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Magazine Festivals Mon mouton est un lion, Nouvelles, Perspectives, Musique Action, Green Days, L’Humour des Notes, Les Musicales Musique Têtes Raides, Françoiz Breut, Frànçois and the Atlas Mountains Expositions James Ensor, Lee Bae, Robert Cahen
On se mai au vert !
BORUSSIA
BRÈVES
RESSUSCITERA
L’association Lebensraum-am Fluss – Kultopia e.V. et l’Institut français de SaxeAnhalt lancent un appel à candidature aux artistes français ! Le pitch ? Réinventer le monument Borussia, sis au cœur du parc Herrenkrug à Magdeburg, ancien symbole militaire dont il ne reste aujourd’hui que le socle. L’initiative vise à promouvoir l’amitié franco-allemande et la paix entre les peuples : deux des thèmes sur lesquels les créateurs sont invités à réfléchir. Les candidatures sont à envoyer avant le 7 mai. www.institutfrancais.de
OUVERTS
FRACASSÉ
MALGRÉ TOUT
Jusqu’au 18 mai, le Frac FrancheComté (à Besançon) accueille une programmation hors du commun. Entrée dans ses collections en 2009, Vasanthi & Vani Theaters est une installation vidéo mise en place par Benoît Laffiché, qui retrace dans une approche documentaire la démo- Benoît Laffiché, Vasanthi & Vani Theaters, 2008, Collection Frac Franche-Comté lition d’un cinéma en Inde. La projection est divisée en trois parties diffusées en simultané : l’artiste laisse au spectateur toute latitude pour appréhender la disparition du bâtiment à sa manière. www.frac-franche-comte.fr
VOYAGE AU BOUT
Les Ateliers Ouverts rempilent pour une 15e édition les week-ends des 17/18 et 25/26 mai. L’association Accélérateur de Particules propose aux curieux de découvrir un large panel d’artistes alsaciens aux univers multiples, allant de l’aquarelle à la performance, en passant par la photo et la sculpture. La liste est non exhaustive, à l’image de la créativité sans bornes de ses participants. À ne pas manquer : les vernissages festifs inauguraux au Bastion à Strasbourg ou au Motoco à Mulhouse, les 16 et 21 mai. Espérons que la diminution progressive des subventions n’empêche son édition 2015. Dans ce cadre, dimanche 18 mai, aura lieu le concert de l’immense Dean Wareham (Luna, Galaxie 500), dans un lieu mulhousien secret (sur réservation : contact@hiero.fr). www.ateliersouverts.net
DE L’ENFER Établir un parallèle entre l’imagerie destinée aux enfants de la Grande Guerre et des clichés actuels des zones de combat montagneuses de 14-18. C’est ce que propose l’exposition 14/18, l’enfant découpait des images, jusqu’au 11 novembre au Musée de l’Image à Épinal, dans le cadre du projet “La Vie Encore… 6 musées dans les Vosges”. L’expo met en connivence les dernières grandes séries de l’Imagerie Pellerin illustrant pour les petits la vie en guerre, avec les instantanés de Paola de Pietri, où le calme saisissant règne désormais sur ces anciennes lignes de front. Témoignage que la nature finit toujours par reprendre ses droits même après le pire. De quoi relativiser. www.museedelimage.fr Poly 167 Mai 14
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BRÈVES
BOÎTE
À RYTHMES
DERNIER SOUFFLE Les Strasbourgeois n’auront plus la chance de croiser Guy Bickel, alias Bix, au hasard d’une rue. Vraie gueule de rockeur, cheveux clairs tirés en arrière et lunettes noires vissées sur le nez, le trompettiste, membre éminent de Kat Onoma, nous a quitté à 66 ans, le 18 avril. RIP.
JOUETS
EN BATAILLE
Le rap mulhousien a le vent en poupe : depuis 2012, D-Bangerz enflamme les scènes de son flow acide et incisif. Les quatre MC’s et Broad Rush, leur producteur inspiré, ont concocté Boîte à Musique, un EP croustillant sorti en avril. Les textes sont affûtés, électrisés par un son teinté de dubstep qui fait mouche. On retrouve le groupe au festival NL Contest by Caisse d’épargne, à Strasbourg (du 23 au 25 mai, voir page 11) et lors du festival Jardin de Michel (à Bulligny (54), du 6 au 8 juin, avec Method Man & Redman, FFF…). www.dbangerz.com
Les amateurs des cultissimes Playmobil® vont se réjouir : le Musée du Jouet de Moirans-en-Montagne (Jura) accueille 2 500 figurines pour une exposition inédite, Playmobil®, 40 ans d’histoires. Une étonnante collection privée réunie et mise à disposition par deux passionnés. Ils sont tous là : cow-boys, chevaliers, pharaons, cosmonautes ou simples campeurs. L’occasion de découvrir l’histoire d’une marque qui continue d’enflammer l’imagination des petits et des grands. www.musee-du-jouet.com
DEMI-SIÈCLE
Raymond Waydelich (né en 1938) fête ses 50 ans de carrière. Souhaitons un bon anniversaire à ce créateur prolixe : céramiques, collages, tapis, assemblages d’objets hétéroclites, tableaux, installations, œufs d’autruche gravés… L’artiste alsacien, exposé à la Biennale de Venise en 1978, présentera notamment des œuvres autour de Lydia Jacob, couturière à la Barclays Bank (10 place Kléber, à Strasbourg) du 15 mai au 27 juin. www.galerie-christophe-fleurov.com – www.barclays.fr Poly 167 Mai 14
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PASSAGE À L’ACTE
ÉCRAN TOTAL
L’exposition Plein Écran sur Tomi Ungerer investit le Musée de La Cour d’Or – Metz Métropole jusqu’au 19 mai. Dans le cadre du Festival Littérature et Journalisme est proposée une immersion dans la vie et l’œuvre du dessinateur, via des projections. L’accent est mis sur la littérature enfantine, l’Europe et particulièrement les relations franco-allemandes, trois thèmes cruciaux dans la vie du Strasbourgeois. En prime, une visite théâtralisée permet aux enfants d’appréhender l’artiste en s’amusant. musee.metzmetropole.fr
www.lacoupole.fr
© Mirco Cosimo Magliocca
Dessin pour Le Nuage bleu
« Antigone n’est qu’une enfant aspirant à rester pure face à ses idéaux ». C’est ainsi que Marc Paquien perçoit l’héroïne mythique dans la pièce de Jean Anouilh qu’il met en scène cette année au théâtre de la Coupole de Saint-Louis. Magistralement servie par les comédiens de la troupe de la Comédie Française, l’approche sobre et inventive de Paquien s’accorde avec cette pièce intemporelle. À ne pas manquer, samedi 24 mai.
BRÈVES
DANS LE
RÉTRO “En mai, fais ce qu’il te plaît”. Coco Das Vegas et ses Pin-Up d’Alsace ont pris le dicton au pied de la lettre et lancent les 30 et 31 mai la première édition du Elsass Rock & Jive Festival. Un rendez-vous printanier pour tous les amoureux des fifties, qui se retrouveront le temps d’un week-end au Natala à Colmar. Au programme : concerts, effeuillage burlesque, apéro mix, stands vintage, voitures rétro et cours de rock. De quoi faire swinguer les beaux jours. www.pinupdalsace.com
DESSINE-MOI
UNE HISTOIRE
L’exposition À trois voix présente des illustratrices et leurs créations de livres à la Cour des Boecklin, à Bischheim, du 17 mai au 22 juin. Les dessins minimalistes sur fond blanc de Camille Nicolle, les grandes peintures colorées de Virginie Bergeret et les personnages hybrides à mi-chemin entre objet et humain de Céline Delabre (voir image) : trois manières d’envisager le récit. www.ville-bischheim.fr Poly 167 Mai 14
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LA FÊTE
WOUAH!
AU VILLAGE
La sixième édition du Festival OH!, organisé par le Collectif éponyme a lieu au café culturel l’Artichaut et au Hall des Chars (22 au 25 mai) à Strasbourg. L’occasion pour des musiciens venus de toute la France et au-delà de se rencontrer autour de la musique créative d’aujourd’hui. Comme un Phoque éventré, Yann Joussein nous plongera dans un chaos de sons et de cris rythmés, Jean Lucas nous coupera le souffle avec son trombone et Jozef Dumoulin manipulera son clavier avec ses mains magiques. www.collectifoh.com
Du 30 mai au 1er juin, toutes les générations sont attendues à la huitième édition du Festival Basse Zorn Live à l’hippodrome de Hoerdt. Ce rassemblement populaire est un lieu d’expression pour les talents de la région. Chanteurs novices, artisans et artistes de rue exposent leurs talents, trois jours durant. En prime, des têtes d’affiches prestigieuses : Patrick Bruel, Irma (photo) et Earth Wind & Fire feat. Al Mc Kay. Sans oublier Altesse Prune, le groupe strasbourgeois vainqueur du tremplin 2013. www.bassezornlive.com
VIDÉAU CHAPEAU ! Connu pour ses architectures éphémères, il a réalisé Le Consortium, centre d’art contemporain de Dijon et est l’auteur, avec Jean de Gastines, du Centre Pompidou-Metz. Ce majestueux chapiteau sur plan hexagonal traversé par trois galeries est devenu le symbole la ville grâce à sa toiture, savante structure composée de bois lamellé-collé, selon le modèle des chapeaux chinois. L’architecte japonais Shigeru Ban est le lauréat du prestigieux Pritzker Prize 2014 : comment dit-on bravo au Pays du soleil levant ? www.shigerubanarchitects.com www.pritzkerprize.com
Quel meilleur endroit que la Fondation François Schneider à Wattwiller pour exposer les œuvres de Fabrizio Plessi ? La démarche de l’artiste italien focalisée sur l’eau et ses mouvements y est sublimée jusqu’au 1er juin. Les œuvres présentées s’articulent autour d’une tension permanente entre l’élément naturel primitif et la technologie. Pionnier de la vidéoinstallation, Plessi est plébiscité dans le monde entier pour son travail multimédia et les forces de la nature qu’il met en scène. www.fondationfrancoisschneider.org
Il Flusso della memoria, Fabrizio Plessi © Norb
Jozef Dumoulin @ Julian Torres
BRÈVES
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BRÈVES
EN APESANTEUR Le théâtre de rue est à l’honneur les 24 et 25 mai à Meisenthal. Créé en 2007, le festival Demandez-nous la Lune ! atteint l’âge de raison cette année et célèbre son anniversaire en programmant de nombreuses représentations : Le Marchand de Voyage par la Compagnie La Chose Publique ou le Hamlet de la Compagnie Les Batteurs de Pavés. Dans une atmosphère détendue, le public s’évade en se promenant à la rencontre des artistes au cœur de la Halle Verrière et ses environs. Le week-end fait la part belle à l’enchantement, au partage, à la fantaisie… Et en plus, c’est gratuit. www.halle-verriere.fr
DEUSA CRIOULA Lura est une vraie déesse créole, née à Lisbonne et aux racines capverdiennes. Dans son chant se rencontrent les influences portugaises et africaines, ainsi que le jazz et la soul américaine. À la Salle du Cercle de Bischheim (vendredi 16 mai) la belle chanteuse (et danseuse) mène son public pour quelques heures vers cet archipel tropical.
STREET STYLE
www.salleducercle.villebischheim.fr
© C.Fleith
MAIN BASSE SUR LA VIGNE Faire la Route des Vins d’Alsace à la cool ? Se balader aux alentours du Haut-Koenigsbourg, à pied, à vélo ou en roller, entre Châtenois, Bergheim et Sélestat, dans un paysage de vignobles ? Rendez-vous dimanche 1er juin pour la seconde édition du slowUp, journée sportive et gourmande durant laquelle les participants parcourent 31 km, profitant des pauses pour déguster vins et spécialités locales. Dress code : white, clin d’œil aux blancs d’Alsace. 3, 2, 1… trinquez !
Le NL Contest by Caisse d’Épargne, festival des cultures urbaines, revient du 23 au 25 mai au Skatepark de la Rotonde à Strasbourg. Cette année, la street culture s’exprimera pendant trois jours. Les riders pro et amateurs s’affronteront lors de compétitions internationales de roller, skate ou BMX. Autour du contest, l’effervescence : battle de breakdance, tournois de streetball, graff… Le tout en musique avec des concerts aux têtes d’affiches réjouissantes : DJ pFel (C2C), D-BangerZ ou encore les locaux Medicis et Vanshift. Pour se reposer de toutes ces émotions, rendez-vous au village des exposants où sera présente la Caisse d’Épargne, partenaire principal de la manifestation. www.nlcontest.com
www.slowup-alsace.fr
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sommaire
20 Interview de François Cochet à propos de son livre sur 14-18 22 Sylvain Tesson, nouvelles d’un grand voyageur 26 Le futur Pôle national des Arts du Cirque de Strasbourg
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30 Festival Nouvelles, danse et performance 35
Perspectives, festival franco-allemand des arts de la scène
36 Le festival Musique Action fête ses 30 ans 38 Swamp Club, fable minimaliste de Philippe Quesne 40 Green Days, festival “outdoor de proximité” à Montbéliard 42 Entretien avec Hélène Schwaller qui joue Marivaux au TNS 47
Sharif Andoura chante Al Atlal d’Oum Kalsoum
49 Les Enfants d’Atrée, trilogie mythologique du TAC.Théâtre
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51 May B, cultissime pièce de Maguy Marin 52 Interview : Frànçois and the Atlas Mountains 53 Les chansons à boire alternatives des Têtes Raides 58 Entrevoir, les vidéos de Robert Cahen au MAMCS 62
James Ensor au Kunstmuseum Basel
65 Nosographies dévoile les obsessions de Laure André 70 La peinture de Lee Bae à Fernet-Branca
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78 C’est Jour de fête avec la cuisine d’Agata Felluga 80 Le 1741, restaurant étoilé 82 Last but not least : Françoiz Breut
COUVERTURE Un spectacle d’ombres chinoises ? Clockwork – immortalisé par Emilio Rivera – de la compagnie Sisters (prix Jeunes talents Cirque Europe 2012) qui mêle la pratique du mât chinois, du fil souple ou encore de la roue allemande à la sauce danse urbaine aussi acrobatique qu’inventive. Leur show, présenté lors du festival franco-allemand des arts de la scène Perspectives (les 27 et 28 mai, lire page 35) et à Melting Pot (les 13 et 14 juin, lire page 26) marie les disciplines et les corps pour former un étrange être à six pattes et trois têtes dans des jeux optiques confondants.
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OURS / ILS FONT POLY
Emmanuel Dosda Il forge les mots, mixe les notes. Chic et choc, jamais toc. À Poly depuis une dizaine d’années, son domaine de prédilection est au croisement du krautrock et des rayures de Buren. emmanuel.dosda@poly.fr
Ours
Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert)
Thomas Flagel Théâtre des balkans, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs africains… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes depuis cinq ans dans Poly. thomas.flagel@poly.fr
Dorothée Lachmann Née dans le Val de Villé cher à Roger Siffer, mulhousienne d’adoption, elle écrit pour le plaisir des traits d’union et des points de suspension. Et puis aussi pour le frisson du rideau qui se lève, ensuite, quand s’éteint la lumière. dorothee.lachmann@poly.fr
Benoît Linder Cet habitué des scènes de théâtre et des plateaux de cinéma poursuit un travail d’auteur qui oscille entre temps suspendus et grands nulles parts modernes. www.benoit-linder-photographe.com
Photo de Geoffroy Krempp
www.poly.fr RÉDACTION / GRAPHISME redaction@poly.fr – 03 90 22 93 49 Responsable de la rédaction : Hervé Lévy / herve.levy@poly.fr
Stéphane Louis Son regard sur les choses est un de celui qui nous touche le plus et les images de celui qui s’est déjà vu consacrer un livre monographique (chez Arthénon) nous entraînent dans un étrange ailleurs. www.stephanelouis.com
Éric Meyer Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés (chaussures, avions…) s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain, mis en lumière par la gravure. http://ericaerodyne.blogspot.com
Rédacteurs Emmanuel Dosda / emmanuel.dosda@poly.fr Thomas Flagel / thomas.flagel@poly.fr Dorothée Lachmann / dorothee.lachmann@poly.fr Philippine Brucher / Stagiaire de la rédaction Ont participé à ce numéro Sarah Krein, Pierre Reichert, Irina Schrag, Daniel Vogel et Raphaël Zimmermann Graphiste Anaïs Guillon / anais.guillon@bkn.fr Maquette Blãs Alonso-Garcia en partenariat avec l'équipe de Poly © Poly 2014. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. ADMINISTRATION / publicité Directeur de la publication : Julien Schick / julien.schick@bkn.fr Administration, gestion, diffusion, abonnements : 03 90 22 93 38 Gwenaëlle Lecointe / gwenaelle.lecointe@bkn.fr
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ÉDITO
peur sur l’europe Par Hervé Lévy
Illustration signée Éric Meyer pour Poly
P
rochaines élections européennes, le 25 mai. Des records historiques d’abstention sont d’ores et déjà annoncés en France par les Cassandre du monde politique, les citoyens lambda ne se sentant guère concernés. Peut-on réellement leur jeter la pierre ? Dans la circonscription Est (Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, FrancheComté et Lorraine) où neuf sièges sont à pourvoir, une douzaine de candidats sont déjà positionnés. En 2009, il y en avait 19 dont Marie-Laurence Chanut (Parti humaniste) qui obtint… 82 voix. Pour certains, ce rendezvous s’apparente ainsi à une manière d’exister, parfois de manière sympathique. Pensons à Europe Démocratie Espéranto (représenté par Geneviève Martin) ou au Parti Fédéraliste Européen (avec Christian d’Andlau-Hombourg). À quand un parti des défenseurs du grand tétras, des cruciverbistes mécontents, des dingues de GTA V, des fans des Schtroumpfs noirs – Gnap Gnap – ou des collectionneurs de Dinky Toys ? Pour les autres, ceux qui vont vraisemblablement remporter (une partie de) la mise, impossible d’affirmer que leurs représentants génèrent une exaltation démesurée. Au Parti socialiste, Édouard Martin a été choisi : une
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gueule d’acteur de cinéma des années 1950 et une vraie gouaille, la figure emblématique de la lutte pour la survie de l’acier lorrain, à Florange, proclamait urbi et orbi qu’il ne serait jamais récupéré par un parti politique. Seuls les couillons ne changent pas d’avis… C’est le choix de la com’ puisque l’ex-CFDT qui aimantait les caméras a été préféré à Catherine Trautmann qui connaît pourtant son Parlement sur le bout des doigts… À l’UMP, en revanche, on a choisi une fille en enrôlant l’inénarrable Nadine Morano dont les Tweets sont devenus des légendes et dont les aphorismes illustrent La Défaite de la pensée du nouvel académicien Alain Finkielkraut. Petite mignardise, pour la route : « Me faire passer pour quelqu’un par exemple qui serait raciste, alors que j’ai des amis qui sont justement arabes, et dont ma meilleure amie qui est tchadienne, donc plus noire qu’une arabe, je trouve ça choquant » (C à vous sur France 5, 20 juin 2012). Avec tout cela, il est à craindre que Florian Philippot, vitrine très propre sur lui d’un FN ripoliné, rafle la mise. Et on nous dira évidemment que les électeurs sont des cons alors que les “grands partis” nous jouent Chronique d’une mort annoncée – R.I.P. Gabriel García Márquez – pour ces élections européennes. Bonjour tristesse.
