Poly 160 - Septembre 2013

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Magazine N°160 septembre 2013 www.poly.fr

Sélest’art L’art contemporain dans la cité

Emil Nolde De la couleur à Baden-Baden De l’eau à l’art Le Centre François Schneider à Wattwiller Les Festivals De musique de Besançon, n.o.w. dance saar, Musica, Laurent Garnier à L’Ososphère

Saisons 13/14

la chasse est ouverte !


www.eurodistrictbasel.eu


OUVERT AU

BRÈVES

PUBLIC

Amateurs de tous âges sont invités à manipuler les objets et décortiquer les textes qui nourrissent les divers univers artistiques présents au programme du TJP. Durant toute la saison, les quatre Chantiers Corps Objet Image (dès septembre, à Strasbourg) vous embarquent pour un voyage de fouilles hebdomadaire au cœur du processus de création. Visites des coulisses et rencontres d’artistes complètent les ateliers de pratiques. www.tjp-strasbourg.com

TORCHONS & SERVIETTES La collection Folklore, qui rassemble les deux amours de Sonia Verguet, le design et la cuisine (lire Poly n°147), est enfin disponible. Des motifs géométriques, clins d’œil aux traditionnelles maisons à colombages, ornent nappes, torchons et serviettes, pour des repas aux couleurs alsaciennes. En vente à Strasbourg, au magasin La Cuisine (6A quai Kellermann) et en ligne, sur le site de la designeuse. www.soniaverguet.com

BREF

Le Nord Est Théâtre de Thionville débute sa saison avec Court toujours (du 19 au 22 septembre à Thionville, Metz, Cattenom et Manderen), 4e festival pluridisciplinaire de la forme brève. L’occasion d’écouter Un doux reniement, voyage intérieur pour un spectateur signé Matthieu Roy, de regarder tomber La Neige très lynchienne d’Alain Batis, d’assister à la fabrication dans les pas d’Alice au pays des merveilles d’un univers en rêve et réalité (Slumberland) ou encore de (re)voir les courtsmétrages de Jacques Tati (en photo) … www.nest-theatre.fr

ODYSSÉE

DE L’ESPACE

La 3e édition de Bien Urbain propose à une vingtaine d’artiste d’investir, du 5 septembre au 5 octobre, la ville de Besançon pour créer des peintures murales gigantesques, des installations éphémères ou encore des créations sonores interactives invitant chacun à des déambulations dans l’espace public. Ne manquez pas le gigantisme des graffs de l’anglaise Lucy McLauchlan ou du hollandais Erosie, sans oublier les appropriations d’éléments urbains signées SpY (en photo), à grands renforts de messages engagés et de décalages. www.bien-urbain.fr Poly 160 Septembre 13

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CHAUFFE

BRÈVES

MARCEL

Le public alsacien connaît bien Marcel Loeffler et son fidèle piano à bretelles. En quartet, le musicien ouvre la saison culturelle de la Maison des Arts de Lingolsheim (qui propose, cette année, un ciné-concert sur Nosferatu, les spectacles Pièce(s) Montée(s) ou D’une rive à l’autre…), plaçant la soirée sous le signe du jazz manouche, vendredi 4 octobre. Esprit de Django Reinhardt, es-tu là ? © Klaus Stober

www.lingolsheim.fr

À L’ASSAUT !

La saison de l’Orchestre national de Lorraine débute sous l’experte baguette de son directeur musical, Jacques Mercier, avec une Chevauchée héroïque (vendredi 13 septembre à L’Arsenal de Metz). Au menu ? La Chevauché des Walkyries de Wagner dont on célèbre cette année le 200e anniversaire et des pages de Webern, Mahler (le mythique Adagio de l’inachevée Symphonie n°10) et Richard Strauss. Taïaut !!! www.orchestrenational-lorraine.fr

FAITES VOS JEUX

Avec le studio Maxwen (voir Poly n°155), le design responsabilise les utilisateurs dès le plus jeune âge. Les 5 ans et + sont invités à choisir entre deux jeux de dominos en contreplaqué de peuplier : Utopie ou Dystopie. Le premier rassemble des images décrivant un monde idyllique (un dauphin bondissant hors de l’eau, une vache dans un champ…). L’autre propose une vision moins idéalisée, avec des usines polluantes ou des pylônes électriques envahissants. Une seconde alternative (hélas) davantage réaliste… www.maxwen-studio.com

BEST OF DECOUFLÉ © Christian Berthelot

Mondialement connu du grand public depuis sa chorégraphie de la cérémonie inaugurale des JO d’Albertville en 1992, Philippe Decouflé oscille entre cirque et danse contemporaine. Samedi 28 septembre, il nous propose un Panorama de ses trente dernières années de créations à la MALS (Sochaux). Entre poésie des formes et humour des situations, la richesse de son univers continue de nous étonner comme de détonner ! www.mascenenationale.com

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IL EST LIBRE, THOMAS Un sacré titre – PIT TIIIOOUP PIII II IHT – pour une sacrée exposition : à la nancéienne galerie My Monkey se découvrent les œuvres de Thomas Lanfranchi (jusqu’au 20 septembre). Dessins, photos, vidéos et sculptures reflètent un corps à corps avec le monde dont le dénominateur commun serait un goût pour les matériaux pauvres comme des sacs en plastique… Surprenant et hypnotique. www.mymonkey.fr

Martine Lutz, Clairière (taxus)

BRÈVES

INTO THE TREES Trois artistes s’inspirent du poète alsacien Albert Strickler pour dévoiler leurs Regards orientés – Fragments de forêt. Transplantés à l’espace Saint-Martin (du 14 septembre au 10 novembre, à Haguenau), leurs arbres sculptés déploient racines et branches en plein centre ville pour dévoiler aux citadins tous les secrets du monde forestier. Une belle promenade visuelle, au cœur des bois.

Drei Fühler / Three Detectors, 2013 © Lutz & Guggisberg

www.ville-haguenau.fr

LE BEL

FORÊT DADA

Le Mudam invite le public (à Luxembourg, jusqu’au 9 janvier 2014) à pénétrer dans la touffue Forest du duo de plasticiens Lutz & Guggisberg. Ces deux touche-à-tout basés à Zurich nous plongent dans un paysage artificiel habité par des œuvres réalisées grâce à des moyens low-tech : sculptures ovoïdes, photos fascinantes, vidéos absurdes… www.mudam.lu

ÂGE

© Hortense Perreaut

Entre le 13 et le 15 septembre, La Filature fête son anniversaire : pour souffler ses vingt bougies l’institution mulhousienne a prévu un copieux programme (intégralement gratuit). Concert de l’OSM, arts de la rue sur le parvis, ballet, création lumineuse, feu d’artifice, répétitions ouvertes au public des Variations Goldberg, visites théâtralisées… Pas le loisir de s’ennuyer une seconde ! www.lafilature.org Poly 160 Septembre 13

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lYriQue

ballet

LA CENERENTOLA

VARIATIONS POUR 5 CHORÉGRAPHES

LAKMÉ

Léo Delibes 22, 24 et 26 novembre 2013

THE INDIAN QUEEN Henry Purcell 19 et 21 janvier 2014

HÄNSEL UND GRETEL Engelbert Humperdinck 7, 9 et 11 février 2014

VANESSA

Samuel Barber 21, 23 et 25 mars 2014

TOUT OFFENBACH… OU PRESQUE 25 et 26 avril 2014

VIVA LA MAMMA Gaetano Donizetti 16, 18 et 20 mai 2014

LA VIDA BREVE Manuel de Falla 13, 15 et 17 juin 2014

6 novembre 2013

CASSE-NOISETTE

Piotr Ilitch Tchaïkovski 20, 21, 22, 26 et 31 décembre 2013

GERSHWIN DANCE

28 février, 1 et 2 mars 2014 er

Sébastien Thiéry 24 et 25 janvier 2014

LE FAISEUR DE THÉÂTRE Thomas Bernhard 21 et 22 février 2014

CHARLY 9

D’après le roman de Jean Teulé 13, 15, 16, 17 et 18 avril 2014

VOYAGE EN ITALIE

SUITES DE CARMEN

D’après Le Journal de Voyage et Les Essais de Montaigne 23 et 24 mai 2014

Georges Bizet 13, 15 et 17 juin 2014

théâtre

COLORATURE,

MRS JENKINS ET SON PIANISTE Stephen Temperley 11 et 12 octobre 2013

CHRISTELLE CHOLLET, LE NOUVEAU SPECTACLE 7 décembre 2013

MEVLIDO APPELLE MEVLIDO

représentations scolaires

VARIATIONS POUR 5 CHORÉGRAPHES 4, 5 novembre 2013

D’après le roman d’Antoine Volodine Songes de Mevlido 11, 12 et 13 décembre 2013

HÄNSEL ET GRETEL Engelbert Humperdinck 13 et 14 février 2014

ouverture de la billetterie pour l’enseMble des spectacles à partir du lundi 2 septeMbre 2013

saison 2013/2014

opéra-théâtre Metz Métropole 4-5 place de la Comédie - 57000 Metz Réservations 00 33 (0)3 87 15 60 60 Administration 00 33 (0)3 87 15 60 51 billetthea@metzmetropole.fr opera.metzmetropole.fr

GRAPHISME + PHOTO// ARNAUD HUSSENOT/ FABIEN DARLEY LICENCE D’ENTREPRENEUR DE SPECTACLES DE 1 RE, 2 E ET 3 E CATÉGORIES : 1-1022169 ; 2-1022170 ; 3-1022171

Gioacchino Rossini 20, 22 et 24 septembre 2013

COMME S’IL EN PLEUVAIT


BRÈVES

CHEMINS DE

Les 27 et 28 septembre, l’Espace culturel Django Reinhardt présente Traverses (gratuit sur réservation), dont la direction artistique est assurée par JeanFrançois Pastor, directeur de la structure. Condensé de spectacle vivant, le show mêle musique, théâtre, danse, chant, etc. Un véritable “opéra” mis en scène par Jérôme Bernard, un voyage où résonneront percussions, notes de oud ou de piano. www.strasbourg.eu

© Christophe Urbain

TRAVERSE

ENGAGEZ-

VOUS ! Illustration & narration, peinture à l’huile, vidéo, photographie argentique, gravure, dessin avec modèle vivant… La Haute École des Arts du Rhin propose, en parallèle à ses activités, des ateliers publics alliant théorie et pratique. C’est le moment des inscriptions. À Strasbourg, elles ont lieu mardi 17 septembre à partir de 12h ; à Mulhouse, du 9 au 13, de 10h à 13h et de 14h à 18h. Artistes en herbe, inscrivez-vous !

© Blanc et Demilly, Maquette années 1930-1940 Musée Nicéphore Niépce Chalon-sur Saône

www.hear.fr

INSTANTS

VOILÉS

UNE AUTRE

DIMENSION Entre le 3 et 6 octobre, Karlsruhe se métamorphosera en centre mondial de la troisième dimension sous l’impulsion du ZKM et de la Staatliche Hochschule für Gestaltung. Avec le Festival Beyond, une plongée en 3D est proposée au public. Le menu ? Il est d’une extrême densité : tables rondes, expositions, films, performances, ateliers… De quoi donner du relief à l’existence, quatre jours durant ! www.beyond-festival.com

Dès ses débuts, la photographie s’impose comme la technique permettant de figer la lumière mais également, comme manière de matérialiser l’ombre. Puisant dans la collection du musée Nicéphore Niépce, Le Granit se prête au jeu du Fixing Shadows (du 28 septembre au 3 décembre à Belfort), dévoilant dans sa galerie diverses façons de capturer celle qui, souvent recherchée par les artistes, peut parfois perturber l’instantané de façon inattendue. www.legranit.org

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sommaire

18 Quelle autonomie pour l’Université de Strasbourg ? 20 Les Journées de l’Architecture invitent Wang Shu,

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Prix Pritzker 2012

24 MCBTH, l’essence de la tragédie shakespearienne par Guy Cassiers au TNS

26 EXP.EDITION 01, première biennale de danse en Lorraine

34 Portrait du violoniste Tedi Papavrami, invité du festival Musica

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isque d’électrochoc : L’Ososphère se branche R sur Laurent Garnier

38 Negative Beat, collectif de Saint-Avold, affectionne les sons cold et l’esthétique DIY

39 Saisons culturelles 2013 / 2014 : nos recommandations 48

e Festspielhaus voit double avec les pianistes Katia et L Marielle Labèque

52 François Schneider se jette à l’eau et ouvre les portes

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de son Centre d’Art contemporain

60 L’expressionniste Emil Nolde met de la couleur au Museum Frieder Burda

68 La nouvelle édition de Sélest’art explore la mémoire de la cité

68 Abstraction américaine à la Fondation Fernet-Branca 20

74 Promenade au Grand Ballon : une bouffée d’oxygène 80 Pour Alix Videlier, le design est avant tout une affaire de matériaux

COUVERTURE Pleine de grâce, elle se courbe majestueusement et illumine la scène avec ses cornes arrivées à maturité. Capturée par l’œil du photographe Christian Berthelot, la bête tire sa révérence, invitant à passer par l’Entrée interdite de Philippe Découflé. Chorégraphie dévoilée l’été 2013 au Théâtre de la Cité internationale (à Paris), elle fait partie des créations du metteur en scène reprises dans sa nouvelle pièce Panorama (voir page 5), présentée samedi 28 septembre à la MALS (Sochaux).

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OURS / ILS FONT POLY

Pascal Bastien Libération, Télérama, Le Monde… et Poly : Pascal Bastien est un fidèle de notre magazine. Il alterne commandes pour la presse et travaux personnels. www.pascalbastien.com

Ours

Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert)

Emmanuel Dosda Il forge les mots, mixe les notes. Chic et choc, jamais toc. À Poly depuis une dizaine d’années, son domaine de prédilection est au croisement du krautrock et des rayures de Buren. emmanuel.dosda@poly.fr

Thomas Flagel Théâtre moldave, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs algériens… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes depuis cinq ans dans Poly. thomas.flagel@poly.fr

Pierre France La quarantaine entamée, Pierre France est le fondateur et directeur de la publication de Rue89 Strasbourg. Un média qui secoue le cocotier de l’info locale. www.rue89strasbourg.com

J’ai acheté un ours en peluche sur le parking d’Ikea © Emmanuel Dosda www.poly.fr RÉDACTION / GRAPHISME redaction@poly.fr – 03 90 22 93 49

Dorothée Lachmann Née dans le Val de Villé cher à Roger Siffer, mulhousienne d’adoption, elle écrit pour le plaisir des traits d’union et des points de suspension. Et puis aussi pour le frisson du rideau qui se lève, ensuite, quand s’éteint la lumière. dorothee.lachmann@poly.fr

Stéphane Louis Son regard sur les choses est un de celui qui nous touche le plus et les images de celui qui s’est déjà vu consacrer un livre monographique (chez Arthénon) nous entraînent dans un étrange ailleurs. www.stephanelouis.com

Éric Meyer Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés (chaussures, avions…) s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain, mis en lumière par la gravure. http://ericaerodyne.blogspot.com

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Responsable de la rédaction : Hervé Lévy / herve.levy@poly.fr Rédacteurs Emmanuel Dosda / emmanuel.dosda@poly.fr Thomas Flagel / thomas.flagel@poly.fr Dorothée Lachmann / dorothee.lachmann@poly.fr Ont participé à ce numéro Geoffroy Krempp, Pierre Reichert, Irina Schrag, Daniel Vogel, Laurie Wendenbaum et Raphaël Zimmermann Graphiste Anaïs Guillon / anais.guillon@bkn.fr Maquette Blãs Alonso-Garcia en partenariat avec l'équipe de Poly © Poly 2013. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. ADMINISTRATION / publicité Directeur de la publication : Julien Schick / julien.schick@bkn.fr Administration, gestion, diffusion, abonnements : 03 90 22 93 38 Gwenaëlle Lecointe / gwenaelle.lecointe@bkn.fr Publicité : 03 90 22 93 36 Julien Schick / julien.schick@bkn.fr Françoise Kayser / francoise.kayser@bkn.fr Nathalie Hemmendinger / nathalie.hemmendinger@bkn.fr Vincent Nebois / vincent.nebois@bkn.fr Magazine mensuel édité par BKN / 03 90 22 93 30 S.à.R.L. au capital de 100 000 e 16 rue Édouard Teutsch – 67000 STRASBOURG Dépôt légal : Septembre 2013 SIRET : 402 074 678 000 44 – ISSN 1956-9130 Impression : CE COMMUNICATION BKN Éditeur / BKN Studio – www.bkn.fr

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architecture en métamorphose Architektur im Wandel

www.ja-at.eu

les journées de l’architecture die Architekturtage 25 .09 , 07 .11 2013 Mercredi 25 septembre à 18:30 Conférence d’ouverture de l’architecte chinois Wang Shu, Pritzker Prize 2012 à l’ancienne filature DMC de Mulhouse Vendredi 27 septembre à 18:30 Conférence exceptionnelle de l’architecte néerlandais Winy Maas, à l’ancienne filature DMC de Mulhouse , Inscrivez-vous dès maintenant : inscription@ja-at.eu


ÉDITO

Du vent, du balai, de l’air C’ Par Hervé Lévy Illustration signée Éric Meyer pour Poly

est l’histoire d’un morceau de paysage. Un p’tit coin de forêt vosgienne situé près de la ligne de front pendant la Première Guerre mondiale où le Général Bataille – le bien nommé – fut mortellement touché par des éclats d’obus le 8 septembre 1914. Depuis, le col du Bonhomme, à la frontière entre Alsace et Lorraine, a retrouvé son calme… qui a bien failli être troublé cet été par de voraces pelleteuses dont la mission était de dézinguer quelques arbres pour préparer l’installation de cinq éoliennes. Le 12 juin, le Préfet du Haut-Rhin avait en effet donné son accord pour défricher 2,8 hectares de forêt avant de faire machine arrière. Suite à un recours déposé par l’association Sauvegarde Faune Sauvage 68 auprès du Ministère de l’Agriculture, il a tranché le 27 août, retirant un arrêté qui aurait pu être contraire à deux directives européennes. Les élus porteurs du projet – le tonitruant maire de Kaysersberg, Henri Stoll (EELV, on croit rêver) en tête – ne décolèrent pas et cherchent des voies de recours quand ils ne sont pas occupés à bloquer les routes. Mais leur initiative a du plomb dans l’aile. On en est là. Les motivations des adversaires des éoliennes ? La première est de protéger l’habitat du grand tétras dont il ne reste presque plus de spécimens dans le massif vosgien, 70 ou 80 tout au plus. Une métamorphose aussi importante du biotope rendrait, selon eux, encore plus problématique la survie d’une espèce parmi le plus menacées d’Europe. C’est

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ce que soulignent les membres du Groupe Tétras Vosges. Voilà déjà une bonne raison de se passer de pales dans le coin. Tout aussi grave, la présence d’éoliennes représente une pollution sonore – mais on s’en fout, hein, y’a personne dans le coin mis à part des rapaces, des chauves-souris et des sangliers – et visuelle importante, ce dont se rendait compte le très respecté Conseil national de Protection de la Nature dès 2008, au moment de la révision de la charte du Parc naturel régional des Ballons des Vosges : « La préservation du patrimoine naturel, et surtout du paysage, dans le massif des Vosges, n’est pas compatible avec l’implantation d’éoliennes sur l’ensemble des crêtes (principales et secondaires). » Sommes-nous encore prêts à accepter de nouveaux saccages des paysages en 2013 ? La monoculture de maïs gangrène et uniformise la plaine, les ouvrages pharaoniques de la LGV défigurent certains fragments d’Alsace et de Lorraine, l’habitat pavillonnaire grignote les espaces agricoles et sylvicoles tout comme les zones artisanales. Veut-on qu’en surcroit nos montagnes se couvrent d’hélices disgracieuses dont les rendements sont aujourd’hui largement contestés ? Il n’est pas possible de tout tolérer au nom de la transition écologique. Et surement pas le massacre des paysages préservés, n’en déplaise à ceux – Henri Stoll en l’occurrence – qui traitent les opposants aux éoliennes de « connards » et ont une curieuse vision du développement durable, semblant oublier les vertus du recours aux forêts.


Rencontres artistiques, expositions, parcours urbains Dans le cadre des Saisons Afrique du Sud – France 2012 & 2013

Brett Bailey Third World Bunfight Afrique du Sud

Dans le cadre des Saisons Afrique du Sud – France 2012 & 2013

CECI N’EST PAS…

Dries Verhoeven | Pays-Bas ≥ du 10 au 19 oct 1re française

WALKING THE CITY Ligna | Allemagne ≥ du 15 au 19 oct

≥ du 3 au 7 déc

Alexandra Bachzetsis ≥ 11 + 12 déc Suisse 1re française

Feria Musica | Belgique ≥ du 17 au 21 déc

[NOTES ON THE CIRCUS] Ivan Mosjoukine | France ≥ du 1er au 5 nov

A QUEEN OF HEART Juliette Deschamps Rosemary Standley France ≥ 9 jan

FLESH / TRASH

Pierre Maillet Théâtre des Lucioles France création ≥ 13 + 14 + 15 nov

THE PYRE

GHOST EXERCISE

Yasmeen Godder / Itzik Giuli Israël, Allemagne 1re française ≥ 20 + 21 + 22 nov

KILL YOUR DARLINGS!

STREETS OF BERLADELPHIA René Pollesch Fabian Hinrichs Volksbühne Berlin Allemagne ≥ 26 + 27 nov

Olivier Dubois | France ≥ 6 + 7 + 8 fév

AN OLD MONK

Josse De Pauw Kris Defoort / LOD | Belgique ≥ 13 + 14 + 15 fév

THE STAGES OF STAGING DISGRACE

SINUÉ

DE NOS JOURS

TRAGÉDIE

Gisèle Vienne | France ≥ 16 + 17 jan

DOPPELGÄNGER

David Marton | Allemagne ≥ 21 + 22 jan 1re française

LA MOUETTE

Anton Tchekhov Yann-Joël Collin Cie La Nuit surprise par le jour | France ≥ 29 + 30 + 31 jan

www.mAillon.eU

J.M. Coetzee Kornél Mundruczó Afrique du Sud, Hongrie ≥ du 20 au 23 fév

CLOCKWORK

Sisters | Suède ≥ 11 + 12 + 13 mars

POLICES !

