Poly 149 - Mai 2012

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Magazine N°149 MAI / JUIN 2012 www.poly.fr

Nicolas de Leyde Bouleversement sculptural Les radios alsaciennes Embouteillage sur les ondes Festivals DANS(E), Nouvelles, Premières, Perspectives, Contre-Temps Ronchamp Renzo Piano dialogue avec Le Corbu

Culture

Un peu de tendresse, bordel de merde !


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La Compagnie Songes © Y. Isnard

BRÈVES

Attrapeurs de lune Les arts de la rue s’invitent à Meisenthal, du 25 au 27 mai, conjuguant théâtre forain et traditionnel. Pour le festival Demandez nous la lune ! une soixantaine d’artistes, dont Annibal et ses éléphants, revisitent des œuvres connues de tous, faisant participer les spectateurs. Des créateurs débutants dans le métier et très prometteurs comme Projet D partagent leur passion de la scène et des contes modernes en présentant des pièces de théâtre. Trois jours aux allures lunaires pour un décollage garanti. www.halle-verriere.fr

Jeux de mains

Jam Session

Du 1er au 3 juin, le Festival Jazz dans les vallées va faire résonner Senones et son abbaye. Les équipes de Scène2 et Hélicoop ont réuni des groupes de choc pour faire swinguer la région. Bruno Régnier ouvre le bal en mettant en musique The mask of Zorro, un film muet. Lisa Doby et Grégory Ott partagent un univers d’émotions, entre écriture et improvisation, voyages et souvenirs d’enfance. Mais le jazz, c’est aussi sets d’improvisation, cafés concerts et balades musicales.

Ciné X’Tet © Joachim Bertrand

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René Lalique, Vase tourbillon, réédition d’une oeuvre de 1926

www.jazzdanslesvallees.fr

Jusqu’au 23 juin, le musée Lalique à Wingen-sur-Moder propose à ses visiteurs de se glisser dans la peau d’un maître verrier. Plusieurs “ateliers découvertes” ayant pour thème l’art floral ou la photographie permettent de s’inspirer des techniques utilisées par René Lalique. Pour les plus petits, modelages en chocolat et jeux de pistes seront une manière ludique d’éveiller leur curiosité et de percevoir différemment cet univers. www.musee-lalique.com

Colorful

old fashion

Un univers décalé, des couleurs acidulées, c’est ce que propose la boutique Polychrome qui a établi ses quartiers dans la rue de l’Arcen-ciel, à Strasbourg. Du mobilier aux formes douces, des objets déco franchement originaux, des accessoires de mode des années 1950 à 1970, les passionnés de vintage vont vibrer. Une immersion dans une bulle chaleureuse où le temps passé prend des allures éclectiques. www.boutique-polychrome.fr Poly 149 Mai 12

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© Rita Carmo

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BRÈVES

Music Mix

© Rita Carmo

Du 24 au 27 mai, la cour du cercle Saint-Martin à Colmar se transforme en joyeuse guinguette pour accueillir la 16e édition du Festival Musiques Métisses. Le Lézard offre quelques jours de programmation musicale. Mélodie tzigane, bossa jazz, electro séfarade et chant populaire italien se mêlent harmonieusement. Une ambiance colorée se dessine autour des saveurs des cuisines du monde. Éric Mensah ajoutera une touche d’exotisme avec une initiation à la capoeira brésilienne. www.lezard.org

Mercredi 16 mai le PréO d’Oberhausbergen va vibrer au son du Bal de l’Afrique enchantée, la version live de l’émission de France Inter qui raconte une Afrique en perpétuel mouvement. Soro et Vlad, deux conteurs, seront aux manettes pour animer cette soirée. Les DJs Parisoul et les Mercenaires de l’Ambiance traduiront la pulsation sonore de ce continent, enchaînant rumba congolaise, afrobeat nigérian, jazz éthiopien et high-life ghanéen. www.lesnuits.eu

Toujours des p’tits trous… L’École d’Art Gérard Jacot accueille à Belfort l’exposition de Dominique de Beir, Work in Progress jusqu’au 19 mai. L’artiste explore une sorte d’écriture braille, perforant tous les supports (papier, carton) avec des objets pointus, jusqu’à la limite de l’anéantissement du matériau. Entre composition et destruction, opacité et transparence, Beir bouscule le vocabulaire de la peinture et propose des œuvres offertes au regard comme au toucher.

© Dominique de Beir

www.ecole-art-belfort.fr

Chin chin Cherry

« Les galets sont des rejets de cours d’eau. La pierre comme ancrage. Les galets se rencontrent et s’entrechoquent. » Ces quelques mots aux allures poétiques résument Crise sur la Cerise, l’exposition du photographe Philippe Paret et du plasticien Mohammed El Mourid. Les 12, 13, 19 et 20 mai au Kaysersguet, à Strasbourg, le spectateur se retrouvera plongé au sein d’une expérience sensorielle : il pourra saisir la subjectivité du temps et le caractère provisoire des images. www.philippeparet.fr

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© Philippe Paret

Saga Africa

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GRAAL THÉÂTRE

M E R L I N L’ENCHANTEUR 9 > 25 mai • De Florence Delay et Jacques roubauD • Mise en scène Julie

brochen et christian schiaretti • > Création avec les troupes et les équipes du TNS et du TNP de Villeurbanne • 03 88 24 88 24 • www.tns.fr

Réagir sur le

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BRÈVES

Imprégnation ensemble © Marion Galut

Coup double

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© Benoît Linder

NR

Deux événements à venir dans l’actualité de l’artiste Marion Galut qui tiendra une conférence le samedi 26 mai, à 15h, à la Médiathèque de Neudorf. Elle s’exportera ensuite à Bâle, du 8 juin au 6 juillet, où ses photographies seront présentées à côté d’objets de Janos Fajo. www.mediatheques-cus.fr http://mariongalut.free.fr

Hors champ Jusqu’au 26 mai la Médiathèque de Sélestat reçoit l’exposition Instants de cinéma. Le photographe de plateau Benoît Linder, compagnon de route de Poly, pénètre dans les coulisses du 7e Art et scrute tous les talents et métiers nécessaires à la création d’un film. Chargé de capter les moments d’exception, ce témoin privilégié nous fait partager des instants de vie des comédiens, techniciens, régisseurs ou cuisiniers. Rien n’échappe à son regard acéré… www.mediatheque-selestat.net www.benoit-linder-photographe.com

Talkin’ bout

a Revolution La Médiathèque de la vieille Ile de Haguenau plonge au coeur d’une révolution intellectuelle. Du 15 mai au 16 septembre, l’exposition Humanisme et imprimerie à Haguenau au XVe et XVIe siècles : le patrimoine antique dévoile de précieux écrits. Résultat d’un programme de recherche transfrontalier entre quatre universités, les auteurs latins (Virgile, Cicéron) et grecs (Homère, Lucien ou Démosthène) jouent leur vedette et traversent le temps avec des textes qui n’ont pas pris une ride. Scholia in Topica Ciceronis

Set acro­

batique

Ils ont créé le buzz l’été dernier avec leurs 24h de mix et sont de retour à Strasbourg, samedi 19 mai à La Laiterie. Dans une ambiance électrique et un rythme de haute voltige, electro, techno et rock vont s’enchaîner aux platines. Le duo 2manydjs, avec ses 55 000 références, est dans les starting blocks, prêt à enclencher la dance machine à électrocombustion. www.laiterie.artefact.org

www.mediatheque.ville-haguenau.fr Poly 149 Mai 12

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www.evidanse.ch www.relaisspectaclesfrancesuisse.eu

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F

ÉMON NNE, DEL IE B T, R O F BEL

Soutiens principaux

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• graphisme : monokini.ch • photo : © Nathalie Domenech

1estival inte

de daINnTs-IeMIER, TAVANNES r e li a t n o et tranREsNfTrRUY, SAIGNELÉGIER, SA rjurassien OR


Cité des utopies

© EPCC Saline Royale

Pince-moi

je rev ! Martin Rev à Strasbourg, dans le cadre du festival Contre-Temps (du 6 au 17 juin, voir page 82) : un événement de pouvoir écouter ce mythe vivant du rock électronique, moitié de Suicide aux côtés d’Alan Vega. Le festival electrogroove & cultures urbaines convie sommités (Andy Smith, le DJ érudit de Portishead) et nouvelles têtes (Phenomenal Handclap Band) durant une manifestation émaillée de temps forts : expos, pelouses sonores (avec Mr Day en live…), Split mix, etc. www.contre-temps.net

Pour le 12e Festival des jardins, du 1er juin au 12 octobre, la Saline Royale d’Arc et Senans expose Amitiés Végétales, en hommage à Rousseau, herboriste passionné. Les Rêveries du promeneur solitaire ont été la clé d’inspiration de cet écrin de verdure. Au son des interventions musicales de Schilingi, tapis fleuris, sols mouvants, dénivelés de fleurs et bassins brumisés sont offerts aux flâneurs. Une nuit passée au cœur de ce site classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO permet de poursuivre l’aventure sensorielle. www.salineroyale.com

Diamonds

are forever Sainte-Marie-aux-Mines accueille, du 21 au 24 juin, la Bourse Internationale aux minéraux, gemmes et fossiles. Troisième événement mondial du genre (après Tucson et Munich), ce rendez-vous est devenu incontournable pour les professionnels comme pour les amateurs de pierres, d’objets de décoration ou de bijoux. www.sainte-marie-mineral.com

Terre d’asile © Estelle Lagarde

• graphisme : monokini.ch • photo : © Nathalie Domenech

BRÈVES

Du 28 avril au 31 mai, la photographe Estelle Lagarde nous immerge dans un univers oscillant entre merveilleux et bizarre. À la Galerie Radial Art Contemporain de Strasbourg cette artiste livre un témoignage poignant sur son passage en terre cancéreuse. Forte de son expérience face à sa lutte contre le cancer du sein, elle fixe sur papier les soubresauts de son imaginaire. Entre post-modernité et délices surannées d’un monde classique à jamais disparu, des images fortes sont données à voir. www.radial-gallery.eu

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BRÈVES

Ouvrez ! Votre plan en main (à se procurer dans les Offices de Tourisme ou à la Boutique Culture), partez à la découverte des Ateliers ouverts. Petites incursions dans les antres des artistes prévues les week-ends des 5 & 6 et 12 & 13 mai, à Strasbourg, Mulhouse ou même Kehl. http://ateliersouverts.net

Come-back

Du 3 au 25 mai, la Maison de la Région (Strasbourg) présente une exposition sur Yossel de Rosheim (1478-1554). Elle relate la vie et l’œuvre de cette grande figure du judaïsme alsacien et européen ayant vécu à la Renaissance qui s’était fait l’avocat de ses coreligionnaires et avait réussi à leur obtenir la protection de l’Empereur Charles Quint.

© Judenfleck in Gelber Ringform

d’un héros

www.region-alsace.eu

Dingo ! Les Médiathèques de la Cus présentent Fous d’images, du 1er au 15 juin. À découvrir : les bonhommes et petites bestioles de bric et de broc qui sortent de La Fabric de Christian Voltz ou L’Abécédaire de la colère d’Emmanuelle Houdart (voir image). À cette occasion, l’exposition Mignon mais pas trop jette un regard sur l’imagerie enfantine, chassant le rose bonbon et explorant un drôle de pays des merveilles décrit par Morgan Navarro, Anouk Ricard ou Manu Boisteau. www.mediatheques-cus.fr

Le Caveau du Taps Scala accueille, du 22 au 26 mai, la première création du théâtre Destinerrant, Rat qui passe, d’Agota Kristof. C’est l’histoire de Bredumo, personnage de pouvoir vivant sous une dictature répressive qui voit surgir les souvenirs du jeune homme qu’il était. Sept comédiens font vivre cette intrigue à l’aide de dialogues acérés. Cette pièce tragicomique très actuelle, soulève des thèmes comme la manipulation et la responsabilité individuelle.

© Valentin Michaut

www.taps.strasbourg.eu

Sunday

Morning

Le 27 juin, la Halle aux Vins de Colmar reçoit Le Velvet de Rodolphe Burger. L’alchimiste du rock français, à propos de sa réinterprétation des chansons du groupe mythique : « J’ai découvert avec le Velvet que le rock n’était pas seulement une histoire de teenagers, mais qu’il était peut-être l’art contemporain par excellence. » Un concert hommage aux accents électriques et envoûtants.

© Eric Legret

Jeff Koons, Balloon Dog (Red), 1994–2000, European Private Collection, © Jeff Koons Studio, New York

Coup de théâtre

www.colmar-expo.fr Poly 149 Mai 12

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sommaire

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20 Entretien avec Daby Touré en concert à Bischheim

22 Dossier : Les radios en Alsace 26 Louis Sclavis enflamme Jazzdor Strasbourg-Berlin 30

Merlin l’Enchanteur, utopie théâtrale au TNS

34 Festival Nouvelles, plongée dans les

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chorégraphies de demain

42 Antiklima (X), huis clos schwabien de Mathias Moritz à Hautepierre

44 Nicolas de Leyde, un sculpteur moderne du XVe siècle à Strasbourg

46 Retour du festival Premières, place aux jeunes ! 48 L a DANS(E) dans tous ses états à La Filature de Mulhouse

58 Les toiles de jeunesse de Renoir au Kunstmuseum

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72 Du Hohwald au Champ du Feu, grand classique de la balade

78 Un monastère signé Renzo Piano à Ronchamp

COUVERTURE

34 Dans Magnificat, la metteuse en scène polonaise Marta Górnicka constitue un incroyable chœur d’une vingtaine de femmes, dénonçant l’image sociale imposée au “deuxième sexe” ainsi que les persistances des pressions patriarcales dans les sociétés européennes. Signée du photographe Krzysztofiak Krzysztof, cette photo capte la force et l’engagement de comédiennes à découvrir au festival Premières, à Strasbourg (lire pages 46-47). www.chorkobiet.pl

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OURS / ILS FONT POLY

Emmanuel Dosda (né en 1974) Il forge les mots, mixe les notes. Chic et choc, jamais toc. À Poly depuis une dizaine d’années, son domaine de prédilection est au croisement du krautrock et des rayures de Buren. emmanuel.dosda@poly.fr

Ours

Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert)

Thomas Flagel (né en 1982) Théâtre moldave, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs algériens… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes depuis trois ans dans Poly. thomas.flagel@poly.fr

Dorothée Lachmann (née en 1978) Née dans le Val de Villé, mulhousienne d’adoption, elle écrit pour le plaisir des traits d’union et des points de suspension. Et puis aussi pour le frisson du rideau qui se lève, ensuite, quand s’éteint la lumière. dorothee.lachmann@poly.fr

Benoît Linder (né en 1969) Cet habitué des scènes de théâtre et des plateaux de cinéma poursuit un travail d’auteur qui oscille entre temps suspendus et grands nulles parts modernes. www.benoit-linder-photographe.com

Stéphane Louis (né en 1973) Son regard sur les choses est un de celui qui nous touche le plus et les images de celui qui s’est déjà vu consacrer un livre monographique (chez Arthénon) nous entraînent dans un étrange ailleurs. www.stephanelouis.com

Éric Meyer (né en 1965) Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés (chaussures, avions…) s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain, mis en lumière par la gravure. http://ericaerodyne.blogspot.com/

Ours tricolore abandonné à Lyon, fin 2011 Photo : Emmanuel Dosda www.poly.fr RÉDACTION / GRAPHISME redaction@poly.fr – 03 90 22 93 49 Responsable de la rédaction : Hervé Lévy / herve.levy@poly.fr Rédacteurs Emmanuel Dosda / emmanuel.dosda@poly.fr Thomas Flagel / thomas.flagel@poly.fr Dorothée Lachmann / dorothee.lachmann@poly.fr Ont participé à ce numéro Sophie Barthélémy, Marie-Camille Chicaud, Pierre Reichert, Irina Schrag, Charlotte Staub, Daniel Vogel et Raphaël Zimmermann Graphistes Pierre Muller / pierre.muller@bkn.fr Anaïs Guillon / anais.guillon@bkn.fr Maquette Blãs Alonso-Garcia en partenariat avec l'équipe de Poly © Poly 2012. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. ADMINISTRATION / publicité Directeur de la publication : Julien Schick / julien.schick@bkn.fr Co-fondateur : Vincent Nebois / vincent.nebois@bkn.fr

Audrey Canalès (née en 1973) La plasticienne, illustratrice et pro des nouvelles techno, auteure de créations oniriques peuplées de créatures mihumaines mi-chimériques, explore le dessin en l’enrichissant d’apports numériques ou vidéo. Ses performances mêlent arts visuels et musique live avec le groupe Away From Luka. www.audreycanales.com

Administration, gestion, diffusion, abonnements : 03 90 22 93 38 Gwenaëlle Lecointe / gwenaelle.lecointe@bkn.fr Nathalie Hemmendinger / gestion@bkn.fr Publicité : 03 90 22 93 36 Julien Schick / julien.schick@bkn.fr Catherine Prompicai / catherine.prompicai@bkn.fr Vincent Nebois / vincent.nebois@bkn.fr Magazine mensuel édité par BKN / 03 90 22 93 30 S.à.R.L. au capital de 100 000 e 16 rue Édouard Teutsch – 67000 STRASBOURG Dépôt légal : mai 2012 SIRET : 402 074 678 000 44 – ISSN 1956-9130 Impression : CE

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COMMUNICATION BKN Éditeur / BKN Studio – www.bkn.fr



édito

quand j’entends le mot culture…

Par Hervé Lévy Illustration signée Éric Meyer pour Poly

Avec Aéronautique domestique, Éric Meyer expose ses gravures chez Ligne Roset (8 quai Kellermann à Strasbourg) du 24 mai au 14 juillet

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À la fin des années 1930, Baldur von Schirach, Reichsjugendführer déclarait : « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver. » Une des “phrases choc” du XXe siècle que le chef de la Hitlerjugend n’avait pas inventée, puisqu’elle figure – un peu différemment certes – dans Schlageter (1933), pièce de Hanns Johst dont les compromissions avec le nazisme sont patentes. Bien plus tard, Alain Finkielkraut déformait ironiquement la formule, écrivant dans La Défaite de la pensée (1987) : « Ils sont de plus en plus nombreux ceux qui, lorsqu’ils entendent le mot “pensée”, sortent leur culture. » Depuis, les années ont passé. Vingt-cinq, exactement. Peu à peu, elle s’est déplacée hors du champ du politique, se métissant et s’hybridant. Depuis 1997, on parle de Ministère de la Culture et de la Communication. On pourrait y adjoindre les fêtes, la jeunesse et les sports pour faire bonne mesure. À Strasbourg, Daniel Payot est adjoint au Maire à l’action culturelle, un glissement sémantique signifiant. Voilà deux exemples, parmi une multiplicité de possibles. Dans la campagne électorale qui s’achève, laissant face-à-face les deux poids lourds annoncés par les sondages, la culture est la grande absente. On a pourtant parlé de tout et de n’importe quoi – surtout – glosant sur la gratuité du permis de conduire. Primordial, n’est-il pas ? Chez François Hollande, dans

les Soixante Engagements pour la France, on note la volonté de « soutenir l’accès à la culture et la création artistique », le candidat du PS promettant, entre autres, un retour au taux de TVA à 5,5% pour le livre. Dans la Lettre de Nicolas Sarkozy au peuple français, encore moins : « La culture des peuples européens et leur demande d’identité doivent aussi être respectées. » Des deux côtés, pas grand-chose, en résumé. Des déclarations creuses pour les uns, la défense d’un bilan presque inexistant pour les autres. La volonté, partout sous-jacente, que la culture soit rentable, qu’elle “rapporte” comme tout secteur économique normalisé. Dans ces temps de crise où l’argent vient cruellement à manquer, tout le monde se fout d’un domaine désormais secondaire, “secondarisé” serait plus exact. A-t-on besoin d’une réelle politique culturelle aujourd’hui ? Évidemment, oui… On ne va pas rappeler ici ses vertus, mais les hommes (et femmes) politiques répondent de manière dilatoire, histoire de masquer le néant de leurs programmes respectifs. On a évoqué les deux présidentiables, on pourrait parler d’autres. Aujourd’hui, lorsqu’un candidat entend le mot culture, il ne sort… plus rien. Ni flingue, ni propositions. Ses yeux exorbités annoncent une funeste panne d’idées. À moins que ce ne soit un tragique vide abyssal que l’on essaie de combler en ânonnant des banalités. Dire que c’est reparti pour (au moins) cinq ans.