LIVRES – BD – CD – DVD
QUART Comme un
p’tit
coquelicot Le lorrain Philippe Claudel aime décidément l’Est de la France. Après Tous les soleils tourné à Strasbourg, l’écrivain et cinéaste a réalisé Avant l’hiver dans sa région natale. Daniel Auteuil y forme un couple avec Kristin Scott-Thomas, oscillant sous les assauts de Richard Berry et Leïla Bekhti. Avec un art précis du suspens, Claudel instille ce doute des sentiments face au temps qui passe et la crainte d’avoir manqué sa vie. Un film de personnages porté avec brio par de sacrés bons acteurs, mélange de thriller et de drame conjugal un brin mélancolique dont la version DVD, tout juste disponible, est agrémentée d’une longue et éclairante interview du réalisateur. (D.V.) Avant l’hiver de Philippe Claudel (19,99 €) www.darkstar.fr
D’HEURE AMÉRICAIN
Qui l’eût cru ? Quand une historienne de l’art rencontre un ancien directeur de galerie ça donne… un groupe (Grand March), un bébé et un premier album résolument folk. Après deux EP, les strasbourgeois Hélène Braeuner et Fred Lichtenberger transforment l’essai avec One crowded hour, un disque bluesy ambitieux. La chanteuse emprunte sa voix voilée à Cat Power et Susan Vega, teintant d’une couleur chaude des textes souvent mélancoliques. Avec Joyce Carol Oates et Terrence Malick pour références, voici un folk intello qui ne perd rien de son côté sauvage. Mention spéciale pour Let There Be Light, ode à l’espoir qu’on se repasse en boucle. (P.B.) One crowded hour (10 €). Grand March sera en concert samedi 17 mai à la PopArtiserie à Strasbourg et dimanche 25 mai au Caméléon à Sélestat www.grandmarch.fr
LE COUCOU ET SA COURONNE 18
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Quand un zozio solitaire lâche la couronne de son arbre-royaume pour voir du pays, il voyage de forêts en forêts, rencontrant des congénères à couvre-chefs, l’excluant puisqu’il n’en a plus ! Fourmillant de détails, ce très joli petit conte moderne signé Élisa Géhin, ancienne des Arts déco strasbourgeois, convie les plus petits (dès 2 ans) à une réflexion sur la peur, la différence et la tolérance. Ne prenons pas nos chapeaux pour des couronnes car en dessous, nous sommes tous les mêmes piaffeurs ! (T.F.) Élisa Géhin, Il était plusieurs fois une forêt, Éditions Actes Sud – Une fois encore (4,95 €) www.actes-sud-junior.fr
LIVRES – BD – CD – DVD
DUR, DUR D’ÊTRE UN
ADULTE
Un vieux tambour, une luge en bois, un cheval à bascule, une voiture à pédales, une canne à pêche, un train électrique et ses mètres de voies ferrées, un trampoline… À la veille de la brocante, Marie envoie son compagnon à la recherche de vieilleries inutiles permettant de faire de la place au grenier et gagner un peu d’argent. Notre héros nostalgique plonge dans les cartons poussiéreux en même temps que dans ses souvenirs d’enfance, revivant tous ces merveilleux moments en compagnie de ses jouets. Des textes signés Davide Cali, des illus de Marie Dorléans (ex-Arts décoratifs de Strasbourg) doucement rétro, un format à l’italienne et de belles couleurs pastels pour un ouvrage sur l’impossibilité de se débarrasser du petit garçon (ou de la petite fille) qu’on a été. (E.D.) Vide-grenier, édité par Sarbacane (15,50 €) www.editions-sarbacane.com
LIP, LIP, LIP
HOURRA !
LA VIE EN ROSE « Tu sauras qu’il faut tourner la page quand tu entendras “pompompompompom”. Et maintenant commençons. » Voilà comment débute le livre / disque Marta des Bois, magnifique objet réalisé par une équipe de vieux schnocks qui, à l’heure du tout numérique, ont édité un ouvrage audiovisuel archaïque, renvoyant les plus de vingt ans aux 33 tours de leur enfance. Anne Royant, Claire Frossard (illustrations, ex-Arts déco strasbourgeois), Emmanuel Remy, Neil Ovey et Sylvain Dorange (musique) ont mis en images et en sons les (més)aventures de Marta, dans la forêt. « Ses premiers pas, ses premières rencontres, ses premières embûches », entres les arbres, les trompettes de la mort et les herbes folles. Un conte initiatique, servi par des thèmes accrocheurs aux accents tomwaitsiens, où l’on croise des personnages au caractère bien trempé : un écureuil peu prêteur, un hibou tailleur sur mesure et près de ses sous ou une sympathique petite araignée rose bonbon faisant écho à la couleur Malabar du vinyle. (E.D.) Marta des Bois, édité par Bubble Gomme (code de téléchargement inclus, 30 €). Disponible à Strasbourg à La Bouquinette, à Séries graphiques, à Quai des Brumes, au Troc’afé ou par correspondance : marta.des.bois@free.fr www.facebook.com/martareinedesbois
La lutte de 329 jours des ouvriers de l’usine Lip de Besançon en 1973 est entrée dans l’histoire : cette épopée, modèle d’autogestion (avec pour slogan « On fabrique, on vend, on se paie ! »), est narrée par Laurent Galandon (textes) et Damien Vidal (dessins) dans un virtuose roman graphique préfacé par Jean-Luc Mélenchon. Les événements se mêlent à la destinée de Solange, employée dans la manufacture horlogère. D’abord réticente au mouvement social, elle y prend part très rapidement, contribuant à cacher le trésor de guerre des travailleurs, un stock de 25 000 montres… mais son implication aura des répercussions sur sa vie personnelle. Le lecteur demeure songeur à la lecture de cet album de près de 180 pages, constatant qu’aujourd’hui ce ne sont pas les valeurs véhiculées par “Les Lip” qui ont gagné. (H.L.) Lip, des héros ordinaires est paru chez Dargaud (19,99 €) www.dargaud.com
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le siècle de 1914 Professeur d’Histoire contemporaine à l’Université de Lorraine, à Metz, François Cochet est un spécialiste de 14-18. Nous l’avons rencontré à l’occasion de la sortie de son ambitieuse synthèse La Grande Guerre, fin d’un monde, début d’un siècle qui se lit (presque) comme un roman.
Par Hervé Lévy
1
www.historial.org
Collectif de recherche international et de débat sur la guerre de 19141918 – www.crid1418.org 2
3 Des soldats âgés de 34 à 49 ans regroupés dans des régiments dont la vocation n’était pas de monter au feu. Ils étaient occupés à des tâches de terrassement, de garde…
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En France, le centenaire de la Première Guerre mondiale suscite une incroyable frénésie éditoriale : comment votre ouvrage se positionne-t-il dans ces “orages de papier” ? Des centaines d’ouvrages sont en effet parus depuis quelques mois : le plus souvent, il s’agit de “beaux livres” ou de recherches sur des aspects très particuliers de la Grande Guerre, des études, par exemple, sur le rôle de “catégories minoritaires” pendant le conflit. J’ai souhaité proposer une synthèse – qui a nécessité plus de deux ans de travail – couvrant toutes les dimensions du conflit, qu’elles soient géographiques (de la Somme à la Mésopotamie), sociales, militaires, économiques… Depuis le travail de John Keegan, il y a dix ans, il n’y en avait pas eu. Il était temps de remettre à plat l’ensemble des connaissances scientifiques à destination du grand public et de le faire sans parti-pris, puisque je n’appartiens à aucune
des deux chapelles de l’historiographie de la Grande Guerre. Quelles sont ces deux écoles ? Le débat qui a suscité de nombreuses polémiques peut se résumer dans l’opposition entre contrainte et consentement, deux thématiques à mon sens ineptes si on se contente de les opposer. La “tendance consentement” (fortement présente au sien de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne1 avec Annette Becker ou Stéphane Audoin-Rouzeau) considère que les soldats ont tenu dans les tranchées animés par un patriotisme pur et une soif de détruire l’adversaire sous-tendue par la certitude de se battre pour leurs descendants. L’autre école, celle de la contrainte (représentée par le CRID 14-182) prétend que les soldats se battaient uniquement parce qu’ils avaient peur de se faire fusiller par leurs supérieurs. Derrière ces deux visions de l’Histoire
histoire
se cachent des enjeux éditoriaux : j’essaie de mettre en lumière une réalité plus complexe… Battre en brèche les simplifications est une des caractéristiques majeures de votre ouvrage… Le rôle de l’historien est de lutter contre les simplifications et les fictions mémorielles pour tenter de rendre une époque intelligible. Affirmer, par exemple, que les Bretons ou les Vendéens ont été sacrifiés dans les tranchées est faux. Prétendre que le pourcentage de pertes des troupes coloniales est supérieur à celui des troupes métropolitaines ou que les femmes, à l’arrière, ont massivement remplacé les hommes dans les usines l’est tout autant. L’historien ressemble parfois à Don Quichotte se battant contre des moulins et il n’est pas sûr que les moulins ne gagnent pas à la fin… Pourquoi avez-vous sous-titré votre livre, Fin d’un monde, début d’un siècle ? La Guerre de 14-18 est la queue de comète du XIXe siècle, mettant fin à un système de régulation des relations internationales économiques, politiques et militaires hérité du Congrès de Vienne de 1815. Elle marque aussi le début d’un nouveau siècle imprégné, encore plus que les autres, par la guerre. Dans votre synthèse, vous associez “Histoire par le haut” et “Histoire par le bas”…
Les séparer n’a pas de sens, comme si la guerre des généraux et celle des troufions qui rampent dans la boue n’avaient aucun lien ! Après la Guerre, jusqu’à la fin des années 1930, on se concentrait sur l’Histoire des chefs, parlant de la Bataille de la Marne à travers la stratégie de Joffre. Dans les années 1970, ce fut l’excès inverse : on se focalisa sur l’Histoire des combattants, au ras de la tranchée. Il importe d’embrasser la “société militaire” dans son ensemble, chacun participant au conflit à son niveau et à sa manière. Le fameux poilu est-il une réalité de la guerre ou un archétype conçu a posteriori, au fur et à mesure des strates mémorielles ? Le poilu n’existe pas. Il y a autant de figures de soldats que de situations et de lieux. Reste que les combattants – ceux qui étaient directement au feu – ne furent pas les plus nombreux et que leur part, dans les effectifs globaux a connu une sévère baisse en quatre ans. À la fin de la guerre, il n’y a plus que 42 % de fantassins en raison de la montée en puissance des “armes techniques” (artillerie…). Le plus curieux est de constater que ceux qui tiennent les discours héroïsants les plus patriotiques – la doxa officielle dès 1918 – ne combattirent pas directement, comme les territoriaux3. En première ligne, les soldats ont compris que ceux d’en face enduraient la même chose qu’eux. Une certaine empathie et une estime réciproque se sont alors installées…
La Grande Guerre, fin d’un monde, début d’un siècle est paru chez Perrin (25 €) www.editions-perrin.com Idées reçues sur la première guerre mondiale est réédité au Cavalier bleu (19 €) www.lecavalierbleu.com
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LITTÉRATURE
les embruns du large De ses six mois passés dans une cabane isolée bordant les rives gelées du lac Baïkal, Sylvain Tesson avait livré une superbe introspection Dans les forêts de Sibérie1. Le grand voyageur publie en ce début d’année un recueil de nouvelles où le sort s’acharne toujours avec ironie.
au milieu de moujiks alcooliques enchaînant les breuvages ou d’amourettes tournant, aussi brusquement que fatalement, au vinaigre : morts abruptes (Les Amants), noces suivies de disparitions soudaines (Le Barrage), l’ennui poursuit les êtres, même une ancienne prostituée de Stirjivoïe installée dans une villa luxueuse de Saint-Rémy de Provence après un mariage de raison.
Par Thomas Flagel
S’abandonner à vivre, nouvelles publiées chez Gallimard (17,90 €) www.gallimard.fr
1 Publié chez Gallimard, lauréat du prix Médicis essai en 2011 2 Lire La Chevauchée des steppes : 3 000 kilomètres à cheval à travers l’Asie centrale, de Priscilla Telmon et Sylvain Tesson, Éditions Robert Laffont (2001) 3 Voir La Marche dans le ciel : 5 000 kilomètres à pied à travers l’Himalaya, d’Alexandre Poussin et Sylvain Tesson, Éditions Pocket (2006)
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V
isage émacié. Musculature nouée. Corps séché par le temps passé à la verticale, à défier les faces escarpées des monuments de Paris lorsqu’il n’est pas en vadrouille dans les hauteurs montagneuses du globe. Sylvain Tesson a le regard perçant de ceux sans cesse tournés vers le lointain, d’un bleu scintillant sous les vapeurs de vodka. Il est l’un de ces vagabonds nomades et sans attaches prenant la route vers un ailleurs sans cesse renouvelé. De ses périples à vélo dans le désert d’Islande, à cheval dans les steppes d’Asie1 ou encore à pied au travers de l’Himalaya2, l’aventurier a toujours ramené des carnets noircis d’histoires, d’impressions de plénitude solitaire face à l’immensité des éléments. Son nouveau recueil de nouvelles, S’abandonner à vivre, est de ces ersatz de tranches de vies aux quatre coins de la planète, dans lesquels tout exotisme se révèle plus proche qu’on ne le croit de considérations familières. En voyage, on s’emmène avec soi, essayant avec assiduité de se perdre
Avec un plaisir non feint, Sylvain Tesson cultive un art de la chute – au sens propre comme au figuré – charriant comme une ombre un grand éclat de rire. L’ironie du sort peuple ses histoires où les amants tombent du 2e étage de l’immeuble de leur maîtresse, se fracturant le calcanéum en se cachant d’un mari qui finira par leur porter les premiers soins et leur apprendre qu’ils souffrent de la “fracture des amoureux” (La Gouttière). Après la prise héroïque du sommet du Takkakor dans la fournaise du désert du Hoggar, deux cintrés d’escalade découvrent que d’autres les ont précédés et qu’ils auraient mieux fait de ne pas les retrouver (Les Pitons). Et lorsque l’écrivain se penche sur les Africains s’exilant en Europe pour trimer afin de nourrir 30 personnes au pays, persuadées que la France est un paradis sur terre, il décrit par le menu le système des passeurs algériens, réservant aux Nigérians un sort plus dur qu’une bête « qu’on mène dormir à l’ombre des acacias et qu’une lame égorge par surprise un beau jour, le sang bu par le sable chaud ». Au pays des infidèles qui l’emploient comme une ombre, on se fiche de ce sans papiers alors même qu’on vend aux touristes en mal d’aventures authentiques des voyages hors de prix pour son pays, celui des « princes du désert ». Chacun à sa manière fuit l’insupportable du monde. Il faut bien tenter de vivre.
ESSAI
les choses Sur l’objet surréaliste, ouvrage “amusavant” écrit à quatre mains par Emmanuel Guigon et Georges Sebbag est une réflexion érudite et ludique où se croisent boules de neige, mannequins, poèmes…
Par Hervé Lévy Photo de La Brèche n°8, nov. 1965
Sur l’objet surréaliste est paru aux Presses du réel (16 €) www.lespressesdureel.com
Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie (www.mbaa.besancon.fr) et Musée du Temps (www.mdt. besancon.fr)
1
Le Surréalisme et l’objet au Centre Pompidou (www.centrepompidou.fr) et Joseph Cornell et les surréalistes à New York au Musée des Beaux-Arts de Lyon (www.mba-lyon.fr)
2
3 Le Dictionnaire de l’objet surréaliste est paru chez Gallimard en novembre 2013 (39,90 €) www.gallimard.fr
L’
objet surréaliste hante Emmanuel Guigon, directeur des musées du centre de Besançon1 depuis de longues années : on lui doit l’exposition la plus complète sur le sujet, El Objeto surréalista (Valence, 1997) et il a collaboré aux récentes présentations parisienne et lyonnaise 2, rédigeant, à cette occasion, plusieurs articles du Dictionnaire 3. Il aime par ailleurs écrire des livres avec son ami le philosophe, écrivain et historien du surréalisme Georges Sebbag. Le propos de leur dernier ouvrage ? « Proposer quelque chose de profondément ludique en demeurant extrêmement sérieux et précis », pour l’ancien Conservateur en chef du Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg. À la croisée de la rigueur universitaire, d’un humour teinté de pataphysique et d’une réflexion sur le monde contemporain, Sur l’objet surréaliste est un objet artistico-philosophique non identifié. Dans un chapitre à vocation historique, Feuilleton de l’objet surréaliste (avec les grands jalons que sont les expositions de 1933 à la galerie Pierre Colle et de 1936 dans celle de Charles Ratton), le lecteur découvre la place fondatrice des choses (trouvées, créées…) dès
les premiers balbutiements du mouvement. Dix ans avant la classification tentée par Dalí, André Breton souhaite en effet « matérialiser des objets entrevus en rêve ». Ils sont « des cailloux, des signaux, des mots qui peuvent nous guider ou nous égarer » expliquent les auteurs. Des boules de neige qui évoquent la double vue de la voyante à la poupée de Bellmer, en passant par le “rêve-objet”, maquette reconstituant fidèlement un songe, la promenade dans ces « précipités de nos désirs » est pleine de digressions inspirées et de surprises comme la (re)découverte de Konrad Klapheck (né en 1935), qui peut être vu comme un descendant lointain des surréalistes. À une époque, les années 1950, où le tachisme était à la pointe de la modernité, il décida de prendre son exact contrepied, représentant avec minutie des objets du quotidien, machines à écrire, bicyclettes, téléphones, robinets, fers à repasser… Nous sommes cependant loin de l’hyperréalisme : la banalité des choses s’instille perfidement dans la toile conférant à l’œuvre une tristesse presque humaine qui rappelle la pittura metafisica de Giorgio de Chirico et évoque des artistes comme Magritte dans la tension permanente entre les titres des œuvres et le motif peint. Poly 167 Mai 14
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LITTÉRATURE
en parallèle Lauréat du prix Imaginales 20091, l’auteur de fantasy Jean-Philippe Jaworski est de retour pour la 13e édition du festival des mondes imaginaires d’Épinal. Rencontre avec un voyageur spatio-temporel.
Par Dorothée Lachmann
À Épinal, à l’Espace Cours et dans la ville, du 22 au 25 mai 03 29 82 53 32 www.imaginales.fr
1 Pour son roman Gagner la guerre, Editions Les moutons électriques, 2009 – www.moutons-electriques.fr 2 Éditions Les moutons électriques, 2013
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Vos livres mêlent inspiration historique et récit d’aventures : les romans de cape et d’épée font-ils partie de vos références ? Dans mon enfance, j’ai lu tout le cycle romanesque des mousquetaires de Dumas. Mais mon imaginaire a été moins nourri par le roman que par l’Histoire : passionné par le XVIe siècle, je me suis plongé dans quantité d’ouvrages sur les guerres de religion. Nul besoin de lire du roman de cape et d’épée quand on connaît la vie rocambolesque de Gabriel de Montgommery, le panache sanglant de Jarnac et de Moncontour ou la mort splendide du connétable de Montmorency. Plus tard, des auteurs comme Tolkien m’ont appris qu’on pouvait croiser le mythe et l’épopée avec les conventions du roman moderne. Le drame shakespearien, par sa noirceur, sa complexité, l’entrelacement de la matière historique et du merveilleux, m’a également beaucoup marqué, de même que les nouvelles fantastiques de Borges. Vous avez créé un jeu de rôle se déroulant pendant les guerres de religion. Votre dernier roman, Même pas mort2, se passe à l’époque des Celtes : qu’estce que la fantasy apporte à l’Histoire ? Le raisonnement de l’historien est rationnel, étranger aux mentalités des cultures anciennes qu’il étudie. La fantasy, en incorporant une pente merveilleuse au récit, nous
rapproche des mentalités de ces sociétés, qui avaient plus tendance à expliquer leur propre histoire par le mythe et le rapport au sacré que par l’enquête critique sur les témoignages du passé. Quant à l’Histoire, elle apporte un immense matériau au récit de fantasy et contribue à son épaisseur et à sa vraisemblance. Pour mon cycle celtique, je m’appuie sur une documentation abondante, fondée sur les progrès récents de l’archéologie, de la linguistique et de l’Histoire des religions, pour essayer de reconstituer une société archaïque plausible. Mais je ne fais pas de l’Histoire : je la pille pour donner de la consistance au récit. La guerre est au centre de vos livres : y mettez-vous une dimension métaphorique ? La guerre m’intéresse parce qu’elle est un grand théâtre : elle précipite les drames, révèle les tempéraments, produit de la fiction précisément parce qu’elle est si insupportable qu’elle sécrète ses propres mystifications héroïques. Je l’utilise comme un révélateur. La guerre est l’exutoire catastrophique de nos tensions, de nos frustrations et de nos névroses identitaires ; c’est aussi le symbole des mutations brutales de nos sociétés. Mais si j’ai ces significations à l’esprit, elles ne fournissent ni mes sujets, ni mes horizons d’attente. La guerre, à mes yeux, est avant tout le terrain de jeu où évoluent mes personnages de papier.
CIRQUE À DEUX TÊTES
noces blanches Après de nombreux mois passés à peaufiner le projet et à surmonter les obstacles, Adan Sandoval (directeur de l’Espace Athic à Obernai) et Jean-Charles Herrmann (directeur des Migrateurs à Strasbourg) n’ont jamais été si proches de l’obtention du 13e label français de Pôle national des Arts du Cirque. Retour sur les péripéties d’une romance.
Par Thomas Flagel
Pôle national des Arts du Cirque, à Obernai (Espace Athic) et Strasbourg (Les Migrateurs) 03 88 95 68 19 www.espace-athic.com 09 50 88 09 50 www.lesmigrateurs.eu Festival Melting Pot, à Strasbourg, au Théâtre de Hautepierre, du 10 au 14 juin www.lesmigrateurs.eu
I
l y a trois ans déjà1, Jean-Charles Herrmann évoquait la future labellisation donnant à Strasbourg et sa région son premier Pôle national des Arts du Cirque. Peut-être ne se doutait-il pas que le chemin serait si long pour y parvenir. Il fallut en effet attendre décembre 2013 pour mettre d’accord les tutelles institutionnelles (Ministère de la Culture – Drac Alsace, Villes d’Obernai et de Strasbourg, Région Alsace et CG 67) afin de signer la convention de Préfiguration du Pôle associant Les Migrateurs et le Festival Pisteurs d’Étoiles. La future entité alsacienne qui se met sur pieds sera inspectée par le Ministère en fin d’année 2014 afin d’en valider les enjeux et d’en observer les contours, dernière étape avant promulgation du décret officialisant la labellisation.