Rachid Ouramdane Sonia Chiambretto Jean-Baptiste Julien France ≥ 20 + 21 + 22 mars

REQUIEMACHINE

Władysław Broniewski Marta Górnicka | Pologne ≥ du 28 mars au 1er avril

N E W YO R K E X P R E S S

SEAGULL (THINKING OF YOU)

Anton Tchekhov Half Straddle / Tina Satter ≥ 8 + 9 avril

BRONX GOTHIC

Okwui Okpokwasili Peter Born ≥ 10 + 11 avril

LATE NIGHT

Blitz Theatre Group | Grèce ≥ 15 + 16 + 17 avril

USUALLY BEAUTY FAILS Frédérick Gravel Grouped’ArtGravelArtGroup Canada ≥ 6 + 7 mai

SWAMP CLUB

Philippe Quesne Vivarium Studio | France ≥ 14 + 15 mai

BODIES IN URBAN SPACES

N E W YO R K E X P R E S S

Cie Willi Dorner | Autriche ≥ 29 + 30 + 31 mai

VISION DISTURBANCE

FESTIVAL PREMIÈRES

Christina Masciotti Richard Maxwell & New York City Players ≥ 5 + 6 + 7 avril

Jeunes metteurs en scène européens ≥ du 5 au 8 juin Strasbourg

03 88 27 61 81 | fAcebook.com/lemAillon

Atelier PoSte 4

EXHIBIT B

V I LL E [ S ] E N - J E U [ X ]


LIVRES – BD – CD – DVD

100% MATH-ROCK Après un premier cinq titres au printemps (EP/IC), les Strasbourgeois de 100%Chevalier qui défendent « la veuve et l’orphelin et martèlent un math-rock noisy qui déboulonne les armures » sortent un vinyle avec le label October Tone. Le trio batterie / basse / guitare nous entraine sur un rythme effréné à la conquête de contrées étranges et lointaines. Avec leur savant mélange d’envolées virevoltantes et de précision rythmique, la musique de ces paladins cosmiques monte en puissance tel un vaisseau spatial (Kevy King), scintille comme une supernova explosant de lumière (TTT) et rugit d’incroyables aventures galactiques (Karmagedon). (T.F.) 100%Chevalier sera en concert à Strasbourg (à Stimultania le 4 sept. avec Three Trapped Tigers), à Mulhouse (à l’AMR le 6 avec Pauwels et Filiamotsa), à Besançon (au TBC le 7) et à Colmar (au Grillen le 9 novembre) – www.octobertone.com http://100chevalier.bandcamp.com

Merveilles

bisontines Avec cet imposant volume de près de 300 pages, Christiane Roussel et le photographe Yves Sancey nous plongent dans l’intimité, parfois secrète, des demeures de Besançon jusqu’au XIXe siècle. Après un prélude mettant en lumière les évolutions urbaines et les métamorphoses d’une cité, ils proposent, dans une seconde partie intitulée Habiter la ville, une fascinante promenade, montrant des réalisations architecturales marquantes, des imposantes maisons de marchands du Moyen-Âge aux immeubles de pierre de taille des années 1850, en passant par les hôtels particuliers du Grand Siècle. Voilà un ouvrage précieux, didactique sans jamais être ennuyeux, qui donne au visiteur curieux – et à l’habitant de la ville – les clés pour mieux comprendre l’espace qu’il arpente, lui ouvrant des portes habituellement closes… (H.L.) Besançon & ses demeures est paru aux éditions Lieux Dits (40 €) www.lieuxdits.fr

NÉBULEUSE SONORE À deux reprises, Double Vision s’est offert le festival Jazzdor, aux côtés du saxophoniste Robin Fincker, puis du quartet anglais Splince. Des expériences qui ont permis au groupe de se forger une identité propre et fantasque. Le résultat tient en six titres, rassemblés sur un disque à son image : énigmatique, délié et pénétrant. Autoproduit, il s’ouvre sur un morceau où les notes saccadées du piano tranchent avec celles tirées en longueur par la voix et le saxophone. Une sensation de ralenti recréée en première partie du ténébreux Light Off, avant que basse et batterie accélèrent le rythme. En mêlant jazz actuel et sonorités expérimentables, le sextet excelle dans l’improvisation musicale, exercice périlleux exigeant autant d’attention que d’écoute collective. Des qualités que les musiciens ont su développer durant leur formation au Conservatoire de Strasbourg où est né ce premier album éponyme. (L.W.) Double Vision, autoproduit (10 € sur le site) www.double-sextet.com

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LIVRES – BD – CD – DVD

Le déserteur

Avec ce quatrième volume s’achève (du moins théoriquement) la saga en bande dessinée imaginée par Thierry Gloris (scénario) et Marie Terray (dessins et couleurs) narrant la destinée d’un Malgré Nous brinquebalé dans la tourmente de l’Histoire. Agrémenté d’un intéressant dossier didactique de huit pages, cet album nous entraîne dans les pas de Louis / Ludwig Fisher, désormais déserteur : fuyant la Waffen SS, il se cache tandis que sa famille subit le joug de l’occupation nazie. Nous sommes en 1943 et les personnages évoluent dans une atmosphère lugubre aux couleurs sourdes, mais la fin – et les derniers mots « La liberté sera au bout de nos pas » le prouvent – demeure ouverte et annonce une suite possible des aventures de l’homme traqué dont la jeunesse est désormais derrière lui. À bientôt ? (H.L.) Alsace est paru chez Quadrants (11,50 €) www.quadrants.eu

MILLÉSIME 2013 Le projet Musique en Stock complète sa saga de sonorités actuelles avec une sixième cuvée de vingt artistes et groupes locaux ayant pour seul point commun des racines alsaciennes. Entre les morceaux hip-hop, jazz ou pop, la fragile et électrisante Jewly sert un rock version blues, suivi plus loin par la musique folk des vagabonds Mony and the Hatmen. Les amateurs de chansons à texte se délecteront du Cantique unisexe de la slameuse U-Bic ou adhéreront au régime de Killing Lawrence invitant à « mastiquer la musique » et « manger des galettes de vinyles ». Alors que les voraces Skannibal Schmitt balancent un morceau soul jazzy aux rythmes saccadés, Echomatic comble les envies de douceur avec une subtile composition acoustique. L’auditeur savoure sans risque d’indigestion : certifiée made in Alsace, cette sélection est suffisamment éclectique pour satisfaire tous les appétits musicaux. (L.W.) Musique en Stock volume 6, La Saga des musiques actuelles en Alsace,

produite et éditée par Jean-Paul Demeusy (8 € + frais d’envoi) www.musiqueenstock.com

PUR GÉNIE Attila et le traducteur strasbourgeois Antonio Werli (également à la tête de la revue Cyclocosmia) signent un livre totalement génial et inclassable. Deux couvertures inversées et deux sens de lecture pour plonger dans le talent de l’argentin Alberto Laiseca. Dans Aventures d’un romancier atonal, portrait vitriolé du milieu de l’édition mais aussi des affres de la solitude créatrice de l’écrivain lui-même, il jouit visiblement, en un énorme éclat de rire, de la contemplation du reflet déformé de ses angoisses, matérialisées dans un mélange de surréalisme propret, d’accents de pataphysique délurée et d’argot au lyrisme absolu. Pouvoir diabolique, violence physico-psychologique, domination lubrique et exploitation de l’homme sont au menu de cette somptueuse farce, prolongée par L’Épopée du Roi Thibaut, embryon du premier roman atonal (et fantasque) au monde, écrit par le personnage principal des Aventures. Une folie douce… (T.F.) Alberto Laiseca, Aventures d’un romancier atonal – L’Épopée du Roi Thibaut, paru chez Attila (15 €) – www.editions-attila.net

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autonomie, fac off ! L’Université de Strasbourg a cru à l’autonomie promulguée par la Loi LRU1 et à ses promesses de développement. Mais cinq ans après la fusion, le constat est amer et un plan drastique d’économies est mis en place.

Par Pierre France Photos de Pascal Bastien

En partenariat avec

1 Loi relative aux libertés et responsabilités des universités (ou “Loi Pécresse”) du 10 août 2007 2

Voir Poly n°148 et sur www.poly.fr

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remière université à fusionner, et dans la première vague des établissements autonomes en 2009, Strasbourg doit aujourd’hui supprimer des heures de cours, geler des postes et trouver de nouvelles recettes. Comment en est-on arrivé là ? D’abord, l’État a laissé les universités se débrouiller seules pour soudainement gérer d’imposantes masses salariales et les budgets de leurs facultés et composantes. Moins d’une dizaine d’établissements sont parvenus à mettre en place une comptabilité analytique. À Strasbourg, le processus est en cours, mais il n’y a pas eu besoin d’une analyse poussée pour que s’amorce, dès 2011, un plan drastique d’économies. La première alerte est venue du fonds de roulement, un compte sur lequel l’Université doit légalement garder l’équivalent d’un mois de fonctionnement (28 millions d’euros envi-

ron). Fin 2012, il est descendu à 26,8 millions, plaçant l’UdS à la limite de sa mise sous tutelle par le rectorat. L’objectif du président Alain Beretz, réélu en novembre 2012, est donc de tout faire désormais pour l’éviter : « Notre situation est tendue mais saine. Nous sommes dans l’obligation de présenter des comptes équilibrés. Nous avons engagé des efforts de réduction de coûts, sans baisser la qualité de l’offre pluridisciplinaire qui nous caractérise. Aucun diplôme n’a été supprimé. »

Économies à tous les étages

Ces efforts ont commencé en 2011, avec un objectif de réduction de 8% des heures d’enseignements (80 000 heures au total). En 2011 / 2012, l’Université est finalement parvenue à supprimer 18 000 heures, puis 22 000 l’année suivante. Travaux dirigés annulés,


SOCIÉTÉ

cours resserrés, mise en commun d’enseignements à plusieurs filières : tous les moyens sont bons. En Droit, une semaine entière de cours est ainsi passée à la trappe en première année. En Psycho, les cours de méthodologie universitaire se sont évaporés. Autre mesure d’économie, les fonds alloués au conseil scientifique, le cœur de la recherche universitaire, ont été diminués de 20%. Et une vingtaine de postes d’enseignants, le double selon les syndicats, sont gelés, c’est à dire non-pourvus, seuls les CDD « sur des missions pérennes » (sic) sont reconduits… Dans certaines filières, ces réductions de personnel ont poussé les équipes à bout d’autant que l’Université leur demande aussi de répondre aux appels d’offre de l’Agence nationale de recherche (ANR) et de publier des résultats. Beaucoup de directeurs de labos passent ainsi leur temps à rédiger les dossiers qui leur permettront de fonctionner l’an prochain. Le résultat ? Les cas de souffrance au travail se multiplient parmi les enseignants. Pour Pascal Maillard, professeur élu au conseil d’administration de l’UdS et représentant syndical du Snesup, une conjonction de facteurs a provoqué cette situation : « C’est vrai qu’il manque à la dotation annuelle environ 10 millions pour fonctionner correctement. Mais l’équipe dirigeante a ses torts aussi. Avec la fusion, Alain Beretz a cru pouvoir faire des économies et que l’argent du plan campus allait couler à flot. Mais la fusion a plutôt apporté des lourdeurs ! Au final, on se retrouve avec des “filières d’excellence” (Santé, Biologie, Chimie) préservées et toutes les autres sacrifiées, particulièrement les Sciences humaines. »

À qui la faute ?

Alain Beretz confirme qu’il manque des moyens, mais réfute l’inégalité de traitement entre les filières : « L’État sous-estime le coût de fonctionnement de l’Université. Il y a sans doute un rééquilibrage à faire entre les financements pérennes et les financements contractuels. Ceci dit, l’UdS a obtenu 22 lauréats aux concours du Conseil européen de la recherche, soit le double des autres universités. Quant aux Sciences humaines, elles bénéficient du soutien de l’Université comme les autres et notamment de l’augmentation de 30 à 40% de leur budget de recherche. » Pourtant, l’Université de Strasbourg est une des mieux dotée de France, lauréate d’appels d’offres “Initiatives d’excellence” (Idex) en 20112, ce qui permet d’obtenir des fonds issus du Grand emprunt, elle peut compter sur en-

Alain Beretz, Président de l'Université de Strasbourg

viron 27 millions par an de recettes supplémentaires, pour un budget d’environ 450 millions… L’apprentissage de l’autonomie passe par le développement de ressources propres. Formation continue, contrats de recherche auprès des entreprises et par la Fondation de l’UdS qui a réussi à collecter 15,5 millions en quatre ans, une performance pour une université… mais insuffisante pour combler les manques. Au final, rien ne vient compenser la hausse mécanique de la masse salariale. Pour Alain Beretz, la solution vers plus d’autonomie passerait vers un contrôle a posteriori des financements : « Je n’ai pas besoin qu’on me dise depuis Paris comment dépenser l’argent public. L’État devrait nous faire confiance, verser l’argent et contrôler ensuite comment il a été utilisé, plutôt que de demander à tout le monde de monter des dossiers interminables. » Mais on en est loin : selon l’Association européenne des universités, les établissements français sont classés 29e sur le critère de l’autonomie académique. Sur 29…

Je n’ai pas besoin qu’on me dise depuis Paris comment dépenser l’argent public

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la sagesse du papillon Les Journées de l’Architecture placent la métamorphose (du regard, des pratiques, de l’espace…) au cœur de leur 13e édition rayonnant de l’Alsace à la région de Bâle, en passant par le Bade-Wurtemberg. En guest star, Wang Shu et Winy Maas, deux architectes de renommée mondiale.

Par Irina Schrag Photos ci-dessus DMC, bâtiment 63 (à gauche) et la Ceramic House de Wang Shu © Lv Hengzhong (à dte)

En Alsace, dans le Bade-Wurtemberg et les cantons de Bâle, du 25 septembre au 7 novembre 03 88 22 56 70 – www.ja-at.eu Soirée inaugurale avec Wang Shu, mercredi 25 septembre (dès 17h) sur le site DMC, à Mulhouse (lieu sous réserve) /Sur réservation/

Conférence de Winy Maas, vendredi 27 septembre (à 19h), sur le site DMC, à Mulhouse (lieu sous réserve) suivi d’une soirée festive avec le groupe jazz BADBADNOTGOOD (à 21h) /Sur réservation/ Soirée de clôture avec Max Dudler, jeudi 7 novembre (à 19h) dans la Tollhaus sur le site des anciens abattoirs de Karlsruhe /Sur réservation/

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L’

événement phare de la rentrée 2013 se profile. Les JA jouent la métamorphose et l’audace en investissant le site industriel de l’ancienne filature DMC de Mulhouse (sélectionné dans le cadre d’IBA Basel 2020 1 ), symbole de la thématique retenue pour ce grand rendez-vous transfrontalier. Et l’on ne pouvait rêver mieux que Wang Shu, lauréat du prix Pritzker 2012 (l’équivalent du Nobel), pour signer la conférence inaugurale. Le Chinois, chantre d’une « poésie de la construction recyclée » se distingue par un langage architectural contemporain cherchant à retrouver le savoir-faire artisanal millénaire de son pays.

Métamorphoses du souvenir

Ces trois dernières décennies, l’Empire du milieu a remplacé près de 90% de ses bâtisses traditionnelles existantes. « Nous avons perdu la confiance et l’amour pour notre propre culture avec ces bouleversements historiques récents, car nous sommes confrontés à une révolution de la manière de vivre des Chinois qui emboite le pas aux grands ensembles américains », analysait-il, en 2012 à la Cité de l’Architecture de Paris. « Les villages d’autrefois sont cernés par les bâtiments modernes, même dans les lieux les plus reculés.

Aujourd’hui, notre base de travail est donc la ruine, qu’on rencontre partout. » L’architecture en métamorphose, Wang Shu l’envisage avec une dose certaine d’utopie consistant à lancer des ponts entre tradition et modernité, imaginant des bâtiments imposants, travaillés avec des matériaux et des techniques ancestraux (assemblages de charpentes de bois…) au fort potentiel écologique (isolation thermique, réutilisation de milliers de tuiles récupérées…). Pour inspiration principale, il revendique la tradition picturale chinoise (notamment sa dose d’imagination) et l’art de la “contemplation” dans la confrontation de l’architecte avec la véritable nature de la nature, ses lois et ses contraintes. Avant de signer son emblématique campus de l’Académie des Beaux-Arts de HangZhou (2002-2007), aux passerelles lézardant la façade telle la Grande Muraille dans les montagnes du nord, il a sillonné avec ses étudiants des centaines de villages ruraux, constatant que « la technique y est partout (briques, bambous, pierre…), riche et diversifiée ». C’est là qu’il s’est « remodelé auprès des artisans » en mettant la main à la pâte, considérant l’apprentissage par l’expérience comme indispensable. L’humilité, la marque des grands.


ARCHITECTURE

Le Ningbo History Museum réalisé par Wang Shu dans la province du Zhejiang, en 2008

Mutation du métier

Visites particulières

Les JA, c’est aussi l’occasion de visiter des lieux habituellement inaccessibles lors des Week-Ends : DMC à Mulhouse (28-29 septembre), le Musée Unterlinden dans les anciens Bains municipaux de Colmar avec notamment un atelier de croquis (4-6 octobre), la découverte du nouveau Musée Vodou (voir Poly n°157) dans un ancien Château d’eau de Strasbourg et la Cave de la brasserie Schutzenberger (pendant les “midi-visites” du 4 novembre, le Week-End se déroulant du 11 au 13 octobre). Enfin, ne manquez pas la cérémonie de clôture sur l’incroyable site des anciens abattoirs de Karlsruhe, en plein « Kreativpark Alter Schlachthof »4 destiné à accueillir une pépinière d’entreprises et un centre culturel. Dans la salle de spectacle du Tollhaus, se dévoileront les maquettes lauréates du concours élèves 2013 (sur le thème Cubes en folie) ainsi que l’atelier binational de construction d’une maquette géante (sur le thème de La Ville transformable) avant la conférence de clôture du célèbre architecte suisse Max Dudler au style aussi strict et élégant que dépouillé.

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En Europe comme en Asie, les progrès technologiques mais aussi les demandes urbanistiques élargissent les champs d’activité traditionnels des architectes qui voient leur métier changer. Pour Urban Knapp, ancien Président de la Maison européenne de l’Architecture2, le développement des villes et l’étendue du bâti en Europe de l’Ouest entraînent « une raréfaction des grands projets architecturaux qui oblige les professionnels à explorer d’autres champs, mais aussi à se regrouper pour attaquer des marchés d’ampleur concentrés en Russie, en Chine ou au Brésil. La situation ultra-concurrentielle actuelle, avec pas moins de 27 000 architectes dans le seul Bade-Wurtemberg, ne nous laisse guère le choix ! Notre organisation sectorielle est la clé. » Le renouvellement et l’amélioration de l’habitat constituent « 80% des futurs projets que nous aurons en charge ». D’où la nécessité absolue de « repenser la durabilité », de faire preuve de « plus de sagesse dès la conception » avec des notions relativement nouvelles – comme l’énergie grise3 – issues des progrès technologiques.

a Maison européenne de l’architecture – Rhin supérieur Europäisches Architekturhaus – Oberrhein

1 Programme ambitieux visant à repenser la ville et créer une nouvelle architecture sur la région urbaine trinationale de Bâle – www.iba-basel.net 2 Il participera à la table ronde Culture architecturale en métamorphose : l’architecte et l’urbaniste hier, aujourd’hui, demain ? à l’Architekturschaufenster de Karlsruhe, vendredi 18 octobre à 18h 3 Correspond à la dépense énergétique totale pour l’élaboration d’un matériau, tout au long de son cycle de vie, de son extraction à son recyclage en passant par sa transformation 4

www.alterschlachthof-karlsruhe.de

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FESTIVAL

au milieu de l’empire Institution respectée dans le monde entier, le Festival international de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges propose, pour sa 24e édition, un vertigineux voyage en Chine.

dont les arcanes internes demeurent encore cependant bien mystérieuses. Nous aurons la possibilité de voyager dans un espace multiforme, des neiges éternelles du Tibet au désert de Gobi, en passant par de folles mégalopoles comme Shanghai, Canton ou Shenzhen et le monument emblématique qu’est la Grande muraille, à travers notamment un itinéraire intitulé Le Territoire chinois, ses périphéries et ses frontières. Présidée par l’éminent sinologue François Jullien, la manifestation accueillera des personnalités comme Ivan Levaï, Jean-Christophe Rufin (qui présidera le Salon du livre) ou Noëlle Lenoir.

Par Pierre Reichert Photo d'Irina Schrag À Saint-Dié-des-Vosges, dans différents lieux, du 3 au 6 octobre 03 29 42 16 74 www.fig.saint-die-des-vosges.fr

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E

n 1973, Alain Peyrefitte, dans un livre célébrissime affirmait : Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera. Titre prémonitoire ? Exagération ? Qu’en est-il en 2013 ? Alors que l’Empire du milieu est devenu une puissance mondiale (thématique du Festival), les interrogations vont bon train. Les fantasmes aussi… Réunis dans la cité déodatienne, des spécialistes venus de toute la planète tenteront d’y voir plus clair et de transmettre au public les clés essentielles pour mieux comprendre un géant économique, atelier et banquier des nations en devenir, en train de se positionner comme un interlocuteur incontournable sur la scène politique,

Conférences (La Chine, puissance mondiale par Zongxia Caï, professeur à l’Académie des sciences de Chine de Pékin, samedi 5 octobre), expériences culinaires avec notamment Nathalie Nguyen, finaliste de l’émission MasterChef (au Salon de la Gastronomie vendredi 4), tables rondes (Les Nouvelles trames de l’espace chinois : campagnes, villes et métropolisation, samedi 5), cafés géographiques en soirée, expositions, projections, récompenses multiples (dont le Prix Vautrin Lud, “Nobel” de la géographie), actions dans les écoles de la région… Liste très largement non exhaustive ! Le programme d’un festival qui rassemble chaque année quelque 600 intervenants (sur 24 sites) et attire plus de 50 000 personnes, s’annonce une fois encore extraordinairement dense. Il déploiera ses fastes dans une atmosphère conviviale unique, mêlant rigueur scientifique et partage des connaissances avec le plus grand nombre, entre explication du dessous des cartes et excitant voyage dans un “pays continent”, sans doute l’un des plus surprenants de la planète.


ULTRA MODERNE PATRIMOINE

artytechno Avec MurMur(e)s, l’éloquence des pierres, mapping vidéo présenté à l’Abbaye de Neumünster pour célébrer l’anniversaire de la ville de Luxembourg, le Centre AudioVisuel des Dominicains de Haute-Alsace exporte son savoir-faire.

Par Hervé Lévy

À Luxembourg, sur le parvis de l’Abbaye de Neumünster, du 20 au 22 septembre +352 26 20 52 1 www.ccrn.lu 03 89 62 21 82 www.les-dominicains.com

1 Technologie multimédia où images et vidéos sont projetées sur des monuments permettant de créer des univers surprenants

simule depuis que le Comte Sigefroi a rompu son serment, il y a plus de mille ans : il ne devait en effet pas voir son épouse le samedi… Il ne tint pas sa promesse et découvrit que sa femme portait une queue de poisson ! C’est elle qui raconte les péripéties de l’aventure millénaire de la cité. Ensuite, les murs de l’ancienne prison s’illumineront et les vénérables pierres entreront dans l’ère numérique, accompagnées par une création sonore signée Vincent Villuis. À côté de ces projets monumentaux, l’avenir du Centre AudioVisuel des Dominicains s’écrit en minuscule avec un « travail sur le tout petit » à destination du jeune public intitulé L’Esprit de la forêt2, une échelle « très complexe à maîtriser ». Pour ce conte musical glacé en 3D, sorte de pop-up animé où se mêlent dans un savant maelström, musiques, vidéos et ombres chinoises, nous voilà transportés aux confins du fantastique, dans un univers onirique qui illustre les possibilités presque infinies offertes par la technologie.

© Centre AudioVisuel des Dominicains

2 À découvrir aux Dominicains, les mercredis 5 février et 12 mars 2014, puis à La Filature de Mulhouse du 14 au 16 mai 2014 – www.lafilature.org

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e mapping vidéo1 est intégré à l’ADN des Dominicains depuis 2007 avec les Nuits hypnotiques auxquelles ont désormais succédé les Nuits 3D. Pour Philippe Dolfus, directeur de l’institution de Guebwiller, il s’agit « de faire entrer la technologie dans le projet artistique ». Afin de cultiver cette spécificité, le Centre AudioVisuel a été fondé en 2011 : les créations de ce véritable « laboratoire » où se rejoignent images et musiques permettent de générer des spectacles où le patrimoine est mis en valeur. « C’est souvent bluffant sur le plan esthétique, mais le plus important est ce qu’on met derrière, le sens véhiculé » par des œuvres immersives et interactives magnifiant le monument utilisé comme “support” et modifiant les codes traditionnels du concert et du rapport au son. On pourra le constater à l’Abbaye de Neumünster avec un “double mapping” intitulé MurMur(e)s, l’éloquence des pierres imaginé pour célébrer le 1050e anniversaire de Luxembourg. Sur la falaise du Grund, se découvre une fascinante onde mouvante. C’est la fée Mélusine qui s’y dis-

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THÉÂTRE MUSICAL

apocalypse now Une tragédie shakespearienne réduite à sa quintessence plongeant dans l’esprit d’un puissant à la folie sanguinaire, tel est le MCBTH de Guy Cassiers, accueilli par le festival Musica1 et le TNS. Entretien avec le metteur en scène belge en répétition.