P O T w


Cecilia Bartoli

Sonny Rollins

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Découvrez un monde de musiques Saison 2012/13

Philharmonie Luxembourg & Orchestre Philharmonique du Luxembourg Ticketing (+352) 26 32 26 32 www.philharmonie.lu

Valery Gergiev

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LIVRES – BD – CD – DVD

BOOK NOT DEAD Professeur de littérature anglaise à l’Université des Antilles et de la Guyane et chercheur à l’Université de Haute-Alsace, Olivier Larizza publie un “Petit essai sur le livre à l’âge numérique”, sous-titre de l’ouvrage. À l’ère d’Internet et des supports électroniques, l’imprimé est-il condamné ? Quelles seraient les conséquences de l’avènement de l’e-book sur nos sociétés ? Dans un texte engagé et érudit, l’auteur explique, en une centaine de pages, que « le livre a ses raisons que la raison ne livre pas », rajoutant : « Chacun de nous (…) possède des exemples de sa relation irrationnelle, amoureuse, fantaisiste, aux livres. » Alors oui, Gutenberg est bien vivant ! Même si, aujourd’hui, La Querelle des livres bat son plein, « le roipapier n’est pas mort ; tout au plus tremble-t-il sur son trône. » Pour information, le livre d’Olivier Larizza est également disponible… en version numérique. (H.L.) Olivier Larizza, La Querelle des livres, publié chez Buchet / Chastel (13 €) www.buchetchastel.fr Rencontre avec l’auteur, samedi 19 mai à 15h, à la Librairie Kléber (Strasbourg) www.librairie-kleber.com

L’ÎLE DU DR. DORÉMUS Sur l’île isolée où ils s’ennuient ferme, quatre animaux créent, à leur image, un être hybride : corps de panthère, bras de boa, tête et bec d’oiseau exotique et oreilles en forme d’ailes de papillon. Cette créature, baptisée dans un premier temps Tonio, est dénuée de vie jusqu’à ce qu’un éclair lui insuffle langage et pensée. Le Strasbourgeois d’adoption Gaëtan Dorémus, devenu enseignant aux Arts déco d’où il est sorti diplômé en 1999, signe un album aussi somptueux qu’étonnant (à lire dès 6 ans) entièrement dessiné au crayon. La palette de couleurs chatoyantes, utilisée en aplats et en traits serrés, offre un rendu éclatant sur un papier blanc craie. Une fois n’est pas coutume, c’est le texte, sans bulles, qui permet de distinguer le temps des actions et l’avancée dans la narration : Tonio se révèle dépasser les attentes de ses créateurs, questionnant leur “paternité” et le transfert qu’ils opèrent sur lui. L’altérité magnifiée… en toute beauté. (T.F.) Gaëtan Dorémus, Tonio, Édité au Rouergue (16 €) www.lerouergue.com

BLANC C’EST BLANC Jusqu’au 22 mars, on pouvait voir, à la Galerie du Quai, une exposition intitulée Blanc rassemblant les travaux de vingt étudiants des options design de l’École supérieure d’Art de Mulhouse et des Arts déco de Strasbourg. Pour l’accompa-

gner a été édité un ouvrage, albus alba album, en forme de carte blanche laissée à l’artiste Marc Thébault et à la physicochimiste Carole Ecoffet. Mots et images s’entrelacent pour explorer les interactions entre culture scientifique, technologies innovantes et création artistique : angelots bizarroïdes, photographies à sens multiples, compositions énigmatiques… Un collector sexy et intelligent (tiré à 500 exemplaires), malheureusement hors commerce. Poly en a dégotté cinq pour ses lecteurs : envoyez un mail à redaction@poly.fr pour réserver le votre. Premiers arrivés, premiers servis. (R.Z.) Livre produit par le Pôle Alsace d’Enseignement supérieur des Arts www.lequai.fr – www.esad-stg.org

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LIVRES – BD – CD – DVD

ORCHESTRAL

MANOEUVRES La participation au Herzfeld Orchestra est un passage obligé, un service obligatoire. Pour les membres du label strasbourgeois, pas de séances de saut à l’élastique pour renforcer l’esprit de groupe, mais de grands plongeons musicaux le temps de shows collectifs et d’enregistrements de disques communautaires où l’on mouille le poncho. Le second album du grand orchestre pop alsacien est fortement marqué par la présence des voix féminines oniriques, planant au-dessus de compos dynamiques, éloignées du folk intimiste auquel Herzfeld fut longtemps associé. Les gars et les filles de Crocodiles Inc., d’Electric Electric, de Roméo & Sarah, d’Original Folks, etc. ont co-signé des pépites synthpop (Midlife Poncho s’ouvre sur King of the Hill, un tube en puissance) mêlant mélodies bien fagotées (la palme est remise à Drums Of Dawn) et références aux eighties assumées. Lumineux. (E.D.) Midlife Poncho d’Herzfeld Orchestra, édité par Herzfeld (12 € sur le site du label) – www.hrzfld.com

LA NUIT AU MUSÉE 3 Mayumi Otero, jeune artiste strasbourgeoise issue de l’Ésad, moitié d’Icinori (duo auteur de l’affiche du festival OH !, voir page 29), signe le troisième volume des promenades au musée initiées par la collection Ramino. Magnifique livre / objet qui se déplie comme un accordéon ou fresque sur papier glacé ? Une rêverie dans un univers évoquant les tapisseries du XVIIIe, les estampes anciennes colorées et l’illustration contemporaine rehaussée de touches

fluorescentes. Une historiette enfantine, une escapade dans une jungle verdoyante, un aller-retour entre réalité et imaginaire. Un conte pour amateurs d’art où l’on peut déjeuner sur l’herbe avec Manet ou visiter La Grande Odalisque d’Ingres. La morale de l’histoire ? La peinture, au sens large du terme, a un pouvoir insoupçonné. (E.D.) La Promenade au musée de Mayumi Otero, édité par la Réunion des Musées Nationaux Grand Palais (10 €) www.rmngp.fr

Lever le voile de l’indicible Claire Audhuy et Baptiste Cogitore, duo du collectif Rodéo d’âme, signent un livre de témoignages dans lequel nous est livrée, de manière brute, la parole de trois anciens déportés. Nous y découvrons comment Georges Snyders chantait de la musique tsigane inventée par ses soins à un Kapo, échappant ainsi quelques dizaines de minutes chaque jour, à ses charges de travail. Pour lui, « chanter était reconquérir un peu d’humanité » à Auschwitz où « les chefs nazis écoutaient Bach avec délectation tout en continuant à brûler les Juifs. Cela pose un problème : les limites de la culture. Je parlerais alors de schizophrénie. Ils étaient portés par une idéologie proprement nazie du mépris des Juifs. Mais un amour de la beauté avait survécu en eux : coexistence de deux idéologies différentes. » Une parole parmi d’autres, preuve s’il en fallait que la mémoire est plus qu’un devoir, une pensée sur le présent et l’avenir. (D.V.) Les Auschwitz, témoignages de Georges Snyders, Jacqueline Fleury et Walter Spitzer, Éditions Rodéo d’âme, Collection L’OiseauMouche (16 €) – www.rodeodame.fr

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CINQ QUESTIONS À…

daby touré Il aurait pu continuer à vivre au milieu des troupeaux en Mauritanie… Le sort en a voulu autrement et Daby Touré, en concert à Bischheim, est devenu un chanteur adepte d’une musique ancrée en Afrique et ouverte sur le monde.

Par Emmanuel Dosda Photo d’Emma Picq

À Bischheim, à La Salle du Cercle, vendredi 11 mai 03 88 33 36 68 www.salleducercle.fr

Lang(u)age, nouvel album de Daby Touré, à paraître le 11 juin chez Polydor

La musique était-elle une évidence pour vous, sachant que votre père, membre du groupe Touré Kunda, a longtemps tenté de vous en éloigner ? Mon père avait peur que son fils ne poursuive pas ses études et qu’il se perde dans la musique. C’est une passion depuis toujours et je m’y suis initié seul, prenant la guitare paternelle en cachette et écoutant les disques et cassettes de mes oncles. Je leur dois la découverte de Chris de Burgh, de Dire Straits, des Beatles ou, surtout, de Police. J’ai grandi avec la musique traditionnelle et j’ai perçu tous ces groupes comme une révélation.

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À l’âge de 18 ans, en 1989, vous quittez l’Afrique pour vous installer en France. Comment avez-vous vécu ce changement ? Nous ne nous sommes pas exilés à cause des événements en Mauritanie comme c’est parfois raconté à mon sujet, sans doute pour enrober l’histoire… J’ai suivi mon père, qui devait retrouver ses frères du groupe Touré Kunda, car il voulait que j’étudie à ses côtés. J’avais déjà beaucoup bougé, en Mauritanie ou au Sénégal, et la France a été une étape de plus. Ça n’a pas été facile de laisser une partie de ma famille, de quitter des choses que j’avais construites, mais j’ai vite su m’adapter, me faire de nouveaux amis.

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Certaines de vos chansons parlent des tensions en Afrique… Comment percevez-vous le climat social, notamment dans le Nord du Mali ? Je vis ça très difficilement, évidemment, car j’ai de la famille au Mali. Ces perturbations 20

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existent depuis très longtemps. Le pouvoir de l’argent, les gouvernements, l’Occident qui a occupé cette zone géographique, la Libye déstabilisée… il ne s’agit pas uniquement d’une histoire de Touaregs, les causes sont multiples. Je constate qu’une région, où les gens ont toujours pratiqué l’Islam dans la paix, est aujourd’hui dans la tourmente et que toute une population de pauvres gens qui n’ont rien demandé à personne est en train de morfler ! C’est une réalité que vous décrivez dans vos chansons… Vous percevez-vous comme un photographe qui fait une sorte d’état des lieux ? J’essaye de décrire ces choses mais avec un


On voudrait me définir, me mettre dans une case. De la world ? De la chanson ? Qu’importe, je fais des expériences.

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peu de poésie. Je raconte le monde dans sa cruauté comme dans sa beauté et cherche à parler de l’homme : ce qu’il est capable de faire en bien ou en mal. J’ai beaucoup voyagé et me rends compte que nous ne sommes pas grand-chose sur terre. Souvent, je lève la tête vers les étoiles et me dis que l’homme n’est rien du tout. Je ne suis rien… je veux simplement profiter de la vie et faire ce que j’aime : de la musique. Maxime Le Forestier et Oxmo Puccino interviennent sur Lang(u)age, votre nouvel album qui, encore une fois, mêle les genres et brouille les pistes. Peut-on dire que vous faites non pas

de la musique du monde, mais de la musique mondiale ? La vraie musique du monde, c’est le blues : des esclaves noirs jouant, aux États-Unis, un style qui se frottera à d’autres et que tout le monde jouera ! On voudrait me définir, me mettre dans une case… De la world ? De la chanson ? Qu’importe, je fais des expériences. Si des scientifiques de plusieurs nationalités travaillent ensemble, dira-t-on qu’ils font de la “science mondiale” ? Ils font des recherches et aboutissent à quelque chose. Depuis que je suis petit, on m’a appris à ne pas rester dans une seule culture, dans un seul domaine. J’ai toujours vécu avec des gens très différents de moi.

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DOSSIER

la fm bande encore ? Has been, la radio ? Fréquences associatives qui se démènent, indépendantes revendiquant une mission de proximité ou grosses machines rêvant de débarquer sur nos ondes… Virée sur la bande FM alsacienne qui déchaîne encore les stations.

Par Emmanuel Dosda Illustration d’Audrey Canalès pour Poly

S

ept février 2012. Au Club de la presse, Pierre Bellanger, président fondateur de Skyrock, soutenu par un Abd Al Malik déterminé, s’indigne. Selon lui, il est « inacceptable » que son bébé, “premier sur le rap”, reste absent des ondes strasbourgeoises. L’objet de sa convoitise ? Une des trois fréquences récemment libérées. Il faut signaler qu’en Alsace, en raison de la proximité de la frontière, la FM est très encombrée. Skyrock et les autres prétendants ayant répondu à l’appel à candidatures, lancé par le Comité territorial de l’audiovisuel (CTA) basé à Nancy, devront patienter jusqu’à l’automne pour une réponse définitive du CSA. Celui-ci opère les réaménagements du plan de fréquences dans une volonté de « pluralisme des courants d’expression socioculturels » ou encore d’équilibre des catégories de radios (voir encadré). Même si le CTA demeure discret quant au nombre de candidats, on nous glisse que « Strasbourg est une ville très demandée. » Ceci prouve que, malgré la diversité des supports et la multiplication des webradios (Radio Capsule, Mulhouse Net Experience, la franco-allemande EuroDistrict), la radio est un secteur qui se porte très bien et reste suivi par des annonceurs qui ne désertent pas les ondes.

Les indés et la proximité

Lire l’article Y a-t-il un Fip pour sauver la FM ? sur www.poly.fr

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2 Lire l’entretien dans son ensemble sur www.poly.fr

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La “probable” arrivée de Skyrock n’effraye pas du tout Agnain Martin, président de Dreyeckland : « Ça ferait du mal à NRJ ou Virgin mais c’est tout. » Cette radio ciblée “seniors”, à l’origine Radio verte Fessenheim, station écolo et gaucho, fut « l’une des premières radios pirates de France, avant l’autorisation des fréquences par l’état en 1981 ». En 1997, arrivée « en bout de course », la radio associative devient commerciale suite à l’investissement « important » d’Agnain Martin.

Dreyeckland, « leader sur les 35 ans et plus depuis plus de 10 ans en part d’audience », est présente sur plusieurs fréquences en Alsace, avec son équipe de quatre journalistes et ses deux antennes, à Mulhouse et à Strasbourg. Démarrage dès 5h du mat’ avec des émissions à thèmes, parfois délocalisées (sur le marché de Noël…), où l’on privilégie la proximité et l’on parle, entre autres sujets, de nos amis les bêtes. « Il faut faire preuve d’autorité pour lui montrer qui est le maître ! » conseille-ton à l’antenne… Selon son président, par ailleurs administrateur du groupement national des Indés Radios, « les indépendantes, avec leurs stratégies d’entreprises, leurs lignes éditoriales et leurs équipes salariées ont la puissance commerciale la plus forte grâce à 8 millions d’auditeurs par jour, en cumul, devant RTL qui n’en a que 7. » La prog’ de Top Music, « première radio indépendante d’Alsace » créée en 1982 (elle fête ses 30 ans le 26 mai au Zénith de Strasbourg), n’est pas franchement révolutionnaire (James Blunt, Jean-Louis Aubert, Dire Straits…), mais son « esprit pop rock » séduit un autre auditorat : la tranche des “jeunes adultes”. « 100% produite en Alsace, avec une information locale importante », elle reste en « contact direct avec les acteurs régionaux », insiste Hervé Aeschbacher. Le responsable promo de Top évoque une radio « faite ici pour les gens d’ici » et le « service » rendu aux auditeurs (les inforoutes…).

Service public

Top Music, qui bénéficie d’une très forte notoriété, est avant tout une radio musicale : relativement peu de parlote, donc, contrairement à France Bleu Alsace. Faisant partie d’un réseau de 43 stations, cette dernière se positionne comme une radio de talk, forte d’une dizaine de journalistes et d’émissions comme


DOSSIER

La radio est un secteur qui se porte très bien et reste suivi par des annonceurs qui ne désertent pas les ondes

Parlons-en ! Alexandre Tandin, rédacteur en chef, ne mâche pas ses mots : « Il n’y a pas d’équivalent. Aucune autre n’a le ¼ du 10e de la moitié de notre contenu rédactionnel. » Sa voisine de palier, Fip, n’a peut-être pas la même force de frappe, mais elle bénéficie d’un réel capital sympathie auprès d’un public “cultureux”. Véronique Hilaire, directrice de Fip Strasbourg : « Les sondages sont au beau fixe : nos auditeurs – entre 30 et 65 ans – sont curieux, ouverts et passionnés de musique. » Après une période de trouble en 20101, six animatrices sont en direct, de 7h à 19h, afin de donner leurs tuyaux culturels. « Les antennes locales sont un relais important pour la communauté Fip. D’ailleurs deux directs par région sont envisagés cette année. »

radiostars Les radios sont classées selon six catégories. La catégorie A rassemble les radios associatives, subventionnées, dont les ressources publicitaires ne peuvent excéder 20 % du budget : RBS, Accent 4 ou Radio Judaïca. La B concerne les radios commerciales comme Top Music ou Dreyeckland. Suivent la C (les commerciales locales diffusant le programme d’un réseau national : Nostalgie Strasbourg, Virgin Radio Alsace, RFM Strasbourg…), la D (les commerciales thématiques nationales : FG, Europe 1, Nostalgie…) et la E (les commerciales généralistes à vocation nationale : RTL, Europe 1 ou RMC). Ne pas oublier les radios de service public, hors catégories : France Bleu, Fip, etc.

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Associactives

DOSSIER

RBS a également eu chaud en 2003 où elle dépose le bilan… mais est relancée en 2005 (avec une dette de 130 000 euros à rembourser sur dix ans) et semble aujourd’hui ragaillardie. Stéphane Bossler, responsable d’antenne, n’est plus l’unique salarié : DJ Talri, chargé de la matinale d’infotainment (6h à 10h), vient d’être engagé et une troisième personne devrait rejoindre les rangs d’une radio autour de laquelle gravitent une centaine de bénévoles. Radio Bienvenue Strasbourg s’est professionnalisée, mais reste fidèle aux musiques blacks et aux résidents étrangers qui ont leurs émissions, depuis 1981, « par choix éditorial, pas par obligation » insiste Stéphane. De 10h à midi, il présente un talk show, mélange d’interviews en direct (actu culturelle, politique…) et de reportages (à l’issu de spectacles…), destiné à un auditeur « urbain et branché », entre 25 et 35 ans. « Nous proposons de longs entretiens, des discussions de fond, en tête à tête. Un blanc ou une hésitation ont du sens ! Sur France info, il n’y a même plus de rythme tellement c’est haché. »

pour obtenir les moyens d’émettre 24h / 24, 7 j / 7. » L’attitude du CSA quant aux radios associatives ? « Je crois qu’il faut élargir le champ de la réflexion, tant en termes de politique publique de l’offre médiatique et de contenu que d’offre culturelle. Je suis un ardent défenseur de l’idée d’un label type “art et essai” qui reconnaîtrait la démarche d’un certain nombre de radios, à l’instar de ce qui se fait dans le cinéma. » La toile est-elle l’espace de liberté rêvé ? Pour Mulhouse Net Experience, Internet n’est pas une fin en soi. La webradio « dans l’esprit des radios libres des années 1980 », selon son fondateur JeanLuc Wertenschlag, rassemble des bénévoles autour d’une prog’ musicale pointue et d’émissions originales (une interview de Bertrand d’At, ancien directeur du Ballet du Rhin, par des rappeurs). Elle s’est créée suite « au refus répété du CSA d’une fréquence, alors même qu’il n’y a pas de radio dédiée au monde associatif à Mulhouse. La FM, présente dans toutes le voitures, est incontournable. 99% des Français ont un poste de radio ! » Pour MNE, on n’écoute pas de la même façon la FM et la webradio… deux médias qui demeurent complémentaires.

Préparer l’avenir

Et d’annoncer fièrement : « Si on a eu Ellroy, Hollande, Jospin ou Gorbatchev, c’est grâce à la qualité de notre travail. RBS fait 15 000 auditeurs par tranche horaire : c’est beaucoup, mais forcément moins bien moins que NRJ. » Ou que Top Music, « une radio locale qui donne l’impression d’être nationale comme Virgin ou NRJ », lance-t-il avant de s’interroger : « Quelle place est accordée aux radios associatives, comment sont-elles considérées ? » Il pointe du doigt deux stations contraintes de partager une même fréquence : Arc-en-Ciel, radio pour la “diffusion de l’évangile”, et Radio En Construction qui revendique « une politique d’édition radiophonique fortement ancrée dans la création sonore », dixit Thierry Danet2, son président, également directeur de La Laiterie. REC est cantonnée à sa demi-fréquence depuis ses débuts, ceci « malgré des demandes systématiques lors de tous les appels à candidatures 24

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Hervé Aeschbacher de Top Music se demande « comment les gens vont consommer la radio dans cinq ans ? » Impossible à dire, mais chacun prépare le terrain, notamment en renforçant sa position sur Internet, conscient que les habitudes changent et « qu’on n’impose pas un programme aux plus jeunes qui préfèrent picorer, choisir un podcast ou un replay » note Stéphane, représentant d’une radio présente sur la toile (comme la plupart de ses “concurrentes”)… mais qui ne propose pas encore ces options. Et en anticipant l’arrivée de la radio numérique terrestre qui permettrait de bénéficier d’un son de qualité supérieur et règlerait la problématique de pénurie de fréquences ? « L’investissement est-il nécessaire ? Aujourd’hui, avec un simple smartphone, on peut écouter n’importe quelle radio de n’importe où », remarque Hervé Aeschbacher. « Son coût est tellement important que peu de radios auraient les moyens de cet équipement », note Stéphane Bossler qui va plus loin : « Ça serait une manière d’éteindre les radios associative qui ne peuvent en aucun cas accéder à cette technologie. » Selon le CTA, « il n’y a pas encore unanimité de la profession sur l’opportunité d’introduire le numérique. » Le projet reste en stand by… le temps de trouver un « modèle économique satisfaisant ». Les bonnes vieilles radios hertziennes ont encore quelques beaux jours devants elles et du temps pour mettre en place une stratégie.



défricheurs de jazz Dernier projet du clarinettiste Louis Sclavis, l’Atlas Trio insuffle une des nombreuses doses d’énergie et d’urgence délivrées au cours du Festival Jazzdor Strasbourg-Berlin, exemplaire collaboration franco-allemande où se croisent des jazzmen à la réjouissante curiosité sonore.

Par Sophie Barthélemy Photo d’Olivier Degen

Louis Sclavis Atlas Trio, mardi 5 juin à Berlin, au Kesselhaus de la Kulturbrauerei dans le cadre de Jazzdor Strasbourg-Berlin (du 4 au 7 juin) www.jazzdor-strasbourgberlin.eu

uand le festival Jazzdor propose à Berlin le meilleur du jazz contemporain en croisant musiciens allemands et français, cela donne une onction européenne à un genre radicalement vivant. On y entendra des musiciens comme Wanja Slavin, François Corneloup, Daniel Humair et Marc Ducret durant quatre soirées pour une douzaine de concerts, où l’on retiendra aussi la collaboration entre instrumentistes du Conservatoire de Strasbourg et du Jazz Institut de Berlin, pour un orchestre commun (le 7 juin). Dans ce programme dense, le nouveau projet de Louis Sclavis se détache. Que le clarinettiste soit un des plus audacieux et productifs de la scène hexagonale et mondiale n’est plus à démontrer. Tel un Éric Dolphy en phase expérimentale constante, il irrigue de façon éclatante cette musique, en sachant souvent se mettre en péril et en s’entourant d’artistes de tous les horizons et de tous les âges, à la recherche d’une modernité et d’une nouveauté insatiables. La nouvelle phase de mutation sclavisienne aborde une terra incognita enthousiasmante, dans une tradition européenne d’improvisa-

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tion, âpre et belle. Sclavis y règne en pilier majestueux, souffleur d’une force rare, sa clarinette sonnant tantôt charmeuse, tantôt ravageuse. Ainsi, l’Atlas trio est constitué du guitariste Gilles Coronado au son vif-argent oscillant entre tentations rock et sonorités aériennes héritées d’un Bill Frisell, qui dialogue avec joie et finesse avec Benjamin Moussay. Ce dernier, avec piano et claviers électroniques, ouvre les vannes à des interventions étonnantes et impulse une énergie dans les compositions du trio, à coups d’improvisations et bidouillages technologiques d’une rare intelligence. L’Atlas trio est emblématique d’une capacité à croiser compos puissantes et impros sensibles. Il tranche l’atmosphère avec des morceaux ambient fascinants, qui sont soudainement déviés par des fulgurances de ces musiciens en fusion. Si le trio est bien la forme du jazz la plus resserrée et emblématique, celui-ci s’ouvre à des vents créatifs d’une exigence rare. Enfin, qu’ils sortent un disque sur le label allemand ECM offre un beau symbole à ce festival, pionnier d’une musique en constant mouvement, dont cette sixième édition est une nouvelle preuve.