Vue des chapiteaux de Pisteurs d'Étoiles à Obernai
Mariage de raison
Le « mariage de raison, né d’une opportunité commune dans laquelle chacun des partenaires risque de gagner beaucoup » comme l’estime Adan Sandoval, est donc sur les rails. Les bans ici publiés. Mais comme toute union tardive, il faut faire avec les anciennes idylles et les amourettes tumultueuses sur fond de nouveau cirque. Effacer les rancœurs, se souvenir des hauts et oublier les bas, raison garder et passion entretenir. Ce qui signifiait ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier en faisant un de ces EPCC2 à la mode. « La case “contrat de mariage” était nécessaire pour rassurer tout le monde, les tutelles en tête », rigole Jean-Charles Herrmann, avec l’assurance des vieux amants. Il faut dire qu’avant de voler de ses propres ailes en créant Les Migrateurs, il a batifolé du côté de l’Espace Athic d’Obernai, de 1995 à 2003, organisant le festival qui prit, en 2001, le nom de Pisteurs d’Étoiles. En 2003, il sera éconduit, son projet de sédentarisation d’un chapiteau ne parvenant alors à séduire. Il connaît donc bien les problématiques de son successeur, devenu son partenaire, Adan Sandoval qui résume assez bien l’ambition du couple : « Créer un laboratoire de management culturel 2.0 où chacun se prend en compte dans une dialectique consciente », afin « d’instiller et disséminer le virus du cirque contemporain dans toute la région » poursuit Jean-Charles. Pour la dot, chacun apporte au pot : aux Migrateurs l’expérience du cirque en salle, les résidences de création et les projets européens, à Pisteurs d’Étoiles le chapiteau et le cirque de rue, les bénévoles et l’implantation sur le territoire. L’un possède l’offre et les créations, l’autre la demande et le public. Au réseau eu-
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Oktobre © Daniel Michelou, programmé les 11 et 12 juin à Melting Pot
ropéen CircusNext des Migrateurs s’ajoute Autopistes (circuit de diffusion privilégié entre Barcelone, Montréal, Stockholm et Toulouse) côté Obernai. Le tout bénéficiant de Cirk’Est, dispositif d’accueil de tournées dans la région (Colmar, Sélestat, Kembs…).
Projets fléchés
Concrètement, le futur Pôle devrait tourner avec un budget d’un peu plus d’un million d’euros, les Villes d’Obernai et de Strasbourg mettant une part quasi égale à celle de la Drac. Mais nombreuses sont les subventions fléchées, dédiées à un usage bien spécifique : Les Migrateurs touchent 41 000 € de l’Union européenne pour CircusNext et Pisteurs d’Étoiles 65 000 € de la Région Alsace (dont la moitié pour un projet numérique) ou encore 40 000 € du Conseil général du Bas-Rhin… L’apport financier est important, mais pas si suffisant au regard des missions imparties. Ainsi Jean-Charles Herrmann s’inquiète-t-il d’un budget de fonctionnement oscillant entre 290 et 350 000 euros, rendant quasi impossible la montée en puissance de son équipe de trois permanents : « Il nous faudrait créer cinq nouveaux postes, là où nos moyens ne nous en permettent que deux, ce qui impactera forcément la qualité et le nombre de nos actions périphériques, notamment en direction des publics3. C’est pourtant le seul moyen d’ancrer durablement le cirque sur un territoire, de bouger les lignes avec les habitants et de participer à ce qu’on appelait
“la démocratisation culturelle” », regrette-til. En ligne de mire, un problème récurrent auquel devra s’atteler le nouvel adjoint à la culture de Strasbourg, Alain Fontanel. Les Migrateurs ne sont pas gestionnaires du Théâtre de Hautepierre qu’ils n’occupent que 165 jours par an. « Nous n’avons toujours pas de locaux décents, ceux du concierge qui nous étaient promis ont été détruits et le lieu même n’est toujours pas identifié visiblement comme étant celui occupé par Les Migrateurs et donc par la cirque », soupire-t-il. « De là à déployer un Pôle national… » Après avoir initié des programmations croisées et organisé le voyage de leurs publics l’un chez l’autre cette année, les deux structures accélèrent le rythme pour la saison prochaine afin de remplir les objectifs incombant aux Pôles nationaux des Arts du Cirque : une quinzaine de spectacles programmés par Les Migrateurs à Hautepierre (dont six venus de Finlande, pour moitié présentés à Obernai) et chez des structures partenaires en Alsace (Diffusion de spectacles), quatre résidences d’artistes et cinq créations (Soutien à la création), deux lauréats de CircusNext 2014 à l’affiche de Pisteurs d’Étoiles 2015 et un projet de parcours de spectacles baptisé “D’un bout à l’autre” reliant Pisteurs à Melting Pot. Si ce n’est pas un beau programme pour une lune de miel, ça y ressemble un peu…
Lire L’Envergure d’un projet dans Poly n°140 ou sur www.poly.fr
1
Établissement Public de Coopération Culturelle
2
3 Un volet où l’action des Migrateurs se retrouve « fragilisée puisque Le Maillon est engagé dans un bras de fer avec la Ville qui lui fait se retirer des Voix-Off », dispositif qui remplissait une belle partie de l’action avec les publics
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ANTIQUITÉ & BROCANTE
la place aux trésors Plus de 20 000 visiteurs, quelque 70 exposants : le Marché européen de la Brocante et de la Collection du Broglie, premier en France à obtenir un prestigieux label de qualité, connaît un beau succès reflétant le renouveau d’une profession.
Par Hervé Lévy Photos de Jean-Louis Hess
Les prochaines éditions du Marché européen de la Brocante et de la Collection du Broglie se dérouleront à Strasbourg, sur la place Broglie, samedis 17 mai et 7 juin (de 8 h à 18 h) www.brocantes-strasbourg.fr
1 Syndicat national du commerce de l’antiquité, de l’occasion et des galeries d’art – www.sncao-syndicat.com 2
www.gentlemen-designers.fr
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«
A
u début de la décennie 2000, le secteur de la brocante et de l’antiquité a connu un déclin relatif après un “âge d’or” qui avait débuté à la fin des années 1970. Il était impératif de réinventer la profession en raison notamment de la multiplication exponentielle des marchés au puces – qu’on trouve désormais dans chaque village – et de l’essor de sites accueillant des annonces de particuliers » explique CharlesGilbert Hangen. C’est pour cela que le président de l’Association des brocanteurs et fripiers non sédentaires de Strasbourg a décidé de créer le Marché européen de la Brocante et de la Collection du Broglie, en 2005. Son crédo ? Organiser cinq fois par an une manifestation rassemblant trois types d’exposants (brocanteurs généralistes, antiquaires et vendeurs d’objets design et vintage) venus de toute la France proposant des produits de qualité. Cette initiative a récemment été couronnée par l’obtention du label d’excellence “France-Europe Antiquité-Qualité” décerné par le SNCAO-GA1, une première en France et une manière de reconnaître « la qualité, la présentation soignée des objets, l’expertise
et la connaissance du patrimoine des exposants » et de garantir l’absence de copies et d’objets neufs. Chasse au trésor sur les stands des brocanteurs et pièces de qualité souvent muséale proposées par les antiquaires, mais aussi livres précieux, vêtements vintage et objets pop des années 1970 : voilà ce qui attend le chaland… Tous ces professionnels sont aussi de fins connaisseurs et des gardiens du patrimoine qui permettent sa circulation, de génération en génération. Il est possible de trouver de tout sur la place Broglie où les exposants « sont toujours attentifs aux nouvelles modes et tendances comme la customisation qui consiste à relooker des pièces anciennes pour leur donner un coup de jeune. Dans ce domaine, les Gentlemen Designers2, installés à Handschuheim, sont des spécialistes », affirme Charles-Gilbert Hangen fier d’avoir réussi à mettre sur pied une manifestation « exemplaire et de résonance européenne qui constitue également un beau vecteur de rayonnement pour Strasbourg ».
danses sauvages Pour sa 24e édition, le festival Nouvelles, dédié à la danse et à la performance, essaime dans divers lieux de la région avec une touche de mystère et une autre d’engagement.
Par Thomas Flagel
Festival Nouvelles, à Strasbourg, Sélestat, Bischwiller, Barr, Erstein et au Pays de Hanau, du 15 au 31 mai 03 88 39 23 40 www.pole-sud.fr
Lire L’Armée des sombres autour de Corpus Sanum, création précédente de l’artiste dans Poly n°157 ou sur www.poly.fr
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N
ouvelles est à l’aube d’une grande refonte. La directrice de Pôle Sud et programmatrice du festival Joëlle Smadja se lance dans un audacieux double événement pour 2015 : une partie des spectacles sera en salles au mois d’avril, l’autre appelée « Extrapôle se concentrera dans des endroits non-conventionnels, en extérieur, dans l’espace public » en mai. L’objectif est tout autant d’aller au devant de nouveaux publics que de s’étendre sur le territoire en multipliant les partenariats, notamment
avec la MAC de Bischwiller qui accueille déjà plusieurs spectacles cette année. Le présent festival monte en puissance, s’étendant pour la première fois sur plus de deux semaines avec des fidélités en gage de valeurs sûres : François Verret en résidence au long cours sur la mémoire à Pôle Sud pour son “Chantier 2014-2018”, Olga Mesa avec Francisco Ruiz de Infante (Carmen / Shakespeare) ou encore Radhouane El Meddeb (Nos Limites) vu plus tôt dans la saison aux côtés de Thomas Lebrun dans Sous leurs pieds, le paradis.
FESTIVAL
Love, etc.
Ce dernier revient, avec Trois décennies d’amour cerné sur les conséquences de l’éclosion du Sida avec un spectacle à la bande son hypnotique (Patti Smith…). Trois solos et un duo nous emmènent entre risques, doutes, peurs et solitudes depuis la découverte des ravages dans cette génération maudite, balayée par l’effroi suscité par la maladie infectant rapidement la moitié des homosexuels de San Francisco, jusqu’à l’écho de la souffrance et de la disparition des êtres se lovant dans la chair de la danse. Thomas Lebrun, luimême interprète du solo final, joue de corps noueux et de postures suggestives pleines de passion, de provocation et de cette liberté touchant au lâcher prise exhortant la peur de l’incertitude de l’avenir. Sans dramatiser à outrance, ses danseurs musculatures saillantes dans des éclairages spectraux, nous entrainent en eux. Le duo d’Anne-Emmanuelle Deroo et Raphaël Cottin rompt avec la triste solitude régnant dans le reste de la pièce. Leur corps à corps charnel et énergique, tout en verticalité, portés et équilibre mutuel est d’une sensualité sublime, contenant ce qu’il faut de douceur et de retenue. Une page d’amour angoissé mais non moins sublime où le désir triomphe. Le chorégraphe livre une version intime et pourtant universelle de l’évolution à jamais modifiée par le Sida de notre rapport à l’amour, à la sexualité et donc, à l’autre.
Corps sombres
Autre beau moment du festival, l’installation chorégraphique et déambulatoire – dont le lieu est tenu secret, rendez-vous est donné au public à Pôle Sud ou au Parc de l’Étoile pour prendre un bus à destination inconnue – de Michaël Cros intitulée Sauvages. Artiste associé au TJP depuis 2012, il interroge les frontières entre condition humaine et animale. Suite à un atelier préparatoire mené à la rentrée avec des amateurs, il en réunit douze, de 20 à 55 ans, pour travailler sur ce projet avec huit performeurs-danseurs qui investiront un territoire nocturne que le public est invité à explorer. S’il ne veut « pas trop en dévoiler », le chorégraphe et plasticien de la compagnie Méta-Carpe lâche tout de même qu’il y aura « une Base, sorte de lieu ressources où chacun trouvera quelques informations, plutôt énigmatiques, sur notre travail de création. Une mise en condition… minimale, pour ne pas dire minimaliste ! » Secret ce Michaël ? Soucieux surtout de préserver l’effet de surprise et le conditionnement
spécialement pensés pour l’occasion. Lui qui questionne depuis plusieurs années le sens de l’expérience collective et du groupe confronte ses auditoires aux frontières de l’humanité, à ce qu’il nomme « des corps sombres » : les zoos humains en 2010, les corps malades d’un étrange sanatorium (Corpus Sanum*, 2012) et, ici, les hommes sauvages. L’artiste est pour lui « un sémionaute » proposant des expériences dans lesquelles le public a un rôle à jouer, loin de toute passivité. En petits groupes, chacun pourra découvrir « des bribes de danse et de rituels nocturnes, une marionnette proche du golem manipulée par trois danseurs comme dans le bunraku japonais dans une recherche d’harmonie entre les corps vivants et l’objet ». Bien assez pour frissonner – d’avance – de plaisir.
Légendes À droite, Thomas Lebrun, Trois décennies d’amour cerné © Frédéric Iovino et à gauche, Diogo Pimentao © DR
À découvrir Présentation publique du festival, mardi 6 mai (19h) à Pôle Sud Trois décennies d’amour cerné de Thomas Lebrun, mardi 20 mai à Pôle Sud Sauvages de Michaël Cros, vendredi 23 et samedi 24 mai dans un lieu tenu secret (départ en bus de Pôle Sud à 22h ou du Parc de l’Étoile à 22h15)
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un tout petit monde Au cœur du programme enchanteur du festival jeune public Mon mouton est un lion scintille un bijou de délicatesse, un rêve visuel et sonore qui nous entraîne à l’origine du monde. Hymne à l’émerveillement, Piccoli sentimenti marie arts plastiques, musique et marionnettes.
de la vie », explique Alain Moreau, metteur en scène du Tof Théâtre. Associée pour cette création au plasticien italien et poète lunaire Antonio Catalano, la compagnie belge invite les spectateurs à explorer dans un univers miniature les “petits sentiments” qui donnent son titre à cette parenthèse de finesse et de sensibilité.
Par Dorothée Lachmann Photo de Melisa Stein
Festival Mon mouton est un lion, dans le pays de Saverne et en Moselle, du 14 au 29 mai www.mouton-lion.org À Saverne, au Château des Rohan, dimanche 18 mai (dès trois ans) www.espace-rohan.org À Vendenheim, à l’Espace Culturel, mercredi 21 mai www.vendenheim.fr À Bischheim, à la Salle du Cercle, mercredi 28 mai www.salleducercle.fr
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S
uspendue à un ciel de bambous, une lune en miche de pain se balance au-dessus de fragiles constructions de brindilles. Installé tout au bord de la scène recouverte de terre, de cailloux et de coquillages, le public, enveloppé dans un cocon de voiles, assiste au commencement des temps. Quand tout à coup, quelque chose s’agite sous terre. Une drôle de forme se met à ramper, deux yeux et deux oreilles jaillissent. Une marionnette non identifiée prend vie dans cet espace vierge. « Elle n’est qu’un ver, une larve. Puis l’univers qu’elle traverse participe à sa métamorphose. Chacune de ses découvertes musicales, visuelles, émotives la fait grandir et le public avec elle. Comme s’il s’agissait de sa propre vie. Qu’il parte à la découverte de ce qu’elle est et de ce qui l’entoure, sans calcul, sans autre finalité que celle de goûter et d’éprouver la beauté inattendue des toutes petites choses
Pas plus grand qu’une main, notre curieux personnage va se frotter à la vie, tantôt avec audace, tantôt avec crainte, et éprouver effroi, solitude, joie, tristesse, colère et désir. Sous le regard de la marionnette, tout se transforme : deux brindilles deviennent une guitare ou un portique de cirque. « Elle est un vecteur qui ouvre l’imaginaire sans jamais l’enfermer. C’est en empathie avec son espièglerie, sa tendresse, son humour, son goût du jeu que le spectacle s’est construit. » La poésie de ce tout petit monde doit beaucoup à la musique de Max Vandervorst, fidèle complice d’Alain Moreau et “luthier sauvage” qui invente ses instruments à partir d’objets du quotidien ou d’éléments naturels. « Composer pour une bouilloire ou une bicyclette suscite chez le musicien un imaginaire totalement différent de celui qui est contenu dans la formule symphonique ou dans un orchestre de rock », précise Max Vandervorst. Par son inventivité sonore, il accompagne les aventures du petit être, de plus en plus vivant au fil de ses expériences. Et si le grand mystère du monde se cachait dans les choses les plus minuscules ?
partie de campagne Rendez-vous insolite parmi le joyeux programme de L’Humour des Notes, Terre à Ch’val est un spectacle équestre où l’écologie et la solidarité tiennent la vedette. Dans ce potager déjanté, chacun rit, rêve et butine l’espoir. Par Dorothée Lachmann Photo de François-Xavier Greth
À Haguenau, sous chapiteau, du 24 mai au 1er juin 03 88 73 30 54 www.humour-des-notes.com
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eux citadins en goguette, Rita et Gino, sont en route pour les vacances, mais leur Mercedes tombe en rade en rase campagne. Un univers de science-fiction pour ces habitués du bitume et des gaz d’échappement. Ils se retrouvent dans le jardin de Sarah et Sacha, qui a gentiment tracté la voiture avec ses deux mulets. Son programme est pertur-
du rire sur toute la gamme La 23e édition de L’Humour des Notes réunit une trentaine de compagnies qui ont pour marque de fabrique d’associer la musique à d’autres disciplines comme le théâtre, le cirque, les arts plastiques… le tout avec légèreté. C’est le cas de Madame Raymonde, qui, malgré sa robe ajustée, ses talons hauts et son rouge à lèvres a bien du mal à être sexy. De son vrai nom Denis D’Arcangelo, la dame a pourtant une gouaille ravageuse et sait jouer d’un répertoire de chansons populaires pour mettre le public dans sa poche (24 mai). Au programme aussi, la leçon de musique d’Alain Bernard, qui revisite dans Piano Rigoletto toute l’histoire sonore, des hommes des cavernes à David Guetta, de Chopin à la chanson réaliste, du blues aux musiques de film (27 mai). Pour l’ambiance cabaret, on ne manquera pas le rendez-vous du Ministère Magouille, pour qui chansons décalées et tours de magie ne sont jamais incompatibles (30 mai). À Haguenau, au Théâtre et dans la ville, du 23 mai au 1er juin 03 88 73 30 54 – www.humour-des-notes.com
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bé, mais la manière de regarder le monde du couple ne va pas tarder à être bouleversée, car un drame se joue au milieu des fleurs et des légumes : les abeilles ont déserté. Sans elles, l’équilibre écologique est gravement menacé. Face à l’urgence, le choc des mondes va laisser place à une vraie solidarité. Tout en s’apprivoisant, les deux couples unissent leur énergie pour faire revenir les butineuses au potager. Projet commun des compagnies EquiNote et Sakapunta, Terre à Ch’val met en scène quatre comédiens-voltigeurs et leurs chevaux, sous un chapiteau traversé par un véritable jardin. Quand ils plantent le décor, ce n’est pas une simple expression ! Arrosoirs, filets à papillons et autres ustensiles sont autant de prétextes à jouer pour ces personnages frappadingues, en totale osmose avec leurs chevaux, qui guettent à l’horizon l’arrivée d’un essaim. La citadine Rita tombe même amoureuse d’une poule, ces choses-là ne se commandent pas. Quant à Sacha, il est prêt à révolutionner l’automobile pour pouvoir enfin respirer. Burlesque et poétique, le spectacle interroge rien moins que le sens de la vie, en s’arrêtant sur les plaisirs simples : croquer une carotte tout juste sortie de terre ou prendre le temps d’écouter une abeille, la regarder récolter son pollen, puis s’envoler.
FESTIVAL
sortir du cadre Le festival franco-allemand des arts de la scène Perspectives accueille des spectacles chorégraphico-circo-théâtraux entre Sarrebruck et Forbach. Autant de réinventions croisées des formes d’écritures scéniques.
Par Irina Schrag Photos de Clockwork © Einar KlingOdencrants (gauche) et Rayahzone © Dan Aucante (droite)
À Sarrebruck (Allemagne), à Forbach (au Carreau) et à Gravelotte (Musée de la Guerre de 1870 et de l’Annexion), du 22 mai au 1er juin +49 681 93 815 773 www.festival-perspectives.de 03 87 84 64 34 www.carreau-forbach.com
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Voir Poly n°165 ou sur www.poly.fr
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Voir Poly n°141 ou sur www.poly.fr
Également programmé au festival Melting Pot, les 13 et 14 juin au Théâtre de Hautepierre, voir page 26 3
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our sa trente-septième édition, Perspectives continue de bouger les lignes et de bouleverser les habitudes en composant une programmation racée, conviant les spectateurs de surprises en étonnements : pièce documentaire signée Rimini Protokoll mêlant intime et universel autour du handicap (Qualitätskontrolle, les 24 et 25 mai), réflexion existentielle sur fond de chant et musique soufis entourant des danseurs dont l’un n’a qu’une jambe (Rayahzone, les 26 et 27 mai).