Par Thomas Flagel Photos de Frieke Janssens

À Strasbourg, au Théâtre national de Strasbourg, du 2 au 6 octobre (en néerlandais surtitré en français) 03 88 24 88 24 – www.tns.fr www.festival-musica.org “Du théâtre à l’écran”, projection du film d’Orson Welles Macbeth (1948), au Cinéma Star, jeudi 3 octobre à 20h www.cinema-star.com

Voir l’article consacré au festival en page 34

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2 Lire notre article sur Ghost Road, Poly n°155 ou sur www.poly.fr

Adapté par sous le titre de Cœur ténébreux par Guy Cassiers www.toneelhuis.be

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Joué en février 2011 au TNS, lire notre article paru dans Poly n°138 ou sur www.poly.fr

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De la pièce, vous ne conservez que les cinq consonnes du titre (MCBTH) et les cinq personnages principaux. Pourquoi ? Nous avons condensé l’histoire de manière à en faire une exploration de l’univers mental de Macbeth et à voir par ses propres yeux sa perte totale de réalité. Les trois Sorcières sont des chanteuses qui prennent de plus en plus de place. Le compositeur Dominique Pauwels2 a créé un système consistant à traduire la langue de Shakespeare en tons donnant des mots musicaux. La pièce s’ouvre sur la rencontre de Macbeth avec les Sorcières qui sont en lui. Leurs mots sont projetés sur tout l’espace scénique, la musique agissant comme un virus le pénétrant et le guidant vers la perte de tout ce qu’il aime. Pour ce parti-pris dramaturgique, nous n’avions pas besoin des autres personnages. Macbeth ne quitte pas la scène, ses yeux changent l’environnement et ses sens nous guident dans une chambre mentale. Le comédien André Wilms se dit « hanté par Macbeth, un type sympathique au début. Sa femme lui dit de tuer tout le monde et il y va. Met du sang partout. Une belle illustration de la folie du pouvoir… » Êtes-vous d’accord ? Oui (rire) ! La “maladie” qui touche Macbeth en début de spectacle lui vient de sa mémoire, de son passé. Le mal n’entre pas dans la pièce, il est déjà là, issu des guerres dont ce Général de l’armée du Roi revient. Sa cruauté est celle qui a fait de lui un héros de la nation mais il est fatigué de tout cela et ne peut plus voir clair dans le présent. Il tombe dans les ténèbres. Il faut ne pas trop nous laisser happer par la noirceur et trouver les qualités de son caractère, même lorsqu’il perd toutes ses valeurs éthiques. Macbeth demeure un homme dont il faut saisir l’ambiguité. Un lien se tisse entre Macbeth et le personnage de Kurtz dans Au Cœur des

ténèbres de Conrad3 qui se perd aussi dans une violence outrepassant toutes les limites ? Les deux personnages sont une continuité. Conrad livre la cruauté de Kurtz dans une langue poétique. Ce qu’on peut encore expliquer ne pose finalement pas de problème. Mais Macbeth est un cran au-dessus de ça : il perd totalement pied car il ne sait plus expliquer pourquoi ! Kurtz et lui sont au-delà de l’horreur et montrent comment l’extrême créativité de deux êtres, leurs rêves et leurs imaginations débordantes peuvent se tourner entièrement vers le mal. Un autre élément les lie : Macbeth rentre de la guerre et Kurtz livre la sienne, au fond de la jungle africaine. Peut-on les voir comme abîmés – au sens de tombés dans un abîme – par elle ? Macbeth est une victime de la guerre qu’il retourne contre ceux qui l’y ont envoyé. Il pense mériter mieux. Quand il voit le Roi pour lequel il s’est battu, il comprend l’erreur commise en donnant tant à un pays qui lui rend si peu. Cela lui est insupportable alors il saisit ce qu’il pense être en droit de lui revenir… Comme dans Sous le Volcan4, vous avez recours à une pluralité de médiums : caméra sur scène, projection de paroles et d’images, travail sonore. Vous nous plongez visuellement dans la tête de Macbeth comme dans celle du Consul de Malcolm Lowry ? Nous avons emprunté la technologie propre aux nouvelles consoles de jeux vidéo où des capteurs de mouvement servent à jouer. Dans MCBTH, la position de l’acteur permet de projeter des images en réaction, sur toute sa silhouette isolée dans l’espace ou, à l’inverse, partout autour de lui. C’est une entrée dans l’imagination de Macbeth, dans ses fantasmes en créant des espaces magiques totalement incroyables. Le


fait de grandir un acteur en projetant un gros plan d’un détail de son visage ou de jouer avec la lumière mélangée jusqu’à les rendre inextricables avec la vidéo, participe du trouble de l’esprit véhiculé par le texte. Dans quel décor s’inscrivent les images de ces troubles intérieurs ? Le décor est en bois avec un mur qui grandit doucement en direction des spectateurs. L’espace où évolue Macbeth se détruit petit à petit. Il est acculé. Le bois du point final de la pièce (la « forêt en mouvement » qui lui apportera la mort, NDLR) est présent dès le début. Trois éléments composent le décor : la langue avec la projection de lettres et de mots, la forêt dans une opposition entre nature et civilisation et le château par le biais d’images. La musique live et le chant ont beaucoup d’importance dans cette création qui passe du théâtre à l’opéra. Les chanteurs deviennent des personnages à part entière, les victimes de la folie meurtrière de Macbeth qui, seul, continue de livrer son texte… Au commencement, ils ne sont physiquement pas là. Des lettres puis des voix approchent Macbeth. Les corps n’arrivent qu’ensuite. Lui

ne voit d’ailleurs que les trois chanteuses, pas les comédiens. Il prend en charge une partie du texte des autres personnages auquel il donne un contenu différent, renforçant son isolement. La couleur du doute – ce qu’il dit est-il vrai ou de l’ordre du délire ? – est plus grande que dans le texte de Shakespeare. Quel est pour vous l’écho politique de Macbeth aujourd’hui ? Macbeth a beau être roi d’un pays, il est perdu dans son environnement direct avec lequel il n’a pas de communication. C’est un outsider, un étranger. Il voit sa société avec une question dans le regard sur ce qu’il se passe autour de lui, incapable de le comprendre. À travers lui, nous percevons les dangers d’une société où règne trop d’individualité. À Anvers comme ailleurs en Europe, se développe un sentiment d’inconfort chez les gens qui pensent mériter beaucoup plus que ce qu’ils ont, comme Macbeth. Ils sont mécontents et malheureux alors même qu’ils possèdent beaucoup. Et ils reprochent cela à d’autres plutôt qu’à eux-mêmes. Certains partis extrémistes utilisent ce sentiment et attisent cette frustration pour opposer les gens et désigner des boucs émissaires. Voilà pourquoi il est nécessaire de jouer cette pièce aujourd’hui.

La musique agit comme un virus pénétrant Macbeth et le guidant vers la perte de tout ce qu’il aime

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DANSE CONTEMPORAINE

Les Corbeaux © Tadeusz Paczula

Floor of the Forest © Courtesy of Trisha Brown Dance Company

corps et graphie Attention événement ! Les scènes nationales de Lorraine lancent, avec 16 lieux culturels de la région, la première Biennale de danse en lorraine. En fil rouge d’EXP.ÉDITION 01, le chorégraphe Josef Nadj.

Par Irina Schrag

Du 1er octobre au 29 novembre, dans 19 lieux en Lorraine (Le Carreau de Forbach, le CCAM de Vandœuvre, L’Arsenal de Metz, le Centre Pompidou Metz, L’Autre Canal de Nancy, La Méridienne de Lunéville, l’ACB de Bar-le-Duc, le CCN – Ballet de Lorraine de Nancy…) 03 83 56 15 00 www.biennale-danse-lorraine.fr

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L

e Carreau (Forbach), le Centre Culturel André Malraux (Vandœuvre-lès-Nancy) et l’ACB (Bar-le-Duc) lancent un programme biennal autour de l’art chorégraphique, irriguant toutes les scènes de Lorraine en octobre et novembre. Objectif affirmé : réveiller l’envie d’aventures artistiques nouvelles et favoriser l’émergence sur le territoire en invitant pas moins de 34 compagnies. Avec quatre pièces et deux expositions, le danseur et chorégraphe d’origine yougoslave Josef Nadj sera l’attraction de cette première édition. Une occasion unique de s’immerger dans son œuvre dansée : une version organique et cruelle du chef-d’œuvre de Büchner Woyzeck ou l’ébauche du vertige (les 8 et 9 octobre au CCAM), sa vision inspirée du japon traditionnel dans Sho-bo-gen-zo (le 5 novembre au Carreau, le 8 à La Méridienne de Luneville et le 12 au Théâtre Gérard Philippe de Frouard) ou encore une plongée intimiste dans ses troubles existentiels, éclairés à la bougie (Atem, le souffle du 20 au 24 novembre à L’Arsenal de Metz). En point d’orgue, Josef Nadj et Akosh S. explorent leurs racines afin d’esquisser Les Corbeaux (le 29 novembre à l’ACB). L’un dansant et maculant son corps dans un tonneau de peinture sombre et brillante avant de tracer des arabesques sur une monumentale toile en fond de scène avec l’empreinte de son anatomie. La majesté

ténébreuse de l’oiseau – auréolé de sagesse et détenteur de la clé de l’unité du monde dans la Voïvodine natale du chorégraphe – se dévoile et s’esquisse dans les crissements bourdonnants de l’univers musical d’Akosh S., multi-instrumentiste au saxophone éclatant et inquiétant. Un spectacle complété par une exposition de dessins des Corbeaux (du 10 octobre au 30 novembre à l’Office de Tourisme de Bar-le-Duc) et de photogrammes en forme d’expérimentations visuelles (du 7 octobre au 23 novembre au CCAM). Autre monstre sacré, l’immense Trisha Brown, figure de proue de la post-modern danse dont L’Arsenal propose une soirée (An evening with Trisha, le 18 octobre) en trois temps avec notamment l’incroyable If you couldn’t see me, solo à la fluidité envoutante, dansé de dos sur une musique de Robert Rauschenberg. Le Centre Pompidou-Metz complète ce programme avec les Early Works (le 19 octobre), six pièces du début des années 1970, créées en plein Soho pour être jouées sur des toits ou des façades d’immeubles. Last but not least, ne manquez pas Israel Galván, le chef de file de la nouvelle flamenca, qui signe l’engagé Le Réel / Lo Real / The Real (4 octobre au Carreau), accompagné de treize musiciens, chanteurs et deux danseuses autour du génocide des Gitans par les nazis.


Billetterie

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Q uatre

4. 0

p ro p o s e

l’ososphère électronise

strasbourg

[les nuits électroniQues]

14e édition 2 0 1 3 / 1 4

à la coop

27

sept

ne 2

é l e ct ro house bi g beat Dis co t ec hn o club

FatboY slim

Dj set

+ KavinsKY live + booKa shaDe live + breaKbot + YuKseK Dj set + the magician Dj set + the shoes Dj set + toxic avenger live outrun live

28

sept

é l e ct ro t ec hn o house m in i m a l club

ne 3

laurent garnier + + + +

rone live + popoF joris Delacroix live baKermat live jacKson anD his computerbanD live

spécial long Dj set

+ KÖlsch live + spitzer live + maDben à la laiterie

21

sept

Du b s t e p D ru m ’ n ’ ba s s é le ct ro t r a p

DirtYphonics live

ne 1

+ zomboY + Delta heavY +

19

oct

é le ct ro t e c h n o h ou s e p o p

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DANSE

corps célestes Panorama éblouissant de la danse contemporaine, le festival n.o.w. dance saar réunit des chorégraphes venus d’Europe, d’Afrique et d’Amérique du Sud. Pendant quatre jours, de Sarrebruck à Forbach, les corps prennent la parole.

Par Dorothée Lachmann Photo de Javier Del Real

À Sarrebruck, dans tous les lieux de représentation du Théâtre de la Sarre, et à Forbach, au Carreau, du 3 au 6 octobre +49 681 30920 www.nowdancesaar.de 03 87 84 64 34 www.carreau-forbach.com

P

uisqu’elle est la directrice artistique du festival depuis sa création en 2006, Marguerite Donlon a l’honneur d’ouvrir le bal. En première mondiale, sa nouvelle création avec le ballet du Théâtre national de la Sarre donne le ton du quatrième n.o.w. dance saar. Baptisée Wings, cette pièce chorégraphique est née d’une histoire peu banale. En 1971, le compositeur Gavin Brayars travaillait à Londres sur un film consacré aux gens de la rue. Pendant le tournage, il enre-

gistra la voix bouleversante d’un vieil homme qui chantait un cantique. En conservant la noblesse de ce timbre et la simplicité de sa foi, il l’enrichit d’un accompagnement orchestral. Vingt ans après cette rencontre précieuse, le compositeur avait étendu l’œuvre jusqu’à en donner une version de soixante-dix minutes, support de la nouvelle production de Marguerite Donlon. En suivant le flux constant de la musique, mais en réagissant aussi aux sons environnants de la ville – le spectacle étant présenté sous une tente –, la chorégraphe développe un scénario composé de solos, de duos, de scènes de groupe, axé sur l’aptitude des corps à exprimer simultanément force et fragilité. Pour la première fois, le festival traverse la frontière pour un rendez-vous lorrain haut en couleurs. Considéré comme l’un des plus grands danseurs de flamenco, Israel Galván pulvérise le folklore pour rendre à cette danse son essence rebelle. Avec Lo Real / Le Réel / The Real, le chorégraphe espagnol s’attaque à un sujet éminemment délicat : l’extermination des gitans par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. « Précisément parce que danser l’Holocauste est impossible, il faut le faire. Pour ne jamais oublier », affirmet-il. Exceptionnellement accompagné sur scène de deux bailaoras, Israel Galván rend un hommage puissant à la force de vie des gitans et confirme par la même occasion la place du flamenco dans la danse contemporaine. Jouant sur toute la gamme, le festival fait aussi place à deux compagnies mêlant danse et cirque, avec l’exigence d’une double virtuosité : les acrobates français de Cabas et les jongleurs anglais de Gandini Juggling. Autres invités de cette quatrième édition, Robyn Orlin (Afrique du Sud), Roy Assaf (Israël), Colin Dunne (Irlande) et la compagnie Duda Paiva (Brésil / Hollande) ajouteront leurs lumières à cet instantané.

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Renseignements 03 90 41 02 01

www.voix-romane.com

sletto & corso

soirée d’ouverture samedi 21 septembre

Don Rimini electro / house Architextures mapping video + Valy Mo / WSK Parvis église Saint-Georges 20 h - Accès libre

Nicolas Boulard Valentin Carron Nicolas Cilins Jean Claus Jeremy Deller Sarah Derat Goldiechiari Tom Holmes Scott King Genêt Mayor Adrien Missika Tom Nicholson Amy O’Neill Alessandro Piangiamore Renata Poljak Tony Regazzoni Andreas Slominski Franz West Raphaël Zarka Commissaires

20e

biennale d’art contemporain sélest’art

21 sept - 27 oct 2013

Marc Bembekoff Julien Fronsacq

www.selest-art.fr Devis n°:

ArtsWaves 1c rue du Vignoble 68570 OSENBACH France Téléphone: 06-15-16-04-07 courriel : artswaves@voila.fr

BIBLIOTHÈQUE HUMANISTE

Mapping Vidéo -Sélest'Art 2013 - Sélestat – création d'un mapping vidéo d'une durée de 6 minutes sur une musique d'Hol Baumann – projection le 21 septembre 2013 Adressé à

Ville de Sélestat

Date

398

Devis

22/05/13

Responsable Arnaud Masson

Adresse Code postal

67600

Ville

SELESTAT

Pays

France

Téléphone Quantité

Description

Code T.V.A.

P.U.

Montant

Etude technique et logistique 1

Etude sur site du système de projection et de ses contraintes techniques :

1

450,00 €

450,00 €

Placement des vidéoprojecteurs/angle et puissance de projection/puissance Réalisation du contenu 1

Captation vidéo pour banque d'images

1

450,00 €

450,00 €

1

Création et réalisation du contenu (entre 6 et 8 minutes) - animation/vidéo/2D -

1

3 000,00 €

3 000,00 €

1

Composition musicale par Hol Baumann

1

1 000,00 €

1 000,00 €

1 1

Tests/mise en place du système/calage et exploitation

900,00 €

tests sur site avant le lancement/exploitation et calage vidéo sous Resolume

1

900,00 €

Mise en place d'1 média serveur dédié au mapping vidéo

1

450,00 €

450,00 €

Remise

2 487,46 €

Materiel


THÉÂTRE

enfance en sommeil Pour sa nouvelle création, Guy Pierre Couleau, directeur de la Comédie de l’Est, s’empare de Guitou, texte intime de Fabrice Melquiot explorant le regard d’un adulte sur ses souvenirs. En question : la paternité, la construction de soi et l’élan créatif.

Par Thomas Flagel Portrait de Fabrice Melquiot

À Colmar, à la Comédie de l’Est, du 1er au 18 octobre (dès 8 ans) 03 89 24 31 78 www.comedie-est.com

Depuis l’été 2012, Fabrice Melquiot est directeur du Théâtre Am Stram Gram de Genève www.amstramgram.ch

*

Comment avez-vous découvert cette pièce où le personnage principal, Fabrice, voit son quotidien bouleversé lorsque sa fille de sept ans lui affirme que son copain d’enfance, Guitou, lui a rendu visite ? Je cherchais un texte pour une petite distribution. Je m’arrête sur Guitou en librairie, l’achète et en tombe immédiatement amoureux. La distribution composée uniquement d’adultes m’est apparue d’un bloc. Melquiot nous invite à retrouver les enfants qui sont en nous. Je lui ai écrit, puis téléphoné. Il m’a confié qu’elle lui était très chère car extrêmement personnelle. C’est, en fait, sa propre histoire. Je suis allé à Genève le voir dans son théâtre*, il était avec sa fille Armance – le nom de celle de la pièce – âgée de deux ans et demi. Là, je comprends qu’il a tout imaginé alors que sa femme était enceinte, inventant

sa future fille à sept ans lui racontant quelque chose de son passé à lui, le confrontant à son statut de père actuel. Une mise en abîme, une projection poétique pure par rapport à son état de futur père. Fabrice n’accepte pas tout de suite ce retour de quelqu’un qu’il n’a pas vu depuis 30 ans. Il est dans une mise au point avec lui-même jusqu’au moment où il reconnaît, en vrai, son ami d’enfance, âgé de 10 ans, dans la chambre de sa fille. Là, tout devient très net, d’un coup ! Une grande lucidité sur le chemin qu’il devra faire, de confrontation à soi générée par le regard et les questionnements que posent un enfant… Nous étions deux pères en train de parler avec l’enfance au milieu de nous. Depuis, des coïncidences me sont apparues : Guitou était mon surnom lorsque j’étais petit, l’enfant a ici sept ans, la mienne neuf. Le rapport à la paternité, à ce mystère du moment où l’on devient un parent sont autant de symboles de la condition humaine, de l’avancée dans l’âge, de la manière dont on conjugue les différents temps de la vie, ce qui est au fond très théâtral puisque nous ne faisons que convoquer des fantômes pour raconter des histoires aux vivants. Ce thème de l’exploration du passé pour avancer dans le présent, du temps que l’on veut retrouver comme Proust, vous habitait ? De manière inconsciente, non formulée… Cela m’habite souvent. Je suis tellement proche de mes souvenirs que je dois nécessairement vivre dans le présent, sinon la nostalgie prendrait le dessus. Je ne me laisse pas le temps d’en éprouver, effaçant beaucoup de choses de ma mémoire pour pouvoir avancer. J’aime

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énormément Thomas Bernhard car il sait que nous avons tous une échéance. Il ne parle que de la mort, de la fragilité de la vie. Cet auteur n’est pas défaitiste mais dans une acceptation de notre destinée et Guitou procède beaucoup de cela. La scénographie sera minimaliste avec un unique canapé au milieu d’un espace ouvert où le public est installé de part et d’autre de la scène, en bifrontal… Rien n’est encore figé mais j’ai dans l’idée de placer un seul élément symbolisant l’ensemble des lieux : un canapé ou un sofa pouvant être un lit, une table, un plan de travail… Je veux créer une boite, mettre en condition le spectateur pour faire naitre en premier le regard et l’écoute. Mais la scénographie doit aussi être dictée par le sens du texte. Le dispositif bifrontal met la pièce au centre, le public étant comme dans les murs de la maison. Le temps qui passe pour Fabrice, confronté à l’irruption de son passé dans le présent, m’a amené à imaginer des traversées, des opacités créant des flous différents et des mises au point. Des voilages de chaque côté de la scène, comme si nous étions derrière une baie vitrée, regardant à l’intérieur… Ils s’ouvriront pour dévoiler une partie de la vérité comme ils opacifieront le discours à d’autres moments dans un subtil jeu de symboles. L’espace scénique est à la fois concret et symbolique, une plongée dans la tête de Fabrice et de ce qu’il ne veut pas voir ? Oui, c’est son espace mental. Des voiles sont placés sur la vérité, des choses que nous ne voulons ou ne pouvons pas comprendre jusqu’à ce que nous les réalisions. Ne prendre que des adultes, même pour les rôles d’enfants, permet d’affirmer l’ouverture de cette pièce qui ne s’adresse pas qu’au jeune public. Cela complexifie-t-il aussi le jeu des comédiens ? J’ai envie de tenter le théâtre-narration, passant sans cesse de l’adresse directe au spectateur – les pensées de Fabrice – au jeu entre les acteurs, sans transition. Le temps de la narration au présent et celui de l’action passée se superposent et s’imbriquent. Fabrice a une phrase magnifique : « Est-ce que tu peux rentrer dans la photographie et me rapporter des choses ? » Il est attaché à des souvenirs, un vinyle de

l’époque, une boule de neige qu’il aimerait retrouver… Et Guitou revient avec un verre d’eau, expliquant qu’elle a fondu pendant le voyage ! Qu’en est-il du chamboulement des autres personnages suite à l’arrivée de Guitou ? Fabrice est totalement largué, il ne veut pas accepter ce qui arrive et va lutter contre jusqu’au moment où il devra faire face à la réalité : son enfance existe en lui ! Avec sa femme, il forme un couple d’artistes en panne, n’arrivant plus à produire parce que la peinture se vend de moins en moins, comme les livres. Il est de plus en plus difficile pour eux de peindre le monde, et il va falloir que ressurgissent des choses, qu’il accepte une partie de son enfance, pose un regard lucide sur qui il a été et qui il est aujourd’hui pour se remettre à écrire.

Est-ce que tu peux rentrer dans la photographie et me rapporter des choses ?

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l’amour sans philtre À l’avant-garde du théâtre expérimental new-yorkais, le metteur en scène Richard Maxwell s’approprie la légende de Tristan et Iseult. Avec Isolde, il offre un superbe portrait de femme. Rencontre avec un artiste en liberté. Par Dorothée Lachmann Photo de New York City Players

À Bâle, au Theater Basel, jeudi 12 septembre +41 61 295 11 33 www.theater-basel.ch À Mulhouse, à La Filature, du 3 au 5 octobre 03 89 36 28 28 www.lafilature.org

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Vous êtes étiqueté comme le metteur en scène de la “neutralité” : que recouvre ce concept ? On a souvent décrit mon travail comme “neutre” ou “sans expression” parce que je ne demande pas aux acteurs de feindre. La seule neutralité que je vois, c’est que je n’essaie pas de communiquer une morale ou un message : la pièce se joue et le public en tire les conclusions qu’il veut. C’est parce que je n’étais pas d’accord avec ce qualificatif que j’ai décidé de tenter l’expérience et de m’en approcher le plus possible avec mon précédent spectacle, Le Héros neutre. J’ai appris très rapidement que la neutralité est impossible ! Cette recherche scénique est donc terminée. Avec Isolde, le défi artistique est maintenant de se rapprocher de l’acteur. J’ai moi-même été formé à ce métier : écriture et mise en scène sont directement influencées par ce que je sais du jeu, de la façon de ressentir les mots. En me plaçant au plus près du comédien, mon point de vue d’auteur est plus immédiat. Pour autant, je ne me risquerai pas à qualifier les sentiments : je demande aux acteurs d’éprouver ce qui arrive vraiment, et non une idée ou un effet d’émotion puissante, d’amour condamné ou de colère meurtrière. Ce sont des personnes sur une scène, face à d’autres, qui sont ouvertes à tous les sentiments qu’offre la situation. Leurs

émotions leur appartiennent et varient chaque soir, j’imagine. Pourquoi avoir choisi le mythe de Tristan et Iseult comme source d’inspiration ? Pendant la création du Héros neutre, je me suis découvert une fascination pour les histoires archétypales qui traversent les siècles et les cultures. Le schéma de Tristan et Iseult m’a inspiré pour créer un triangle amoureux classique. Isolde montre aussi l’importance de l’art dans nos vies : il m’a donc semblé approprié de partir d’une histoire qui a été le cœur d’œuvres majeures dans différents arts, dont l’opéra de Wagner, bien sûr. Racontez-nous votre version contemporaine de la légende... Dans mon Isolde, une actrice célèbre est incapable de travailler parce qu’elle perd la mémoire, non seulement celle des mots mais aussi celle des émotions. Afin de la distraire, son mari embauche un architecte qui doit lui construire une maison de rêve. La rencontre avec cet homme ouvre un accès très inattendu aux sentiments d’Isolde. Dans les grandes tragédies romantiques, les héros meurent. Ici ce sont les souvenirs qui disparaissent. Mais comment vivre sans mémoire ?



MUSIQUE CONTEMPORAINE

ma solitude Traducteur des œuvres de son compatriote albanais Ismail Kadare et musicien virtuose, Tedi Papavrami a plus d’une corde à son violon. Portrait d’un artiste qui va créer un concerto de Marc Monnet à Musica.

Par Hervé Lévy Photo de Davolo Steiner

À Strasbourg, au Palais de la Musique et des congrès, en ouverture de Musica, vendredi 20 septembre à 20h30 03 88 23 47 23 www.festivalmusica.org

Rencontre avec Tedi Papavrami, à L’Aubette, dans le cadre des Bibliothèques idéales (voir page 71), jeudi 19 septembre à 17h pour évoquer son livre Fugue pour violon seul (Robert Laffont) et découvrir des extraits de Violon seul (Zig-Zag Territoires) www.tedipapavrami.com

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T

raduire, c’est trahir ». L’adage est célèbre… même s’il y a de « belles façons de trahir », affirme dans un sourire Tedi Papavrami à qui l’on doit, depuis la disparition de Jusuf Vrioni en 2001, la version française des livres de l’immense écrivain albanais Ismail Kadare. Et de poursuivre : « Il est souvent indispensable de prendre des chemins de traverse, de s’éloigner du texte, pour en restituer l’essence et retrouver une nécessaire vérité. » Le parallèle avec la musique éclate avec évidence. Interpréter, c’est également chercher sans discontinuer « un sentiment de vérité, tenter de retrouver la langue du compositeur ». C’est ce que fait avec brio le violoniste quadra qui assurera, en ouverture de Musica, la création mondiale de Mouvement, imprévus, et… pour orchestre, violon et autres machins de Marc Monnet déjà auteur du tonitruant Pan présenté à Strasbourg en 2005.