Le Velvet Rodolphe Burger de

HALLE AUX VINS - PARC EXPO COLMAR -

Infos et réservation

03 90 50 50 50 www.colmar-expo.fr

Production déléguée : Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau Avec le soutien de la Spedidam La Cie Rodolphe Burger est financée par la DRAC Alsace

conception :

Coproduction : Compagnie Rodolphe Burger Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau Wart

RC Colmar : 388 014792B 289 • Lic.1 - 1027931 • Lic.3 - 1022810

27 juin 2012 I 20h00

Crédit photo : ©Julien Mignot

Avec Julien Perraudeau Alberto Malo Geoffrey Burton Joan Guillon Black Sifichi Sarah Yu Zeebroek


FESTIVAL – STRASBOURG

rêve américain Né d’un concert en appartement, le festival Strasbourg-Chicago a pris une belle dimension, traversant l’Atlantique avant de faire vibrer les salles strasbourgeoises. Rencontre avec l’initiatrice de cette étonnante aventure musicale, la plasticienne Audrey Canalès.

Par Dorothée Lachmann En photo : Ami Saraiya

À Strasbourg, au Café des Anges, à L’Artichaut, au cinéma Star et au Club Laiterie, du 29 mai au 1er juin www.strasbourgchicago.fr

Comment est venue l’idée folle de réunir, sur une même affiche, des musiciens issus des scènes indépendantes de Strasbourg et de Chicago ? L’histoire est assez rigolote ! Il y a quelques années, je suis allée aux États-Unis où j’ai retrouvé une amie américaine connue pendant mes études. Comme elle savait que je travaille beaucoup avec des musiciens, elle a insisté pour me présenter ses frères. J’étais assez sceptique… jusqu’à ce qu’ils jouent ! Au printemps suivant, en 2009, l’un d’eux, Jim Drake est venu en France. Je l’ai hébergé et organisé un concert dans mon appartement, en invitant quelques amis. Ils se sont pris une vraie claque ! Stéphane Kalk, du groupe Away From Luka, lui a tout de suite proposé de revenir à Strasbourg.

C’est ainsi que la première édition du festival Strasbourg-Chicago voit le jour en 2010, avec des groupes de deux villes… Oui, le principe est la rencontre entre les musiciens de chez nous et ceux de Chicago. Avec Stéphane Kalk, on écoute tout ce qui se fait à Strasbourg, dans le style folk, pop et rock. La scène rock fourmille de créativité. On programme souvent des découvertes : le critère de sélection n’est pas la notoriété mais que les groupes proposent quelque chose de captivant. Pour cette troisième édition, nous avons choisi quatre locaux : Luneville, qui fait de la pop electro, Chapel Hill, plutôt bluesy, le songwriter Manuel Étienne et Kaliayev. Ils seront entourés d’artistes chicagoans comme Ami Saraiya. Pour la première fois, le festival fait un aller-retour, puisque des musiciens alsaciens vont jouer à Chicago ! Jon Drake, frère de Jim, a tellement parlé du projet au fondateur du label Grape Juice Records que celui-ci a décidé d’organiser un “festival retour”, exactement sur le même principe : trois groupes strasbourgeois sont accueillis début mai dans l’Illinois pour donner une série de concerts avec des groupes américains. Ils seront logés chez l’habitant, comme nous le faisons ici avec les musiciens de Chicago, de façon à les immerger dans le mode de vie local. Quel sera le temps fort du festival, en France ? Chaque édition est clôturée par une création franco-américaine. Les musiciens travaillent ensemble pendant la durée du festival pour imaginer un concert autour d’un thème, d’une idée. Mais c’est top secret pour l’instant !

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MUSIQUE LIBRE – STRASBOURG

brother Dédié aux « musiques créatives d’aujourd’hui », le Collectif OH ! fête ses cinq ans. Présentation de frères d’armes rassemblés derrière une interjection qui est également le nom d’un festival.

Par Emmanuel Dosda Visuel d’Icinori

Festival OH !, à Strasbourg, du 12 (avec un Avant-propos à Stimultania) au 27 mai à L’Artichaut et au Hall des Chars www.festivaloh.com www.collectifoh.com

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www.collectifcoax.com

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www.grolektif.com

Centre d’enseignement et de développement de l’improvisation musicale – www.cedim.fr

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4 Association départementale d’information et d’action musicales et chorégraphiques du Bas-Rhin www.adiam67.com

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u jazz ? Si on fait simple… mais teinté de rock, de musique contemporaine, de pop ou de noise. De l’impro ? Pas exclusivement. Une « musique non commerciale, difficilement identifiable », selon le Collectif OH !, au départ nommé l’Improviste, confrérie d’une dizaine de musiciens, euxmêmes réunis au sein de nombreuses formations (Wunderklub, To Catch a Crab, Bloom K). Autant de terrains d’expérimentations où l’on tord le cou au “jazz à papa” sans renier son héritage. Christine Clément, Christophe Imbs et Francesco Rees, « canal historique » du clan (et membres de Polaroid3, entre autres), nous décrivent la genèse du collectif qui « correspond au moment où nationalement, beaucoup se sont formés : Coax 1 à Paris ou le Grolektif 2 à Lyon. » L’objet de OH ! est non seulement de rassembler des artistes animés par une passion commune, mais aussi de « tisser un réseau français, voire européen » et ainsi de pouvoir faire des propositions osées loin des « programmations institutionnelles trop sclérosées ». OH ! n’évolue cependant pas à mille lieues des salles subventionnées, l’équipe de Pôle Sud lui ayant notamment offert, cette saison, une série de cartes blanches lors de concerts “club”, en after. « Une vraie reconnaissance, une réelle confiance et une manière pour nous de toucher un autre public », se réjouissentils en espérant réitérer l’opération l’an prochain…

Les différents membres du collectif proposent régulièrement des master-classes et ateliers au Conservatoire ou à l’École du TNS, au sein du Cedim3 ou de l’Adiam4. L’action pédagogique est importante pour ceux qui présentent, en ouverture de festival (samedi 12 mai à Stimultania), une conférence de Samuel Colard dont l’intitulé est Qu’appelle-t-on “musiques actuelles” ? Le public est guidé, les amateurs sont impliqués. Un des moments phares sera d’ailleurs la restitution d’un stage (samedi 26 mai au Hall des Chars) de soundpainting, « de la peinture sonore entre impro et écriture, une direction d’orchestre à partir d’un alphabet de gestes », animé par le compositeur Étienne Rolin. Tout au long du festival, nous assisterons au résultat de workshops d’élèves du Cedim, à des concerts de groupes membres (La Poche à Sons ou Polaroid3 qui présentera son nouveau disque… signé sur le label OH !) ou émanant (Furieuz Casrols, Next Monday…) du collectif et de formations “amies”, DDJ (Paris), ICSIS (Lyon), etc. Des artistes avec lesquels la petite communauté partage des esthétiques et qui favorisent la prise de risque, « l’investissement scénique », la rencontre. Le trio, d’une seule voix : « Au début, nous étions loin d’avoir cette ouverture-là. Depuis quelques années, les choses se décloisonnent, des passerelles se sont édifiées entre les genres. Nous sommes traversés par nos découvertes et nos projets font partie de ce magma. » Poly 149 Mai 12

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ÉPOPÉE THÉÂTRALE – STRASBOURG & VILLEURBANNE

chevaliers de la table ronde Christian Schiaretti et Julie Brochen, directeurs du Théâtre national Populaire et du Théâtre national de Strasbourg, débutent une vaste utopie théâtrale : monter en dix pièces le Graal Théâtre, livre fleuve autour des légendes arthuriennes. Début de la quête avec Merlin l’Enchanteur.

Par Thomas Flagel Photos (de répétition) de Benoît Linder pour Poly

À Strasbourg, au Théâtre national de Strasbourg, du 9 au 25 mai 03 88 24 88 24 www.tns.fr À Villeurbanne, au Théâtre national Populaire, du 1er au 17 juin 04 78 03 30 00 www.tnp-villeurbanne.com Projections au cinéma Star de Perceval le Gallois d’Éric Rohmer (lundi 21 mai à 19h45) et de Lancelot du Lac de Robert Bresson (lundi 14 mai à 20h), suivie d’une rencontre avec Florence Delay, Jacques Roubaud et Julie Brochen

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e Disney à Kaamelott, en passant par les Monty Python, Rohmer ou John Boorman, les légendes médiévales mêlant chevalerie, magie et conte font partie de la culture populaire et de notre imaginaire. Pour écrire leur Graal Théâtre, Florence Delay et Jacques Roubaud ont « pillé de manière poétique et totalement revendiquée toutes les sources qu’ils pouvaient », explique Julie Brochen, « mêlant leur propre prose à ce matériau dans une réécriture oulipienne et ludique ». D’autres écrivains (Georges Perec, Francis Ponge…) avaient d’ailleurs été sollicités pour participer à l’aventure, dès ses débuts dans les années 1970. L’ampleur du projet, qui dura près de quarante ans entrecoupés de quelques pauses, découragea les plus téméraires.

Table ronde

En juin 2011, Christian Schiaretti mettait en espace le prologue du livre, Joseph d’Arimathie, posant les premiers jalons d’une épopée théâtrale réunissant deux plus grandes maisons de la décentralisation : le TNP et le TNS. « À l’heure où l’on demande de la mesure productive, nous faisons le choix de la démesure textuelle », s’enthousiasme le metteur en scène. « Le Graal Théâtre est un paquebot monumental, échoué dans la 30

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dramaturgie contemporaine, que personne n’avait osé aborder dans son ensemble. » Pour Merlin l’Enchanteur, les équipes artistiques mais aussi techniques strasbourgeoises et villeurbannaises ont été mélangées. Sur scène, vingt et un comédiens interprètent un florilège de personnages, dirigés par un duo assumant « des sensibilités et des esthétiques théâtrales différentes », se donnant « pour règle du jeu la mise en suspicion du metteur en scène roi. » Et Schiaretti d’ajouter : « Surtout en nous plaçant nous-mêmes dans la situation de la Table ronde, où le pouvoir est aboli. Une réaction à la dimension potagère du théâtre actuel où chacun croit que ses carottes sont plus belles que celles de son voisin. On se retrouve dans des marchés relatifs, comme Avignon, pour comparer nos produits. À l’inverse, nous faisons le choix de l’humilité et de la mise en commun. »

Sacré Graal

Merlin L’Enchanteur est une odyssée épique, fantastique et merveilleuse qui nous conte la vie et la mort d’un Merlin magicien, moqueur et insolent. Dans une langue aussi savoureuse qu’imagée, gorgée de clins d’œil et d’anachronismes, le grand enchanteur et manipulateur, « secrétaire d’état aux prédictions des aventures et à la diffusion des merveilles dans le


royaume de Logres », prend sous son aile Arthur, lui permet d’obtenir Escalibour (en vieux français dans le texte), de siéger à la Table ronde mais aussi d’épouser Guenièvre. Par ses connaissances et ses incroyables talents, Merlin multiplie les révélations qu’on aura tôt fait d’oublier – il invente le pique-nique, prédit le tourisme de masse des années 1960, Stonehenge, les découvertes de Newton… – parmi la multitude d’intrigues, de personnages et de lieux (Camaalot, Avalon, Brocéliande) qui se succèdent à une vitesse folle. Il se joue aussi des puissants et, en bon stratège, explique à son protégé, un brin dépassé par l’illustre futur que Merlin s’échine à lui garantir, tout l’intérêt stratégique de son union avec sa belle. « Nous sommes dans l’amour courtois, très codifié de l’époque. Celui d’Arthur pour Guenièvre est contractuel, basé sur l’intérêt militaire d’Arthur à avoir Léodegan comme allié », explique Christian Schiaretti.

Trappes et attrapes

Livre dans le livre, Merlin dicte le Graal à Blaise, scribe auquel incombe la lourde tâche d’écrire ce qui reste une énigme (qu’est-ce donc ?) d’après ses indications. Tout ce beau monde croisera la route de moult chevaliers (Nabur l’impétueux, Galaad le robot

éblouissant…), rois (Uterpendragon, Léodegan…) et belles, courtisanes ou promises, mais souvent dangereuses (Ygerne, Morgane…). D’autres seront précédés par leur légende comme Perceval ou Don Quichotte. L’esthétique de l’ensemble a été pensée « dans un principe d’émerveillement plus que d’érudition », admet Christian. « La tâche aurait été trop grande… » Et Julie de poursuivre : « La scénographie est une sorte de boîte à jouet unique pour l’ensemble du cycle. » Un plateau nu, sorte de pop-up géant avec des planches qui se lèvent pour former les arbres de la forêt ou qui s’ouvrent pour dévoiler un lac. Entre jeu de trappes et attrapes mécanisés, apportant une dose d’onirisme, des éléments d’époque peints sur d’immenses panneaux complèteront l’ambiance créée avec les chants celtes transmis par Yann-Fañch Kemener. Pour le couple de metteurs en scène, « le rêve serait qu’on ne sache plus qui a fait quoi à la fin des dix pièces. Le résultat est de toute façon une métaphore sur le Graal. Peut-être ne le trouvera-t-on jamais… Mais le projet reste excitant. »

À l’heure où l’on demande de la mesure productive, nous faisons le choix de la démesure textuelle

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harmony in the uk Deux œuvres du XXe siècle made in UK, mal connues sur le continent, signées Elgar et Walton : voilà l’alléchant menu du concert que nous propose l’Orchestre philharmonique de Strasbourg pour célébrer la Présidence britannique du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

Par Hervé Lévy Photo de Jean-Francois Leclercq

À Strasbourg, au Palais de la musique et des congrès, jeudi 24 et vendredi 25 mai 03 69 06 37 06 www.philharmonique. strasbourg.eu

Cet été (vendredi 31 août), il accompagnera la phalange strasbourgeoise au prestigieux Festival Berlioz de La Côte-saint-André dans Harold en Italie – www.festivalberlioz.com

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Un spécialiste des grandes œuvres chorales sacrées du répertoire qui s’occupe d’une série de DVD live incluant la Missa Solemnis de Beethoven, Die Schöpfung de Haydn, etc. – www.sdgmusic.org 2

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L

a soirée débute avec le Concerto pour violon et orchestre d’Edward Elgar (1857-1934) interprété par le virtuose qu’est Renaud Capuçon : au fil des années, l’ancien élève d’Isaac Stern est devenu un complice régulier de l’OPS1. Créée en 1910, cette pièce post-romantique est emplie de mystère. Son exergue rédigée en espagnol, « Aqui está encerrada el alma de… » (Ici se trouve enfermée l’âme de…), fait-elle référence à Julia H. Worthington, aimée du compositeur ? Impossible de le savoir. En somme, il importe peu que ce portrait en trois mouvements, à la fois pastoral et intimiste, soit le sien… ou pas. Le biographe d’Elgar, Michael Kennedy écrivait à ce propos : « Quelle que soit la personne dont le Concerto renferme l’âme, il renferme finalement celle du violon. » Et c’est cela le plus important ! Suivra, toujours sous la baguette experte du chef américain John Nelson 2, Belshazzar’s Feast (Le Festin de Balthazar, 1931), partition monumentale de William Walton (1902-1983) qui est, avec le War Requiem

de Benjamin Britten, la page chorale la plus intéressante du XXe siècle britannique. Cette immense fresque – une « symphonie chorale en trois mouvements » plus qu’un oratorio, selon l’expression de Walton – est inspirée d’un épisode biblique tiré de l’Ancien testament. Sa première partie narre la douleur des Hébreux, prisonniers à Babylone, dans une atmosphère pleine de peine et de tristesse. La deuxième nous entraîne au cœur du festin du roi qui utilise les vases sacrés que son prédécesseur, Nabuchodonosor, avait rapportés du Temple de Jérusalem pour invoquer les divinités païennes. La musique se déchaîne alors, tempête, tourbillonne et se fait tornade barbare avant une apothéose ressemblant à une frénésie d’une incroyable puissance. Mais ce festin sacrilège est le dernier du monarque qui va mourir en même temps que sa ville va chuter : l’œuvre s’achève par la célébration extatique du dieu d’Israël. Une louange heureuse et céleste s’élève vers les cieux, transcendante conclusion d’une partition d’une grande complexité technique pour tous ses protagonistes.


du 15 mai au 16 septembre 2012 conférences visites guidées ateliers

aux XV e et XVIe siècles

Humanismus & Buchdruck

im 15. und 16. Jahrhundert

Médiathèque de la Vieille Ile

24 rue André Traband 67500 Haguenau

EXPOSITION À LA MAISON DE LA RÉGION mediatheque@haguenau.fr - Tél. : 03 88 90 68 10 mediatheque.ville-haguenau.fr

DU 3 AU 25 mai 2012

LA RÉGION ALSACE EXPOSE...

Yossel de Rosheim La copie d’œuvres d’art de Dürer à YouTube

staat li c h e kunsthalle karls r u h e

21 avril - 5 août 2012

Du mardi au vendredi de 10h à 17h, samedi, dimanche et jours fériés de 10h à 18h Visites guidées en français les samedis 21.4, 5.5, 19.5, 2.6, 16.6, 30.6, 14.7 et 28.7 à 14h30 Hans-Thoma-Straße 2-6 D-76133 Karlsruhe www.kunsthalle-karlsruhe.de Aneta Grzeszykowska, Untitled Film Still # 22, 2006, Raster Gallery, Varsovie © A. Grzeszykowska / Courtesy Raster Gallery Varsovie

Avec le soutien de

entre l’unique et l’universel Un Juif engagé dans l’Europe de son temps et du nôtre

L’exposition «Yossel de Rosheim (1478-1554)» relate la vie et l'oeuvre de cette grande personnalité alsacienne, avocat des Juifs du Saint Empire romain germanique auprès des villes, des Princes et de l'Empereur et ceci dans son contexte historique, intellectuel et religieux.

1 PLACE ADRIEN ZELLER STRASBOURG DU LUNDI AU VENDREDI SAUF JOURS FERIES DE 9H À 18H • ENTRÉE LIBRE


Un peu de tendresse, bordel de merde ! © Karina Champoux & Aude Rioland

l’air du temps Pour sa 22e édition, le festival Nouvelles a sélectionné un florilège alléchant de soli, duos et autres vastes ensembles défrichant le rapport entre performance, danse et art. Plongée dans les chorégraphies de demain.

Par Irina Schrag

À Strasbourg (Pôle Sud, TNS, Maillon…), Erstein (Musée Würth) et à Sélestat (Frac Alsace), du 22 mai au 1er juin 03 88 39 23 40 www.pole-sud.fr

1 Le chorégraphe présente sa création de 2010, Micro, vendredi 25 mai au Théâtre de Hautepierre, voir p. 54 2 La pièce a été créée, fin avril, au Théâtre de Nîmes et co-produite par Pôle Sud

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À

Pôle Sud, l’on navigue entre fidélités renouvelées (le sublime Serge Aimé Coulibaly, l’étonnant Pierre Rigal sorti de sa Press1) et amour des découvertes et de l’inattendu. L’édition 2012 de son festival mêlant danse et performance est politiquement engagée. Alain Buffard signe un retour fracassant avec Baron Samedi 2 (le 30 mai au TNS). Le chorégraphe parisien s’inspire de Kurt Weill qu’il mâtine de culture vaudou dans un spectacle résolument engagé : « Je crois que l’art a cette capacité de défaire les présupposés culturels et politiques », assènet-il. « La convergence et la transaction des savoirs artistiques, chorégraphiques et surtout musicaux des artistes que je réunis ici permettent une nouvelle lecture de Kurt

Weill. » Ses performers noirs venus d’Afrique, des Caraïbes, de France et des États-Unis ne seront pas cantonnés à leurs habituels rôles stéréotypés. Alors que « l’on ne se pose pas la question de savoir si Jessye Norman est noire quand elle chante Schubert, il en va autrement pour la représentation des corps en danse », poursuit-il. Buffard se fait fort de renverser les us et coutumes, de « produire une multiplicité de circulations, entre les lieux, les conditions, les formations et les origines ». La figure du Baron Samedi donnant son titre au spectacle est un loa de la culture vaudou, c’est-à-dire un esprit permettant le passage de la vie à la mort que l’on retrouve dans toutes les cérémonies. Avec ses danses lascives et très sexuelles, il vient déranger les


FESTIVAL – STRASBOURG

croyants, charriant son lot de transgressions sociales. Souvent homosexuel, cette figure de l’inversion et les fantômes qu’elle convoque planeront autour d’un spectacle à la musique bigarrée et aux corps loin d’être ménagés.

Voguing

D’un regard sur le monde par le prisme de la culture américaine, il sera aussi question dans la confrontation entre le “voguing” 3 des sixties et la Post Modern Dance. (M) IMOSA, Twenty looks or Paris is burning at the Judson Church (le 22 mai à Pôle Sud) est porté par quatre chorégraphes phares de la nouvelle génération : l’Argentine Cecila Bengolea, le Français François Chaignaud, la Cap-Verdienne Marlene Monteiro Freitas et l’Américain Trajal Harrell. Ils mettent en balance leurs propres influences et identités artistiques en les confrontant à l’incroyable mouvement né dans les milieux gays et lesbiens, mais aussi transgenres d’afro-américains et de latinos de Harlem : le voguing. Cette forme radicale et inventive de performance – pastichant les usages, les codes et les comportements sociaux liés aux mondes de la mode et du luxe – conduit à un questionnement identitaire dont plus de quatre décennies n’ont pas suffit à venir à bout. Qu’ils soient juchés sur d’étranges pointes à talons rouges, enveloppés dans des combinaisons in-

tégrales de couleur chair ou qu’ils repoussent les limites de l’androgynie (torse nu dévoilant leur poitrine dans un look rock, le visage fardé pour recréer une barbe de trois jours dans un pastiche de clip pop où l’on se dandine comme sur MTV), les quatre danseurs / chorégraphes mettent leur propre pratique en question. Savoureux, choc, audacieux et plus que jamais moderne dans sa forme comme dans ses prises à partie existentielles.

