvellement profond et définitif du nü métal. Comme quoi, le rock sous toutes ses formes n'est jamais mort. _Maximilien de Boyer

_Playsound × _Mars 2014 × _Rétro × _17

Après Deftones et Team Sleep, Chino Moreno vient taper à la porte de la new wave et de l'électro avec son nouveau projet parallèle graphiquement désigné ††† (Crosses). Relativement éloigné de ses racines musicales, Chino ne renie pas pour autant ses origines pour devenir, semble-til, le véritable refondateur d'un genre un peu dépassé : le néo-métal.



††† †††

_Musiciens

Chino Moreno × Shaun Lopez × Chuck Doom

_Label

Sumerian Records

_Date de sortie 11/02/2014

_Tracklist

09_nine†een nine†y four 10_op†ion 11_nine†een nine†y seven 12_blk s†allion 13_† 14_prurien† 15_dea†h bell

Il existe des artistes qui semblent réussir tout ce qu’ils entreprennent, Chino Moreno fait clairement partie de cette catégorie. Et quand celui-ci s’allie à son camarade de longue date Shaun Lopez, anciennement guitariste du groupe Far, pour travailler sur un nouveau projet, il s’agit tout simplement d’une véritable réussite. Ce projet, baptisé ††† (à prononcer Crosses), a vu le jour en 2011 à l’initiative de Lopez. Depuis, deux EPs 5 titres sont sortis en 2011 et 2012, et c’est aujourd’hui son premier album que nous livre le trio, complété par Chuck Doom à la batterie. Au fil des quinze titres qui composent l’album (les 10 déjà présents sur les deux EPs ainsi que cinq compositions inédites), le combo nous offre une musique électro teintée de rock, le tout bercé par la voix pleine d’intensité de Moreno. Les sonorités sont variées et intéressantes, et transportent en un claquement de doigt l’auditeur dans différents univers en prenant soin de ne pas le déboussoler pour autant. Ballades reposantes (†rophy, nine†een nine†y four) et pistes plus énergiques (†his Is A †rick, bi†ches brew) se marient parfaitement, créant un tout cohérent et une atmosphère captivante. Il est vrai que certaines compositions, au rythme particulièrement lent, peuvent donner une impression de longueur – un insignifiant détail devant la qualité globale de l’album. En bref, les trois comparses de ††† nous livre ici un disque original aux compositions entêtantes, une petite pépite qui promet de devenir un incontournable. Avec ce premier essai largement réussi, Lopez et Moreno, véritables figures du métal alternatif, démontrent qu’ils ont plus d’une corde à leur arc. On aime : †his Is A †rick, †he epilogue, blk s†allion. _Marie-Audrey Esposito

DICT

DICT

VER

_ Orchestrations 5/5 _ Créativité 5/5 _ Intérêt 3/4 _ Lyrics 2/3 _ Cohérence 2/2 _ Artwork 0/1 _ Note globale 17/20

VER

_Playsound × _Mars 2014 × _Séléction PS × _19

01_†his Is A †rick 02_†elepathy 03_bi†ches brew 04_†hholyghst 05_†rophy 06_†he epilogue 07_bermuda locke† 08_fron†iers


Sun Structures

_ChroniQUE

Temples _Genre

Pop Psychédélique

_Producteur

Mittendorfe

_Label

Heavenly recordings

05_ 02_ 14_

_Tracklist

01_ Shelter Song 02_ Sun Structures 03_ The Golden Throne 04_ Keep In The Dark 05_ Mesmerise 06_ Move With The Season 07_ Colours To Life 08_ A Question Isnt Answered 09_ The Guesser 10_ Test Of Time 11_ Sand Dance 12_Fragment’s Light