«

Une enfance albanaise

Dans son autobiographie récemment publiée, Tedi Papavrami narre son existence jusqu’à 16 ans avec un style délicat : entre épopée musicale initiatique et souvenirs d’avant la chute du Mur, Fugue pour violon seul est un précieux témoignage. On y découvre un pays isolé, replié sur lui-même après la rupture avec l’URSS (1961) et le grand schisme avec la Chine (1977). Dans les yeux d’un enfant – impossible, parfois, de ne pas penser aux célèbres pages de Pagnol – il s’agit avant tout d’un terrain de jeu plein « du parfum des fleurs, des repas familiaux… Certains se font une fausse idée en croyant que, dans une dictature les êtres n’ont plus de sentiments, que tout y est gris. » Nostalgie. Espiègle et insouciant, Tedi tente d’échapper à la contrainte du violon imposée par son professeur de père

et invente mille et un tours… Prodige, il est remarqué par le flûtiste Alain Marion qui se produit à Tirana, un événement exceptionnel à l’époque : « Je me souviens de ces concerts comme d’instants rares. Avant lui, il y avait eu un chef turc et un pianiste norvégien. On a du mal à se le représenter aujourd’hui, mais ces incursions venues de l’étranger en Albanie étaient incroyables. » Plus étonnant encore, le jeune Tedi va réussir à étudier en France : « C’est un peu comme si on choisissait un enfant aujourd’hui pour faire un voyage dans l’espace, que tout cela était suivi à la télévision », explique-t-il. Paradoxalement, c’est grâce à l’intervention personnelle


Pierre Henry © Léa Crespi

épopée contemporaine Né il y a trente ans, le festival Musica est dédié au répertoire contemporain : au menu, 76 œuvres de 49 compositeurs dont 14 créations mondiales. Au cœur de cette édition 2013, mentionnons un coup de projecteur sur la musique concrète avec un hommage à Pierre Henry, (jeudi 26 septembre à La Salle des Fêtes de Schiltigheim). La manifestation met également l’accent sur les spectacles musicaux avec notamment Aliados de Sebastian Rivas (vendredi 4 octobre au Théâtre de Hautepierre), variation sur la rencontre entre Margaret Thatcher et Augusto Pinochet en 1999, The House taken over de Vasco Mendonça (samedi 21 septembre à la Cité de la musique et de la danse) qui marqua le dernier festival d’Aix-en-Provence ou encore MCBTH (voire page 24). N’oublions pas la traditionnelle tournée de l’OPS du 20 au 24 septembre (Sélestat, Bischwiller, Saverne et Strasbourg) qui donnera l’occasion de découvrir la sonorité de sa compositrice en résidence, Kaija Saariaho avec L’Aile du songe, page inspirée par Saint-John Perse. À Strasbourg (et alentours), du 20 septembre au 5 octobre 03 88 23 47 23 – www.festivalmusica.org

du dictateur albanais que le violoniste est autorisé à partir, « par la grâce de celui qui maintenait son peuple en prison » qu’une administration ubuesque est court-circuitée : « Il n’y avait que lui pour me soustraire à la rigidité qu’il avait instaurée. » La scène de la rencontre avec “Oncle Enver” est surréaliste : « Une idée me transperce alors comme un éclair. Et s’il pouvait lire dans la tête ? Et si le “grand criminel en chef ” comprenait que j’ai des pensées sacrilèges, que je sais qui il est vraiment ? » Vertige.

Je marche seul

Après ce furent les leçons avec Pierre Amoyal,

les découvertes permanentes à l’Ouest – pas toujours heureuses – mais aussi les rencontres marquantes, comme celles de Viktoria Mullova et la fuite assortie d’inévitables et sauvages représailles sur la famille restée dans le “pays des aigles”. Au-delà de la vision historique, le livre de Tedi Papavrami est aussi un témoignage sur « la solitude du violoniste. Il n’y a aucune échappatoire possible. On est seul face à la partition : la faire vivre nécessite du temps et du travail. Seul face aux notes. Cela prend parfois des mois ou des années. » Cette ascèse, on en découvre les délicats scintillements dans Violon seul, coffret de six CDs paru en même temps que son autobiographie qui en constitue le prolongement sonore naturel. Dans le répertoire pour violon seul existe un puissant « sentiment de liberté… chèrement payée par son exigence instrumentale ». Sonates et Partitas de Bach (dans une excitante version), Caprices de Paganini virtuoses et inspirés ou transcriptions de Bartók réalisées par Tedi Papavrami – décidément créateur complet – forment un ensemble où l’altier dépouillement le dispute à l’élégance la plus absolue… Les vertus de la solitude, sans nul doute.

Il n’y a aucune échappatoire possible, on est seul face à la partition

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festival electro

nuits blanches Vingt-cinq ans de carrière et un agenda continuellement surbooké, entre DJ sets au long cours soignés et projets extra-dancefloors variés. Questions à Laurent Garnier, work addict incurable, mémoire vivante de la techno et tête d’affiche du festival l'Ososphère.

Par Emmanuel Dosda Photo d’Anne Rollin

Samedi 28 septembre sur le site de la Coop L’Ososphère (avec Fatboy Slim, Rone, Kavinsky…) le 21 septembre à La Laiterie et les 27 & 28 sur le site de la Coop, 1 rue de La Coopérative au Port du Rhin à Strasbourg Prochaine édition, samedi 19 octobre à La Laiterie 03 88 237 237 www.ososphere.org

Dans votre livre, Electrochoc 1, vous évoquez un courant électrique se produisant lorsque vous mixez. Quelle sensation recherchez-vous ? Depuis que je suis môme, j’aime m’exprimer avec la musique des autres, peut-être davantage qu’avec la mienne. Faire danser les gens, les électriser et leur raconter une histoire qui va peut-être rester gravée longtemps dans leur cerveau, c’est très fort ! Pour cela, je n’enchaîne jamais les tubes les uns après les autres : comme un chef, il faut apporter des nuances à sa cuisine. Ressentez-vous encore la techno comme un « coup de poing dans le bide » ? Bien sûr, c’est viscéral.

Biographie / document coécrit avec David Brun-Lambert, édité en 2003 chez Flammarion, qui ressort en octobre augmenté de 80 pages où il est question de l’arrivée du mp3, de l’effondrement des maisons de disques, de l’explosion des festivals ou de… David Guetta www.editions.flammarion.com

1

2 Diffusée sur le Mouv’ et Couleur 3 – www.lemouv.fr –www.rts.ch/ couleur3

Pour Ososphère, il livrera un “long spécial DJ set”

3

Il a réalisé la musique du ballet Fire Sketch à l’occasion de l’ouverture du Pavillon noir à Aix-en-Provence, en 2006, puis de Suivront mille ans de calme, en 2010, avec le Bolchoï 4

5 La première édition, en juin dernier, convia Lescop, Zombie Zombie, Allah-Las ou encore Jules-Édouard Moustic et Luz en DJ set www.festivalyeah.fr

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Vous évoquez l’Haçienda de Manchester, le second Summer of love, en Grande Bretagne à la fin des eighties, et vos premières soirées au Rex parisien avec émotion. Le DJing vous permet de faire perdurer un âge d’or ? Il ne s’agit pas d’une époque révolue car la techno ne s’est jamais aussi bien portée qu’en ce moment. Beaucoup d’artistes réinventent cette musique et il y a de nombreux endroits où elle peut s’exprimer. Lorsque je mixe pendant 8 heures au Panorama Bar à Berlin, je retrouve les mêmes sensations qu’il y a 25 ans. La magie opère toujours. Vous dites que la techno « fut la dernière révolution musicale » du XX e siècle, mais que « ça n’est plus la musique du futur »… Aujourd’hui, il n’y a plus de combat : la techno est partout, elle est digérée. Elle reste futuriste dans son idéal, sa sonorité, mais ça n’est plus la musique de demain.

Vos sets de DJ et votre émission radio – It is what it is2, où vous passez des nouveautés electro mais aussi les Bérus ou les Stooges – trahissent un grand éclectisme de votre part. J’ai grandit avec radio Nova dont la devise était « Pas de visa chez Nova » ! Il n’y a pas d’arrière-pensée pédagogique, d’envie d’ouvrir votre public à d’autres esthétiques ? Pas du tout ! D’ailleurs, je travaille toujours sur le moment, selon mes humeurs, je ne prépare jamais rien. C’est pour ça que je préfère jouer longtemps3 : en une heure et demie, je risquerais de m’enfermer dans un automatisme. Vous aimez prendre votre temps… mais vous ne vous arrêtez jamais, multipliant les projets. Je suis un alcoolique du travail : je n’arrive pas à décrocher. Avec une moyenne de 6 ou 7 sets par mois, je fais cependant nettement moins de dates que les autres DJs. Ce qui vous permet d’investir d’autres champs artistiques, comme la danse avec Angelin Preljocaj4… Ou avec Marie-Claude Pietragalla. Dernièrement, j’ai bossé sur une BD parlant de moi, Rêves syncopés, qui sort en octobre chez Dargaud, et je travaille en ce moment sur une adaptation ciné d’Electrochoc. Pour pimenter le tout, vous avez lancé cette année votre festival, YEAH !5, à Lourmarin… Je le perçois comme une soupape de rigolade. C’est un tout petit festival, un contre pied à tous ces événements qui font une surenchère de sons, de lumières, de line-ups…


Selon vous, « ce qui va tuer la techno, c’est la technologie ». Aura-t-elle la peau du DJ ? Avec tous les programmes, les plug-ins, c’est très facile d’être musicien ou DJ aujourd’hui. Une nouvelle génération de platines CD vient

de sortir : tu appuies sur un bouton et tout est synchronisé. Ces technologies peuvent tuer le métier de DJ, mais si elles lui permettent d’extraire des boucles, de déstructurer et reconstruire les morceaux, ça peut aussi être très excitant.

flashback À dix ans, le petit Laurent transforme sa chambrette en discothèque, avec stroboscope et boule à facettes. Bercé par la musique d’auto-tamponneuse (ses parents sont forains) et fasciné par I Feel Love de Moroder & Summer, il se prédestine au “métier” de disc-jockey. Quand il se retrouve de l’autre côté de la Manche en tant que valet de pied de l’Ambassadeur de France à Londres, il n’a qu’une chose en tête : les nuits anglaises. Courant 1987, en pleine explosion house – sur les ondes, M/A/R/R/S monte le son avec Pump up the Volume –, le jeune DJ officie derrière les platines de l’Haçienda, boîte de Tony Wilson, boss de Factory Records (New Order, Happy Mondays…), qui changera Manchester la désargentée en “Madchester” la déjantée. Il enchaînera alors les sets, de Detroit à São Paulo, de soirées hystériques à plans foireux : fêtes gangrénées par les gangs ou sapées par la police. En 1994, Garnier

lance F Communications (Mr Oizo, Saint-Germain…), label qui accompagne le raz-de-marée nommé french touch. Il y sort ses propres productions : une poignée d’albums et quelques hits, Wake up, Flashback, Crispy Bacon… Garnier s’impose des « horaires infernaux » empêchant une vie de famille convenable. Un peu comme les routiers ? « Je ne sais pas s’ils finissent leur travail à 6 heures du matin les bras en l’air, déchirés à la Téquila, à jouer Can you feel it devant un parterre de folles tordues, d’hétéros ecstasiés et de filles aux yeux doux… », s’interroge-t-il, amusé, dans son livre Electrochoc. Au début des années 2000, l’« hyperactif » se sentira « à terre » et tentera de se ménager un peu. Même si Garnier est aujourd’hui retiré dans un petit village provençal, déconnecté des pulsations urbaines et harmonisé par le chant des cigales, il persiste à vivre à 220 BPM. www.laurentgarnier.com

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COLLECTIF

no fun Negative Beat : un nom qui claque pour un collectif formé à SaintAvold et éclaté dans le (très) Grand Est. Se connaissant depuis toujours, ses membres se sont rassemblés autour d’une passion commune pour les sons cold et l’esthétique DIY. les Happy Mondays (des modèles pour NB), devenant l’épicentre musical des années 1980.

Par Emmanuel Dosda

www.negativebeat.com on peut y écouter toutes les créations du crew qui sort peu d’albums physiques pour des raisons de budget

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I

ls se déplacent en meute, comme des jeunes loups. Les gars de cette horde sauvageonne se comportent en éternels ados qui « squattent, vont à des concerts et jouent » ensemble, selon Walid Marouf, le ciment du groupe, responsable du site Internet et porte-parole de Negative Beat (NB). Aujourd’hui éparpillés à Bruxelles, Berlin, Budapest ou Riga, ils se retrouvent régulièrement à Saint-Avold, leur fief et berceau familial, le lieu du crime. Tous se sont rencontrés dans ce « bled perdu en Moselle », entre deux salles de cours, dans les couloirs du lycée, et se sont mis à composer, un peu par désœuvrement. « Nous sommes clairement influencés par l’atmosphère du coin. Venant de Californie, nous n’aurions sans doute pas proposé le même type de musique », s’amuse Walid. La ville minière « à l’abandon et morose, que l’on rêve de quitter », leur évoque des morceaux souvent glaciaux, aux sonorités sombres. Les artistes du collectif voient un point commun entre Saint-Avold et Manchester, cité industrielle sinistrée qui a vu naître Joy Division ou

NB, c’est une dizaine d’activistes qui s’échangent leurs découvertes par mp3 interposés. Des kids d’une vingtaine d’années et des poussières qui n’ont jamais succombé aux sirènes des « sous AC/DC » que tous les garçons et les filles de leur âge écoutaient en boucle en passant le Bac, préférant fouiller dans les archives de la sono mondiale et se gaver de Sonic Youth, d’Iggy Pop, de techno US et de hip-hop façon Cannibal Ox. Pour des raisons géographiques (difficile de se retrouver tous les deux jours pour des répét’…), Negative Beat se compose essentiellement de one man bands, chacun travaillant dans son coin, produisant des titres avec les moyens du bord et un son pas très clean, volontiers brut, insufflant de la vie dans un monde aseptisé et faisant ressortir le « charme du lo-fi ». Il y a presque autant de formations que de personnes dans NB, ceci permettant d’« explorer tous les styles », souligne Acapulco City Hunters, projet solo d’electro-rockabilly à la Suicide monté il y a un an, après de nombreuses expériences de groupes, notamment au sein de She calls from Berlin. Ainsi, la constellation se compose de Youth Revolution et Luminance s’attaquant à l’electro dark, GWC qui fait dans le son synthétique eighties, Distorsions dans le rock cradingue, Crooked Axis le psyché, Audran le folk acoustico-hippie et Dandelion Sky la pop déglingos, tordant le cou aux sixties et inventant une sorte de Negative Beatles. NB évoque une musique mécanique composée à l’aide de machines, mais ne se limite pas à une seule esthétique. Le clan, usant d’une image glaciale, dégage enthousiasme, énergie et rage en live comme dans la life. Saint-Avold, futur centre du monde.


Saisons culturelles 2013 / 2014

➜ BELFORT

FESTSPIELHAUS

CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE FRANCHE-COMTÉ

Nos coups de cœur. Patricia Petibon chante des airs baroques (12 oct), Claudio Abbado dirige le Mahler Chamber Orchestra dans un programme Beethoven (10 nov), le Winterreise par Matthias Goerne (16 fév), Jonas Kaufmann chante Mahler (10 mai) et Faust de Gounod avec la sublime Anna Netrebko (6, 9 et 12 juin). Culte. Le ballet du Mariinsky (21-27 déc). Événement. Manon Lescaut de Puccini par les Berliner Philharmoniker et Sir Simon Rattle (12, 16 et 21 avr), grands animateurs du Festival de Pentecôte. ☛ www.festspielhaus.de

➜ BÂLE KASERNE BASEL Nos coups de cœur. Remote Basel de Stefan Kaegi (18-28 sept) et l’electro pop d’Au Revoir Simone (19 sept). Et aussi. L’afrobeat de Seun Kuti (7 oct), Culturescapes Balkan d’Oliver Frljić (16-17 nov). ☛ www.kaserne-basel.ch THEATER BASEL Nos coups de cœur. Lohengrin de Wagner (première le 20 oct, jusqu’au 15 juin), Blanche-Neige de Heinz Holliger, « un conte sur un conte sur un conte sur un conte… » avec le compositeur à la baguette (première le 20 fév, jusqu’au 15 avril) et La Damnation de Faust de Berlioz (25 mai-29 juin). Rareté. Votre Faust, un opéra sixties d’Henri Pousseur sur un livret de Michel Butor (8-9 nov). ☛ www.theater-basel.ch

Made in. Joanne Leighton poursuit sa série de pièces participatives pour 99 danseurs amateurs et 5 professionnels (Made in Belfort, le 21 sept). ☛ www.ccnfc-belfort.org LE GRANIT Création. Dans L’ombre, Jacques Vincey joue avec le conte d’Andersen (9 & 11 oct). Jeunesse. La Nuit tombe, pièce cauchemardesque très “lynchéenne” du jeune Guillaume Vincent (5-6 nov) et Les Bâtisseurs d’empire de Vian signée Pauline Ringeade (11-12 fév). Génies. Le Ballet de Lorraine rend hommage à trois monstre sacrés : Martha Graham, Merce Cunningham et William Forsythe dans Made in America (14 nov). En Famille. Cendrillon version Pommerat (28-30 janv). ☛ www.legranit.org

CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DE BESANÇON Coups de poing. Le nationalisme dans les Balkans ausculté avec brio par Oliver Frljić dans Maudit soit le traître à sa patrie ! (1-4 oct). Création. Rose is a rose is a rose is a rose de Philippe Lanton (14-18 janv). 3 en 1. Un cycle de mises en scène de Joël Pommerat avec Cendrillon (21-24 janv), La Grande et fabuleuse histoire du commerce (18-21 fév) et Une Année sans été (11-14 mars). ☛ www.cdn-besancon.fr

Cendrillon © Cici Olsson

➜ BADEN-BADEN

➜ BESANÇON SCÈNE NATIONALE DE BESANÇON Danse 1. Swan Lake de la Dance Factory Johannesburg (6-7 déc) revisitant la célèbre pièce à l’orée des ravages du sida et de l’homophobie dans l’Afrique du Sud post-apartheid. Danse 2. À la recherche des racines du hip-hop avec The Roots de Kader Attou (12-14 fév). Cirque. Hans was Heiri, dernière folie de Zimmermann & de Perrot, faisant tourner un immeuble sur scène (10-11 avril). ☛ www.scenenationaledebesancon.fr

➜ BISCHHEIM LA SALLE DU CERCLE Les ciné-concerts. L’Inconnu de Tod Browning par le pianiste Stéphan Oliva (13 nov), courts burlesques avec Harold Lloyd et Charley Bowers mis en musique par mic&rob (24 jan). L’humour. Les Confessions de Stéphane Rousseau (1-5 avril). Nos coups de cœur. Le groove malien de Cheick Tidiane Seck (11 oct), le chant capverdien de Lura (16 mai). ☛ www.salleducercle.fr Poly 160 Septembre 13

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➜ BISCHWILLER

➜ ERSTEIN

➜ GUEBWILLER

M.A.C.

SAISON CULTURELLE D’ERSTEIN

Les temps forts. Casse Noisette par le Ballet Opéra National de Kiev Odessa (9 jan), La 432 par Les Chiches Capon (24 jan) dans le cadre du festival Décalages et la Revue Scoute 2014 (10-12 avril). Les concerts. Matskat (14 sept), David Murray (19 nov) dans le cadre du festival Jazz d’Or, Johnny Clegg (21 nov) et Jacques Higelin (15 mars). L’humour. Le Capitaine Sprütz en 3D (29 nov) et Dernières avant Vegas, le nouveau one-woman show d’Audrey Lamy (21 fév).

Notre coup de cœur. Le spectacle mêlant cirque, théâtre et danse Klinke de la compagnie italienne Milo et Olivia (14 sept). À ne pas manquer. Bonne retraite (humour musical, 24 jan), Zboïng (marionnettes, 16 jan), Los Abrazos (tango argentin, 11 avril), Les contes défaits (conte musical, 18 mai)… Temps fort. La Semaine de l’invitation au voyage (26-31 mai). ☛ www.ville-erstein.fr

LES DOMINICAINS DE HAUTE-ALSACE

➜ CERNAY ESPACE GRÜN Nos coups de cœur. Un Homme debout par le Théâtre de l’Ancre (22 nov), Oh Boy ! Molière du spectacle jeune public (24 jan), Les S’Tazunis, excitant spectacle de hip-hop (15 fév). En résidence de création. La compagnie Mémoires Vives qui présente Quand nos luttes auront des elles (6 déc).

☛ www.espace-grun.net

➜ COLMAR COMÉDIE DE L’EST Surprenant. Une Antigone palestinienne (18-19 déc) montée à JérusalemEst avec le Théâtre national palestinien comme une ode d’espoir. Création. Guy Pierre Couleau s’empare de Désir sous les ormes (18-29 mars) d’Eugene O’Neill et nous entraîne dans le monde paysan de la Nouvelle-Angleterre où l’amour trouble les êtres. Foot. France-Allemagne (13-14 fév) où l’histoire des peuples revisitée par l’héritage de la demi-finale du mondial 1982 !