Mal d’amour

Comme tout bon festival, Nouvelles a son spectacle démesuré. C’est le québécois Dave Saint-Pierre qui s’y colle à grands renforts de corps dénudés, de tapes sur les fesses, de midinettes en jupe hurlant gentiment sous les attaques frondeuses d’hommes habillés d’uniques perruques blondes peroxydées. Un peu de tendresse, bordel de merde ! (23 et 24 mai au Maillon-Wacken) déride les plus coincés, remue les plus audacieux avec son avalanche de situations, de discordes tendres et crues. Les jeux d’enfants des 18 interprètes envahissant l’espace dans des ébats et débats foutraques, loufoques et audacieux, sonnent comme le meilleur moyen de conjurer le sort : vieillissons mais continuons à brûler la vie par les deux bouts et à lui jeter un grand éclat de rire à la gueule.

Le label anglais Soul Jazz Records vient de sortir simultanément une compile, Voguing and the House Ballroom Scene of New York City 1976-1996, et un livre, Voguing and the House Ballroom Scene of New York City 1989-1992, avec de nombreuses photos de Chantal Regnault www.souljazzrecords.co.uk

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solo / duo Figures solitaire, gémellaires ou contradictoires sont prisées en danse contemporaine. En témoignent les solos attendus de Carlotta Sagna (Ad Vitam, 30 mai au TNS) qui explore la frontière psychique de la vulnérabilité et de la fragilité dans une confrontation texte / mouvement dont elle a le secret, et de Janet Novas (Cara Pintada, 22 mai à Pôle Sud), danseuse espagnole à l’écriture intimiste, profonde et exaltée. Ne manquez non plus Dans l’air du temps (25 mai à Pôle Sud), création de Gallerani et Poddigue, à partir de cette expression devenue cliché. Le temps qui passe, la fuite en avant, ce qui les fait se mouvoir aujourd’hui, le besoin de lâcher prise. Se donner de l’air, prendre le temps… et recommencer ! 03 88 39 23 40 — www.pole-sud.fr (M)imosa © Paula Court

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FESTIVAL – HAGUENAU

de la bombe De la rue à la scène, la Fanfare en Pétard laisse exploser une énergie joyeuse et communicative. Dans un détonant métissage de musiques, les six compères donnent le ton de la 21e édition de L’Humour des Notes.

Par Dorothée Lachmann Photo de Sophie Dungler

À Haguenau, dans la rue et au Millenium, mercredi 16 et jeudi 17 mai 03 88 73 30 54 www.humour-des-notes.com www.lafanfareenpetard.com

N

ée il y a une bonne dizaine d’années dans les couloirs du Conservatoire de Strasbourg, la Fanfare en Pétard a mis le feu à toutes les fêtes de village des environs. Mais c’est en 2005 que les choses sérieuses commencent avec l’arrivée de Gaston au chant et au saxophone alto. « Nous avons tous des influences très diverses et le métissage musical est devenu vraiment intéressant », confie le chanteur de la FEP. Hip-hop, ragga, jazz, ska, funk, tous les mélanges étaient bienvenus pour « ne pas faire ce qu’on entendait habituellement dans les fanfares ». Dès 2007, les dates s’enchaînent, les tournées s’organisent sur les routes de France et d’Europe, dans les festivals de rue. Les gaillards font un carton partout où ils passent. Leur vitalité hallucinante, surtout, séduit le public. L’envie de faire de la scène vient très rapidement. Mais alors, quid du “territoire naturel” de la fanfare ? « Les instruments, cuivres et rythmique, notre essence et notre fondement, sont toujours là. Mais sur scène, nous avons les moyens de développer un style plus electro, avec du sampling », explique

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Gaston. Pour preuve, le premier album Crame la mèche (2009). Le prochain, prévu pour l’automne 2012, annonce un côté plus sombre, à l’image du morceau Noir comme l’or, déjà disponible. « Certes notre héritage est festif, mais on se dirige vers autre chose. Je voudrais que les gens s’amusent, mais qu’ils ouvrent les yeux quand même. Qu’ils fassent la fête, mais pas juste pour oublier les difficultés de la semaine de travail. C’est dans cette idée que j’écris les textes. » Qu’on se rassure, pas question de plomber l’ambiance pour autant ! La Fanfare en Pétard n’a pas fini d’être volcanique. Elle s’est même entourée d’un metteur en scène, Sébastien Bizzotto, pour offrir un show encore plus détonant. Le groupe est à découvrir, au cours de L’Humour des Notes, dans deux configurations, dans la rue, en guise d’apéritif, puis sur scène dans un concert annoncé comme atomique.

à vos humours ! On se pousse du coude sur l’affiche du festival haguenauvien, tant les spectacles foisonnent et mettent l’eau à la bouche. Parmi les coups de cœur, citons PaGAGnini, imaginé par un quatuor espagnol déjanté – dont le violoniste virtuose Ara Malikian – qui revisite les grands airs classiques en les assaisonnant de standards pop. Ou encore le Match de Piano, au cours duquel les artistes écopent de pénalités loufoques, Sea, Sax and Sun par les DéSAXés, sans oublier l’inénarrable Duel Opus 2, porté par un duo hautement improbable. À voir en famille (dès 5 ans), Carrousel des Moutons est une merveille de poésie où le piano est à la fois partenaire mélodique et acrobatique. L’Humour des Notes, à Haguenau, Bischwiller et Schweighouse-sur-Moder, du 10 au 19 mai 03 88 73 30 54 – www.humour-des-notes.com


Crédit photo : ©Michel Loup Visuel Kathleen Rousset, graphisme Polo

Photographies subaquatiques de Michel LouP Du 1er avril au 31 octobre 2012

Moulins à paroles deux monologues d’Alan Bennett - Éditions Actes Sud Mise en scène Laurent Crovella Cie Les Méridiens, Strasbourg – création 2011 Taps Gare (Laiterie) du mardi 5 au samedi 9 juin à 20h30 dimanche 10 juin à 17h

info. 03 88 34 10 36 www.taps.strasbourg.eu

Moulin de la Blies / 125 Av. Blies / 57200 Sarreguemines / Tél. : 03 87 98 28 87 Jardindesfaienciers@mairie-sarreguemines.com / www.sarreguemines-museum.com


PEINTURE – MULHOUSE & HAGUENAU

à travers le miroir Même s’il est plus facile d’y voir une variation sur l’art floral, les peintures d’Anne-Sophie Tschiegg sont profondément abstraites. Sous les apparences d’une surface apaisée se découvrent de surprenants abysses.

Par Hervé Lévy Photo de Benoît Linder pour Poly

À Mulhouse, au Musée des Beaux-Arts jusqu’au 10 juin 03 89 33 78 11 www.musees-mulhouse.fr À Haguenau, à la Chapelle des Annonciades du 1er décembre 2012 au 20 janvier 2013 03 88 93 79 22 www.ville-haguenau.fr http://astschiegg.blogspot.fr

1 Elle se charge notamment d’illustrer la plaquette du Théâtre Jeune Public de Strasbourg et du Relais culturel de Haguenau 2 Peintre allemand www.janpetertripp.com

Partie souterraine et parfois subaquatique de la tige de plantes vivaces

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D

es compositions végétales avec leurs pétales colorés se déployant, complexes et raffinées, sur la toile. Voilà comment se présente, au premier regard, l’art d’Anne-Sophie Tschiegg. Mais ces “fleurs” ne sont qu’un « prétexte », tout sauf un motif. Sa peinture ressemble en effet à une plongée dans un univers organique abstrait, sans volonté de représentation aucune. Si elle prend le chemin des plantes, c’est « uniquement par accident », s’amuse l’artiste qui n’a pas exposé pendant une dizaine d’années. « J’avais le sentiment que ma production était une imposture, des “illustrations en grand” » explique celle qui est essentiellement connue comme graphiste1 et dont la peinture demeure un « jardin secret » jusqu’en 2007. Pendant des années, elle reste solitaire, travaille beaucoup, ne montre rien, n’étant jamais satisfaite, jusqu’à ce que Jan Peter Tripp2 la force à exposer, lui expliquant qu’à ce rythme-là, elle allait travailler toute sa vie sur la même toile et finir comme Joseph Grand, personnage de La Peste de Camus, qui passe son

temps à polir la première phrase d’un livre qui n’existera jamais. Dans cette exposition se déploient des toiles aux couleurs généralement sourdes marquées du sceau de l’urgence. Comme ceux de Georg Baselitz, Sigmar Polke ou Per Kirkeby, les gestes picturaux d’AnneSophie Tschiegg renferment une intense force intérieure, une sauvagerie qu’elle tente de contenir dans l’espace du tableau, mais qui dégouline, expressive, joyeuse et, parfois, inquiétante dans d’amples coulures et se manifeste dans les efflorescences de silhouettes qui ne sont finalement que des ectoplasmes floraux plein de frénésie. Derrière un calme apparent se cachent de profonds gouffres : si les toiles sont végétales, elles donnent à “voir” le sombre rhizome3 des plantes plutôt que leur éclosion joyeuse et solaire. Les couches de pigments, « plus d’une cinquantaine, bien souvent », s’accumulent, se stratifient sur une toile qu’elle a du mal à juger achevée. Alors parfois, elle écrit, en majuscules et bien proprement, THE END dessus. Histoire de mieux recommencer.


tomorrow never die En dédiant une de ses salles à des œuvres d’artistes contemporains, le Musée des Beaux-Arts de Mulhouse nous invite à penser Aujourd’hui pour demain.

Par Thomas Flagel Photo d’Airplanes and Angels de Mircea Cantor (2008) À Mulhouse, au Musée des Beaux-Arts, jusqu’au 3 juin 03 89 33 78 11 www.musees-mulhouse.fr

* Il récompense les artistes français ou résident en France, pour leur permettre d’acquérir une plus grande visibilité internationale www.adiaf.com

A

u rez-de-chaussée du bâtiment de la place Guillaume Tell, prennent place depuis le 17 mars les installations de six artistes montants de la scène occidentale. En tête d’affiche, le roumain Mircea Cantor, découvert dans la région lors de Romance sans paroles, il y a deux ans à la Kunsthalle de Mulhouse. Lauréat du prestigieux prix Marcel Duchamp* en 2011, l’artiste présente Airplanes and Angels (2008) : un tapis fait main d’un mètre cinquante sur deux mètres cinquante, suspendu au-dessus de nos têtes. Ce tapis volant mélange des motifs traditionnels – il a été tissé par des femmes de Botiza, ville de l’ancienne Transylvanie – et des icônes religieuses (des anges blancs) et guerrières (des silhouettes de bombardiers). Cette subtile mais non moins directe critique de la société contemporaine, de ses penchants violents et belliqueux, mais aussi de ses “pieuses” justifications, renvoie dos à dos groupes terroristes et pays va-t’en-guerre de “l’axe du bien”, comme du mal.

La question du détournement traverse aussi le travail de Janek Simon. Ses quatre modules en bois (Visualisation of the catastroph theory, 2009) illustrent la théorie de la catastrophe selon laquelle d’infimes modifications géométriques produisent des désordres irrémédiables. Ses architectures d’une trentaine de centimètres de haut prennent des atours de vieilles bâtisses aux volumes détonants, proches de l’écroulement. Cette réalité modifiée se retrouve dans l’installation de Jessica Stockholder. Une chaise et une table, vissées au sol comme les objets du quotidien (vase, verre…) sur le plateau, voisinent avec des découpes aux emplacements d’ustensiles manquants, traces d’un passé révolu, d’un souvenir disparu. L’ensemble, recouvert d’aplats de peinture, convoque l’enfance dans une distorsion de la réalité et de son appréciation. Une humble – mais non moins intéressante – première proposition dans le cadre d’Aujourd’hui pour demain, qui donne envie de découvrir la suite… Poly 149 Mai 12

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sacrifice La compagnie strasbourgeoise Plume d’éléphant adapte Les Boîtes, roman absurde de l’auteur hongrois Istvàn Örkény et miroir grossissant tendu à nos compromissions. Un bouleversant écho aux horreurs insensées de la guerre.

Par Dorothée Lachmann Photo de Pierre-Étienne Vilbert

À Ostwald, au Point d’Eau, mercredi 9 et jeudi 10 mai 03 88 30 17 17 www.lepointdeau.com À Vendenheim, à l’Espace culturel, vendredi 11 mai 03 88 59 45 50 www.vendenheim.fr À Schiltigheim, au Cheval Blanc, mardi 15 et mercredi 16 mai 03 88 83 84 85 www.ville-schiltigheim.fr www.plumedelephant.fr

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ne famille hongroise pendant la deuxième guerre mondiale. Tandis que le fils est au front, les parents accueillent son commandant, avec l’espoir d’améliorer le quotidien de leur cher enfant. Mais l’homme est fantasque, névrosé et insomniaque. Il tyrannise les époux Töt avec ses caprices et ses lubies, les faisant travailler toute la nuit à la fabrication de boîtes en carton, jusqu’à l’épuisement. Les parents se soumettent aux situations les plus cocasses, avec une abnégation vite insoutenable, pensant à leur fils… sauf qu’il est mort au combat. Si le spectateur en est très vite informé, les infortunés parents sont laissés dans l’ignorance. Assurément vains, leurs efforts n’en sont que plus absurdes. « Ce qui me passionnait dans le roman d’Istvàn Örkény, était un questionnement sur notre liberté à décider de nos actes, dans toutes nos relations, pas forcément vis-à-vis du seul pouvoir. Quels sont les compromis qu’un être humain est capable de faire ? Jusqu’où aller dans le sacrifice ? » En adaptant le texte au théâtre, la metteuse en scène Isabelle Cloarec prend la suite de l’auteur qui, déjà, « avait tiré une pièce de théâtre du roman. La facture classique de cette dernière

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m’intéressait moins que le roman. La structure romanesque apporte une distance sur scène, parce qu’on est dans la narration. Je cherche à recréer l’émotion qu’on peut ressentir en tant que lecteur. Pour moi, l’adaptation est plus une richesse qu’une contrainte. » Parmi les quatre personnages du spectacle, il y a donc le narrateur : un rôle ambigu, qui apporte un regard extérieur, à moins qu’il ne tire les ficelles… « Il est en quelque sorte la représentation du destin, conduisant les personnages dans une direction, de façon inéluctable. Au final, on ne sait plus très bien si le choix est fait par le père ou par lui-même. » Dans la veine d’un Ionesco ou d’un Adamov, Istvàn Örkény souligne l’absurdité de nos comportements et de nos existences. Glisser vers la folie plutôt qu’avoir le courage de la liberté. Devenir meurtrier plutôt qu’oser refuser la soumission. Car n’en faisons pas de mystère, l’affaire va très mal se terminer pour le tyran. « En étant incapable de dire non au commandant, le père va finir par perdre son identité. N’oublions pas cela : l’autorité n’existe que parce qu’en face, quelqu’un cède », insiste la metteuse en scène. « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux », écrivait déjà La Boétie.


jh cherche jf Pour la cinquième fois, la troupe de la Comédie-Française pose ses tréteaux à La Coupole. Dans la mise en scène joyeuse de Lilo Baur, Le Mariage de Gogol est porté par des acteurs qui excellent sur les sommets du burlesque.

Par Dorothée Lachmann Photo de Cosimo Mirco Magliocca

À Saint-Louis, à La Coupole, mardi 15 mai 03 89 70 03 13 www.lacoupole.fr

L

e célibataire est suspect. En tout cas dans la société russe du XIXe siècle. Kapilotadov songe donc à se marier. Non pas qu’il le désire spécialement, mais puisque la société le veut… Et puis, une épouse, ce peut être une bonne affaire, après tout. Notre homme fait appel aux services d’une marieuse professionnelle qui lui trouve rapidement un excellent parti : Agafia, la fille d’un marchand, richement dotée bien sûr. Oui, mais le prétendant hésite. Que cette promise soit une godiche, passe encore. Qu’elle ne soit plus tout à fait de première fraîcheur, admettons. Mais entendre sonner le glas de sa liberté en lui passant la bague au doigt, voilà qui incite à la tergiversation. Tant et si bien que la marieuse, qui a davantage de suite dans les idées qu’un site de rencontre sur Internet, va finir par remettre sur le marché sa perle rare. Trois mâles en quête de l’âme sœur sont sur les rangs. Il n’en faut pas plus à notre ami Kapilotadov pour retrouver du cœur au combat. Mais désormais la concurrence est acharnée… même si les autres prétendants ont plutôt des allures de seconds choix. Nous ne sommes pas loin du vaudeville à la Feydeau lorsque les quatre gaillards, parqués dans l’antichambre, tentent de découvrir,

par le trou de la serrure, la féminité cachée derrière la porte. « Au sein d’un contexte de marché, ils viennent avec curiosité voir si Agafia correspond bien au produit que la marieuse leur a vendu », glisse la metteuse en scène, Lilo Baur. Gogol, sans doute encore plus précis que Tchekhov dans la satire sociale, choisit la farce pour souligner de manière implacable les vanités masculines. Face à ces quatre bouffons accablants, on ne peut que rire aux éclats. Mais la mise en scène de celle qui fut une proche collaboratrice de Peter Brook appuie génialement le trait. « J’ai une fascination pour le cinéma muet. Buster Keaton et Charlie Chaplin sont des références incontournables pour comprendre la mécanique du comique de situation. Elle permet selon moi de trouver le rire juste. C’est-à-dire un rire spontané, déclenché par une situation ordinaire qui dégénère, où les personnages sont pris dans un engrenage, sans issue possible », explique-t-elle. Et s’il n’y a pas de porte de sortie, peut-être est-ce simplement parce que l’être humain n’est pas adaptable aux carcans de la société. C’est au fond ce que nous disent les brillants comédiens du Français, en interprétant cette « aventure parfaitement invraisemblable », comme la définissait son auteur. Poly 149 Mai 12

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CRÉATION THÉÂTRALE – HAUTEPIERRE

famille, je vous hais À mi-chemin de sa “Trilogie sous (X)”, le strasbourgeois Mathias Moritz s’attaque à Werner Schwab en créant Antiklima (X) au Maillon. Un huis clos cruel dans lequel la dégénérescence des mots accompagne le grotesque des mécanismes sociaux et des monstruosités familiales. Entretien.

Par Thomas Flagel Photo de la Dinoponera À Strasbourg, au Théâtre de Hautepierre, du 15 au 18 mai 03 88 27 61 81 www.le-maillon.com www.dinoponera.com

Qu’en est-il de la “Trilogie sous (X)”, débutée par Chalumeau (X) 1 ? La trilogie n’existe plus. Elle est en standby. Je devais partir de Chalumeau (X) pour arriver jusqu’à Marivaux en passant par Schwab… mais c’est plus compliqué que ça en a l’air. Avec Antiklima (X), j’effectue des ajouts au texte de Schwab, ce qui me pose problème. Dans le Hamlet de Vincent Macaigne2, on comprend bien, quand il parle de “Renault R5 chouf”, que ce n’est pas de Shakespeare. Schwab, personne ne le connaît vraiment donc tout le monde pense que c’est de lui. Mais si je m’amuse ainsi, je vais refroidir les gens. Ceux qui ont vu Chalumeau (X) retrouveront quasiment les mêmes acteurs et une construction avec un prologue, Acte 1, 2 et 3 puis un épilogue. Comme on t’apprend à faire une rédaction en cinquième. Ironie mise à part, vous jouez de cette construction scolaire pour mieux éclater les pièces passées dans ce moule… J’essaie ! Avoir un carcan facile à comprendre éclaire tout le monde. Dans Antiklima (X), trouver l’équilibre entre les comédiens, les personnages et notre mythologie de troupe est plus long car, la langue est complexe.

Lire notre article sur le festival Premiers Actes 2011, Poly n°141 www.poly.fr

1

2 Au moins j’aurai laissé un beau cadavre, créé au festival d’Avignon 2011 par Vincent Macaigne. Lire notre critique, parue dans Poly n°145, sur www.poly.fr

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Qu’ajoutez-vous à celle de Schwab, très abrupte mais poétique ? C’est sa dernière pièce, un texte inachevé. En 1993, on appelle déjà sa langue le “schwabisch”. Elle est issue de l’argot populaire viennois mélangé à la langue traditionnelle. La

première scène de la traduction est incompréhensible. L’éditeur a tenté de franciser la langue alors que nous essayons de la germaniser. Pour que les gens comprennent ce que fout le personnage sur le plateau, je ne peux proposer ce que l’auteur s’autorisait après vingt pièces, en Autriche. Concrètement, vous cassez le rythme et contextualisez les scènes ? Je prends mon temps. Schwab écrit sans virgules. Je reprends le texte en appliquant un système à la Thomas Bernhard, enlevant toute ponctuation, allant à la ligne à chaque fois. Comme le font Rodrigo Garcia et bien d’autres. La première phrase, « Quand la réalité a un jour sang qui n’a pas bien coulé » devient « Quand la réalité a un jour sans. Sang qui n’a pas bien coulé. » On donne à entendre le double sens qui rend possible sa compréhension. Idem pour le rapport fécal : « Il n’y pas de trace humaine rouge il n’y a pas de trace humaine brune » évoque le sang et la merde, mais aussi pour l’Autriche de l’époque, le communisme et les chemises brunes. Dans la mise en scène, il me faut passer par une ouverture des paumes de la main en sang et l’envoi d’Hitler en bande son… Dans quel espace le situez-vous ? Au théâtre, pas dans la vie. On joue sur un plancher surélevé qui s’ouvre, un canapé, des brindilles au plafond et un palmier en plastique… On surenchérit dans cette idée-là. Lorsqu’il l’écrit, l’Autriche a déjà perdu son Triple A depuis longtemps. Nous pourrions


donc être, en France, au début du prologue de ce que les Autrichiens vivaient à l’époque. D’où le poids historique. Schwab rejoue l’Orestie où les problèmes sont issus de la famille dans laquelle tout dégénère, allant d’assassinat en assassinat. Marie est une sorte d’Iphigénie sacrifiée qui met en danger la famille cloîtrée dans son petit monde. On va les punir à cause d’elle, il faut la faire disparaître sous peine de devoir retourner dans une société qu’ils rejettent. La violence sociale apportée par les personnages du médecin, du policier et du prêtre est une dimension critique qui fait sens aujourd’hui ? Ces personnages sont les archétypes du théâtre. Avec ce bon curé et ce bon flic, on a l’impression d’être chez Guignol. Le garant de l’espace public et de l’ordre, en montant chez eux, vit une déchéance complète. La petite Marie se lève et récite des vers du Bateau ivre de Rimbaud, de but en blanc. Il y a un côté mystico-génial chez elle car il est censé les matraquer mais reste bouche bée devant cette

gamine. D’un côté le rapport à la langue et à l’extase, de l’autre la purulence de son cul. Il est soufflé par ce qui est dit et va s’engouffrer dans quelque chose de dégueulasse… Finalement la pièce ne parle que de dégénérescence des relations humaines… Le père raconte des tentatives de société, essaie de se mélanger dans les cafés mais rien ne marche. Il est bloqué. La mère a des souvenirs de bonnes manières, c’est la seule qui invoque Dieu. Cette fausse petite bourgeoise de faubourg s’est laissée engrosser et demeure coincée. Elle est aussi méchante que Lady Macbeth. Son projet est de dévorer sa fille, de la façonner à son image mais ça ne prend pas. Le frère s’énerve car il rejette le monde, reste cloîtré. J’ajoute des bribes de 4:48 Psychose de Sarah Kane. Cela apporte la conscience de l’extérieur que ce personnage n’a pas. Là, il sait ce qui s’est passé, qu’il est pire que ce qu’il a vu. Donc il ne sort pas sinon il serait obligé de tous les buter, comme dans Chalumeau (X).