Après 2 ans d’attente insoutenable durant lesquels les Anglais de Temples ont dévoilé leurs premières chansons au compte-goutte, Sun Structures, le premier opus du groupe, est enfin là. S’il n’aura pas fallu bien longtemps pour se jeter dessus, il aura en revanche nécessité des heures de réflexion, d’hésitation et finalement de plaisir incommensurable avant de se rendre compte du chef d’œuvre qui s’offre à nous, explications : Né de la rencontre de James Edward Bagshaw, Thomas Edison Warmsley, Sam Toms et Adam Smith fin 2012 à Kettering (UK), Temples est un groupe qui, fort d’une ingéniosité rare, a su franchir les échelons de l’industrie musicale et séduire son public avec une vitesse et une facilité déconcertante. Pour preuve, après seulement un an et demi d’existence, les quatre garçons sont déjà considérés comme le meilleur groupe actuel par les légendes du rock Britannique Johnny Marr ou encore Noël Gallagher, une notoriété amplement méritée qui en dit long. Contrairement à la majorité de groupes actuels en perpétuelle quête d’innovation musicale, les quatre Anglais de Temples préfèrent proposer un retour dans le passé tout en gardant la volonté de s’ancrer dans la modernité. Dès les premières notes de guitare qui introduisent Shelter Song, Bagshaw et ses acolytes, tout juste la vingtaine, nous conduisent avec assurance dans les 60′s et ses sonorités singulières, comme s’ils y avaient toujours vécu. Sun Structures donne ainsi l’impression de réécouter un album des Beatles sous acide dans lequel Tame Impala, Marc Bolan et Kasabian se seraient invités pour participer à l’euphorie générale. Des inspirations notoires pour un son unique qui le deviendra assurément. Le leader s’impose sur ce premier édifice comme un mystérieux poète envoutant l’esprit de son public. Le refrain onirique de Move with the Seasons, répété inlassablement, plonge ainsi l’auditoire en plein rêve, rêve qui se poursuit avec le grandiloquent Colours to Life (single de 2013 à l’origine de l’intérêt suscité par le groupe) mettant en avant l’orgue, la guitare 12 cordes et son écho troublant. Thomas Edison Warmsley et sa basse électrique viennent quant à eux mettre en lumière chaque chanson, en introduisant des lignes lourdes et saturées qui équilibrent merveilleusement l’ensemble des compositions du quartet, comme on peut l’entendre sur l’entrainant The Guesser ou encore sur Mesmerise.

Les natifs de Kettering livrent ainsi une merveille bouleversante par sa finesse, sa précision et sa singularité. Après «Lonerism en 2012, le mouvement psychédélique tient ici une nouvelle figure de proue de la part d’un groupe si jeune, et pourtant si mature, qu’il va désormais falloir suivre avec attention. Et même si tout groupe n’est jamais éternel, force est de constater que les louanges à propos de Temples, elles, n’ont pas fini de s’accumuler. _Bazil Hamard

_ Orchestrations 5/5 _ Créativité 5/5 _ Intérêt 4/4 _ Lyrics 3/3 _ Cohérence 2/2 _ Artwork 1/1 _ Note globale 20/20

DICT

Concernant la production, point trop n’en faut : les Anglais parviennent à trouver le juste équilibre entre arrangements menés à la perfection et expérimentations sonores. Chaque note, chaque son, chaque silence a raison d’être, le quartet se joue des codes en introduisant des harmonies à la harpe, des chœurs et des nappes de synthétiseur utilisées avec justesse et parcimonie : épatant.

DICT

VER

Mais ce qui justifie cette note parfaite et qui élève cet album au rang de chef d’œuvre est sans aucun doute le démentiel Sand Dance, merveille de 6 minutes aux sonorités orientales subtilement encensées par une basse imposante et un nuage de guitares. À l’écoute on sent évidemment que l’esprit de Kasabian n’est pas loin, et c’est frappée par une inspiration débordante que la bande de James Edward Bagshaw réussit ici à pousser l’éclectisme musical à son point d’orgue. Ces 6 minutes de bonheur intense confèrent ainsi des sentiments nouveaux, comme l’impression d’être hors du temps, ému et surtout conscient que l’on vient d’assister à un moment de musique d’une rare pureté et d’une pure rareté. Le plaisir se poursuit par le sincère Fragment’s Light, témoin s’il en est de l’exégèse indéniable du chanteur, qui pousse l’auditoire aux larmes en clôturant l’album.