Autour de ces deux propositions atypiques, c’est bien Aurélien Bory 1 qui sera sans conteste la figure de proue du festival. Deux de ses pièces font l’ouverture et la clôture. Il y confronte ses interprètes à des éléments improbables : un plateau s’inclinant par surprise dans Plan B (22 et 23 mai au Carreau) obligeant quatre types en costard à rivaliser d’inventivité pour défier les lois de la gravité et un gigantesque bras mécanique issu de l’industrie automobile pour compagnon de jeu dans un ballet robotique (Sans Objet, 31 mai et 1er juin), réinterprétation des Temps modernes et du rapport homme-machine à l’aune de l’intelligence artificielle. Le nouveau cirque
est dignement représenté avec de jeunes acrobates parmi lesquels la Compagnie Tête d’enfant. Composée de trois anciens membres des québécois Les 7 doigts de la main2 signant leur premier spectacle commun. Dans Me, myself and us (23 et 24 mai) ils incarnent un petit prince lunaire dans un corps d’adulte, un pierrot s’accrochant à son trapèze pour tutoyer les étoiles et un grand costaud à la féminité assumée. Trois solitudes qui se rencontrent et se dévoilent entre jongleries et pitreries à la technicité impeccable. La compagnie Sisters, prix Jeunes talents Cirque Europe 2012 avec Clockwork3 (27 et 28 mai), marie les disciplines et les corps pour former un étrange être à six pattes et trois têtes dans des jeux optiques confondants. S’y rajoutent une pratique du mât chinois, du fil souple ou encore de la roue allemande à la sauce danse urbaine aussi acrobatique qu’inventive. Enfin, ne manquez pas le collectif Appellation d’Origine Circassienne qui nous en donne Un Dernier pour la route (du 24 au 26 mai) en rêvant tout haut d’une société plus solidaire respectant l’individu et le vivre ensemble au-delà des postures langagières, à grands renforts d’acrobaties survoltées ! Poly 167 Mai 14
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FESTIVAL
action & vérité Musique Action, organisé par le CCAM de Vandœuvre-lès-Nancy, fête 30 ans d’explorations sonores. Au programme du festival, de l’underground égyptien, un brûlot politico-musical et autres discours sonores.
Par Emmanuel Dosda
À Vandœuvre-lès-Nancy, au Centre Culturel André Malraux et dans d’autres lieux, du 19 mai au 1er juin 03 83 56 15 00 www.centremalraux.com
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n ne va pas forcément mettre les petits plats dans les grands » à l’occasion de cette édition anniversaire, prévient Dominique Répécaud, directeur du festival. Dans la continuité artistique des années précédentes, Musique Action, qui propose un très fort pourcentage de créations originales, poursuit ses prospections dans le domaine des sons contemporains : « Certains projets relèvent du théâtre, d’autres de la musique improvisée issue du free jazz, de l’électronique, de l’électroacoustique… toutes les catégories musicales qui s’intéressent de près à l’expérimentation, sont représentées. » Rassemblant des artistes de dimension internationale et des musiciens émergents, parfois de la région, la manifestation se tourne sur son passé et convie des figures importantes. « Il ne s’agit pas forcément des superstars que nous avons invités comme Heiner Goebbels, John Zorn, Fred Frith ou Marc Ribot, mais de personnalités emblématiques qui ont marqué notre histoire : le chanteur anglais Phil Minton, le français Albert Marcœur, le pianiste anglais John Tilbury ou l’électroacousticien Michel Chion. D’immenses artistes qui témoignent, avec leur engagement et leur pertinence, de notre ligne. » Un fécond dialogue entre maîtres du passé et jeunes pousses (comme l’Ensemble Dedalus
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Egyptian Female Experimental Music
et le collectif Muzzix reprenant le génial Moondog). Une alternance de styles et de générations. Des rencontres surprenantes, avec un petit vent oriental grâce au groupe Egyptian Female Experimental Music, quatre jeunes égyptiennes qui prouvent qu’une scène underground – et féminine – existe au Caire. Pour Dominique Répécaud, « il est important d’accueillir cette formation afin de faire savoir au monde occidental que, malgré les difficultés politiques et sociales traversant le pays, il y a une vie extrêmement intense et une musique expérimentale qui s’y développe. » Armées de laptops, Asmaa, Jacqueline, Hagar et Ola manipulent les sons et organisent un Printemps arabe électronique en Lorraine. Autre projet ayant une forte résonnance politique, celui du Collectif Inouï avec un spectacle basé sur des textes de Naomi Klein ou d’Eric Hazan. Porté par le percussionniste Guigou Chenevier, accompagné de musiciens, poètes et plasticiens, L’art résiste au temps dénonce « les phénomènes inquiétants de l’évolution de la mondialisation ». Entre théâtre sonore et concert rock, cette « forme radicale » est mise au service « d’un discours antimondialisation, dynamique et revigorant… dont l’humour n’est pas absent. »
FESTIVAL
les sons de la guerre Sous l’intitulé Guerre et Paix, la 62e édition des Musicales de Colmar, festival dédié au répertoire chambriste, commémore le centenaire de 14-18 en onze concerts. Entre espérance et douleur, voilà une plongée dans une époque charnière. Par Hervé Lévy Photo de Adrien Hippolyte
À Colmar et aux alentours, au Théâtre municipal et dans divers lieux, du 4 au 11 mai 03 89 41 71 43 www.les-musicales.com
À voir au festival Mercredi 7 mai à 20h30 au Théâtre municipal de Colmar, programme Ravel / Boulanger / Magnard / Stravinski Jeudi 8 mai à 20h30 au Théâtre municipal de Colmar, programme Debussy, Fauré, Milhaud, Sinnhuber, Strauss Vendredi 9 mai à 17h au Théâtre municipal de Colmar, concert Durosoir / Debussy / Caplet Dimanche 11 mai à 15h en l’église Saints-Pierre-et-Paul d’Éguisheim, programme Bach / Elgar
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a Grande Guerre représente un tournant esthétique, une mutation sans pareille qui fait basculer “l’ancien monde” », explique le violoncelliste Marc Coppey, directeur artistique des Musicales depuis 2004. L’époque est marquée par un tourbillon sonore sans précédent où voisinent « post-romantisme, affirmation de “musiques nationales” inspirées des traditions et des folklores (de la Hongrie, de la Pologne…) ou encore radicalité de la modernité ». C’est cette diversité qu’explore le festival avec, pour fil directeur, la réaction des artistes face à l’inhumanité du conflit et leurs rêves d’un univers apaisé dont la devise serait « Plus jamais ça ». De manière symbolique, le concert de clôture (dimanche 11 mai) rassemble du reste le formidable message d’espoir de la cantate Ich habe genug de Bach et une page de 1918 d’Elgar, son Quintette avec piano. Le festival permettra de redécouvrir des compositeurs français aujourd’hui bien oubliés, marqués dans leur chair par 14-18 comme André Caplet (engagé volontaire et gazé au front, il en gardera de profondes séquelles) ou son compagnon de quatuor dans les tranchées,
Lucien Durosoir. Du premier sera donné le Conte fantastique inspiré du Masque de la Mort Rouge de Poe où la harpe se fait, une fois n’est pas coutume, dramatique. Il voisinera avec le très équilibré Quatuor n°2 “de Leipzig” du second (vendredi 9 mai). Autre compositeur demeuré dans l’ombre de Ravel, Debussy et consorts, Albéric Magnard meurt en 1914 en défendant son manoir de Baron (Oise), tirant sur les uhlans, après avoir déclaré, montrant son pistolet : « Ici il y a six balles. Cinq pour les Allemands, une pour moi. » Son Quintette pour piano et vents (mercredi 7 mai) sera programmé, tandis qu’un autre concert franco-allemand (œuvres de Debussy, Fauré, Milhaud, Strauss, jeudi 8 mai) reflétera l’absurdité de cette “Der des ders”. Au cours de cette soirée aura lieu la création mondiale – une tradition aux Musicales – du trio à cordes Qui-vive de Claire-Mélanie Sinnhuber, compositrice de quarante ans native de Strasbourg. Dans cette pièce pleine de vivacité parcourue d’une pulsation ininterrompue, l’ancienne pensionnaire de la Villa Médicis a souhaité « traiter les trois cordes – violon, alto et violoncelle – comme la diffraction d’une seule ». Une réflexion musicale sur la possibilité d’une paix, en somme. Poly 167 Mai 14
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THÉÂTRE
quesne le survivant Avec Swamp Club, le metteur en scène et scénographe Philippe Quesne nous embarque dans la vie d’un centre d’art menacé. Une fable minimaliste et contemplative dans une atmosphère de conte urbain doucement fantastique.
Par Irina Schrag Photos de Martin Argyroglo et Patientia, tableau de Brueghel
À Strasbourg, au MaillonWacken, mercredi 14 et jeudi 15 mai 03 88 27 61 81 www.maillon.eu À Mulhouse, à La Filature dans le cadre de Mai indiscipliné, mercredi 21 et jeudi 22 mai 03 89 36 28 29 www.lafilature.org
www.vivariumstudio.net
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our les dix ans de son Vivarium Studio, compagnie avec laquelle il reconstitue des mondes miniatures que le spectateur observe en anthropologue, Philippe Quesne créait Swamp Club en 2013, sur les ruines de fin du monde marécageuses du décor de sa dernière pièce, Big Bang. Le temps a passé, la nature repris ses droits. Les herbes hautes et plantes grasses ont poussé, les hérons migré au milieu de la brume ambiante. Une bande d’heureux cultureux y a élu domicile, loin du tumulte du monde, érigeant un centre d’art sur pilotis. Ses immenses baies vitrées renforcent un peu plus l’effet “aquarium” permettant de contempler à l’envi le quotidien banal des hurluberlus rêvassant en totale liberté au milieu de résidents venus des quatre coins du monde, invités à venir écrire, composer et trouver l’inspiration dans une zone de tranquillité, entre sauna et espaces détente. Avec le minimalisme de ses actions où dominent une lenteur contemplative et des interprètes économes en gestes et en mots, la patte du metteur en scène a de quoi dérouter. Dans ce théâtre du quotidien s’égrènent les simples habitudes de résidents portant des ca-
goules de pénitents, sûrs de la force tranquille de leur démarche. Cette banalité de l’être au quotidien ennuie parfois, fait sourire souvent. Heureusement, un quatuor à cordes, invité à enregistrer des morceaux (La Jeune fille et la Mort de Schubert, le Quatuor n°8 de Chostakovitch), se charge de raviver nos émotions. Un temps, l’on rêve que tout s’emballe comme dans le tableau foisonnant de fantastique et de fantasque de Brueghel, Patientia, qui a inspiré le metteur en scène. Mais Quesne a d’autres projets et nous assigne la place de la figure allégorique du titre, enchaînée au milieu de la toile, une croix dans ses mains jointes en pleine prière. « Je me suis interrogé sur ce que signifie être “patient” dans ce monde grouillant. Je voulais reprendre à mon compte ce terme pour porter sur scène, de façon poétique, l’image idéaliste d’un engagement et non d’une résignation », confie-t-il. Car le calme clame bien quelque chose, au-delà du silence. « Ce groupe s’intéresse à la charge qui nous revient de rester autonomes, de créer et de continuer à inventer les
moyens de son indépendance. » Une menace plane sur ce centre d’art idéal, adossé à une grotte contenant une mine d’or dont les innombrables pépites permettent de garnir une bibliothèque, des studios d’enregistrement, un cinéma… D’infimes failles s’ouvrent dans l’histoire en cours. Une énorme taupe de taille humaine, complètement groggy, annonce le danger venu de l’extérieur et chacun se prépare à protéger ce refuge d’artistes. Avec une dose de sérieux tournant le tout en dérision goguenarde, les anti-héros bon teint réunis sauvegardent plantes et animaux dans leur bâtisse transformée en cage vitrée avant de se réfugier dans la caverne, retournant au mythe philosophique originel. Avec le Vivarium Studio, l’utopie artistique n’est jamais loin d’une vision désenchantée du monde et d’un espoir teinté de mélancolie pour la construction d’un autre rapport à la société des hommes qui nous entoure de sa gangue. Ralentir la course effrénée du temps pour retrouver cette liberté d’être artiste, envers et
Mai indiscipliné Autour de Swamp Club, La Filature de Mulhouse célèbre l’audace et les formes hybrides les plus contemporaines en ce mois de mai qu’elle veut « indiscipliné » à souhait ! Entre blagues potaches et humour geek de démonstrations mathématiques, Antoine Defoort et Julien Fournet empoignent instruments et balles de foot pour Cheval (6 et 7 mai), conférence performative complètement loufoque. L’ensemble Tormis livre un conte musical glacé en 3D (L’Esprit de la Forêt, du 14 au 16 mai, dès 4 ans), Vidal Bini se confronte aux mythes avec sa dernière chorégraphie (FINAL Mythos-logique, samedi 31 mai) tandis que Gisèle Vienne (voir Poly n°155 et 164 ou sur www.poly.fr) nous plonge entre rêve et cauchemar, espace mental et émanations schizophréniques dans une forêt tout sauf accueillante (This is how you will disappear, samedi 31 mai). 03 89 36 28 29 – www.lafilature.org
surtout contre tout ce qui pourrait l’inquiéter. Considérez tout écho à une quelconque actualité comme… délibéré ! Poly 167 Mai 14
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FESTIVAL
soleil vert Festival “outdoor de proximité”, Green Days – organisé par MA scène nationale – mêle musique, théâtre, danse, ciné et même gastronomie. Une manifestation à la fois grand public et aventureuse qui rayonne partout à Montbéliard.
Par Emmanuel Dosda Photo de Peter von Poehl et Zach Miskin
À Montbéliard, partout dans la ville, du 23 mai au 6 juin 03 81 94 16 62 www.mascenenationale.com
À voir Peter von Poehl et Zach Miskin, vendredi 30 mai, rdv à 20h30 à l'Hôtel de Sponeck (gratuit) Joseph de Joseph Morder, les 23 et 24 mai à 22h, départ depuis la gare de Montbéliard (5 €)
Le lieu du concert est inconnu à l’heure où nous bouclons le magazine
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ne installation composée de plantes réagissant au contact des êtres vivants, des sons spatialisés, un atelier d’improvisation culinaire, des formes théâtrales sous terre, dans des caves, une bibliothèque humaine où des narrateurs sont autant de livres ouverts, une chorégraphie dans un parking avec de jeunes autistes, du cinéma nomade… À la question « comment la culture contemporaine peut trouver sa place dans une ville de petite taille, avec des habitants pour lesquels il n’est pas naturel de pousser la porte d’un théâtre ? », Yannick Marzin, directeur de MA scène nationale, apporte une réponse inattendue : en programmant des propositions artistiques très audacieuses, irrigant la ville. « La culture qu’on met dans la rue peut également être exigeante », insiste-il.
Green Days, est un « festival de territoire qui parle de Montbéliard, cité d’industries et de forêts, ni vraiment urbaine, ni totalement rurale, marquée par Peugeot. » Il se penche sur la culture populaire au sens large du terme, conviant des chefs et maîtres pâtissiers à revisiter le patrimoine gastronomique local ou intégrant des spectacles (gratuits ou peu chers) qui interrogent la ville et son histoire. La manifestation s’adresse directement au public en allant jusqu’à lui. Elle regroupe des projets participatifs avec des non-professionnels, du théâtre de rue insolite et des résidences de création confrontant le chaland à des créateurs à l’imagination débridée. Ainsi, le musicien et chanteur suédois Peter von Poehl, associé au violoncelliste Zach Miskin, va donner un concert folk, avec cette envie « de tester une technologie nouvelle, un système nommé “magnetostriction” qui amplifie naturellement le son, grâce à de petits boitiers. Ce procédé permet de préserver la dimension intimiste et acoustique dans un espace atypique*. » Autre résultat du Green lab (artistes en résidence), Joseph, la « création cinématographique pour treize façades et une rivière » du cinéaste Joseph Morder. Un parcours dans la ville, une fiction nomade composée d’une série de projections sur différentes bâtisses. Le public se déplace sur un kilomètre et demi pour suivre le cours de cette étrange narration parlant de son auteur (adepte de l’autofiction filmée) et d’une actrice qui se rend à Montbéliard pour une obscure raison. « Le film commence à la gare et se termine dans un endroit secret », glisse, énigmatique, Yannick Marzin, nous conviant à vivre une foultitude d’expériences singulières de ce type.
THÉÂTRE
vertiges de l’amour Christophe Rauck revient au TNS1 avec un grand classique de Marivaux, Les Serments indiscrets dans lequel deux amis désirent unir leurs enfants. Ceux-ci se promettent pourtant l’inverse, malgré le coup de foudre qui les assaille. Rencontre avec Hélène Schwaller2, l’une des domestiques entourant les deux tourtereaux de la pièce.
Par Thomas Flagel Photos de Benoît Linder pour Poly
À Strasbourg, au Théâtre national de Strasbourg, du 7 au 17 mai 03 88 24 88 24 – www.tns.fr
Rencontre avec l’équipe au bord du plateau à l’issue de la représentation du mardi 13 mai
Vous travaillez pour la seconde fois avec Christophe Rauck. Avez-vous accepté le rôle de Lisette pour le retrouver ou pour le plaisir de se confronter à la langue complexe de Marivaux ? Les deux (rires). Se confronter à cette écriture très particulière est un challenge. Elle est complexe, à tiroirs, avançant par négations et litotes. C’est une langue difficile à rendre concrète dans sa chair. À la différence de Marivaux, Molière écrit pour des comédiens qu’il a sous les yeux (Armande et Madeleine Béjart, Du Croisy…) et avec lesquels il joue lui-même. Marivaux est un dramaturge dans le sens où sa pensée se diffuse dans chaque bouche des personnages. Au bout du compte, les valets parlent comme les maîtres, avec la même syntaxe et aisance verbale. Je trouve cela extraordinaire. Comment avez-vous travaillé votre rôle avec Christophe Rauck : une servante un peu espiègle qui essaie de tirer son épingle du jeu ? Je ne dirais pas espiègle car l’espièglerie serait en rapport avec quelque chose “d’attendu” d’une servante alors qu’elle est plus proche de l’idée d’une gouvernante. Mon personnage remplace l’absence de la mère de Lucile. Je me suis inspirée de Vestiges du jour et de Downton Abbey, série anglaise où l’on suit l’histoire d’une famille du XX e siècle dans laquelle ce qui arrive aux domestiques est tout aussi important que les événements des maîtres. Mes échanges avec Christophe ont été très nombreux. Il m’a rendu très attentive à cet aspect : sortir des choses attendues pour aller à l’os de l’écriture compliquée de Mari-
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vaux. Je n’ai eu l’impression de réellement comprendre le texte qu’en le lisant à haute voix. Tel est le défi : entrer dans les arcanes d’une dramaturgie totalement étrangère. Les Serments indiscrets datent de 1732 et, malgré l’évolution des mœurs – les conventions du mariage d’intérêt telles qu’elles sont exposées sont totalement dépassées –, Marivaux décrypte quelque chose d’intemporel : le poids de la bienséance et du carcan social qui n’ont, eux, pas changé ! Absolument. Je suis très étonnée que cette pièce parle aux adolescents d’aujourd’hui. Au-delà de cette question du mariage, nous voyons deux jeunes gens passer un contrat. Nous avons deux personnes qui, dans le fond s’aiment, mais ne veulent pas s’unir par les liens du mariage. Quoi de plus contemporain ! Nous sommes tous touchés, même les cinquantenaires de ma génération : nous ne voulons pas nous engager car nous avons trop vécu, les autres pas assez. Damis et Lucile ont de l’orgueil et aucun ne veut être le premier à dire les sentiments qui l’assaillent. Cet orgueil empêche longtemps les choses de se dénouer. La mise en scène dépouillée, faite de tulles et de chandelles accentue le sentiment de proximité, l’intimité avec les comédiens… Ce n’est pas une esthétique attendue avec de beaux fauteuils et un intérieur bourgeois. Ici les costumes traversent les âges, comme des patrons joignant nos deux époques, celle de l’écriture de la pièce et de sa réception par le public actuel. Nous portons un mélange de
jeans et de corsets très XVIIe. Les bougies sont loin d’être convenues. Elles renvoient bien entendu à l’époque, comme le tulle qui laisse une transparence et permet de voir sans être vu. L’histoire de la bougie, cet éclairage chaud qui se consume comme l’amour le temps de la représentation, est une très belle idée. Vous vous êtes aussi inspirés de peintures et de gravures d’époque… Des tableaux sont projetés en fond de scène, tirés des gravures de Watteau avec ses personnages de dos. Nous avons beaucoup travaillé sur les postures qui s’y révèlent. La dimension physique est très importante pour le metteur en scène qui n’a eu de cesse d’engager nos corps par rapport à la parole. Y mettre de la chair, c’est investir les mots et leur sens physiquement. En mars, vous présentiez une carte blanche au TNS, Muses, balade érotique entre des lettres de James Joyce à Nora sa future épouse et les mots doux
dont vous couvre votre compagnon, l’artiste Hakim Mouhous. Vous aurez cette année traversé trois visions de l’amour : l’érotisme de Joyce, la source de la création dans la bourgeoisie viennoise dans Des Arbres à abattre de Thomas Bernhard3 et son pur éclat chez Marivaux… C’est assez jouissif n’est ce pas ! L’amour est fait de facettes différentes, comme un kaléidoscope au prisme différent selon les auteurs, leur pensée et leur histoire personnelle. Joyce est très proche de ma vision de l’amour, c’est pourquoi je l’ai choisi. Mais sa quête d’absolu se retrouve aussi chez les autres. Bernhard enrage de ne pouvoir atteindre cet état au point d’en devenir acerbe et cynique. Marivaux écrit plus sur l’humain et son fonctionnement, sur les histoires de pouvoir et ce qui rend si compliqué des sensations pourtant simples à vivre. Il raconte les batailles que nous menons en traversant les empêchements de nos sentiments.