☛ www.comedie-est.com 40

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➜ HAGUENAU

➜ FORBACH

RELAIS CULTUREL

LE CARREAU

Les temps forts. La quinzaine culturelle autour des Celtes (15-29 mars) et bien sûr L’Humour des notes (22 mai-1 juin). Nos coups de cœur. June & Lula (8 oct), Carmen Maria Vega (17 déc), Alexis HK (5 nov) et Salif Keita (15 avril). Les créations. Bérénice par la compagnie OC & CO (11 mars) et L’Avare, un tableau de famille en ce début de 3e millénaire par l’ensemble Epik Hotel (28 mars). ☛ www.relais-culturel-haguenau.com

Engagé. Israel Galván (Le Réel / Lo Real / The Real, 4 oct) danse autour du génocide des Gitans par les nazis. Ovni 1. Richard III du Puppentheater de Magdebourg (22-23 janv) : 18 marionnettes (le roi sous les traits de Robert de Niro et la reine ceux de Magaret Thatcher) entre enjeux de pouvoir et de manipulation shakespeariens. Ovni 2. La Grande guerre (24-25 avril) version Hotel Modern, avec maquettes scéniques et caméras miniatures, les soldats étant des jouets d’enfants. ☛ www.carreau-forbach.com

➜ ILLKIRCHGRAFFENSTADEN

➜ FROUARD

L’ILLIADE Nos coups de cœur. La voix grave de Thomas Fersen (8 nov) qui présentera son nouvel album, La Quincaillerie Lamoureux, le show circassien de la Compagnie Max & Maurice (29 mai-1 juin). Création. Mon Nom est Nemo de Marko Mayerl (15-19 jan), un spectacle plein d’humour. Le temps fort. Le légendaire festival dédié à l’accordéon, Le Printemps des bretelles (21-30 mars). ☛ www.illiade.com

THÉÂTRE GÉRARD PHILIPE Les temps forts. Exp.Edition 01, première Biennale de la danse en Lorraine (17 oct-12 nov), les festivals Le lézard à roulettes (5-20 déc) et Géo Condé 2014 (17-26 avril). Les expositions. X3 (jusqu’au 29 sept), Hello, we are Schlep (3 oct-12 nov) et L’habitant de Turakie (9 jan-7 fév). Nos coups de cœur. Sho-Bo-Gen-Zo du chorégraphe Josef Nadj (12 nov), Les Beaux orages qui nous étaient promis par le collectif de jongleurs Petit travers (21 mars), Eden Market, chroniques d’hyperette de la Soupe compagnie (3 avril). ☛ www.tgpfrouard.fr

➜ KARLSRUHE BADISCHES STAATSTHEATER KARLSRUHE Sho Bo Gen Zo © Edvard Molnar

David Murray © Becca Meek

☛ www.mac-bischwiller.fr

Nos coups de cœur. Dalmatica, chants sacrés de l’Adriatique (19 oct), Colt Silvers (7 nov), Claire-Marie Le Guay et l’Orchestre philharmonique de Freiburg (5 avril), Stabat Mater de Pergolèse par Le Concert de l’Hostel Dieu (19 avril). La star. Renaud Capuçon et l’Orchestre de Chambre de Bâle (29 mars). ☛ www.les-dominicains.com

Nos coups de cœur. Doctor Atomic indispensable opéra de John Adams (première le 25 jan, jusqu’au 25 mai), Die Meistersinger von Nürnberg de Wagner (première le 27 mars, jusqu’au 12 juil). Reprise. La Passagère, opéra de Mieczysław Weinberg (21 mars-16 mai), si vous l’avez manqué l’an passé. ☛ www.staatstheater.karlsruhe.de


MAISON DES ARTS Le temps fort. Le festival Les Arts s’en mêlent (en juin). L’hommage. À la chorégraphe allemande Pina Bausch avec les projections de Rêves dansants (11 fév) et Kontakhof (14 avril). Nos coups de cœur. Pièce(s) montée(s) par la cie Coup de Théâtre (17 et 18 oct), Goûtez Grimm avec la cie Plume d’éléphant et l’hommage au photographe portraitiste Hans K par l’association Arsène (semaine du 22 au 30 mars). Les concerts. Marcel Loeffler Quartett (4 oct) et Et vint un mec d’outre saison, hommage à Léo Ferré par Marcel Kanche et I.Overdrive Trio (21 nov). ☛ www.lingolsheim.fr

➜ LUNÉVILLE LA MÉRIDIENNE Transgresser. Un Songe d’une nuit d’été dépoussiéré par David Gauchard à grands renforts de pop, de logiciels interactifs ou encore de beatboxing (15 nov). Doué. Pleurage et scintillement de et avec l’ultra doué Jean-Baptiste André (21

janv) qui signe un duo (danse / cirque) d’après un recueil de photos, dans un temps suspendu ! À la loupe. Cosmos, création de Joris Mathieu proposant une enquête policière à la loupe digitale sur une scène tournoyante (16 mai). ☛ www.lameridienne-luneville.fr

➜ LUXEMBOURG

➜ METZ

LES THEATRES DE LA VILLE DE LUXEMBOURG Nos coups de cœur. Plexus, pièce chorégraphique d’Aurélien Bory pour Kaori Ito (5-6 nov), Egisto de Cavalli, une perle baroque (5-7 décembre), Der Rosenkavalier de Richard Strauss étonnement mis en scène par Christoph Waltz qui a remporté deux Oscars pour ses rôles au cinéma (25-27 février). Création mondiale. Neige de Catherine Kontz, un opéra autour du Kabuki japonais (19-20 décembre). ☛ www.theatres.lu PHILHARMONIE DE LUXEMBOURG Nos coups de cœur. Le fougueux Valery Gergiev et l’orchestre du Mariinsky

Des spectacles de qualité sur tout le territoire

(28-29 nov), l’incroyable pianiste Evgeny Kissin (9 jan et 14 juin), sans doute le meilleur orchestre du monde, les Berliner Philharmoniker et leur chef Sir Simon Rattle (5 mars), la charmante Ute Lemper (24 avril). Baroquissime : Le contre-ténor Philippe Jaroussky autour de Farinelli et Porpora, l’élève et le maître (24 oct). ☛ www.philharmonie.lu

L’ARSENAL Nos coups de cœur. An Evening with Trisha, les sommets de la danse (18 oct), Nathalie Stutzmann & Philippe Jaroussky (6 déc), Fazil Say (11 jan), Beethoven Project III-V (29-30 mars), East Block Party #5 (14-18 mai). Bilingue. Je t’aime… Ich Auch nicht (8-20 nov) avec pour fil rouge Wagner et sa réception en France. On y croisera Jean-François Zygel (8 nov) ou FrançoisFrédéric Guy (13 nov). ☛ www.arsenal-metz.fr ORCHESTRE NATIONAL DE LORRAINE Nos coups de cœur. Impressions

Bischheim Bischwiller Cernay Dannemarie Erstein Ferrette Guebwiller Haguenau Huningue Illfurth Illkirch-Graffenstaden Kembs

Kingersheim Munster Muntzenheim Oberhausbergen Obernai Orbey Rhinau Ribeauvillé Riedisheim Rixheim Sainte-Marie-aux-Mines Saint-Louis

Saverne Schiltigheim Schirmeck Sélestat Soultz-sous-Forêts Staffelfelden Thann Turckheim Vendenheim Wissembourg

culture-alsace.org Poly 160 Septembre 13

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compagnie Ernest © Bartosch - m4tik.fr

➜ LINGOLSHEIM


d’Espagne avec des œuvres de Massenet, Ravel, Lalo… (1er déc), la violoniste Fanny Clamagirand (23 mai), le Requiem de Verdi (5-6 juin). Création mondiale. Dun Wu, double concerto pour accordéon, piano et orchestre de Chengbi An (17 jan). Rareté. Requiem de Gouvy (20 oct). ☛ www.orchestrenational-lorraine. fr

Et aussi. The Dodos, groupe psyché de San Francisco (2 nov) et Kas Product (19 oct). ☛ www.noumatrouff.fr

➜ MONTBELIARD MA SCÈNE NATIONALE Festivals. Ars Numérica (29 oct-16 nov), Europe en scènes (avec Le Granit de Belfort 4-15 avril) & Green Days (1er mai-30 juin). Ovni. Du cirque coquin en talons et petit maillot, diablement technique, tel est Wunderkammer (11 oct). Monstre sacré. Le grand Michel Bouquet en Roi se meurt de Ionesco (22 nov). Danse. Plongée dans les racines du hip-hop avec The Roots de Kader Attou (4 fév). ☛ www.mascenenationale.com

Création. Storytelling de Karim Sebbar (21 nov) qui joue à perdre le spectateur. Pinçant. L’Addition de tous ces Je de Bertrand Sinapi (12 déc), exploration de la dérive nombriliste du siècle. Performance. La Nuit Proust (31 jan), parce qu’on aime les madeleines ! Ailleurs. Mise en voix Russie – Théâtre sans frontière, petites formes d’après textes étrangers (26-27 fév). ☛ www.univ-lorraine.fr

Danse. Les Nuits où l’érotisme dans le monde arabo-méditerrannéen selon Preljocaj (22 sept) & le nouveau spectacle déjanté de Mark Tompkins, Showtime a musical (8-10 oct). Théâtre. Par les villages de Peter Handke, dernière création de Stanislas Nordey (12-14 déc) avec le duo chic et choc Jeanne Balibar / Emmanuelle Béart. Performance. L’artiste sud-africaine Mamela Nyamza et des kids de Soweto pour un spectacle très créatif de danse de rue (27-28 nov). ☛ www.lafilature.org

Les nuits © JC Carbonne

THÉÂTRE DU SAULCY

LA FILATURE

LES TRINITAIRES

OPÉRA-THEATRE DE METZ-MÉTROPOLE

Wunderkammer © Circa

Notre coup de cœur. Le groupe mythique des années 1980, And Also the Trees (27 sept). Avec lui, noir, c’est noir… Temps fort. Le festival Zikametz (12-21 sept, lire interview de La Gale page 82) fête sa dixième édition avec We Are Enfant Terrible ou encore Kap Bambino www.zikamine.com Et aussi. As Malick & Blue Tribe (3 oct). ☛ www.lestrinitaires.com

LE MOLOCO

Nos coups de cœur. Lakmé de Delibes mis en scène par Paul-Émile Fourny (22-26 nov), The Indian queen de Purcell dirigé par Hervé Niquet (19-21 jan), Le Faiseur de théâtre de Thomas Bernhard (21-22 fév). Rareté. Viva la mamma de Donizetti (16-20 mai), un opéra qui se joue de l’opéra. ☛ www.opera.metzmetropole.fr

Nos coups de cœur. Le blues rugueux de Reverend Beat Man (31 oct) et la chanson douce de Françoiz Breut (14 mai). À ne pas manquer. Elektronische Staubband (24 nov), délirant projet krautrock de Yann Tiersen. Pour les petits. Le ciné-concert Tom & Jerry par La Terre Tremble pour les kids (23 nov). ☛ www.lemoloco.com

➜ MULHOUSE Lakmé © Lilian Szokody

NOUMATROUFF

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Notre coup de cœur. Passons une nuit Fauve ≠ (20 nov), groupe désabusé, un peu bizarre, un peu Blizzard. À ne pas manquer. La Femme (+ Erotic Market + Mouse DTC, 28 sept), digne descendant d’Elli & Jacno et de Taxi Girl.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MULHOUSE Nos coups de cœur. La thématique de l’année, la Belgique avec des œuvres rares comme le Concerto pour violon de Boesmans (11-12 oct) ou le Concerto pour violon n°4 de Vieuxtemps (22-23 nov), la venue de l’immense soprano Annick Massis (5 avr) et le Festival DebussyFauré (19-21 juin). Incontournable. Festival Beethoven (19-21 déc) avec la présence du Quatuor Arditti, de Tedi Papavrami, Claire Désert… ☛ www.orchestre-mulhouse.fr

➜ NANCY L’AUTRE CANAL Nos coups de cœur. Les deux sœurs hippies chipies de CocoRosie (23 sept) qui viendront présenter leur cinquième album Tales of a grass widow et Spatsz et Mona Soyoc qui font leur grand retour avec Kas Product (16 oct), dans le cadre de NJP. À ne pas manquer. Miss Kittin (12 oct) et Kelpe (8 nov, voir chronique sur www. poly.fr). Et aussi. IAM (20 déc) débarque de la planète Mars ! ☛ www.lautrecanalnancy.fr


CCN – BALLET DE LORRAINE Star. L’israélien Emanuel Gat est l’un des grands chorégraphes actuels. Il crée deux pièces : Transposition #1 & Transposition #2 (7-10 nov). Au féminin. Un alléchant programme que ce Tête-à-tête-à-tête (16-24 mai) réunissant les 19 solos de Mathilde Monnier (Rose), une réflexion sur le répertoire de la danse (Objets re-trouvés), les tournoiements aux impulsions athlétiques signés Twyla Tharp (In the upper room) et le May B humaniste de Maguy Marin. ☛ www.ballet-de-lorraine.com L’ENSEMBLE POIREL Notre coup de cœur. Tom McDermott & Joshua Redman quartet : des grands du jazz, dans le cadre de NJP (9 oct). De l’humour. Avec le Comte de Bouderbala (3 déc) qui nous offrira un spectacle de stand-up corrosif. Notre chouchou. Pierre Richard, notre grand blond avec une chaussure noire national, qui nous présente son nouveau solo autobiographique, Pierre Richard III (24 jan). Shakespearien ? ☛ www.poirel.nancy.fr OPÉRA NATIONAL DE LORRAINE Nos coups de cœur. Turandot de Puccini mais en scène par Yannis Kokkos (4-12 oct), L’Orfeo de Monteverdi mis en scène par Claus Guth (10-17 jan), Il Medico dei Pazzi, opéra contemporain de Battistelli (20-28 juin). Insolite & excitant. Siegfried et l’anneau maudit d’après le Ring de Wagner (21-30 mars), une version “allégée” d’un monument opératique (à la Manufacture). ☛ www.opera-national-lorraine.fr ORCHESTRE SYMPHONIQUE ET LYRIQUE DE NANCY Nos coups de cœur. Christian Arming dirige la Symphonie n°5 de Bruckner (24-25 oct), le harpiste Xavier de Maistre dans une transcription qu’il a réalisée du Concerto pour piano n°19 de Mozart (6-7 mars), le Concerto de Ravel par Bertrand Chamayou (5-6 juin). ☛ www.opera-national-lorraine.fr THÉÂTRE DE LA MANUFACTURE British. Le grand Declan Donnellan livre un Ubu Roi aussi violent qu’absurde (8-12 oct) ! Mythique. Chatte sur un toit brûlant, chef d’œuvre de Tennessee Williams mis en scène par Claudia Stavisky (19-23 nov).

Création. P.I.G.S. de Didier Manuel, plongée dans les âmes perdues de nos sociétés désenchantées (25-28 fév, avec le CCAM de Vandœuvre). ☛ www.theatre-manufacture.fr

➜ NIEDERBRONNLES-BAINS MOULIN 9 Créations. Ça Handi long, pièce pluridisciplinaire mis en scène par Yan Gilg (13 sept et 4 avril )et le spectacle de Raymond Devos Matière à rire (30 et 31 jan et 1er fév), résidence de création avec la compagnie Théâtre Lumière de Strasbourg, sur toute la saison.

Une soirée, trois concerts. Trois heures non-stop de rock avec l’Office du gueux, Perpétuel Escape et Elmer Food Beat (1er mars). Nos coups de cœur. Les Histoires drôles pour les couples, racontées en duo (10 mai). ☛ www.niederbronn-les-bains.fr

➜ OBERNAI ESPACE ATHIC Nos coups de cœur. Ciné-concert du Mécano de la Général de Buster Keaton (11 oct), les Violons barbares de L’Assoce Pikante (13 déc), Le Sang des étoiles par le Ballet de l’Opéra national du Rhin (15 avril). Poly 160 Septembre 13

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Institution. Pisteurs d’étoiles, 19 e édition du festival international du cirque d’auteur (25 avril-3 mai). ☛ www.espace-athic.com

➜ REICHSHOFFEN La Castine Temps fort. Carmen, théâtre d’objets par la compagnie Karyatides (18 jan) dans le cadre du festival Décalages. Théâtre. Une comédie de boulevard signée Jean-Pierre Pernaut, Piège @ Matignon (16 mars) . Coups de cœur. Tout le monde chante avec les Weepers Circus (24 mai) et Sing Sing avec la charismatique Huguette Dreikaus (15 février). ☛ www.lacastine.com

SAINT-DIÉ LA NEF Notre coup de cœur. What the body does not remember du géant Wim Wandekeybus (13 oct à l’Espace GeorgesSadoul). À ne pas manquer. Je crois que vous m’avez mal compris de Rodrigo Garcia, mis en scène par Christophe Greilsammer, présenté en avant-première pour l’ouverture de la Nef (11-13 oct) et le Voyage en Italie de Michel Didym (24-25 avril). Création. Schitz, d’Hanoch Levin, présenté par le KVS Bruxelles (10-11 jan). ☛ www.saint-die.eu

Nos coups de cœur. Oxmo Puccino (4 oct), Albin de la Simone (19 oct), Alex Beaupain (20 nov) et Têtes Raides (17 mai) pour la chanson. Chris Potter Underground (1er oct), Gonzalo Rubalcaba trio (22 nov) et Marc Ribot (27 mars) en jazz. Rachid Taha (14 déc) pour le rock (the casbah). Création. Zakouska (23-24 mai) et sa musique roumaine. ☛ www.ville-schiltigheim.fr

par Viktor Lazlo (24 jan). Et aussi. Luz Casal (12 avril). ☛ www.saint-die.eu

➜ SAINT-LOUIS LA COUPOLE Nos coups de cœur. Abd al Malik autour d’Albert Camus (26 oct), Des fleurs pour Algernon, un surprenant monologue avec Grégory Gadebois (18 jan), Semianyki, la famille (5 fév), Doute, nouvelle création de la Cie du Passage (5 avril). Incontournable. Antigone dans la production de la Comédie française (24 mai). ☛ www.lacoupole.fr

➜ SÉLÉSTAT LES TANZMATTEN La Semaine de l’humour. Ouverture avec le Grand tremplin de l’humour (16 nov), les spectacles de Jean-François Derec (20 nov), Claudia Tagbo (22 nov), Jonathan Lambert (23 nov)… Créations. 2Dans, pour découvrir le cirque avec la King Size Compagnie (10-12 oct), Colonel oiseau par le Théâtre du Vieux Rempart (7-14 nov) et Un fil à la patte de Georges Feydeau par la compagnie Viva la Commedia (31 jan). Coups de cœur. La douce FM Laeti (12 avril), un peu de Sea, Sax & Fun avec les Désaxés (26 jan), le guitariste Robben Ford (7 fév), Ana Popovitć (14 mars) pour le blues. ☛ www.tanzmatten.fr

➜ SAVERNE Espace Rohan Les temps forts. Les ateliers théâtre junior animés par la compagnie Avec ou sans fil (à partir du 2 oct) et le festival Mon mouton est un lion (14-29 mai). En ouverture. The perfect concert avec le duo de musiciens néerlandais Stenzel et Kivits (6-7 sept). Décalé. Dans le cadre du festival Décalages, Mademoiselle Maria K dans Médée de Sénéque, en solo, en intégrale (ou presque), théâtre clownesque par la compagnie Les Oreilles et la queue (21 jan). Et aussi. Des Souris et des hommes (10 avril) mis en scène par Jean-Philippe Evariste et Philippe Ivancic. ☛ www.espace-rohan.org

➜ SOULTZ-SOUSFORÊTS LA SALINE

➜ SCHILTIGHEIM SCHILTIGHEIM CULTURE

Alex Beaupain © Arnaud Lajeunie

What the Body Does Not Remember © Matthias Zölle

ESPACE GEORGESSADOUL Notre coup de cœur. Vous désirez ?, entre hip-hop et french cancan, par les compagnies C’Mouvoir & Des équilibres (21 fév). À ne pas manquer. Le destin de deux femmes : l’extravagante Peggy Guggenheim, femme face à son miroir de Stéphane Bataille (14 jan) & Billie Holiday 44

Poly 160 Septembre 13

Les temps forts. La traditionnelle Revue Scoute (à partir du 14 jan) et le Printemps du flamenco (15-17 avril).

Les temps forts. Chansons polyzyglotes, interprétées par le duo des Belettes (14 jan) dans le cadre du festival Décalages et le 12e festival Sur les sentiers du théâtre (17 oct-20 déc). Nos coups de cœur. Le spectacle décalé Beethoven ce manouche avec les Swing’hommes (18 oct), la comédie La Botte secrète de Dom Juan par l’AFAG Théâtre (31 jan), 4M4A par la compagnie Flash Marionnettes (22 mars). Les Ciné regards. Elefante Blanco de Pablo Trapero (10 oct), Le Passé d’Ashgar Farhadi (30 jan), The Lunchbox de Ritesh Batra (6 mai). ☛ www.la-saline.com

➜ STRASBOURG LA LAITERIE Nos coups de cœur. Orval Carlos Sibelius (lire chronique sur www.poly.fr, 8 nov) qui nous propulse dans les années 1960, Charles Bradley (5 nov) qui nous


plonge dans la soul de Stax, Gesaffel-stein (1 fév) qui nous balance des BPMs plein les oreilles… Temps fort. Le festival electro Ososphère : Miss Kittin, Laurent Garnier, etc. (21 sept, 27-28 sept, 19 oct, lire article page 36). Réservez vos places. Pour le festival des Artefacts (avril-mai) avec Etienne Daho ! ☛ www.artefact.org L’ESPACE CULTUREL DJANGO REINHARDT La création. Traverses (27-28 sept, lire brève page 9), mêlant musique, théâtre, danse, chant, etc. Notre coup de cœur. Le chanteur algérien Cheikh Sidi Bémol (5 déc). Et aussi. Fanfaraï (5 oct), Amsterdam Klezmer Band (14 nov), Trio Safar (29 nov). ☛ www.strasbourg.eu LE MAILLON Immanquable. Ville[s] en-jeu[x], à la

fois colloque, expos, conf’, rencontres et performances à consonances sud-africaines (10-25 oct). Création. Flesh / Trash où le Théâtre des Lucioles revisite les œuvres de Paul Morrissey dans le New York underground et trash des 70’s (13-15 nov). Spectacle coup de poing. Disgrâce, adaptation du roman post-apartheid de Coetzee par le jeune hongrois Kornél Mundruczó, découvert au festival Premières (20-23 fév). ☛ www.maillon.eu ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE STRASBOURG Nos coups de cœur. Le Sacre du printemps de Stravinski (24-25 oct), le War Requiem de Britten, un hymne à la paix (14-15 nov), l’extraordinaire corniste Radek Baborák (21-22 nov), la Symphonie n°2 “Résurrection” de Mahler à la Cathédrale (4-5 avril). Intégrale. Sonates et Partitas pour violon seul de Bach par l’exquise Isabelle Faust, artiste en résidence (24 mai). Culte. Une plongée dans le cabaret berli-

nois avec Max Raabe et le Palast Orchester (10 fév), dixième édition de la Symphonie des deux Rives (28 juin). ☛ www.philharmoniquestrasbourg.com PÔLE SUD Nouveauté. “Dance Trip”, projet germano-franco-suisse d’échange culturel produisant notamment le Ghost exercise (20-22 nov) de la chorégraphe israélienne Yasmeen Godder (co-réalisé avec Le Maillon). Engagés. La seconde étape du Chantier 2014-2018 de François Verret (16 mai) passant au crible le XXe siècle et le retour de Rachid Ouramdane avec POLICES ! (co-réalisé par Pôle Sud et Le Maillon), engagé et engageant. Jazz. Une première française alléchante du Ellery Eskelin New York Trio (11 oct) & le groupe d’Antoine Berjeaut, version mélancolique WasteLand agrémenté par la présence du célèbre slameur Mike Ladd (9 nov). ☛ www.pole-sud.fr

TAPS THÉÂTRE ACTUEL ET PUBLIC DE STRASBOURG

TAPS SCALA TAPS GARE-LAITERIE

www.taps.strasbourg.eu tél. 03 88 34 10 36

RAINER WERNER FASSBINDER PHILIPPE DORIN / KARIN SERRES LISE MARTIN / THOR HUNGWALD LAURENCE VIELLE / VOLTAIRE RODRIGO GARCIA / ANDRÉ WECKMANN STANISLAS COTTON / DANIIL HARMS SABRYNA PIERRE / JEAN COCTEAU JEAN RACINE / BENOÎT FOURCHARD PETERLICHT / LUCIE DEPAUW DOROTHÉE ZUMSTEIN / SIMON GRANGEAT CLÉMENCE WEILL / ADRIEN CORNAGGIA JON FOSSE / JOHN PATRICK SHANLEY TAHER NAJIB / TENNESSEE WILLIAMS CHRISTOPHE TOSTAIN / TORGNY LINDGREN

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Visuel Kathleen Rousset, graphisme Polo

LES AUTEURS DE LA SAISON 2013-14


TJP Ovni. Un spectacle sud-africain, Ouroboros, de la Handspring Puppet Company (29-30 nov), tiré de l’œuvre du poète américain Billy Collins. Come back. L’humour déjanté et les inventions poétiques et visuelles de Miet Warlop découvertes dans Springville l’an passé sont de nouveau au programme avec Mystery Magnet (24-25 janv). Création. 1 re Biennale internationale Corps-Objet-Image Les Giboulées (22-30 mars). ☛ www.tjp-strasbourg.com

de Racine, mis en scène par le directeur des Taps, Olivier Chapelet (11-16 fév). Le temps fort. Carte blanche aux artistes associés (3-6 juin), Blanche GiraudBeauregardt et Xavier Boulanger. ☛ www.taps.strasbourg.eu

tout sauf ordinaires de la vie d’un marinpêcheur, sa naissance mais aussi sa mort. ☛ www.centremalraux.com

➜ VENDENHEIM ESPACE CULTUREL DE VENDENHEIM Notre coup de cœur. Ambiance comédie musicale avec la danse hip-hop du Pockemon Crew (13 déc). Pour réviser ses classiques. Le décalé Roméo et Juliet de la compagnie Magnus Casalibus (8 nov). Le temps fort. Les Ephémères #2 (14-19 avril), festival qui accueille cette année une large sélection de petites formes. ☛ www.vendenheim.fr

➜ WISSEMBOURG Relais culturel

Je crois que vous m'avez mal compris

➜ THIONVILLE NORD-EST THÉÂTRE Ouroboros © Luke Younge

THÉÂTRE NATIONAL DE STRASBOURG Rendez-vous. Premières, le festival de jeunes metteurs en scène européens, revient à Strasbourg (5-8 juin, avec Le Maillon). Coups de cœur. Le Misanthrope de Jean-François Sivadier (11-21 mars) avec les excellents Nicolas Bouchaud et Norah Krief. Ovni. Le feuilleton théâtral de Mathieu Bauer, Une Faille – Saison 1 : Hautbas-fragile (4-12 avril) sur les décombre d’un immeuble effondré, avec un “chœur citoyen” constitué d’habitants de Strasbourg. ☛ www.tns.fr LES TAPS Notre coup de cœur. Je crois que vous m’avez mal compris de Rodrigo Garcia (19-22 nov), mis en scène par le strasbourgeois Christophe Greilsammer. Un spectacle interactif… Pour réviser ses classiques. Bérénice 46

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Création 1. Sophonisbe (16-17 oct) de Corneille par Brigitte Jaques-Wajeman : intrigues politiques en Afrique du Nord en pleine Rome Antique. Création 2. Les Morts qui touchent d’Alexandre Koutchevsky, mis en scène par Jean Boillot (14-20 nov). Deux morts s’y font écho, celle d’un Burkinabé tentant l’exil dans un train d’atterrissage et celle d’une grande voyageuse. Création 3. Le Faiseur de théâtre de Thomas Bernhard (5-9 fév) par Julia Vidit. ☛ www.nest-theatre.fr