VER


_chroniques en bref ELBOW

The Take Off and Landing of Everything Véritable référence au Royaume-Uni, Elbow est ce genre de groupe qui s’inscrit dans une ligne de conduite et n’en sort jamais. The Take Off and Landing of Everything reste ainsi fidèle à ce à quoi nous a habitué le groupe : des morceaux souvent dépassant les cinq minutes, divers univers se côtoyant sur une seule et même piste, des structures basées sur un tempo lent et planant. La formation anglaise a du mal à laisser indifférent. Alternant le bon et le moins bon, mais toujours marqué par cette singularité (effet de la voix si particulière de Guy Garvey), cet opus est donc conforme à ce que l’on attendait du combo mais sans sortir réellement du lot. Dépressifs s’abstenir néanmoins.

_Playsound × _Mars 2014 × _Chroniques × _22

_On aime : Real Life, My Sad Captain

_Elie Dib

FUZZY VOX ON HEAT

En 23minutes Fuzzy Vox fait déferler un torrent d’énergie et d’urgence punk, mod, power pop. Les Naast se font sentir sur la plupart des titres rageurs mais les morceaux plus proches de la ballade prouvent que le groupe n’est pas fait que de références éculées. Il est bon de retrouver des groupes qui veulent en découdre, des durs en cuir qui frappent leurs guitares avec une précision imparable, accompagnées de la batterie écrasant toutes les notes. Mais qu’il est dommage que derrière l’apparente désorganisation règne un son assez policé. Reste que ce disque est un coup de Fuzzy en plein cœur, de punk rocker. _On aime : 1789, She's on her period (again), Crum of my heart _Alexis Dutrieux

MEtronomy love letters

Faites retentir les cuivres d’or : les Anglais chéris de l’Hexagone (avec William et Kate) sont de retour. Qu’on se le dise : troisième album parfaitement exécuté, Love Letters rassure. Il semblait pourtant bien difficile d’égaler la pépite précédente des Britanniques, The English Riviera, et sa sérénité pacifique. Bien plus océanique et secret, ce nouvel opus offre un versant inédit de l’œuvre de Metronomy, moins radiophonique mais tout aussi brillant. Avec un son plus anglais que jamais (le titre Love Letters en est l’illustration parfaite), il n’a qu’un défaut : sa durée, raccourcie par une instrumentale dispensable. Love Letters est un vrai délice à consommer à l’heure du goûter, thé au doigt et casque sur les oreilles. _On aime : The Upsetter, Love Letters, The Most Immaculate Haircut _Emmanuel Van Elslande


John Butler Trio FLESH AND BLOOD

On les attendait avec impatience. Quatre ans après la sortie de April Uprising, les Australiens nous reviennent en force avec le très bon Flesh and Blood. Plus roots que son prédécesseur, cet effort est aussi celui qui semble le plus abouti au niveau des lyrics, où chaque titre a un sens particulier. Tout en nous régalant avec des solos de guitare dont seul le virtuose John Butler a le secret, Flesh and Blood transporte et confirme, si ce n’était pas encore le cas, l’importance d’un tel groupe sur la scène pop/folk internationale. Un délice à consommer sans modération. _On aime : Livin’ in the city, Only One

The fray

Helios

Helios. Un très beau titre pour un quatrième album s’annonçant solaire et, de par son nom, titanesque. Si la production chatoyante et millimétrée opérée sur les onze titres de l’opus offre au quartet une puissance chevaleresque, Helios ne révolutionne pas le genre. Tandis que de nombreux titres rappellent les efforts précédents, d’autres semblent tout droit sortis d’un EP de OneRepublic. En délaissant le piano et la légéreté de ses débuts, les membres de The Fray s’éloignent ainsi de leurs premières merveilles, malgré quelques chansons nettement au dessus du lot, telle Give It Away. Finalement, le groupe nous laisse là où nous étions restés : aux portes de l’Olympe, confortablement installés entre deux nuages. _On aime : Shadow and a Dancer, Closer to Me, Wherever This Goe _Emmanuel Van Elslande