Chez Schwab, il faut aller au plus profond du sale, mettre la loupe sur ce qu’il y a de plus dégueulasse au monde pour entrevoir quelque chose de beau

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SCULPTURE – STRASBOURG

ultra moderne attitude Mal connu, Nicolas de Leyde est pourtant un artiste majeur : au milieu du XVe siècle, il bouleverse la sculpture, transcendant les canons rigides du gothique tardif pour voguer vers les rivages de la modernité. Une révolution plastique à découvrir au Musée de l’Œuvre Notre-Dame.

Tête d’homme à la paralysie faciale, Strasbourg, vers 1465 Musée de l’Œuvre Notre Dame. Photo : M. Bertola

Par Hervé Lévy

À Strasbourg, au Musée de l’Œuvre Notre-Dame, jusqu’au 8 juillet 03 88 52 50 00 www.musees.strasbourg.eu

1 L’original est à voir dans la Stiftskirche de la ville d’eaux allemande 2 Le “pagne de pureté” servant à cacher la nudité de Jésus en croix 3 Une fois arrêté, Jésus comparait devant Caïphe et le Sanhédrin. Livré aux gardes, ligoté et les yeux bandés, il est humilié et frappé. Une des représentations les plus célèbres de cet épisode de la vie du Christ est due à Matthias Grünewald. Le tableau est conservé à Munich, à l’Alte Pinakothek – www.pinakothek.de

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n Buste d’homme accoudé, les yeux presque fermés, le coude droit reposant délicatement sur la main gauche, contemple le visiteur. Mélancolique et mystérieux, lointain, comme abstrait de l’espace et des êtres qui l’entourent, il est pourtant étonnamment proche. Est-ce un autoportrait réalisé par Nicolas de Leyde vers 1463 ? L’hypothèse est séduisante, mais rien ne vient l’étayer avec certitude. La sculpture demeure, en tout cas, représentative de l’œuvre d’un artiste très célèbre en son temps. Pour Roland Recht, professeur au Collège de France et un des trois commissaires de l’exposition, il s’agit d’une « manière de suggérer que le personnage se dérobe momentanément au monde environnant afin de mieux se rassembler en lui-même. [Un] véritable portrait d’Humaniste ou, pour le dire mieux, [le] portrait de la conscience de soi du sujet moderne. »

Gothique tardif

On ne sait pas grand-chose de l’existence de Nicolas de Leyde (vers 1430-1473), sa date de naissance même restant incertaine. S’il est

avéré qu’il passa plusieurs années à Strasbourg – entre 1462 et 1467 – et termina son existence à Vienne, où il fut appelé par l’Empereur Frédéric III pour réaliser son tombeau, le reste est nimbé de mystère. Une vingtaine d’œuvres tout au plus lui sont aujourd’hui attribuées avec certitude. Elles constituent une profonde révolution dans l’art du MoyenÂge finissant et influencèrent avec force des créateurs majeurs dans l’aire germanique comme Veit Stoss, Michel Erhart ou Tilman Riemenschneider. Nicolas de Leyde rompt avec ses prédécesseurs, instillant une puissante humanité dans l’art réaliste du gothique tardif : une vie intérieure palpite avec force à la surface de la pierre. Le hiératisme chargé d’une spiritualité parfois figée fait place à l’expression des sentiments, à l’irruption d’une psyché traitée avec grand naturel. Nicolas de Leyde se dégage du passé, mettant en place les canons d’Un Regard moderne (le titre de l’exposition) qui a, pour Roland Recht, « une double signification : c’est le regard de ces bustes, présents au monde, et c’est le regard d’un artiste génial non plus sur les figures du


Tête d’une sibylle. Strasbourg, 1463 © Francfort, Liebieghaus Skulpturensammlung. Photo : Rühl & Bormann

monde chrétien seulement, mais sur l’homme, sur sa dimension psychologique dont ses outils de sculpteur virtuose analysent chaque trait ».

Modernité naissante

Ces caractéristiques se retrouvent au fil de l’exposition. Le Crucifix monumental de Baden-Baden (d’une hauteur de plus de 4,50 mètres et de près de 6,50 si l’on rajoute le monticule de rochers où la croix est plantée), dont est présenté un moulage1, est saisissant. Une harmonie profonde frappe le visiteur à la vue d’une œuvre faite dans un seul bloc en 1467 : les veines sont saillantes, la silhouette, décharnée et déformée par la souffrance, est une des plus belles expressions de la Passion du Christ… et, malgré la douleur qui irrigue l’ensemble, il est empreint d’une certaine légèreté toute entière concentrée dans le périzonium2 qui semble flotter dans le vent avec une étonnante grâce. Preuve s’il en fallait que Nicolas de Leyde savait représenter les drapés avec une finesse digne de ses illustres prédécesseurs antiques. On remarque égale-

ment, la force de la présence des fragments de têtes d’un Prophète et d’une Sybille, seuls éléments qui subsistent du portail de l’ancienne Chancellerie de Strasbourg (1463) qui sont ici à nouveau réunis. Mais la pièce la plus surprenante de l’exposition est sans doute la Tête masculine à paralysie faciale (vers 1465) : le visage est grimaçant et douloureux, complètement déformé par un rictus terrible. Dans la symbolique du XVe siècle, « le motif de la tête grimaçante, stigmatisant l’ignorance, le pêché, le vice, apparait dans les scènes de Christ aux outrages 3 » selon Barbara Gatineau qui a participé à la rédaction du catalogue. Une fois encore, Nicolas de Leyde s’extrait du carcan religieux : son œuvre est en effet une vision de la maladie, à la fois, clinique et profondément humaine.

C’est le regard d’un artiste génial non plus sur les figures du monde chrétien, mais sur l’homme et sa dimension psychologique

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FESTIVAL – STRASBOURG

premières classes Les amateurs de théâtre se réjouissent du retour du festival Premières, co-organisé par le TNS et Le Maillon, après une année d’absence. Cette septième édition réunit neuf jeunes metteurs en scène européens présentant leur création et leur vision du monde.

Par Thomas Flagel Photo de Krzysztofiak Krzysztof, Magnificat

À Strasbourg, au Maillon Wacken, au Théâtre national de Strasbourg et au Théâtre Jeune Public (Petite Scène), du 7 au 10 juin 03 88 27 61 81 www.le-maillon.com 03 88 24 88 00 www.tns.fr www.festivalpremieres.eu

Soirée Bring Your Music, vendredi 8 juin, à 22h30, au Maillon-Wacken ainsi que la traditionnelle soirée avec le Festival Contre-Temps, samedi 9 juin à 23h (voir page 9) www.contre-temps.net

L

es années se suivent et ne se ressemblent pas. Suite « aux baisses drastiques des budgets dédiés à la création » auxquelles était confronté le Théâtre national de Strasbourg, sa directrice Julie Brochen et son homologue du Maillon Bernard Fleury avaient « refusé de faire un demi festival, au rabais » et pris la décision de « reporter d’un an l’édition 2011 ». L’objectif affiché était de marquer les esprits des professionnels, des tutelles et des partenaires. En plein « développement de liens avec l’Allemagne et discussions avec les collectivités publiques afin de renforcer l’autonomie du budget artistique du festival », la septième édition concoctée sous la houlette de la programmatrice Barbara Engelhardt rassemble toute la diversité du théâtre européen actuel. « Les neuf spectacles retenus proviennent de huit pays. Autant de tentatives de dire et d’appréhender le monde par le prisme de la mise en scène, de témoigner d’une réalité sociale et politique », assure celle qui se plait à « découvrir des formes audacieuses et étonnantes ».

Force d’écriture

Rarement programmation de Premières aura contenu si peu de textes classiques et dramatiques. Le russe Tufan Imamutdinov s’empare bien du Journal d’un fou de Gogol, utilisant le savoir-faire sans pareil des acteurs de l’École russe qui peuvent tout faire (chanter, danser, jouer…) dans une scénographie jouant du rapport intérieur / extérieur à grand renfort d’intrusions intempestives de personnages. Le développement de la folie chez le pauvre fonctionnaire au centre de l’intrigue – paralysé dans son champ social, il ne pourra jamais 46

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se marier avec celle qu’il aime – s’effectue dans un comique amer, tristement drôle. Et la nuit sera calme est aussi librement adapté des Brigands de Schiller par Kévin Keiss et mis en scène par Amélie Enon. Créé en 2010 lorsqu’ils étaient élèves à l’École du TNS (avec des comédiens du groupe 39), ce spectacle, malheureusement raccourci de moitié (1h40 contre 3h) pour les besoins du festival, revisite la question de la révolte de la jeunesse face à un ordre établi de valeurs et de normes sociales, face à un état du monde qu’ils dénoncent. « Un propos classique que Kévin a su, dans son écriture, reprendre à son compte pour l’adapter à sa génération », commente Barbara Engelhardt. Le même engagement social et sociétal se retrouve dans ArabQueen, de l’Allemande Nicole Oder d’après un roman de Güner Yasemin Balci. Deux sœurs d’origine turque vivant à Berlin sont confrontées aux difficultés d’être, tiraillées entre Islam et mœurs actuelles, traditions et tentations de leur âge. Chacune réagit différemment à la pression familiale et aux sacrifices demandés, empruntant des voies divergentes. « Ce spectacle, formellement très narratif, humanise un thème théoricisé à des fins politiques. Je l’ai repêché de l’édition 2011 car je trouve qu’il est primordial de donner cela à entendre dans le débat public d’aujourd’hui », confie-t-elle.

Force du geste

Premières est aussi l’occasion de promouvoir l’audace de jeunes artistes qui n’hésitent pas à dynamiter et réinventer les codes du théâtre. CMMN SNS PRJCT de la danseuse argentine


Les neuf spectacles sont autant de tentatives d’appréhender le monde, de témoigner d’une réalité sociale et politique

Laura Kalauz et du comédien suisse Martin Schick prend le parti de l’interactivité participative en échangeant des objets avec le public. L’inconnu dans lequel on tombe en se faisant offrir quelque chose crée une relation basée sur un mécanisme non-marchand, à partir duquel les deux performers questionnent les relations économiques et humaines. Vertigineusement édifiant et d’une efficacité aussi drôle qu’imparable… Le second objet théâtral non identifié du festival sera sans conteste Magnificat. La Polonaise Marta Górnicka constitue un incroyable chœur composé d’une vingtaine de femmes. Bruissant comme une vague, scandant tout en interprétant une chorégraphie aux lignes très martiales, les interprètes issues de milieux fort variés – elles sont, à la vie, étudiantes, mathématiciennes, architectes, actrices… – unissent leurs voix pour former une seule

parole devenant musique rythmée. La force vibrante et décapante de l’ensemble prend au cœur tandis que « la redécouverte de la forme – traditionnelle dans le théâtre antique – du chœur joue à plein son rôle critique de juge », analyse la programmatrice. Magnificat est le second volet d’un triptyque débuté avec Chœur de femmes qui dénonçait la société de consommation, la standardisation de l’image sociale de la femme ainsi que les persistances des pressions patriarcales. Cette deuxième partie emprunte beaucoup aux chants liturgiques (Stabat Mater…), « ciblant la culture polonaise où les valeurs religieuses et idéologiques véhiculent encore une représentation de la femme pure en Vierge Marie. Mais aussi leur influence jusque dans le microcosme familial et leur rôle dans les relations homme / femme. » Le dernier opus devrait d’ailleurs n’être composé que de mâles. Mais c’est une autre histoire… Poly 149 Mai 12

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DANSE CONTEMPORAINE – MULHOUSE & BELFORT

la danse est un monstre gluant La seconde édition de DANS(E), temps fort proposé par La Filature de Mulhouse, est une joyeuse compile montrant les différentes formes que peut revêtir l’art chorégraphique. Celle d’une chanson populaire notamment.

Par Emmanuel Dosda Photos de Matthieu Rousseau, La Variété française est un monstre gluant

À Mulhouse, à La Filature, du 10 au 13 mai 03 89 36 28 28 www.lafilature.org En parallèle à DANS(E), l’exposition Beyond Virtuality de Simone Meier et Roland Sutter (lauréats du prix Mulhouse010) du 11 mai au 8 juillet

* Spectacle présenté au Granit, Scène nationale de Belfort 03 84 58 67 67 – www.legranit.org

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n programme très “danse”. Tout au long d’un week-end, La Filature accueille des spectacles bigarrés – plus ou moins courts –, défendus par des artistes émergents (Valeria Apicella qui présente Psalm a secret song) ou établis (Joanne Leighton, directrice du Centre chorégraphique national de Belfort). Le but ? « Montrer, sur un temps assez réduit, la diversité présente sur le territoire très vaste qu’est la danse », explique Laurence Rollet chargée de la programmation de spectacles dont le seul dénominateur commun est le corps. Le mini festival s’ouvre avec Exquisite Corpse*, cadavre exquis conçu par Joanne Leighton à partir de propositions de 58 chorégraphes lui ayant envoyé des vidéos, des photos ou de simples indications écrites par Internet. Un étonnant assemblage, une passionnante traversée dans la danse actuelle qui donne le ton d’une mani-

festation garantie hors-norme. La preuve avec Thomas Lebrun, artiste « à contre-courant, dont l’écriture est ciselée et précise », récemment nommé directeur du Centre chorégraphique national de Tours. Sa Jeune fille et la mort rend un « hommage romantique » à Franz Schubert, conviant un quatuor à cordes en live. Sur scène, une jeune interprète est entourée de danseurs de plusieurs générations qui l’accompagnent dans une série de deuils à faire : « La fin de l’enfance, d’un amour, etc. C’est un regard sur les étapes de la vie. » Autre « petit bijou » philosophique : Rhizikon, solo de la trapéziste Chloé Moglia, réflexion circassienne sur la notion de risque. Les comportements humains sont également disséqués avec Idiotas de Toméo Vergès. Traitant de l’idiotie (comme son nom l’indique), cette pièce dansée et théâtrale tend un miroir (pas si déformant que ça) au public. Ce dernier sera


convié à entrer dans la DANS(E), en clôture, lors de Lecteurs (chorégraphies collectives). En amont, David Rolland distribuera différents carnets contenant des indications de gestes que suivront les participants amateurs, créant d’étranges compositions dans l’espace.

Ça s’en va et ça revient

Aurélie Gandit (de la compagnie La Brèche, créée à Nancy en 2007), ex-étudiante en Histoire de l’Art et conférencière à la Synagogue de Delme ou au Frac Lorraine, est connue pour ses Visites dansées dans les musées du Grand Est, les Beaux-arts de Mulhouse ou de Nancy. « Je fais des recherches et le discours sur les œuvres me donne la matière pour la danse. Il peut s’agir d’entrées iconographiques, iconologiques, de questions sur le choix des couleurs ou de composition… Mes spectacles sont un mélange de savoir universitaire et de sensible », explique-t-elle. La danseuse – dont la nouvelle création Histoires de peintures s’appuie sur des extraits sonores de l’historien de l’art Daniel Arasse – travaille beaucoup sur l’articulation texte / mouvement, créant « des corps pensants et mouvants. La pensée est en mouvement et peut être “incarnée”, “incorporée”. » La Variété française est un monstre gluant, conférence chorégraphique présentée à La Filature, repose sur un écrit de Matthieu Rémy (lu sur scène par Galaad Le

Goaster) qui a décortiqué les figures de styles propres à la variétoche, à Confidence pour confidence de Jean Schultheis ou à Comme d’habitude de Cloclo. Illustration ? Adaptation ? Mise en corps ? Aurélie appuie le propos en dansant : « Pour parler de l’anaphore et de l’épiphore, des systèmes de répétition grammaticale, nous avons choisi Comme d’habitude de Claude François où le traintrain quotidien finit par tout broyer. Je pose alors la question du geste répété qui devient mouvement dansé. Nous illustrons la prosopopée, qui permet au narrateur de donner vie à un objet, de le faire parler, avec Le France de Michel Sardou et je mime les paroles avec des associations d’idées ou des images. » Un spectacle sur la mémoire collective, un show musical et acidulé qui décortique ces morceaux « redoutables » qui nous trottent dans la tête et nous collent aux basques, cette variété « hyper efficace que nous connaissons malgré nous et qui nous touche quand on est guimauve ». Voilà « une réflexion critique et tendre sur la variété française » selon Laurence Rollet. Et sur la danse, insiste Aurélie Gandit : « Le spectacle aurait pu s’appeler La danse contemporaine est un monstre gluant car il analyse les différents styles chorégraphiques d’aujourd’hui. »

La pensée est en mouvement et peut être “incarnée”

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ART CONTEMPORAIN – STRASBOURG

strates / traces Mathieu Wernert investit la strasbourgeoise Boutique : tapisseries et toiles viennent recouvrir les murs nus. À la découverte d’une poétique faite de couches de pigment, accumulées et arrachées. et ressemble à un clin d’œil aux Spot paintings de Damien Hirst, l’oppressante régularité géométrique en moins, puisqu’ils sont disposés « de manière aléatoire, au feeling ». La seconde est faite de pochoirs représentant des roses monochromes. Étonnante mise en abyme puisque les tableaux eux-mêmes incluent souvent les motifs répétitifs d’antiques tapisseries, celles que l’on rencontre parfois dans les maisons abandonnées : ces traces forment la touche finale de compositions abstraites et stratifiées.

Par Hervé Lévy

À Strasbourg, à La Boutique (10 rue Sainte-Hélène), jusqu’au 30 mai www.mathieuwernert. blogspot.com

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n espace vide de 46 m2, surface qui donne son titre à cette exposition-installation : voilà le “terrain de jeu” du plasticien strasbourgeois Mathieu Wernert qui s’est emparé de murs vierges avec gourmandise. Le résultat ? Une dizaine de toiles et deux immenses tapisseries se faisant face. La première est composée de points polychromes (bleus, jaunes, noirs et rouges) sur fond blanc

Dans son atelier, Mathieu Wernert peint, colle, décolle, compose, décompose, bombe… histoire de passer derrière le miroir des apparences, d’exploser la frontière du pigment. Au départ, les surfaces « sont “propres”. Ce n’est qu’ensuite que je les reconstruis en les détruisant, en arrachant la peinture avec des morceaux de scotch, la grattant avec une spatule » narre-t-il. Ses toiles composites évoquant, pêle-mêle, les affiches lacérées de Jacques Villeglé et la cool attitude de Christopher Wool, sont le lieu du mariage improbable entre une réflexion post-pop et une esthétique de l’effacement permanent… L’ombre de Clyfford Still plane également sur un travail où l’acte créatif est aussi important que la création elle-même. Au final, l’œuvre semble s’anéantir pour se noyer dans le vide d’une étrange poésie, celle des friches industrielles, des reliques de la société de consommation. « Mes peintures racontent des histoires, mais je ne cherche jamais à rien imposer. L’accident et le hasard sont prépondérants et, parfois, je les provoque en arrosant le tableau avec de l’eau », explique l’artiste. À chacun donc de s’orienter dans ces univers abstraits d’un puissant chromatisme, où fourmillent les motifs répétitifs, de plonger au cœur de mondes à la semblance d’un étrange mélange entre déco cheap, art urbain et badigeonnages calligraphiques qui métamorphosent l’espace de La Boutique en manifeste d’une plastique apaisée.


Comédie De l’Est

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QuE PAsA LivE FR FAT BADgERs LivE FR MAMA PiMP & THE FuNK PusHERs LivE FR NO sTREss FR g PHiL FR sTEvEN J FR uRbaN aRT sANs CONsERvATEuR ExPO DOwNTOwN gRAFFiTi JAM MACHiNE ExPO BLACK TAROT NOiR ExPO EvENTS PELOusEs sONOREs sOiREE sPLiTMix CROisiEREs APERO Mix JAM sEssiON NL EAsT COAsT sTREETgOLF CONTEsT #4 …

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impression, pixel levant Avec Fin de siècle, la galerie La Chambre dynamite les frontières entre les arts. L’exposition des peintures digitales d’Olivier Nord ouvre de nouvelles et étonnantes perspectives picturales.

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rchitecte de formation, Olivier Nord a choisi d’emprunter une voie différente de celle qui se profilait. Devenu photographe – principalement à la chambre – ce Lyonnais d’une trentaine d’années développe patiemment son propre style, entre photographie, peinture et techniques numériques. Une résidence à la Casa de Velázquez de Madrid (2009-2011) lui offre le temps et le confort pour bouleverser les cases et les champs artistiques. Partant de clichés personnels, chinés sur le net et dans la presse mais aussi de vidéos figées, il effectue un crayonnage sur tablette graphique. Le stylet pour pinceau, le pixel pour pigment, Olivier utilise son ordinateur comme un peintre des temps modernes, travaillant par couches en demi-teintes, composant sa propre colorimétrie, affinant sa touche. « Je m’approche au plus près de la peinture, jouant à en dépasser les limites. Mes tableaux n’ont pas de coulures et ma toile ne pompe pas la couleur, mais sinon le travail est le même », glisse-t-il dans un sourire. Tirant certaines créations sur du papier photo, d’autres sur des toiles, il s’amuse à brouiller les pistes, jusqu’à laisser cette matière apparente comme dans Le Radeau, diptyque où des touristes au bord de mer prennent en photo une embarcation de clandestins s’échouant sur des rochers à proximité. « Les touristes proviennent d’une de mes photos, l’embarcation chavirant d’un reportage de presse. Se crée une réalité 52

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narrative dans mon association provocante des deux qui devient presque de la vérité documentaire. » Dénonciation du voyeurisme de notre société, de sa violence symbolique et concrète, autant de thèmes qui jalonnent cette exposition où se dévoile son amour du hors-champ. À chacun d’imaginer devant L’Adoration, ce que ces personnes agglutinées en position de dévotion prenaient en photo avant que l’artiste n’efface leurs appareils pour mieux révéler leurs postures. Son dialogue direct avec la peinture saute aux yeux dans “Le Salon noir”, seconde salle de l’expo. L’impression laissée est étrange, parfois malsaine, comme dans Lueur froide réalisée d’après un photogramme de Shining. Le côté obscur de l’homme, ses masques et ses déviances créent une atmosphère de souffre. Il livre aussi un Festin de loups devant une carcasse de biche, « sorte de fable sur l’agressivité latente actuelle ». À trois mètres, c’est une photo. À un seul, un tableau avec l’étrange absence d’épaisseur de peinture d’une herbe quasi impressionniste qui virevolte, chatoyée par l’obscurité et la lumière criarde du spot l’éclairant.