1 Lire notre interview avec le metteur en scène autour de Têtes rondes et têtes pointues dans Poly n°140 ou sur www.poly.fr
Ancienne élève de l’École du TNS (promotion 1987), membre de la troupe permanente du TNS sous la direction de Stéphane Braunschweig, elle a notamment joué dans plusieurs créations de Julie Brochen (La Cerisaie et Dom Juan)
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3 Spectacle mis en scène par Célie Pauthe et Claude Duparfait en octobre dernier au TNS, voir Poly n°161 ou sur www.poly.fr
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complot qui croyait prendre Avec George Kaplan, l’auteur et metteur en scène Frédéric Sonntag construit une comédie d’espionnage aux multiples ramifications dénonçant les conditions d’émergence des mythes conditionnant nos représentations du monde.
Par Thomas Flagel Photos de Bertrand Faure et de La Mort aux trousses
À Nancy, au Théâtre de la Manufacture, du 20 au 23 mai 03 83 37 42 42 www.theatre-manufacture.fr
L’Insurrection qui vient, publié en 2007 est téléchargeable au format pdf au www.lafabrique.fr
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2 Lire l’excellent essai de Hakim Bey, TAZ – Zone Autonome Temporaire, publié en 1997 aux éditions de l’Éclat www.lyber-eclat.net
Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits de Christian Salmon, éditions La Découverte, 2008 www.editionsladecouverte.fr
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www.lutherblissett.net
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ue relie un groupe d’activistes agissant dans la clandestinité, des scénaristes planchant sur des scénarios catastrophes et un gouvernement invisible retournant à son avantage un problème contrecarrant sa mainmise sur la société ? George Kaplan. Un personnage d’Alfred Hitchcock dans La Mort aux trousses. Un mystérieux espion fantôme qu’on prend pour Cary Grant, un leurre lancé par la CIA qui lui donne vie en disséminant ici et là de (fausses) preuves matérielles de son existence. Fasciné par cette idée, Frédéric Sonntag invente une fiction en trois parties aux entremêlements complexes, jouant avec l’acuité des spectateurs pour distinguer les manipulateurs des manipulés, ceux qui fabriquent des histoires de ceux qui en tirent profit, ce qui est réel de ce qui ne l’est pas. Se retrouvent cristallisés la quintessence des pensées du courant post-situationniste, du Comité invisible 1, de l’utopie des nouveaux pirates à l’heure d’Internet 2, des Anonymous mais aussi les dérives du storytelling 3. À l’image du collectif Luther Blisset4 usant de l’anonymat et de canulars artistiques pour dénoncer les impostures médiatiques et les dérives de l’industrie culturelle, les activistes
du groupe George Kaplan inventés par l’auteur / metteur en scène, aux accointances très Fauve ≠, veulent créer un mythe, à la fois acte artistique et politique. Avec beaucoup d’humour, nous cheminons dans une de leurs réunions secrètes, entre prises de bec narcissiques et processus de décision démocratique ubuesque : pétage de plombs sur l’utilisation pour chacun du patronyme George, vote pour savoir s’ils sont en réunion, sur comment la parole doit circuler ou sur l’intérêt même de voter ! Nous retrouvons George Kaplan dans la seconde partie où des scénaristes imaginent, sous prétexte d’écrire une série ou un film, diverses histoires relevant de l’anticipation stratégique et géopolitique avant qu’un gouvernement invisible – comble des théories conspirationnistes ! – ne retourne pour son propre intérêt le problème de l’émergence à grande échelle d’une identité fictive. Vous l’aurez deviné : George Kaplan ! Cette comédie d’espionnage contient sa dose de paranoïa, de répression policière à tendance fascisante, de carnage désespéré à l’arme à feu, de manipulations des foules par des éminences grises et de loufoque made in Hollywood. Pas si éloigné de nous en somme !
THEÂTRE
femme au bord de la crise de nerf Avec Crises de mer la compagnie strasbourgeoise Plume d’Eléphant nous place face au naufrage d’une mère engloutie par la précarité qui s’accroche à une bouée : la culture.
Par Emmanuel Dosda Photo de Pierre-Étienne Vilbert
À Strasbourg, au Taps GareLaiterie, du 20 au 24 mai (dès 15 ans) 03 88 34 10 36 www.taps.strasbourg.eu À Vendenheim, à L’Espace Culturel, en 2015 (dès 15 ans) 03 88 59 45 50 www.vendenheim.fr www.plumedelephant.fr
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ous pourrions être à Florange, de nos jours, mais la pièce se situe dans la seconde moitié des années 1980, à la Cité Blanche de Dives-sur-Mer, dans le Calvados. La décrépitude de la métallurgie et la fin de la société Tréfimétaux ont sonné le glas des illusions passées. Le mari de Suzie est mort : après s’être tué à la tache dans la sidérurgie, c’est l’alcool qui l’a emporté. Avec Micka, son fils, elle vivote comme elle peut, tentant de joindre les deux bouts en faisant le ménage chez des friqués du coin. Pour Laurent Benichou, metteur en scène, « la pièce raconte la désindustrialisation de notre société, la crise économique qu’on traverse et aussi cette perte de repères que nous subissons, coincés entre les idéaux collectifs d’hier qui se sont effondrés avec le Mur de Berlin et le capitalisme faisant régner l’argent et la réussite individuelle. » Ainsi, Micka est balloté entre tout ça. Refusant de dédier sa vie au
labeur, il se brûle les ailes au casino d’en face, à Cabourg, aveuglé par l’appât du gain facile et les machines à sous qui conduiront sa mère à hypothéquer la maison familiale. Il imagine le jackpot ? Il fera banqueroute. Alors que Micka tente de fuir la misère de son quotidien en s’engloutissant dans le jeu (il dilapide la pension de son père) et le mensonge (il s’invente le métier de croupier), Suzie cherche son salut dans le théâtre de marionnettes ou les livres de Duras empruntés à la médiathèque. Laurent Benichou reste fidèle au texte de Christophe Tostain écrit suite à une résidence à Dives-sur-Mer, à l’époque de la fermeture de l’usine. Il respecte l’écriture nerveuse de l’auteur, faisant alterner dialogues bruts, monologues et didascalies. Le metteur en scène a cependant créé un troisième personnage, personnifié par une danseuse, « une sorte de Zéphyr » symbolisant la poésie qui rythme le spectacle et apporte du rêve, en contrepoint à toute la misère dépeinte. Ce troisième protagoniste va porter l’héroïne, lui donner des élans et prouver que tout n’est pas si noir. Sur le plateau nu, habillé par des jeux de transparences et de lumières (matérialisant la présence de la mer… et la possibilité de s’y noyer), il y a une porte de sortie, « une lueur d’espoir, une brèche qui s’ouvre », avec ce message : « La culture peut nous sauver. » Et Laurent Benichou d’ajouter : « Contrairement à ce qu’on peut croire, elle est là pour chacun, elle est universelle et nous rassemble. Bien sûr, tout le monde ne va pas lire Hannah Arendt, par exemple, mais personnellement, je me retrouve dans sa philosophie et j’ai l’impression de pouvoir construire quelque chose à partir de ça. Dans les périodes difficiles de nos vies, la culture nous permet de ne pas sombrer. » Poly 167 Mai 14
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THÉÂTRE
à l’ombre des jeunes filles en pleurs En portant à la scène un court roman d’Anna Seghers, dans un fulgurant monologue, Hervé Loichemol propose un aller-retour, où les repères sont brouillés, entre l’Allemagne de 1943 et de 1913. Du bonheur sans nuages à l’absolu effondrement.
Par Pierre Reichert Photo de Marc Vanappelghem
À Colmar, à la Comédie de l’Est, du 13 au 28 mai 03 89 24 31 78 www.comedie-est.com Rencontre avec les artistes à l’issue du spectacle, jeudi 22 mai
R 1 Ligue des femmes nationalessocialistes
Le spectacle y sera repris en septembre – www.comedie.ch
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La soprano est membre de l’ensemble du Volksoper de Vienne 3
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éfugiée au Mexique pour fuir le nazisme, Anna Seghers (1900-1983) écrit L’Excursion des jeunes filles qui ne sont plus en 1943. Dans ce texte, la future présidente de l’Union des écrivains de la RDA se souvient d’une journée radieuse, trente ans plus tôt, sur les bords du Rhin. Elles s’appelaient Leni, Lore, Nora, Ida, Sophie… Elles étaient quinze adolescentes allemandes comme les autres, se promenant, sous la houlette de leur institutrice qui leur avait demandé d’écrire une rédaction sur cette parenthèse enchantée dans le soleil printa-
nier, du côté de Mayence. C’est ce que (re) fera l’auteur, des années plus tard, redevenue Netty Reiling dans ces pages où se mêlent les temporalités et où les existences s’esquissent, fracassées par une Histoire impitoyable. Exit l’excursion idyllique baignée de soleil. Il est possible de lire leur avenir sur les visages de ces jeunes filles en fleurs. L’une mourra dans un camp, l’autre se suicidera de désespoir, la troisième intègrera la NS-Frauenschaft1… Toutes seront emportées, fragiles fétus de paille, par la violence, la douleur et les larmes d’une Europe embrasée par le troisième Reich. Avec la complicité de Seth Tillett (création lumière, scénographie, costumes), Hervé Loichemol, directeur de la Comédie de Genève2, s’est emparé de cette longue nouvelle, laissant le soin à une seule comédienne de donner vie à tous ces destins. Séduit par sa « présence en scène sidérante », il a choisi Caroline Melzer qu’on est plus habitués à entendre à l’opéra3 , après l’avoir vue chanter un Lied de Schubert en bis d’un récital donné à la Comédie de Genève : « C’était un instant bouleversant. Je cherchais alors quelqu’un pour ce monologue et me suis alors dit qu’elle serait idéale. » Le texte a séduit le metteur en scène parce qu’il ressemble « à une métaphore éblouissante de l’histoire de l’Allemagne du début de la Première Guerre mondiale au milieu de la Seconde. À travers ces destinées individuelles, il est en effet possible de percevoir la tragédie collective. C’est comme si Anna Seghers, en confrontant les deux époques, nous montrait son envie de retour au pays natal, tout en expliquant de manière crue que ce retour est impossible. Elle nous parle de nostalgie dans son acception étymologique, une “maladie du retour”. »
THEÂTRE
les vestiges du jour Pendant une résidence de travail à La Nef, le comédien Sharif Andoura a créé Al Atlal (Les Ruines), théâtre musical qui se tisse autour d’une chanson éponyme d’Oum Kalsoum.
Par Emmanuel Dosda
À Saint-Dié-des-Vosges, à La Nef, vendredi 30 mai 03 29 52 66 45 www.saint-die.eu
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é d’un père syrien et d’une mère belge, Sharif Andoura, formé à l’École du TNS, fut interpelé, secoué, par les “Printemps” qui ébranlent la Tunisie, l’Égypte ou la Syrie depuis une poignée années. « Ça faisait un moment que j’avais envie de parler du monde arabe autrement, de pouvoir l’amener sur un plateau de théâtre. L’imagerie médiatique banalise l’horreur et crée de l’indifférence », regrette-t-il. Sharif s’est naturellement tourné vers deux figures majeures : Oum Kalsoum, « chanteuse mythique, la quatrième pyramide d’Égypte, que j’ai beaucoup écouté, enfant », et l’auteur palestinien Mahmoud Darwich, via deux textes, Une mémoire pour l’oubli, « qui raconte une journée à Beyrouth en août 1982, sous les bombardements », et Le Lanceur de dés, « qui questionne la place du poète ». Il s’empare d’Al Atlal, titre au long cours (une heure !) de la diva du Caire parlant d’un amour en ruines (« Une citadelle imaginaire qui s’est effondrée », disent les paroles) et fait le parallèle avec les décombres de la guerre. Le spectacle débute par la diffusion de la chanson, avant que les notes de Camel Zekri, musicien qui accompagne Sharif, envahissent le plateau. Parfois, le comédien, traduisant le texte de la cantatrice en français, et son acolyte s’éloignent du morceau qui est « comme un
serpent de mer, venant et disparaissant » par intermittences. Des brèches s’ouvrent et les mots de Darwich vibrent. « Il envisage la ruine comme ce qui demeure, ce sur quoi on construit. Son rapport au corps, au désir et à l’espoir crée une pulsion de vie. Le poète ne fait jamais de constat mortifère : avec lui, on sait qu’une reconstruction est possible. » Et de citer l’auteur : « “Si je sors de chez moi le matin et que le ciel est gris, mais que je vois pointer une rose sortant de la fissure d’un mur, je me dis quel jour magnifique !” Voilà qui résume sa philosophie de la vie. » Pour Sharif Andoura, écrivant ici son premier spectacle (dont il a confié la mise en scène à Matthieu Cruciani), « c’est important de construire des ponts » à une époque où l’on a « tendance à cliver », où des murs culturels et sociaux s’érigent. Durant Al Atlal, il prend place dans un décor évoquant une scène de concert délabrée d’Oum Kalsoum afin d’explorer le Moyen-Orient, loin des poncifs. « C’est une thématique qui résonne en moi et j’avais envie de prendre la parole. Pourtant, je suis né en Belgique et l’arabe n’est pas ma langue maternelle. “Qui suis-je pour vous dire ce que je vous dis ?”, se demande Darwich dans Le lanceur de dés, un de ses derniers poèmes, sur le destin. “Je ne suis qu’un lanceur de dès : parfois je gagne, parfois je perds” », reprendil humblement à son compte. Poly 167 Mai 14
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vérone city Aventure humaine autant qu’artistique, Roméo et Juliette 3000 réunit les habitants des quartiers de Belfort dans un grand spectacle en plein air, sous la houlette du metteur en scène Julien Travaillé. Théâtre, musique et feu d’artifice sont au programme. Par Dorothée Lachmann Photos Le Granit
À Belfort, sur le parking du Granit, du 29 mai au 1er juin 03 84 58 67 67 www.legranit.org
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epuis West Side Story, on sait que la plus célèbre histoire d’amour de tous les temps n’est pas figée sur un balcon de Vérone, au XVIe siècle. « Cette pièce peut être transposée partout, aussi bien en Afrique que pendant la guerre de Bosnie », estime Julien Travaillé. Après Le Festin de pierre, adapté du Don Juan de Molière en 2011, le metteur en scène a choisi Shakespeare pour renouveler ce pari un peu fou de bâtir un spectacle d’envergure in situ, avec les habitants des quartiers belfortains. Dans le cadre des actions culturelles du Granit, le projet fédère une centaine d’amateurs, comédiens, chanteurs ou techniciens, mais aussi sportifs du Club Alpin ou passionnés de tuning. Depuis des mois, tous travaillent d’arrachepied, guidés par une équipe de professionnels. « Rien n’est simple, il faut composer avec de nombreux profils différents, des personnes vierges de tout. Ce n’est pas une culture qu’on va imposer aux gens, mais une culture qu’on fait ensemble, pour avoir du plaisir. » Et pas question de transiger pour autant sur l’exigence : si le texte est réduit à l’intrigue principale, la langue de Shakespeare reste intacte. Quant à la mise en scène, elle prend de la hauteur – au sens propre – puisque le spectacle se déroule à la fois sur le parking et sur la façade sud du Granit, à l’architecture très variée.
« La pièce est composée de nombreux tableaux qui permettent de construire des espaces différents avec plusieurs niveaux de hauteur. Par exemple, la tour devient l’église du Frère Laurent », explique Julien Travaillé. Dans sa version 3000, Roméo et Juliette est transposé au Vérone, discothèque de province un peu ringarde, avec boule à facettes et lasers. « Le dancing, c’est l’endroit propice à toutes les rencontres, toutes les aventures, tous les dangers aussi. » Tandis que la chorale rock de La Poudrière met le feu au dancefloor et que le narrateur shakespearien joue les DJ pour introduire chaque scène, les deux amants échangent leur premier regard. Mais sur le parking, le club de tuning des Montaigu affronte celui des Capulet, à coups de moteurs vrombissants. Ça s’annonce mal pour les tourtereaux, qui finiront comme on sait. Une véritable équipe du SDIS 90 (Service départemental d’incendie et de secours) viendra d’ailleurs constater la mort des personnages, faisant entrer de plain-pied la réalité dans la fiction. Mais il ne sera pas dit que le public partira la larme à l’œil et le final, enflammant littéralement Le Granit, est à l’image de l’extraordinaire communion d’énergies qui a donné vie à ce projet hors du commun.
THEÂTRE
ta gueule, électre ! Avec Les Enfants d’Atrée, la compagnie lorraine TAC.Théâtre présente une trilogie mythologique, une saga tragique sans artifices, reposant « à 90% » sur le travail des acteurs.
Par Emmanuel Dosda Photo de Myrtille Bordier
À Thionville, au Théâtre en Bois Électre, du 14 au 17 mai et Les Enfants d’Atrée (l’intégrale de la trilogie – Agamemnon, Électre et Oreste –, possibilité de choisir un des spectacles), samedi 17 mai 03 82 54 70 40 www.nest-theatre.fr www.tac-theatre.org
R
ésumons. Agamemnon revient victorieux de Troie en compagnie de Cassandre, sa maîtresse. Sa femme Clytemnestre l’attend à Argos et s’apprête à assassiner (avec la complicité d’Égisthe, son amant) un mari qui a sacrifié leur fille Iphigénie aux dieux. Électre poussera alors son frère Oreste à venger leur père en tuant leur propre mère. Voilà un condensé du triptyque composé d’Agamemnon (d’après Eschyle), d’Électre (Sophocle) et d’Oreste (Euripide) mis en scène par Cyril Cotinaut. Les ingrédients ? Des effusions de sang, de sordides histoires de tromperies, des représailles en série et autres malédictions frappant le clan des Atrides. « Ça n’est pas la thématique de la vengeance qui m’a interpelée », explique le metteur en scène, « mais les thèmes philosophiques souterrains, comme le destin de l’homme : Est-ce que j’écris ma vie ou est-elle déjà écrite ? Lors des premières séances de travail avec les acteurs, on remplaçait les noms Zeus ou Poséidon par des mots qui nous semblaient beaucoup plus concrets – “le hasard”, “la chance”, “le sort” –, des forces supérieures sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. » Passé par l’École nationale supérieure des Arts et Techniques du Théâtre de Lyon, Cyril Cotinaut adopte une méthode originale de travail, enseignée par Anatoli Vassiliev. « Nous lisons le texte une première fois puis le disons avec
notre vocabulaire avant de le réétudier en mettant le doigt sur nos omissions, qui correspondent généralement à des incompréhensions. » Ce travail de réappropriation par la reformulation permet de s’assurer que chaque comédien de TAC.Théâtre (comme Travail de l’Acteur en Création) a parfaitement saisi le texte et s’y est « connecté de manière sensible et personnelle ». Au fil des lectures et sessions d’improvisations, les « Ta gueule, Électre ! » redeviennent « Oh, Électre ! » : le texte originel revient naturellement, il est intégré « sans apprentissage mécanique ». Sur un plateau nu ou presque (on voit, ici où là, quelques ordures jonchant le sol…), les comédiens non costumés nous invitent à ne pas considérer les protagonistes du mythe comme des personnages mais « des figures, des couleurs que nous avons tous en nous et qui nous animent. Par moments, je me sens Oreste. À d’autres, je suis Électre, par exemple quand je suis près à me défendre d’une injustice. » Ainsi, le metteur en scène cherche en permanence à « manipuler le spectateur afin qu’il change fréquemment d’avis sur Électre, Clytemnestre et les autres car, comme nous, ils ne sont jamais tout à fait blancs ou totalement noirs. Je ne travaille pas sur les modèles, mais les anti-modèles. Pour moi, le théâtre est une exploration des chemins à ne pas prendre. »
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femme libérée Pièce de Dario Fo et Franca Rame, Une Femme seule est un monologue cocasse et pathétique à la fois où une ménagère prend peu à peu conscience du carcan qui l’enferme, pour s’en affranchir.