The family rain Under The Volcano

On pensait la formule épuisée après l'avènement des Whites Stripes, Black Keys ou plus récents Band of Skulls, et pourtant le trio anglais de The Family Rain parvient à surprendre le monde du blues rock avec son premier album. Ici pas d'arrangements pompeux, mais plutôt 3 frères truffés d'ingéniosité qui gagent l'auditoire de riffs dévastateurs pour un résultat aussi puissant en studio qu'en live, comme en témoignent les démentiels Trust me...I'm a Genius et Reason to Die.On reprochera néanmoins aux Anglais d'avoir dévoilé une trop grande quantité de leurs chansons avant la sortie de l'album (7 sur 10!), laissant ainsi une évidente impression de déjà-vu, petit bémol qui ne gâche toutefois rien au plaisir. _On aime : Trust me... I'm a Genius, Pushing it, Reason to Die _Bazil Hamard

_Playsound × _Mars 2014 × _Chroniques × _23

_Elie Dib


_DOSSIER

Ça n'engage que moi : Les victoires de la musique télévisuelle

Un vendredi soir comme un autre. Préférant les appels de mon sofa plutôt que ceux de mes amis bourrés (que je reverrai le lendemain soir avec la mine déjà fatiguée de la semaine cumulée avec la soirée de la veille), je me décide à regarder la télévision et, oh bonne idée, à me brancher sur les Victoires de la Musique. Refroidi par l’annonce de la non-venue des Daft Punk à cette cérémonie, je me laisse toutefois tenter, cherchant à comprendre toutes les mauvaises critiques entendues ici et là sur cette soirée, qui, bon gré mal gré, a lieu tous les ans en dépit du peu d’audimat qu’elle engendre. Et que je comprends ces nombreux Français qui ne prêtent pas attention à une telle émission. Il m’aura fallu deux minutes et 30 secondes exactement pour me rendre compte de la nullité de cette cérémonie. Une animatrice qui n’arrive pas à lancer la soirée, des invités formatés avec un manche à balai dans les fesses, des spectateurs dont la moyenne d’âge aux premiers rangs frôlent la soixantaine, bref on est bien loin des shows à l’américaine type Grammy Awards ou MTV Music Awards.

Alors certes, on ne demande pas à avoir une Miley Cyrus en train de nous faire des gestes explicites pour égayer notre soirée, mais qu’il serait de bon ton de bien vouloir organiser une véritable émission mettant en avant nos artistes français. Si les NRJ Music Awards semblaient être une bonne idée, la caricature de cette émission, commerciale et avec peu de crédibilité au vu des nominés (pratiquement tous étrangers), nous ramène à ce problème de fond qu’est le manque de reconnaissance des talents français dans notre beau pays. La télévision est l’un des médias les plus utilisés de nos jours. Vecteur d’informations mais aussi de nouveautés, il est capable de mettre en avant la richesse de notre culture musicale. Seulement, le seul programme jusqu’à présent potable (Taratata) a toujours été diffusé en fin de soirée. Qui a dit que les amateurs de musique étaient des noctambules ? Si Internet reste l’unique refuge pour pouvoir vivre pleinement de sa passion (merci les FB, Myspace et autres My Major Company), force est de constater que pour notre petit écran, il manque cette émission de référence, où les styles se mélangeraient, alternant pop avec électro, rock avec jazz, tout en faisant la part belle à de jeunes talents en pleine explosion. Ce programme, diffusé en prime-time, serait l’occasion de tester des formations en live, tout en récompensant les groupes de l’année dans un cadre dynamique avec un public composé de connaisseurs et non de groupies de Rihanna ou fan de la tenue vestimentaire de Will.i.am. À l’image d’un Philippe Manœuvre en maître de cérémonie, qui nous rappellerait d’où vient le blues (il vient de là), on nous envierait, au-delà des frontières, d’avoir remis la musique au centre de la vie des personnes… C’est alors que la voix de Virginie Guilhaume, citant l’album de Kavinsky « Outroune » (ndlr : Outrun en réalité), vint me réveiller de mes rêves et me décida à appuyer définitivement sur n’importe quelle autre touche de ma télécommande. _Elie Dib