➜ VANDŒUVRELÈS-NANCY CCAM Coup de cœur. Woyzeck ou l’Ébauche du vertige, pièce chorégraphique de Josef Nadj, autour du chef-d’œuvre de Büchner (8-9 oct). Création. Noctura de la Cie Virgule Flottante, échappée nocturne entre fiction et réalité (16 oct). Nordique. Matin et soir (28 janv-8 fév), texte de Jon Fosse contant deux journées

Les temps forts. Le Striptease, solo exécuté par Père Faura (16 jan) dans le cadre du festival Décalages, le Salon du livre jeunesse (5 et 6 av) et le Ramp’art Festif (du 28 au 30 juin). Les concerts. Bojan Z et Nils Wogram (10 nov) et le pianiste Chris Jarrett (29 nov). Nos coups de cœur. Le photo-concert sur la Première Guerre Mondiale avec Ozma (17 oct) en résidence de création, La Nostalgie de l’avenir, théâtre et vidéo de Myriam Saduis (6 fév) et le ballet de Peter Wright Giselle (26 avr). ☛ www.relais-culturelwissembourg.fr

➜ En ALSACE LES RÉGIONALES Les Régionales. Le dispositif au service du spectacle vivant initié par l’ACA fête cette année ses 25 ans avec une tournée particulièrement dense entre octobre et mai qui passera par près de 40 salles alsaciennes. Nos coups de cœur. 4M4A (quatre mythes quatre auteurs) de la compagnie Flash Marionnettes, une plongée dans les récits fondateurs de l’humanité, Bérénice de Racine mis en scène par Olivier Chapelet et les chansons énergiques des Contes défaits par Ernest. Nos coups de cœur jeune public. Quichotte de la compagnie Isabelle Starkier autour d’un personnage haut en couleurs et Flix, une fable antiraciste de la compagnie Les Anges Nus. ☛ www.culture-alsace.org


vent de fraîcheur Pour sa 53e édition, le Festival de musique de Besançon FrancheComté invite phalanges et solistes prestigieux pour un programme en forme de feu d’artifice qui culmine dans le célèbre Concours international de jeunes chefs d’orchestre. Par Hervé Lévy Photo de Marko Letonja © Pascal Bastien (gauche) et de Kazuki Yamada © Marco Borggreve (droite)

À Besançon et dans sa région, du 13 au 28 septembre 03 81 25 05 85 www.festival-besancon.com

D

ans l’univers de la musique classique, Besançon rime depuis 1951 avec fougue, puisqu’y est organisé tous les deux ans dans le cadre du festival le Concours international de jeunes chefs d’orchestre. Il a déjà révélé des baguettes aussi importantes que Seiji Ozawa (1959), Jesús López Cobos (1968) ou Lionel Bringuier (2005). Qui succèdera au lauréat 2011, le japonais Yuki Kakiuchi ? Sur la ligne de départ, ils étaient près de 300 (entre 15 et 35 ans). Après de sévères présélections au fil de l’année, les postulants ne sont plus que vingt. Ils seront départagés par un jury présidé par Gerd Albrecht et devront montrer leur talent en dirigeant notamment les musiciens de l’Orchestre national de Lorraine de Jacques Mercier (lauréat en 1972) dans des répertoires variés : opéra, oratorio, pages symphoniques romantiques… Avec les trois derniers candidats encore en lice, la finale se déroulera au Théâtre (samedi 21 septembre) pour un concert où les sonorités de Brahms et Stravinsky voisineront avec une création mondiale de Misato Michizugi, compositrice nippone en résidence au Festival dont les œuvres mêlent tradition occidentale et respirations orientales.

Le Festival, lui, met les orchestres à l’honneur avec la présence de phalanges comme le Brussels Philharmonic pour un concert commenté par Gerd Albrecht du “tube” qu’est La Moldau de Smetana (dimanche 15 septembre au Théâtre) ou les Berliner Symphoniker qui se produiront avec le violoncelliste star Gautier Capuçon (jeudi 26, à la Maison du Peuple de Belfort) qui fera étinceler de mille feux le Concerto de Dvořák, dernière de ses “œuvres américaines” où se découvre la profonde nostalgie qui habite un créateur alors séparé de sa patrie tchèque depuis trois ans. La soirée inaugurale permettra d’entendre, en plein air (aux Prés-de-Vaux, au pied de la célèbre citadelle, vendredi 13 septembre), l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et son directeur musical Marko Letonja dans un programme débutant par l’Ouverture de Rienzi, opéra de jeunesse de Wagner. À côté des pages bien connues que sont les deux suites de Peer Gynt de Grieg et l’Ouverture de La Force du destin de Rossini, nous découvrirons une partition d’Aram Khatchatourian (1903-1978), dont les compositions sont puissamment irriguées par le folklore arménien. Sa suite d’orchestre tirée de la musique de scène de Mascarade oscille entre virtuosité, nostalgie et humour. Poly 160 Septembre 13

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PIANO

les deux sœurs Artistiquement, elles sont deux sœurs jumelles nées sous le signe du piano : Katia et Marielle Labèque sont au Festspielhaus pour un programme aux accents contemporains et américains.

Par Hervé Lévy Photo d’Umberto Nicoletti

À Baden-Baden, au Festspielhaus, dimanche 29 septembre +49 7221 3013 101 www.festspielhaus.de www.labeque.com

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eux pianos se font face. Au clavier, deux silhouettes à la longue crinière brune. Les sœurs Labèque – deux ans de différence entre elles – entrent en scène et c’est un événement. Depuis leur Premier Prix du Conservatoire national supérieur de Musique de Paris obtenu en 1968 (tout un symbole pour ces iconoclastes), elles mènent, ensemble le plus souvent, une carrière exemplaire dynamitant, en habiles pétroleuses, bien des idées reçues et bouleversant les codes parfois rigides de l’univers classique, l’ouvrant aux vents bénéfiques des autres genres musicaux, en passant avec un immense naturel de Brahms aux rythmes de leur région natale, le

Pays Basque, de Messiaen – dont elles sont de redoutables interprètes – à Mendelssohn. Ce concert est un scintillant éclat de cette vision du monde, puisqu’il débute par Three Preludes aux influences clairement jazzistiques de George Gershwin, un compositeur qui est particulièrement cher au duo puisque c’est grâce à sa Rhapsody in Blue (originellement écrite pour deux pianos) qu’elles se firent connaître avec un enregistrement de 1980 qui explosa les ventes jusqu’à devenir Disque d’Or. Éclatent leur complémentarité, leurs différences qui s’additionnent pour créer un objet sonore fascinant né de la rencontre entre la retenue toute en intériorité frémissante de l’une et l’exubérance parfois dramatisée de l’autre. Suivra une œuvre emblématique pour les deux sœurs, les Four Movements for two Pianos de Philip Glass, étendard de leur album sans doute le plus excitant jusqu’à présent Minimaliste Dream House, coffret paru il y a quelques mois chez KML, label qu’elles ont créé à leurs initiales, aux faux airs de compagnie aérienne. Le disque trouve ses origines en 2011 lorsque les Labèque ont été conviées à fêter, au Kings Place Festival de Londres, le cinquantième anniversaire de la musique minimaliste, symboliquement né avec Mescaline Mix de Terry Riley. Le résultat ? Trois CDs décapants avec des œuvres des monstres sacrés du genre, nous entraînant des origines du courant (Vexations d’Erik Satie) à ses rejetons plus ou moins abâtardis du rock et de l’electro comme Radiohead ou Aphex Twin. La soirée se terminera avec le monument qu’est l’arrangement pour deux pianos et percussions (à la manœuvre, Raphael Seguinier et Gonzalo Grau) de West Side Story réalisé par Irwin Kostal… Plongée dans l’essence sonore d’un des plus beaux musicals de l’histoire, un classique de Broadway, mais surtout un des essentiels du XXe siècle.

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Direction Michel Didym

SAISoN 2013-2014 8 > 12 octobre 2013

25 > 28 février 2014

Ubu roi

P.I.G.S.

Alfred Jarry / Declan Donnellan

CréATion Didier Manuel

15 > 19 octobre 2013

21 > 30 mars 2014

Nancy Jazz Pulsations

Siegfried et L'anneau maudit richard Wagner

5 > 8 novembre 2013

Body Building La S.o.u.p.e. Compagnie 13 > 30 novembre 2013

L'Emprunt Edelweiss

opéra national de Lorraine 26 > 29 mars 2014

Le Roi Lear William Shakespeare / Christian Schiaretti

Hervé Blutsch 10 > 18 avrii 2014 19 > 23 novembre 2013

Festival RING

Chatte sur un toit brûlant

13 mai > 6 juin 2014

Tennessee Williams / Claudia Stavisky

Comparution immédiate

3 > 20 décembre 2013

Dominique Simonnot / Michel Didym

Savoir-Vivre pierre Desproges / Michel Didym

20 > 23 mai 2014

17 > 20 décembre 2013

Frédéric Sonntag

Résumons-nous Alexandre Vialatte / Charles Tordjman 7 > 18 janvier 2014

J'avais un beau ballon rouge 19 > 21 juin 2014 Fête de la Manufacture

Marché de la poésie

4 > 8 février 2014

Ylajali Jon Fosse / Gabriel Dufay TGp Frouard 18 > 21 février 2014

Mère Courage Bertolt Brecht / Jean Boillot Théâtre de la Manufacture 10 rue Baron Louis 54014 nancy cedex Location 03 83 37 42 42 www.theatre-manufacture.fr

un mec Et vin-tTout public 20h30

saison

Concert1 novembre //erdrive Jeudi 2 Kanche et I.OvFerré Marcel rprètent Léo val Jazzdor Trio intecadre du festi Dans le e

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Grimm s Goûte- zTout public dès//61a6nh re Théâtredi 18 décemb léphant Mercregnie Plume d’E Compa

Jean-paul Delore

Angela Dematté / Michel Didym

Jon Fosse / Christine Kœtzel

1 Théâtre 7 et vendredi héâtre Jeudi 1gnie Coup de Te Vilbert Compa Pierre-Etienn D’après d’outre

Sans doute

21 > 24 janvier 2014

Matin et Soir CréATion

e ) Monté Pièce(-sTout public 8 octobre // 20h30

Musique Action

12 > 15 juin 2014

28 janvier > 8 février 2014

nouche 20h30 jazz ma Concertdi 4 octobre // Vendre (s)

29 mai 2014

Thomas Bernhard / Joël Jouanneau

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George Kaplan

Le Naufragé

Miss Knife

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Abonnez-vous ! nous vous conseillons, Sur place au Théâtre ou chez vous ! 03 83 37 42 42

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VIOLON

seule avec bach À Luxembourg puis à Strasbourg, Isabelle Faust livrera sa version éminemment inspirée du monument « d’une beauté et d’une perfection calligraphiques » que sont les Sonates et Partitas pour violon seul de Jean-Sébastien Bach.

Par Hervé Lévy Photo de Felix Broede

À Luxembourg, à La Philharmonie, jeudi 3 octobre +352 26 32 26 32 www.philharmonie.lu

À Strasbourg, à la Cité de la musique et de la danse, samedi 24 mai 2014 03 69 06 37 06 www.philharmonique. strasbourg.eu

1 Outre ce programme, on pourra l’entendre à Strasbourg dans le Concerto de Beethoven (jeudi 24 et vendredi 25 octobre). Elle proposera ensuite un concert chambriste en trio (dimanche 9 mars 2014) et interprétera des œuvres de Bartók et Janáček (mercredi 21 et jeudi 22 mai 2014) 2 Deux disques parus chez Harmonia Mundi en 2010 et 2012 www.harmoniamundi.com

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our Isabelle Faust, les Sonates et Partitas pour violon seul (BWV 1001-1006) que Jean-Sébastien Bach écrivit en 1720 font figure d’alpha et d’oméga du répertoire dédié à son instrument. « Elles m’accompagnent depuis mes débuts musicaux et constituent un fondement quotidien indispensable pour aborder l’ensemble de la littérature violonistique. Leurs exigences techniques et spirituelles sont pour moi une condition préalable qui permet de jouer toutes les œuvres écrites ultérieurement pour cet instrument et rend légitime qu’on les aborde », explique la virtuose (en résidence à l’OPS cette année1) qui en a donné, il y a peu, une version discographique de référence2. Sur la pochette du premier CD, elle apparaît dans une tenue et une attitude évoquant un art martial extrême-oriental. Son interprétation donne un éclairage singulier à cette image : d’une profonde justesse, elle se coule avec élégance et finesse dans des partitions ardues faisant preuve d’une profonde intimité avec l’œuvre, la magnifiant et pénétrant au plus profond de ses arcanes sans y projeter son ego de manière inutilement ostentatoire.

Dès lors, sa définition du verbe “interpréter” ne nous surprend guère : « Ce qui m’intéresse est de connaître ce qui sous-tend une écriture. Il faut en savoir le plus possible, tenter de comprendre pourquoi, en son temps, telle pièce a choqué le public, par exemple. J’essaie donc de me documenter au maximum afin de pouvoir lire entre les lignes de la partition, tout en y injectant ma propre personnalité. C’est dans cette alchimie complexe que réside le secret d’une interprétation réussie. » Preuve en sera donnée sur scène grâce à la merveilleuse sonorité de son Stradivarius “La Belle au bois dormant” de 1704 – un des douze au monde encore pourvu de son manche d’origine – ainsi surnommé car il avait dormi près d’un siècle et demi dans le grenier d’une villa allemande avant qu’Isabelle Faust ne s’en empare : « Lorsque je l’ai essayé pour la première fois, la fascination a été immédiate, même s’il n’était évidemment pas “ouvert” tout de suite. J’ai du réveiller les notes petit à petit et cela a mis six ou sept ans pour qu’il sonne de manière lumineuse. »


te Tê www.ballet-de-lorraine.eU 3 rue Henri Bazin — 54000 Nancy Renseignements / Billetterie : 03 83 85 69 08

à

13/14

Direction Petter Jacobsson

T ê t e à

T ê t e s Graphisme : Les Graphiquants

N° Licences entrepreneur du spectacle : 1–1057128 / 2–1057129 / 3–1057130

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NOUVEAU CENTRE D’ART

tremplin dans l’eau Après avoir sauvé les sources de Wattwiller, François Schneider crée en 2005 sa propre fondation dédiée aux étudiants issus de milieux défavorisés. Aujourd’hui, il s’engage pour l’art contemporain et offre aux talents méconnus un espace d’exposition dédié à l’eau.

Par Laurie Wendenbaum Photos de la Fondation Francois Schneider

Ouverture le 11 septembre À Wattwiller, centre d’art contemporain François Schneider, rue de la Première Armée 03 89 82 10 10 www.fondationfrancois schneider.org

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F

ontaine ou sculpture, chacune fera ce qu’elle voudra dans un lieu, elles ne m’appartiennent plus. Elles vivent leur propre vie avec leur soleil, leur lune, leur pluie. » Selon l’artiste Pol Bury, « quand une fontaine est dans la nature, elle atteint son point final, son apogée. Elle respire, elle s’oxygène… » Comme les 17 sphères dans une sphère qui, installées dans le jardin du centre d’art contemporain François Schneider, répondent à la force du vent et scintillent sous les rayons du soleil. Juste à côté, l’une des Nanas voluptueuses en papier mâché de Niki de Saint-Phalle, Star Foutain, conforte la pensée du sculpteur belge, versant en cascades légères, l’eau des pichets qu’elle

«

tient dans chacune de ses mains. Issues de la collection privée de la Fondation François Schneider, les deux oeuvres occupent la partie extérieure du nouvel espace d’exposition installé au pied du Vieil Armand, à la lisière du parc des sources de Wattwiller. Pour renforcer son attachement au village, le centre a développé son identité autour du thème de l’eau. Un choix qui permet d’installer des œuvres de façon permanente et d’en intégrer dans la conception même du bâtiment : Le Mont d’ici de Sylvie de Meurville, constitué de résine en polyester, est imbriqué dans la façade vitrée qui donne accès au jardin. L’eau, qui circule entre les lignes façonnées à l’image de la montagne du Hartmannswillerkopf, arrive par des


remontées capillaires avant de se déverser aléatoirement dans un bassin inférieur – ou de se figer en stalagtites l’hiver.

Vers un avenir limpide

Construit sur le territoire des anciennes usines d’embouteillages datant de 1924, le centre ouvrira ses portes le 11 septembre, après six ans de travaux. L’architecte en charge du projet, Daniel Villotte, a relevé le défi de greffer une structure neuve, similaire aux vestiges des ateliers (un fronton en rotonde et deux colonnes de grés marquant l’entrée). « L’ambition était de garder la même volumétrie que le bâtiment de l’usine en conservant les fermes de la charpente », explique Marie Spratley, directrice du centre. « On retrouve donc les mêmes menuiseries au niveau des fenêtres, et une extension plus contemporaine », s’intégrant parfaitement aux anciennes bâtisses pour devenir le témoin de l’histoire du village. Une réalisation rendue possible « grâce à la dotation de François Schneider, qui a permis à la Fondation d’obtenir la reconnaissance d’utilité publique en 2005. » Ancré dans son passé, le centre se projette vers l’avenir avec l’objectif de devenir un tremplin pour l’art contemporain. Entrepreneur responsable et engagé auprès des jeunes, il offre aujourd’hui un espace d’exposition de 2000 m2 aux artistes « peu connus du grand public » qu’il soutien depuis 2011 à travers le concours international des Talents contemporains. Chaque année, sa Fondation attribue aux sept candidats élus par un jury d’experts des bourses de 20 000 à 30 000 €. Celles-ci sont entièrement subventionnées par les placements financiers (dont la majeure partie est investie dans l’immobilier) de la fondation qui permettent chaque année de réserver un budget de 300 000€ au concours, pour l’acquisition et la réalisation des œuvres primées. Dès l’ouverture, les sculptures, vidéos, photographies et peintures des premiers lauréats seront dévoilées au grand public et, installées jusqu’au 22 décembre, constitueront l’une des trois expositions temporaires réparties sur l’année. En janvier, l’espace se limitera aux œuvres d’un seul artiste. Puis, l’étage inférieur (dont les murs sont modulables) se métamorphosera pour accueillir une exposition thématique avant que la promotion 2012 des recrues de la fondation ne s’installe.

L’eau à tous les états

À l’intérieur, la prédominance du blanc et les immenses baies vitrées assurent un éclairage

naturel équilibrant l’artificiel dans un parfait dosage. L’escalier et l’ascenseur en verre permettent d’atteindre la mezzanine sans perdre la sensation de fluidité et transparence qui imprègne l’espace. Ainsi, les œuvres pourront vivre et évoluer au gré d’une lumière authentique, variant selon les humeurs célestes. Le Mur de Larmes d’Hélène Mugeot, dressé au bas du large escalier menant au sous-sol, joue encore de cet effet, laissant le soleil se refléter librement sur chaque pièce de verre accrochée à l’immense façade blanche. En poursuivant la visite à l’étage inférieur, on pénètre dans une pièce totalement noire : la porte refermée derrière nous, quelques minutes sont nécessaires pour s’accoutumer à l’obscurité et découvrir un banc de poissons flottant dans les airs. Dans la mise en scène d’Yves Chaudouët (Talent d’eau 2011) Les poissons des grandes profondeurs ont pied, deux-cent pièces en verre soufflé et étiré sont suspendues par des fils invisibles ou simplement posées au sol. À pas lents, on circule librement entre les anguilles, méduses luminescentes et autres espèces abyssales. Impressionné par la minutie du travail de l’artiste et le réalisme des pièces, le visiteur se laisse envahir par l’ivresse des profondeurs. Une fois remontés à la surface, Emilie Brout et Maxime Marion nous entraînent dans les archives du cinéma, nageant en Dérives dans les séquences célébrant l’eau qui règne dans le centre en parfaite déesse, invitant le visiteur à traverser toutes sortes d’émotions. Passant du liquide au solide, puis à l’état gazeux, elle s’impose sous tous ses formes. L’expérience est unique, profonde et variante. À vivre et revivre jusqu’à plus soif.

la fondation Créée en 2005, la Fondation François Schneider a pour première vocation de soutenir les jeunes défavorisés de l’Yonne et du Haut-Rhin (ses départements d’origine), en les aidant financièrement à accéder à l’enseignement supérieur. Chaque année, plus de 200 bourses d’études – comprises entre 500 et 10 000 € ­–­permettent à des étudiants de surmonter les barrières sociales et poursuivre leurs ambitions.

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CÉRAMIQUE

terre de feu Des années 1940 aux sixties, la céramique a tracé son chemin, participant au grand mouvement vers la modernité. À travers la collection exceptionnelle de deux passionnés, le Musée de la Faïence de Sarreguemines présente l’histoire de cet art du feu. Par Dorothée Lachmann Photos Louvre Victoire Agence

À Sarreguemines, au Musée de la Faïence, jusqu’au 3 novembre 03 87 98 93 50 www.sarreguemines-museum. com

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S

i d’aucuns hésitent à classer la céramique dans le domaine de l’art, lui attribuant plus souvent l’étiquette d’artisanat, la collection de Bénédicte et Jean-Jacques Wettel ne laisse aucun doute. La recherche perpétuelle, l’expérimentation autour des matières et des couleurs, l’intérêt passionné des peintres pour cette terre qui devient support, tout le foisonnement créatif l’ancre dans le monde des arts. Sur une trentaine d’années, l’exposition explore l’étonnant destin de cette argile capable de prendre son envol en cohabitant avec l’ancestrale tradition. Les années 1940, marquées du sceau de la guerre, oscillent entre volonté de modernité et valorisation du régionalisme. Les jeunes créateurs revisitent la poterie populaire : à travers le modelage, ils inventent leur propre langage, où les figurines ont une place centrale tandis que les parois des vases et des pots s’enrichissent de reliefs et d’incisions, se couvrent de couleurs. La collection Wettel n’omet aucun des grands noms de cette période : Madoura, Georges Jouve, Jean Derat, Jean Derval sont présents et le resteront dans les années qui suivent. À Vallauris, Suzanne Ramié travaille ardemment à épurer ses formes, en passant des émaux à base de plomb

à un émail stannifère composé d’étain. C’est dans son atelier que Picasso s’installe à la fin des années 1940, ouvrant la voie à des artistes de tous domaines, jusqu’aux musiciens, qui se prennent au jeu. Les céramistes-peintres Odette Gourju et Ljuba Naumovitch font ainsi sortir de leur four des vases et des plats peints dans la veine figurative d’un Matisse. Parallèlement, la décennie 1950 sera celle de l’audace et de l’expérimentation. Les sculptures deviennent asymétriques, organiques. Les formes s’épurent, des volumes nouveaux surgissent, prenant parfois une orientation architecturale. Après le règne l’utilitaire, voici celui de la pièce unique. Mais les années 1960 et leurs nouveaux modes de consommation vont rapidement y mettre un terme. C’est l’ère du grès, qui connaît un succès sans précédent. Pourtant les artistes qui privilégient la faïence résistent et s’approchent de plus en plus d’une forme d’abstraction, d’une construction géométrique. Capron ou Derval développent une réflexion sur la place de la céramique dans l’habitat et l’espace public, lui ouvrant une nouvelle visibilité. En trente ans, l’art du feu a opéré une mue fascinante, entrant de plainpied dans l’histoire de l’art moderne.