Par Hervé Lévy Photo de David Anémian
À Strasbourg, au Théâtre de la Choucrouterie, du 22 au 25 mai 03 88 36 07 28 www.theatredelachouc.com
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U
ne musique assourdissante. Scie pénible diffusée par une quelconque radio FM de bas étage. Les spectateurs s’installent dans le vacarme. Sur la scène, s’affaire une femme au look improbable, entre le déshabillé sexy et le tablier de ménagère version Marie-Pierre Casey dans la pub pour Pliz. Elle, c’est Marie, incarnée par Sophie Engel, diplômée de l’Ensatt de Lyon (École nationale supérieure des Arts et Techniques du Théâtre) en juin dernier, comédienne virtuose et virevoltante qui se coule avec aisance dans un univers foutraque en voie de déréliction avancée. « Quand je suis seule à la maison, si je ne mets pas la radio à pleins tubes, j’ai envie de me pendre » déclare d’emblée cette femme au foyer à l’existence complexe. Enfermée par un mari jaloux, elle vit avec son fils et son beau-frère paralytique à la main baladeuse – heureusement qu’il n’en a qu’une – sous l’œil d’un voyeur lubrique, harcelée par un pervers pépère au téléphone. « C’est la rencontre avec une voisine avec qui elle parle, de fenêtre à fenêtre, qui va déclencher une prise de conscience » explique Sophie. Le modus operandi rappelle quelque peu La Cérémonie de Chabrol, film avec lequel le monologue entretient d’autres parentés.
Dans cet univers imaginé à la fin des années 1970 par Dario Fo et son épouse Franca Rame (qui était sur scène), tout est excessif : texte un peu daté – dans son côté provoc’ censé choquer l’assistance, mais qui ne choque plus personne – Une Femme seule demeure drolatique et efficace par son propos féminisme outré exprimé dans une écriture de l’exagération pleine de brio : « Avec mon mari ça ne marche pas ! Je n’éprouve pas… Je n’arrive pas à… Oui… Ce mot-là… Quel mot ! Quel mot !! Je ne le dis jamais ! Orgasme ! On dirait le nom d’une horrible bête… Je verrais ça dans un journal : Orgasme adulte échappé du cirque américain ! Un orgasme forcené a agressé une bonne sœur au zoo. » Peu à peu, Marie comprend son aliénation même si jamais « les femmes ne sont exemptées de leur responsabilité et considérées en simples victimes » assure son interprète. Dans un tourbillon burlesque, elle expose son quotidien à cette interlocutrice invisible et son foyer, réduit sur la scène à ses objets élémentaires (fer à repasser, téléphone, table… ), se disloque peu dans un jubilatoire irrationnel. Au final, à la question centrale de la pièce – « Comment s’émanciper ? » – est apportée une réponse radicale.
fin de partie
Trente-trois ans après sa création, May B, cultissime pièce de Maguy Marin, n’en finit pas de tourner et de confronter de nouvelles générations de spectateurs à l’absurdité beckettienne dans les corps hantés de la chorégraphe. Thomas Flagel Photo de Claude Bricage
À Nancy, à l’Opéra national de Lorraine, vendredi 16 mai 03 83 85 33 11 www.opera-national-lorraine.fr 03 83 85 69 00 www.ballet-de-lorraine.eu
«F
ini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. » L’incipit de Fin de partie de Samuel Beckett constitue la seule parole humaine de May B. Rien de moins qu’un joyau du répertoire de la danse contemporaine qui réconcilia avec toute la vigueur de sa force les champs du théâtre, auquel appartient le Nobel de Littérature irlandais, et celui de la danse emprunté par Maguy Marin, formée notamment auprès de Maurice Béjart. Difficile aujourd’hui d’imaginer la chorégraphe, tout juste trentenaire, écrire fébrilement aux Éditions de Minuit, en 1981, pour demander l’autorisation d’adapter à la scène les destins suspendus des personnages de ce monstre vivant de la littérature. Sa rencontre avec l’auteur la conforte dans sa lecture des didascalies rythmant les mouvements des corps abîmés peuplant ses pièces, dans son envie de montrer la fragilité de la chair, de célébrer l’humanité tragique et la souffrance d’être au monde. Le spectacle prendra le titre de May B, écho à May Beckett, mère de Samuel et aux troubles existentiels que leur relation engendrera. Sur un poignant lied de Schubert, dix danseurs grimés de talc et d’argile errent sur le plateau. Des va-nupieds spectraux aux gestes saccadés et aux
petits pas mal assurés, rythmés par des battements de tambour, dont nous ne saurons s’ils peuplent un asile d’aliénés ou un hospice abandonné. Des Edward aux mains d’argent catapultés dans une version rétro-futuriste du Thriller de Michael Jackson. Corps au cœur suspendu à toutes les craintes imaginables. Petits vieux sans âge aux peurs d’enfants qui se figent tels des oisillons au moindre craquement. Ces voyageurs sans destination aux regards hagards se frôlent et s’agrippent, ondulent en saccades, soumis au groupe. Marionnettes dénués d’attaches aux mouvements d’automates anxieux dont l’expressivité saisissante happe le spectateur, l’invitant dans le puits sans fond de ses fêlures. À mi-chemin entre grotesque et sublime, ils dansent, frappent du poing dans leur pogne, solidaires et jamais seuls, affrontant peureusement l’absurdité d’une existence en guenilles dont on préfère rire jusqu’au sanglot pour mieux en affronter l’inéluctable fatalité. Comme dans un film muet en noir et blanc, Maguy Marin déploie avec une acuité confondante des gestes essentiels, livrant les aspirations frénétiques et les peurs obsessionnelles de ces autres nous-mêmes s’agitant comme un miroir déformant sur scène. Poly 167 Mai 14
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CHANSON POP
frànçois I
er
Les morceaux fluides de Frànçois and the Atlas Mountains ? Une fusion naturelle entre Satie, la pop anglaise actuelle, la chanson française et la musique africaine. Entretien avec un artiste / joggeur, premier français à être signé par le label Domino*. une forme figurative, avant de laisser place à l’aléatoire en faisant glisser l’encre ou l’aquarelle, sans plus rien contrôler. Il y a un rapport avec ma manière de composer : je pose une trame puis regarde les sons évoluer d’euxmêmes. Les compositions de Frànçois and the Atlas Mountains sont irriguées de sonorités africaines. D’où viennent-elles ? De votre mère qui a vécu au Cameroun ? C’est vrai que j’étais confronté à cette musique très jeune, grâce à ma mère, mais je m’y suis vraiment intéressé grâce à l’electro. J’aime les rythmes enivrants qu’on trouvait dans les raves et qui sont très présents dans la musique du continent africain.
Par Emmanuel Dosda Photo de Matthieu Demy
À Strasbourg, à La Laiterie, jeudi 15 mai 03 88 237 237 www.artefact.org
Piano Ombre, édité par Domino www.dominorecordco.fr www.francoisandtheatlas mountains.com
Label anglais d’Arctic Monkeys, Franz Ferdinand, The Kills ou Bonnie Prince Billy www.dominorecordco.fr
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« Je suis de l’eau », chantiez-vous en 2009 sur l’album Plaine inondable : vous sentez-vous toujours en harmonie avec les éléments naturels ? C’est là que je me ressource. Je me promène et vais souvent me baigner, dans des rivières ou à la mer. Ce soir, je vais faire un pique-nique, par exemple. Rien d’inspirant pour vous dans les villes ? Il y a des choses qui m’inspirent dans l’environnement urbain, mais je les trouve moins facilement. À Bordeaux depuis deux ans, je cherche en vain un endroit où danser sur de la musique que j’aime. Du coup, je lâche l’affaire et vais à la plage ! Vous pratiquez toujours l’aquarelle ? Oui, le dessin me prend du temps et me demande une concentration très particulière : j’entre en communion avec l’endroit où je suis. J’aime accrocher l’œil avec un motif,
Sur Le Bois, vous répétez « heureusement qu’il y a la musique magique, l’amour a déçu » : la musique console ? Sans doute oui… Tout à l’heure, je suis allé faire un footing à Bordeaux. Je l’ai fait sans écouteurs, pour une fois, et j’ai beaucoup plus souffert que d’habitude : lorsqu’on écoute de la musique, l’esprit part ailleurs, dans une zone où la souffrance est moindre. Avez-vous conçu La Vérité dans l’idée d’en faire un tube ? Ce morceau est né en faisant du jogging ! Je voulais un titre enjoué pour les festivals, un peu relevé, simple et direct. Vous êtes signé sur Domino, label d’Animal Collective que vous citez comme influence… C’était étrange d’être approché par Domino : à l’époque, je m’étais désintéressé de tout ça, je m’étais résigné à abandonner la musique et c’est arrivé, comme un rappel à l’ordre. Signer un contrat d’artiste et avoir de l’argent pour enregistrer me paraissait dingue : nous avions l’habitude de faire avec rien.
CHANSON ROCK
fortes têtes Les chansons à boire alternatives des Têtes Raides fêtent leurs trente ans. Entretien avec Christian Olivier, chanteur à la voix de clopeur qui a « encore des choses à dire ».
Par Emmanuel Dosda Photo de Julien Mignot
À Vandœuvre-lès-Nancy, à la Salle des Fêtes, vendredi 16 mai www.vandoeuvre.fr À Schiltigheim, à la Salle des Fêtes, samedi 17 mai www.ville-schiltigheim.fr À Audincourt, à La Filature Espace Japy, dimanche 29 juin, dans le cadre du festival Rencontres & Racines (du 27 au 29 juin, avec Danakil, Ayo, Staff Benda Bilili ou Anthony Joseph) rencontres-et-racines. audincourt.com À Dijon, au Zénith, vendredi 11 juillet, dans le cadre du Oeno Music Festival (avec Winston McAnuff & Fixi, Morcheeba…) www.zenith-dijon.fr
1 Dimanche 27 juillet, dans la Cour d’honneur du Palais des Papes www.festival-avignon.com 2 Notre entretien a eu lieu entre les deux tours des élections municipales
3 Les Terriens, édité par Tôt ou Tard www.totoutard.com
Vous êtes conviés à jouer en clôture du festival d’Avignon. Expliquez-vous cette invitation parce que Têtes Raides dépasse les limites de l’univers strictement musical ? C’est un choix de la nouvelle direction : Olivier Py désire ouvrir le festival à d’autres esthétiques. Notre musique a souvent été accompagnée de danse, de cirque ou de cinéma. Pour Corps de mots, spectacle présenté dans la cour d’Honneur1, la musique est mise au service de textes d’auteurs (Rimbaud, Artaud ou Soupault). Avignon est une étape importante dans le parcours de Têtes Raides, mais même nos concerts dans les bars ont une dimension théâtrale. Olivier Py a menacé de quitter Avignon si le candidat FN était élu : est-ce la bonne attitude2 ? Je ne crois pas à son élection, mais je pense qu’il faut occuper le terrain plutôt que fuir. C’est quand on est dans le ventre de la bête qu’on arrive mieux à travailler. On vous classe volontiers au rayon “chanson réaliste”, mais vos influences sont punk au départ et votre premier album s’intitule Not dead but bien raides (1989) ! De par son énergie, sa révolte, Têtes Raides vient de là, mais aussi de pas mal d’autres endroits. On peut faire du punk avec une guitare acoustique comme l’a montré Brassens ! Au
début, on faisait du rock avec des moufles car nous ne savions pas jouer, de la chanson française à la manière des Stones ou des Clash. Considérez-vous votre dernier album, Les Terriens3, comme un tournant artistique ? Oui, il marque quelque chose. Nous voulions que les cuivres et les cordes laissent de la place à la guitare électrique. Sur Des silences, vous chantez : « Comme chaque matin […] je refais l’inventaire de tout ce qui est et qui va m’arriver » Pour notre dernière question, faisons le bilan : comment percevez-vous l’histoire et envisagez-vous le futur du groupe ? C’est une machine qui est en marche. Sur scène, nous continuons à jouer Ginette, morceau de notre premier album. Nous sommes toujours en mouvement, mais l’âme du groupe ne bouge pas. Certains trouvent que ça part dans tous les sens : c’est parce qu’on ne se refuse rien. Nous sommes animés par une véritable opiniâtreté et au bout de trente ans, je ne sais toujours pas si je fais un “métier”… Je considère que j’ai encore des choses à dire : quand ça ne sera plus le cas, j’irai vendre des pizzas !
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à l’abordage ! Une musique épique, un succès mondial du cinéma sur écran géant avec les acteurs les plus bankables d’Hollywood, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg en live : tels sont les ingrédients du ciné-concert de Pirates de Caraïbes proposé au Zénith. Par Hervé Lévy
À Strasbourg, au Zénith, samedi 17 mai 03 69 06 37 06 www.philharmonique. strasbourg.eu www.zenith-strasbourg.fr
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L
année passée, l’OPS avait donné le Requiem de Verdi au Zénith. Le succès fut considérable. Cette saison, la phalange strasbourgeoise va plus loin en proposant, dans la même salle, un ciné-concert hors normes susceptible d’attirer un large public (souvent peu familier avec le répertoire symphonique) avec le premier opus de Pirates de Caraïbes, La Malédiction du Black Pearl. À la baguette, Helmut Imig, un spécialiste de cet exercice délicat, qui vient de diriger le troisième volet de la saga, Jusqu’au bout du monde, à la Philharmonie im Gasteig de Munich, fera vibrer cette partition pleine de fougue et d’humour mêlés qui fut un des ingrédients du succès du film de Gore Verbinski, en 2003. Il est vrai qu’à l’époque le genre n’avait plus guère la côte : « Personne n’ose plus s’y attaquer puisqu’il est synonyme d’échec au box office. Un des plus beaux exemples de ratages est le film de Polanski, Pirates (1986). Lorsque Disney souhaite faire un film à partir d’une attraction ouverte en 1967 dans son parc de Californie, beaucoup, dont le producteur Jerry Bruckheimer, sont dubitatifs » explique le critique de cinéma Michel Cieutat dans Les Clés de l’OPS. Et pourtant le film se fera, dégageant très vite des montagnes
de cash (plus de 650 millions de dollars au total). Générant une véritable frénésie, il sera le point de départ d’une franchise extraordinairement rentable dont le cinquième opus, Dead Men tell no tales, est en gestation… La recette du succès ? Le journaliste de Positif poursuit, évoquant « la rencontre entre un réalisateur au style nerveux et dynamique, Gore Verbinski, et des vedettes en devenir : c’est en effet ce film qui fera de Johnny Depp, plutôt estampillé “cinéma d’auteur” jusquelà, une star mainstream. Mais la vraie bonne idée était de mélanger le réalisme traditionnel du genre avec le merveilleux, faisant, par exemple, des pirates des êtres immortels. C’est une manière de surfer sur la vague du succès des films d’aliens ou de vampires en donnant au public le merveilleux dont il a besoin dans une période morose. » Si Klaus Badelt est seul crédité au générique pour la musique originale, il n’en demeure pas moins que son maître Hans Zimmer intervint largement dans l’écriture de la partition. On reconnaît en effet la patte du compositeur de la BO de Gladiator (qui obtint un Oscar pour celle du Roi lion, en 1994) dans cette musique virevoltante qui s’intègre avec maestria à l’action, épousant ses moindres circonvolutions.
MAISONS D’OPÉRA
apocalypse now Chef-d’œuvre de John Adams, Doctor Atomic est présenté à Karlsruhe dans une production exemplaire. Les spectateurs assistent, sidérés, à un tournant glaçant de l’histoire mondiale : la confection de la première bombe atomique.
Par Hervé Lévy Photos de Falk von Traubenberg
À Karlsruhe, au Badisches Staatstheater, les 10, 15, 21 et 25 mai (spectacle surtitré en français) +49 721 355 70 www.staatstheater.karlsruhe.de
Une autre production de Doctor Atomic (en première française) est à découvrir à l’Opéra national du Rhin dans une mise en scène de Lucinda Childs à l’Opéra de Strasbourg, du 2 au 9 mai et à La Filature de Mulhouse, samedi 17 mai www.operanationaldurhin.eu
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ixon in China ou The Death of Klinghoffer (sur le détournement par des terroristes palestiniens du paquebot Achille Lauro) : le goût du compositeur américain John Adams pour les sujets historico-politiques n’est plus à prouver. Avec Doctor Atomic (2005), fruit d’une commande de l’Opéra de San Francisco d’une œuvre sur le thème de Faust, il s’intéresse au Projet Manhattan qui vit naître la bombe atomique américaine. Le livret de Peter Sellars est un collage de textes (poèmes de Baudelaire ou de Muriel Rukeyser, échanges réels entre les différents protagonistes, extraits du BhagavadGita…), tandis que la musique oppressante – magnifiée par une Badische Staatskapelle des grands soirs, sous la baguette de Johannes Willing – exprime souvent une pure terreur : sons enregistrés, violence apocalyptique des percussions, pluie et tonnerre sur le désert du Nouveau Mexique entraînent le spectateur dans une transe glacée… Des certitudes du scientifique Edward Teller (Lucas Harbour, plein de solidité et de brio) aux dialogues entre Oppenheimer (Gabriel Urrutia Benet, tout en émotion et en ductilité) et son épouse Kitty (Katharine Tier, mezzo à la voix gracile), c’est toute la genèse du
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projet, jusqu’à la veille du test décisif qui est explorée dans un premier acte mis en scène de manière extraordinairement intelligente par Yuval Sharon. Tout se déroule dans un jeu permanent entre opacité et transparence. Un rideau sombre masque toute la scène : grâce à des effets de glissières, les cadres où se déroule l’action (laboratoire, bibliothèque d’Oppenheimer, bureau…) apparaissent, lumineux mais quelque peu voilés, comme les fenêtres d’un improbable calendrier de l’avent. Cet effet d’éloignement permet une intense concentration sur l’action, tandis qu’à l’Acte II la perspective est inversée : lumière crue et proximité sont au programme avec une scène traditionnelle où se déploie une gigantesque feuille de papier quadrillé, posée à 45°. Concentrée sur le jour de l’essai, l’action se fait alors plus molle, reflétant la paradoxale banalité administrative (problèmes de météo, gardiennage…) d’un événement qui allait changer la face de la planète, jusqu’à la fin d’une puissante poésie sonore. Rarement on avait vu tel déchaînement de forces élémentaires dans une partition et telles douleurs concentrées dans quelques mots prononcés avec douceur en japonais, juste après le bombardement d’Hiroshima…
ghost La nouvelle exposition du MAMCS nous projette dans le flux de la vie et laisse Entrevoir l’œuvre vidéo de Robert Cahen hantée par des apparitions, menant par-delà le réel, transperçant le visible. Par Emmanuel Dosda Captures vidéos de Traverses de Robert Cahen
À Strasbourg, au MAMCS, jusqu’au 11 mai 03 88 23 31 31 www.musees.strasbourg.eu
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egards fugaces, visions fugitives, scènes entr’aperçues… Il est beaucoup question du visible et de l’invisible, de présence et d’absence ou de passage d’un état à un autre dans les installations de Robert Cahen qui multiplie « les évocations mystérieuses » au cours de ses travaux, comme rythmés par le tempo d’un métronome. Joëlle Pijaudier-Cabot, directrice des Musées de Strasbourg évoque l’« aura internationale de l’un des pionniers de l’art vidéo, qui voyage beaucoup », de Shanghai à Buenos Aires, des destinations « qui laissent des traces sur son œuvre à la poésie si particulière ». L’artiste résidant à Mulhouse débute sa carrière dans les années 1970 en tant que compositeur au sein du Groupe de Recherches Musicales (GRM) de Pierre Schaeffer. Cette expérience l’a conduit à l’art visuel, utilisant des effets de ralentis, oscillations ou fondus afin de livrer des images « captées du réel, mais transfigurées par le regard subjectif de l’artiste », note Héloïse Conésa. La commissaire de l’exposition décrit un artiste « s’efforçant de dépasser un pur présent, tout en explorant les invariants de la vie que sont la rencontre avec l’esprit d’un lieu, autrui, la mort… » Traverses (2002) est une série de lentes apparitions de personnes à travers un épais
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brouillard « qui les révèle puis les cache », conférant aux individus le perçant un aspect fantomatique. Robert Cahen parle d’êtres accomplissant une douce « traversée d’un espace où le temps est mis à l’épreuve ». Résurgences du passé ? Souvenirs de proches émergents de notre mémoire et semblant franchir le Styx ? La mort habite, en filigrane, les œuvres de Cahen. Filmée dans la capitale du Yemen, la vidéo Sanaa, passages en noir (2007) montre en boucle des femmes voilées circulant dans une ruelle tandis que résonne avec force La Passion selon Saint-Jean de Bach. Une rencontre envoutante et hypnotique entre Orient et Occident, un ballet de sombres spectres. Plus troublante, Françoise endormie (2014), projection sur un tissu transparent comme un linceul (faisant écho au Suaire, 1997), confronte le spectateur au visage de la sœur de l’artiste, une femme âgée, les yeux clos. « Lorsque je me suis penché sur Françoise dans son cercueil, je voulais simplement retenir des images d’elle, sans penser à les utiliser plus tard », se souvient l’artiste. « Je me suis étonné de la voir bouger, à cause de mes mouvements liés à cette difficultés de comprendre ce qu’est la mort. Quand on voit la vidéo, on pourrait croire qu’elle fait semblant », nous confie-t-il à propos d’une œuvre mettant en scène un perturbant entre-deux.
on dirait le sud
Passionné de voyages et d’ethnologie, Jean-Paul Milleliri réinvente les paysages jusqu’aux confins de l’abstraction. Inondés de lumière, explosant de couleurs, ses tableaux se visitent en trois dimensions au Musée des Beaux-Arts de Mulhouse. Par Dorothée Lachmann Photo de Jean-Jacques Turlot du tableau Sanaa de Jean-Paul Milleliri
À Mulhouse, au Musée des Beaux-Arts, jusqu’au 25 mai 03 89 33 78 11 www.musees-mulhouse.fr www.milleliri.free.fr
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lsacien par sa mère, corse par son père, Jean-Paul Milleliri compose avec un tempérament contrasté, « sucré-salé », comme il s’amuse à se définir. Ses peintures en ont le goût, doux et violent à la fois, l’un exaltant le meilleur de l’autre pour atteindre une harmonie rare. S’il laisse sa nature rebelle le guider loin des modes, au plus près de son instinct, l’artiste est très attaché aux règles classiques de la peinture. Ses tableaux, extrêmement structurés, témoignent d’un travail consciencieux sur l’équilibre et les perspectives, à tel point qu’ils semblent réalisés en 3D. On s’attend à voir ce groupe de touaregs s’avancer vers nous, cette femme yéménite monter les escaliers. Ils n’ont pas bougé, et pourtant… L’impression est saisissante, le voyage immédiat. On sent véritablement la chaleur du désert dans ce ciel au jaune étrange, la fraîcheur exquise de cette mer turquoise dont on distingue les fonds enchanteurs du haut des calanques corses. La puissance des couleurs n’a d’égale que l’extraordinaire lumière… Retraçant son périple artistique depuis les années 1980, l’exposition Sud-Extrême se déroule en deux grandes parties, la première consacrée aux régions désertiques, la seconde
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à l’Île de Beauté. Du Mali au Yémen, en passant par la Tunisie, l’Algérie ou le Soudan, l’artiste a saisi des atmosphères, des architectures, des paysages. La noblesse des touaregs aussi, dont le mystère des visages voilés incarne la seule présence humaine des peintures. Pendant ses voyages, il filme, photographie et dessine, pour reproduire ensuite sur la toile ces moments de vie et de rencontres intenses. Partout la géométrisation des formes redessine les villes. « J’avais un professeur de dessin qui me disait sans arrêt de casser les lignes, et puis c’est aussi la leçon de Cézanne et des cubistes », explique le peintre. Après les tons ocres, jaunes et rosés du désert, le contraste est exaltant lorsque surgissent les verts et les bleus éclatants de la Corse, où vit l’artiste la moitié de l’année. Minéral, végétal, aquatique, le paysage réinventé libère une énergie solaire, rencontre de la violence des rochers et de la douceur de l’eau limpide. Et finalement le choc visuel, en pénétrant dans la grande salle du musée, où se déclinent, à l’extrême frontière de l’abstraction, une multitude de tableaux sur un thème unique : la dislocation de blocs de falaise de Bonifacio dans la mer. La dernière toile finit à peine de sécher, le voyage ne fait que commencer.