La musique régit ta vie ? Tu souhaites intégrer une équipe dynamique et motivée ? Participer à l'élaboration d'un projet et travailler sur un média

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_INTERVIEW

_Playsound × _Mars 2014 × _Interview × _26

TWenty one pilots À l'occasion de leur passage à Paris pour un concert au Nouveau Casino, les Américains de Twenty One Pilots répondent à nos questions avec sourire et sincérité. Un moment à partager au son de leur excellent premier album Vessel, publié sous Fueled by Ramen.

Votre style musical est très particulier, voire unique, inédit. Mêlant parties rappées, parlées, chantées, et y incluant du ukulélé, du piano, ainsi que des percussions très brutales et rapides, il pousse au questionnement. Comment composez-vous un tel son, rien qu’à deux ?

Excusez-nous pour cette première question qui doit vous sembler très ordinaire, mais votre nom nous intrigue. D’où viennent donc ces vingt et un pilotes ?

T.J. : Nous écrivons les chansons que nous aimerions découvrir. Nous sommes d’une génération de kids qui a accès à tout ce qu’elle désire lire, voir ou entendre. Les portes de la découverte nous sont grandes ouvertes. Nous sommes ainsi capables de jeter un coup d’œil à tout et n’importe quoi. Dans ce long cheminement, nous n’avons finalement jamais entendu personne faire ce que Twenty One Pilots fait. Josh et moi voulions quelque chose qui sonne frais, qui ne soit régi par aucune règle. Avec un peu de chance, nous pourrons continuer à composer de cette manière, et jouer la musique qui nous ressemble non seulement en tant que musiciens, mais aussi en tant qu’auditeurs.

Tyler Joseph (chant, claviers, ukulélé) : Le nom du groupe est Twenty One Pilots pour une raison assez personnelle. Avant d’arriver au lycée, je jouais dans une œuvre appelée All My Sons d’Arthur Miller. Le personnage principal avait pour rôle de produire des pièces d’appareils aériens durant la Première Guerre Mondiale. Un jour, il réalisa que tout un ensemble de ces pièces était non conformes, à cause d’un dysfonctionnement industriel. Il se demanda alors s’il devait envoyer celles-ci afin d’être rentable et de survivre économiquement, ou s’il devait plutôt les rappeler et en interdire l’envoi et l’utilisation. Finalement, le héros décida de les fournir, et vingt-et-un pilotes militaires perdirent la vie dans leur appareil. La fin de cette pièce est tragique, se concluant avec le suicide de ce personnage empli de regrets et de tourments. Si le parallèle avec notre musique peut étonner, il se concrétise dans notre façon d’approcher l’écriture et la représentation en tant que groupe. Nous avons en quelque sorte fait le choix d’envoyer ces pièces, en l’occurrence nous-mêmes, au risque de nous y brûler les ailes. Mais la morale est aussi que chaque histoire a son propre message, et que le nôtre est encore loin d’être immortalisé par les grands auteurs. Nous en sommes les maîtres et, en quelque sorte, parfois les pilotes qui peuvent rapidement perdre tout contrôle. Toutes nos décisions comptent, et c’est ce que notre nom nous rappelle chaque jour.

Votre premier album, Vessel, a reçu un excellent succès critique, en plus de joncher les tops albums de sites reconnus comme AbsolutePunk ou PropertyofZack. Vous avez même atteint les charts Billboards avec plusieurs de vos singles. Comment avance le processus d’enregistrement du second album ? T.J. : Pour le moment, nous continuons à promouvoir Vessel sur les routes, suivant les instructions qui nous sont données en termes de calendrier. Comme vous pouvez le voir, pour le moment nous sommes toujours en train de parcourir la planète, et la tournée actuelle est loin d’être la première en Europe, sur peu de temps. Nous sommes aujourd’hui très occupés, et il est parfois difficile d’écrire pendant ce temps passé à cent à l’heure. Malgré tout, nous en profitons également pour créer, et de nombreuses chansons ont déjà été composées pour la suite. Parallèlement, nous profitons de ces longues tournées pour jouer nos premiers titres, que nous n’avons pas joué depuis longtemps, parfois bien plus que le public ne l’imagine. Nous y prenons énormément de plaisir, et préparons le prochain chapitre avec impatience.