Copyright photo: Centre AudioVisuel des Dominicains de Haute-Alsace

Création du Centre AudioVisuel des Domininicains de Haute-Alsace Vincent Villuis, design musical Philippe Dolfus, concept Soum-Phone Singharat, création graphique 3D Laurence Streitz, comédienne Claude Frisoni, texte Stephen McCormack et Estelle Malané, traduction Classes du Conservatoire de Musique du Luxembourg

20.09.2013 21.00 21.09.2013 21.00 22.09.2013 20.00

(anglais) (français) (français)

AbbAyE DE NEuMüNStEr (Plein air) LuxEMbourg -gruND Entrée libre ( dans la limite des places disponibles )

www.ccrn.lu www.les-dominicains.com

Les Dominicains de Haute-Alsace et le Centre Culturel de Rencontre Abbaye de Neumünster présentent

(e)s MurMur l’éloquence des pierres 1050 ans d’histoire dans les yeux de Mélusine Une abbaye dans l’ère numérique : musique live, électro et créations numériques pour une mise en valeur du patrimoine et de son histoire grâce au mapping vidéo

Les Dominicains de Haute-Alsace, en partenariat avec le Centre Culturel de Rencontre Abbaye de Neumünster, le Luxembourg City Tourist Office, la Ville de Luxembourg et le Conservatoire de Musique du Luxembourg


un regard

Par Emmanuel Dosda Photo de Serge Hasenböhler

À Riehen, à la fondation Beyeler, jusqu’au 6 octobre +41 61 645 97 00 www.fondationbeyeler.ch

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kaputt de maurizio cattelan Maurizio Cattelan, artiste italien au visage cartoonesque, est l’auteur d’installations coups de poing (comme un “mini-Hitler” priant, agenouillé) mettant régulièrement en scène des animaux naturalisés : un écureuil suicidé affalé sur une table miniature en formica, une autruche faisant… l’autruche, etc. Star internationale de l’art contemporain aujourd’hui en retraite anticipée, il expose à Bâle une œuvre clin d’œil à l’histoire de l’art. Présente dans la statuaire ou les scènes de

batailles, de la Mosaïque d’Alexandre aux toiles de Delacroix, la figure chevaline est ici revisitée à la mode cattelane : Kaputt se compose de cinq versions de Untitled (2007), soit un quintet de chevaux dont la tête semble enfoncée dans la cimaise de la salle. Des trophées de chasse comme vus de derrière. De majestueux étalons arrêtés dans leur course, entre grandeur et décadence. Des animaux décapités. Horses with no name…


FESTIVAL COURTTOUJOURS nest-theatre.fr (0)3 82 82 14 92

+33

CDN de Thionville Lorraine direction Jean Boillot

Le Nord ESt Théâtre, CDN de Thionville-Lorraine, est subventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Lorraine, la Ville de Thionville et la Région Lorraine

19 › 22 sept 2013 Festival pluridisciplinaire de la forme brève théâtre, cirque, danse,

ciné-concert, conte, performances, cinéma...

à Thionville, Metz, Cattenom et Manderen


BIJOUX

paysages de pierres À Pforzheim, une double exposition nous entraîne au cœur du paysage : le Schmuckmuseum présente de merveilleux bijoux tandis que le Kunstverein propose une promenade dans l’art contemporain.

Par Raphaël Zimmerman Photo du pic à cheveux de Lluis Masriera (1902) par Rüdiger Flöter

À Pforzheim, au Schmuckmuseum et au Kunstverein im Reuchlinhaus, jusqu’au 13 octobre +49 7231 39 21 26 www.schmuckmuseumpforzheim.de

L

a bague fascine. Obsède. Il s’agit d’un camée romain représentant un joueur de lyre nonchalamment assis sur une pierre, au pied d’un arbre, un olivier très vraisemblablement. Elle illustre le rôle initial du paysage dans la joaillerie : être un simple cadre pour une scène de genre. Peu à peu cependant, il va passer du stade de décor à celui de sujet principal, le basculement se produisant au XVIIe siècle. Dans cette exposition, le visiteur découvre de surprenantes pièces

où les détails sont rendus avec une immense finesse : montres à gousset délicatement ornées, broche italienne en or et mosaïque de verre des années 1830 représentant une vue du Forum (illustrant l’importance croissante du tourisme dans les classes les plus aisées de la population), pic à cheveux Art nouveau où se déploient les nobles frondaisons d’un immense arbre et éclatent or, diamants et saphirs ou encore pièces contemporaines de métal brut inspirées du monde industriel. De la représentation concrète et décorative du paysage – par des créateurs comme René Lalique, Georges Fouquet ou Lluis Masriera – à son expression abstraite dans les années 1960, l’évolution des bijoux ressemble à un fascinant témoignage de la marche de l’histoire de l’art par le truchement de « l’or qui toujours serpente aux veines du Mexique » et des « diamants de l’Inde et les perles d’Afrique » chères à Alfred de Vigny dans La Bouteille à la mer. Pour compléter cette présentation joaillère, il convient de visiter une exposition collective d’art contemporain où voisinent installations, vidéos, sculptures et dessins. Éloignées de toute tentation romantique, ces œuvres sont des réflexions sur la notion même de paysage, de la falaise métaphorique de Gesine Grundmann aux Sculptures parfaites de Stephan Huber (“représentant” les cimes des montagnes enneigées helvètes ou tyroliennes – qui sait ? – dont la beauté s’impose en dehors de tout critère esthétique objectivable) en passant par le Terrain vague reconstitué par Reiner Maria Matysik… Nous voilà très loin de l’altière splendeur des bijoux avec cet ingrat bout de terre désolée et polluée posé au sol qui a la semblance d’une contemporaine vanité nous ramenant à la relativité de la place de l’or, de l’argent et des diamants dans les existences humaines. La boucle est bouclée… Memento mori.

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2013 SAISON 2014 CULTURELLE W W W.REL AIS - CULTUREL- HAGUENAU.COM

JUNE & LULA EN CONCERT MARDI 8 OCTOBRE

AVENIR RADIEUX MARDI 15 OCTOBRE

ALEXIS HK EN CONCERT MARDI 5 NOVEMBRE

ZÉRO, HISTOIRE D’UN NUL SAMEDI 9 NOVEMBRE À 17H À partir de 6 ans

PUSH UP MERCREDI 13 NOVEMBRE

VIOLONS BARBARES MARDI 26 NOVEMBRE

NE M’OUBLIE PAS MARDI 10 DÉCEMBRE

2013 www.tjp-strasbourg.com

2014

CARMEN MARIA VEGA MARDI 17 DÉCEMBRE

ZÈBRE À TROIS SAMEDI 21 DÉCEMBRE À 17H À partir de 6 ans

OH BOY ! SAMEDI 11 JANVIER À 17H À partir de 9 ans

VEGETABLE ORCHESTRA MERCREDI 15 JANVIER

LE RÊVE DE LA JOCONDE SAMEDI 18 JANVIER À 17H À partir de 3 ans

FLIX SAMEDI 25 JANVIER À 17H À partir de 6 ans

D’ARTAGNAN HORS LA LOI MERCREDI 29 & JEUDI 30 JANVIER

VICTORIA MARDI 4 FÉVRIER

UNE VIE SUR MESURE MARDI 11 FÉVRIER

OPERETTA VENDREDI 14 FÉVRIER

BÉRÉNICE

MARDI 11 MARS CRÉATION

SANS LES MAINS ET EN DANSEUSE MARDI 18 MARS

IL Y A QUELQU’UN DANS LE VENT SAMEDI 22 MARS À 17H À partir de 5 ans

ALTAN EN CONCERT MERCREDI 26 MARS QUINZAINE CULTURELLE AUTOUR DES CELTES

L’AVARE

UN TABLEAU DE FAMILLE EN CE DÉBUT DE 3ÈME MILLÉNAIRE

VENDREDI 28 MARS CRÉATION

DOUTE JEUDI 3 AVRIL

SALIF KEITA EN CONCERT MARDI 15 AVRIL

RENSEIGNEMENTS & RÉSERVATION 03 88 35 70 10 / reservation@tjp-strasbourg.com LICENCES 1/106 34 56 - 2/106 34 58 - 3/106 34 59

03 88 73 30 Représentations à 20h30 au Théâtre de Haguenau (sauf indications contraires) Renseignements et réservations : Relais culturel de Haguenau 11 rue Meyer (à côté du Théâtre)

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PEINTURE

la symphonie des couleurs Au Museum Frieder Burda, invitation est faite à plonger au cœur de La Splendeur des couleurs dans une rétrospective1 en 58 toiles et 22 aquarelles consacrée à Emil Nolde, figure de proue de l’expressionnisme allemand.

Par Hervé Lévy

À Baden-Baden, au Museum Frieder Burda, jusqu’au 13 octobre +49 72 21 398 980 www.museum-frieder-burda.de

1 Organisée en coopération avec la Fondation Nolde de Seebüll dont provient la quasi-totalité des œuvres exposées – www.nolde-stiftung.de 2 Paru en 1968, il est disponible chez Robert Laffont – www.laffont.fr

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É

trange destinée que celle d’Emil Nolde (1867-1956) qui servit de modèle au héros du très beau roman de Siegfried Lenz, La Leçon d’allemand2. Adulé par Goebbels qui collectionnait ses œuvres et se considérant profondément enraciné dans le terroir germanique – il s’appelait en réalité Hansen et choisit le nom de sa ville natale comme pseudonyme –, celui qui avait pris sa carte du NSDAP et multiplié les actes d’allégeance au nouveau régime (« Toute mon attitude est une déclaration d’amour à l’Allemagne, au peuple allemand et à ses idéaux » écrivit-il, par exemple, faisant suivre cette proclamation d’un « Heil » claquant au vent mauvais de l’Histoire) fut banni de la scène artistique jusqu’à devenir le plus représenté à l’exposition Entartete kunst (Art dégénéré) de Munich en 1937, avec 29 toiles. À une période où « les allumettes sont entrées au service de la critique d’art » (Siegfried Lenz), plus de mille de ses œuvres sont décrochées des musées allemands. En 1941, il n’aura même plus le droit de peindre… Il est vrai que ses compositions audacieuses, avec leur chromatisme violent, sont bien éloignées de la mièvrerie de l’art officiel et de l’académisme pompier qu’adore un Führer qui exècre Nolde dont la peinture est tout sauf national-socialiste. Malgré lui, il reste un solitaire, rétif à tout embrigadement

– même consenti – traçant sa propre voie, loin des groupes, même si, bien des années auparavant, en 1906 / 1907, il avait été un membre, certes très éphémère, de Die Brücke.

Aquarelles

Quelque soit le sujet – paysages, portraits, scènes bibliques, fleurs… – l’art de Nolde est comme irrigué par des torrents d’une couleur qui le fascine depuis l’enfance : le fils de paysan du Schleswig se sert ainsi de jus végétaux (baies de sureau ou betteraves rouges) pour dessiner avant que ses parents lui offrent ses premières gouaches. Toute sa vie, la couleur sera le flux vital parcourant ses toiles et leur donnant vie, des premiers essais qui ont la semblance d’un impressionnisme dramatisé à l’extrême à ses œuvres tardives, en passant par des aquarelles dont Manfred Reuther, commissaire de l’exposition, souligne la parfaite représentativité : « Les propriétés spécifiques des peintures à l’eau concordaient avec son désir de spontanéité et d’immédiateté. Il utilisait un pinceau gorgé de couleur, peignait avec des mouvements rapides et fluides, en essayant d’éliminer l’intervention de la raison et de suivre principalement son instinct. Les irrégularités du papier, les taches, les bavures participaient à la genèse de l’image. » Parmi elles,


Légendes de gauche à droite

les Ungemalte Bilder (Tableaux non peints ; plus de 1 300 au total) qu’il réalisa en cachette alors qu’il était “interdit d’exercice” forment peut-être la quintessence de son art : dans des efflorescences aqueuses se devinent – plutôt que s’expriment – des formes oniriques au service d’une vision émerveillée et tragique du monde.

Huiles

« Les couleurs sont des vibrations comme le timbre de clochettes d’argent et le son du bronze, annonçant le bonheur, la passion et l’amour, l’âme, le sang et la mort » écrivait Nolde. Habité par ce credo, le visiteur arpente l’exposition où s’alignent des toiles identiquement encadrées de bois sombre, écrin sobre pour des incandescences chromatiques d’une étonnante sauvagerie. Océans tourmentés d’un bleu noir profond, bouquets composés de fleurs d’un rouge sanglant, familles de Nouvelle-Guinée aux pagnes multicolores pleins de contrastes qui évoquent parfois les visions tahitiennes de Gauguin… C’est une partition extatique – parfois étonnement dissonante – qui est ici jouée : elle trouve son point culminant dans des tableaux religieux où le sentiment de sacré et la plus grande trivialité coexistent de manière crue. Voilà un drôle de paroissien « poussé par un désir

irrésistible de représenter la profonde spiritualité, la religion et son intériorité » qui en donne une expression renouvelée – tout comme Rouault, mais à son exact opposé dans la vision du christianisme – où affleure parfois les réminiscences d’un paganisme nordique primitif. Des lions déchiquètent les corps de martyrs ensanglantés dans l’arène barbare de la Rome antique, Adam et Ève sont représentés après la chute (et celle qui a croqué la pomme observe le visiteur, hébétée, ses grands yeux bleus exorbités alors que son compagnon lui jette un regard vaguement réprobateur), tandis que Joseph a l’air quelque peu goguenard face à une accorte créature incarnant la quintessence de l’esclave numide telle qu’elle est présentée dans les récits orientalistes du XIXe siècle.

Emil Nolde, Das Meer III, 1913 © Nolde Foundation Seebüll, 2013 Emil Nolde, Streitgespräch “Ungemalte Bilder„ 1938-1945 © Nolde Foundation Seebüll, 2013

Partout une palette vigoureuse règne et s’impose au regard, maîtresse de l’espace de la toile. « Une couleur, par sa présence à côté d’une autre détermine le rayonnement de cette dernière, de la même façon qu’en musique une note figurant dans un accord reçoit sa couleur sonore de la note voisine » résume Nolde, évidemment plus proche de Berg, Schönberg et Webern que de Bach, Mozart ou Beethoven.

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un regard

Par Emmanuel Dosda

À Besançon, au Frac FrancheComté, jusqu’au 15 septembre 03 81 87 87 00 www.frac-franche-comte.fr www.ryojiikeda.com

test pattern [nº4] de ryoji ikeda Sa musique, enchevêtrement de bips electro et de cliquetis soniques, a pour effet de déstabiliser l’auditeur dont Ryoji Ikeda bombarde les tympans de pixels sonores aiguisés. La vaste installation (12 mètres de long et 3 de large) du plasticien et musicien japonais, membre du collectif Dumb Type et collaborateur occasionnel d’Alva Noto (lire Poly n°135), plonge littéralement le public dans un environnement lumineux à l’effet stroboscopique. Ikeda a mis au point un programme informatique convertissant les sons émis en images géométriques

noir & blanc, projetées dans l’espace du Frac et défilant à très grande vitesse. Une intervention audiovisuelle rigoureuse et vertigineuse, mathématique et électronique, qui place le visiteur au centre d’un univers de codes-barres gigantesques, un peu comme s’il était scanné par une entité colossale. Une allégorie de l’ère mondialisée de Big brother et d’Edward Snowden, où la vie de chacun est stockée dans un disque dur et exploitable à l’envie ?

Installation de Ryoji Ikeda © James Ewing

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ART CONTEMPORAIN

monumental La nouvelle édition de Sélest’art, intitulée Sletto & Corso, confronte art contemporain et populaire en explorant la mémoire de la cité et la notion de monument.

Par Emmanuel Dosda

À Sélestat, partout en ville (Bibliothèque humaniste, Tanzmatten…), mais aussi au Château du Haut-Kœnigsbourg, du 21 septembre au 27 octobre www.selestat.fr

M

arc Bembekoff et Julien Fronsacq, les deux commissaires de cette vingtième biennale, se connaissent très bien : ayant partagé un bureau au Palais de Tokyo, ils ont l’habitude de « brainstormer ensemble ». Lorsqu’ils se rendent dans les hangars municipaux de Sélestat où sont stockés les chars du Corso fleuri1, « c’est le déclic », note Marc Bembekoff. Pour le duo, le Corso, déambulation annuelle de véhicules décorés de dahlias, sorte de « vestige de toutes ces pratiques » ancrées dans la culture régionale, est un « monument » (immatériel) sélestadien, au même titre que la Bibliothèque humaniste. « Un monument peut prendre la forme d’une procession », résume-t-il. Ainsi, lors du vernissage2 de Sélest’art une « parade inaugurale » mènera les œuvres exposées et leurs créateurs sur les chars du

Jeremy Deller, I love melancholy, 1995, Courtesy artiste et galerie Art Concept Paris

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Corso, sillonnant les rues de Sélestat. Pour le commissaire indépendant, « beaucoup d’artistes d’aujourd’hui, comme Jeremy Deller3, font des aller-retour incessants vers une histoire ancestrale, vernaculaire, populaire et parfois ésotérique. » Sletto4 & Corso nous propose un voyage temporel questionnant la ville et ses monuments qui changent de fonction selon les époques, montrant « comment la sédimentation historique modifie notre compréhension de ceux-ci ».

Les mystères de West

Le site éminemment touristique du HautKœnigsbourg, à proximité de Sélestat, accueillera le travail de Franz West, artiste viennois décédé l’an passé. « Édifié au XIIe siècle, le château est devenu un monument à la gloire de Guillaume II qui l’a reconstruit et inauguré à travers une sorte de parade médiévale. Sa


Sarah Derat, Tetris, 2009 © Sarah Derat

signification a évolué avec le temps : cette forteresse est devenue le symbole du Kaiser pour être aujourd’hui un emblème de Sélestat et de l’Alsace. » Y sont exposées des créations d’une « grande figure de la sculpture contemporaine », Lion d’Or à la Biennale de Venise en 2011. Au château, West expose des œuvres proches de ses célèbres Pass-stücke5, des espèces de masques tribaux, de ceux utilisés en Afrique pour des cérémonies. Des formes fantomatiques « qui rappellent la présence de la procession du début du XXe siècle. »

Monument aux morts

Des fantômes, toujours, avec Sarah Derat, jeune artiste française qui entretient un rapport physique à la matière et parle de choses difficiles – la mort, la mémoire… – au travers d’œuvres aux contours charmants. À la Tour des sorcières, elle expose Tétris, grand panneau “végétal” composé de fleurs en plastique… récupérées dans les poubelles des cimetières. « Est-ce que le monument ne serait pas également cette pratique qui consiste à aller une fois l’an, lors de la fête des morts, fleurir les tombes des personnes défuntes ? » se demande Marc Bembekoff. Il est également

Goldiechiari, Genealogy of Damnatio Memoriae 1965-1981, 2009, Courtesy Museion Bolzano

question de rituel avec Alessandro Piangiamore, intervenant dans la crypte de l’Église Saint-Georges. Le plasticien italien a récupéré des bougies – offrandes aux Saints – dans des lieux de culte romains et les a fait fondre pour édifier de grands blocs de cire ressemblant à d’immenses peintures abstraites, mystiques. Évoquons enfin le serpent en fer forgé (qui rappelle Adam et Ève) de Valentin Carron, ouvrage faisant écho à l’Art nouveau où se mêlaient sans complexes art et artisanat. Beaucoup de pièces exposées lors de la manifestation traitent du folklore (et ses traces) dans un univers mondialisé, elles relèvent d’un goût prononcé pour le geste, le corps à corps avec la matière. Marc Bembekoff : « Nous sommes entrés dans une phase où l’artiste supervise et sous-traite la production des œuvres qui lui échappe. Ce sont des entrepreneurs. En réaction à cette tendance, un certain nombre d’artistes renouent avec le savoir-faire. Ils se réapproprient des langages », des codes anciens pour les faire résonner avec notre période troublée.

Samedi 10 août, le traditionnel Corso fleuri a fêté sa 84e édition www.corso-selestat.fr

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Samedi 21 septembre

Des œuvres de cet artiste anglais qui travaille beaucoup sur la notion de culture populaire, sont exposées à Sélestat, au passage du Pavillon et au caveau de Sainte-Barbe

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4 Sélestat doit son nom au Sletto, ou Schlecht, un géant mythique, « sorte de golem local » ayant fondé la ville, anciennement nommée Schlettstadt. Il s’agit « d’une légende qui est un monument en soi », explique Marc Bembekoff 5 Sa série des Pass-stücke regroupe des œuvres en papier mâché qui, manipulées par le visiteur les utilisant comme une prothèse, sont comme autant d’extensions du corps

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un regard

Par Irina Schrag Exposition à l’Arsenal de Metz, du 27 septembre au 27 octobre, avec la seconde lauréate, Cerise Doucède www.arsenal-metz.fr Les monographies de Noémie Goudal et Cerise Doucède sont éditées chez Actes Sud (20 €) www.actes-sud.fr

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réservoir de noémie goudal Lauréate 2013 du Prix HSBC pour la photographie (avec Cerise Doucède), la londonienne Noémie Goudal met en scène des installations faites de matériaux industriels dans des lieux abandonnés, où transparaissent des traces humaines. Recréant une perspective avec une photographie imprimée en multiples carreaux, elle offre une fenêtre sur son imaginaire, vision d’un possible sublimé, d’une nature enchanteresse qui reprendrait ses droits. Flottent dans l’espace les mots de l’écrivain américain John Fante, dans

Demande à la poussière : « The sea was back there, in the reservoir of my memory » (La mer était là-bas, dans le réservoir de ma mémoire). Un recours chimérique au paysage, au dépassement d’une réalité en décrépitude, comme ces posters qui ornaient sur les murs de nos chambres, ici déplacés dans le monde des adultes où l’illusion devient plus qu’une échappatoire, un art de l’esquive et un amour des feintes. Un faux-semblant magnifique.



ART ABSTRAIT

vers l’invisible Souvent inconnus en Europe, ils sont pourtant des peintres majeurs de la scène artistique américaine du XXe siècle. À travers une centaine d’œuvres et de documents intimes, la Fondation Fernet-Branca éclaire d’un nouveau jour le parcours de sept maîtres de l’abstraction.

Par Dorothée Lachmann Photo de Mysterious Approach II, 1946, Hans Hofmann © The Renate, Hans & Maria Hofmann Trust

À Saint-Louis, à la Fondation Fernet-Branca, jusqu’au 22 septembre 03 89 69 10 77 www.fondationfernet-branca.org

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n 2009, le public découvrait ici l’œuvre de Charles Pollock (1902-1988), longtemps resté dans l’ombre de Jackson, son cadet. Devant l’engouement des visiteurs pour cet artiste méconnu, sa fille Francesca eut l’idée de mettre en lumière une série de peintres américains. Sous sa houlette, l’exposition Abstraction américaine réunit sept artistes dans des “monographies chronologiques” cheminant des influences extérieures à l’affirmation d’un langage propre. Qu’ils aient ou non appartenu au groupe des Expressionnistes abstraits ou au mouvement du Color Field, leur création témoigne de l’importance de ces influences. Pour eux, la porte s’entrouvre en 1913, avec la découverte, à l’Armory Show de New York, des courants modernistes qui voient le jour en Europe. Ils deviennent dès lors le ferment d’une expression picturale américaine en ébullition. Hans Hofmann (1880-1966), l’aîné de cette exposition, a voyagé en France, où il a rencontré Picasso et Matisse avant de devenir l’assistant de Delaunay. Leur influence est sensible dans les formes, les couleurs, la joie qui se dégage des tableaux. De toile en toile, le cheminement artistique se dessine, les figures perdant leur contour pour laisser peu à peu place à l’abstraction. Une évolution que vont connaître la plupart des artistes exposés. Les

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premières œuvres d’Adolph Gottlieb (19031974) portent ainsi l’empreinte du fauvisme et du cubisme, tandis que les dernières proposent une réflexion sur la gestion de l’espace, comme ce disque vert sur fond ocre qui, par le jeu des couleurs complémentaires, crée une illusion d’optique, brouillant la perception du fond et de la figure. Cette problématique est aussi présente chez Charles Pollock : dans une perpétuelle quête de profondeur, il ouvre l’espace de ses toiles colorées par une fente à travers laquelle le spectateur peut s’engouffrer pour imaginer ce qui se cache derrière. Chez Richard Pousette-Dart (19161992), l’influence des néo-impressionnistes européens marque le début du parcours, avant d’évoluer vers une interprétation du pointillisme où la figure mystique du cercle devient omniprésente. En travaillant en épaisseur, directement au tube, l’artiste donne une autre dimension à sa peinture, cherchant à la faire sortir de la toile. L’abstraction invite à un rapport nouveau au support. À l’instar de Sam Francis (1923-1994) qui tourne autour de sa toile au sol pendant plusieurs heures, réalisant en état de méditation son esquisse mentale. Robert Rauschenberg (1925-2008) est l’invité surprise qui clôt l’exposition de façon spectaculaire, avec son Art Car conçue en 1986 pour BMW. Le Pop art peut maintenant entrer en scène.



LIVRES

éclats de bibliothèques Pour cette nouvelle édition des Bibliothèques idéales, Strasbourg se métamorphose en capitale éphémère du livre. Sélection forcément subjective au cœur d’un programmation multiforme.

Par Hervé Lévy et Thomas Flagel

À Strasbourg, à L’Aubette, dans les Médiathèques et les librairies de la ville, du17 au 29 septembre www.bibliotheques-ideales. strasbourg.eu Crime virtuel et crime réel – Jeu vidéo et rapport à la réalité avec Laurent Schweizer, jeudi 19 septembre à 15h, à la Médiathèque André Malraux Zep, en terra incognita, mercredi 18 septembre à 17h à L’Aubette Rencontre avec le jury du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, mercredi 18 septembre à 19h à L’Aubette Richard Ford, mercredi 25 septembre à 20h à L’Aubette

No fear, no pity, no pain

Cyber-violence en cyber-littérature au menu de Solarsystem (Seuil), roman au style syncopé paru au printemps. Laurent Schweizer y développe une anticipation pas si lointaine de notre monde hyper connecté où les ramifications technologiques exploitées par la CIA et les grands magnats du divertissement font des ados les nouveaux Warriors, experts en jeux vidéo enrôlés comme tueurs totalement dénués d’émotion, robotisés à grand renfort de came et de lavage de cerveau en forme de déshumanisation ultra sophistiquée. La mort rôde partout, les drones sont dirigés par les gamers dont les réflexes de survie ont supplanté tout sentiment, toute notion de bien et de mal. Dans une économie de mots, le romancier suisse livre une vision possible du chaos civilisationnel qui nous guette, lorsque la frontière réalité / virtuel peine à se distinguer.