Par Thomas Flagel Photo d’Olivier Nord, Le Festin, 2010 À Strasbourg, à La Chambre, jusqu’au 3 juin 03 88 36 65 38 — www.la-chambre.org www.olivier-nord.com


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CINÉ-COLLAGE UN CYCLE DE FILMS À L’AUDITORIUM DES MUSÉES

Joseph CORNELL - Isidore ISOU - Jeff KEEN - Paul SHARITS - Wolf VOSTELL - Larry JORDAN - Stan BRAKHAGE - Peter TSCHERKASSKY - Vicki BENNETT Procédé plastique hérité des avant-gardes artistiques et de la littérature, le Ciné-collage a ouvert de vastes champs d’expérimentation : des adaptations visuelles d’œuvres surréalistes aux procédés autonomes appliqués à la pellicule ou à l’image numérique.  Samedi 12 mai à 14h30 « Le modèle surréaliste » films de Larry Jordan, Lewis Klahr et Eric Duvivier  Mercredi 16 mai à 19h Traité de bave et d’éternité d’Isidore Isou  Samedi 19 mai à 14h30 « Le Found footage ou la pellicule trouvée » films de Joseph Cornell, Bruce Conner, Peter Tscherkassky, Cécile Fontaine et Christian Marclay

 Mardi 29 mai à 19h « Le montage élargi » films de William Burroughs et Antony Balch, Paul Sharits, Stan Brakhage, Wolf Vostell, Kurt Kren et Peter Kubelka Tarif par séance : 6 euros (tarif réduit : 4,50 euros) // Forfait pour l’ensemble du cycle : 18 euros (tarif réduit : 12 euros) AUDITORIUM DES MUSEES - MAMCS 1, place Hans Jean Arp 67000 Strasbourg - Tél : 03 88 23 31 31 

© Kelly Spivey

 Mardi 22 mai à 19h « Pop et détournement » films de Jeff Keen, Kelly Spivey et Vicki Bennett

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FESTIVAL – SAARBRuCK & FORBACH

les ailes déployées Perspectives, festival franco-allemand des arts de la scène, centralise les pépites chorégraphiques et théâtrales entre Sarrebruck et Forbach. Coup d’œil à une 35e édition relevée.

Par Daniel Vogel Photo de Tadeusz Paczula, Les Corbeaux

À Saarbruck (Allemagne) et à Forbach (au Carreau), du 26 mai au 2 juin +49 681 93 815 773 www.festival-perspectives.de 03 87 84 64 34 www.carreau-forbach.com

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vec une ligne artistique mélangeant découvertes de jeunes prometteurs et pointures de la scène européenne, le festival Perspectives se taille la part du lion en devançant les grands rendez-vous estivaux. Pensez donc à Jean-Claude Gallotta, livrant un Sacre du Printemps (28 mai au Großes Haus) tout en tensions des corps et en délicatesse des âmes, ou à Rimini Protokoll et son théâtre du réel bien connu des habitués du Maillon. Dans Herr Dagacar (25 et 26 mai au Buswerkstatt), ils donnent la parole au collecteurs de déchets d’Anatolie. La tête d’affiche sera pourtant à chercher ailleurs : le cultissime Cirque invisible de Jean-Baptiste Thiérrée et Victoria Chaplin (fille de Charlie) pose en effet ses guêtres et son bestiaire d’animaux

oniriques faits de bric et de broc au Carreau (du 24 au 26 mai). Depuis plus de vingt ans, ils polissent ce spectacle total et poétique qui nous replonge dans l’émerveillement de l’enfance. Autre grand nom à l’écriture singulière, Joël Pommerat, maltraite Cendrillon (31 mai et 1er juin au Carreau), le conte de Perrault et des frères Grimm, y ajoutant sa dose de désenchantement et de merveilleux avec une belle-mère abusant de la chirurgie esthétique, un prince aussi maladroit que peu charmant et une fée pas clochette et encore moins heureuse de son immortalité. Les amateurs de danse ne seront pas en reste avec l’incroyable énergie et la folle inventivité de Pierre Rigal qui avait ébloui l’édition 2011 avec Press. Son retour dans Micro (30 et 31 mai au Alte Feuerwache), délire post-rockpunk-déstructuré, le voit évoluer au milieu du groupe Moon Pallas et de la danseuse Mélanie Chartreux. Énergie à revendre, jeu sur les clichés des rock stars et autres transgressions ou travestissements des codes du genre sont au programme d’un spectacle électrique à souhait. D’inspirations et d’influences, il sera aussi question entre Josef Nadj et Akosh qui plongent dans leurs racines afin d’esquisser Les Corbeaux (29 et 30 mai au Buswerkstatt). Nadj dansant et maculant son corps dans un tonneau de peinture sombre et brillante avant de tracer des arabesques sur une monumentale toile en fond de scène avec l’empreinte de son anatomie. La majesté ténébreuse de l’oiseau – auréolé de sagesse et détenteur de la clé de l’unité du monde dans la Voïvodine natale du chorégraphe – se dévoile et s’esquisse dans les crissements bourdonnants de l’univers musical d’Akosh, multi-instrumentiste au saxophone éclatant et inquiétant. Il ne vous reste plus qu’à choisir…


MUSIQUE SYMPHONIQUE – LUXEMBOURG

glamourama Les deux interprètes allient virtuosité étincelante, inspiration à fleur de peau et puissant charme : la pianiste Hélène Grimaud et la violoniste Arabella Steinbacher sont à La Philharmonie de Luxembourg pour deux soirées attendues.

Par Hervé Lévy Portrait d’Arabella Steinbacher par Robert Vano

À Luxembourg, à La Philharmonie, mercredi 9 (Hélène Grimaud) et jeudi 10 mai (Arabella Steinbacher) +352 26 32 26 32 www.philharmonie.lu www.helenegrimaud.com www.arabella-steinbacher.com

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ianiste de génie, Hélène Grimaud, est sans doute une des rares instrumentistes de la “galaxie classique” qui ait su transcender les frontières du genre, devenant une véritable vedette, qu’on la connaisse pour ses prouesses musicales, ses livres ou sa passion pour les loups, puisqu’elle a fondé, en 1999, le Wolf Conservation Center et continue de militer avec ardeur pour leur défense. Dans un texte intitulé Mort, où est ta victoire ? elle résume avec brio sa vision du monde : « La mort, nul ne l’ignore, est au cœur de la vie. Il n’y a que l’amour pour permettre à la conscience de s’en emparer et, après en avoir souffert, de s’en délivrer. Chacun à sa manière, Chopin et Rachmaninov ont médité ce mystère sans fond que la musique transfigure. » À Luxembourg, on la découvrira, dans ce credo, avec le Gewandhausorchester de Leipzig (et son directeur musical Riccardo Chailly) dans le Concerto en sol de Ravel. Également au programme, la Symphonie n°4 de Mahler, partition intimiste et gracieuse qui hésite entre insouciance sereine et ironie mordante, comme si le compositeur, moqueur, nous entraînait habilement dans l’univers de l’enfance.

Le lendemain, ce sera au tour d’Arabella Steinbacher de nous séduire… Élève d’Ivry Gitlis, la virtuose est la digne descendante d’interprètes comme Fritz Kreisler ou Nathan Milstein et son jeu mêle inspiration de tous les instants, feu intérieur et naturelle aisance. C’est ce qu’on découvrira avec le Concerto pour violon de Tchaïkovski qu’elle jouera avec le St. Petersburg Philharmonic Orchestra (dirigé par Yuri Temirkanov). La soirée s’achèvera avec la célèbre Symphonie n°9 “Du nouveau monde” de Dvořák imaginée alors que le compositeur était invité aux États-Unis, pour prendre la tête d’un Conservatoire, par la richissime Jeannette M. Thurber qui désirait la naissance d’une vraie “musique nationale” américaine. Il écrivit de nombreuses pages là-bas : cette partition témoigne de l’écartèlement d’un créateur puisqu’elle constitue un “melting-pot” des deux cultures. De l’Amérique du Nord, elle épouse les influences de la musique populaire… mais de nombreux éléments demeurent ancrés dans la terre tchèque et ont la semblance d’éclats sombres de pure nostalgie. Si bien qu’on pourrait parler de symphonie “entre deux mondes”.

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les indes charmantes Coproduction entre les opéras de Bonn et de Metz, cette mise en scène de Lakmé entraine le spectateur dans un univers orientalisant, rendu avec une impeccable grâce par Paul-Émile Fourny, qui évite tous les écueils du genre, le kitsch en tête.

Par Hervé Lévy Photo de Lilian Szokody

À Bonn, à l’Opéra, samedi 12 mai et vendredi 1er juin + 49 228 773 668 www.theater-bonn.de

À Metz, à l’Opéra-Théâtre, à l’automne 2013 dans le cadre de la biennale En Terre romantique 03 87 15 60 51 http://opera.metzmetropole.fr

1 Manière de chanter un texte en se rapprochant de la déclamation parlée 2 Écrivain français (1850-1923) dont l’œuvre est marquée par ses multiples voyages. Lakmé est adaptée de Rarahu (devenue Le Mariage de Loti) qui se déroule à Tahiti

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our capter l’attention d’un public contemporain, j’ai décidé de couper les dialogues et les récitatifs1 » prévient d’emblée le metteur en scène Paul-Émile Fourny qui “ampute” ainsi Lakmé (1883) d’une bonne heure. Le directeur de l’OpéraThéâtre de Metz Métropole justifie un choix « permettant aussi de se concentrer sur une musique magnifique qui ne se limite pas au célébrissime Air des clochettes. » Option finalement gagnante puisqu’elle permet à l’œuvre de Léo Delibes de déployer ses charmes exotiques – et un peu désuets – en laissant de côté les scories d’instants parlés, parfois kitsch, qui ne font que souligner et alourdir le propos. L’histoire, adaptée d’une nouvelle de Pierre Loti2, se déroule aux XIXe siècle, en Inde sous domination britannique : c’est celle des amours impossibles d’une jeune hindoue, fille d’un brahmane, et d’un officier de sa gracieuse majesté. Fable orientalisante à l’image des Pêcheurs de perles de Bizet (1863) ou de L’Africaine de Meyerbeer (1865), Lakmé est aussi une réflexion « très actuelle » sur le choc des cultures et l’intolérance religieuse.

La mise en scène est d’un classicisme de bon aloi : d’immenses claustras en mouvement permanent rythment l’espace et l’action. Pour Paul-Émile Fourny, elles « marquent, à la fois, la transparence et l’impossibilité d’accéder à l’autre, une dualité placée au cœur de l’opéra qui correspond à la société où évolue Lakmé – avec le système de castes – et aux relations entre les Hindous et les Britanniques ». Les costumes sont d’une belle élégance : uniformes blancs et saris colorés – mais pas trop, ce n’est pas Bollywood, tout de même – évoluent avec douceur dans le délicat tintinnabulement d’une musique au puissant et charmant exotisme. Dans cette partition éminemment française, la troupe du Theater Bonn livre une prestation de belle tenue – mention spéciale à Miriam Clark, impeccable dans les difficultés du rôle-titre – même si, bien souvent, la prononciation demeure approximative et peu audible. Pas de quoi gâcher néanmoins le plaisir de la redécouverte d’une œuvre trop rarement donnée dans les salles hexagonales.


www.festspielhaus.de

Voilà une attendue production (made in Deutsche Oper) d’Otello de Verdi présentée au Grand Théâtre de Luxembourg (les 21, 23 et 25 mai). Pour le metteur en scène Andreas Kriegenburg, longtemps directeur du Thalia Theater de Hambourg, le rôle-titre (incarné par l’immense ténor qu’est José Cura) est emblématique d’une société longtemps ravagée par la guerre, dont la scénographie surprenante est un fidèle reflet. Un must. www.theatres.lu

Puccini José Cura © Cuibar Productions / Ben Cura

Vous connaissiez Rolando Villazón comme un interprète d’exception ? Venez découvrir une autre facette du talent du bouillant ténor qui sait aussi se montrer un metteur un scène brillant. Après un Werther qui avait fait du bruit à Lyon (janvier 2011), il nous propose L’Elisir d’amore de Donizetti au Festspielhaus de Baden-Baden (28 & 31 mai et 3 juin) où il chante également l’exigeant rôle de Nemorino. Duo sans nul doute gagnant.

ÉCHAPPÉES LYRIQUES

© Barbara Aumüller Rolando Villazón © Patrick Walter / DG

Donizetti

Verdi

José Cura : voilà – encore – un chanteur qui met en scène, signant aussi décors et costumes… tout en dirigeant l’orchestre. L’Opéra national de Lorraine créé cette singulière production de La Rondine de Puccini (du 6 au 15 mai), un opéra où les sentiments sont exacerbés, qui hésite entre scène d’amour romantique aux accents de Bohème et simple escapade dans les méandres de la nuit du Second empire… Nous sommes sous le charme. www.opera-national-lorraine.fr

© Jochen Klenk

Wagner

Dans Lohengrin, la réflexion sur les origines de l’amour est, plus que partout ailleurs chez Wagner, teintée de mélancolie. On y retrouve nombre de préoccupations qui irrigueront ses partitions ultérieures : le pouvoir, la place de l’artiste dans le monde… Thomas Mann parlait à son propos de « passage du jeune opéra romantique allemand à son état adulte. » À (re)découvrir, au Badisches Staatstheater de Karlsruhe (les 17 mai, 7 & 23 juin) dans une mise en scène inspirée. www.staatstheater.karlsruhe.de Poly 149 Mai 12

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EXPOSITION – BÂLE

une jeunesse impressionniste Une cinquantaine de toiles rendant compte d’une quinzaine d’années de création, entre 1864 et 1880 : le Kunstmuseum Basel nous entraine dans la folle jeunesse de Renoir, Entre bohème et bourgeoisie.

U

ne des premières œuvres présentées a été peinte par Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) à l’âge de 26 ans : cette Lise tenant un bouquet de fleurs des champs évoque déjà l’impressionnisme, dont la première exposition “officielle”, regroupant aussi Monet, Pissarro, Sisley, Cézanne ou Degas (on en voit certains portraiturés à Bâle), se tiendra en 1874 dans le studio du photographe Nadar. On y découvre les traits essentiels d’un mouvement qui révolutionna l’art et la touche personnelle de Renoir, une légèreté marquée par le réalisme d’un Courbet et le travail d’après nature de l’École de Barbizon. Cette joliesse apaisée se retrouve dans plusieurs autres portraits de Lise Tréhot avec qui il est en couple de 1865 à 1872 : Lise champêtre, assise dans l’herbe, Lise en bourgeoise raffinée, sensuellement gantée, Lise regardant, attendrie, une perruche, Lise en promenade avec un galant… La plus excitante représentation de la jeune fille est sans doute En été (1868) : la mollesse mélancolique de son attitude, décolleté largement ouvert et cheveux lâchés, et l’indolence sensuelle de son regard en font une parfaite et désirable incarnation de l’héroïne de L’Ennui de Moravia.

Dans cet ensemble de tableaux où sa première muse a servi de modèle, le visiteur découvre toute la diversité du jeune Renoir, qui, à l’époque, mange encore de la vache enragée, traînant ses guêtres – et c’est l’intitulé de l’exposition – Entre bohème et bourgeoisie. Une œuvre comme la grande (2,61 x 2,26 mètres) et très chic Allée cavalière au Bois de Boulogne est emblématique de cette dualité : clairement destinée aux élites, dont elle représente un des rites sociaux favoris, la toile est l’œuvre d’un peintre désireux de trouver sa place au soleil. Il la présente, avec un portrait, au Salon de 1873 où elle est refusée. C’est aussi ce nouvel échec qui le poussera à fonder, l’année suivante, le groupe impressionniste sous l’égide de la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs. Dans l’exposition se déploient les différentes facettes de la création du jeune artiste : sa proximité avec Monet – ils peignaient souvent ensemble, en témoigne La Seine à Argenteuil – et Manet, sa maîtrise de la nature morte, son goût pour le portrait… Vers 1880, Renoir, en 58

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Pierre-Auguste Renoir, La Promenade, 1870, The J. Paul Getty Museum, Los Angeles

grandes difficultés, se tourne à nouveau vers le Salon et développe une peinture plus académique. C’est le début d’une nouvelle aventure, des tableaux inspirés d’Ingres puis des Baigneuses, un autre Renoir, qui n’est pas représenté ici, et que certains ont jugé trop “joli” et pas assez profond, mais dont on redécouvrira peut-être bientôt tout l’intérêt. Par Hervé Lévy À Bâle, au Kunstmuseum, jusqu’au 12 août +41 61 206 62 62 — www.kunstmuseumbasel.ch


ANNE-SOPHIE TSCHIEGG PEINTURES

Media Création / D. Schoenig

Musée des Beaux-Arts de Mulhouse 14 avril au 10 juin 2012

tous les jours (sauf mardis et jours fériés) de 13h à 18h30

Entrée libre

voix :

je ne sais pas je n’ai pas le sens du temps, de l’orientation, et de la mesure DOMINIQUE PETITGAND UN TOUT, DONT JE FAIS PARTIE INSTALLATIONS SONORES 25 MAI - 25 AOÛT 2012 AUBETTE 1928 PLACE KLÉBER, STRASBOURG OUVERTURE DU MERCREDI AU SAMEDI DE 14H À 18H WWW.MUSEES.STRASBOURG.EU


littérature

je suis une légende Partageant l’intime d’une vie déracinée, Gaston-Paul Effa nous transporte, avec Je la voulais lointaine, dans une quête identitaire entre son Afrique natale et sa vie en Lorraine. Le professeur de philo et romancier sera l’un des invités marquants de la Foire du Livre de Saint-Louis.

Par Thomas Flagel Photo de Daniel Faulhaber

La Foire du Livre de SaintLouis, présidée par Jean-Michel Ribes, invite, du 11 au 13 mai, de nombreux auteurs comme Jean-Claude Carrière, JeanPierre Marielle, Olivier Larizza (voir page 18), Dick Rivers, Jean-François Kahn… www.foirelivre.com

Pourquoi avoir prénommé votre personnage principal Obama ? Toute ressemblance avec un président est fortuite. C’est un nom panafricain, une sorte de Meyer ou de Martin du Cameroun jusqu’au Gabon. C’est aussi celui d’un épervier ou d’un aigle, sorte d’Hermès ou de Mercure africain, toujours entre ciel et terre, qui peut tutoyer le soleil sans se brûler les yeux. On dit aussi qu’il ressemble à un nuage car il se charge d’eau que boiront ceux qui n’ont pas eu la chance de voyager. Lorsqu’il revient, nourri de tout ce qu’il a vu, il raconte son histoire et devient griot : « Partir c’est bien mais le plus dangereux c’est de se fuir. Regardez-moi, j’ai passé mon temps à me fuir et je suis celui qui revient aux racines. » C’est ce qui vous fait dire que l’exil n’est pas un départ mais un retour ? En effet, tout exil n’est qu’un retour. S’absenter pour mieux découvrir l’énigme de soi. C’est lorsqu’on s’absente des choses qu’elles reprennent leur droit. Obama a eu la chance, ou le malheur, de se fuir, et ce passé, tel un golem, l’a rattrapé.

Gaston-Paul Effa, Je la voulais lointaine, Actes Sud (15,80 €) www.actes-sud.fr

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Écrire vous a permis de vous trouver ? L’écriture a été le chemin vers moi-même. J’ai eu une enfance particulière où l’on n’a pas cessé de me passer aux autres, de m’offrir, de me faire partir et par l’écriture, j’ai retrouvé

les traces. En approfondissant l’énigme de soi, l’écriture ramène vers soi. Là, on rencontre l’autre parce qu’on est obligé de briser ce moi qui est fait d’apparences. La trajectoire en boucle du personnage principal donne à penser que vous avez fait la paix avec cette identité meurtrière qui était la vôtre… Complètement, une identité multiple, éclatée. J’ai peut-être fait ce qu’on dit dans la tradition juive : on y parle du visage au pluriel. L’être accompli est celui qui a retrouvé la voie de la réconciliation avec ses visages multiples pour retrouver la strate première. L’expérience de ma vie n’a été qu’un chemin spirituel qui m’a permis de rassembler ce qui était épars en moi. Ce chemin spirituel se trouve dans l’animisme ? Oui, je pense que c’est la plus belle des philosophies. D’ailleurs si je peux aujourd’hui enseigner la philosophie grecque c’est parce que je me nourris d’animisme. Personne ne trouvera que le shintoïsme est quelque chose de primitif ou de barbare. Personne ne dira cela de la poésie de Jaccottet, qui est pourtant le premier des animistes en recherchant le dieu perdu dans l’herbe. Et c’est cela que j’ai passé mon temps à rechercher et qui me fait peut-être vivre.


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littérature

l’imagination au pouvoir Sorciers, vampires, lycanthropes, elfes et autres êtres surnaturels se donnent rendez-vous à Épinal pour Les Imaginales, l’un des premiers salons européens dédié aux littératures de l’imaginaire, un genre encore mésestimé.