En janvier, vous avez parcouru l’Australie avec You Me At Six et Paramore. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos de cette expérience ? Joshua Dun (batterie) : Nous avons la chance de connaître les membres de Paramore, également signés sur notre label Fueled by Ramen, depuis un petit moment maintenant. Nous nous sommes vus assez régulièrement sur la tournée, au point de devenir proches. Enchaîner les concerts autour du globe, c’est beaucoup de plaisir, mais également de lourds sacrifices. Dès lors, lorsque vos amis, votre famille et votre foyer commencent à vous manquer, c’est toujours un plaisir de trouver distraction et réconfort auprès de nos compagnons de route. Nous vivons tous la même expérience, et nous retrouver en collectif favorise logiquement l’arrivée de moments particulièrement agréables et amusants. Chaque jour, nous voyions des visages différents, ce qui rend ce genre de tournée inoubliable. Nous adorons ces deux groupes, musicalement et personnellement, et nous devrions prochainement nous retrouver, même si nous-mêmes ne savons pas encore où, quand et comment ! La veille de la nouvelle année, la vidéo de Truce, sixième single issu de l’album Vessel, a été mise en ligne. Doiton y voir la fin d’un chapitre, et de son exploitation à travers vos clips vidéo ? T.J. : Mark, qu’en penses-tu ? Mark (coordinateur audiovisuel du groupe) : De ? T.J. : Penses-tu que l’on devrait encore tourner une ou deux vidéos pour Vessel ? M. : Ça pourrait se faire. T.J. : C’est Matt, mon colocataire. Il est responsable de l’ensemble des animations visuelles au cours de nos shows, mais également de la réalisation de nos clips. Vous savez, beaucoup de groupes choisissent de ne sortir des vidéos que pour deux, trois ou quatre singles de leur album, exploités en radio. Cependant, nous pensons que nos chansons s’accordent particulièrement avec l’exercice visuel, et que, si cela est envisageable, chacune mérite d’être illustrée et de prendre tout son sens dans une vidéo que nous aurons imaginée et produite. Je pense donc qu’il y en aura d’autres, nous adorons créer. Et pour cela, nous ne voulons jamais nous arrêter, même lorsque le temps nous manque. Si cela se trouve, ce soir une idée émanera de l’un de nos esprits, et un nouveau clip sortira demain. Cela ne dépend que de nous.

à nos proches, et nous y attachons de l’importance car nous aimons les personnes qui nous les ont conseillées. Dans cette logique, Twenty One Pilots est aujourd’hui en Europe. Donc la prochaine fois, si vous avez aimé le concert, amenez un ou deux amis, et dans quelques années, peut-être que de grandes salles se rempliront pour nous ici, qui sait ! (rires) Josh, nous avons récemment découvert sur ThoughCatalogue.com que votre album préféré était Take Off Your Pants and Jacket de Blink-182, un classique que nous adorons également. Dans cette optique, nous nous demandions quelles sont les influences de vos compositions hybrides, et en quoi elles affectaient votre façon de jouer ? J.D. : Oui, c’est vrai que j’ai cité cet album de Blink comme album préféré. Il me fascine, car à cette époque, c’était un album très mainstream. Il mêlait des éléments pop, punk, rock, parfois même des prémices d’influences hip hop. Cet album m’a fait mûrir et, à travers ses origines, m’a fait découvrir d’autres grands groupes comme NOFX ou Fugazi. De cette manière, j’ai appris à garder une certaine culture pop, notamment à travers Twenty One Pilots. Notre musique est bourrée d’influences punk rock, mais reste malgré tout relativement accessible et facilement appréciable. C’est ce que j’adore avec Blink-182. C’est un simple trio, composé de membres charismatiques aux goûts musicaux différents, aux façons de vivre et d’écrire qui divergent mais qui a su démocratiser un genre entier, et le rendre accessible à tous à travers une synergie extraordinaire. J’adore le fait de mélanger de nombreux composants de toutes sortes et en faire quelque chose de beau et admirable.