EXPOSITION
confession d’un masque Le Kunstmuseum Basel dédie une rétrospective intitulée Les Masques intrigués au peintre belge James Ensor. Une soixantaine de toiles – et autant de dessins – retracent une trajectoire, en forme de danse macabre.
Par Hervé Lévy
À Bâle, au Kunstmuseum, jusqu’au 25 mai +41 61 206 62 62 www.kunstmuseumbasel.ch
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u début, la peinture de James Ensor (1860-1949) est sans réelle surprise. Si La Voiture baignoire (1876) aurait pu être réalisée par Courbet, sa Mangeuse d’huitres (1882) témoigne d’une imprégnation impressionniste… qu’il refuse, qualifiant Monet et ses coreligionnaires de « faiseurs de plein air, attachés aux tons clairs ». Avec sa forte charge érotique, le tableau fit scandale et fut refusé au Salon d’Anvers. Y sont néanmoins concentrées les préoccupations d’Ensor : un intérêt pour le portait et la nature morte allié à une réflexion sur la
lumière. Rembrandt, Hokusai, Delacroix, Manet, Millet… L’artiste imite beaucoup pour s’entraîner, dessinant frénétiquement d’après La Gazette des Beaux-Arts dont il est un lecteur assidu. Une salle entière est dédiée à ces “copies de reproduction”. Peu à peu, une voie autonome et un univers apparaissent. Les premiers masques également, dès 1883.
Le masque et la lumière
En 1887, il expose au Salon des XX d’immenses dessins centrés sur le Christ où la lumière domine. D’elle Ensor parle avec amour : « Je n’ai pas d’enfants, mais la lumière est ma fille, complètement et sans partage. » Ses œuvres n’ont guère de succès, éclipsées par le Dimanche à la Grande Jatte de Seurat. Avec la mort de son père et de sa grand-mère, il sombre dans la mélancolie et sa création connaît un tournant décisif, puisque toiles et dessins vont se remplir de masques et de squelettes, se métamorphosant en orgies grouillantes de personnages inquiétants et grotesques. Comment ne pas penser au cadre dans lequel l’artiste a grandi, un magasin de souvenirs et de curiosités d’Ostende ? « Mon enfance a été peuplée de rêves merveilleux et la fréquentation de la boutique de la grandmère toute irisée de reflets de coquilles et des somptuosités des dentelles, d’étranges bêtes empaillées et des armes terribles de sauvages m’épouvantaient » écrit-il en effet. D’un côté, l’Homme est représenté dissimulé comme à Carnaval, réduit à des traits caricaturaux, pour travestir une condition pour laquelle Ensor a peu de tendresse. De l’autre il est n’est qu’os, tête de mort ou squelette,
histoire de rappeler que la comédie humaine est absurde et vaine. Les tableaux grimacent à l’infini, les êtres se tordent et L’Homme de douleur (1891) ressemble à la quintessence de son art : autoportrait en Christ souffrant, la toile aux dominantes rouges ruisselle de sang et la complexion du visage hésite entre déformation jubilatoire et expression figée d’un masque d’extrême orient. Au fil des salles, se déploie un carnaval macabre évoquant curieusement Die Tote Stadt où se croisent fantômes et hallucinations. Il est vrai que l’opéra de Korngold est inspiré du roman symboliste de Georges Rodenbach, Bruges-la-morte. Pas si loin d’Ostende…
L’agressivité et la plume
On le voit, Ensor n’était pas tendre pour ses contemporains qu’il représente souvent en foule frémissante dans de petits dessins fourmillants de détails (un soldat accroupi qui fait ses besoins en plein milieu de la bataille, par exemple) rappelant Bosch ou Breughel. Avec de telles œuvres et ses natures mortes – ambiance coquillages et crustacés – il s’inscrit dans la grande tradition de la peinture flamande, même s’il lui donne des couleurs criardes. Cette tendance à la satire est particulièrement visible dans ses estampes : plusieurs médecins calamiteux rappelant ceux de Molière tirent les intestins d’un malade obèse sous le regard narquois de la faucheuse, une maquerelle présente des filles peu appétissantes à un groupe de vieux schnocks libidineux, deux convives bedonnants, la panse remplie, vomissent sur la table du restaurant… Elle est encore plus manifeste dans l’eau-forte inspirée de son tableau le plus célèbre, L’Entrée du Christ à Bruxelles le Mardi gras en 1889 : encore une fois représenté en fils de Dieu, Ensor y livre une violente charge contre la société de son temps. L’artiste n’est cependant pas qu’un juge tempétueux puisqu’il est pétri d’une autodérision pessimiste, se représentant pissant contre un mur plein de graffitis (dont un proclame : « Ensor est un fou » ; pas si faux) ou en squelette mollement alangui sur une couche. Lui aussi fait partie de l’humaine comédie… James Ensor fut un météore dans le ciel de la fin du XIXe siècle, affirmant, ivre de lui-même, avoir « anticipé tous les mouvements modernes, dans toutes les directions ». Il est vrai qu’il en influença beaucoup, Alfred Kubin, les expressionnistes allemands et surtout les surréalistes.
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3 Légendes 1. L’Étonnement du masque Wouse, 1889, Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers © 2014, Lukas-Art in Flanders vzw, Foto Hugo Maertens und d/arch / ProLitteris, Zürich 2. La Mangeuse d'huîtres, 1882, Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers © 2014, Lukas-Art in Flanders vzw, Foto Hugo Maertens und d/arch / ProLitteris, Zürich 3. Les Mauvais médecins, 1895, Kunstmuseum Basel © 2014, Lukas-Art in Flanders vzw, Foto Hugo Maertens und d/arch / ProLitteris, Zürich
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la douleur Fragilité des matériaux, jeu dialectique entre apparitions et disparitions et rapport à la souffrance et au “corps médicalisé” : l’exposition Nosographies dévoile certaines obsessions de Laure André.
Par Hervé Lévy Photos Galerie Bertrand Gillig
À Strasbourg, à la Galerie Bertrand Gillig, jusqu’au 25 mai 03 88 32 49 08 www.bertrandgillig.fr
www.ectropion.fr
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e face, ce sont d’immenses rectangles de carton gris. Un mètre vingt par quatre-vingts centimètres. À bonne distance, le visiteur pressé pourrait croire que Laure André appartient aux ultimes avatars d’une abstraction géométrique en perte de vitesse. Il faut se rapprocher. Tourner le regard. Apparaissent alors des milliers de minuscules trous réalisés avec minutie et une aiguille. Des formes extrêmement précises s’esquissent : gueules cassées directement jaillies des tranchées de 14-18, visages mutilés et bandés. Le « corps souffrant et l’esthétisation de la douleur » sont au cœur du travail de l’artiste strasbourgeoise fascinée par « l’univers médical, les palpations des praticiens pour découvrir, avec le toucher, une maladie qu’on ne voit pas avec l’œil ». Elle a patiemment gravé des lentilles de verre bombées, un travail d’une terrible précision – « Si la fraise va quelques millimètres trop loin, tout est fichu » – avec des mains qui évoquent des actes thérapeutiques éminemment intimes. Une préoccupation similaire irrigue ses “peintures doubles” présentées dans des boîtes d’entomologiste où le même motif se déploie, superposé, sur papier et sur organdi de soie créant d’étranges effets fantomatiques. On y voit des enfants auscultés avec un stéthoscope,
contraints dans un corset, une aiguille plantée dans la délicate chair du cou, examinés par un toubib à l’air sadique ou encore la mâchoire violentée par un appareillage qui évoque plus la torture que l’orthodontie. On ne saura jamais s’ils consultent de manière banale leur médecin de quartier ou s’ils sont tombés dans les mains d’un disciple du Doktor Mengele. Entre présence et absence, les œuvres méticuleuses de Laure André sont marquées par la fragilité, celle des matériaux (pétales de monnaies du pape, hosties, napperons…) et celle des corps, au centre du propos d’une plasticienne qui est également tatoueuse. Parfois, elle semble réinventer l’imagerie sulpicienne, lui injectant une belle contemporanéité qui entretient une réelle parenté avec les créations de Meret Oppenheim, influence parfaitement assumée, ou, de manière plus souterraine, avec les photographies de Romain Slocombe. On reste troublés en parcourant une exposition intitulée Nosographies, un terme que le Robert définit comme la « description et la classification méthodique des maladies ». Les œuvres présentées apparaissent alors comme des talismans, des manières d’exorciser, en s’y confrontant de manière frontale, la souffrance et la mort.
un regard
Par Raphaël Zimmermann
ArTandem, à Haguenau, à l’Espace Saint-Martin, jusqu’au 8 juin 03 88 90 29 39 www.ville-haguenau.fr www.rosabaum.de
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eine kuh namens bella de rosa baum Cette grande – mais pas grosse – vache (1,20 sur 1 mètre) dont on apprend qu’elle se nomme Bella, ne regarde pas passer les visiteurs. Tournée vers un horizon d’un bleu évoquant vaguement les uniformes des poilus, elle contemple, dans le lointain du hors-champ, un train, faisant admirer son arrière-train et ses courbes épanouies mais graciles. Star d’un salon de peinture, elle aurait pu aussi être à celui de l’agriculture et l’on reste songeurs devant cette symphonie pastorale en brun,
bleu et vert… Elle est accrochée face aux délicates dentelles de sable de Claude Braun pour une variation entre minéral et animal prenant place dans ArTandem, exposition rassemblant des œuvres conçues à quatre mains et des pièces qui entrent en résonance. Elles ont toute été réalisées par des duos binationaux d’artistes tirés au sort comportant chacun un membre de l’Aida (Association des artistes indépendants d’Alsace) et une du Gedok qui regroupe des femmes artistes outre-Rhin.
© ADAGP, Paris 2014 © Musée de La Cour d’Or – Metz Métropole / Laurianne Kieffer
un regard
Par Emmanuel Dosda
Regards sur l’École de Paris, à Metz, au Musée de La Cour d’Or, jusqu’au 16 juin 03 87 20 13 20 www.metzmetropole.fr
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lac du nord de paul kallos Des vaguelettes qu’on voit danser, un beau jour d’été, avec leurs reflets d’argent. L’eau et le ciel. Des ondes, des trames allant du vert au bleu clair, formant une harmonieuse composition colorée, une symphonie aquatique. Apaisante comme un soleil levant de Monet, cette acrylique sur toile (114 x 146 cm) est l’œuvre d’un artiste qui a pourtant, dans ses jeunes années, réalisé des toiles très sombres, liées à son histoire personnelle : Paul Kallos (19282001) a été déporté à Auschwitz alors qu’il n’avait qu’une quinzaine d’années. Le peintre hongrois qui a fait les Beaux-Arts à Budapest avant de s’installer à Paris, fut l’auteur d’œuvres proches du surréalisme avant de
composer des paysages abstraits et d’entamer, dès les années 1970, la série Strates dont est issu son lac nordique de 1984. Les bandes horizontales peintes jouent sur les transparences et laissent le blanc de la toile s’exprimer, la lumière jaillir. Kallos est représentatif de la très protéiforme Nouvelle École de Paris sur laquelle le musée messin de La Cour d’Or fait un focus en exposant 120 œuvres d’artistes tels que Maurice Estève ou Jean Le Moal. Des années 1950 aux années 1980, ces héritiers de Chagall ou Foujita qui dynamisèrent la capitale française au début du XXe siècle, pratiquent un art abstrait ne tournant pas tout à fait le dos à la figuration.
ART CONTEMPORAIN
l’œuvre au noir À la Fondation Fernet-Branca, plus de quatre-vingts pièces, peintures, sculptures, dessins et vidéos retracent la trajectoire de l’artiste coréen Lee Bae depuis le milieu des années 1990. Dans le dépouillement de ses œuvres où le noir règne en maître, apparaissent de fascinants paysages intérieurs.
Par Hervé Lévy Photos de la Fondation FernetBranca
À Saint-Louis, à la Fondation Fernet-Branca, jusqu'au 31 août 03 89 69 10 77 www.fondationfernet-branca.org
1 L’architecte qui s’est vu confier la réhabilitation de l’ancienne distillerie Fernet-Branca en 2003 est un des plus grands connaisseurs de l’œuvre de Lee Bae 2 Mouvement né dans les années 1970 regroupant quatre générations d’artistes coréens comme Lee Ufan, Parc Seo-bo, Kwon Young-woo…
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es espaces de la Fondation Fernet-Branca sont remplis de caisses et d’œuvres tout juste déballées, encore en attente d’accrochage. Lee Bae (né en 1956) nous attend dans une salle où il est en train d’installer, avec son assistant, une immense sculpture faite de gros morceaux de charbon de bois, masse sombre de matière brute rappelant le hiératisme mystérieux du monolithe de 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. À son arrivée à Paris, en 1990, l’artiste coréen se tourne spontanément vers ce matériau car « il n’est pas cher et possède un lien puissant avec [s]a culture » affirme-t-il. Outre l’évidente corrélation avec l’encre de Chine, il entre dans la tradition coréenne puisqu’on « en place dans les fondations des maisons pour des raisons pratiques, éviter l’humidité et les insectes. Il possède aussi une fonction symbolique. Ainsi, lorsqu’un enfant nait, un morceau de charbon de bois est accroché à la porte. »
Orient / Occident
Florence Guionneau-Joie – qui a travaillé avec Jean-Michel Wilmotte1 au commissariat
de l’exposition – explique qu’au début des années 1990, Lee Bae, à l’instar d’un compositeur comme le japonais Tōru Takemitsu, « évoluait entre art abstrait occidental et codes artistiques asiatiques traditionnels, son travail s’affranchissant progressivement de ces influences ». Ses créations évoquent ainsi à la fois le mouvement Dansaekhwa2 qui vise à l’expression harmonieuse d’un paysage intérieur et certaines réalisations de l’Arte povera. Dans la première salle de l’exposition, plusieurs sculptures faites de morceaux de charbon de bois liés entre eux hésitent entre pesanteur et évanescence : elles ont la semblance de cœurs carbonisés, mais néanmoins irrigués par une puissante pulsation vitale… Peut-être est-ce parce que ces troncs ont été utilisés lors de la cérémonie du Jeongwol Daeboreum – se déroulant le premier jour de pleine lune de l’année – où sont installés de grands bûchers destinés à placer les mois à venir sous le signe de la joie et de la prospérité. Tableaux où la silhouette humaine est présente à l’état de fantôme, installation faite d’une soixantaine de blocs sphériques soigneusement poncés, compositions mini-
malistes faisant écho à l’abstraction géométrique rigoureuse d’un Ellsworth Kelly, “toiles reliefs” où la matière est fixée sur le support formant des paysages kaléidoscopiques craquelés et animés d’une singulière vibration… Le charbon de bois est partout, explicitant un évident rapport entre nature et culture et proposant une réflexion sur le noir qui « contient toutes les couleurs ». Si Pierre Soulages est l’artiste de la lumière par excellence, Lee Bae peut être considéré comme celui du noir.
Abstrait / Figuratif
En 2000, « la présence physique du charbon de bois n’est plus essentielle. Seule son image compte ». L’artiste passe alors à l’acrylique dans d’immenses tableaux en noir et blanc qu’il « considère comme des performances » où il « suspend le temps dans l’espace de la toile ». Pour lui, « le geste est comme la mémoire du corps. Mon existence y est “enregistrée”. Alors, je répète les mouvements comme le pianiste fait ses gammes », explique-t-il. Avant de travailler sur une surface immense, il trace des formes à l’encre de chine sur des feuilles de papier, les duplique encore
et encore, jusqu’à l’automatisme – « ma main doit connaître la forme par cœur » – puis les peint, gigantesques, sur une toile enduite de blanc. Ces structures abstraites et sinueuses invitent à la méditation, à la plongée dans des perspectives intérieures au sein de « zones d’énergie » pleines d’une puissante vitalité. Au premier étage se découvrent des séries de tableaux réalisés avec des agrafes représentant des insectes – la tension univers naturel / monde industriel s’exprime une fois encore avec des matériaux pauvres – et un surprenant cabinet de dessins. S’y trouvent une centaine de représentations hyperréalistes d’un kaki tombé au sol dessiné sous tous les angles possibles. Par la répétition légèrement diffractée d’un motif identique Lee Bae crée un étrange sentiment : lorsqu’on les contemple, le réel s’estompe progressivement, plongeant le visiteur dans un espace onirique, un paysage mental d’une autre essence que ceux des immenses abstractions, mais à la puissance comparable.
Le geste est comme la mémoire du corps. Mon existence y est "enregistrée”. Alors, je répète les mouvements comme le pianiste fait ses gammes
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QAGOMA Photography Collection Queensland Art Gallery, Australia © 2014, Yayoi Kusama Studio Inc
un regard
Par Hervé Lévy
À Bâle, au Musée Tinguely, dans l’exposition Spielobjekte, jusqu’au 11 mai +41 61 681 93 20 www.tinguely.ch www.yayoi-kusama.jp
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the obliteration room de yayoi kusama Au début de l’exposition, l’espace était complètement blanc. Murs, sol, table, chaises, télévision, assiettes, verres, livres… Un appartement de cinglé. Froideur clinique. À croire qu’un personnage de Michael Haneke allait débarquer d’une seconde à l’autre. Et puis le premier visiteur a posé les autocollants que le gardien lui a remis solennellement. Chacun doit coller les siens. Impossible de les emporter en souvenir, le cerbère helvète veille. Des pois de trois tailles différentes bleus, verts, oranges, roses et jaunes. Vierge, l’espace ne
le demeura pas longtemps… À quelques semaines de la clôture de l’exposition Spielobjekte, il ressemble désormais à une joyeuse efflorescence polychrome ornée de dizaines milliers de pois – la marque de fabrique de l’artiste japonaise – comme si les fleurs de Takashi Murakami avaient balancé leur pollen à Bâle dans cette œuvre d’art participative en forme de perpétuel work in progress. Psss, m’sieur le gardien, j’ai réussi à détourner une planche d’autocollants.