Par Charlotte Staub

À Épinal, rencontres et dédicaces à l’Espace Cours, du 31 mai au 3 juin www.imaginales.fr

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es Imaginales, lancées en 2002, valorisent une littérature en plein essor, allant de la science-fiction à la fantasy, en passant par le fantastique ou la bit-lit, mais qui reste peu visible dans les émissions et magazines. Un désintérêt qui fait débat. « Le monde de la culture littéraire est un milieu clos qui ne s’intéresse pas à l’imaginaire, considéré encore par certains comme un “mauvais genre”. On n’a cessé de répéter que les enfants n’aimaient pas lire, pourtant ils ont dévoré les Harry Potter ! Il y a un énorme décalage entre la réalité et le petit monde des chroniqueurs littéraires parisiens » explique Stéphanie Nicot, directrice artistique du festival depuis sa création. Pour Charlotte Bousquet, coup de cœur de l’édition précédente, outre le snobisme, un pseudo élitisme sous-jacent et un manque certain de curiosité, « cette indifférence est liée, j’en suis persuadée, à un héritage sexiste des Lumières, qui considéraient les récits merveilleux comme des “histoires de bonnes femmes” ». Mais, en témoigne l’engouement toujours croissant suscité par les Imaginales (20 000 visiteurs en 2011), les auteurs présents cette année sont persuadés que le temps du mépris sera bientôt révolu. « Les différents genres de la littérature imaginaire se rejoignent sur un point essentiel : le plaisir de raconter une histoire. Les lecteurs aiment se plonger dans des fictions qui, souvent, offrent davantage de vérités que les pseudos romans d’autofiction » explique Pierre Bordage, un des maîtres de l’imaginaire contemporain. Charlotte Bousquet est convaincue que « ces récits font écho à des questions intimes aux

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lecteurs (le rapport aux autres, l’acceptation de soi) et aux problèmes sociétaux et environnementaux. » Les succès commerciaux des Twilight, Buffy contre les vampires et autres Hunger Games, tous issus de romans à succès, donnent une visibilité à la littérature imaginaire. « Nous sommes dans une civilisation de l’image, il est sûrement moins “gênant” pour les émissions et magazines de parler de séries comme True Blood ou Games of Thrones, produites par HBO – la même chaîne qui a produit Les Soprano ou Six Feet Under, gage de qualité culturelle – que de dire “ce qu’il y a de bien dans la littérature fantastique, c’est la critique du racisme et de l’homophobie par le prisme du surnaturel » explique Charlotte Bousquet. « Maintenant, c’est aux éditeurs et à nous, auteurs, de profiter de cet élan et de le transformer en belle aventure littérature ! » conclue-t-elle.


où trouver

www.poly.fr – prochaine parution le 14 juin

Les lieux référents (plus de 120 exemplaires) Bas-Rhin

Strasbourg La Boutique Culture, CG67, Cinéma L'Odyssée, Graphigro, Restaurant la Victoire, CUS, Région Alsace, Pôle Sud Oberhausbergen PréO Haguenau Médiathèque, Théâtre, Mairie Sélestat Frac Alsace, Mairie Schiltigheim Mairie, École de Musique, Le Cheval Blanc Illkirch L’Illiade Bischwiller MAC

Haut-Rhin

Focus

Illzach Espace 110 Kingersheim Espace Tival Mulhouse Cinéma Bel Air, Mairie, Filature SaintLouis Mairie, Musée Fernet Branca

Franche-Comté

Belfort Centre chorégraphique Montbéliard MA Scène nationale, Hôtel de Sponeck

Lorraine

Forbach Le Carreau

Colmar Le Poussin Vert, CG68, Cinéma Colisée

Espace 110 – Illzach www.espace110.org

Les lieux de diffusion ++ Bas-Rhin

Bischheim Mairie, Centre Culturel, Salle du Cercle, Bibliothèque (Cour des Bœcklin) Haguenau École de Musique, Musée Historique, Relais Culturel Hœnheim Mairie Illkirch Mairie Lingolsheim Mairie Obernai Espace Athic Ostwald Mairie, Château de l'Île, Le Point d'Eau Sélestat ACA Saverne Rohan Schiltigheim Ferme Linck Strasbourg Arte, CIRDD, Espace Insight, FEC, La Choucrouterie, L'Artichaut, Le Kafteur, Lisaa, La Maison des Associations, Stimultania, Strasbourg Événements, 3 magasins Bemac Mésange, Neuhof & St Nicolas, Café Broglie, Snack Michel, Trolleybus, Archives de la Ville de Strasbourg et de la CUS, CEAAC, CRDP, Restaurant Chez Yvonne, Cinéma Star St Éxupéry, IUFM, Afges, Électricité de Strasbourg, MAMCS, TJP Petite Scène et Grande Scène, Espace avenir de l'Université de Strasbourg, CCI de Strasbourg, La Laiterie, les Taps Gare et Scala, Pôle Sud, Le Vaisseau, l'École d'Architecture de Strasbourg, Fnac, BNU, Bibliothèques du Neudorf, Hautepierre, Kuhn, Meinau & de Cronenbourg, Creps Cube Noir, Le Maillon, l'Opéra National du Rhin, l'École supérieure des Arts décoratifs, Le Théâtre national de Strasbourg Vendenheim Mairie

Haut-Rhin

Altkirch Crac Alsace Cernay Espace Grün, École de musique Colmar Hiéro Colmar, Lézard, Le Grillen, Civa, Bibliothèque Municipale, Musée d'Unterlinden, Fnac, École de musique, Comédie de l’Est, Théâtre

municipal, Espace Malraux, Mairie Guebwiller Les Dominicains de Haute-Alsace, IEAC Huningue Triangle Kembs Espace Rhénan Kingersheim Créa Mulhouse Société Industrielle, Quartz, La Filature, Bibliothèque, Médiathèque, Musée des Beaux Arts, École Le Quai, CCI, Kunsthalle, Théâtre de la Sinne, Musée de l'Impression sur Étoffes, La Vitrine, École de danse Ribeauvillé Salle du Parc Rixheim La Passerelle Saint-Louis Théâtre de la Coupole, Médiathèque Thann Relais Culturel

Mac Robert Lieb – Bischwiller www.mac-bischwiller.fr

Franche-Comté

Belfort Mairie, Le Granit, Tour 46, Médiathèque, CNCFC, École d’art Gérard Jacot Bourogne Espace Multimédia Gantner Montbéliard Le 19, Le Château (Musée), Les Bains, Médiathèque, La Maison d’Agglomération

Lorraine

IUFM – Strasbourg Neudorf iufm.unistra.fr/index.php?id=3041

Forbach Office de tourisme, Mairie, Le Carreau, Le Castel Coucou, Restaurants Le carré mauve, le Loungo, Studio Café Sarreguemines Mairie, Office tourisme, Musée de la faience, Jardin des faienciers et moulin Blies, Restaurant café concert le “Terminus” Meisenthal CIAV, Cadhame, Musée du Verre et du Cristal Saint Louis les Bitches Cristallerie Phalsbourg Mairie, OT, Musées Et dans plus de 100 autres lieux (bars, restaurants, magasins…)

Fédération Hiéro – Colmar hiero.fr/online/

Les lieux de lecture c L es salles d’attente des Hôpitaux

c 40 cabinets médicaux et dentaires

Universitaires de Strasbourg, Mulhouse, Montbéliard c 70 bars c 50 restaurants c 60 salons de coiffure

Si vous souhaitez vous aussi devenir un lieu de diffusion pour Poly, n’hésitez pas à nous en faire la demande. Contact : gestion@bkn.fr

Le 19 – Centre régional d’art contemporain Montbéliard le19crac.com


LES ILLUsTRATEURS

Studio 923a Mise en place du système graphique de la MJC La Passerelle à Verdun, réalisation de l’identité visuelle de l’exposition 12/21 commanditée par la maison de l’architecture de lorraine ou de la plaquette 2012 des travaux du designer Philippe Riehling… Le duo strasbourgeois Studio 923a, composé de Jérémy Joncheray et Thomas Oudin, favorise la complémentarité et l’échange dans son travail graphique. « Pour expliquer notre méthode, nous nous amusons à faire l’analogie avec un match de tennis, ou de ping-pong, c’est au choix. Chacun a son style de jeu, tantôt au filet, tantôt en fond de court, tantôt sur de la finesse… » Sauf qu’ici, il n’y a que des gagnants. http://neufdeuxtroisa.free.fr

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JEUNES, BEAUX & RICHES Et lA NUIt SERA CAlmE

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D’après Les Brigands de Schiller / Amélie Énon France

Marjolijn van Heemstra Pays-Bas

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Laura Kalauz & Martin Schick Suisse

D’après Güner Y. Balci / Nicole Oder Allemagne

tHE ENd Valeria Raimondi, Enrico Castellani Italie

SUBJEkt: koHlHAAS D’après Heinrich von Kleist / Christian Valerius Suisse

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Informations et réservations www.le-maillon.com 03 88 27 61 81 www.tns.fr 03 88 24 88 24 www.festivalpremieres.eu Programme disponible début mai !

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ARTISTE ASSOCIÉ

jazz session Le contrebassiste et compositeur Jérémy Lirola s’occupe de la programmation des “Mélodies en sous-sol” des TAPS, avec un parcours en cinq étapes autour du jazz et des musiques improvisées. Les pianistes et saxophonistes Eric Watson et Christof Lauer clôturent ensemble la saison.

Par Charlotte Staub Photo de Benoît Linder

À Strasbourg, au TAPS Scala, vendredi 11 et samedi 12 mai 03 88 34 10 36 www.taps.strasbourg.eu

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L

«

e jazz a la particularité de se réinventer chaque soir donc je trouvais intéressant d’inviter des formations musicales qui rassemblent des visions à la fois personnelles et collectives, où la création et l’écriture font toujours appel à l’improvisation » indique Jérémy Lirola pour expliquer ses choix programmatifs. Le musicien strasbourgeois a fait appel à des artistes amis, des projets qu’il admire. Il dévoile une sélection éclectique allant du rock imagé de Wunderklub, en passant par un voyage onirique de Fred Norel, au penchant lyrique-alternatif de Polaroïd3, avec au milieu de tout ça, son nouveau groupe, le Jérémy Lirola Quartet, qui a assuré une série de trois concerts. Pour la dernière soirée, l’artiste a invité Eric Watson et Christof Lauer, duo totalement inclassable à la musique brute et tendre. « J’ai toujours aimé le lyrisme de Watson, ainsi que sa singularité comme pianiste de jazz. Lauer est un musicien très connu en Europe, c’était le saxophoniste préféré de Jean-François Jenny-Clark. Venant de lui, ça veut dire quelque chose ! » Deux pointures que Lirola veut faire découvrir à un public strasbourgeois, trop peu familier de ce genre de musique. « Le problème ici, c’est le manque de petits endroits

pour accueillir des concerts de jazz » déplore l’artiste associé qui pointe du doigt les politiques gouvernementales et l’appât du gain : « Aujourd’hui avec les normes anti-bruit, il est devenu plus difficile de faire des soirées musicales dans des cafés ou des bars. Aussi, certains ont une mentalité un peu stupide… Si on peut faire du chiffre juste en vendant de la bière, pourquoi s’embêter à programmer des concerts, et du jazz par-dessus le marché ? » Jérémy Lirola s’émeut de voir ce genre s’effacer peu à peu du paysage actuel. « Ce qui me choque, c’est que de moins en moins de gens savent ce qu’est le jazz, c’est inquiétant ! Avant, si je voulais trouver des personnes qui ne connaissaient pas John Coltrane ou Miles Davis, je demandais à des enfants de primaire, aujourd’hui les ados et même les jeunes adultes sont étrangers à ces noms et à cette musique » Pourtant, il n’est pas totalement déprimé. Avec le souvenir des quatre soirées au Scala, le musicien nous quitte sur une note heureuse : « J’ai trouvé fascinant la manière dont les gens observaient les artistes sur scène, ils s’intéressent énormément au feeling qui passe entre les membres du groupe, un ressenti qu’on ne peut pas capter dans une grande salle. »


Anne-Sophie Tschiegg

AU THÉÂTRE LE SOIR… Valeurs sûres et talents inédits + THE VOCA PEOPLE + LES DESAXES + PAGAGNINI … et bien d’autres

DANS LA RUE… Spectacles gratuits et déjantés les après-midi + SAMEDI 12 + DIMANCHE 13 + JEUDI 17 MAI (ASCENSION)

LE FESTIVAL OFF + KANSAS OF ELSASS & DE GANG + LA FANFARE EN PETARD + SALADE MIXTE … et bien d’autres

ET « HORS LA VILLE »

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musées insolites

une vallée de lames Les sabres fabriqués non loin d’Obernai, à Klingenthal, ont acquis une réputation mondiale. La Maison de la Manufacture revient sur une aventure industrielle qui s’est déployée entre 1730 et 1962.

La Maison de la Manufacture, située 2 rue de l’École à Klingenthal, est ouverte du mercredi au dimanche, de 14h à 18h 03 88 95 95 28 www.klingenthal.fr

A

u début du XVIII e siècle, Klingenthal n’existe pas : à cette époque, le Royaume de France est dépendant de Solingen (Westphalie) pour son approvisionnement en lames. Impensable pour Louis XV qui charge Nicolas Prosper Bauyn d’Angervilliers de créer un “village-manufacture”. Il voit le jour en 1730 dans la vallée de l’Ehn, alors inhabitée, qui offre toutes les conditions pour le développement d’une telle industrie : un cours d’eau au débit suffisant pour fournir l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’usine, du bois en abondance, des carrières de grès toutes proches (pour les meules à aiguiser) et… le dialecte alsacien qui permet une meilleure intégration des ouvriers fraichement débauchés du concurrent allemand. S’ils ne sont qu’une dizaine au départ, les employés seront près de 700 en 1815. Fondée il y a vingt ans, l’Association pour la sauvegarde du Klingenthal a décidé de mettre en valeur un patrimoine unique. Sur trois étages du bâtiment de l’ancienne École communale (un quatrième étant réservé aux expositions temporaires), est désormais narrée, de manière claire et didactique, l’aventure de ce qui se nommait, à sa création, la Manufacture Royale d’armes blanches d’Alsace. Le visiteur

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y découvre une collection impressionnante de sabres (au XIXe siècle, les armes produites dans la vallée sont célèbres dans toute l’Europe et ont notamment été récompensées par une Médaille d’Or à l’Exposition de Paris de 1806), baïonnettes et cuirasses, mais aussi les différents métiers nécessaire à créer de tels bijoux. Une douzaine en tout, du forgeur (un des 40 ateliers du village datant du début du XIXe siècle est reconstitué) au trempeur qui donnait à la lame sa dureté et son élasticité, en passant par l’aiguiseur, le graveur-doreur ou le fabricant de fourreau. Lumière est aussi faite sur l’histoire de la manufacture : jusqu’en 1836, elle dépend de l’État (son appellation évolue ainsi au gré des ans : “nationale” ou “impériale”), puis devient privée en passant dans le giron de la famille Coulaux jusqu’à sa fermeture en 1962. Ils abandonnent la fabrication des armes blanches dans les années 1930 au profit des faux, faucilles et outils divers. Aujourd’hui, Klingenthal (étymologiquement la “vallée des lames”), devenu un bourg paisible et résidentiel, mérite encore son nom grâce à ce musée entretenu par des passionnés qui perpétue l’histoire de savoirfaire désormais délocalisé.

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Par Hervé Lévy Photos de Stéphane Louis pour Poly

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En 2012, devenez tous explor’acteurs ! Avec 12 attractions, 3 spectacles inédits, 2 nouveaux films 3D, 1 labyrinthe surprenant et 1 attraction 4D, explorez toutes les dimensions ! Pour une journée de découvertes entre amis ou en famille !

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UN REGARD

the ozymandias parade

par edward kienholz & nancy reddin kienholz Par Thomas Flagel Photo de Schirn Kunsthalle Frankfurt, Norbert Miguletz, Collection of the artist. Courtesy of L.A. Louver, Venice, CA. Kienholz : Les Signes du temps, au Museum Tinguely, à Bâle, jusqu’au 13 mai +41 (0)61 681 93 20 www.tinguely.ch

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La toute puissante décadence du pouvoir convoquée dans un agglomérat de figurines de soldats de plomb, Nef des fous dans laquelle un général tenant la télécommande de la bombe chevauche le dos d’un squelette à cannes d’aveugle. Cette installation de 1985, miroir caustique des abus de pouvoir d’un dirigeant la tête en bas, étrillé par sa monture, épée brandie et téléphone rouge en main, symbolise toute l’audace d’Edward Kienholz et de sa femme Nancy, contraints de quitter une Amérique qui ne leur pardonna pas les dénonciations artistiques fou-

gueuses du Maccarthysme, de la Guerre du Vietnam ou encore de l’exploitation sexuelle des femmes. Créée à quatre mains, The Ozymandias Parade est entourée de 687 ampoules clignotantes, aux couleurs du pays hôte de l’œuvre. Au public est laissé le soin de choisir si, sur le bandeau entravant le regard du général – écho à celui de la justice, ellemême bâillonnée en tête de cortège – sera inscrit “yes” ou “no”, réponse à une unique question qui traverse le temps : « Êtes-vous satisfait de votre gouvernement ? »


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ORGANISÉ PAR LE CADHAME (COLLECTIF ARTISTIQUE DE LA HALLE DE MEISENTHAL) & SON PARTENAIRE THÉÂTRE, LA COMPAGNIE LUCAMOROS EN COLLABORATION AVEC LE PARC NATUREL RÉGIONAL DES VOSGES DU NORD

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DONT : CIE ANNIBAL & SES ÉLÉPHANTS / LA LIGUE DES UTOPISTES / CIE AZIMUTS / CIES MOTUS MODULES & HECTOR PROTECTOR + BIEN D’AUTRES ENCORE… VE.25 : À PARTIR DE 20 H / SA.26 : DE 16 H JUSQU’AU BOUT DE LA NUIT DI.27 : TOUTE LA JOURNÉE / POSSIBILITÉ DE NUITÉE & PETIT-DÉJEUNER SUR PLACE / NOURRITURES TERRESTRES : SOUPES & TARTINES… INFOS : 03 87 96 82 91 / CADHAME@HALLE-VERRIERE.FR PROGRAMME COMPLET : HALLE-VERRIERE.FR ENTRÉE GRATUITE

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Mise en scène Gilles Ostrowsky et Jean-Matthieu Fourt Compagnie Verticale, Colmar – création 2011

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promenade

2012, l’odyssée de la forêt Une touche d’art contemporain, la nostalgie désuète d’un univers à jamais disparu et des eaux cascadant joyeusement : la promenade menant du Hohwald au Champ du Feu, un classique du genre, tient toutes ses promesses.


Par Hervé Lévy Photos de Stéphane Louis pour Poly

L

air est vif, piquant et presque glacé en ce printemps qui peine à naître. C’est ce climat tonique que des milliers de personnes cherchaient, à la fracture des XIXe et XXe siècles, au Hohwald, charmante station de moyenne montagne et point de départ de cette randonnée. Aujourd’hui, le village fondé en 1867 (par agrégation de plusieurs hameaux) qui s’étale élégamment entre 600 et 1 100 mètres d’altitude conserve un intense charme, même si les curistes d’antan ont disparu, sans être remplacés. Tout avait débuté en 1856 avec la création, par Dorothée Kuntz, d’un établissement – le futur Grand Hôtel, joliment rénové il y a peu – attirant têtes couronnées et people.

Élégantes villas

1 « Ici se trouvait le sapin de Strasbourg chanté par Rückert », un poète allemand (1788-1866) dont certains textes ont été mis en musique par Gustav Mahler, notamment dans les fameux Rückert-Lieder 2 Relatif aux divinités infernales de la mythologie grecque

Le long des rues escarpées, bordées de villas chicissimes, pour la plupart fermées en cette saison, et d’hôtels qui connurent des heures meilleures, flottent d’amicales ombres. Nous montons à l’assaut des premières pentes au cœur du village, en compagnie des fantômes de Coquelin (qui créa notamment le rôle-titre de Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand en 1897), d’Anatole France, de Sarah Bernhardt, de la Reine Wilhelmine de Hollande ou encore d’un compositeur éminemment proustien, Reynaldo Hahn. Depuis les années 1950, Le Hohwald a perdu son lustre : subsiste néanmoins la séduisante grâce de la décrépitude. La marche est molle et les regards avides

les vertus de l’eau froide Au XIXe siècle, l’abbé Sebastian Kneipp (1821-1897) faisait figure, dans l’aire germanique, de pape de l’hydrothérapie considérée comme un moyen de guérison (alliée à la phytothérapie, l’activité physique et la diététique). Sa théorie centrale ? L’eau froide – voire glacée – est excellente pour la santé, régulant la thermie de l’organisme. Grâce au différentiel chaud / froid, les vaisseaux sanguins connaissent un phénomène de dilatation / contraction permettant de réactiver et de tonifier les principaux organes, cœur, foie ou estomac, et de booster le système immunitaire. Si vous souhaitez tester, rendez-vous au pédiluve du Hohwald situé au pied d’un temple protestant à la grâce toute montagnarde. Ça fouette les sangs !!! errent de maison en maison, de jardin en parc jusqu’à la sortie du village où est plantée une austère fontaine rappelant la destinée d’Adélaïde – dite “Haïdi” – Hautval (19061988), une des filles du pasteur du Hohwald. Médecin, elle est arrêtée en 1942, ayant voulue défendre des juifs que l’on maltraitait. Poly 149 Mai 12

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Déportée à Birkenau, puis à Ravensbrück, cette “Juste parmi les nations” fit tout pour aider les autres détenus en sa qualité de toubib. Sur la pierre grise est gravée, traduite en dix langues, la maxime qui guida son action : « Pense et agis selon les eaux claires de ton être. » Un peu sonnés, nous nous dirigeons vers le camping, un des plus glamour du massif vosgien. Longeons la clôture en silence. Caravanes. Tentes. Tables de pingpong. Cliquetis de couteaux et de fourchettes. Fragrances caféinées… La vie reprend peu à peu ses droits. Ragaillardis, tous se lancent à l’assaut d’une pente montant de manière extraordinairement régulière jusqu’au Champ du Feu, point culminant de la promenade.