J.D. : Ça a vraiment commencé là-bas. T.J. : Oui je pense que ça a débuté là-bas, là où peu de groupes émergent. Malgré tout, la scène locale est très active et reste constamment à l’affût des producteurs pour sortir de cet « état sans gloire ». Pourtant, il regorge de grands talents, qui n’ont rien à envier aux scènes plus célèbres, comme New York, Nashville ou Los Angeles. Au final, nous avons juste parlé de notre musique à nos amis, qui en ont parlé aux leurs, etc. De cette façon, nous avons pu jouer de plus en plus souvent, de plus en plus loin. Au final, nos premiers managers ont été nos amis. De nos jours, le bouche à oreille reste la manière la plus sincère et efficace de se faire connaître. Nous découvrons chaque jour de nouvelles choses grâce

© Lindsey Byrnes

Vous êtes originaires de l’Ohio. Est-ce que votre succès grandissant a commencé là-bas ou plutôt de manière globale, sur Internet?


Vous assurez souvent en live une reprise de la chanson Con te Partiro d’Andrea Bocelli, que vous avez également utilisée pour votre chanson Time to Say Goodbye. D’où vous est venue cette idée ? T.J. : Mmh. La raison est assez simple au final : j’ai toujours adoré cette chanson. Nous l’avons retravaillée à notre façon, y avons ajouté notre identité sonore, afin de pouvoir la reprendre sans pour autant renier le titre original, qui nous a toujours plu. Hélas, nous ne la jouerons pas ce soir à Paris. Nous l’aurions ajoutée au set avec plaisir, mais tout le show lumières est déjà programmé... Mais on aurait vraiment aimé pour la peine ! J.D. : Quand j’ai découvert la musique de Taylor, c’est son travail sur cette chanson qui m’a intrigué. C’est son ancien batteur, premier de Twenty One Pilots qui m’avait passé une mixtape, et j’avais immédiatement accroché à sa vision. Progresser, en regardant constamment derrière soi, les erreurs et cauchemars du passé, pour en tirer des leçons et aller de l’avant, même lorsque l’avenir semble trouble. C’est une politique que nous embrassons et que nous défendons à travers notre travail. C’est cette envie d’avancer qui nous pousse à continuer d’être musiciens.

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Avez-vous pu profiter de la capitale aujourd’hui malgré tous les préparatifs du concert ? Attendez-vous quelque chose de particulier de la part du public français et de ce soir ? T.J. : J’ai eu l’occasion de visiter quelques heures, grâce à un réveil bien (trop) matinal. Ma petite amie était en ville, donc c’était une occasion parfaite de la voir. J’ai pris le métro, le taxi, me suis baladé dans des lieux bien trop clichés et touristiques pour que je les cite (rires). Mais très sincèrement, cette ville est superbe. J’ai rarement vu d’aussi belles choses en si peu de temps. Concernant le public, nous espérons surtout les séduire et nous dépasser pour les remercier d’être présents, alors que nous ne sommes jamais venus ici. C’est toujours une fierté de rencontrer pour la première fois ceux qui nous écoutent au quotidien et nous permettent de croire en nos rêves.