Lycée des Pontonniers © Claude Menninger
perspectives impériales Classée au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco depuis 1988, la Grande Île de Strasbourg pourrait bien se voir rejoindre, dans les années à venir, par la Neustadt, actuellement en cours d’inventaire. Promenade le long des rues à l’architecture wilhelminienne du “quartier impérial” bâti entre 1871 et 1918, au cœur d’un ensemble longtemps sous-estimé.
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PROMENADE
Par Raphaël Zimmermann
Immeuble égyptien © Jean Isenmann
À
la fin de la guerre de 1870, la France vaincue est contrainte, par le Traité de Francfort du 10 mai 1871, de céder l’Alsace et une partie de la Lorraine à l’Empire allemand. Le nouveau Reichsland ElsassLothringen est constitué, avec Strasbourg pour capitale. Très éprouvée par un siège de sept semaines au cours duquel un océan de fer de plus de 200 000 obus s’était abattu sur elle, la cité est en piteux état. Le Théâtre municipal et les deux plus importantes bibliothèques, celles du Séminaire protestant et de la Ville (dont les collections étaient rassemblées au Temple neuf) sont détruites, tout comme de nombreux immeubles. Les nouvelles autorités ne souhaitent cependant pas se limiter à relever les ruines, mais ont la ferme volonté de créer une capitale exemplaire et grandiose reflétant leur puissance. Jamais Strasbourg n’aura autant changé qu’entre 1871 et 1918, les surfaces bâties s’accroissant considérablement avec la construction de la Neustadt (ville nouvelle) au nord-est de la vieille ville principalement… Au total, l’aire urbaine est multipliée par trois. Le Plan Conrath (1880) crée deux ensembles urbanistiques profondément imbriqués : un premier, monumental,
fait de bâtiments publics (administrations, lieux du pouvoir politique, espaces culturels et cultuels…) et un second dédié à l’habitat individuel ou collectif. Le projet ne métamorphose pas l’ellipse insulaire en profondeur : seule la “grande percée” amorcée dans les années 1910 viendra modifier le centre historique, détruisant des îlots entiers d’immeubles insalubres. Des mesures similaires sont à l’œuvre dans toutes les villes intégrées au Reich : Metz, Mulhouse ou Colmar voient également leur morphologie urbaine changer en profondeur.
Le pouvoir
Point de jonction entre l’ancienne et la nouvelle ville, la Kaiserplatz (aujourd’hui place de la République), concentre les édifices de prestige et les lieux de pouvoir. Le plus important d’entre eux est le Kaiserpalast (Palais de l’Empereur, désormais Palais du Rhin, qui abrite la Drac et la Commission centrale pour la navigation du Rhin, organisation internationale la plus ancienne au monde). Inaugurée en 1889, l’œuvre de Hermann Eggert est un immense quadrilatère percé de deux cours intérieures où se mêlent références à la renaissance italienne et au baroque
Saint-Pierre-le-Jeune © Claude Menninger
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PROMENADE
germanique. Bel exemple d’éclectisme architectural, il impressionne avec sa façade à bossage, son immense coupole, son escalier monumental et ses étranges putti joufflus se livrant à des travaux agricoles et industriels, prouvant que l’Alsace est une région prospère… grâce aux bienfaits de l’Allemagne. Longtemps, l’édifice cristallisa la défiance avec laquelle la période fut considérée. Ainsi Roland Oberlé le qualifia-t-il, dans L’Alsace au temps du Reichsland, de « pastiche mal proportionné, boursouflé et prétentieux », ajoutant, pour faire bonne mesure, que l’Empire couvrit l’Alsace de « bâtisses lourdes et pompeuses ». Aujourd’hui, le changement de
perspective est total… Sur la place de la République se découvrent d’autres manifestations de cette “architecture politique”, deux bâtiments néo-classiques construits par les architectes August Hartel et Skjold Neckelmann : la Bibliothèque – l’actuelle BNUS, en travaux, dont la réouverture est programmée pour la rentrée – qui se voit très richement dotée, et le Landtag des Reichslandes Elsass-Lothringen (le “parlement”), actuellement occupé par le Théâtre national de Strasbourg. Construite en 1899 dans un style néo-gothique, la Poste centrale (avenue de la Marseillaise) est un autre exemple de cet urbanisme de prestige, tout comme le Palais universitaire (1884) : bâti dans un style néo-Renaissance d’inspiration italienne par Otto Warth, l’édifice élégamment posé sur la place de l’Université fait face au Kaiserpalast dans une perspective au symbolisme évident, le savoir et l’enseignement étant, pour les autorités politiques, un vecteur privilégié de germanisation. Entre références au Palazzo Pompei de Vérone et au Petit Trianon de Versailles, l’édifice, surmonté d’un groupe sculpté figurant Athéna et les Arts – et de la phrase signifiante Litteris et Patriae – séduit. Pour l’anecdote, c’est dans ce bâtiment que s’est tenue la première session du Conseil de l’Europe en 1949.
L’habitat
Détail, rue Sellenick © Claude Menninger
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Si l’on s’éloigne de l’épicentre du pouvoir, se laissent également découvrir le Palais des Fêtes (rue Sellénick) où l’on utilisa pour la première fois le béton armé à Strasbourg, l’Église Saint-Pierre-le-jeune (quai Finkmatt), de style néo-roman, l’École supérieure des Arts décoratifs (rue de l’Académie) première réalisation Art nouveau à Strasbourg (1892) avec sa façade décorée de carreaux de céramique signés Léon Elchinger ou encore la gare. N’oublions pas les Bains municipaux, aujourd’hui un des bâtiments les plus attachants de la ville. Construits dans le cadre d’une politique globale visant à promouvoir l’hygiène, ils sont l’œuvre de Fritz Beblo : érigé entre 1905 et 1908, cet imposant édifice rappelle, avec sa façade en rotonde, les centres thermaux du nord de l’Allemagne. Bains romains, bassins de taille importante pour l’époque (une petite piscine de 17,50 mètres de long et une grande de 24,50 mètres à la décoration très géométrique), saunas… En 1910, l’établissement est un des plus modernes d’Europe. Les avenues et les rues de la Neustadt, peu touchées par les destructions de la Seconde Guerre mondiale, constituent l’un des plus beaux – et sans doute
PROMENADE
Hôtel des Postes © Frantisek Zvardon
le mieux conservé – ensembles d’architecture wilhelminienne en Europe : immeubles de rapport et maisons individuelles sont équipés des commodités les plus modernes de l’époque et l’on découvre, aujourd’hui encore, des panneaux de faïence bleue portant l’inscription Gas in allen Etagen. Stylistiquement, c’est un fascinant patchwork où l’on peut notamment admirer un merveilleux immeuble d’angle Jugendstil (22 rue du Général-de-Castelnau), une folie orientaliste avec une façade égyptienne (10 rue du Général-Rapp), des édifices néo-renaissance (6 rue Pierre-Bucher) ou néo-gothique (21 avenue de la Liberté)… Le mélange est surprenant et pour découvrir ce quartier, il faut s’y perdre, arpenter à pied ou à vélo les avenues rectilignes et les jardins, laisser son œil errer et apercevoir, ici, la délicate efflorescence d’un balcon finement orné ou, là, un buste d’Alsacienne sculpté dans le grès.
la neustadt de A à Z Chaque année, Les Rendez-vous de la Neustadt, événement organisé par la Région Alsace, permettent de donner un aperçu du travail engagé depuis 2010 par ses services (en partenariat avec la Ville et la CUS) dans le cadre de l’inventaire du patrimoine urbain de la Neustadt (prévu pour durer six ans). Au programme, conférences (toute la journée du 23 mai dans la Salle des fêtes du Palais du Rhin avec des thématiques comme “Le patrimoine militaire”) et visites guidées (avec des sujets variés comme “L’Art nouveau autour de l’avenue des Vosges”). Une exposition sera aussi présentée : intitulée Photographies d’intérieurs du service de l’Inventaire, elle permet de pénétrer dans des appartements où se cachent 1 001 richesses (au Palais du Rhin du 23 au 25 mai, puis à la Maison de la Région du 27 mai au 6 juin). Enfin, un excitant jeu de piste est proposé samedi et dimanche grâce à une application spécifique pour Smartphones : des lots (comme un vol en Montgolfière pour quatre personnes) viendront récompenser les enquêteurs les plus perspicaces. Les Rendez-vous de la Neustadt, du 23 au 25 mai Réservations au rdvneustadt@region-alsace.eu 03 88 15 38 31 – www.region-alsace.eu
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GASTRONOscope
Maquereau mariné, radis red meat et jus de groseilles
la nature est bien fête Chaque jour est un Jour de fête avec la cuisine d’Agata Felluga, chef ayant fait ses armes au Chateaubriand, bistrot branché parisien, avant de s’installer à Strasbourg. Entretien jetlagué avec cette adepte d’une cuisine peu sophistiquée. Par Emmanuel Dosda Photos de Christophe Urbain
Jour de fête 6 rue Sainte-Catherine à Strasbourg 03 88 21 10 10
Plat du jour à 14 €, large carte de vins biodynamiques à consommer sur place ou à emporter
Vous revenez de l’étranger pour une raison mystérieuse… J’étais à New York où je participais à un dîner surprise rassemblant une trentaine de chefs internationaux, organisé pour Wylie Dufresne, américain pratiquant la cuisine moléculaire. Pourquoi avoir quitté Rome pour la France ? C’est la façon d’apprendre qui m’attirait le plus : la discipline en cuisine et l’éthique professionnelle. Arrivée à Paris, j’ai eu la chance d’intégrer l’équipe de l’Astrance ou du Chateaubriand. Que reste-t-il d’italien dans votre manière d’aborder l’art culinaire ? En Italie, on privilégie le minimum de manipulations alors que la gastronomie française est plus axée sur la technique et la transformation. Je cherche à travailler le plus localement possible. Hors de question de passer commande : je compose avec les produits qu’on me propose. Et le poisson ? Bien sûr, il ne vient pas d’ici… On me le livre de Saint-Jean-de-Luz. Je fais beaucoup de maquereau : mariné durant 24 heures, c’est délicieux, accompagné avec du kimchi, du chou chinois fermenté dans du yaourt fermier légèrement aigre. Ma réponse à la choucroute !
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On voit émerger une nouvelle génération de jeunes chefs rock’n’roll qui ringardisent les grands cuisiniers old school… Ma génération est riche de l’héritage de Senderens, chez qui j’ai travaillé, ou de Bocuse. Nous ne sommes pas en rupture, mais apportons une nouvelle approche en improvisant d’avantage et en étant plus soucieux quant aux questions environnementales. La “bistronomie”, dont vous êtes une disciple, défend une cuisine simple et accessible. Le fait d’aller au restau ne doit pas être un moment rare et précieux ? J’ai songé à travailler dans un restaurant gastronomique, mais j’aime trop voir mes amis venir manger souvent dans mon établissement. Vous avez étudié l’Histoire de l’art. Quelle œuvre traduit le mieux votre conception de la cuisine ? Une sublime nature morte flamande du Metropolitan représentant un bol qui contient des petits pois et des cerises. Lorsque je dresse mes assiettes, je cherche à ce qu’elles soient le plus esthétiques possible. C’est l’œil qui déguste en premier.
GASTRONOMIE
LA GRANDE
RÉCRÉ
Ah, la cantine de l’école : l’ambiance survoltée, les épinards qu’on déteste, le poisson pané du vendredi. À Nancy, les nostalgiques peuvent rouvrir la porte de leur enfance en franchissant le seuil de La Cantine des Grands, un restaurant comme une Madeleine de Proust. Retour dans les sixties : au mur, un tableau noir et une grande carte de l’histoire de France. Sur les “tables pupitres”, on retrouve les fameux verres Duralex au fond desquels on regardait son âge. À côté, des sacs à goûter remplacent les corbeilles de pain. Les menus sont de véritables bulletins de notes et au sol, une marelle dessinée à la craie blanche parfait le décor. Attention cependant, la ressemblance s’arrête là. Les produits locaux sont frais et cuisinés maison. Le contraste est dans l’assiette : ici la cuisine est savoureuse ! Le délicieux hamburger du chef rappelle que ce n’est tout de même pas si mal d’avoir grandi… Sans parler des tartares de bœuf, de poisson ou des carpaccios qu’on aurait bien aimé déguster au primaire. Studieuse la semaine, La Cantine goûte aux joies d’une ambiance bon enfant le week-end. On y vient en bande, entre amis, en famille et il n’est pas rare de voir voler un ou deux avions en papier. Comme à l’école, on vous dit. (P.B) La Cantine des Grands, 40 avenue du 20e Corps à Nancy. Ouvert du lundi au vendredi. Fermé samedi midi et dimanche. 03 83 20 81 07 – www.restaurant-nancy-lacantine.fr
SCHWARZWALD ÜBER ALLES
Au piano de cet établissement douillet récompensé depuis des années par une Étoile au Guide Michelin, œuvrent de concert Gutbert et Marius Fallert. Animés par une même passion, le père et le fils s’appuient sur une solide base régionale, proposant, à côté de mets comme un Tataki de thon en croûte de poivre, une version gastro’ de certaines spécialités de la Forêt noire et des alentours dans un décor charmant et champêtre so typisch où l’on admire un paysage paisible par de larges baies vitrées. Dans ce restaurant installé dans un hôtel trois étoiles – aux prix fort raisonnables – se dégustent ainsi de délicieuses Asperges du pays de Bade, chapelure au parmesan, jambon Bellota, sauce hollandaise. Pensons également au très traditionnel Ragoût d’agneau avec des légumes et un gratin de pommes de terre ou aux exquises Roulades de bœuf, salade de pommes de terre. (H.L.) Restaurant Fallert, Talstrasse 36 à Sasbachwalden. Ouvert du mercredi au dimanche. Menus de 32 € (au déjeuner) à 74 € +49 7841 628 290 – www.talmuehle.de
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GASTRONOMIE
une pluie d’étoiles Avec l’association entre Cédric Moulot et Olivier Nasti, une nouvelle aventure débute pour le 1741, restaurant strasbourgeois très glamour tout juste honoré d’une Étoile par le Guide Michelin. Par Hervé Lévy
Restaurant 1741, 22 quai des Bateliers à Strasbourg 03 88 35 50 50 www.1741.fr
Fermé le mardi et mercredi, menus de 38 € (au déjeuner) à 130 €
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Voir Poly n°152 ou sur www.poly.fr
Il possède plusieurs établissements à Strasbourg dont Le Tire Bouchon (Bib gourmand au Guide Michelin www.letirebouchon.fr) et Le Meiselocker (www.meiselocker.fr)
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Voir Poly n°144 ou sur www.poly.fr
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L
es bonnes fées se sont penchées sur le berceau du 1741 new style après une première expérience sous la houlette de Thierry Schwartz1 : il y a quelques semaines, on apprenait en effet simultanément que le restaurant situé face au Palais Rohan obtenait sa première Étoile et que Cédric Moulot2, bien connu dans la ville pour son souci constant de la qualité (et son refus corollaire de la malbouffe formatée et conditionnée en sachets qui fleurit comme une mauvaise herbe dans la “restauration” d’aujourd’hui) s’y associait avec le chef Olivier Nasti3. Ce dernier, Meilleur Ouvrier de France, obtenait le même jour sa deuxième Étoile pour Le Chambard, renommé Le 64° en hommage au plat signature de “l’artiste de Kaysersberg”, L’œuf à 64°. L’histoire d’amour avec l’Alsace du natif du Territoire de Belfort se poursuit avec éclat, lui qui ne cesse de questionner les plats et produits emblématiques du terroir dans un exigeant processus de déconstruction / reconstruction visant à en sublimer les saveurs. Il a composé une nouvelle carte pour le 1741 – réalisée par son chef exécutif, le très pro-
metteur trentenaire Guillaume Scheer – en parfaite harmonie avec l’endroit, « la maison de mes rêves, intimiste et sensuelle » pour Cédric Moulot. Le lieu a la semblance d’un dédale délicat fait de plusieurs salons-boudoirs et alcôves ornés avec un goût exquis. Le cadre idéal en somme pour une soirée avec sa belle. Emportés dans le tourbillon raffiné du XVIIIe siècle, l’époque où le mystérieux Cagliostro passa par Strasbourg (1780-1783), on dégustera un jubilatoire Pigeonneau de nid de la ferme Théo Kiffer, oignon blanc confit au citron jus tranché au beurre noisette d’une tendresse ébouriffante ou une Langoustine royale – qui n’usurpe pas son appellation – et yuzu, mousseline carotte citron et choux pak choï. Sur cette carte où pointe le printemps, on craque également pour la précision graphique et gustative du Filet d’anguille fumé légèrement, laqué aux agrumes, fine mousseline de poireaux ou pour l’implacable évidence colorée d’un Chocolat passion, craquant au sésame et sorbet aux fruits de la passion. Le 1741 version 2014 va s’imposer au firmament gastronomique…
FÉE
GASTRONOMIE
VIN BLANC
VERTE Depuis quelques années, l’absinthe est redevenue tendance. Certains rares flacons viennent de Pontarlier, capitale historique de cette boisson délicate. Dernier producteur – à la Belle époque, il y en avait 23 – de la cité franc-comtoise, la distillerie Guy perpétue la tradition depuis plus de 120 ans. Plusieurs fois primés, les deux produits mythiques de la maison, l’Absinthe François Guy (45°) et la Pontissalienne (56°), sont le fruit d’un savoir-faire ancestral.
Les œnologues de la maison Wolfberger proposent leur nouvelle création : un assemblage (secret) de plusieurs cépages nommé Black Papillon (8,30 €). Le résultat ? Un breuvage respectueux des traditions, mais profondément contemporain, renouvelant les codes des vins d’Alsace avec maestria. C’est chic – comme la bouteille à vis et son étiquette – et racé et mérite, avec sa belle longueur en bouche, d’accompagner un plat de saison, comme un risotto aux asperges. www.wolfberger.com L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
www.pontarlier-anis.com L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
VIANDE ROUGE
À Colmar, la maison Geismar est une référence depuis… 1784 ! Boucherie, charcuterie et traiteur, cette vénérable institution a décidé d’organiser une Semaine du pastrami (du 13 au 18 mai). L’occasion de découvrir, à travers de multiples événements, cette spécialité made in NYC, une poitrine de bœuf salée à l’ancienne et épicée puis rôtie au four et sa cousine judéo-alsacienne, le pickelfleisch qui en est à l’origine puisqu’elle avait conquis le Lower East Side à la fin du XIXe siècle. www.geismar-traiteur.fr © Marie Soehnlen / 4 jeudis
LÉGUMES
MULTICOLORES Concombre, asperge, rhubarbe, poireau, lentilles, multiples déclinaisons du chou, betterave… Cette encyclopédie historique et pratique des Légumes d’Alsace de 400 pages est signée par le jardinier et pépiniériste Robert Elger. On y apprend tout des 70 légumes et condiments cultivés dans la région : origine, appellations dialectales, techniques de jardinage, conseils de conservation… Une mine d’informations théoriques et pratiques ! Légumes d’Alsace est paru à La Nuée Bleue (29 €) www.nueebleue.com Poly 167 Mai 14
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LAST BUT NOT LEAST
françoiz breut une femme sans histoire Par Emmanuel Dosda Autoportrait de Françoiz Breut pour Poly
En concert à Montbéliard, aux Bains Douches (en partenariat avec Le Moloco), mercredi 14 mai 03 81 94 16 62 www.mascenenationale.com www.francoizbreut.be
Dernière fois où vous avez eu envie de quitter Bruxelles, ville à laquelle vous avez dédié une Bleuette un peu amère. Quand il y a eu le smog en plein hiver. J’adore Smog (le groupe folk de Bill Callahan, NDLR) et l’hiver à 20° ne me déplait pas non plus, mais Bruxelles est un peu en retard par rapport à la circulation et aux problèmes de pollution… Dernière colère. Les résultats des élections municipales en France. Dernier étranger embrassé. Howe Gelb, après la reprise de Moon River vite fait à Bruxelles en février dernier, à la fin de son concert. Dernier dessin réalisé. Celui que je viens de faire pour mon autoportrait.
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Dernière virée en boîte de nuit. Après mon concert de janvier à Toulouse, des danses folles terminées avec une entorse et une cheville m’empêchant de jouer debout le lendemain matin à Carcassonne et le soir à Arles.
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Il y a d’avantage d’expérimentations musicales dans votre dernier album. Une nouvelle direction que vous prenez. J’espère faire danser les gens un jour… et m’amuser avec tout ce que je peux : samples, jouets, légumes, etc. Après Tarifa ou Dunkerque, dernière ville visitée. Je pars visiter Istanbul, maintenant, avec dans les oreilles une chanteuse turque des années 1970, Selda Bağcan. Dernière fois où vous avez eu affaire à un chirurgien des sentiments. Il y a quelques années, une personne peu fréquentable. Dernier album. La Chirurgie des sentiments 1 , édité par Caramel Beurre salé www.caramelbeurresale.bigcartel.com Dernier livre. Les princesses peureuses2 de Marleen Cappellemans (illustré et raconté par Françoiz Breut), livre / disque édité par Swhs et Mr & Mme éditions.