Eaux bondissantes

C’est sans doute Jean Arp, poète remarquable, qui décrit le mieux le sentiment étreignant le marcheur sur ces pentes, au milieu des conifères élancés : « Dans le profond silence des Vosges / J’ai rencontré / De grands voiliers sans équipage / Voguant silencieusement / À travers les forêts. » Après être passés devant une mystérieuse et charmante stèle – à l’inscription en lettres gothiques presque complètement effacée : « Hier stand die von Rückert besungene Strassburger Tanne »1 – nous arrivons à la cascade du Hohwald chute très romantisch où l’Andlau, un torrent de montagne qui se jette dans l’Ill, dévale une quinzaine de mètres. Deux jeunes filles y sont installées, assises sur des rochers en position du lotus, trempant des bijoux argentés dans l’eau glougloutant avec violence. Croient-t-elles dans le mystérieux pouvoir d’une onde bienfaisante ? Sont-elles influencées par des rites venus des âges obscurs où les forces telluriques dominaient les existences ? Ou alors ont-elles trop lu Cosmo ? La scène est ravissante. Inutile de chercher à en savoir plus… La grimpette vers la Crête des Myrtilles démarre. Juste en dessous, l’Andlau prend sa source : un famélique filet d’eau sortant de terre au milieu des feuilles tombées et des premières fleurs du printemps. L’endroit est bucolique à souhait et sa vision donne du courage pour la montée vers le Champ du Feu, presque désert à cette période de l’année.

Signifiant monolithe

Le choix est large pour pique-niquer. Knacks, bouteille de pif, œufs (presque) durs et charcutaille. Nous saucissonnons, abrités derrière un bosquet de sapins, histoire de se protéger du vent glacé qui bat les chaumes avec 74

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promenade

violence. Pas très loin de la mythique Serva, une des rares pistes de ski alpin du Bas-Rhin où bien des Strasbourgeois ont fait leurs premières descentes, se trouve une installation protéiforme de Daniel Pontoreau, sobrement nommée Champ du feu (1992) : dans un espace dénudé, des éléments épars semblent se répondre. Des centaines de plaques de marbre blanc du Rajasthan sont éparpillées au sol, tandis que trois sculptures monumentales de fonte rythment l’espace, installant un étrange dialogue entre légèreté de la nature et puissance chtonienne2 de l’œuvre. Poétique et intriguant, un immense monolithe sombre évoque celui de la séquence d’ouverture de 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Nous errons autour de lui comme les australopithèques du film, incapables de s’accorder sur une interprétation. Peu importe. La tour belvédère (construite à 1 099 mètres d’altitude) nous tend les bras : voilà le point culminant du 6-7… Ce n’est pas rien ! La porte de l’édifice, normalement interdit au public, est défoncée : depuis son sommet, la vue est féérique, à peine gâchée par une antenne relais pour téléphones mobiles. La descente peut commencer, des hauteurs altières vers le consumérisme le plus sordide. L’arrivée au Col du Kreuzweg est en effet un peu triste : le soleil a attiré une foule compacte autour de la Villa Mathis, chef d’œuvre des années 1930 défiguré par la modernité. Dire que le Parc Alsace Aventure, paradis des amoureux de l’accrobranche, est encore fermé (ouf). Il a ouvert depuis et, pour information, la nouveauté 2012 est le saut pendulaire de 35 mètres. La fin de la promenade se fait dans un silence de plomb, chacun restant noyé dans ses pensées.

du Hohwald au Champ du Feu Départ le Hohwald, à côté de la poste Distance 15 km Temps estimé 5 h30 Dénivelé 640 m Obernai 22 km

NORD

LE HOHWALD

Champ du Feu 1099m

D

Source de l’Andlau 1080m

Parking de la poste 600m

Cascade de l’Andlau 650m

Andlau 10 km

Chaume des Veaux Col du Kreuzweg 768m

le tour des tours Au sommet du Champ du Feu, trône une “tour belvédère” évoquant des univers mystérieux, ceux d’Enki Bilal ou des Cités obscures de Schuiten et Peeters dont elle est peut-être une porte d’entrée. Elle fut érigée en 1898 pour fêter le 25e anniversaire du Club vosgien et fait partie d’un “réseau” de sept édifices dans le Bas-Rhin : la Tour du Grand Wintersberg (581 mètres d’altitude), près de Niederbronn-lesBains, la Tour du Wasenkoepfel (526 mètres d’altitude), à côté d’Oberbronn, la Tour du Brotsch (542 mètres d’altitude, au-dessus

de Haegen, non loin de Saverne), la Tour du Heidenkopf ou “Tour Mündel” (787 mètres d’altitude ; elle a été la dernière à avoir été construite en 1909), la Tour Héring (901 mètres d’altitude, au sommet de l’Ungersberg) ou encore la Tour du Climont ou “Tour Julius” (965 mètres d’altitude), toute carrée. Du haut de ces édifices, la vue est à couper le souffle… Alors, pourquoi ne pas imaginer une “promenade performance” menant de l’une à l’autre ? www.club-vosgien.eu

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gastronomie

à la croisée des générations Dans l’extrême sud de l’Alsace, à Sierentz, la famille Arbeit est aux commandes de L’Auberge Saint-Laurent. Depuis trois générations, dans ce relais de poste du XVIIIe siècle se déploient les fastes d’une cuisine passionnante. Du (très) beau travail !

Par Hervé Lévy Photo de Stéphane Louis pour Poly

L’Auberge Saint-Laurent se trouve à Sierentz, 1 rue la Fontaine. Fermée lundi et mardi Menus de 39 à 75 € 03 89 81 52 81 www.auberge-saintlaurent.fr

I

l n’a pas encore 30 ans et son parcours est déjà impressionnant : Laurent Arbeit a en effet travaillé à L’Auberge de l’Ill (Illhaeusern) avec « Monsieur Paul » (Haeberlin), à l’Albert 1er (deux Macarons au Michelin, à Chamonix), puis à Monte-Carlo, au Louis XV, établissement phare de l’empire bâti par Alain Ducasse, où le chef de cuisine Franck Cerutti imagine des plats glamours et ultra inventifs. Il y a trois ans, le jeune chef a pris seul les rênes des cuisines de l’établissement familial, où officiait, depuis 1972, son père, Marco, qui avait conquis, en 2000, le Macaron au Guide Michelin que la maison arbore toujours fièrement. Aujourd’hui, le credo culinaire de L’Auberge Saint-Laurent est le fruit des échanges permanents entre père et fils : « Nous formons un véritable binôme », affirme le premier. Et le second de renchérir : « Nous ne cessons de discuter. Tous les matins, nous nous retrouvons autour d’une table et la carte est le fruit de ces réunions. » Si Laurent Arbeit affirme vouloir apporter une certaine nouveauté, il n’en respecte pas moins la « touche familiale ». La carte ressemble ainsi à un habile mélange entre plats

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marqués du sceau de l’inventivité et classiques imaginés par son père comme le traditionnel, géométrique et extatique, Foie gras de canard fait à la maison, cuillerée de confit de choucroute qui n’a pas bougé depuis des années. Le souhait du chef ? « Une cuisine qui apparaisse évidente, presque simple, mais qui soit profondément affutée, technique et qui aille chercher dans les profondeurs du goût. » Démonstration avec un Dos de sandre rôti sur sa peau, du poireau fondu & frit qui fait exploser les papilles de bonheur ou un Pigeonneau de nid fermier d’Alsace tombée de choux & purée de pommes de terre aux équilibres parfaits. Tout cela est précis, intensément goûteux et profondément élégant… et se prolongera – avant l’été – avec l’ouverture d’un bistrot (qui se nommera sans doute Au Soleil ou À coté) dans lequel sera servie une cuisine plus simple et moins onéreuse, se rapprochant des origines de la maison, une étape sur la route de Bâle à Strasbourg. Au futur menu « léger et fonctionnel », des escargots, des truites… À Sierentz, tradition et authenticité se conjuguent décidément au présent et au futur.


© La Kunsthalle

Arty Winter sports Nouveau venu dans le paysage gastronomique, L’Étoile des neiges est le premier restaurant savoyard de la capitale européenne (14 rue Munch à la Krutenau). Nous voilà transportés dans un chalet à la fois rustique et chic, où il est possible de déguster, sept jours sur sept, des plats montagnards : tourte savoyarde au Beaufort, fondues et raclettes, crozets ou encore velouté du skieur…

La Table de la Fonderie est un restaurant solidaire situé à quelques encablures de la Kunsthalle qui propose un repas sain et équilibré à 10 € (6 € pour les personnes en difficulté financière et les étudiants). Il était donc logique que les deux institutions mulhousiennes s’associent… C’est chose faire avec la création du Kunstcafé (ouvert du mercredi au dimanche de 12h à 17h, en période d’exposition) où il est possible de grignoter un petit plat lors de la pause déjeuner ou de goûter une douceur avec un café, l’après-midi. www.kunsthallemulhouse.com – www.table-fonderie.fr

03 88 37 16 17 – www.etoiledesneiges.net

Franky goes to Neudorf

© Frédéric Gaodard

À l’entrée de Neudorf (2 avenue Jean Jaurès), un bistrot renait sous l’enseigne du Franky’s (ouvert sept jours sur sept, de 7h à minuit). Ambiance made in USA et plongée dans les années 1950 au menu avec pancakes, onion rings, veggie salad, buffalo burger, ribs barbecue, new york cheese cake… et café américain à volonté. Au Sud de Strasbourg, c’est West side story

Basel spirit Une nouvelle et gouteuse bière helvète vient de voir le jour à l’occasion du “Jour de la bière suisse” (19 avril), la Ueli Basilisk produite par la Fischerstube. Tout l’esprit de Bâle enfermé dans une simple bouteille… La bière, mais qu’est-ce qu’elle fait de toi, la bière ? www.uelibier.ch L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

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© Maxime Huylebroeck

And the winner is… Les Grands Concours du monde se sont déroulés du 14 au 16 avril à Strasbourg. Ils ont permis de distinguer les meilleurs Rieslings, Pinots gris et Gewurztraminers de la planète. Les Grandes Médailles d’Or (plus de 92 points sur 100) viennent de tomber : Karl Veit (Allemagne) pour un Riesling Spätlese 2010 Brauneberger Juffer, Vorburger Meyer (Voegtlinshoffen) pour le

Pinot Gris Sélection de Grains Nobles 2007, Bernard Walter (Pfaffenheim) pour le Gewurztraminer Vendanges Tardives 2009 et la Cave du Roi Dagobert (Traenheim) pour le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles 2007. Bravo ! www.portail-vins-du-monde.com

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ARCHITECTURE

le corbu via piano Lancé en 2005 pour le cinquantenaire de l’édification par Le Corbusier de la Chapelle Notre-Dame du Haut, le projet Ronchamp Demain était inauguré en septembre 2011. Le grand architecte italien Renzo Piano y signe une nouvelle porterie et un monastère somptueusement discrets.

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Par Thomas Flagel

La Chapelle Notre-Dame du Haut et le monastère se situent sur les hauteurs de Ronchamp (Haute-Saône). Ouvert tous les jours de l’année (sauf 1er janvier), de 9h30 à 19h, d’avril à septembre www.chapellederonchamp.fr www.rpbw.com

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a Maison européenne de l’architecture – Rhin supérieur Europäisches Architekturhaus – Oberrhein

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’idée d’attacher un monastère à la Chapelle trônant au sommet de la colline de Bourlémont, chef d’œuvre de béton brut aux courbes naturelles et aux murs enduits de chaux blanche, est ancienne. En 1961, Charles-Edouard Jeanneret dit Le Corbusier (1887-1965), l’un des plus grands architectes du XXe siècle, « acceptait et donnait même des indications reprenant le modèle des Murondins, bâtiments à peu de frais imaginés pour les camps de jeunes en 1940 », rappelle Jean-François Mathey, président de l’association de l’Œuvre Notre-Dame du Haut (AONDH). « L’emballement du Chapelain, qui voulait pouvoir accueillir 250 personnes a finalement attiré les foudres du Corbu. » Les plans inspirés des Murondins, rappelant le passé Vichyste de l’architecte, furent abandonnés. « Avec l’entrée dans le XXIe siècle, un renouvellement s’imposait : ce haut-lieu de pèlerinage pour les croyants (les 5 août et 8 septembre) mais aussi de tous les amateurs d’architecture était fermé l’hiver. La végétation avait aussi repris ses droits. Les 80 000 visiteurs annuels venaient comme dans un musée tout en notant qu’il était dommage que cette chapelle ne vive pas vraiment. »

Renouveau

Dominant la petite ville de Ronchamp située à vingt kilomètres de Belfort, Notre-Dame du Haut était dotée d’un bâtiment d’accueil peint en rose. « Une ancienne ferme, sorte de verrue sur le site », déplorait Jean-François. Pour le cinquantenaire de la Chapelle, en 2005, décision est prise de reconstruire cette porterie, mais aussi de relancer le projet d’un monastère afin de mettre fin à la solitude spirituelle des lieux. Les sœurs Clarisses cherchaient, quant à elles, à quitter leur couvent de Besançon. Ce site international saillait bien à l’ordre franciscain, en plein renouvellement générationnel. Encore fallait-il trouver un architecte ayant l’envergure pour assumer un tel projet mais aussi l’humilité de se placer dans le giron du Corbu. L’AONDH tombe rapidement d’accord sur un nom : Renzo Piano, lauréat du prix Pritzker en 1988 (équivalent du prix Nobel en Architecture). Le président de l’Association a toujours admiré « les courbes et l’esprit de la Fondation Beyeler réalisée par ses soins. Une sorte d’aboutissement architectural allant très loin dans la simplicité qui me semblait se marier agréablement au style du Corbusier. » Après


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plusieurs tentatives d’approches, Renzo Piano accepte finalement, en 2006, dégageant de la place dans un carnet de constructions plein pour les huit années suivantes.

Querelle de chapelle

Fin 2007, le premier permis de construire délivré, les travaux débutent. Les premières polémiques aussi, menées tambour battant par la Fondation Le Corbusier qui mobilise internationalement, étudiants et architectes, contre le projet de Piano. En cause, la possible dénaturation de l’œuvre du maître et « surtout, beaucoup de jalousies. Nous sommes pourtant loin de La Sagrada Familia, à Barcelone. Pas question de faire un “Corbusier Land” avec de nouveaux bâtiments copiant son style », assume JeanFrançois Mathey. Devant l’ampleur de la campagne de dénigrement, Renzo Piano affine sa copie, plonge vers la discrétion et l’effacement. Il enterre totalement la porterie dans le flanc Sud de la colline, en supprime « le toit magnifique des débuts, en forme d’aile d’oiseau ». L’ensemble est d’ailleurs invisible depuis la Chapelle, puisqu’en terrassement, recouvert de végétation. Si le béton brut, d’une couleur claire obtenue grâce au calcaire local, règne en maître, de grandes baies vitrées offrent, sur toute la longueur, l’horizon des vallons des Vosges environnantes pour point de vue, ainsi qu’une lumière naturelle à tous les espaces.

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mais d’agréables volumes qui confèrent une certaine sérénité aux lieux. Si le monastère a été poussé au plus près du ravin, pour mieux s’inscrire dans le paysage, la consolidation des pierres friables de la colline et le travail d’évacuation des ruissellements des flancs ont salé la note. « Au moins sommes-nous sûr de sa durabilité dans le temps », se félicite Jean-François. Ronchamp a aussi subi une restructuration paysagère, sous la houlette de Michel Corajoud. Si l’on ne retrouve pas les pâturages d’antan qui dominaient le plateau, il a soigné les acacias qui cachaient la montée en droite ligne vers la Chapelle, avec la Tour comme phare. Grâce à de subtils déboisements, le paysagiste permet au visiteur de retrouver les vues des années 1950. Les visiteurs peuvent ainsi cheminer autour de la Chapelle et le long de la porterie, jusqu’au jardin d’hiver d’où l’on profite du soleil couchant. Renzo Piano peut alors se targuer d’avoir ajouté du sens aux mots inscrits par Le Corbusier lui-même dans la Chapelle : silence, prière, paix, joie intérieure.

Légendes des photos 1. Salle de couture où travaillent les sœurs © Michel Denancé 2. Terrasse extérieure derrière laquelle on trouve un jardin d’hiver © Irina Schrag 3. Cellule où logent chaque sœur du monastère © Michel Denancé 4. La Fraternité © Michel Denancé 5. La Chapelle Notre-Dame de Ronchamp, chef d’œuvre du Corbusier © Irina Schrag

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Collés à la porterie, une bibliothèque et des ateliers de couture pour les sept sœurs clarisses qui ont investi les lieux, informatique et broderie étant leurs deux activités professionnelles. L’oratoire central de l’édifice reprend la forme de coque inversée de la Chapelle, alvéole minimaliste et intimiste. À l’Ouest, douze cellules individuelles pour les sœurs et huit pour les hôtes de passage et l’hébergement monastique. Confort spartiate de rigueur Poly 149 Mai 12

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design

à la carte Au centre-ville de Strasbourg, le showroom Arte & Cucine expose des produits résolument haut de gamme liant ergonomie, design et fonctionnalité. « Les plus belles cuisines au monde » y sont présentées.

Par Emmanuel Dosda

Arte & Cucine, 7 quai des Bateliers à Strasbourg 03 90 23 93 88 www.arte-cucine.fr

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«

ntemporel ! » Voilà comment Alain Demirci, le co-gérant, définit le style des cuisines – design, solides et indémodables – mises en avant par Arte & Cucine. Bienvenue dans un « univers de luxe et de qualité » inauguré il y a plus de deux ans, quai des Bateliers. Un vaste et lumineux espace de 300 m2 se déployant sur plusieurs niveaux, un “appartement témoin” idéal, un magasin dédié à la cuisine où l’on trouve aussi du mobilier, des bibliothèques ou bureaux et même des ustensiles estampillés Alessi. Le concept mis au point par Alain Demirci et Anne-Marie Tapiero : la présentation de produits « exceptionnels » destinés à une clientèle exigeante qui cherche du sur mesure. Une cuisine sim-

plement adaptée à notre look comme dans la célèbre pub des eighties ? Non, un véritable lieu de vie, ouvert, dans l’air du temps et pensé en fonction de nos besoins, élaboré par une l’équipe qui collabore avec deux cuisinistes italiens : Gatto, qui fabrique « des produits originaux, en revêtement cuir ou en verre laqué », indique Alain Demirci, et surtout Valcucine, du très haut de gamme, « à la pointe de l’innovation. Valcucine établit les tendances du marché. C’est un des moteurs du meuble. » Une griffe réputée mondialement qui veut offrir une réelle liberté de mouvement à l’utilisateur, élaborant des meubles « adaptés à ses exigences physiques ». Écolo, elle suit un plan de reforestation et reste sou-


cieuse de la recyclabilité et la longévité des produits utilisés. « Son savoir-faire est unique et des brevets sont déposés pour chaque réalisation », indique Alain Demirci à propos de la Rolls-Royce de la cuisine dont il partage l’éthique. D’après lui, « depuis quelques années, la salle à manger a tendance à disparaître et la cuisine devient un espace où l’on reçoit. Les gens investissent dans cette pièce. » Arte & Cucine prend tout en main, « de l’établissement des plans aux conseils en décoration jusqu’à la réalisation du chantier où l’on fait appel à des artisans ». Un cahier des charges est d’abord établi avec les clients avant de plancher, parfois avec des architectes d’intérieur, sur un projet 3D. Quelles sont les différentes possibilités d’aménagements ? Quels

matériaux choisir ? Aluminium, pierre naturelle, carbone ou verre, la matière star, « aussi résistante qu’un granit » ? Quel nouveau système de rangement, mis au point par Valcucine, utiliser ? À quelle hauteur doit-on placer le plan de travail ou le meuble haut en fonction de sa taille ? Les clients sont guidés avant de lancer la fabrication des différents éléments en Italie. Au bout de deux / trois mois, des salariés du magasin se chargent alors de l’installation. S’équiper chez Arte & Cucine, c’est l’assurance d’acquérir une cuisine hyper fonctionnelle et qui répond le plus naturellement possible aux modes d’utilisation de chaque personne. C’est ça le design : rendre la vie plus facile.

Un magnifique bloc central tout en arrondi… Il s’agit de La cucina Alessi dessinée en 2006 par l’architecte et designer milanais Alessandro Mendini. Créée à l’occasion de la foire Eurocucina 06, elle est caractéristique de la cuisine Valcucine qui se conçoit souvent de cette manière : un espace ouvert avec un mur de rangements et un îlot central de travail.

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LAST BUT NOT LEAST

i:cube artiste electro et dj versatile Par Emmanuel Dosda

DJ set, vendredi 15 juin, à Strasbourg, à L’Art Café (MAMCS), dans le cadre du Festival Contre-Temps (du 6 au 17 juin, lire page 9) www.contre-temps.net

Dernière escapade strasbourgeoise. C’était dans des circonstances assez particulières, lors d’une nuit de l’occulte au MAMCS, dans la grande nef, suivie d’un live durant la projection des fameux Vampires de Feuillade. Dernier frisson cinématographique depuis Les Vampires. Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff. Dernière danse. Foxtrot, cha-cha-cha, polka, mazurka, merengue, sirtaki avec un peu d’ouzo.

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Poly 149 Mai 12

Le teaser de votre dernier album est volontiers old school. C’est votre dernier flashback. Je ne suis pas nostalgique… Mon âge d’or pour la house est derrière moi parce qu’il correspond à une découverte importante à un instant donné. Le reste n’est qu’une question d’esthétique et de cycles.

Dernière Merovingienne croisée. En rêve sûrement, à Civaux, une pierre rectangulaire.

Dernière fois que vous avez croisé Lucifer en discothèque. Lucifer en discothèque (un titre d’I:Cube, NDLR) est plus une référence au Grand orchestre du Splendide qu’une ode à la disco sataniste.

Votre nouvel album prend la forme originale d’un grand Megamix de 24 de vos morceaux. C’est votre dernière folie. Une folie douce…

Dernière fois que vous vouliez mettre la tête au carré à quelqu’un. À moi-même certainement, pas par tendance masochiste.

Vous faites partie de Château Flight avec Gilb’r, le patron de Versatile qui vient de fêter ses 15 ans. Quel est votre dernier coup de cœur du label. Il y a peu d’artistes sur le label, mais chacun

Dernier album. “M” Megamix (Versatile).

Dernière nuit blanche. Il y a peu. Plusieurs nuits blanches d’affilée.

“M” Megamix, Versatile Records www.versatilerecords.com

apporte quelque chose. Versatile n’a jamais été qu’un label de dance music. Nous essayons de faire le lien avec d’autres périodes, d’autres sonorités. Tout est relié.



DAS = 0,66 W/kg

DAS = 1,12 W/kg

DAS = 0,362 W/kg

DAS = 0,899 W/kg

DAS = 1,18 W/kg

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