Vous vivez toujours dans l’Ohio ? Est-ce juste un attachement viscéral à votre comté d’origine ou l’envie de rester loin des distractions ? T.D. : En vérité, je m’apprête à déménager. Cependant, ce choix n’a rien à voir avec notre amour pour l’Ohio, un État auquel nous devons beaucoup. Le motif est très simple : si la température en Ohio était de 25 degrés de moyenne sur l’année, je serais resté. Beaucoup de personnes là-bas vivent passionnément le changement des saisons, l’hiver glacial et sec, l’été vivifiant mais étouffant, etc. Hélas, je suis personnellement très perturbé par ces changements de rythmes et de paysages. Tyler, par exemple, y trouve de l’inspiration. C’est pour cette raison qu’il reste à Columbus, une ville, je le répète, que j’adore. Mais de mon côté, j’ai spirituellement besoin d’endroits plus tropicaux. Columbus est une ville qui respire la créativité, de nouvelles choses y naissent chaque jour, entre les jeunes artistes peintres, les créations de t-shirts et les boutiques d’œuvres d’art locales. Elle tiendra toujours une place spéciale dans mon cœur. Certaines de vos chansons contiennent des allusions religieuses, notamment chrétiennes. Malgré tout, vous vous défendez d’être un simple groupe de « rock chrétien », comme Hillsong par exemple. Qu’apporte cette composante passionnelle à vos réalisations ? T.J. : C’est une très bonne question. Nous ne nous sommes jamais considérés comme un groupe de rock chrétien. En même temps, de nombreux musiciens seraient plutôt repoussés par l’idée de se coller une telle étiquette, qui limite tout de même l’audimat à un segment très ciblé, sur des critères bien particuliers. Nous assumons notre conviction sans revendiquer notre appartenance à quelconque genre, dans quelque industrie ou culte que ce soit. Sur l’album, c’est plus l’ouverture de mon journal intime, à base d’histoires très personnelles, souvent secrètes jusque-là. Nos chansons traitent d’une conversation établie avec quelque chose de plus grand que nous. Nous ne savons pas s’il s’agit de Dieu, d’une entité ou juste d’un concept. C’est plus une force qui nous pousse à constamment nous poser de nouvelles questions sur nousmêmes et à sans arrêt chercher à y apporter des réponses,


Concernant votre setlist, avez-vous un morceau préféré à interpréter en live ? Un titre que vous prenez plus de plaisir à jouer ? T.J. : Ce n’est pas une question évidente... La mienne serait Trees. Nous cherchons à donner une version live assez fidèle de l’album, avec une setlist proche du déroulement de Vessel, afin de créer une seule et même expérience, et de l’orchestrer par le versant live de notre musique. Quand vous êtes sur les routes, vous vous préparez chaque jour, pendant vingt ou vingt-deux heures, au concert du lendemain. Pour cela, beaucoup d’énergie est nécessaire. Lors du concert, ce poids se fait sentir. Mais à un instant, parfois le plus difficile à négocier, une chanson m’apporte une force fascinante qui m’habite et me permet de revivre à nouveau et de trouver la force de me surpasser sur la fin du concert. Cette chanson a un sens tout particulier pour moi.

Une dernière question : si nous regardions vos iPods en ce moment, qu’y verrions-nous ? Quelles sont vos recommandations ? J.D. : Je suis surtout sur du Dr Dre en ce moment... (rires) T.J. : J’écoute surtout du Death Cab for Cutie et du Sigur Ros. C’est plus calme que ce que nous écrivons, mais c’est également un genre qui nous inspire énormément. Ils dégagent une sérénité sublime que nous espérons atteindre un jour, en murissant au fil des expériences. J.D. : L’autre jour, je suis tombé sur Riceboy Sleeps, le projet de Jonsi, le chanteur de Sigur Ros, avec son petit ami. Je pense que ça te plaira, c’est un superbe album. Oh oui, vous devriez y jeter un œil. J.D. : C’est comme une aventure, c’est vraiment magnifique. Ce que nous écoutons transforment nos émotions et nos humeurs. Je le reniais étant plus jeune, mais c’est tout à fait vrai. Riceboy Sleeps est le genre d’albums qui vous transporte et vous permet de vous échapper. Et c’est cette musique que nous aimons par-dessus tout. _Emmanuel Van Elslande

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même si nos recherches sont souvent parfois infructueuses. Nous ne sommes décidemment pas un « groupe chrétien », mais notre musique se rapporte en quelque sorte à la Foi, si nous pouvons l’appeler ainsi.


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