Zep version rock

Exit le Titeuf à la banane blonde (déjà une touche rock ?) et les incartades pédagosexuelles du Guide du zizi sexuel, Zep signe un one shot autour d’un groupe de rock. Une Histoire d’hommes (éditions Rue De Sèvres) offre un joli flash-back sur l’éclosion et le devenir de Sandro et ses amis, habile réflexion sur l’amitié, l’amour, le désir d’enfant ou encore la maturité. Outre un scénario bien ficelé, le 70

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lauréat du Grand Prix d’Angoulême 2004 étoffe sa palette picturale en composant un puzzle réaliste teinté de mélancolie où la gente féminine tient bonne place. Une nouvelle facette qui, on l’espère, aura une suite.

Genre

Le cinéma de genre en long, en large et surtout de travers : voilà le menu de la sixième édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg (13-22 septembre). Une application terrifiante envahit un smartphone (APP), un monstre se promène dans les entrailles d’un homme (Bad Milo !), une vampire sexy décide de métamorphoser son chéri consentant en créature de la nuit (Kiss of the Damned), une araignée géante met un bordel incroyable à L.A. (Big Ass Spider)… Voilà le pitch de quelques films en compétition.

Géant

Avec Richard Ford, Prix Pulitzer pour Independence Day, c’est un monument de la littérature nord-américaine qu’accueille Strasbourg à l’occasion de la parution de son dernier roman, Canada (L’Olivier). Great Falls, Montana, 1960. Un couple lambda braque une banque pour rembourser ses dettes. Échec. Leur fils de 15 ans fuit alors au Saskatchewan franchissant la frontière. Débute alors un somptueux roman d’apprentissage…


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vLADIMIR vELICkOvIC

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Ville de COlMAR

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L'ILLUSTRATEUR

Par Thomas Flagel Photo des Éditions 2024

Il se passe des choses, Tome 1 J’ai été changée en caoutchouc, Éditions 2024 (18 €) www.editions2024.com www.guillaumechauchat.com

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guillaume chauchat Diplômé des Arts déco de Strasbourg en 2009, Guillaume Chauchat n’en est pas à son coup d’essai. Prix Jeunes Talents du festival d’Angoulême 2010, il signe aux Éditions 2024 le premier tome d’une histoire à trois temps, Il se passe des choses, faisant la part belle à la délicatesse de son trait de plume à l’encre de chine. De courtes saynètes gorgées de poésie nous emmènent d’un bluesman sans le sou à un homme décidé à en finir. Ici, les crapauds rotent des nuages, les couples se chamaillent sur les bancs publics, les dessinateurs empruntent aux haïkus et la magie joue bien des tours. Âgé de sept ans, le personnage princi-

pal se voit confier le secret de la famille, qui se transmet de père en fils depuis 18 générations : la formule magique pour dupliquer un Louis d’or, chaque jour. Sauf que lui, n’y arrive pas. Pire, il transforme l’or… en caoutchouc ! Sa fugue n’est que la première conséquence du poids du destin familial pesant sur ses épaules de petit garçon. Mais son avenir regorge, à n’en pas douter, de surprises que l’imaginaire débordant de Guillaume Chauchat – dont les traits se doublent d’incroyables sculptures en fil de fer – laisse apparaître, dans une épure savoureusement géniale.


Espace Saint-Martin Exposition 2013 au 10 novembre du 14 septembre

Regards orientes Fragments de foret Sculptures de Martine Lutz - Christian Melaye - Adrien Exposition d’art naturel au fil des mots d’ Albert Strickler Du mercredi au dimanche de 14h à 18h Place d’Armes, Haguenau Entrée libre Infos : 03 88 90 29 39 musees-archives@haguenau.fr www.ville-haguenau.fr


PROMENADE

un ballon d’oxygène Le chemin qui mène le marcheur courageux sur le toit du massif vosgien est escarpé et exigeant, mais ses pentes charmantes recèlent de belles surprises. En route pour le Grand Ballon sous un soleil de plomb, histoire d’échapper à la touffeur de la plaine. 74

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Par Hervé Lévy Photos de Stéphane Louis pour Poly

Sur le parking, à côté de la Mairie, tous se préparent en silence dans l’aube laiteuse. La montée s’annonce ardue : nous attendent plus de 900 mètres de dénivelé jusqu’au point culminant de l’Alsace, le Grand Ballon (1 424 mètres d’altitude, il est aussi appelé Ballon de Guebwiller). Pas le temps de profiter des charmes de Rimbach-près-Guebwiller (à ne pas confondre avec Rimbach-près-Masevaux), rude village de quelque 230 âmes. Après être passés devant Le Chalet, établissement ayant le statut de MECS (Maison d’Enfants à Caractère Social) où des mineurs en difficulté sont placés, la pente commence à s’élever. En douceur. L’heure matinale permet d’évoluer dans une relative fraîcheur qui ne sera que temporaire, puisque les deux départements alsaciens ont été placés en “vigilance jaune”, ce qui correspond au Niveau 2 du Plan canicule. Mais comment faisait-on pour vivre en période de forte chaleur avant qu’un “État papa poule” ne crée toutes ces nomenclatures et expliquent au “citoyen enfant” comment se comporter ? En l’occurrence : « Rafraîchir son habitation, se rafraîchir, éviter de sortir… » Merde, nous faisons tout pile l’inverse. Sommes-nous des inconscients ? Des rebelles en mousse ? De mauvais Français ? Emplis par cette angoisse existentielle, nous quittons les zones habitées…

On dirait le Sudel Association fondée en 1887 pour garder la mémoire des soldats tombés au combat, grâce notamment à l’entretien des tombes et des monuments commémoratifs www.souvenir-francais.com 1

www.ferme-auberge-grandballon.fr 2

Après une légère grimpette, voilà le Refuge du Sudel, ancienne métairie reconvertie et récemment rénovée où il importe de boire quelques gorgées d’eau : « Se désaltérer » est une des recommandations essentielles du Plan canicule. On ne va pas complètement déconner, quand même. Nous sommes aux pieds

du Sudelkopf, un des champs de bataille vosgiens les moins connus de la Première Guerre mondiale, sans aucun doute éclipsé par la “gloire” du voisin Hartmannswillerkopf. Peu lisible sous la végétation, le terrain où périrent près de 500 soldats est troué d’abris, d’entonnoirs, de sapes et de tranchées dont on devine encore le lacis… Le ciel est d’un bleu azur et l’impression étrange. Comment imaginer que deux armées se brisèrent les os à cet endroit précis, il y a près de cent ans ? Nous arrivons à la charmante Chapelle : érigée en 1931 à la mémoire des soldats français, elle a été complètement rénovée en 2010 grâce à la section de Saint-Amarin du Souvenir Français1, association au très évocateur slogan : « À nous le Souvenir, à eux l’Immortalité. » Quelques mètres plus bas, une table accueille le randonneur fourbu qui plonge avec jubilation mains et visage dans l’onde glacée d’une providentielle source. Le bonheur serait absolu sans la proximité de la route qui mène des centaines de voitures et autant – au moins – de pétaradantes motos vers le sommet du Grand Ballon. Faire les malins avec la promotion de sources d’énergie dites propres est chose intéressante, mais il serait sans doute utile de réduire drastiquement le trafic dans les cols vosgiens, vecteur de pollutions multiples (sonore, visuelle, atmosphérique) et d’accidents en série. Des pistes ? Interdire les cols aux motos, imposer un péage dissuasif… Qui en aura le courage politique ?

Ce ballon vous rendra plus heureux

La marche se poursuit et nous quittons les frondaisons protectrices pour avancer à découvert sur les chaumes. Un vent bienfaiPoly 160 Septembre 13

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sant balaye les visages. Après une pause à la très agréable, mais trop courue, ferme auberge du Grand Ballon2 (accueil souriant & vue imprenable), à 1 100 mètres d’altitude, le sentier devient raide. On y croise des « vaches de montagne », espèce inventée sous l’emprise de la chaleur, et quelques chèvres plutôt accortes. Pique-nique réparateur et bouteille de Graves hypnotique : sieste à l’ombre d’un bosquet famélique avant de lancer le dernier assaut vers le sommet, via le monument Redslob (voir encadré) sans nous écarter des sentiers, ni ramasser de plantes, puisque nous sommes dans une zone naturelle protégée comme nous le rappellent des dizaines de panneaux, au libellé parfois poétique : « Ne cueillez pas les fleurs, il pousserait des pierres. » Face à nous trône l’imposant monument aux Diables bleus œuvre d’André Vermare. Un soldat de bronze posé sur une pyramide de granit regarde noblement l’horizon depuis 1927, rappelant les sacrifices des troupes alpines dans les Vosges entre 1914 et 1918. Quelques mètres plus loin se découvre la boule blanche surréaliste d’un radar servant à gérer le trafic aérien. Une sphère est posée sur un bâtiment-belvédère (accessible au public) œuvre de l’architecte natif de Rosheim Claude Vasconi (1940-2009) à qui l’on doit notamment La Filature de Mulhouse et l’Hôtel du département à Strasbourg. Avec son immense rampe d’accès minérale et ses formes dures, l’endroit évoque curieusement le mausolée d’un héros du peuple nordcoréen. Il n’empêche que la vue à 360° est à couper le souffle. Tout le massif vosgien se déploie devant nos yeux, tout comme la Forêt noire, mais le regard porte jusqu’aux Alpes dont la dentelure blanche est aisément lisible, du massif du Mont-Blanc, à la Jungfrau ou l’Eiger… Après avoir tutoyé les géants et les neiges éternelles, nous redescendons par un luna park qui ravit les petits (avec sa piste de luge d’été) mais navre les grands, gênés par des odeurs grasses de tarte flambée de bas étage. Bah… La nature nous enveloppe à nouveau et la descente est aussi raide que la montée ! Bien plus pénible cependant. S’impose une halte glougloutante au col de la Judenhut où coule une fontaine construite le 22 février 1895 par la section de Guebwiller du Club vosgien pour célébrer les noces d’or de son président, Jean Schlumberger, membre de la célèbre dynastie industrielle. Un détour par les denses fougères du Munsteraeckerle plus tard et déjà apparaissent les premières maisons de Rimbach. 76

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PROMENADE

le grand ballon Départ Rimbach-près-Guebwiller Temps estimé 6 h  Dénivelé 920 m

Munsteraeckerle Fontaine Schlumberger

Rimbach-prèsGuebwiller

Col de la Judenhut 973m

D

Grand Ballon 1424m

Ro u te

de rê sC

Ferme auberge du Ballon

te

NORD

s Chapelle du Sudel

amoureux fou des vosges Un profil austère. De ceux qui auraient pu orner une pièce de monnaie romaine. La plaque rendant hommage à Robert Redslob (18821962) est posée à quelques encablures du sommet du Grand Ballon. Éminent juriste – ses théories constitutionnelles inspirèrent la République de Weimar – il fut doyen de l’Université de Strasbourg entre 1945 et 1952, le seul à avoir occupé cette fonction dans une université française et allemande (à Rostock, pendant un an, avant 1918). Mais ce ne sont pas ces vertus qui sont ici honorées puisqu’il fut également président du Club vosgien entre 1935 et 1962 et qu’il écrivit, dans une langue fleurie et choisie, nombre d’ouvrages célébrant ses chères montagnes comme Sur les Sentiers des Vosges où il affirme, en 1936 : « Un lever de soleil au Ballon, c’est l’illumination d’une partie de l’Europe ». What else ?

Sudelkopf

une région, deux parcs Les Parcs naturels régionaux ont été institués pour préserver des portions de territoire possédant un équilibre fragile et un patrimoine naturel et culturel riche et menacé. L’Alsace en compte deux, le Parc naturel régional des Vosges du Nord (1 200 km2 de moyenne montagne gréseuse) et le Parc naturel régional des Ballons des Vosges. Fondé en 1989, ce dernier a une étendue de 3 000 km2 et se déploie sur trois régions (Alsace, Lorraine et Franche-Comté). Pour mieux le découvrir, trois espaces s’offrent à vous, proposant documentation et expositions temporaires : la Maison du Parc (Munster), le point d’accueil estival du Grand Ballon et l’Espace Nature Culture du Haut-du-Them-Château-Lambert (Haute Saône). www.parc-ballons-vosges.fr – www.parc-vosges-nord.fr

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GASTRONOMIE

la pêche miraculeuse « Une cuisine se renouvelant au fil des saisons où le poisson tient une place centrale », tel est le credo de Laurent Huguet qui officie au Relais de la Poste, établissement aux puissantes séductions situé à La Wantzenau.

Par Hervé Lévy Photo de Stéphane Louis pour Poly

Le Relais de la Poste se trouve 21 rue du Général de Gaulle à La Wantzenau. Restaurant fermé samedi midi et dimanche soir. Menus de 28 € (au déjeuner uniquement du lundi au vendredi) à 95 € 03 88 59 24 80 www.relais-poste.com

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F

ormé à l’exigeante école d’Émile Jung, « qui [lui] a tout appris », Laurent Huguet entre au Crocodile en 1987, après un court passage au Buerehiesel d’Antoine Westermann. Travailler avec le chef triplement étoilé pendant plus de vingt ans fut une véritable « école du goût » pour ce Rochelais, installé au piano du Relais de la Poste depuis février 2009. Très rapidement récompensé par une Étoile au Guide Michelin (2011), son art se déploie entre délicatesse et précision. Dans une charmante maison à colombages, au décor finement boisé offrant une des plus agréables terrasses de la région, ses menus – renouvelés de fond en comble six fois par an – font la part belle au poisson, star incontestée de la carte. Il « permet toutes les cuissons imaginables et se déguste aussi cru, autorisant toutes les inventivités », explique un chef à l’intense créativité qui a su ne pas se couper de la tradition (en témoigne un très beau Foie gras d’oie cuit au torchon, chutney de pommes épicées et abricots secs). Pour

avoir les meilleurs produits, il « travaille en direct avec des petits pêcheurs avec qui [il] entretien[t] des liens intenses ». Se dégustent ainsi un Bar de ligne cuit sur la peau, pomme amandine safranée et citron confit, émulsion crémeuse, une Dorade à la plancha, marinière de coques et céleri branche, beurre de tomates ou encore des Brochettes de langoustines, wok de légumes au gingembre, sauce balinaise… En dessert, à côté des classiques (la Tartelette yuzu-framboise vaut le déplacement), le Voyage autour des terroirs de cacao aromatiques que chaque convive compose à sa guise est devenu un classique en quelques années, faisant de multiples adeptes. Le principe ? Il est simple et original. Chacun reçoit un tableau composé de 16 cases : quatre textures possibles (crémeux, glace, moelleux, mousseux) et quatre grands crus de chocolat (Apurímac du Pérou, Arriba d’Équateur, Sur del Lago du Vénézuela et Sambirano de Madagascar). Ne reste plus qu’à choisir et cocher, puis explorer les notes de noisettes ou de fruits rouges, la douceur ou la puissance. Pour épuiser toutes les possibilités de cette fascinante expérience gustative, il faudra encore revenir 255 fois au relais de la Poste… C’est parti.


GASTRONOMIE

DISTINGUÉS

INVITÉS

Au cours de l’été, deux nouveaux restaurants se sont vus remettre officiellement la plaque Moselle Gourmande rejoignant un réseau – qui en compte désormais 43 – distinguant de belles tables lorraines. Il s’agit de L’Étable gourmande (Plaine-de-Walsch) tenue de mains de maîtres par Nathalie et Pierre-Eric Mutschler et de la Brasserie du Casino (Sarreguemines), la seconde maison de Stephan Schneider, chef de l’auberge Saint-Walfrid. www.moselle-tourisme.com

Pour la quatrième année consécutive, l’opération Tous au Restaurant est de retour. Son principe ? Il demeure inchangé et tient en une phrase : « Votre invité est notre invité ». Pour un menu spécialement créé pour l’occasion (qui, selon les cas, inclut les boissons ou pas), l’addition du deuxième convive (s’il prend le même menu, évidemment…) est offerte. De nombreux établissements y participent dans le Grand Est du 16 au 22 septembre. Ouverture des réservations sur le site, le 9 septembre.

FÊTÉS

Trois jours, du 20 au 22 septembre, et près de 5 000 événements dans tout l’Hexagone. Tel pourrait être le lapidaire résumé de la troisième édition de la Fête de la gastronomie dont le parrain est Thierry Marx. À cette occasion, des chefs de chaque région ont créé une recette accessible à tous. En Franche-Comté, le double étoilé d’Arbois, Jean-Paul Jeunet, propose des Strates de Comté, pomme granny et céleri racine, vinaigrette au Vin jaune épicée et noix fraîches.

www.tousaurestaurant.com

www.fete-gastronomie.fr

CHARMÉS

Miam… Voici venu le temps de la deuxième édition de la Semaine Terroir et Qualité, délicieux événement concocté par Alsace Qualité associé à la Fédération des Chefs de cuisine Restaurateurs d’Alsace. Du 23 au 29 septembre, plus de trente cuisiniers alsaciens mettront les petits plats dans les grands en plaçant les produits du coin à l’honneur grâce à des recettes inédites. Une belle occasion pour découvrir les mille et une saveurs de la gastronomie locale. www.alsace-qualite.com Mistkratzerle désossé avec sa farce fine aux pistaches et à l’écrasée de morilles, sauce crème © Image et Gastronomie

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DESIGN

grosse châtaigne Pour Alix Videlier, jeune jurassien aujourd’hui installé (à son compte) à Strasbourg, le design est avant tout une affaire de matériaux. Un exemple : le châtaignier, à la base de sa réflexion autour de mobiliers réalisés pour le concours organisé par le Parc naturel des Vosges du Nord.

Table et chaise de la gamme 220V en collaboration avec Malo Mangin

Par Emmanuel Dosda

www.alixvidelier.com

1

www.malomangin.eu

S’adresser à Alix Videlier ou à l’ébéniste Fabar (chaise : 220 €, banc : 300 €, table : 850 €) www.fabarmeubles.com 2

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«J

e m’intéresse au dessin depuis l’âge de douze ans où je passais mes dimanches à concevoir des modèles de voitures avec un copain. » Alix Videlier se tourne très naturellement vers des études de design, des projets de bagnoles ergonomiques plein la tête… Son master (obtenu à l’Université de Strasbourg) en poche, il devient indépendant, en 2012. Il y a un an, il y a un siècle. Alix se souvient de créations effectuées durant ses études, notamment « d’énormes fauteuils plissés très organiques, inspirés par Ron Arad qui travaille beaucoup la forme circulaire », mais voit vite les limites de sa démarche, « peu cohérente », le matériau arrivant en fin de parcours. Même s’il peut se vanter d’avoir un bon coup de crayon, le dessin n’est plus central : le bois, le métal ou le liège étant dorénavant le point de départ de

ses réalisations. L’an passé, avec son camarade Malo Mangin1, il participe au concours organisé par le Parc naturel des Vosges du Nord consistant à proposer du mobilier en châtaignier. Le duo remporte le prix du jury avec 220V (clin d’œil au coup de jus, le fait de se prendre « une châtaigne »), un ensemble banc / chaise / table réactualisant les meubles traditionnels alsaciens. « Au-delà de l’esthétique, nous nous sommes penchés sur leur mode de fabrication, sans colle, ni vis, uniquement avec des assemblages en bois. Ça a été le déclic, d’autant plus que le mono-matériau est recyclable et répond à des problématiques actuelles. Nous avons réinterprété toutes leurs caractéristiques et les avons mis au goût du jour. » 220V, avec ses quatre pieds galbés typiques, est une gamme fabriquée localement, avec l’aide d’un ébéniste de Barr spécialisé dans la chaise alsacienne.


La BAO (Bergère à oreilles)

Les éléments de jonction, teints en noir, sont rendus visibles pour attirer le regard sur cette technique ancienne. Le concours leur a permis de réaliser plusieurs séries de prototypes et de lancer la vente2.

Les objets ont des oreilles

À l’origine du fauteuil BAO il y a le liège. La Bergère à Oreilles d’Alix (libre à l’édition pour le moment) résulte de l’envie d’utiliser un matériau découvert par hasard, « en le manipulant dans un magasin ». Mettant en avant les qualités naturelles du liège, utilisé comme isolant phonique, il créé un siège cocon, relecture minimaliste de modèles du XVIIIe siècle. Une réalisation dans l’air du temps, comme le prouve la « gigantesque » EarChair de Jurgen Bey permettant également « de s’isoler, d’échapper au tumulte extérieur et au stress », auquel il songea durant son labeur sur la BAO. De celle-ci découle la LAO… La Lampe à Oreilles (libre à l’édition) offre l’option d’une diffusion directe ou indirecte. Se réappropriant le projecteur de cinéma, cette lampe équipée de panneaux métalliques

permet de jouer sur le flux lumineux. Simple, pratique… De futurs objets à oreilles, organe qui hante ses carnets de croquis, devraient voir le jour. En attendant, Alix Videlier planche sur de nombreux autres projets. Outre ses réponses à différents concours (pour Fly ou Cinna), il travaille notamment avec une société de la région pour une gamme de mobilier en feuille de métal. Une table, un banc et un tabouret, réalisés exclusivement avec des assemblages boulonnés, sans soudure, évoquant Jean Prouvé et se basant sur le savoir-faire et l’expertise de l’industriel. Le designer va régulièrement toquer à la porte d’entreprises alsaciennes ou jurassiennes afin de proposer ses services, son regard. Il se prend « quelques vestes », mais séduit beaucoup d’établissements qui voient l’opportunité de se dynamiser, de diversifier leur offre et de créer de nouveaux produits. Quant à ses dessins d’automobiles, ils traînent sûrement quelque part, au fond d’un tiroir…

Je m’intéresse au dessin depuis l’âge de douze ans où je passais mes dimanches à concevoir des modèles de voitures avec un copain

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LAST BUT NOT LEAST

la gale rappeuse helvète Par Emmanuel Dosda Photo de Delphine Schnydrig

Aux Trinitaires de Metz, vendredi 20 septembre, dans le cadre du festival Zikametz, du 12 au 21 septembre (avec We are enfant terrible, Hypnolove ou Still Corners) 03 54 62 20 86 www.zikamine.com www.lestrinitaires.com

Dernière grosse cuite façon Un singe en hiver. Ça ne regarde que moi… Nous en avons rasle-bol d’être associés à l’alcool, d’avoir cette image de dépravés : je préfère ne pas répondre à cette question. Les samples d’Un singe en hiver ? C’est un fil rouge qui donne de la chair au disque. J’adore le rapport entre Gabin et Belmondo et les dialogues du film. Dernier voyage au Liban. En septembre pour deux concerts avec le MC O.M.A.R.Z et le DJ d’origine jordanienne SotSura. Dernière fois que l’on vous a pris pour la fille de Béatrice Dalle. Ça ne m’est jamais arrivé, mais je prends cette question pour un compliment.

La Gale, album éponyme édité par Vitesse records www.vitesserecords.com

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Dernier passage devant la caméra depuis De l’encre, écrit par Hamé et Ekoué du groupe La Rumeur. Opération Libertad, réalisé par le genevois Nicolas Wadimoff, un ami. Le long métrage, sorte de faux documentaire, parle de deux militants qui, à la fin des années 1970 en Suisse, décident de prendre les armes et de mener des

actions contre le capitalisme. J’y incarne une punkette sur le fil du rasoir, prête à exploser. Dernière fois que vous vous êtes mise en « mode ultra-chieuse ». À peu près tous les jours… mais j’essaye d’éviter l’ulcère. Selon vous, qui est le dernier punk. Joe Strummer. Je respecte son parcours et ce qu’il a laissé derrière lui, notamment sa fondation permettant aux gamins qui n’ont pas trop de thune de faire de la musique. Je ne me cantonne pas à une seule discipline, j’aborde des projets divers comme des ateliers d’écriture avec des gamins… Dernière muselière qu’on a tenté de vous mettre. Bon, ok, parlons de l’alcool ! On a annulé un de nos concerts parce que nous faisons, soit-disant, son apologie. Ça choque tout le monde de voir une fille sur scène avec une bouteille de whisky, chantant Passe ton chemin, fais ta vie, sur les errances nocturnes. C’est d’une hypocrisie ! On ne t’attend pas au tournant de la même manière quand t’es un mec !



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